Notes
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[1]
Témoignage de gratitude : Ce texte est le fruit de nombreuses discussions avec des collègues, parmi lesquels nous remercions tout spécialement : les Professeurs Yves Delmas, Féthi Chébli, Bernard Ulrich, et David Laurain (IUT/Université de Reims-Champagne-Ardenne) ; les Professeurs Philippe Nemo et Franck Bournois (ESCP Europe) ; Claude Roëls (Lycée Louis-le-Grand) ; Yves Evrard, Gilles Laurent, Jean-Pierre Nioche, Bernard Ramanantsoa, Rodolphe Greggio, notre tuteur en doctorat Roland Reitter & notre directeur de thèse Jean-Pierre Détrie (Groupe HEC).
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[2]
En fait l’hypothèse comme outil de pose et résolution d’un problème, date de près de 25 siècles, avant même la fondation de disciplines intellectuelles précises par Aristote.
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[3]
« Les apories de Zénon d’Elée…il prenait une des hypothèses essentielles de la thèse de son adversaire et en tirait des conclusions contradictoires. » (idem, 2003, p. 76-77).
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[4]
Canto-Sperber (Dir.), Philosophie Grecque, Paris, P.U.F., 1998, p. 205. Pour une conception moderne, on verra Ladyman, 2014.
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[5]
« La vertu s’enseigne-t-elle ou non ? Le problème est ainsi posé dès le début avec netteté » (Ménon, 2008, notice par Alfred Croiset, p. 227). Cette édition bilingue fournit le texte de référence en grec.
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[6]
Cette affirmation exprimerait un désir mimétique : il faut démontrer un résultat progressivement, et de façon irréfutable. C’est ce que permet la démarche mathématique.
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[7]
Synthèse des idées de Ménon et de Socrate, la question est examinée ainsi (p. 140).
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[8]
Un exemple simple et actuel est le test du bon fonctionnement d’un interrupteur : ‘Si j’appuie alors la lumière s’allume, si je ré-appuie alors la lumière s’éteint’. A cette double condition seule, je puis dire que l’interrupteur fonctionne bien, qu’il est la cause permanente de la lumière comme de son économie.
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[9]
E.g. Bannock, Baxter & Davis, 2003, Dictionary of Economics, p. 175.
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[10]
De par le lien logique d’implication Hypothèse -> Déduction, seule une invalidation de cette dernière réussit à prouver réellement quelque chose sur la totalité de l’énoncé central (ce que Platon semble avoir parfaitement compris, voir page suivante). C’est la leçon de Karl Popper (1ère éd. 1934, notre édition, 2004). Valider totalement une hypothèse centrale est une autre affaire : « its full, rigorous validation would be extremely difficult and would require many long years » (Savall & Zardet, 2011, p. 122)…et ce résultat ne serait pas forcément plus porteur qu’une bonne réfutation.
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[11]
Un test popperien limite le nombre de points d’interrogation sur un champ de recherche donné. Par quoi les remplace-t-on ? Par de nouvelles hypothèses, dans une recherche évolutive.
-
[12]
Si l’on ajoute 404 (av. J.C., chute d’Athènes) à 1596, il fallut 2000 ANS tout juste pour que naquit René Descartes, « the founder of modern philosophy » (Russell, op. cit., p. 542). L’écart donne une idée du progrès depuis, sur une période 5 fois moins longue.
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[13]
C’est en effet la première mention écrite du mot. Vespucci ne s’étant pas autocélébré.
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[14]
Selon Thomas Kuhn, la science ne nous donne pas tant la Vérité qu’elle nous éloigne de l’erreur simpliste (The Structure of Scientific Revolutions, 2ème éd. 1970, p. 170-172).
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[15]
Larousse du XXème Siècle, Larousse, Paris, tome 2, 1929, p. 794.
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[16]
L’artefact est repris dans Méditations Métaphysiques (notre édition 2006, p. 16 à 20 avec rappels p. 21 et 24 ; soit la fin de la Première Méditation et le début de la Seconde).
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[17]
« The date…should be considered as the birhdate of mathematical finance » (Courtault & al., 2000, p. 341). Ce travail influença durablement Paul-Anthony Samuelson, l’inventeur de l’économie mathématisée : « Reading the thesis changed the course of Samuelson’s work…These methods were passed on to his students » (Bernstein, 2010, cf. page suivante).
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[18]
Une option est au plus simple, un titre qui permet de se procurer -ou bien ne pas se procurer- un autre titre plus cher à une échéance donnée. Leur cotation actuelle dérive des travaux de Black, Scholes & Merton publiés en 1973, avec des résultats proches de ceux obtenus dès 1900 à Paris. On consultera Brealey et al. 2010, p. 534-542.
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[19]
Hormis le fait que le postulat décrit alors au plus près une situation réelle et cruelle. Ce n’est plus une hypothèse indifférente, « position de base » du travail de Bachelier.
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[20]
Samuelson in Bodie, Merton, Thibierge, 2001, p. xix, au sujet de Robert C. Merton.
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[21]
On lira un intéressant résumé in Wikipedia, « Modèle Black-Scholes ».
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[22]
En l’an 13 de notre ère, la Grèce vivait le 400ème anniversaire de la création de cet Institut célèbre (en effet 387+13 = 400). En 2013, l’on aurait pu en célébrer le 24ème centenaire au nom de la Nouvelle Economie du Savoir. Cet évènement, bien sûr considérable, est passé tout-à-fait inaperçu.
