Couverture de RERU_192

Article de revue

Une approche novatrice du marché du travail urbain de Bogota : le prisme de la qualité de l’emploi

Pages 283 à 316

Notes

  • [1]
    La définition de l’économie informelle retenue dans cet article repose sur celle établie par l’Oit en 2003. Elle repose sur deux piliers que sont les activités informelles d’une part et l’emploi informel d’autre part. Les activités informelles sont définies comme étant celles menées au sein de petites entreprises comptant moins de cinq employés, non enregistrées officiellement et ne tenant pas de comptabilité écrite. L’emploi informel est défini comme étant l’emploi sans contrat ou non protégé socialement, au sein d’entreprises formelles ou informelles (Hussmanns, 2004).
  • [2]
    Certaines activités du bâtiment ou manufacturières constituent des exemples frappants de la prospérité de certaines activités informelles. Par ailleurs, la variété des formes de mises au travail au sein des activités informelles va bien au-delà de la dichotomie préétablie par les approches dualistes.
  • [3]
    Cette approche, principalement portée par l’Oit, l’est aussi par le Statistical Committee of the United Nations, par le biais du « groupe de Delhi » formé en 1997.
  • [4]
    Dans la mesure où le premier axe peut faire preuve d’un important pouvoir de synthèse, captant la majorité de l’information statistique pertinente, dans le cas de l’Acm, nous utilisons la méthode de Greenacre (1993).
  • [5]
    Afin de créer la partition la plus pertinente possible sur une variable quantitative, la technique d'optimisation à mettre en œuvre reste assez complexe et a longtemps fait débat dans la littérature. Toutefois, dans divers champs disciplinaires la méthode de Fisher demeure une réponse adaptée à cette difficulté en raison de son efficacité et sa rapidité de calcul comparée aux autres méthodes envisageables (Fournier et al., 2007).
  • [6]
    Estimations obtenues à partir du dernier recensement réalisé entre 2005 et 2006 (Sdp, 2013).
  • [7]
    Ce système a été généralisé par les lois 142 (1994) et 732 (2002). Les services municipaux considérés sont : la consommation d’eau, la consommation électrique et le ramassage des ordures.
  • [8]
    L’important pouvoir de synthèse du premier axe factoriel, captant plus de 73 % de l’information statistique multidimensionnelle pertinente, nous permet de considérer ce premier facteur comme un bon résumé de la Qde à Bogota. Notre analyse sera de fait essentiellement unidimensionnelle et elle opposera les emplois de « faible » qualité, du côté des valeurs négatives du premier axe factoriel, aux emplois de « bonne » qualité du côté des valeurs positives de l’axe.

- 1 - Introduction

1L’urbanisation croissante et les mutations politiques en œuvre depuis les années 1980 dans les pays en développement (ped) ont considérablement complexifié la caractérisation du marché du travail urbain. Il demeure pourtant indispensable d’appréhender correctement cette sphère sociale afin de garantir l’efficacité des politiques publiques de l’emploi. Plusieurs concepts statistiques ont tenté, avec plus ou moins de réussite, de prendre en compte l’extrême complexité des institutions du marché du travail. À ce titre, en Amérique latine, le taux de chômage demeure incontournable tout en faisant l’objet de vives critiques. En effet, comment parler des chômeurs en l’absence de système d’assurance-chômage et/ou d’institution de gestion de la main d’œuvre (Burchell et al., 2014) ? Face à ce biais d’analyse systématique, de nombreuses études en sciences sociales se sont penchées sur le développement de concepts statistiques originaux visant à mieux capter les logiques spécifiques de l’emploi dans les Ped. En ce sens, la notion d’informalité, lancée par le travail fondateur de Hart (1973) et par l’Organisation Internationale du Travail (Oit), a longtemps fait figure de solution appropriée aux difficultés précédemment évoquées.

2Pourtant, la distinction traditionnelle entre économie formelle et informelle [1] a été depuis largement critiquée, se révélant incapable d’appréhender correctement les récentes évolutions de l’emploi provoquées par les vagues successives de dérégulation dans les Ped (Floro et Messier, 2011). L’hétérogénéité des activités informelles (Günther et Launov, 2012 ; Radchenko, 2014), leur caractère « choisi » ou « subi » (Perry et al., 2007), l’existence de liens de subordination entre entreprises informelles et formelles (Arimah, 2001), la volonté de s’affranchir des coûts non salariaux (Maloney, 2004), l’accroissement de l’informalisation des contrats de travail au sein des entreprises du secteur moderne (Tokman, 2007), l’appauvrissement des protections octroyées par les législations du travail (Galli et Kucera, 2004) ou encore les approximations statistiques et la faible fiabilité des données (Narayana, 2006) constituent une liste non-exhaustive des limites du concept d’informalité. Après quarante ans de débats, les mots de Hart lui-même (2006 : 27) : « when most of the economy is “informal”, the usefulness of this category becomes questionable » résonnent comme un constat de la faiblesse de cette notion. De fait, comment considérer les dynamiques traversant les marchés du travail urbain, et plus précisément comment mesurer l’emploi dans les pays en développement, sans s’en remettre à ces typologies déficientes ?

3Kucera et Roncolato (2008) ont proposé une approche pertinente afin appréhender la multiplicité des formes d’emploi. En se basant sur l’idée de travail décent formulée en 1999, ces auteurs ont réactivé le concept de qualité de l’emploi (Qde) afin de dépasser l’opposition sémantique entre formalité et informalité et tenir compte du continuum existant entre ces deux formes d’emploi. Le retour sur le devant de la scène de cette approche par la qualité des emplois repose sur sa capacité à embrasser simultanément six dimensions fondamentales : le niveau de revenu, les conditions de travail, la sécurité et le statut légal de l’emploi, l’existence de droits syndicaux, la possibilité de concilier vie familiale et vie professionnelle et la satisfaction tirée de son activité (Guergoat-Larivière et Marchand, 2012). Cependant, bien que la formalisation d’indices de qde apparaisse en ce sens nécessaire, peu de travaux ont été menés sur la mesure effective de la qualité de l’emploi et la littérature sur le sujet demeure très diversifiée et éparpillée entre les publications académiques et institutionnelles (Huneeus et al., 2015 ; Sehnbruch et al., 2015).

4Ce papier se propose donc de construire un indice multidimensionnel de la qualité de l’emploi sur le marché du travail urbain de Bogota. Il utilise pour ce faire les données individuelles issues de l’enquête Great Integrated Household Survey (gihs) de 2013. Un tel indicateur est susceptible d’être particulièrement pertinent pour observer la variété des institutions et des pratiques d’emploi au niveau microéconomique. Ce papier offre ainsi des résultats originaux et propose une triple contribution aux recherches sur les marchés du travail en Amérique latine.

