Couverture de RERU_073

Article de revue

Note de recherche. Une estimation du lien entre forme urbaine et choix modal. Le cas de six aires urbaines françaises

Pages 521 à 541

Notes

  • [*]
    Première version juin 2006, version révisée octobre 2006.
  • [1]
    - J.-P. ORFEUIL, intervention réalisée au Colloque Les Transports au XXIe siècle : enjeux, innovations, choix et financements, Rencontres Internationales de Prospective du Sénat, Palais du Luxembourg, 08/04/2004.
  • [2]
    - D’un point de vue théorique, le fait que les gains de vitesse permis par l’amélioration des performances du système de transport urbain ne se soient pas traduits par une diminution des temps moyens de transport peut s’interpréter comme une substitution par les ménages du gain en espace habitable aux gains en accessibilité, sous-tendue, pourrait-on dire, par une « préférence de l’espace sur le temps ».
  • [3]
    - Un certain nombre de données de cadrage sur ces six aires urbaines sont synthétisées en Annexe 1.
  • [4]
    - On utilise une distance au centre normalisée pour maîtriser l’effet de l’étendue de l’aire urbaine. La distance au centre brute ne signifie pas la même chose, en termes de forme urbaine associée, dans l’aire urbaine d’Aix-Marseille dont le rayon est de plus de 40 km, et celle de Saint-Étienne, dont le rayon est deux fois plus faible (soit une étendue 12 fois plus grande). La distance au centre normalisée est calculée comme le rapport entre la distance au centre de la commune considérée et la distance au centre de la commune la plus éloignée (cf. Annexe 1). Elle peut s’interpréter comme la position de la commune sur le rayon du cercle trigonométrique virtuel formé par l’aire urbaine d’appartenance, ou plus simplement comme la position relative (en pourcentage) de la commune dans l’aire urbaine d’appartenance.
  • [5]
    - En excluant toutefois les aires urbaines de Saint-Étienne et d’Aix-Marseille, car le nombre d’observations est insuffisant pour que les résultats de l’estimation des spline soient significatifs.
  • [6]
    - La solution sera, comme on le verra plus loin, de « couper la tête » de la distribution des densités, en éliminant les observations extrêmes.
  • [7]
    - Bien évidemment, d’autres éléments rentrent en compte, et notamment la desserte en TC de la commune considérée. En effet, les habitants des espaces situés sur les axes de TC les utiliseront sans doute plus fréquemment, à l’opposé des espaces « interstitiels » où l’alternative à l’automobile est faible. Dès lors, une partie du choix modal apparait indépendante de la distance au centre. Rappelons, toutefois, que nous n’avons pas souhaité expliquer de manière exhaustive le choix modal des individus, mais simplement tester l’hypothèse des « trois âges » de la ville reliant forme urbaine et choix modal.
  • [8]
    - Dans les estimations par aire urbaine, seules quatre villes ont été retenues : Bordeaux, Dijon, Grenoble et Lyon. Le trop faible nombre de communes constituant les aires urbaines de Saint-Etienne et d’Aix-Marseille ne permettait pas d’obtenir des résultats significatifs en appliquant la technique des spline cubiques.
  • [9]
    - On relativisera cependant la portée de ces résultats, dans la mesure où le découpage communal est quelque peu grossier pour mettre en évidence l’existence d’une Ville Pédestre ou même d’une Ville des Transports en Commun. En effet, la Ville Pédestre correspond surtout à la ville-centre (le pôle urbain), la pratique de la marche devenant très rapidement faible à mesure que l’on s’éloigne de l’hypercentre. L’imperfection des données utilisées ici incite à examiner l’interaction forme urbaine-mobilité quotidienne à une échelle intra-communale, comme nous l’avons fait dans le cas de l’agglomération bordelaise (POUYANNE, 2004).
  • [10]
    - Nous n’avons pas traité les déplacements multimodaux pour plusieurs raisons : d’abord, la forme de la courbe estimant le nuage de points n’est que peu prononcée (cf. figure 2) ; ensuite, seuls la constante et le coefficient du terme de degré 1 sont significatifs (cf. tableau 1) ; enfin, la définition des déplacements multimodaux retenue par l’INSEE est peu opérationnelle, incluant n’importe quel changement de mode (sauf le mode pédestre), et formant ainsi un ensemble trop hétérogène, selon nous, pour pouvoir être commenté de manière rigoureuse.
  • [11]
    - Il s’agit des TIC (Techniques de l’Information et de la Communication) mais pas seulement, comme C. LACOUR et S. PUISSANT (2004) tiennent à le souligner.
  • [12]
    - Matériau utilisé pour la fabrication des circuits imprimés.
  • [13]
    - Il existe aussi des fonctions spline exponentielles, utilisées, par exemple, par G. ALPEROVICH (1995).
  • [14]
    - Les systèmes (2’) et (2’’) permettent d’assurer la continuité des dérivées respectivement premières et secondes :
    equation im12
    b2=b 1+2c 1 (X 1?X 0) +3d 1 (X 1?X 0) 2 (2’)b 3=b 2+2c 2 (X 2?X 1) +3d 2 (X 2?X 1) 2 c2=c 1+3d 1 (X 1?X 0) (2’’)c 3=c 2+3d 2 (X 2?X 1)
« Aujourd’hui, la ville s’affirme davantage comme réseau de circulation que comme amas de bâtisses »
Gabriel DUPUY (1995, p. 129)
« What cities are about, first and foremost – people and places, not movement »
Robert CERVERO (1998, p. 11)

