Couverture de RESG_100

Article de revue

Les facteurs facilitateurs de l'acceptation des Réseaux Sociaux en Entreprise : le cas d'un établissement bancaire français

Pages 97 à 119

Notes

  • [1]
    BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.
  • [2]
    La motivation intrinsèque se réfère au « plaisir » et à la « satisfaction » inhérents à une activité spécifique. Une personne est intrinsèquement motivée lorsqu’elle effectue des activités volontairement et par intérêt pour l’activité elle-même. Quant à la motivation extrinsèque, elle met l’accent sur la réalisation d’un comportement pour atteindre un objectif spécifique (Deci et Ryan, 1985 ; Venkatesh, 1999). Une personne est extrinsèquement motivée lorsqu’elle est poussée à travailler plus en fonction de leur rémunération.
  • [3]
    Selon le responsable maître d’ouvrage « intranet et outils collaboratifs », « une des caractéristiques de ce RSN consiste à offrir aux top-managers une communication plus globale en matière d’information stratégique. Par exemple, ils prennent connaissance des communiqués de presse de leur groupe en avant-première, avant leur diffusion à la presse. Ainsi, ils peuvent y échanger librement entre eux ou avec leurs supérieurs hiérarchiques et y partager leurs idées… ».
  • [4]
    Cette évaluation est située à la phase post-adoption de l’intranet, c’est-à-dire une fois que la technologie est adoptée et utilisée de façon assez régulière par les différents acteurs organisationnels. Nous nous sommes focalisés sur le point de vue des utilisateurs finaux pour modéliser un aspect des multiples facettes et fonctions de la technologie – intranet. Les intranautes sont à la fois les producteurs, les organisateurs et les consommateurs de l’information qui circule sur le système d’information organisationnel. Ils sont les mieux placés pour évaluer une technologie mise à leur disposition.
  • [5]
    Voir annexe p.22-23
  • [6]
    Un double codage a été réalisé en vue d’évaluer la fiabilité de la recherche (Miles et Huberman, 2003). Nous avons ainsi fourni six retranscriptions d’entretien à d’autres chercheurs ainsi la grille de codage sur laquelle chaque code était défini. Le codage s’est avéré fiable à 91 %.
  • [7]
    A travers sa fonction, le maître d’ouvrage stratégique « intranet et outils collaboratifs » assure les missions suivantes : « … organiser le partage d’expériences, coordonner les besoins transverses, organiser la veille et le benchmark et mettre en place des solutions mutualisées ». Autrement dit, il s’agit d’un poste de consultant interne construit autour de quatre axes majeurs : animer et alimenter les équipes en place, capitaliser les expériences, sensibiliser les intranautes et les responsabiliser et assurer la veille aussi bien en interne qu’en externe.
  • [8]
    Comme le souligne le responsable maître d’ouvrage intranet et outils collaboratifs, « il y a un chalenge innovation avec des prix attractifs sur des sujets précis. Il existe une sorte de boîte à idées qui permet de remonter les suggestions et les propositions créatives venant de tous les niveaux hiérarchiques. Ces suggestions ou propositions sont étudiées soigneusement par la cellule de coordination et d’animation et le comité de pilotage. Dans le cas où le projet proposé est intéressant en termes de créativité et d’innovation et permet de créer de la valeur au sein de l’établissement bancaire, il réservera toutes nos attentions. La prime d’innovation peut atteindre 3000 euros. Depuis la mise en place de ce système de motivation, nous avons reçu beaucoup d’idées qui se sont concrétisées et qui ont suscité à la fois la satisfaction de l’intranaute innovateur et de l’établissement bancaire ».

Introduction

1Depuis quelques années, les Réseaux Sociaux Numériques, encore appelés RSN, occupent une place prépondérante sur la scène internationale. En effet, de la campagne de communication de Barack Obama dans les élections présidentielles de 2008 au mouvement mondial des indignés en 2012 en passant par le printemps arabe en fin 2010, ces réseaux ont démontré durant ces évènements leur capacité à réunir, fédérer et même co-produire de l’information. Ils sont dotés d’un potentiel assez élevé en termes de diffusion de l’information et de la mobilisation des acteurs sociaux. Ces capacités sont vivement recherchées par les entreprises s’inscrivant dans un contexte incertain marqué par l’austérité et les restrictions budgétaires. C’est pourquoi plusieurs organisations (publiques et privées) se sont lancées dans une démarche de mise en œuvre de services de réseautage social privé en intranet (avec une ouverture extranet) afin d’améliorer leurs capacités d’innovation, d’adaptabilité et de flexibilité.

2Diverses solutions existent sur le marché pour implanter un Réseau Social en Entreprise (nommés ici RSE) : elles peuvent venir de spécialistes du logiciel (comme IBM Connections, Microsoft SharePoint, entre autres), de professionnels du Customer Relationship Management – CRM (tels que Salesforce Chatter) ou encore de structures spécialisées (par exemple : Jamespot, Bluekixi, BlogSpirit, Yoolink, etc.). La prolifération des articles académiques et professionnels révèle un véritable intérêt pour ce phénomène malgré le retard significatif accusé par la France en termes d’adoption de RSE. Selon une enquête menée au printemps 2012 par serdaLAB, seulement 23 % des organisations françaises ont recours à un RSN interne, parmi lesquelles 72 % l’ont créé il y a moins d’un an, contre 50 % des organisations dans la zone BRICS [1], et encore davantage en Amérique Latine (environ 53 %). Dans le cadre de ce papier, nous aborderons les facteurs contextuels susceptibles de faciliter l’adoption des RSE par les utilisateurs. D’un point de vue managérial, nous nous sommes interrogés sur les mesures à mettre en place par les décideurs (notamment le comité de pilotage « intranet et outils collaboratifs »), pour influencer les croyances et les attitudes des utilisateurs finaux à l’égard du RSN. Autrement dit, de quelle façon les dirigeants d’entreprise impliquent et motivent leurs agents organisationnels dans une démarche de développement d’un RSN ? Dans cette optique, nous avons mené une recherche-action au sein d’un établissement bancaire français, nommé ici « ? ». Cet établissement fait partie des trois piliers de l’industrie bancaire non mutualiste. Il s’articule autour de trois grands métiers diversifiés, à savoir : « réseaux de détail, financements spécialisés et assurances », « banque privée, gestion d’actifs et services aux investisseurs » et « banques de financement et d’investissement ».