5Tout d’abord, une méthodologie originale fondée sur l’Analyse des Correspondances Multiples (Acm) est proposée afin de construire un indice multidimensionnel et contextualisé de Qde, sur la base de treize variables correspondant aux six dimensions évoquées plus haut. L’utilisation de cette méthode permet de dépasser les limites posées par les indices simples ou synthétiques utilisés dans les travaux antérieurs (Acemoglu, 2001 ; Floro et Messier, 2011), et ainsi de saisir avec plus de précision la complexité s’exprimant sur le marché du travail à travers un nouvel outcome socioéconomique. Ensuite, la description minutieuse de la distribution de cet indice à Bogota permet de mettre en valeur sa capacité à transcender les typologies usuelles d’analyse du marché du travail et de préciser la pertinence du concept de qualité de l’emploi dans les Ped. En particulier, nous montrons qu’une faible qualité de l’emploi ne se limite pas nécessairement à l’économie informelle et encore moins au statut de travailleur pour compte propre. Enfin, la construction de groupes d’individus en fonction de la qualité de leurs emplois révèle l’importance de certains facteurs sociaux, tels que la strate socioéconomique ou le niveau d’éducation dans l’accès aux groupes d’emplois de meilleure qualité à Bogota.

6Ce travail est organisé comme suit. La Section 2 propose un survey critique de la littérature sur les faiblesses conceptuelles des analyses des marchés du travail des ped depuis les années 1970. La Section 3 montre en quoi le concept de qualité de l’emploi peut constituer un instrument majeur pour l’analyse de l’emploi dans les ped. La Section 4 décrit la méthodologie mise en œuvre pour construire un indicateur multidimensionnel pertinent de la qualité de l’emploi dans ce contexte. La Section 5 présente les données et décrit les spécificités du contexte socioéconomique de Bogota. Enfin, les résultats empiriques sont discutés dans la Section 6.

- 2 - Les insuffisances des typologies usuelles du marché du travail dans le contexte des Ped

7La revue des différentes approches conceptualisant la notion d’informalité que propose cette section pousse à conclure que ce concept est très large dans sa définition et finalement peu pertinent pour appréhender clairement le marché du travail dans les Ped.

8Longtemps considérés comme des travaux pionniers en matière d’analyse des spécificités du marché du travail des Ped, l’article de Hart (1973) et la mission lancée au Kenya en 1972 par l’Oit apportèrent les premières pierres à l’approche dualiste (Portes et Schauffler, 1993). D’une part, la notion d’informalité remettait en question l’idée même de chômage en mettant à jour les capacités autonomes du marché du travail à produire les ressources nécessaires aux besoins d’une nouvelle population urbaine affluant sous l’effet de l’exode rural (Hart, 1973). D’autre part, l’idée de dualisme du marché du travail, pour l’Oit comme pour la Commission Économique pour l’Amérique Latine (Cepal), distinguait initialement un segment formel productif, doté d’un contenu technologique important, caractérisé par l’existence de fortes barrières à l’entrée en termes de capital pour les entrepreneurs et de compétences pour les employés, d’un secteur informel regroupant de petites activités familiales à la production erratique, sans processus d’accumulation, et se contentant d’assurer la survie de ménages pauvres en l’absence de filet de protection sociale (Sethuraman, 1976 ; Peattie, 1980).

9Au cours des années 1980, le changement de paradigme dominant poussa les économistes à construire une approche utilitariste de l’existence et de la prolifération des petites activités informelles. Réunis autour du péruvien De Soto et de l’Institute for Liberty and Democracy, les légalistes définirent l’informel comme une réponse « populaire » et « spontanée » à l’excès de régulation étatique (De Soto, 1994). L’idée majeure était alors que les Ped entretenaient un système « mercantiliste » en formant des barrières légales permettant de préserver les privilèges sociaux de certaines élites locales. Ainsi, l’ensemble des activités informelles construites en marge de ce système traduisait une « éruption des forces réelles du marché » dont les petits entrepreneurs étaient alors les acteurs essentiels et le moteur principal (Portes et Schauffler, 1993 : 40).

10Malgré quelques efforts de synthèse, les deux approches furent très largement critiquées par l’école structuraliste au début des années 1990 (Portes et Schauffler, 1993 : 45-47). D’une part, en considérant l’informalité comme un strict processus d’exclusion, les dualistes négligeaient sa grande hétérogénéité interne et ses dynamiques propres [2] au sein des régimes capitalistes des Ped. D’autre part, l’approche légaliste refusait de considérer l’encastrement social de toutes les activités, formelles ou informelles (Portes et Haller, 2005), et convergeait paradoxalement vers les résultats de l’approche dualiste en validant l’existence de « travailleurs intégrés » (insiders) et de « travailleurs exclus » (outsiders) sur le marché du travail.

11En considérant l’économie informelle du point de vue de ses fonctions, le structuralisme identifiait des relations économiques de subordination visant à répondre à la recherche de faibles coûts de production émanant du secteur moderne et aux besoins de services provenant des classes moyennes et aisées, tirant ainsi avantage de leur position dans la hiérarchie sociale (Portes et Hoffman, 2003). Plusieurs mécanismes propres aux régimes capitalistes des Ped étaient alors identifiés, parmi lesquels l’informalisation des contrats de travail au sein du secteur formel (secteur privé et public), permettant la maximisation des profits par un abaissement des coûts salariaux et non salariaux (Hart, 2006). Plus précisément encore, Portes et al. (1989) démontrèrent l’hétérogénéité des pratiques d’emploi informel et établirent une typologie en trois classes : les activités de subsistance, les activités subordonnées aux activités formelles et les entreprises autonomes disposant de technologies modernes et de capacités d’accumulation. En Malaisie comme au Costa Rica, Fields (1990 : 65-68) fit un constat similaire sur la grande diversité des activités de ce secteur. Il ajouta qu’au sein de cette masse d’informels coexistaient un segment de subsistance sans « barrières à l’entrée » et un segment « supérieur », « choisi », dans lequel les situations matérielles apparaissaient « préférables au statut d’employé formel ».

12Au terme de vingt ans de travaux et de débats, la complexité des faits dépassait les capacités explicatives des concepts existants, et l’analyse des marchés du travail des Ped en devint assez insatisfaisante pour nombre de chercheurs (Mead et Morrisson, 1996). Face à cette impasse conceptuelle, deux organisations internationales distinctes tentent de revisiter ces caractérisations depuis le début des années 2000. Elles s’opposent alors en reformulant le débat entre dualistes et légalistes tout en reconnaissant l’existence d’un continuum entre les emplois informels et formels.

13Pour sa part, l’Oit offre une approche synthétique mixant les définitions canoniques de l’informalité avec une vision normative orientée vers la protection des travailleurs. Deux approches sont alors combinées : l’une par l’unité de production informelle et l’autre par l’emploi informel [3]. Ce changement majeur, adopté lors de la 91e Conférence Internationale du Travail (Cit), reconnait toute la complexité des pratiques d’emploi au sein et en dehors du secteur informel. Tout en réaffirmant le caractère dynamique des activités non déclarées, l’Oit considère depuis la vulnérabilité de tous les travailleurs « informalisés », quel que soit leur lieu d’exercice et leur statut (Tokman, 2007). Les acteurs de l’économie informelle, petits entrepreneurs ou employés, sont ceux qui se situent en dehors du champ d’action des systèmes de protection sociale, de la réglementation du travail, des droits syndicaux et de la sécurité au travail (Hussmanns, 2004).