- 1 - Introduction

1 Sous l’influence du développement durable, les principes de la politique des transports urbains se sont inversés : on est passé de « l’adaptation de la ville à l’automobile » à un objectif de diminution de la consommation d’énergie pour les transports, objectif qui passe principalement par la réduction de la place de l’automobile dans les déplacements. En une vingtaine d’années, la contestation de l’automobile des années 1970 (SAUVY, 1968 ; ILLICH, 1974) s’est progressivement traduite en volonté politique (FLONNEAU, 2005). Ainsi l’orientation principale des PDU (Plans de déplacements urbains), mis en place par la LAURE (Loi sur l’air etl’utilisation de l’énergie) du 30/12/1996, est-elle « la diminution du trafic automobile », les cinq autres objectifs (développement des transports collectifs, des modes doux et du covoiturage, organisation du stationnement, etc.) lui étant d’une certaine manière subordonnés (art. 14).

2 La problématique de l’interaction entre forme urbaine et mobilité quotidienne est alors renouvelée. On cherche à savoir dans quelle mesure on peut agir sur les modalités du développement urbain pour agir sur les comportements de déplacement. La quête d’une forme urbaine « soutenable » est l’enjeu scientifique sous-jacent (BREHENY, 1993 ; JENKS et al., 1996 ; FUSCO-GIRARD, 2003). Cette quête va passer par deux temps principaux (POUYANNE, 2005a).

3 Dans un premier temps, la forme urbaine est envisagée sous son aspect quantitatif d’usage extensif des sols. Le processus d’étalement urbain et l’utilisation de l’automobile sont vus comme étant liés par une causalité circulaire : si d’un côté l’automobile a permis à la ville de s’étendre, de l’autre le développement dispersé à faible densité typique de l’étalement entretient la « dépendance automobile » (NEWMAN et KENWORTHY, 1998). En fait, la Ville Étalée est une forme urbaine qui n’intègre pas les coûts sociaux de la mobilité quotidienne et comme telle se révèle être une forme « dispendieuse » de la croissance urbaine (DOWNS, 1998). On explique ainsi la progressive stigmatisation de l’étalement et des faibles densités à partir du début des années 1990 : « Les villes sont naturellement trop étalées » (CAVAILHÈS, 2004, p. 179, souligné par nous).

4 Par contraste, la Ville Compacte est idéalisée. Par un double effet sur le niveau de congestion et l’accessibilité (POUYANNE, 2004), les fortes densités doivent permettre une diminution des distances parcourues et un transfert vers les modes alternatifs à l’automobile, et donc une réduction de la consommation énergétique individuelle (e.g. NEWMAN et KENWORTHY, 1989, 1998 ; FOUCHIER, 1997). La Ville Compacte est donc une forme « économe » de la croissance urbaine (LÉVY, 1998). L’adhésion à ce modèle est sensible dans plusieurs documents émanant d’organismes internationaux tels que l’OCDE (1994) ou la Commission Européenne (CCE, 1990).

5 Le modèle de Ville Compacte est cependant contesté, et va faire l’objet d’une controverse scientifique sur ses avantages réels ou supposés (GORDON et RICHARDSON, 1997 ; EWING, 1997). La question de la désirabilité de la compacité est au centre du débat. D’un point de vue théorique, on peut l’assimiler à un conflit entre intérêt général et intérêt particulier, entre la Ville Compacte en tant que forme urbaine « non désirée par les individus » (en raison d’une préférence pour les faibles densités à la source de l’étalement) et la Ville Étalée, considérée comme « non désirable pour la collectivité » (en raison de la consommation énergétique et des nuisances produites par l’utilisation de l’automobile). Dès lors, il n’existe pas réellement de consensus sur la Ville Compacte. On est ramené à un débat à la fois ancien et récurrent sur les avantages comparatifs des fortes densités (FOUCHIER, 1997 ; GUEROIS, 2003) ; on est encore partagé sur la légitimité de construire des villes en hauteur ou pas.

6 Dans un deuxième temps, le dépassement de la relation densité-mobilité incite à considérer la forme urbaine sous un aspect plus qualitatif de modalités d’usage dusol. Se pose alors la question de l’influence de la répartition spatiale des fonctions et des activités urbaines sur les comportements de mobilité. La minimisation de l’impact environnemental des déplacements quotidiens passe par un agencement adapté des éléments qui constituent la ville. L’hypothèse habituellement retenue est qu’un tel agencement implique une diversité dans les usages du sol : diversité fonctionnelle (un partage équilibré entre emplois et résidences doit permettre, toutes choses égales par ailleurs, de faciliter la localisation conjointe des actifs et des emplois (WIEL, 2001 ; CERVERO, 1989), mais aussi diversité économique (OCDE, 1994). La variété des emplois au sein d’une zone doit permettre le développement des déplacements à portée locale, à l’opposé des déplacements multi-objectifs ou « pérégrinations » (POUYANNE, 2005b). Se dessine alors, en prolongement de la Ville Compacte, le modèle de la « Ville Cohérente »  [1].