3Dans un premier temps, nous présentons le cadre conceptuel de la recherche. Puis, après avoir explicité brièvement le phénomène des RSE, nous abordons les sources de satisfaction des collaborateurs à l’égard de ces plates-formes de réseautage, à savoir : le climat de confiance des utilisateurs et leur degré de motivations. Dans un second temps, nous explicitons la méthodologie et la démarche suivie tout au long de ce travail et les résultats obtenus ainsi que leur discussion. Nous montrons le rôle influant des dispositifs de soutien dans l’acceptation des RSE du point de vue utilisateur final en nous référant à notre terrain de recherche.

1 – Présentation du cadre conceptuel de la recherche

1.1 – Les réseaux sociaux : définition et caractéristiques

4Porté par le développement de plates-formes de réseautage social issues de ce que l’on appelle communément le web 2.0, l’utilisation des RSN se répand de manière exponentielle (Kéfi, 2010). Le terme web 2.0 proposé en 2003 par Dale Dougherti puis repris par Tim O’Reilly (2008) est un concept qui vise à qualifier une étape significative dans l’évolution du web (Azzouz, 2012). Les technologies dites « web 2.0 » sont des outils, supports ou plates-formes axés sur l’aspect humain et non sur le document. Selon Ulmer et al. (2012), elles permettent l’interaction et l’échange entre différents acteurs (internautes dans le cas du Web, intranautes dans les entreprises). Par définition, une communauté est un groupe constitué d’au moins deux individus qui s’influencent mutuellement par des interactions sociales (Forsyth, 1983). Rheingold (1995) est le premier à avoir employé le terme de « communauté virtuelle ». D’après cet auteur, ces communautés ne se distinguent des communautés « traditionnelles » que par le mode de communication et d’échange électronique auxquels elles ont recours. La communauté virtuelle, appelée aussi communauté en ligne, peut être définie comme un groupement d’individus se retrouvant sur une plate-forme électronique afin de communiquer autour de centres d’intérêts ou de pratiques spécifiques. Les individus partagent généralement un ensemble de codes implicites et explicites nécessaires pour le fonctionnement du groupe. Les relations qui les lient se développent et se renforcent avec la confiance créée entre les membres de la communauté. Ces relations peuvent même se transformer en liens émotionnels forts (Lin, 2007). Ces plates-formes sont appelées « réseaux sociaux numériques » (Kéfi, 2010), « sites de communautaires dédiés au réseautage » (Mercier, 2008) ou encore « réseau socio-numérique » (Coutant et Stenger, 2010). Nous pouvons résumer les spécificités communes des plates-formes de réseautage social en trois caractéristiques : la dynamique de leurs contenus, la rapidité des échanges et une relative flexibilité de leur structure (Parameswaran et Whinston, 2008 : 767).

5Les chercheurs et les praticiens n’arrivent pas à s’accorder sur une définition unique de ce qu’est un RSN. Dans le cadre de notre travail, nous définissons le RSE comme un espace de conversation et de relation qui offre de nouvelles perspectives de collaboration et de communication en entreprise. C’est une structure de personnes liées par un intérêt, une activité, des valeurs, des idées communes mais sans que l’ensemble des individus constituant ce réseau se connaissant nécessairement (Balmisse et Ouni, 2009 : 65).

1.2 – Sources de satisfaction des utilisateurs

6L’intention de continuer à utiliser le RSE dépend essentiellement de deux dimensions : d’une part, du niveau de confiance de l’utilisateur que ce soit vis-à-vis de l’environnement social dans lequel il se situe ou vis-à-vis de la technologie elle-même, et d’autre part, de son niveau de motivation qu’il soit intrinsèque ou extrinsèque (Tripp et al., 2011 ; Lakton et McKnigt, 2011 ; Donaldson et Duggan, 2011 ; Azzouz, 2012 ; entre autres).

1.2.1 – Confiance

7La confiance est un concept transversal qui transcende les disciplines. Elle est au cœur de toutes les problématiques relatives à la coopération des hommes et des femmes au sein des organisations (Gratacap et Flanchec, 2011). La confiance est un élément important de la relation interpersonnelle. Elle est généralement associée à la volonté de coopérer et à l’attente de bénéfices tirés de cette coopération. Par définition, la confiance est une croyance mutuelle qu’aucune des parties dans l’échange ne profitera des faiblesses de l’autre (Barney et Hansen, 1994). Selon Reitter et Ramanantsoa (2012 : 85), « la confiance est un état d’esprit. Celui qui l’éprouve par rapport à d’autres agents, organisations ou institutions avec lesquels il interagit pense que ces autres agents, etc., ne vont pas profiter à son détriment de son manque d’information ou de sa faiblesse. Cet état d’esprit favorise la coopération entre les agents et leur engagement dans la tâche à accomplir ». L’opportunisme serait ainsi à l’opposé de la confiance : une action est dite « opportuniste » dans la mesure où elle tire profit de la faiblesse de l’autre.