14De son côté, l’approche de la Banque mondiale conforte l’intuition de Fields d’un partage de l’informel en deux sous-ensembles. Pour cette organisation internationale, les individus appartenant au « segment supérieur » de l’informalité font le « choix » de celle-ci, ce qui n’exclue pas nécessairement l’existence à la marge de travailleurs précaires (Perry et al., 2007). Sans se poser la question du processus massif d’informalisation ayant conduit à leur apparition, Cunningham et Maloney (2001) s’intéressent aux petites activités informelles mexicaines dont seulement 20 % sont considérées comme vulnérables. Ils établissent une typologie en cinq groupes d’entrepreneurs informels dont les dynamiques apparaissent meilleures que celles des employés ou des petites entreprises formels. Cette approche « néo-légaliste » se concentre tout particulièrement sur la razón de ser (la raison d’être) de ces activités, dont les déterminants semblent alors cruciaux en matière de politique publique. Contrairement au légalisme « historique », l’origine du choix de l’informalité ne réside plus dans les coûts de la formalisation, mais dans la faiblesse des bénéfices non salariaux attendus d’un État-providence désorganisé et inefficace (Maloney, 1999). Dans un tel contexte, l’informalité est envisagée comme le résultat d’un arbitrage utilitariste d’acteurs minimisant leurs coûts non salariaux tout en maximisant leur bien-être dans l’informel (Maloney, 2004).

15Bien qu’elles reconnaissent l’une et l’autre l’hétérogénéité interne de l’informel et sa continuité avec l’économie formelle, la Banque mondiale et l’Oit s’opposent fermement sur la question de savoir si les travailleurs informels sont majoritairement volontaires et correctement protégés ou exclus des emplois formels et vulnérables. Kucera et Roncolato (2008) apportent des éléments de réponse au travers d’une critique de l’approche « néo-légaliste ». En premier lieu, ils rejoignent les doutes de Fields concernant les résultats de Maloney (2004) et montrent que la prévalence d’un « segment supérieur » de l’informel (informalité par « choix ») ne peut être démontrée que dans les plus développés des Ped, mais ne se vérifie pas ailleurs. Ils font également apparaître, sur la base d’un ensemble de résultats empiriques, une relation entre le processus de développement et l’émergence d’attentes fortes concernant les systèmes de protection sociale. Enfin, ils maintiennent que la promotion des institutions et des réglementations sur le marché du travail conduisent à une réduction de l’emploi informel tout en développant la qualité générale des emplois considérés.

16Dans les dix dernières années, la majorité des études ont délaissé ces débats conceptuels autour de cette notion pour s’intéresser aux poids relatifs et aux déterminants des deux « segments » (par « choix » et par « exclusion ») qui opèrent de concert au sein de l’économie informelle (Fields, 2011). Ainsi, Gurtoo et Williams (2009) démontrent la prédominance d’une informalité volontaire pour les deux tiers des entrepreneurs indiens de leur échantillon. Günther et Launov (2012) font apparaître une légère supériorité de l’informalité par choix chez les indépendants informels en Côte d’Ivoire. D’un autre côté, Gindling et Newhouse (2014) notent que seuls 7 à 34 % des travailleurs à compte propre peuvent être considérés comme étant dans une situation viable. Enfin, Paulson et Townsend (2004) indiquent que la logique de subsistance domine lorsque les entrepreneurs lancent leurs activités informelles en période de crise, mais qu’une logique opportuniste de l’informalité domine lors des épisodes de croissance.

17Après plus de quarante ans de controverses et de critiques sur les problématiques du marché du travail urbain dans les Ped, aucune question n’est vraiment résolue. L’opposition sémantique entre informalité et formalité semble inefficace et au mieux inappropriée pour embrasser correctement la réalité des Ped. De fait, la question de savoir comment appréhender les dynamiques de l’emploi sur ces marchés du travail spécifiques sans avoir recours à ces catégories limitées demeure essentielle.

- 3 - La qualité de l’emploi : un instrument novateur pour l’analyse du marché du travail

18Cette section avance la notion de qualité de l’emploi comme un outil adapté pour répondre aux faiblesses des typologies classiques du marché du travail dans les Ped. Bien que les caractérisations soient diverses entre les nombreux travaux réalisés sur cette notion, elles se retrouvent néanmoins complémentaires dans l’approche multidimensionnelle que nous proposons.

19Tentant d’opérationnaliser le concept de travail décent forgé par l’Oit depuis le début des années 2000, certains travaux macro-institutionnels utilisent le concept de qualité de l’emploi comme un outil multidimensionnel propice aux comparaisons internationales. En effet, la Qde s’avère être particulièrement efficace pour établir les liens entre les marchés du travail, les variétés du capitalisme et le changement technologique (Gallie, 2007). Cette approche en terme de régimes de Qde tend à s’étendre, couvrant aujourd’hui différents aspects tels que l’étude de la polarisation des structures d’emploi, l’évolution comparative ou encore la construction d’une typologie des marchés du travail européens ou émergents (Davoine et al., 2008 ; Goos et al., 2009 ; Cloutier-Villeneuve, 2012 ; Deguilhem et Frontenaud, 2016). Cependant, malgré la multiplicité des comparaisons internationales, la qde se révèle également intelligible au niveau des caractéristiques individuelles des emplois. Cette approche du concept alimente certaines applications microéconomiques récentes et un focus sur les conditions de travail et de vie (Floro et Messier, 2011 ; Huneeus et al., 2015). Traduisant cet intérêt croissant, plusieurs stratégies ont été envisagées afin de caractériser et saisir les nombreuses dimensions de cette notion. Cet intérêt croissant a entrainé une profusion d’études utilisant des approches différentes et complémentaires de cet objet multiforme (Osterman, 2013 ; Ocampo et Sehnbruch, 2015).

20Une première approche repose sur une mesure unidimensionnelle de la Qde considérant le revenu comme une approximation valable de celle-ci (Acemoglu, 2001 ; Fernández-Macías, 2012). Un tel choix se justifie par l’absence de données et par la corrélation existant entre le niveau de revenu et les différentes composantes de la Qde. En contrepoint de cette idée, le caractère fondamentalement multidimensionnel de la Qde fait largement consensus parmi les chercheurs (Sengupta et al., 2009 ; Green et al., 2013).

21Une seconde approche aborde cet instrument du point de vue de ses dimensions psychologiques et sociales à travers la mesure de la satisfaction professionnelle des individus (Clark, 2005 ; Rose, 2005). De façon générale, nous observons que lorsque les obstacles à l’amélioration des conditions de travail sont forts, les revendications sont faibles et le niveau de satisfaction est alors élevé. Une telle situation, traduisant de fait le niveau des attentes des acteurs vis-à-vis des normes sociales applicables, explique pourquoi ces indicateurs de satisfaction sont plus élevés pour les femmes que pour les hommes (Clark, 1997). Sur la base de cette ambiguïté, Bustillo et al. (2011) excluent pour leur part toute forme de subjectivité de la part des travailleurs. Pourtant, la satisfaction qu’un individu retire de son activité peut significativement diverger de ses composantes objectives effectives. Ainsi, Guergoat-Larivière et Marchand (2012) jugent que l’expression de la subjectivité, identifiant le « sens » donné par un individu à son emploi, ne peut pas être complètement exclue de l’analyse.