7 La diversité des usages du sol permettant théoriquement de rapprocher l’origine et la destination du déplacement, on la retrouve en tant qu’objectif de planification dans les documents d’urbanisme : le PDU de Bordeaux, par exemple, se fixe comme objectif « [d’] abandonner [...] tout zonage spécifique monofonctionnel lorsqu’il n’est pas justifié par des contraintes de nuisances et de salubrité » (Communauté urbaine de Bordeaux, CUB, 2001, p. 94). Au contraire, il est conseillé de « favoriser la mixité urbaine, facteur de déplacements courts » (Ibid.). Ainsi considère-t-on généralement que l’absence d’emplois dans certaines zones périurbaines, dévolues à la fonction résidentielle ou, au contraire, la concentration des emplois dans les centres périphériques et les zones aménagées sont un facteur d’accroissement des distances de déplacement.

8 Ainsi densité et diversité modèlent-elles un idéal de ville « soutenable » du point de vue de la mobilité quotidienne : « la “diversité dense” coûte moins cher en respect de l’environnement » (LEVY, 1998). On ne peut s’empêcher, cependant, de voir dans ces arguments une inspiration passéiste. Il s’agit souvent de revenir à des valeurs de proximité, de convivialité et d’esprit de communauté incarnées par le « quartier » dans la vision traditionnelle. Les Urban Villages et les réalisations du Nouvel Urbanisme par exemple, s’inspirent explicitement de l’argumentation développée ci-dessus, et essaient de recréer le fonctionnement de l’urbanisation traditionnelle, antérieure à « l’automobilisation », qui mêlait sur un même espace emplois et résidences (LUND, 2003 ; STEUTEVILLE, 2000). Elles constituent, selon la formule de J. A. DUNN J.-R. (1998), un « retour vers le futur ».

9 L’action sur la forme urbaine dans le but de réduire la place de l’automobile dans les déplacements passe par une promotion de la densité et de la diversité, à travers les modèles de Ville Compacte et de Ville Cohérente. Ces approches reposent principalement sur des études empiriques, qui testent l’influence de la densité et de la diversité sur les comportements de déplacement. D’un point de vue théorique, le cadre interprétatif de l’interaction entre forme urbaine et mobilité quotidienne est à chercher auprès de la théorie des « trois âges » de la ville, qui relie la forme urbaine aux modes de transport utilisés.

- 2 - La théorie des « trois âges » de la ville

10 La théorie des « trois âges » de la ville relie, dans une perspective historique, la forme urbaine et la technologie de transport disponible (DUPUY, 1995 ; WIEL, 1999, 2001, p. 46 ; VIJAYAN, 2002, p. 7). Elle a été utilisée par P. NEWMAN et J. KENWORTHY (1998, pp. 27 et ss.) pour fonder théoriquement leur fameuse « courbe » qui relie de manière inverse la densité urbaine et la consommation d’énergie pour les transports par habitant (NEWMAN et KENWORTHY, 1989). Elle repose sur l’hypothèse d’un temps de déplacement constant d’environ trente minutes, une régularité empirique très robuste souvent dénommée « loi de Zahavi ». Cette loi, qui énonce la stabilité des temps de transport dans le temps et dans l’espace, a souvent été corroborée par les faits (ZAHAVI et RYAN, 1980 ; JOLY, 2003 ; PURVIS, 2004 ; GORDON et al., 1991 ; LEVINSON et KUMAR, 1997 ; FOUCHIER, 1997)  [2].

11 Sur cette base, les gains de vitesse permis par les progrès technologiques dans les transports vont de facto déterminer l’étendue et la structure de la ville. Ces progrès technologiques ne se font cependant pas linéairement, mais plutôt par « sauts ». On distingue ainsi deux « révolutions technologiques » dans les transports (VON HOFFMAN et FELKNER, 2002), qui vont déterminer trois types ou « âges » de la ville (cf.figure 1) :

12

  • La Ville Pédestre ( Walking City ) est très dense. Elle s’étend sur un rayon maximum de 5 kilomètres. Emplois et résidences y sont mêlés.
  • La Ville Radiale ou ville des transports en commun ( Transit City : l’avènement des transports en commun permet à la ville de s’étendre sur un périmètre de 30 kilomètres. Cette extension se fait « en doigts de gant », le long des lignes de transport de masse. L’urbanisation se développe principalement autour des nœuds qui correspondent aux stations de transports en commun ;
  • La Ville Automobile ( Automobile Dependent City : le gain de vitesse lié à l’usage de l’automobile étend le périmètre de la ville jusqu’à 40 kilomètres et plus. De plus, la souplesse et la flexibilité du mode automobile permettent au développement urbain de s’affranchir des grandes voies de circulation : il devient « isotrope » (TABOURIN, 1995). L’urbanisation procède par un « comblement des vides intersticiels » à faible densité (BORDREUIL, 1995). L’automobile, en autorisant la « déplaçabilité des lignes de communication » (Ibid.), transforme la localisation des activités et des hommes d’une logique de ligne à une logique de zone. On passe, dans l’appropriation de l’espace urbain par les individus, du « menu » à la « carte » (RONCAYOLO, 1990).