8Plusieurs travaux de recherche ont mis en évidence le rôle influant de la confiance et des normes subjectives dans la diffusion et la réussite des projets « technologies collaboratives » (Shin, 2008). D’après une étude réalisée par la Pew Internet and American Life Project en 2012, il existe une complémentarité entre le « Social Networking » et la sociabilité traditionnelle. Elle montre également que 41 % des Américains affirment avoir confiance en leurs contacts Facebook, ce qui les pousse à échanger avec leurs réseaux et à développer les relations dans la vie réelle. La confiance interpersonnelle a donc un effet positif sur la continuité d’utilisation du RSN (Tripp et al., 2011). La dimension relative à la confiance perçue dans un site internet a un impact direct sur l’intention de l’utiliser (Hu et Kettinger, 2008) : plus l’internaute a confiance dans la sécurité d’un site, plus il sera amené à s’en servir. Ainsi, en plus de la confiance dans les membres de la communauté virtuelle, les agents organisationnels peuvent faire confiance dans le RSE lui-même, en se référant à huit dimensions constitutives de leur satisfaction vis-à-vis de la plate-forme de réseautage, respectivement : l’utilité des contenus, sa fiabilité, sa complétude, le design du réseau social, sa simplicité d’utilisation, ses qualités techniques, son organisation et la facilité de recherche sur le réseau (Azzouz, 2012).

1.2.2 – Motivation

9Le concept de motivation se rapporte à la volonté de l’individu : « un comportement est motivé quand il est consciemment voulu » (Rojot et Bergman, 1989). L’intention d’utiliser un RSN dans la durée dépend des motivations intrinsèques et extrinsèques des individus (Donaldson et Duggan, 2011). La motivation intrinsèque [2] fait référence à des désirs internes qui sont satisfaits par l’accomplissement de la tâche via le RSN. Quant à la motivation extrinsèque, elle accorde plus d’importance aux récompenses offertes par l’environnement social après l’accomplissement de la tâche qu’au travail lui-même. Autrement dit, c’est le désir d’atteindre un objectif afin d’obtenir par exemple une récompense ou remporter une compétition qui est privilégié (Azzouz, 2012). Selon Venkatesh et Brown (2001), il existe trois sortes de causes responsables de l’action humaine :

  • Les bénéfices utilitaires : ils représentent l’étendue à laquelle l’utilisation d’un RSN permet d’accroître l’efficacité des activités d’un individu (performance quantitative/qualitative). Plus l’individu considère le RSN utile à la création, l’élargissement et la maintenance de son cercle de connaissances (liens sociaux, groupes de référence, etc.), plus il aura tendance à développer une attitude positive à l’égard de ce système ;
  • Les bénéfices sociaux : ils correspondent aux besoins d’un lien communautaire, à l’intérêt de tisser des liens sociaux avec les membres du RSN. Une personne peut intégrer une communauté en ligne par altruisme, pour combler un besoin de sociabilité, de contrôle social, de reconnaissance ou de visibilité, ou encore d’affiliation, ou de lien d’apprentissage ;
  • Les bénéfices hédoniques : ils font référence au potentiel d’évasion en étant membre de la communauté virtuelle. Ces bénéfices sont une forme de stimulation émotive et d’émotions positives qui peuvent être rattachées aux sentiments tels que se sentir bien, prendre plaisir, être content, être enthousiaste, ou même se sentir libre. Les deux auteurs stipulent que les bénéfices utilitaires tout comme les bénéfices sociaux sont des facteurs de motivation extrinsèque alors que les bénéfices hédoniques sont plutôt des facteurs de motivation intrinsèque.

10Les motivations « création des liens » et « maintien de contacts » expliquent fortement l’attitude des intranautes (Chang et Zhu, 2011). Ridings et al. (2002) ont souligné deux motivations personnelles dans le choix des individus à faire partie de communautés virtuelles : il s’agit du désir de partager de l’information et celui de recevoir de l’information. Aller vers les autres, faire partie d’un RSN, recherche d’information, recherche de la convenance (avoir ce que l’individu veut à moindre effort), devenir producteur de contenus sont les cinq principales motivations affichées dans les propos des interviewés. Les RSN sont perçus comme un espace de convergence des motivations professionnelles et personnelles (Aguiton et Cardon, 2007).

2 – Présentation du cas et méthodologie utilisée

2.1 – Présentation du cas

11Les études intersectorielles (Rapport annuel du Capgemini, 2008 ; Observatoire de l’intranet, 2010 ; Azzouz, 2013 ; entre autres) montrent que les banques continuent de jouer un rôle de secteur d’appel pour les TSI. Elles sont le lieu d’investissements importants en matière de TSI (Étude réalisée par le cabinet PSB Research, 2008). Les banques sont considérées comme des archétypes d’organisations prospérant grâce à leur maîtrise du traitement de l’information. Le management des TSI constitue donc une clé essentielle de performance dans les activités bancaires.

12Le projet intranet de l’établissement bancaire « ? » a été initié et chapeauté par la direction SI en 1997 puis en collaboration avec la direction RH à partir de l’année 2000. L’intranet-groupe contient les principales fonctionnalités traditionnelles (messagerie électronique, forums de discussions, T’chats, …) s’ajoutant aux nouveaux services offerts par la génération 2.0 d’intranet (portail groupe, blogs, wikis, flux RSS, tagging, e-room, communautés sociales, …). L’évolution de l’intranet 1.0 vers une génération 2.0 a commencé à partir de l’année 2005 avec la création des premiers wikis et blogs qui ont connu une croissance significative en 2009.