Introduction
1La méthode ‘théorético-hypothético-déductive’ est la manière dominante pour fabriquer de la connaissance nouvelle ayant statut de science. Elle est majoritaire aussi en gestion, avec une quantification partielle des items récoltés. Elle est répliquée, en une séquence presque immuable, dans de nombreux articles (ainsi pour l’année 2013 du Strategic Management Journal : Arrègle et al., Seamans...). Elle demeure néanmoins pour le public voire les apprentis-chercheurs, une démarche complexe.
2Est-il possible de l’éclairer par un recours à un legs culturel commun aux scientifiques et aux publics éduqués, qui en montrerait aussi l’ancrage dans une tradition de pensée que l’on devine multi-séculaire [2] ? Oui, car à leur entrejeu se trouve une partie du corps philosophique, et de Platon à Russell, le plus influent qui soit. La formation des jeunes chercheurs et bien des vocations en dépendent.
3Cela ne peut surprendre : Nombreux sont les philosophes qui furent d’influents contributeurs aux sciences ‘exactes’ (Descartes, Leibniz, Poincaré), ou sociales (Auguste Comte), versé dans ses matières (Platon ami des pythagoriciens), ou encore logiciens experts (Aristote, Russell). C’est même un influent philosophe, nous allons le voir, qui signa le tout premier travail d’analyse sur ce qui est peut-être le plus crucial de tous les problèmes de gestion.
4Nous proposons ainsi d’illustrer et fonder historiquement les caractéristiques de la méthode hypothético-déductive, renvoyant à une autre date l’examen de la méthode opposée, ‘empirico-inductive’.
5Deux temps forts seront distingués concernant sa conception et son usage, y compris en gestion :
6- La naissance de la méthode avec la séquence ‘hypothèse-discussion’, dans l’Athènes antique avec Platon et Aristote. Le nom même d’hypothèse nous vient du grec, et quelques pionniers (Zénon, Socrate) en firent un instrument de discussion.
7- La multiplication des hypothèses audacieuses sur le Monde depuis 1450-1500, avec remise en cause des savoirs couramment admis (e.g. Copernic, Galilée, Descartes vs. l’aristotélisme).
8Si l’on considère que René Descartes introduisit peu après l’hypothèse indifférente, pour aider à mettre en modèle une situation complexe, on trouve dès 1637 presque tous les outils pour chercher en gestion. Manquaient encore des branches mathématiques (différentielles, probabilistes) et la puissance du calcul artificiel.
9Pour que le terrain d’application quantifié (défini au sens large depuis Les Economiques d’Aristote) et les outils s’intègrent en une seule recherche, il fallut attendre. La date cruciale fut le 29 mars 1900, avec le tandem Bachelier/Poincaré qui signa non seulement le premier travail scientifique d’analyse financière, mais sans doute aussi la toute première Thèse en gestion.
1 – Naissance de la méthode au cours de l’Antiquité
1.1 – Aux origines de l’hypothèse
Un retour à Athènes
10La plus ancienne source d’écrits montrant une réflexion sur presque l’ensemble des thèmes de la condition humaine, est due au philosophe athénien Platon. Entre la série des premiers dialogues purement critiques, comme l’Alcibiade, et les grandes œuvres mythiques inaugurées par le Gorgias, se trouve un bref opus où Platon aborde une multitude de sujets, liés finalement en un seul.
11Il vise cette fois, à résoudre un problème posé par le contexte de l’époque (défaite d’Athènes conte Sparte en – 404) : Peut-on créer des chefs efficaces et vertueux ?
12L’écrit présente quelques figures dont nous est venu témoignage par d’autres sources. Le Ménon tel est son titre, fut rédigé « entre 390 et 385 av. J.-C. » (Castel, 1999, p. XIII). Si l’on prend le chiffre médian, cela coïncide à l’an près avec la fondation de l’Académie par Platon.
13L’œuvre respecte la forme et le format des dialogues dits ‘socratiques’, mais utilise une arme nouvelle ; ou plutôt un terme et un procédé déjà connus, de manière nouvelle :
14Upo-tesis. Le mot désigne un argument, placé sous un discours humain, pour en assurer un point de départ solide. Une « position-de-base » explique l’influent helléniste, traducteur et spécialiste de Platon, Léon Robin (1940, p. 1322 ; repris en 1999, p. 195). Zénon l’Eléate déjà, fit feu de celle-ci. Mais il en formulait pour aboutir à une gêne, un paradoxe (Brun, 2003) [3] ; afin de contrarier une thèse opposée à celle de l’Ecole d’Elée, non pour obtenir une adhésion par un résultat clair. Socrate pareillement utilisait la feinte et la raillerie, en vue de montrer l’absurde d’une position.
15Chez Platon, la méthode ‘hypothétique’ va servir à construire de façon convaincante et structurée par déductions ; en repoussant les limites du savoir, même si elle ne les élimine évidemment pas.
16Traductrice elle aussi du Ménon, Monique Canto-Sperber qualifie Platon de : « premier philosophe de la connaissance » [4]. Avec l’Athénien, connaître devient un métier, une méthode, un destin.
Le fil général de l’argumentation (« the Menon is a gem», John Stuart Mill, 1963, 1ère éd. 1828, p. 422)
17Jeune archos venu de Thessalie, Ménon de Pharsale questionne d’emblée le vieux Socrate : Peut-on enseigner l’arétè (‘Vertu’ en un sens très fort, ‘excellence’) [5] ?