13 Dans cette théorie, la ville superpose les organisations spatiales précédentes : si les trois âges de la ville se sont succédés dans le temps, aujourd’hui ils coexistent, s’imbriquent pour former une ville à la fois comparable et toujours différente : « (...) la ville empile et stratifie des organisations de l’espace qui gardent en mémoire ce que furent les activités mais aussi les possibilités de déplacement des sociétés urbaines antérieures » (WIEL, 2001, p. 21, souligné par nous).

Figure 1

Les « trois âges » de la ville

figure im1

Les « trois âges » de la ville


Newman et Kenworthy, 1998

14 On notera que cette théorie repose sur une certaine conception de l’urbain : la ville est l’organisation spatiale qui permet la maximisation des interactions sociales (e.g. CLAVAL, 1968). Or précisément, ces interactions deviennent tangibles à partir des déplacements, et déterminent ensuite la répartition des fonctions et des agents dans l’espace urbain, pour en venir à définir l’objet même de ville : « La réciprocité[entre conditions de la mobilité et agencement urbain] est constitutive du fait urbain lui-même » (WIEL, 2001, pp. 22-23).

15 Si la théorie des « trois âges » semble pertinente pour décrire le développement historique de la ville et la succession des phases d’urbanisation en rapport avec le moyen de transport dominant, son opérationnalité n’a été que rarement testée. Une telle vérification empirique semble pourtant utile, ne serait-ce que parce que les organisations de l’espace successives s’entassent et s’entremêlent : autrement dit, si cette théorie semble bien décrire la succession historique des phases d’urbanisation (encore qu’une telle affirmation appartienne plutôt à l’historien), dans quelle mesure permet-elle d’interpréter la forme actuelle d’une agglomération ? Peut-on aujourd’hui distinguer les trois formes urbaines vues ci-dessus (ville pédestre, ville des transports en commun et ville automobile), ou sont-elles fondues sans distinction possible entre les trois âges ?

16 Cet article constitue une ébauche de réponse à cette question. Son objet est de vérifier la pertinence de la relation entre forme urbaine et choix modal à partir d’un échantillon de six aires urbaines françaises.

- 3 - Étude empirique : forme urbaine et choix modal dans le cas de six aires urbaines françaises

3.1. Données et méthode

17 Les données utilisées ici sont issues du Recensement général de la population (RGP) de 1999. Nous avons disposé de l’inventaire exhaustif des navettes domicile-travail par commune pour six aires urbaines : Bordeaux, Dijon, Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Aix-Marseille  [3]. L’ensemble représente 1 810 838 déplacements pour plus de 50 000 liaisons possibles. La synthèse des données fournit, pour chaque commune, les parts modales (VP, voiture particulière ; TCU, Transports en commun urbains ; MAP, Marche à pied et deux roues ; MULT, déplacements multimodaux ; DOM, travail à domicile). Nous leur avons adjoint des mesures de distance au centre (de l’aire urbaine) et de densité résidentielle brute.

18 La technique statistique utilisée ici est celle des fonctions spline cubiques. Particulièrement adaptées à la description des phénomènes discontinus et non linéaires, les spline donnent une estimation très fine d’un nuage de points donné. Le principe général est de découper l’axe des abscisses en plusieurs intervalles au sein desquels on estime des polynômes de degré 3 (au maximum) articulés par des « nœuds » (cf.Annexe Mathématique). La précision de l’ajustement est garantie par le fait que lesspline autorisent retournements et modifications de pente à l’intérieur des intervalles (ANDERSON, 1982, p. 156).

19 L’objet de cet article est de relier les comportements de mobilité, réduits au seul choix du mode de transport, et deux éléments de forme urbaine : la distance au centre et la densité.

20 La densité et la distance au centre sont liées par une régularité empirique forte, la loi de CLARK : les densités décroissent continûment avec la distance au centre (CLARK, 1951 ; voir aussi PEGUY, 2000). La justification théorique en a été fournie dès les années 1960 : en introduisant une fonction de production de logements, R. F. MUTH (1969) montre que la concurrence pour le sol central se traduit par un gradient de rente négatif, et donc une production de logements par unité de sol plus importante à proximité du centre. On en déduit que les densités « suivent » la rente et décroissent donc avec la distance au centre.

21 Pour comprendre les comportements de mobilité en fonction de la localisation dans l’espace urbain, nous avons mené une analyse à deux niveaux. Nous avons d’abord construit un échantillon global regroupant les 753 communes qui font partie des six aires urbaines étudiées. Chaque commune est caractérisée par un niveau de densité et sa distance au pôle urbain, en pourcentage du rayon total de l’aire urbaine afin de permettre les comparaisons  [4]. Nous avons ensuite analysé la relation entre choix modal et forme urbaine pour chaque aire urbaine prise séparément, en utilisant cette fois la distance au centre brut  [5]. Dans la mesure où l’analyse par aire urbaine aurait considérablement alourdi les commentaires, et qu’il aurait fallu, de plus, réaliser ces commentaires en lien avec les particularités de chaque ville (topologiques, historiques, en termes d’offre de transports en commun, etc.), nous avons choisi de ne pas faire figurer les estimations dans cet article ; un seul exemple, pour les TCU, est fourni à la figure 3.