13Par exemple, à la fin de l’année 2008, l’établissement bancaire a déployé une plate-forme de réseautage social regroupant 850 Top managers [3], dont 20 % en France et 80 % à l’étranger. Ce projet, initié par la Direction Communication (DC), est né pour valoriser et outiller le rôle de leader d’opinion ou de relais d’information que joue chaque manager auprès de ses collaborateurs proches. S’inscrivant dans le programme de transformation de la banque, le RSN vise à fédérer les collaborateurs par-delà la diversité des métiers, à favoriser les interactions entre eux et, in fine, à renforcer le développement d’une culture collaborative.

2.2 – Méthodologie utilisée

14Les choix méthodologiques que nous avons effectués tout au long de ce travail sont le résultat d’une réflexion personnelle, mais aussi le fruit de l’interaction avec le contexte dans lequel nous nous sommes trouvés, la prise en compte des travaux de recherche antérieurs ; et les conditions relatives à l’accès aux données primaires et secondaires. Plus globalement, notre étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale portant sur l’évaluation de la réussite des intranets 2.0 : application d’un modèle contextuel d’évaluation multidimensionnelle au sein d’un établissement bancaire français – étude orientée “utilisateur final” [4].

15Dans le cadre de ce papier, nous avons privilégié une approche par entretiens, compte tenu de la richesse des informations qu’ils peuvent nous procurer. Ceux-ci nous ont amené à rencontrer les acteurs sur leur lieu de travail afin de nous rendre compte de la réalité de la situation dans laquelle évoluent ces derniers. Une vingtaine d’interviews ont été recueillis au sein d’un groupe bancaire français (le siège social) durant la période 2008-2011. Ils ont été conduits essentiellement auprès de deux types d’acteurs : les cadres supérieurs et les cadres intermédiaires (ou les managers). Ces acteurs sont en prise directe avec le RSN. Le nom de l’établissement bancaire et des interviewés restent anonymes pour des raisons de confidentialité. Les entretiens sont menés sur la base d’un guide d’entretiens semi-directifs comprenant différents thèmes-questions préalablement élaborés [5]. Les entretiens étaient individuels et de durée variable entre 45 minutes et 1h.30 chacun. L’ensemble de ces entretiens a été enregistré et retranscrit. Les données issues de ces entretiens ont été encodées et triées selon une technique d’analyse qualitative thématique à travers NVivo 9 en suivant les règles de codage de la méthodologie de Miles et Huberman (2003). L’analyse thématique repose sur la codification [6] du texte par thème pour permettre une compréhension en profondeur des représentations et une interprétation synthétique des discours. Nous avons complété cette collecte d’informations par une analyse documentaire. Cette forme de recensement d’informations a été pratiquée en amont des entretiens mais également tout au long de l’immersion. Nous avons eu accès à plus de 100 mails échangés entre les différents acteurs du projet. Cet accès n’aurait pas eu lieu sans l’autorisation du responsable maître d’ouvrage « intranet et outils collaboratifs » [7]. Ce mode de collecte est rarement mis à la disposition d’un chercheur externe. Notre intervention a donné lieu à la formulation d’analyses et de recommandations destinées au comité de pilotage « intranet et outils collaboratifs ». Le chercheur joue ici, en quelque sorte, un rôle d’expert-conseil auprès de l’entreprise tout en poursuivant ses propres objectifs de recherche (Wacheux, 1996).

3 – RSN et gestion des marges de manœuvres

16La problématique de la confiance et de la motivation apparaît dans les propos tenus par les interviewés. Nous avons pu détecter deux perceptions différentes de l’impact de l’utilisation du RSN sur la gestion des marges de manœuvre (autonomie des individus/contrôle des comportements). En effet, les avis des répondants sont divergents :

  • D’une part, certains répondants perçoivent le RSN en tant que système favorisant davantage l’autonomie des managers et de leurs collaborateurs. Ils deviennent plus coopératifs et se sentent reconnus et autonomes. Cette autonomie se traduit par un engagement profond des individus dans leur travail. Elle est nécessaire à la motivation intrinsèque des utilisateurs du RSN. Un usage accru de cette technologie dans un climat riche en autonomie renforce la confiance et la transparence et assure une bonne communication entre les différents acteurs organisationnels. Un tel climat permet au sein de l’établissement bancaire des retours positifs des différents collaborateurs leurs permettant de corriger leurs informations sans risque de sanction ou de jugement de valeur. Ainsi, plus les marges de manœuvre de l’agent organisationnel sont importantes, plus il s’implique dans le développement du RSN et de ses contenus. La confiance semble donc être capitale pour stimuler et renforcer les échanges d’informations et de connaissances entre les membres d’un même réseau. Elle est précurseur aux développements de la motivation individuelle. La confiance repose essentiellement sur deux piliers : institutionnel (autrement dit, confiance dans le RSN lui-même) et interpersonnel (c’est-à-dire, confiance entre les membres avec lesquels s’effectue l’échange) (Lakton et McKnigt, 2011). La confiance réciproque, le respect mutuel, l’esprit d’équipe, le sens de la solidarité, le sentiment d’appartenance à une organisation, constituent des leviers indispensables au développement et au fonctionnement des entreprises et de leurs réseaux (Gratacap et Flanchec, 2011).
  • D’autre part, certains répondants perçoivent le RSN comme un support renforçant le contrôle et la surveillance des comportements des utilisateurs. En effet, le RSN peut être à l’origine d’un changement de la nature du contrôle que le supérieur hiérarchique exerce sur ses subordonnés à travers la visibilité accrue du travail et la traçabilité permise grâce aux textes électroniques échangés. Le recours au RSN peut être justifié par la recherche de traçabilité des échanges avec les autres et de sauvegarde des preuves. Sous cet angle, le RSN peut contribuer à l’instauration d’un climat de crainte et de méfiance entre les personnes. Ce climat est perçu comme un facteur de démotivation qui freine les échanges et entrave la créativité des individus (Azzouz, 2012). Ainsi plus les marges de marges de manœuvre de l’agent organisationnel sont réduites, plus son implication dans le développement du RSN et ses contenus est limitée.