18Il s’agit pour Ménon d’une vertu de commandement, sur la propriété foncière, dans les affaires, comme à la guerre. Socrate-le-sage déplace subtilement le dia-logos qui commence, et tente de faire définir (et non dés-indéfinir ou progressivement approcher) quelque chose comme la bienveillance universelle, appuyée sur la connaissance de l’Idée suprême de la réalité.
19Le malentendu est total : ambition et réussite terrestre d’un côté, sagesse morale et savoir désintéressé de l’autre. Ménon perd pied, graduellement, à chaque tentative de re-définition. Un torpillage en règle s’ensuit, mais aussi pour la première fois chez Platon l’ajout d’un construit, en deux temps : Une thèse (savoir, c’est retrouver en soi) et…une hypo-thèse.
20Platon débute en rappelant la nécessité pour chacun d’adopter un ethos qui « fait de nous des travailleurs, des chercheurs » (1940, p. 530 ; 1999, p. 140). Puis il énonce, face à la difficulté de la réponse, une option de recherche : « Faute de mieux fais-moi du moins la grâce…d’envisager, en partant d’une hypothèse, la question de savoir si c’est une chose qui s’enseigne [l’arétè], ou qui s’acquiert de toute autre façon. » (1999, p. 147). Il précise : « Or, voici ce que j’entends par ‘en partant d’une hypothèse’ : supposé que [X]…soit dans des conditions telles…, telle conséquence en résulte à mon avis ; et, inversement, une autre conséquence, s’il est impossible qu’il soit dans ce cas. » (idem, p. 148).
21Ajoutons : Cette « qualification d’hypothèse, malgré les dires de Socrate, n’est pas empruntée aux mathématiques. » (Castel, 1999, p. XV) [6]. Ceci encore, pour ce dialogue : « le terme hypothesis y reçoit à la fois le sens, propre aux mathématiciens, de ‘proposition connue par soi’ ou ‘axiome’, et le sens d’une hypothèse dialectique qu’on trouve dans les dialogues socratiques », ainsi que chez Zénon, qui n’aboutit à rien de stable ni de sûr (Follon, 1992, p. 90).
22Il s’agit d’un sens nouveau et d’un procédé novateur (du moins en est-ce le premier exemple connu), cherchant dès son origine la solution d’un problème de ‘science sociale’ posé aujourd’hui encore à la tête des organisations : faire croître cette qualité extrême du Citoyen comme du salarié, celle de chef raisonnable et juste [7].
23L’Athénien est parfaitement au courant de l’enjeu : le procédé expérimental est exposé à nu, en train de se faire dans le Ménon. Toutes les lignes des parties III et IV du dialogue lui sont consacrées (p. 147-159). Le texte n’est ainsi exempt de redites ni de lourdeurs, au souci de la précision. Mais il apporte les éléments primordiaux qui suivent.
1.2 – Le centre de la méthode : supposition générale et déductions partielles
Le côté purement hypothétique de l’argumentation
24- Au fil de l’ouvrage, Platon remet beaucoup de choses en question, mais pas celle-là : « Voilà donc une question de laquelle nous nous serons rapidement débarrassés : si la vertu a tel caractère, elle est une chose qui s’enseigne, mais ne l’est pas, si elle a tel caractère. » (p. 148). Poser une hypothèse est pour ce genre d’interrogation, sans réponse directe possible en raison de sa difficulté, le juste procédé.
25- Platon met en forme l’argument, suivant un cadre universel de causalité. Le lien est posé de la façon suivante :
‘If X -> then Y’ (si…alors)
‘If not X -> then not Y’ (si non…alors non). [1]
27C’est un point fondamental : la supposition (l’hypothèse) d’un lien causal entre deux phénomènes doit être validée de manière positive, mais aussi négative. Ceci pour être raisonnablement sûr que c’est bien le phénomène X qui entraîne le phénomène Y. Inversement si l’on fait disparaître le phénomène X, alors après un temps donné le phénomène Y doit disparaître aussi [8].
28- Tout schéma hypothético-déductif s’inscrit effectivement, et ce n’est pas toujours expliqué, sur un fond de causalité : il suppose que le Réel est cohérent. Telle cause entraîne tel effet, invariablement. Et donc la déduction testée (validée ou invalidée) permet de remonter et de savoir quelque chose de la cause.
29- La causalité cherchée et le résultat obtenu relèvent du général, de la permanence : « si l’on veut que dans cette assertion il y ait quelque chose qui soit de bon aloi, ce doit être maintenant aussi, et aussi dans la suite ! » (p. 152).
30C’est ce qui fait la valeur universelle du lien (au début hypothétique) confirmé ou invalidé : Ces idées « ne seront pas extrêmement précieuses, tant qu’on ne les aura pas liées par un raisonnement causal. » (p. 164).
31Résumons les éléments exposés sur la partie proprement hypothétique de la recherche menée par Platon : Elle est fondée sur l’idée de causalité ; elle vise à établir une causalité permanente ; l’expression de cette causalité se fait selon un double énoncé (positif/négatif), qui ne sera plus discuté dans la suite du texte.
La partie déductive du raisonnement
32- C’est ici que commence l’opérationnalisation de la démarche. Afin de progresser au-delà de [1], il faut trouver au moins un critère, pour déterminer si la Vertu peut s’enseigner/ou pas. En effet, la question première ‘est-ce que la Vertu s’enseigne ?’ est trop large ou trop vague pour être ainsi traitée. Elle est transformée en hypothèse centrale, sous forme de supposition temporaire (double : ‘oui, elle s’enseigne’ ; ‘non, elle ne s‘enseigne pas’ - c’est remarquable !), d’où sont déduits des énoncés plus explicites (e.g. ‘si oui elle s’enseigne, alors la Vertu est un savoir’) ou des suppositions plus étroites.