22La troisième stratégie, prédominante dans les études socioéconomiques, consiste à identifier cet aspect multidimensionnel en rassemblant des caractéristiques objectives des emplois (Jones et al., 2014). Aux États-Unis, Kalleberg et al. (2000) identifient notamment les individus pourvus de mauvais emplois au travers de la faiblesse des revenus, l’absence de couverture santé ou l’absence de couverture par un système de retraite. Parallèlement sur le même terrain, Johnson et Corcoran (2003) perçoivent la qde comme une combinaison du salaire, du temps de travail et de la protection contre les risques liés à la situation professionnelle (accidents du travail en particulier). Cette approche objective a obtenu un écho considérable en Amérique latine, où elle a permis une analyse précise de la diversité des formes d’emplois et de leurs évolutions. Farné (2003) établit un indice synthétique de Qde en Colombie en combinant le type de contrat, la couverture sociale, le revenu et le temps de travail. En Équateur, Floro et Messier (2011) définissent leur indice de Qde comme une combinaison du revenu, du temps de travail, de la pluriactivité, du lieu de travail, de la sécurité de l’emploi et des ressources non salariales.

23Deux conclusions émergent de ce survol de la littérature. Tout d’abord, les variables permettant de caractériser statistiquement l’idée de Qde ne sont pas a priori déterminées et doivent être nécessairement adaptées au contexte social et réglementaire étudié. Par ailleurs, malgré cette nécessité, les six dimensions suivantes constituent le « socle commun » de toute analyse de la Qde (Kalleberg, 2011 ; Guergoat-Larivière et Marchand, 2012) :

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  • 1. Le niveau de revenu
  • 2. Les conditions de travail et le statut légal
  • 3. Les possibilités de concilier le travail et la vie de famille
  • 4. La sécurité sociale, y compris les systèmes de retraite et de protection sociale
  • 5. Les composantes collectives de l’emploi, telles que les possibilités de dialogue social et de syndicalisation
  • 6. La dimension subjective attribuée à l’emploi et à ses opportunités

- 4 - Méthodologie

25Cette section vise à fournir un cadre méthodologique capable de supporter une mesure multidimensionnelle de la qualité de l’emploi, telle que définie dans la section précédente. Dans cette perspective, nous proposons de recourir à l’analyse multivariée en général et à l’Acm en particulier, qui présentent toutes les qualités requises pour permettre la construction d’un indice de qualité de l’emploi efficace.

26En Amérique latine, de nombreuses études en sciences sociales ont défini des indices synthétiques de Qde basés sur une pondération horizontale et/ou verticale des variables considérées pour les employés et pour les travailleurs indépendants notamment en Colombie ou en Équateur (Floro et Messier, 2011 ; Farné, 2003). Cependant, la pondération horizontale au sein des variables retenues impose un jugement ex-ante de l’analyste sur ce qui est une « bonne » ou une « mauvaise » modalité, ainsi qu’une part d’arbitraire sur le poids de chacune d’entre elles. Deuxièmement, la pondération verticale de chaque variable au sein de l’indicateur suppose également l’existence d’une structure hiérarchique implicite, fixée a priori. Mais il n’est pas certain, par exemple, que le revenu compte nécessairement plus pour les travailleurs à compte propre que pour les employés, comme le suppose le travail de Farné (2003).

27Une seconde stratégie, issue de la littérature sur la mesure de la pauvreté, a amené Huneeus et al. (2015) à utiliser la méthode proposée par Foster-Greer-Thorbecke (Fgt) afin de mesurer les carences objectives dans le domaine de la qualité de l’emploi au Brésil. Cette méthode transforme ainsi la mesure de la Qde en une évaluation des déficits en la matière, ce qui limite son application en empêchant de considérer certaines variables pourtant importantes telles que la dimension subjective.

28Une troisième approche mobilise l’analyse exploratoire multivariée qui permet de se débarrasser de toute représentation préétablie dans la construction d’un indicateur composite dans lequel les pondérations dépendront concrètement de l’importance relative de chaque variable dans un contexte social donné (Oecd, 2008). Dans le cas de la Colombie, Farné et Vergara (2015) ont utilisé une méthode de pondération basée sur la métrique euclidienne d’une analyse factorielle de données mixtes (Afdm). Cependant, une telle méthode nécessite des techniques d’optimal scaling (échelonnage optimal) permettant de transformer les variables qualitatives et ordinales en variables continues (Pineda et Acosta, 2011). Toutefois, cette technique conduit inévitablement l’analyste à fixer arbitrairement ces échelles et à choisir le poids attribué à chaque indicateur.

29En raison des limites présentées pour chacune des méthodes utilisées jusqu’ici dans les travaux sur la qualité de l’emploi en Amérique latine, nous avons opté pour une autre stratégie multivariée. Face à la nature majoritairement qualitative des données d’enquêtes-ménages, l’Analyse des Correspondances Multiples (Acm), dotée de sa robuste métrique du chi-deux (Asselin, 2009), semble la plus appropriée (Lebart et al., 2006). Par ailleurs, cette méthode est adaptée à la construction d’un indice multidimensionnel et contextualisé de Qde, basé sur les scores factoriels de chaque modalité des variables de Qde retenues (Oecd, 2008). En ce sens, nous considérons l’ensemble equation im1 des variables de la qualité de l’emploi (nominales, ordinales ou discrétisées) et equation im2 les modalités pour chaque variable equation im3.

30Si l’on considère que le premier axe factoriel ( equation im4 ), sous l’hypothèse qu’il remplisse toutes les conditions de cohérence permettant de le considérer comme un facteur de qualité de l’emploi [4] (Asselin, 2009), nous pouvons définir l’indice composite equation im5. En retenant ce premier axe factoriel equation im6, l’indice de qualité de l’emploi est alors mesuré pour chaque travailleur à partir du score normalisé sur ce premier axe des modalités de chaque variable portée par l’individu. Nous pouvons exprimer pour chaque individu equation im7 la valeur de l’indicateur de qde sous la forme suivante :

31equation im8 (1)

32equation im9 correspond au nombre de variables considérées, equation im10 est le score normalisé sur le premier axe factoriel de la modalité equation im11 de la variable equation im12 et equation im13 est une variable binaire prenant la valeur 1 lorsque l’individu porte la modalité equation im14 et 0 sinon.

33In fine, la valeur de l’indice de qde correspond bien à la moyenne des scores normalisés des différentes modalités portées par l’individu sur le premier axe factoriel issu de l’Acm. Ce score, initialement compris entre -1 et 1, est ramené dans l’intervalle [0 ; 1] par interpolation linéaire, afin d’en faciliter la lecture. Nous obtenons alors un indice continu de Qde pour lequel la valeur 0 correspond à la plus mauvaise qualité et 1 à la meilleure qualité de l’emploi possible au sein du contexte social considéré.