17L’autonomie et le contrôle sont souvent étudiés comme étant deux variables ayant des effets opposés sur la créativité en entreprise. Toutefois, ces deux variables peuvent cohabiter dans l’organisation à travers un dosage adéquat des pratiques managériales relatives à l’autonomie et au contrôle. Ceci suppose que les décideurs et les utilisateurs entretiennent de bonnes relations. Les utilisateurs ne doivent pas se sentir freinés par la peur de perdre leur expertise, par une dilution de leur savoir qui sera communiqué à l’ensemble du réseau social, ou encore par un sentiment de contrôle accru que la hiérarchie peut exercer.

4 – Les dispositifs de soutien

18Dans leur étude, Kwon et Wen (2010) ont montré le rôle significatif des dispositifs de soutien sur l’acceptation des plates-formes de socialisation en ligne. Ces dispositifs correspondent aux différents mécanismes de facilitation mis en place par l’entreprise à travers les responsables chargés de la gouvernance de l’« intranet et outils collaboratifs » et sont exploités par les utilisateurs finaux (Azzouz, 2012). En se référant à notre démarche de recherche, nous avons retenu quatre variables contextuelles – leviers d’action susceptibles d’améliorer l’adoption des RSE : les dispositifs d’assistance, les dispositifs de promotion, les dispositifs de formation, les dispositifs de participation et le soutien social. Ces variables ont été mobilisées en fonction de leur degré d’actionnabilité afin d’agir positivement sur le niveau de confiance des utilisateurs ainsi que leur degré de motivation.

4.1 – Dispositifs d’assistance

19Il s’agit de l’ensemble des conditions facilitatrices entourant l’usage du RSN et permettant de résoudre les difficultés techniques rencontrées par les utilisateurs finaux durant leur travail. Les moyens techniques mis à la disposition des agents organisationnels aident à surmonter les différents blocages dus à des dysfonctionnements du RSN ou à des usages inappropriés de la part des utilisateurs. Parmi les dispositifs d’assistance recommandés, nous pouvons mentionner la mise en place d’une rubrique d’aide sur le site intranet de l’établissement bancaire (FAQ : Frequently Asked Questions). Deux formes d’assistance sont possibles : une virtuelle et l’autre téléphonique. Dans le cas où le blocage persiste, une personne compétente issue du service informatique (ou de la cellule « intranet et outils collaboratifs ») peut intervenir sur place pour résoudre les dysfonctionnements rencontrés. Nous avons participé à la création d’un groupe de discussion traitant les problèmes rencontrés lors de l’utilisation du RSN, afin d’échanger les informations et connaissances entre les utilisateurs. Ce groupe de discussion permet d’alimenter et enrichir la rubrique dédiée aux questions fréquemment posées. Un des problèmes majeurs traité au sein de ce groupe se réfère aux difficultés rencontrées pour accéder aux informations en ligne (Azzouz, 2013). Une grande partie des intranautes interviewés se plaignent de la perte de temps relative à la recherche de l’information dans les divers contenus. En effet, le moteur de recherche disponible dans l’intranet actuel est loin d’être efficace. Nous avons recommandé aux développeurs d’améliorer le mode « recherche avancée » (recherche multicritères, mémorisation des paramètres, …). Tout est question d’équilibre entre la complexité des options et la pertinence des résultats. Il est important que l’utilisateur puisse facilement réajuster sa requête ou en réencoder une nouvelle. Lorsque les résultats sont peu pertinents, les agents organisationnels s’irritent facilement. Il est recommandé de leur offrir des solutions de secours, un lien vers la recherche avancée, des suggestions de synonymes ou de l’assistance directe. Il est préférable de ne pas séparer recherche par mot-clé et recherche par catégorie ; c’est plus judicieux de les intégrer étroitement. Dans cette optique, il est nécessaire d’accélérer le processus d’homogénéisation des supports et des contenus en utilisant les mêmes critères et standards d’indexation.

4.2 – Dispositifs de promotion

20Les dispositifs de promotion correspondent à l’ensemble des actions de communication mises en place autour du RSN dans le but de favoriser sa connaissance auprès des agents organisationnels, son utilisation et son acceptation. Ces dispositifs se réfèrent à la publicité du RSN par le biais de différents canaux de communication (la diffusion de notes internes, la promotion lors des réunions, la diffusion d’une lettre d’informations, …) pour mieux informer les utilisateurs finaux sur son contenu, son actualisation, son développement et du rôle de cette technologie dans l’atteinte des objectifs individuels et organisationnels. Nous avons recommandé de construire un réseau de correspondants se situant dans tous les niveaux hiérarchiques de l’établissement bancaire. Ces relais assurent trois formes de communication complémentaires : la communication sur les changements induits par le RSN, sur les bénéfices de ces changements et sur les évolutions à venir (Azzouz, 2012). Le responsable maître d’ouvrage stratégique « intranet et outils collaboratifs est amené à détecter les acteurs les plus motivés, ceux qui auront fait preuve d’initiatives et seront, à ce titre, susceptibles d’entrainer le groupe dans son sillage (Azzouz, 2014).