33Ces énoncés conséquents et pratiques (‘si oui elle s’enseigne alors la Vertu a telle caractéristique’) peuvent être directement éprouvés, rigoureusement ‘testés’. Si l’on n’a rien oublié d’important, on saura ensuite remonter à l’énoncé initial et répondre à la question qu’il contient. Platon, sur la fin du raisonnement, prend d’ailleurs cette précaution : « si toutefois nous avons correctement envisagé la question » (p. 162 ; il n’oublie rien, de fait).
34Sinon il faudra recommencer, non pas en changeant la double hypothèse centrale (ce serait alors une autre recherche) ; mais au plus proche, en reformulant ses énoncés dérivés. C’est d’ailleurs ce que fera Platon sur la fin du dialogue, qui ne se contente pas d’une réponse négative à la question posée (pourtant déjà riche d’enseignements) : « Elle n’a point l’air de l’être » (‘enseignable’, p. 162).
35- En effet, pour faciliter le traitement des énoncés déduits, Platon a proposé -c’est encore une ‘première’- un modèle de l’esprit humain et de son environnement, fondé sur des liens ou relations d’appartenance (p. 149-151). Ce modèle inclut la notion de Savoir, ré-évaluée sur la fin : Il n’est pas seulement connaissance de liens causaux entre existants (épistémè, voir supra) ; il peut être aussi empiriquement fondé (une doxa juste), ce qui fut oublié de la démarche, au dire même de Platon (p. 162).
36Le dialogue se conclut ainsi par un très-moderne ‘further research is needed’ : « Mais le certain là-dessus, nous le saurons le jour où, nous aurons commencé par nous mettre à chercher ce que…» (p. 167). Il ne manque donc rien, y compris le self-examen terminal, pour expliquer la méthode, ses résultats comme ses limites.
37Résumons la partie déductive de l’argument : La Vertu appartient au sur-ensemble de l’Ame (soit ‘V ⊂ A’).
38Mais l’Ame (l’esprit) contient aussi du Savoir (soit ‘S ⊂ A’). Or tout Savoir s’Enseigne ; réciproquement, si quelque chose ne s’enseigne pas, ne peut être enseigné, ceci ne peut être appelé ‘Savoir’ : « rien autre que du savoir ne peut être enseigné à un homme » (p. 148). Ainsi ‘S = E’. En particulier bien sûr : ‘S ⊂ E’.
39Il suffit alors d’établir si ‘V ⊂ S’ (ou bien non) pour formuler transitivement si ‘V ⊂ E’ (ou non). Soit ‘V ⊂ E’, ou bien ‘V ⊄ E’.
40En combinant ces deux éléments avec l’énoncé général [1] (voir supra) le système hypothétique peut être alors, non seulement posé, mais aussi possiblement résolu :
42Intervient ensuite une véritable procédure de test, qui seule permet à cette méthode innovante de franchir le seuil séparant une philosophie abstraite de la science expérimentale [9].
1.3 – Les compléments obligés de l’outil méthodique introduit par Platon : test empirique et revue des savoirs
Le premier test de la nouvelle méthode
43Après la phase hypothétique (mise en forme d’un énoncé théorique double [1]), puis déductive (transformation en libellé opératoire [2]) ; Platon éprouve ce libellé par une rencontre avec la réalité. Si le test est positif, on peut remonter à l’énoncé initial et supposer qu’il est validé [10]. En fait il ne le sera que partiellement, d’où la nécessité de proposer plus d’une modalité de test. C’est précisément ce qu’il advient dans le Ménon.
44Nous sommes ici dans le concret. On se demande, si la Vertu est Savoir : « ne faut-il pas nécessairement des maîtres qui donnent cet enseignement et des élèves qui le reçoivent ? » (p. 152). Les maîtres sont des professionnels, ou bien sont bénévoles.
45- La question des professionnels est rapidement menée. Seuls à s’attribuer ce savoir-faire sont les célèbres sophistes. L‘argument est réfuté de commun accord (p. 153-156).
46- Vient alors l’épreuve sur les non-professionnels : des pères éminents (chefs politiques) qui n’ont, pareillement, réussi à transmettre l’arétè à leur(s) fils. Ce test formel peut être baptisé « 4-6-0 » et même « 5-7-0 » si l’on inclut à titre de validation, un véritable « self-made-man » des affaires, Anthémion dont le fils Anytos fut l’infâme cerveau du complot contre Socrate (p. 152). C’est ce dernier que Socrate interroge, dans une mise en scène plaisante et féroce à la fois.
47Le résultat du test sur les enfants de chefs athéniens est clairement négatif (p. 157-159, tableau I ci-après) : Cinq pères exemplaires, sept fils bien éduqués, aucun chef de quelque valeur.
48Résumons la phase de tests concrets : L’enquête, y compris son récapitulatif (p. 161-162), donne quoiqu’en dise le commentaire qui parle « d’impasse » typiquement socratique (p. 199), des éléments de connaissance autres que négatifs : On aboutit même, grâce au système à double énoncé du début [1], à retenir une hypothèse et non l’autre. Le procédé novateur est légitimé : On sait désormais que le ‘leadership’, contrairement aux savoirs techniques (p. 157-159), ne se transmet pas aisément par une éducation même soignée.