34Malgré l’intérêt empirique de la continuité d’un tel indicateur, l’indice de qde incite naturellement à distinguer les emplois de « mauvaise » qualité des emplois de « bonne » qualité. Cependant, une telle discrétisation ne saurait provenir d’une décision subjective de notre part, visant à établir un seuil de passage de l’un à l’autre de ces deux types d’emplois. L’algorithme de partitionnement univarié de Fisher (1958) apparaît ici comme une méthode robuste permettant de construire, sur la base d’une unique variable quantitative continue, la meilleure classification possible en formant des groupes d’individus les plus homogènes possibles et les plus différents les uns des autres [5]. Ce type de partitionnement, nécessairement déterministe, consiste à regrouper equation im15 observations unidimensionnelles en equation im16 classes homogènes, ici mesurées à l’aide de la somme des variances intraclasse et interclasse. À travers cet algorithme nous cherchons donc à maximiser l'inertie entre les différents groupes et à minimiser l’inertie au sein de ces derniers (Fournier et al., 2007).

- 5 - Données et contexte socioéconomique

35Dans la mesure où, par définition, la contextualisation de l’indice de qualité de l’emploi représente un élément important de sa conceptualisation et de sa construction, cette section revient d’abord sur le contexte socioéconomique de la capitale colombienne et de son marché du travail, avant de présenter les données de l’enquête ménage utilisées dans cette étude.

5.1. Contexte socioéconomique et marché du travail à Bogota

36En 2013, Bogota compte plus de 7,6 millions d’habitants [6] et représente ainsi près de 17 % de la population colombienne à cette date, soit un accroissement de 87 % depuis 1985 (Sdp, 2013). En dépit d’un faible taux de fécondité et d’une réduction structurelle du taux d’urbanisation annuel, passant de 7 % entre 1950 et 1955 à 1,36 % de 2010 à 2015, Bogota reste marquée par la transition due aux migrations interrégionales. Elle constitue un « pôle du système territorial » en accueillant les populations déplacées de force par le conflit interne (Dureau et al., 2015 : 35). Dans les années 1970, face à la rapide expansion de l’urbanisation informelle et à l’accroissement des inégalités, le gouvernement mit en œuvre une méthode de stratification socioéconomique des espaces urbains puis ruraux, afin d’introduire un mécanisme de financement croisé des services municipaux [7]. Six groupes homogènes sont ainsi établis sur la base des zones cadastrales, en considérant l’aspect physique du bâti et un ensemble de critères géoéconomiques. Ces « îlots » de « voisinage homogène » offrent une approximation acceptable de la hiérarchie sociale. Les strates les plus défavorisées (strates 1, 2 et 3) représentent près de 90 % de la population en 2013 et elles bénéficient de subventions couvrant de 10 à 40 % du coût de leurs services municipaux. À l’inverse, les strates les plus avantagées (strates 5 et 6) paient un coût additionnel de 20 à 40 % pour ces mêmes services. L’introduction de ce financement croisé a accru la logique insulaire du développement et la ségrégation résidentielle à Bogota, entre une zone Nord-Est (ChapineroUsaquen) occupée par les ménages les plus riches, une zone Sud (UsmeBosaCiudad Bolivar) habitée par les ménages les plus pauvres et une zone Nord-Ouest occupée par les classes moyennes (FontibonEngativaSuba) (Dureau et al., 2015 : 113-114).

37Par ailleurs, comparativement aux autres métropoles andines, Bogota présente un faible taux de pauvreté absolue (17 % en 2011). Toutefois, cette moyenne cache une importante hétérogénéité des situations au sein la capitale. Ce taux demeure notamment très élevé dans le Sud de la ville et au sein des zones urbaines les plus pauvres : 40 % dans la strate 1,35 % à Usme et 25 % à Bosa (Sdp, 2013). Lors des dernières années, cette hétérogénéité intra-métropolitaine a généré un accroissement important de la concentration du revenu des ménages, l’indice de Gini passant de 0,51 en 2008 à 0,61 en 2013 (Sdp, 2013).

38Enfin, le marché du travail de Bogota présente quelques singularités. Plus de 70 % de la population de la ville participe au marché du travail en 2013 (Sdp, 2013). Pourtant, l’occupation de la force de travail est très différenciée selon le genre, 64 % des travailleurs occupés étant des hommes. De plus, la majorité des emplois sont formels, bien que le taux d’informalité reste de 35,6 % au sens de la dernière définition de l’Oit. Le secteur du commerce y est prédominant et la grande majorité des individus occupe un emploi de salarié du secteur privé (49 %) ou de travailleur à compte propre (35 %), l’emploi salarié public ne concernant que 4,5 % de la population active occupée. Malgré l’importance du taux de formalisation des emplois, la faiblesse structurelle des institutions d’intermédiation sur le marché du travail renforce les réseaux sociaux comme principaux vecteurs d’accès à l’emploi (Deguilhem et al., 2017).

5.2. Données utilisées

39Les données utilisées pour cette étude empirique sont issues de l'enquête Great Integrated Household Survey (Gihs) de 2013, représentative à l’échelle nationale et municipale, réalisée par le Département colombien de la statistique. L’échantillon est composé de 8855 individus ayant plus de 18 ans, se déclarant actifs occupés (salariés ou indépendants) à Bogota.

40Afin de prendre en compte l’ensemble des éléments entrant dans la composition de la Qde, nous avons identifié treize variables qualitatives nominales ou ordinales synthétisant ces normes sociales et légales à Bogota en 2013 (cf. Annexe 1), en nous conformant aux six dimensions présentées dans la Section 3.

41Enfin, conformément à la description du marché du travail faite précédemment, plusieurs variables importantes sont retenues afin de décrire les structures sociales encastrant le fonctionnement du marché du travail à Bogota (cf. Tableau 1).

Tableau 1 - Variables de caractérisation

Variables de caractérisation

Tableau 1 - Variables de caractérisation

Source : Auteurs, données Gihs 2013. Échantillon représentatif de 8 855 actifs occupés à Bogota en 2013.

- 6 - Résultats

42Cette section vise à décrire le marché du travail de Bogota et sa structuration à la lumière de ce nouvel indice continu et discrétisé de qualité de l’emploi proposé. Dans un premier temps, la distribution polarisée de cet indice est analysée, avant que les typologies classiquement utilisées pour saisir le marché de l’emploi soient étudiées à l’aune de ce dernier. Dans un dernier temps, les associations entre différents facteurs sociodémographiques et la distribution de cet indice sont présentées et discutées.