22 Le choix de la distance au centre plutôt que celui des densités se justifie par une contrainte technique : il est impossible de croiser les parts modales et les densités au moyen de la technique des spline cubiques. En effet, ces dernières s’articulent autour de « nœuds » formés à partir d’un découpage de la distribution de la variable explicative en intervalles de taille égale (cf. Annexe Mathématique) ; or, la forme exponentielle de la distribution des densités (la fonction exponentielle est la plus usitée pour estimer des gradients de densité – e.g. PÉGUY, 2000) n’aurait pas permis d’avoir un nombre suffisant d’observations dans l’intervalle extrême, compromettant ainsi la significativité des résultats  [6]. Le choix de la distance au centre comme variable explicative repose sur le fait que, en plus d’être une assez bonne proxy de la densité, il est compatible avec la théorie des « trois âges », la ville étendant son périmètre avec chaque changement de mode de transport dominant. Ajoutons que la distance au centre constitue, selon N. FRANÇOIS et al. (1995), « une bonne représentation de l’espace urbain ».

3.2. Résultats

23 Les résultats obtenus en croisant le choix modal et la distance au centre sont relativement conformes aux prédictions de la théorie des « trois âges » de la ville. On observe ainsi, dans les parties les plus centrales des aires urbaines étudiées, une tendance à la substitution de la VP aux modes « doux » (MAP et TCU) avec l’éloignement du centre (a). Dans la partie externe des aires urbaines, le choix modal semble indépendant de la distance au centre, avec un usage quasi-systématique de l’automobile ; la notion de « dépendance automobile » permet d’interpréter ce résultat. Nous proposerons d’approfondir l’analyse en croisant le choix modal et ladensité pour un échantillon réduit aux communes les plus éloignées du centre de leur aire urbaine (b). Enfin, la croissance du travail à domicile avec la distance au centre nous amène à nous questionner quant à l’émergence possible d’un quatrième « âge » de la ville (c).

24 a) La part des modes « doux » (MAP et TCU) est nettement décroissante avec la distance au centre et la densité (figure 2). Cette relation, constatée dans l’échantillon global, est confirmée pour chaque aire urbaine prise séparément. Elle n’est toutefois valable qu’en deçà d’une certaine distance au centre : au-delà, l’usage des modes doux semble devenir indépendant. Le point d’inflexion ainsi mis en évidence présente deux caractéristiques :

25

  • D’abord, il est différent suivant le mode. Il apparaît beaucoup plus tôt pour la MAP que pour les TCU : aux alentours de 30 % du rayon pour la MAP contre 50 % du rayon pour les TCU. Autrement dit, la sensibilité de l’usage des TCU à la distance au centre est valable sur une plus grande surface que celle de la MAP.
  • Ensuite, le point d’inflexion est sensible à la taille urbaine : il est d’autant plus éloigné du centre que l’aire urbaine est peuplée. Pour la MAP, il est situé entre 10 et 15 kilomètres du centre à Bordeaux et Lyon, un peu avant 10 kilomètres à Dijon et Grenoble. Pour les TCU, entre 20 et 25 kilomètres du centre à Bordeaux et Lyon, un peu avant 20 pour Dijon et Grenoble (cf. figure 3). Ce point peut s’expliquer notamment à partir de l’hypothèse de congestion centrale en relation croissante avec la taille urbaine, qui est d’ailleurs un élément d’interprétation de l’émergence d’une forme polycentrique (GASCHET, 2001)  [7].
Figure 2

Parts modales et densité résidentielle en fonction de la distance au centre pondérée (N = 753)

figure im2
Distance au centre pondérée
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
1,00 100
Parts modale (en % des deplacements domicile-travail)
10
Densitérédidentiellebrute (hab, /km2)
(echellelogarithmique)
(echelle logarithmique)
0,10
1
0,01 0,1
VVPP MMAAPP2R2R TTCCUU MMUULTLT DDOOMM DDEENNSITSEITE

Parts modales et densité résidentielle en fonction de la distance au centre pondérée (N = 753)



RGP 1999 ; traitement de l’auteur.
Tableau 1

Régressions des parts modales et de la densité résidentielle brute sur la distance au centre pondérée (N = 753)

VP MAP TCU DOM MULT DENSITÉ
a1 0,533***
(24,134)
0,154***
(13,025)
0,182***
(20,697)
2,56E-2**
(2,109)
0,106***
(14,290)
58,93***
(32,134)
b1 1,808***
(6,326)
- 0,807***
(-5,281)
- 0,792***
(-6,956)
6,91E-2
(0,439)
- 0,279***
(-2,897)
- 446,26***
(-18,794)
c1 - 3,388***
(-2,961)
2,244***
(3,668)
1,105**
(2,427)
- 2,94E-1
(-0,467)
0,333
(0,865)
1233,56***
(12,978)
d1 1,862
(1,350)
- 2,101***
(-2,849)
- 0,361
(-0,657)
0,622
(0,821)
2,26E-2
(0,049)
- 1179,51***
(-10,297)
(d2-d1) 0,421
(0,234)
1,879**
(1,950)
- 0,549
(-0,764)
- 1,390
(-1,404)
- 0,359
(-0,594)
1116,85***
(7,459)
(d3-d2) - 5,031***
(-3,924)
- 0,346
(0,505)
1,360***
(2,656)
2,660***
(3,770)
6,71E-1
(1,555)
77,74
(0,730)
R2 0,283 0,191 0,515 0,228 0,156 0,694
figure im3