4.3 – Dispositifs de formation

21Ces dispositifs peuvent être définis comme le niveau d’instruction spécialisée proposé aux utilisateurs finaux afin d’améliorer leurs connaissances conceptuelles et pratiques, de renforcer leur confiance en soi et d’augmenter leur capacité de maîtrise. En absence d’une formation par l’enseignement, le développement des compétences des agents organisationnels est basé sur la combinaison entre trois formes d’apprentissage :

  • Un apprentissage par analogie : à partir de systèmes déjà connus à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement bancaire, l’utilisateur peut repérer des analogies pour construire sa représentation de la technologie (la standardisation des interfaces de nombreux logiciels et outils collaboratifs favorise ce recours à l’analogie) ;
  • Un apprentissage par l’expérimentation : l’utilisateur apprend, par essais-erreurs, improvisation, …, dans ses interactions avec la technologie et les autres acteurs. Il peut inclure l’acquisition de certaines connaissances tacites mobilisées dans l’action ;
  • Un apprentissage formalisé : l’utilisateur apprend en recourant à des méthodes de formation à distance, en ligne par le biais d’internet et d’intranet. La rubrique d’aide et l’assistance virtuelle sont de véritables ressources interactives de connaissances incarnant les meilleures pratiques du domaine.

22Les utilisateurs finaux perçoivent un système comme plus utile et plus facile à utiliser au fur et à mesure qu’ils acquièrent plus de connaissances et de confiance par le biais de l’expérience directe ou indirecte de l’utilisation de la technologie (Lee et al., 2006). Afin de mieux encadrer ces trois formes d’apprentissage, nous avons recommandé la mise en place d’une structure appelée « centre de compétences » regroupant des experts techniques et fonctionnels pointus dans leurs domaines (El Amrani, 2008 : 85). Concrètement, il s’agit de créer une cellule en charge de la gestion et de la coordination des RSN. C’est une structure d’appui interne englobant différents acteurs organisationnels (décideurs, concepteurs, développeurs, utilisateurs). Elle a comme missions : de suivre l’évolution du RSN (développements, maintenance, changements de version, migrations des données, entre autres), de chercher à coller au plus près aux métiers et de leur apporter une réelle valeur ajoutée (Worrell et al., 2006).

4.4 – Dispositifs de participation

23Ces dispositifs correspondent à l’ensemble des activités effectuées par les utilisateurs finaux. Ces activités peuvent être directes (effectivement réalisées par les utilisateurs) ou indirectes (effectuées par un groupe délégué de l’ensemble des utilisateurs), formelles (via des structures et mécanismes reconnus et institués) ou informelles (prises de contacts improvisées, circuit de communication parallèle), individuelles (effectuées par chaque individu séparément) ou collectives (activités et tâches partagées entre les utilisateurs). La participation des utilisateurs ne se limite pas à la phase de lancement du RSN. Elle concerne également la phase de sa mise en production (étape post-adoption). La direction se doit d’être totalement transparente dans sa démarche de mise en place de son RSN. Elle est invitée à être à l’écoute des différentes parties prenantes afin d’assurer une conduite de changement partagée, voire co-construite à l’image du réseau développé.

24Les travaux de recherche portant sur l’étude de l’« empowerment » montrent les bienfaits pour l’organisation à responsabiliser les salariés et à les faire impliquer dans le processus de changement (Veltz et Zarifian, 1993 ; Wilkinson, 1998). En plaçant l’utilisateur final au cœur du système, l’intranet 2.0 induit de nouvelles postures managériales reflétant le passage progressif d’un intranet descendant (top-down), statique (libre-service) et centralisé, à un intranet bidirectionnel (bottom-up), transversal, décentralisé et interactif (Azzouz, 2012). Selon Damanpour et Aravind (2012 : p. 424), « l’innovation managériale est une nouvelle organisation, un nouveau système administratif, de nouvelles techniques susceptibles de créer de la valeur pour l’organisation qui les adopte ».

4.5 – Soutien social

25La continuité d’utilisation du RSN dépend de deux facteurs contextuels : le soutien social et le partage de l’information (Huang et Lin, 2011). La contagion sociale entre les utilisateurs peut avoir deux sources importantes : la cohésion sociale et l’équivalence structurelles.

  • La cohésion sociale : un acteur qui accepte la technologie et qui partage son expérience personnelle avec ses collègues aura une influence positive et stimulatrice sur l’appropriation des autres membres de l’équipe avec lesquels il a un contact direct et permanent. Cette cohésion dépend de la fréquence de la communication entre l’acteur qui n’a pas encore adopté l’innovation (ego) et celui qui l’a déjà adopté (alter) ;
  • L’équivalence structurelle : elle peut être également une source de contagion sociale dès qu’il existe de la concurrence et de la compétition entre les utilisateurs finaux, notamment entre un acteur qui maîtrise la technologie et adopte le changement et un autre qui est en train de l’apprendre ou qui adopte une position réticente vis-à-vis de la technologie. Le sentiment de concurrence et de compétition pousse « ego » à adopter l’innovation comme « alter ».