6.1. Distribution de l’indice de qualité de l’emploi

43Ainsi que nous l’avons montré dans la Section 3, notre indicateur multidimensionnel est construit sur le premier axe factoriel de l’Acm[8]. La distribution de cet indice de Qde apparaît clairement bimodale (cf. Figure 1), ce qui renforce la pertinence d’un partitionnement univarié. De manière générale, on observe une polarisation en deux groupes de qualité de l’emploi à Bogota. Du côté gauche de la distribution, le premier groupe rassemble des travailleurs précaires et vulnérables dont les emplois présentent une « faible » qualité alors qu’à droite, le second groupe, constitué d’individus bénéficiant de protections sociales et légales, affiche une « forte » qualité de l’emploi. Toutefois, la distinction de deux groupes, de part et d'autre de la médiane ou de la moyenne de cette distribution, aurait bien du sens dans le cas d'une distribution normale de notre indice. Or, dans une distribution bimodale comme la nôtre, il y a certes des emplois de « bonne » et de « mauvaise » qualité, mais dans chacun de ces deux groupes identifiés, les individus peuvent clairement être localisés du « bon côté » ou du « mauvais côté » des deux sous-distributions. Ainsi, le découpage en quatre groupes semble optimal (du point de vue de la variance inter groupes), dans la mesure où il demeure une forte hétérogénéité résiduelle au sein des deux groupes de « mauvaise » et de « bonne » qualité. Nous avons donc choisi de retenir quatre groupes de « très faible », « faible », « bonne » et « très bonne » qualité de l’emploi, en utilisant l’algorithme de partitionnement univarié de Fisher (1958). Ceux-ci sont graphiquement matérialisés par les traits verticaux symbolisant les bornes des intervalles les délimitant (0,248 ; 0,473 ; 0,715).

Figure 1

Distribution de l’indice de qualité de l’emploi

Distribution de l’indice de qualité de l’emploi

Distribution de l’indice de qualité de l’emploi

Source : Auteurs, données Gihs, 2013.

6.2. Les typologies usuelles confrontées aux groupes de qualité de l’emploi

44Nos résultats questionnent sérieusement les approches usuelles des marchés du travail des Ped (cf. Figures 2 et 3). Tout d’abord, nous constatons que plus de 88 % des travailleurs informels de Bogota se trouvent dans des situations précaires correspondant à des emplois de faible ou de très faible qualité (cf. Annexe 3). Cette observation empirique vient en contrepoint de l’idée de « choix » concernant la majorité des travailleurs informels défendue par Maloney (2004). Autrement dit, l’informalité peut être assez largement associée à l’emploi précaire ou vulnérable, et seule une petite partie de ces travailleurs jouissent de bonnes conditions de travail et de protections sociales ou juridiques. Par ailleurs, on compte également 25 % de travailleurs formels et 41 % de salariés parmi les travailleurs disposant d’un emploi de très faible qualité (cf. Annexe 2). Ces résultats confortent l’idée que le « choix » d’opérer de manière informelle n’est pas la conséquence d’opportunités avantageuse dans l’économie informelle, mais qu’il constitue la seule opportunité d’emploi pour les individus exerçant dans cette économie, comme pour 35 % des travailleurs formels (cf. Annexe 3).

45De plus, il n’existe pas (ou plus) de rupture marquée entre la Qde des employés et celle des indépendants à Bogota en 2013 (cf. Annexe 3), ce qui s’accorde avec l’idée d’un continuum de situations sur le marché du travail (Cunningham et Maloney, 2001). D’un côté, parmi les travailleurs appartenant aux groupes de faible Qde, on compte 45 % de travailleurs formels et 46 % d’employés (cf. Annexe 2). Pour les groupes de « forte » Qde, les résultats sont plus en accord avec la littérature puisqu’une majeure partie des travailleurs y est formelle et employée (cf. Annexe 3). D’un autre côté, 40 % des travailleurs indépendants jouissent également d’une « forte » Qde (cf. Annexe 3). Finalement, ces résultats confirment que la dynamique dont bénéficient les indépendants sur le marché du travail de Bogota en 2013 est plus favorable que celle des employés formels engagés dans des emplois de « faible » qualité (Cunningham et Maloney, 2001). Le réexamen original du marché du travail que proposent ces résultats empiriques permet une révision des typologies du marché du travail urbain, dans la mesure où en définitive, un travailleur formel sur quatre ne dépasse pas les standards de Qde observés parmi les emplois informels. En d’autres termes, la distinction formel-informel perd considérablement de sa substance sur un marché dans lequel coexistent un processus de « précarisation » de certains travailleurs formels et l’existence d’opportunités d’emploi de haute qualité pour certains indépendants.

Figure 2

Distribution de l’indice de Qde pour les travailleurs formels et informels

Distribution de l’indice de QDE pour les travailleurs formels et informels

Distribution de l’indice de Qde pour les travailleurs formels et informels

Source : Auteurs, données Gihs, 2013.
Figure 3

Distribution de l’indice de Qde pour les salariés et les indépendants

Distribution de l’indice de QDE pour les salariés et les indépendants

Distribution de l’indice de Qde pour les salariés et les indépendants

Source : Auteurs, données Gihs, 2013.

46Si une classique opposition s’établit clairement entre emplois de « faible » et de « forte » qualité, les quatre groupes que nous avons établis se distinguent les uns des autres par une combinaison spécifique d’éléments. Ainsi, une très faible qualité de l’emploi n’est pas seulement synonyme d’exclusion des droits du travail et du régime de protection sociale. Les travailleurs pourvus de tels emplois sont relativement plus vulnérables que les autres et se trouvent dans des situations plus précaires. Exclus de tout système de retraite ou de protection professionnelle, les deux tiers d’entre eux obtiennent un revenu inférieur au salaire minimum et plus de la moitié exercent sans le moindre type de contrat (cf. Tableau 2). Pourtant, paradoxalement, 79 % disposent d’une sécurité sociale, 91 % n’occupent qu’un seul emploi, 42 % se trouvent dans une situation professionnelle qualifiée de stable et 44 % bénéficient des éléments de base du contrat de travail (cf. Tableau 2). De la même façon, les travailleurs pourvus d’emplois de très haute qualité ne sont pas tous complètement protégés. Près de 100 % d’entre eux sont couverts contre les risques professionnels, cotisent à un fonds de retraite et disposent d’un contrat de travail complet, mais on relève toutefois que seuls 7 % sont syndiqués et que moins des deux tiers disposent d’un emploi stable (cf. Tableau 2).

Tableau 2 - Description des différents groupes de Qde (%)

Description des différents groupes de QDE (%)

Tableau 2 - Description des différents groupes de Qde (%)

Description des différents groupes de QDE (%) (suite)
a Au sein de la variable sécurité sociale, nous avons délibérément omis la modalité « régime spécifique » dans la mesure où ce régime de protection reste marginal, et ne peut concerner que certaines catégories spécifiques de l’emploi public (universités publiques, Ecopétrol et armée).
Source : Auteurs, données Gihs, 2013. Indiquons que le test du chi-deux de Pearson a été utilisé pour juger de la dépendance entre les quatre groupes de Qde et chaque variable (test significatif à 1 %).

47La classification en quatre groupes établit également deux groupes intermédiaires. Chacun porte une logique spécifique justifiant sa distinction. Ils partagent certes de nombreux points communs, mais se distinguent très nettement du point de vue de la protection contre les risques professionnels, de l’existence de cotisations à des fonds de retraite et de la complétude des contrats de travail (cf. Tableau 2).

48Enfin, la dimension subjective de la qualité de l’emploi offre des éléments très intéressants à analyser. Elle fait apparaître que la majorité des travailleurs pourvus d’emplois de très faible qualité ont conscience de la vulnérabilité qui est la leur, ce qui engendre un sentiment général d’insatisfaction professionnelle. À l’opposé, la majorité des travailleurs pourvus d’emplois de très haute qualité ont une bonne appréciation des garanties et protections dont ils bénéficient. Les résultats des groupes intermédiaires confirment quant à eux ce que montre la littérature sur le sujet : la proportion de travailleurs insatisfaits de leur emploi est plus importante parmi les travailleurs pourvus d’emplois de bonne qualité que parmi ceux pourvus d’emplois de faible qualité (Burchell et al., 2014).