Régressions des parts modales et de la densité résidentielle brute sur la distance au centre pondérée (N = 753)



Notes : les t de Student sont entre parenthèses
Significativité : * p < 10 % ; ** p < 5 % ; *** p < 1 %
Les coefficients sont explicités dans l’annexe mathématique.

26 b) De manière tout à fait symétrique, la part de la VP est croissante avec la distance au centre jusqu’à environ 40 % du rayon pour l’échantillon global, s’établissant à un maximum de 83 % des déplacements. Au-delà de ce point, elle se stabilise à environ 80 %, suivi d’un léger décrochage à la frange des aires urbaines, s’établissant à 75 % pour les 10 % des communes les plus éloignées (figure 2). Cette tendance se vérifie pour les aires urbaines prises séparément. Ces résultats appellent un certain nombre de commentaires.

27

  • D’abord, la croissance de la part de la VP avec la distance au centre pour les communes les plus proches du centre de l’aire urbaine, mise en reflet avec la décroissance de la part des autres modes (cf. supra), indique clairement la présence de mécanismes de substitution modale en faveur de l’automobile à mesure que la distance au centre s’accroît.
  • Ensuite, l’indépendance des parts modales et de la distance au centre pour les communes situées au-delà de 40 % du rayon moyen de l’aire urbaine peut s’expliquer à partir de la notion de « dépendance automobile », en définissant celle-cicomme l’usage quasi-systématique de l’automobile pour les déplacements : quasi-systématique signifie ici indépendante de tout facteur exogène – et notamment la forme urbaine. Le fait que cette dépendance automobile se manifeste dans les communes périphériques de faible densité est conforme à l’hypothèse de car-dependant land use pattern, ou modalités d’usage du sol propices à la dépendance automobile (NEWMAN et KENWORTHY, 1998) : dans les communes les plus éloignées du centre de l’aire urbaine, la densité – et l’accessibilité – y sont tellement faibles que l’usage de l’automobile y est « une nécessité plus qu’un choix » (Ibid., p. 31). De plus, l’absence relative d’emplois dans des zones périphériques, souvent majoritairement dévolues à la fonction résidentielle, vient grever l’accessibilité moyenne de ces zones. Ces résultats n’infirment donc pas l’existence d’une Ville Automobile, ultime couronne de l’aire urbaine où se manifeste la dépendance automobile.

Figure 3

Part des TCU et distance au centre brute par aire urbaine  [8]

figure im4

Part des TCU et distance au centre brute par aire urbaine  [8]


RGP 1999 ; traitement de l’auteur.

28 Ainsi, pour 80 % des communes de l’échantillon global, la part modale de l’automobile s’établit au-delà de 80 % et se révèle indépendante de la distance au centre. Rien ne nous permet cependant d’affirmer que pour ces communes le choix modal est également indépendant de la densité. En effet, le gradient de densité y est quasiment plat (figure 2) : les variations de densité résidentielle sont très faibles dans la couronne périurbaine. Il a semblé intéressant d’approfondir ce point en testant, pour un échantillon réduit aux 80 % de communes les plus éloignées du centre de l’aire urbaine, la relation entre choix modal et densité. La formation d’un tel échantillon réduit se justifie d’un point de vue technique, car ce faisant nous éliminons les valeurs extrêmes de densité, et il est possible de découper la distribution en trois intervalles égaux (comme l’exige l’application de la technique des splinecubiques) tout en conservant leur significativité aux résultats. Nous sommes alors en mesure d’analyser la relation entre choix modal et densité dans les communes de la « Ville Automobile » pour les trois modes principaux (figure 4 et figure 5).

Figure 4

Part modale de la VP et densité résidentielle pour les 80 % de communes les plus éloignées (N = 602)

figure im5
90%
Parts modale (en % des deplacements domicile-travail)
80%
R2 = 0,043
70%
60%
(echelle logarithmique)
50%
40%
30%
20%
10%
0%
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Densité résidentielle brute (hab./km2)

Part modale de la VP et densité résidentielle pour les 80 % de communes les plus éloignées (N = 602)



RGP, 1999 ; traitement de l’auteur
Figure 5

Parts modales des modes « doux » en fonction de la densité pour les 80 % de communes les plus éloignées (N = 602)

figure im6
16%
) euqimhtiragolellehce (
sed%ne (eladomstraP
) liavart-elicimodstnemecalped
14%
12%
10%
R2 = 0,08
8%
6%
R2 = 0,21
4%
2%
0%
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Densité résidentielle brute (hab./km2)
MAP TCU

Parts modales des modes « doux » en fonction de la densité pour les 80 % de communes les plus éloignées (N = 602)



RGP, 1999 ; traitement de l’auteur

29 Les résultats obtenus à partir de cet échantillon réduit sont mitigés. On retrouve la forme attendue de la relation entre choix modal et densité : décroissante pour l’automobile, croissante pour les deux modes « doux ». Cependant, la qualité de l’ajustement des nuages de points par les spline est peu satisfaisante, comme le montre le niveau des R2 (notamment pour l’automobile). Ainsi le choix modal serait dans une large mesure indépendant de la densité. Conformément à l’hypothèse de « dépendance automobile » posée par P. NEWMAN et J. KENWORTHY (1998), la relation densité-choix modal ne semble pas valide pour les communes situées dans la Ville Automobile.