26Demander à ses collaborateurs de s’investir dans une « technologie collaborative » requiert une double approche : horizontale et verticale afin de créer un véritable climat de confiance où chaque agent organisationnel, quelque soit son positionnement hiérarchique, peut s’exprimer en toute sincérité sans crainte d’être jugé. En plus de l’influence de l’équipe de travail, le soutien social basé sur la proximité peut être renforcé par l’influence managériale : il s’agit de l’ensemble des mesures développées et adoptées par le supérieur hiérarchique direct et indirect. Elles peuvent prendre plusieurs formes comme les encouragements directs, les directives claires et énergiques, les discussions informelles, donner l’exemple aux autres collaborateurs, etc. L’implication de la Direction permet de créer une dynamique collective qui vise à entretenir un climat de confiance et de responsabilisation.

27Dans le cadre de la démarche « Innovons à tous les étages », l’établissement bancaire ? a mis en place un programme annuel de récompenses destiné aux meilleures innovations dans les catégories suivantes : développement d’activités, nouveaux produits/services, efficacité, satisfaction client externe, satisfaction client interne (autrement dit, l’agent organisationnel), vie au travail, développement durable et bonne pratique. Par exemple, parmi les innovations récompensées, il y a la création d’un site intranet collaboratif dédié à la veille technologique. Il s’agit d’une plate-forme communautaire web 2.0 (RSN), qui fédère l’information et encourage les échanges dans le domaine de la veille et de l’innovation technologique. Avec ce nouvel espace ouvert et participatif, tous les collaborateurs intéressés peuvent désormais s’informer et contribuer à la détection et l’expérimentation des nouvelles opportunités technologiques pour l’établissement bancaire ? [8].

Conclusion

28La mobilisation des « technologies collaboratives » est considérée comme l’une des plus importantes évolutions dans le monde des affaires. Cette recherche offre un cadre de compréhension permettant aux décideurs et aux managers de mieux appréhender le processus d’adoption des RSE. Elle fournit des propositions pratiques qui leurs permettent de cibler leurs actions correctives en agissant sur les facteurs contextuels (autrement dit, les dispositifs de soutien). Ces facteurs sont susceptibles d’influencer les comportements (autrement dit, leur acceptation) et les croyances (autrement dit, leur satisfaction) des utilisateurs vis-à-vis le RSN. La confiance s’avère essentielle au développement des échanges et au maintien des relations interpersonnelles. Elle se situe en amont des intentions comportementales (autrement dit, la motivation). L’établissement bancaire peut générer une intention positive d’utilisation du RSN par leurs employés grâce à des activités de soutien planifiées.

29Il est difficile d’avoir assez de recul sur les impacts réels des RSN sur les comportements des utilisateurs ainsi que le management organisationnel. Le phénomène est relativement récent et les questions plus nombreuses que les réponses. Notre conclusion mérite donc malgré tout d’être relativisée compte tenu de la nature de notre échantillon (taille, composition) et des limites exprimées lors des entretiens. Malgré les apports des RSN en matière de partage d’information et de coordination d’actions collectives qui semblent être très prometteurs, il existe encore une grande part de méfiance provenant des utilisateurs et des décideurs vis-à-vis de la technologie, y compris dans les entreprises où cet outil est déjà présent. L’étude des RSN nous impose alors une prise en compte des enjeux humains et organisationnels pour comprendre des phénomènes complexes et parfois contradictoires (surcharge informationnelle, communicationnelle et cognitive, tensions interpersonnelles, …).

  • Les utilisateurs : basé sur la collaboration et le partage, un projet de RSN est axé autour de l’humain. Les RSN tiennent plus du social que du technique (Parameswaran et Whinston, 2008 : 763). Ce ne sont pas les outils qui sont intrinsèquement innovants mais la façon dont ils sont appropriés par les utilisateurs finaux, en particulier par rapport à la finalité de la technologie initialement envisagées par les concepteurs et les décideurs (DeVaujany, 2005). La réussite des RSN dépend donc des utilisateurs et de leurs modes d’appropriation de la technologie ;
  • Les décideurs : les dirigeants hésitent encore à se lancer dans un projet d’envergure qui peut durer en moyenne neuf mois. Un tel projet est susceptible de bouleverser radicalement les pratiques managériales au sein de l’entreprise. Une étude menée par Nemertes Research en 2009 montre que les entreprises analysées ne savent pas vraiment comment réagir face à l’utilisation des RSN. Cette méfiance est nourrie par l’absence d’une « success story » susceptible de lever les derniers doutes qui planent encore sur les RSE. Ces technologies sont susceptibles de modifier la manière de travailler en équipe : ils font évoluer l’organisation vers une entreprise en réseau. La réussite des applications du web 2.0 repose sur les dimensions organisationnelles et culturelles de l’entreprise (Trkman et Trkman, 2009).

30Pour cela, une étude longitudinale semble être plus appropriée pour répondre à une stratégie de type recherche-action. Elle permettrait de prendre en compte la dimension temporelle. Un élargissement des entretiens à tous les niveaux hiérarchiques et à tous les métiers serait également utile pour mieux comprendre le phénomène observé. « La seule présence sur les lieux ne garantit pas une observation du phénomène. Le chercheur doit être accepté par le groupe et être présent aux moments opportuns. Dans cette optique, la participation à une mission favorise la présence et l’implication » (Wacheux, 1996 : 213). Notre rôle incluait la construction et la mise en place d’un modèle d’évaluation des intranets 2.0 sous la direction du responsable maître d’ouvrage « intranet et outils collaboratifs ». Malgré cette implication forte, notre position fut celle d’un observateur participant passif. Compte tenu de cette limite méthodologique, nous pouvons proposer un autre cadre conceptuel dans lequel nous pouvons traiter notre question centrale. Les RSN sont particulièrement équivoques pour des raisons sociales, organisationnelles et techniques. Le caractère équivoque de cet outil et les aspects relatifs à la construction de sens autour de sa perception et de son utilisation peuvent être appréhendés dans le cadre des théories structurationnistes de la technologie (Orlikowski, 2002) qui trouvent leurs origines dans la théorie de structuration de Giddens (1987). La prise en considération de la complémentarité entre « le contexte organisationnel », « l’individu » et « le RSN » permet aux managers de repenser le management de la créativité en entreprise.