6.3. Caractérisation sociodémographique des différents groupes de qualité de l’emploi

49Nos résultats permettent également d’affiner la description socioéconomique du marché du travail de Bogota en mettant en évidence certains déterminants sociaux des différents groupes identifiés (cf. Annexe 2). En effet, l’étude des distributions cumulées de l’indice de Qde en fonction de certaines variables de caractérisation démontre l’existence de différences sociales marquées.

Tableau 3 - Moyenne de la Qde par groupe et caractéristique socioéconomique

Moyenne de la QDE par groupe et caractéristique socioéconomique

Tableau 3 - Moyenne de la Qde par groupe et caractéristique socioéconomique

Moyenne de la QDE par groupe et caractéristique socioéconomique (suite)
(*) La moyenne de Qde pour les individus présentant cette modalité diffère significativement, à 1 %, de la moyenne de Qde obtenue par les individus présentant une autre modalité au sein du même groupe de qualité de l’emploi (T-test).
(**) La moyenne de Qde pour les individus présentant cette modalité diffère significativement, à 1 %, de la moyenne de Qde obtenue par les individus des deux autres modalités au sein du même groupe de qualité de l’emploi (tests post-hoc (Anova) : Lsd, Bonferroni et Tukey).
(***) La moyenne de Qde pour les individus présentant cette modalité diffère significativement, à 1 %, de la moyenne de Qde obtenue par les individus des trois autres modalités au sein du même groupe de qualité de l’emploi (tests post-hoc (Anova) : Lsd, Bonferroni et Tukey).
Source : Auteurs, données Gihs, 2013.

50Plus de 80 % des travailleurs pourvus d’un emploi de très faible qualité n’ont pas dépassé le niveau secondaire. C’est toutefois également le cas de plus de 60 % des travailleurs disposant d’un emploi de bonne ou de très bonne qualité (cf. Annexe 2). De manière générale, un niveau d’éducation plus élevé est plus protecteur et permet aux individus d’accéder à des emplois de meilleure qualité (cf. Tableau 3). Bien que des individus à faible niveau d’éducation se retrouvent dans tous les groupes de Qde, 60 % des travailleurs n’ayant qu’un niveau d’éducation basique ont un emploi de faible ou de très faible qualité. Cela n’est vrai que pour 30 % des travailleurs dotés d’un niveau d’éducation universitaire (cf. Figure 4).

51Par ailleurs, assez intuitivement, près de 70 % de travailleurs ayant un emploi de très faible qualité vivent dans les quartiers les plus défavorisés (strates 1 et 2, cf. Annexe 2). De même, plus de 70 % des travailleurs appartenant aux deux groupes de qualité de l’emploi intermédiaires vivent dans des quartiers pauvres ou de classe moyenne (strates 2 et 3). Enfin, la majorité des travailleurs du groupe de qualité de l’emploi très élevée vivent dans les quartiers les plus avantagés (strates 3, 4, 5 et 6). Ce marquage résidentiel apparaît comme un élément important de la caractérisation des groupes de Qde (cf. Annexe 3). La hiérarchie sociogéographique semble en effet se traduire dans les institutions du marché du travail. Par conséquent, les travailleurs vivant dans les strates supérieures bénéficient d’une Qde significativement plus élevée que celle des autres groupes (cf. Tableau 3). En outre, 55 % des travailleurs vivant dans les districts pauvres se trouvent dans des situations d’emploi de faible ou de très faible qualité, alors que cela n’est vrai que pour 30 % de ceux qui vivent dans les strates 4, 5 et 6 (cf. Figure 5). Dans la lignée des résultats de Dureau et al. (2015), il apparaît ainsi que la ségrégation résidentielle constitue un élément structurel de la détermination de la qualité de l’emploi à Bogota en 2013.

52Enfin, assez curieusement, il n’apparaît pas de différence significative de Qde entre les hommes et les femmes à Bogota dans aucun des groupes (cf. Tableau 3). Ainsi, il semble que la discrimination dont souffrent les femmes soit plutôt exercée en amont de leur participation au marché du travail, en particulier dans la répartition du travail non rémunéré au sein du ménage (Alaniz et al., 2015). Dans le même sens, Farné et Vergara (2015) montrent qu’en Colombie, entre 2002 et 2011, il y a eu une amélioration globale de la qualité de l’emploi pour les femmes. Deux raisons principales expliquent ce progrès : l’accroissement de l’emploi rémunéré pour les femmes et la lente décroissance du poids du travail domestique, majoritairement dévolu aux femmes.

Figure 4

Fréquences cumulées par niveau d’éducation

Fréquences cumulées par niveau d’éducation

Fréquences cumulées par niveau d’éducation

Source : Auteurs, données Gihs, 2013.
Figure 5

Fréquences cumulées par strate socioéconomique

Fréquences cumulées par strate socioéconomique

Fréquences cumulées par strate socioéconomique

Source : Auteurs, données Gihs, 2013.

- 7 - Conclusion

53En définitive, il est clair que le concept de qualité de l’emploi dépasse les typologies usuelles et offre la possibilité de mieux saisir la complexité des mutations à l’œuvre sur le marché du travail de la capitale colombienne. La considération des possibilités offertes par la réactivation de cette notion semble fondamentale pour établir et orienter les politiques locales et nationales de l’emploi (Ramos et al., 2015).

54Grâce à la méthode d’Analyse des Correspondances Multiples, nous avons pu construire un indice contextualisé de Qde. Cet instrument multidimensionnel nous a permis de montrer que les carences en matière de qualité de l’emploi ne résidaient pas nécessairement là où de nombreuses études les voient. Premièrement, conformément à l’analyse dualiste une grande part des travailleurs informels se révèlent être très peu protégés et clairement en situation précaire. Mais dans le même temps, il apparaît qu’un quart des travailleurs formels sont eux aussi vulnérables. Ce résultat intéressant, qui souligne la « précarisation » du travail formel à Bogota, est étayé par les résultats de Tokman (2007), de Kucera et Roncolato (2008) ou de Nordman et al. (2016). Deuxièmement, malgré l’existence d’une nette segmentation de la qualité de l’emploi, cette étude décrit un continuum qui tend à transcender les statuts des travailleurs. Ce résultat intéressant, appuyant les résultats de Cunningham et Maloney (2001) tout en infirmant ceux de Bocquier et al. (2010) et Nordman et al. (2016), questionne l’efficacité empirique des distinctions classiques entre employés et indépendants ainsi que les politiques publiques établies sur la base de cette rupture. Enfin, la construction de quatre groupes de Qde nous a permis de différencier socialement les populations participant au marché du travail de Bogota. En ce sens, certains facteurs socioéconomiques constituent de véritables marqueurs sociaux, de telle sorte qu’exercer son activité au sein ou en dehors du cadre légal et social en vigueur peut être plus certainement associé à un choix social qu’à une véritable décision individuelle (Nordman et al., 2016).