30 L’existence de la Ville Automobile constitue une grande difficulté pour l’application des objectifs de la politique des transports. Elle constitue un territoire gigantesque : si l’on retient le seuil des 80 % de communes où la part modale de l’automobile est supérieure à 80 %, ou encore le seuil des 78 % de communes où la densité est inférieure à 5 hab./km2, elle représente entre 72 % et 75 % de l’aire urbaine. Sur ce territoire, nous avons constaté que le choix modal est indépendant de la distance au centre, et dans la mesure où les coefficients de corrélation sont très faibles, de la densité. Dès lors, l’efficacité des politiques de densification suggérées par le modèle de Ville Compacte et mises en application dans de nombreuses villes occidentales (e.g. BREHENY, 1997 ; FOUCHIER, 1997) est mise en question, du moins en deçà d’un seuil de densité où les comportements de choix modal paraissent insensibles à la densité.

31 Une remise en question qui n’implique pas une preuve de l’inefficacité des politiques de densification. Il nous paraît, en effet, difficile de généraliser les résultats obtenus ici pour trois raisons. D’abord, cette étude est dépendante de la technique adoptée : si les fonctions spline permettent l’ajustement extrêmement précis d’un nuage de points, elles sont en revanche inadaptées à l’extrapolation ; la précision de l’ajustement est compensée par une plus faible capacité de généralisation (SUITS et al., 1978, p. 139). Ensuite, l’échantillon que nous utilisons est limité à six aires urbaines françaises, et rien ne nous permet de supposer que nous obtiendrons des résultats comparables avec un autre échantillon ou avec l’ensemble des aires urbaines. Enfin, nous ne disposons pas de données temporelles, et les résultats que nous présentons dans cet article ne sont qu’une « photographie » de la relation choix modal-forme urbaine à une date donnée.

32 Ces deux premiers ensembles de résultats sur les trois modes principaux sont conformes aux prédictions de la théorie des « trois âges » de la ville. Il semble bien en effet que (1) la part de la MAP et des TCU décroît au profit de la VP avec l’accroissement de la distance au centre et la diminution de la densité ; et que (2) cette substitution est valable sur un périmètre plus grand pour les TCU que pour la MAP. Ces deux propositions valident les principes de la théorie des « trois âges », puisque les transports en commun ont permis d’étendre la ville, et que la Ville des Transports en Commun « prolonge » la Ville Pédestre traditionnelle. Il semble donc difficile de rejeter l’hypothèse des « trois âges », dans la mesure où nos résultats sont également conformes aux prédictions du modèle  [9].

33 c) Le dernier ensemble de commentaires concerne le travail à domicile  [10]. On constate que la part du travail à domicile est en relation croissante avec la distance au centre. On passe de 2,5 % au centre à près de 10 % à la frange extrême de l’aire urbaine (figure 2). La forme croissante est également sensible pour chaque aire urbaine prise séparément. Autrement dit, plus le lieu de résidence est éloigné du centre-ville, plus le travail à domicile est fréquent. À cela, on peut apporter deux explications : d’abord, dans des communes qui restent à caractère rural, il est possible que la présence d’activités agricoles accroisse la part du travail à domicile et diminue l’usage de l’automobile ; mais on peut également supposer que le travail à domicile permet de s’affranchir de la contrainte d’accessibilité, donc dans une certaine mesure de la contrainte de proximité, et rend, toutes choses égales parailleurs, l’habitat périphérique plus attrayant. Pour tester une telle distinction, il importerait d’analyser les comportements de mobilité en fonction de la catégorie socioprofessionnelle.

34 La relation croissante entre travail à domicile et distance au centre s’explique traditionnellement par deux facteurs (GAREIS et KORDEY, 1999).

35

  • D’abord, les travailleurs concernés étant libérés de la contrainte de proximité au lieu de travail, ils ont la possibilité d’habiter dans un milieu aux caractéristiques rurales tout en restant insérés dans le marché du travail urbain. Nous assisterions alors à une amplification du phénomène de rurbanisation (BAUER et ROUX, 1976), voire à une modification de sa nature liée à l’émergence de nouvelles activités capables de s’affranchir de la contrainte de concentration, comme le suggère la notion de « métropolisation rurale » avancée par C. LACOUR et S. PUISSANT (2004)  [11]. Soulignons que cette interprétation repose sur une hypothèse forte : la préférence supposée des agents pour l’espace rural et ses aménités par rapport aux aménités centrales.
  • Ensuite, les agents qui travaillent à domicile ont besoin, toutes choses égales par ailleurs, d’un habitat plus spacieux, afin de pouvoir y exercer leur activité professionnelle ; or l’espace bon marché est davantage disponible en périphérie.