49Ce constat rejoint les débats actuels (lancés par Henry Mintzberg) sur la formation de chefs qui soient de véritables managers et respecte la conception d’une démarche scientifique selon Karl Popper [11]…tout cela dans un essai datant de 24 siècles !
Les chefs les plus éminents et vertueux d’Athènes ont-ils réussi à transmettre cette qualité synthétique à leurs fils ?
Les chefs les plus éminents et vertueux d’Athènes ont-ils réussi à transmettre cette qualité synthétique à leurs fils ?
L’apparition d’une revue des savoirs existants et d’un système d’hypothèses
50- Dix ans après, Platon livrait une autre preuve de sa qualité d’innovateur avec l’idée de discussion théorique préliminaire et celle d’hypothèses multiples.
51Le Parménide, nommé d’après un célèbre penseur éléate, pose la question philosophique sans doute la plus difficile de toutes : « Qu’est-ce que l’Etre » (et peut-on y répondre) ? Le Maître monte alors une machinerie élaborée pour tenter de la résoudre…à moins que cet essai ne soit vain. Le doute existe car ce texte semble « the most enigmatic of Plato’s dialogues » (Rickless, 2011). Mais dans l’histoire des idées sa situation est claire. Jugeons :
52Platon utilise une suite de suppositions de portée plus ou moins générale, discutées une à une. Dans sa traduction-maîtresse, Brisson range ces hypothèses en deux grandes catégories avec quatre dérivées appelées « déductions » (2011, p. 46). On obtient alors : H1 a, b, c, d ; et H2 a, b, c, d.
53Nous avons bien ici un système H1, H2, le plus vieux connu, et les déductions qui vont avec.
54- Pour que la manière’T.H.D.’ soit complète et se distingue pleinement de l’‘Empirico-Inductif’, il manquait encore ceci : la discussion préliminaire du savoir théorique existant (alias revue de littérature).
55Certes Platon, dans le Parménide et autres œuvres, nous instruit non sans biais des écrits de ses rivaux (notamment les sophistes). Mais c’est son célèbre disciple qui fit droit d’aborder une question par un récit des thèses émises chez tous les devanciers : « Selon un procédé cher à Aristote, la Physique commence par un exposé des théories précédentes. » (Brun, 2004, p. 47).
56Dès l’époque, ces revues étaient prises très-sérieusement, à but exhaustif. Bodéüs qualifie Aristote, de « lecteur prodigieux, acharné » (2014, p. XXVIII). Plus généralement, le formalisme académique se met en place avec lui : « He is the first to write like a professor : his treatises are systematic, his discussions are divided into heads, he is a professional teacher » (Russell, 2000, p.174).
57Tous ces efforts se heurtèrent hélas à une réalité : depuis -404, Athènes avait perdu pour toujours son statut de ville indépendante. Aucune autre organisation terrestre ne parvint à la remplacer. Il est classique, depuis Popper et Poincaré, de mettre sous condition de l’audace cognitive celle de la liberté.
58Il fallut deux millénaires pour que naquit en l’an 1596, un Grand Synthétiseur qui couronnerait le renouveau de la pensée (Russell, 2000, p. 542-543) [12]. L’on attendit encore trois siècles pour que toutes ces méthodes soient appliquées au bon endroit et fassent re-naître la Science de Gestion.
2 – Les perfectionnements de la méthode, de la fin du Moyen-Age aux Temps Modernes
2.1 – Le rôle de l’hypothèse dans les Grandes Découvertes
Florence berceau des innovations, de la Cathédrale au Soleil
59Dans la même ville où l’architecte Brunelleschi bâtit une cathédrale sur des principes mathématiques neufs, un étudiant d’origine slave publie vers 1510, en latin et quelques 40 pages, un document qui est une charge contre l’aristotélisme. Le titre en est assez long. Il est connu sous l’abrégé de Commentariolus. Mais ses premiers mots sont De Hypothesibus, et le texte débute par : Petitio, « J’affirme ». Sans véritable preuve, évidemment. De preuve décisive, il n’était pas non plus lorsque fut publié, au soir de sa vie, le livre qui allait donner son sens moderne au mot ‘révolution’ (Kuhn, 1957) : De Revolutionibus Orbium Coelestium, par Nicolas Copernic.
L’hypothèse Amérique
60Florence inspire aussi les marchands. Amerigo Vespucci y vit le jour, dans une famille de notables. De ses voyages il publie plusieurs cartes, dont le Mundus Novus (1504) et ses Lettera. Il y suppose que la nouvelle route vers un continent déjà connu est en fait le chemin d’un Monde Nouveau.
61Son audace est relayée, de façon tout aussi empirique, par Martin Waldseemüller qui à Saint-Dié-des-Vosges en 1507, publie le premier document portant le nom d’« America » [13]. Le Continent n’y est représenté que sous forme d’un moignon, mais cette carte était moins fausse que toutes les précédentes [14].
62Ebranlement du Macro-monde (Cosmos), et du monde-ici-bas (physis), par deux et seulement deux, propositions audacieuses. Sur quelques années, fracturé en un seul point de la carte, l’édifice intellectuel du Moyen-Age, géo- et ethno-centré, allait s’effondrer tout entier. Place dès lors à la Renaissance.