55Nous souhaitons également faire ici quelques remarques importantes sur la méthode utilisée et les résultats présentés. L’Acm et le partitionnement univarié apparaissent comme des instruments présentant de bonnes caractéristiques de reproductibilité. En effet, ces méthodes font preuve de précision et de flexibilité afin de tenir compte des spécificités juridiques et sociales propres au contexte étudié (Asselin, 2009). Cependant, à l’instar de l’ensemble des méthodes en statistiques multivariées, des résultats produits dans des cadres différents ne peuvent être directement comparés entre eux, dans la mesure où notamment, les axes factoriels produits sont liés aux spécificités des modalités considérées (en l’occurrence à leur rareté, cf. Section 4). Ainsi, bien que cette méthode apporte toutes les garanties pour constituer un bon outil de mesure de la qualité de l’emploi, la comparaison des résultats produits reste une limite à sa diffusion. Toutefois, une résolution partielle (sans permettre une véritable analyse comparée) de cette difficulté peut être envisagée à travers le positionnement de modalités supplémentaires produites dans un contexte précis sur le plan généré par celles issues d’un contexte différent (Lebart et al., 2006).

56Enfin, d’autres études utilisant la même source de données sont nécessaires afin d’approfondir la compréhension de la qualité de l’emploi et estimer ses déterminants (Deguilhem et al., 2017). Ainsi, en tenant compte de la polarisation observée, le ciblage des institutions chargées de l’action publique sur ce marché du travail gagnerait en précision et en efficacité.


Annexes

Tableau 4 - Dimensions et indicateurs de qualité de l’emploi

Dimensions et indicateurs de qualité de l’emploi

Tableau 4 - Dimensions et indicateurs de qualité de l’emploi

Source : Auteurs, données Gihs, 2013.
Dimensions et indicateurs de qualité de l’emploi (suite)
La variable revenu a été discrétisée en quatre modalités conformément à sa distribution. De plus, eu égard à l’état actuel du droit social colombien, il était nécessaire de construire ces catégories autour de la notion de salaire minimum, fixait à 589 500 pesos en 2013. La variable Comp_contrat est un score construit à partir de sept variables précisant l’existence et la composition de contrat. La modalité 0 est associée aux travailleurs exerçant sans aucune forme de contrat ; la modalité 1 identifie les principaux éléments de formalisation du contrat. La modalité 2 indique le passage à un contrat écrit, tout en étant peu protecteur dans son contenu. La modalité 3 est associée à l'apparition d’un contenu social dans le contrat. Enfin, les modalités 4 et 5 sont associées aux contrats complets. À l’instar de l'indice de Qde, la variable subjectivité est un indice multidimensionnel construit à l’aide d’une acm sur huit variables exprimant la volonté de changement dans l’emploi et la satisfaction des travailleurs. Le premier axe factoriel, expliquant plus de 88 % des valeurs propres corrigés (Greenacre, 1993), peut être défini comme le facteur de la satisfaction. Après analyse de la distribution, nous avons discrétisé cette variable quantitative en trois modalités : 1 lorsque l’individu présente un bon niveau de satisfaction et une volonté de rester dans l'emploi actuel, 2 lorsqu’il a un niveau de satisfaction intermédiaire, 3 lorsqu’il présente un niveau d'insatisfaction vis-à-vis de sa situation professionnelle.
Source : Auteurs, données Gihs, 2013.

Tableau 5 - Caractérisation socioéconomique de chaque groupe (%)

Caractérisation socioéconomique de chaque groupe (%)

Tableau 5 - Caractérisation socioéconomique de chaque groupe (%)

Caractérisation socioéconomique de chaque groupe (%) (suite)
Source : Auteurs, données Gihs, 2013. Indiquons que le test du chi-deux de Pearson a été utilisé pour juger de la dépendance entre les quatre groupes de Qde et chaque variable (test significatif à 1 % à l'exception du genre, non significatif ni à 1 %, ni à 5 %).

Tableau 6 - Caractérisation par variable socioéconomique (%)

Caractérisation par variable socioéconomique (%)

Tableau 6 - Caractérisation par variable socioéconomique (%)

Caractérisation par variable socioéconomique (%) (suite)
Source : Auteurs, données Gihs, 2013. Indiquons que le test du chi-deux de Pearson a été utilisé pour juger de la dépendance entre les quatre groupes de Qde et chaque variable (test significatif à 1 % à l'exception du genre, non significatif ni à 1 %, ni à 5 %).

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Mots-clés éditeurs : Colombie, partitionnement univarié, analyse des correspondances multiples, indice de qualité de l’emploi, marché du travail urbain

Date de mise en ligne : 16/04/2019

https://doi.org/10.3917/reru.192.0283

Notes

  • [1]
    La définition de l’économie informelle retenue dans cet article repose sur celle établie par l’Oit en 2003. Elle repose sur deux piliers que sont les activités informelles d’une part et l’emploi informel d’autre part. Les activités informelles sont définies comme étant celles menées au sein de petites entreprises comptant moins de cinq employés, non enregistrées officiellement et ne tenant pas de comptabilité écrite. L’emploi informel est défini comme étant l’emploi sans contrat ou non protégé socialement, au sein d’entreprises formelles ou informelles (Hussmanns, 2004).
  • [2]
    Certaines activités du bâtiment ou manufacturières constituent des exemples frappants de la prospérité de certaines activités informelles. Par ailleurs, la variété des formes de mises au travail au sein des activités informelles va bien au-delà de la dichotomie préétablie par les approches dualistes.
  • [3]
    Cette approche, principalement portée par l’Oit, l’est aussi par le Statistical Committee of the United Nations, par le biais du « groupe de Delhi » formé en 1997.
  • [4]
    Dans la mesure où le premier axe peut faire preuve d’un important pouvoir de synthèse, captant la majorité de l’information statistique pertinente, dans le cas de l’Acm, nous utilisons la méthode de Greenacre (1993).
  • [5]
    Afin de créer la partition la plus pertinente possible sur une variable quantitative, la technique d'optimisation à mettre en œuvre reste assez complexe et a longtemps fait débat dans la littérature. Toutefois, dans divers champs disciplinaires la méthode de Fisher demeure une réponse adaptée à cette difficulté en raison de son efficacité et sa rapidité de calcul comparée aux autres méthodes envisageables (Fournier et al., 2007).
  • [6]
    Estimations obtenues à partir du dernier recensement réalisé entre 2005 et 2006 (Sdp, 2013).
  • [7]
    Ce système a été généralisé par les lois 142 (1994) et 732 (2002). Les services municipaux considérés sont : la consommation d’eau, la consommation électrique et le ramassage des ordures.
  • [8]
    L’important pouvoir de synthèse du premier axe factoriel, captant plus de 73 % de l’information statistique multidimensionnelle pertinente, nous permet de considérer ce premier facteur comme un bon résumé de la Qde à Bogota. Notre analyse sera de fait essentiellement unidimensionnelle et elle opposera les emplois de « faible » qualité, du côté des valeurs négatives du premier axe factoriel, aux emplois de « bonne » qualité du côté des valeurs positives de l’axe.

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