Remerciements

Nous tenons à remercier les deux évaluateurs pour la pertinence de leurs recommandations et remarques constructives. Nous exprimons également notre reconnaissance au responsable maître d’ouvrage stratégique « intranet et outils collaboratifs », qui se reconnaîtra dans cette étude, pour nous avoir facilité l’accès au terrain de recherche et leur étroite collaboration.

Annexe

Guide d’entretien auprès des utilisateurs

tableau im1
Présentation de l’interviewé(e) Service de rattachement Fonction occupée Durée d’occupation de la fonction Durée de présence dans l’établissement Niveau d’étude Description rapide des missions à assurer au quotidien Besoins informationnels liées à la réalisation des missions Usage des RSN Première utilisation des RSN Les évolutions notées depuis la première utilisation Régularité d’usage Contenus visités ou utilisés Connaissances des contenus et des fonctionnalités disponibles Habitudes lors de l’utilisation des RSN Manière de les utiliser Les motivations qui vous poussent à utiliser les RSN Complémentarité avec les autres canaux d’information et de communication Impressions sur les RSN Les sources de satisfactions et/ou d’insatisfactions à l’égard des RSN Les raisons de ces satisfactions et/ou insatisfactions Jugement sur leurs éléments constitutifs Projet-RSE Les raisons d’adoption des RSN Objectifs et orientations Participation au projet Implication lors de la mise en place et le développement des RSN Sensibilisation aux RSN (collègues, supérieurs) Politique de soutien aux RSN (newsletter, publication, etc.) Continuité d’utilisation du RSN Intention d’utiliser les RSN dans le futur Pourquoi ? Conclusion & ouverture Attentes et besoins actuels Évolutions souhaitées

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.
  • [2]
    La motivation intrinsèque se réfère au « plaisir » et à la « satisfaction » inhérents à une activité spécifique. Une personne est intrinsèquement motivée lorsqu’elle effectue des activités volontairement et par intérêt pour l’activité elle-même. Quant à la motivation extrinsèque, elle met l’accent sur la réalisation d’un comportement pour atteindre un objectif spécifique (Deci et Ryan, 1985 ; Venkatesh, 1999). Une personne est extrinsèquement motivée lorsqu’elle est poussée à travailler plus en fonction de leur rémunération.
  • [3]
    Selon le responsable maître d’ouvrage « intranet et outils collaboratifs », « une des caractéristiques de ce RSN consiste à offrir aux top-managers une communication plus globale en matière d’information stratégique. Par exemple, ils prennent connaissance des communiqués de presse de leur groupe en avant-première, avant leur diffusion à la presse. Ainsi, ils peuvent y échanger librement entre eux ou avec leurs supérieurs hiérarchiques et y partager leurs idées… ».
  • [4]
    Cette évaluation est située à la phase post-adoption de l’intranet, c’est-à-dire une fois que la technologie est adoptée et utilisée de façon assez régulière par les différents acteurs organisationnels. Nous nous sommes focalisés sur le point de vue des utilisateurs finaux pour modéliser un aspect des multiples facettes et fonctions de la technologie – intranet. Les intranautes sont à la fois les producteurs, les organisateurs et les consommateurs de l’information qui circule sur le système d’information organisationnel. Ils sont les mieux placés pour évaluer une technologie mise à leur disposition.
  • [5]
    Voir annexe p.22-23
  • [6]
    Un double codage a été réalisé en vue d’évaluer la fiabilité de la recherche (Miles et Huberman, 2003). Nous avons ainsi fourni six retranscriptions d’entretien à d’autres chercheurs ainsi la grille de codage sur laquelle chaque code était défini. Le codage s’est avéré fiable à 91 %.
  • [7]
    A travers sa fonction, le maître d’ouvrage stratégique « intranet et outils collaboratifs » assure les missions suivantes : « … organiser le partage d’expériences, coordonner les besoins transverses, organiser la veille et le benchmark et mettre en place des solutions mutualisées ». Autrement dit, il s’agit d’un poste de consultant interne construit autour de quatre axes majeurs : animer et alimenter les équipes en place, capitaliser les expériences, sensibiliser les intranautes et les responsabiliser et assurer la veille aussi bien en interne qu’en externe.
  • [8]
    Comme le souligne le responsable maître d’ouvrage intranet et outils collaboratifs, « il y a un chalenge innovation avec des prix attractifs sur des sujets précis. Il existe une sorte de boîte à idées qui permet de remonter les suggestions et les propositions créatives venant de tous les niveaux hiérarchiques. Ces suggestions ou propositions sont étudiées soigneusement par la cellule de coordination et d’animation et le comité de pilotage. Dans le cas où le projet proposé est intéressant en termes de créativité et d’innovation et permet de créer de la valeur au sein de l’établissement bancaire, il réservera toutes nos attentions. La prime d’innovation peut atteindre 3000 euros. Depuis la mise en place de ce système de motivation, nous avons reçu beaucoup d’idées qui se sont concrétisées et qui ont suscité à la fois la satisfaction de l’intranaute innovateur et de l’établissement bancaire ».
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