2.2 – L’arrivée discrète de l’hypothèse indifférente avec René Descartes
63Le mot évoque un mouvement, avant tout intellectuel et affectif. Ce qui fut vrai. On n’était pas plus riche en Italie du Nord, en le pays de Loire, que dans les merveilles de l’Orient ; et on vivait moins longtemps. Mais l’on était plus libre. « Plus que tout autre système philosophique, celui de Descartes est une philosophie de la liberté », conclut le Grand Larousse dans l’article qui lui est consacré [15].
64En ses jeunes dialogues, Platon passait le savoir de tous ses hôtes à l’acide socratique. Une chose cependant n’était pas remise en question : le principe de causalité. Dans le Ménon, il fondait même son raisonnement (hypothético-déductif appliqué à un problème social) sur une causalité permanente à double sens.
65Dans son célèbre opus Descartes va plus loin : Il se met d’abord à discourir sur tout (les différentes matières de l’esprit, partie 1 ; les règles pour mieux connaître, partie 2 ; les règles pour se mieux comporter en société, partie 3), puis à douter méthodiquement de tout (partie 4). Vraiment de tout.
66Il crée un modèle à deux éléments : lui et l’univers extérieur (y compris Dieu). Après avoir nié l’ensemble de ce qui existe hors-lui, il s’attaque, comme le font les sceptiques, à ses propres pensées. Mais décider lesquelles sont illusion, lesquelles sont vraies, est une tâche immense. Il introduit alors ce que nous nommerons une hypothèse adjacente et feint d’amener un tiers-élément au système, la possibilité que ses pensées soient fausses (notre édition 1991, p. 103).
67La postérité la nomme, le « malin génie » [16]. Celui-ci est supposé nous duper en tout, nos pensées aussi seraient illusion. Mais c’est quand-même Moi qui pense et doute…nous connaissons la suite.
68Le dubito (hypothèse) -> ergo (déduction), est l’argument le plus connu de cette période. Le « malin génie » apporte une innovation réelle : Au contraire d’une hypothèse de départ, transformée et gardée de bout en bout (nous posons que ‘la vertu des chefs peut s’enseigner’ vs. ‘ou pas’, et l’on voit ce qui arrive), le génie est montré en cours de route et retiré puis oublié dans toute la suite du raisonnement, après avoir bien servi celui-ci.
69Fait notoire, les doctes (Bréhier, Gilson, Koyré, Russell) passent rapidement sur le rôle du ‘facteur g’. Alors que le Cogito, pourtant repris d’un argument de saint Augustin, est célébré, nul ne s’est attardé sur cet échafaudage de l’esprit.
70Il fut décelé pourtant, dans un autre contexte et…265 ans plus tard, par celui qui mériterait d’être distingué comme le nouveau Descartes (mais c’est un autre sujet) : le mathématicien-philosophe, aussi « le dernier grand savant universel », Henri Poincaré.
2.3 – Les trois coups de Poincaré, Bachelier, Samuelson : Hypothèses et naissance de la finance mathématique
Une typologie des hypothèses
71En 1902, avec son premier livre de philosophie, le déjà célèbre Poincaré organisa l’espace occupé par ces poissons-pilotes de la pensée, qui de Platon aux scientifiques modernes permirent de mettre en forme tant d’idées nouvelles. Dans son ultime opus, il y revient sans bouleverser ses vues (notre édition 1963, p. 110-127).
72Nous avons publié sur le sujet un article dans cette même revue en 2013 (n° 97, p. 231-249). Il est résumé par le tableau II ci-après, nourri des éléments dont nous venons de parler ou allons traiter.
73On note un élément crucial : Bachelier et Poincaré vont plus loin que Descartes en introduisant le sous-type d’une hypothèse indifférente qui parcourt la quasi-entièreté de la Recherche (baptisée par nous hypothèse « longitudinale »).
Typologie des hypothèses au sein d’une Recherche, d’après les travaux d’Henri Poincaré
Typologie des hypothèses au sein d’une Recherche, d’après les travaux d’Henri Poincaré
La thèse de Louis Bachelier : l’évolution du prix d’une option
74Lorsqu’on ne peut résoudre un problème selon les items disponibles ou la faiblesse relative de nos méthodes, il reste à le transformer suffisamment jusqu’à ce que l’on puisse le traiter sans le dénaturer. C’est toute la technique, à manier avec tact et l’accord des experts, de l’hypothèse indifférente. Ainsi firent Poincaré et son doctorant Louis Bachelier.
75L’analyse des actions boursières commence véritablement avec Charles Dow, co-fondateur de la firme Dow Jones & Co. en 1882 (Bernstein, 2005).
76Dow connut le succès, entre autres par la mise en recette de deux idées que l’on trouve chez les spéculateurs : la Bourse est généralement haussière (c’est l’équivalent immobile de la ‘ruée vers l’or’) et il faut savoir en faire profit, en vendant juste après la vague la plus haute du marché lors d’une période (ou ‘marée’) donnée (idem).
77C’est cette double assertion haussière/holiste que Louis Bachelier rejeta comme interdisant toute formalisation précise. Il la remplaça par une hypothèse contraire neutre/atomistique. Certes un artifice, mais permettant d’appliquer les mathématiques d’alors. Dans ce cadre non pas ‘plus vrai’ mais plus simple à traiter, il mesure le cours d’une seule action, censé varier de manière indéterminée, sans hausse ni baisse plus probable au cours du temps : Le modèle « supposait les cours boursiers comme des variables aléatoires indépendantes et uniformément distribuées de moyennes nulles [aux différents intervalles de temps], autrement dit, le prix d’une action à un temps donné a autant de chance de monter que de descendre. » (site Mathématiques.net, page « modèle de Bachelier », italique et crochets ajoutés).
78La préface de Samuelson à la thèse réimprimée de Louis Bachelier insiste, à plus d’un siècle d’écart, sur la pertinence de ce choix initial (2006, p. vii-xi).
79En combinant réflexion philosophique et techniques mathématiques, Henri Poincaré et Louis Bachelier posèrent ainsi, le 29 mars 1900, les fondements de la finance moderne [17].
80Simplification radicale mais intelligemment menée d’une réalité hypercomplexe, jeu d’hypothèses, usage de techniques probabilistes, résultats probants parce que testés ; tout y est d’une recherche novatrice et accomplie.
L’apport de Samuelson : prudence dans l’usage des modèles
81Novatrice, elle l’était au point que son intérêt ne fut établi que dans les années 1950. L’histoire de sa redécouverte fut maintes fois relatée (e.g. Bernstein P.L. 2005, Bernstein J. 2010).
82Elle commence avec l’arrivée sur le bureau de Samuelson, d’une carte signée par un statisticien expert, au fait que l’on se penchait alors aux USA sur le problème de la cotation des options sur titres boursiers [18]. Il lui commandait de lire la thèse de Bachelier.
83Dans la préface mentionnée supra, Samuelson traite la question des hypothèses sous-jacentes aux modèles qui permettent leur évaluation. Sans quitter le domaine de l’épistémologie, nous abordons celui de l’économie financière. Nous en dirons ceci, sous le contrôle de nos collègues économistes : Une augmentation durable de la valeur d’un titre boursier est causée par un accroissement du bénéfice réalisé par la firme. Lui-même, à toutes choses égales, ne peut être obtenu que par un gain de productivité (moindres dépenses pour un même output) ou une augmentation perçue de la valeur de ce que la firme produit (innovation)…encore faut-il que ceci ne soit pas dilué par un accroissement proportionné du nombre d’actions.
84Si l’une au moins de ces trois conditions n’est pas actée, on retombe dans l’énoncé d’un certain Jules Regnault en 1853 (Davis et Etheridge, in Bachelier et al., 2006, p. 4), repris et traité mathématiquement par Bachelier [19]. A tout instant il n’existe que deux mouvements possibles pour une action : la hausse et la baisse (quelle que soit la valeur absolue de ces mouvements) et chacun est affecté d’une probabilité égale à 0,5 (idem p. 4).
85En somme dans un jeu boursier pur, s’il est un ou des gagnants, c’est qu’un ou d’autres ont perdu. Les intermédiaires seuls gagnent à chaque fois. Faute de se le rappeler, même un prix Nobel d’économie « Newton de la finance » [20] peut se trouver du côté des perdants.
86Sur un marché montant les risques aussi peuvent être grands : Très utilisée, la méthode « Black-Scholes » pour les titres d’options n’est valide que si quatre hypothèses principales de dynamique des marchés sont vérifiées (Brealey et al., 2010, p. 536, note 12) et de facto plusieurs autres [21].
87Celles-ci peuvent être, ou brutalement devenir, non pertinentes. Samuelson résume l’enjeu crucial de ces supposés de base en un propos clair et accusateur. Il pointe Robert C. Merton et le fiasco de sa firme d’investissement, LTCM : « Perhaps methodologically most interesting-and certainly just that to the great Henri Poincaré, one of Bachelier’s mentors-is the basic puzzle of how deductive mathematics usefully illuminates empirical behavior… Some years ago there was a call option on a certain stock; I will call it Federal Finance…Ribbon clerks and assistant professors at MIT…bought some calls…All money anted up was lost [because ‘Federal Finance’ had secretly but legally put the famous Black-Scholes ‘volatility parameter’ to zero]…Moral: the crucial moment for intuitive traders is the one in which they compel themselves to disbelieve their own clever model…Long Term Capital Management seemingly never reached that crucial moment? » (Samuelson, 2006, p. x-xi, nous avons souligné).
Conclusion
88En l’an 387 avant notre ère était fondée en la cité d’Athènes une de ces Ecoles philosophiques où les riches enfants des classes libres apprenaient à lire, argumenter, et plus largement leur métier d’homme [22].
89Vingt-quatre siècles après la fondation de l’Académie par Platon, autant après l’écriture du premier ouvrage connu fondé sur une séquence ‘hypothèse->déductions->test’, celle-ci est devenue un outil de base en production du savoir nouveau. Voici 120 ans, elle était reprise pour aborder un problème de ce que nous nommons aujourd’hui Sciences de Gestion.
90Il fallut pour cela disposer d’une ressource dont l’espèce humaine est dotée, l’espérons-nous en abondance, même si le solde pour chaque individu est davantage compté : la durée.
91Cette longue maturation nous rappelle, à l’heure des publications au rendement dans le système des Business Schools en voie de conquête planétaire, que la matière fondamentale de la Recherche, plus que l’argent, autant que la liberté, c’est le Temps. Car le temps c’est de la Pensée…Time is Thinking.
Bibliographie
Références bibliographiques
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- Aristoclès, dit’Platon’, Ménon, in Œuvres Complètes, tome III, 2ème partie : Gorgias - Ménon, Les Belles Lettres, Paris, 2008, p. 225-280, traduction et apparat critique d’A. Croiset.
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- Vespucci A.M., et Duviols J.P., Le Nouveau Monde. Les Voyages d’Amerigo Vespucci (1497-1504), Chandeigne, Paris, 2005.
Notes
-
[1]
Témoignage de gratitude : Ce texte est le fruit de nombreuses discussions avec des collègues, parmi lesquels nous remercions tout spécialement : les Professeurs Yves Delmas, Féthi Chébli, Bernard Ulrich, et David Laurain (IUT/Université de Reims-Champagne-Ardenne) ; les Professeurs Philippe Nemo et Franck Bournois (ESCP Europe) ; Claude Roëls (Lycée Louis-le-Grand) ; Yves Evrard, Gilles Laurent, Jean-Pierre Nioche, Bernard Ramanantsoa, Rodolphe Greggio, notre tuteur en doctorat Roland Reitter & notre directeur de thèse Jean-Pierre Détrie (Groupe HEC).
-
[2]
En fait l’hypothèse comme outil de pose et résolution d’un problème, date de près de 25 siècles, avant même la fondation de disciplines intellectuelles précises par Aristote.
-
[3]
« Les apories de Zénon d’Elée…il prenait une des hypothèses essentielles de la thèse de son adversaire et en tirait des conclusions contradictoires. » (idem, 2003, p. 76-77).
-
[4]
Canto-Sperber (Dir.), Philosophie Grecque, Paris, P.U.F., 1998, p. 205. Pour une conception moderne, on verra Ladyman, 2014.
-
[5]
« La vertu s’enseigne-t-elle ou non ? Le problème est ainsi posé dès le début avec netteté » (Ménon, 2008, notice par Alfred Croiset, p. 227). Cette édition bilingue fournit le texte de référence en grec.
-
[6]
Cette affirmation exprimerait un désir mimétique : il faut démontrer un résultat progressivement, et de façon irréfutable. C’est ce que permet la démarche mathématique.
-
[7]
Synthèse des idées de Ménon et de Socrate, la question est examinée ainsi (p. 140).
-
[8]
Un exemple simple et actuel est le test du bon fonctionnement d’un interrupteur : ‘Si j’appuie alors la lumière s’allume, si je ré-appuie alors la lumière s’éteint’. A cette double condition seule, je puis dire que l’interrupteur fonctionne bien, qu’il est la cause permanente de la lumière comme de son économie.
-
[9]
E.g. Bannock, Baxter & Davis, 2003, Dictionary of Economics, p. 175.
-
[10]
De par le lien logique d’implication Hypothèse -> Déduction, seule une invalidation de cette dernière réussit à prouver réellement quelque chose sur la totalité de l’énoncé central (ce que Platon semble avoir parfaitement compris, voir page suivante). C’est la leçon de Karl Popper (1ère éd. 1934, notre édition, 2004). Valider totalement une hypothèse centrale est une autre affaire : « its full, rigorous validation would be extremely difficult and would require many long years » (Savall & Zardet, 2011, p. 122)…et ce résultat ne serait pas forcément plus porteur qu’une bonne réfutation.
-
[11]
Un test popperien limite le nombre de points d’interrogation sur un champ de recherche donné. Par quoi les remplace-t-on ? Par de nouvelles hypothèses, dans une recherche évolutive.
-
[12]
Si l’on ajoute 404 (av. J.C., chute d’Athènes) à 1596, il fallut 2000 ANS tout juste pour que naquit René Descartes, « the founder of modern philosophy » (Russell, op. cit., p. 542). L’écart donne une idée du progrès depuis, sur une période 5 fois moins longue.
-
[13]
C’est en effet la première mention écrite du mot. Vespucci ne s’étant pas autocélébré.
-
[14]
Selon Thomas Kuhn, la science ne nous donne pas tant la Vérité qu’elle nous éloigne de l’erreur simpliste (The Structure of Scientific Revolutions, 2ème éd. 1970, p. 170-172).
-
[15]
Larousse du XXème Siècle, Larousse, Paris, tome 2, 1929, p. 794.
-
[16]
L’artefact est repris dans Méditations Métaphysiques (notre édition 2006, p. 16 à 20 avec rappels p. 21 et 24 ; soit la fin de la Première Méditation et le début de la Seconde).
-
[17]
« The date…should be considered as the birhdate of mathematical finance » (Courtault & al., 2000, p. 341). Ce travail influença durablement Paul-Anthony Samuelson, l’inventeur de l’économie mathématisée : « Reading the thesis changed the course of Samuelson’s work…These methods were passed on to his students » (Bernstein, 2010, cf. page suivante).
-
[18]
Une option est au plus simple, un titre qui permet de se procurer -ou bien ne pas se procurer- un autre titre plus cher à une échéance donnée. Leur cotation actuelle dérive des travaux de Black, Scholes & Merton publiés en 1973, avec des résultats proches de ceux obtenus dès 1900 à Paris. On consultera Brealey et al. 2010, p. 534-542.
-
[19]
Hormis le fait que le postulat décrit alors au plus près une situation réelle et cruelle. Ce n’est plus une hypothèse indifférente, « position de base » du travail de Bachelier.
-
[20]
Samuelson in Bodie, Merton, Thibierge, 2001, p. xix, au sujet de Robert C. Merton.
-
[21]
On lira un intéressant résumé in Wikipedia, « Modèle Black-Scholes ».
-
[22]
En l’an 13 de notre ère, la Grèce vivait le 400ème anniversaire de la création de cet Institut célèbre (en effet 387+13 = 400). En 2013, l’on aurait pu en célébrer le 24ème centenaire au nom de la Nouvelle Economie du Savoir. Cet évènement, bien sûr considérable, est passé tout-à-fait inaperçu.