36 L’étude du lien entre travail à domicile et forme urbaine constitue un terrain intellectuellement glissant. Dans les années 1990, de nombreuses analyses un peu trop enthousiastes ont considéré que l’émergence des TIC allait conduire à la généralisation du télétravail, et par suite à la fin de la ville, à sa « mort par silicium  [12] ». Ce genre de comportements est, en fait, resté marginal. L’explication traditionnellement avancée est celle du besoin de contacts face-à-face, qui au lieu de pouvoir être substitués aux contacts électroniques, leur sont complémentaires. En d’autres termes, l’introduction des TIC dans le fonctionnement économique amènerait non pas à relâcher mais, au contraire, à renforcer la contrainte de concentration spatiale (GLAESER, 1998).

37 Nous ne nous plaçons pas sur un plan aussi général, et notre ambition est plus modeste. Notre interrogation part du constat que le travail à domicile est d’autant plus répandu que la distance au centre est grande, pour atteindre une part non négligeable (plus de 10 %) à la frange extrême de l’agglomération. Elle consiste à se demander quelle est la forme urbaine découlant de ce type de pratiques : assisterions-nous à l’émergence d’un quatrième « âge » de la ville ? Existerait-il, au-delà de la Ville Automobile, une sorte de « Ville Immobile » ?

38 Évidemment, ce terme de Ville Immobile est volontairement exagéré, dans la mesure où la part du travail à domicile ne dépasse que rarement 10 % des déplacements quotidiens, et où il ne s’agit que des déplacements domicile-travail, dont l’importance, on le sait, diminue de plus en plus au profit des déplacements de loisir et d’achat ; or il n’y a aucune raison de supposer que ces déplacements soient en relation inverse avec le nombre de travailleurs à domicile.

39 Aussi la « Ville Immobile » suggérée par nos résultats n’est-elle qu’une réalité ténue. Elle est toutefois sous-tendue par une tendance claire à l’accroissement des pratiques de travail à domicile avec la distance au centre, tendance qu’il serait sans doute judicieux d’approfondir. Si l’hypothèse de la « Ville Immobile » n’est pas infirmée, on peut se demander selon quelles modalités dans l’usage du sol elle se développe : quelle est la forme urbaine associée à une forte proportion de travailleurs à domicile ? À cette question nous ne pouvons répondre dans le cadre de cette réflexion, mais il semble que ce soit un sujet qui demande un certain nombre d’éclaircissements.

- 4 - Conclusion

40 Dans cette note de recherche nous avons testé, pour six aires urbaines françaises, la validité du lien entre le choix modal et la distance au centre ou la densité. L’hypothèse d’une telle relation est issue de la théorie des « trois âges » de la ville, qui associe la forme urbaine et les conditions de la mobilité en vigueur à un moment donné.

41 Les résultats que nous obtenons au moyen de l’estimation de fonctions splinecubiques sont conformes à ceux attendus. (a) On observe une tendance nette à la substitution de l’automobile aux modes « doux » à mesure que l’on s’éloigne du centre de l’aire urbaine et que les densités diminuent. (b) Pour près de 80 % des communes de l’échantillon, le choix modal devient indépendant de la distance au centre. Une interprétation possible de ce phénomène est le concept de « dépendance automobile » : dans la « Ville Automobile », l’usage des sols est tel que l’usage de l’automobile y devient une nécessité plus qu’un choix. Enfin, (c) le travail à domicile se révèle nettement croissant avec la distance au centre. Bien qu’il soit difficile d’extrapoler un tel résultat, on peut se demander si l’on n’assiste pas à l’émergence d’un quatrième « âge » de la ville, celle du travail à domicile, que l’on pourrait appeler, par une expression volontairement paradoxale, la « Ville Immobile ». Le problème de son existence, si la réponse est positive, conduit alors à une interrogation sur sa forme.

42 Notre analyse de la relation entre forme urbaine et choix modal amène à reconsidérer la question de l’efficacité des politiques de densification. S’il semble, à première vue, qu’il y ait bien concordance entre fortes densités et modes doux, et entre faibles densités et usage de l’automobile, le choix modal semble indépendant de la distance au centre et de la densité sur une grande partie du territoire des aires urbaines considérées. Ceci signifierait que la densification, dans la mesure bien entendu où elle vise à un transfert modal de l’automobile vers les modes « doux », n’est efficace qu’à partir d’un certain seuil, ou si l’on préfère, uniquement dans la partie la plus centrale de l’agglomération. Les résultats, malgré leur fragilité due aux difficultés de généralisation induites par l’estimation des fonctions spline cubiques, soulèvent néanmoins un problème important dans la mise en œuvre des politiques d’usage du sol, et demandent des investigations plus poussées quant à l’appréciation des interactions entre la forme urbaine et les comportements de mobilité.


Annexe mathématique les fonctions spline cubiques

43 Les fonctions spline servent à ajuster très finement un nuage de points sur la forme duquel on n’a pas d’hypothèse particulière. Initiées dans les années 1970, elles ont surtout été utilisées pour décrire très précisément la relation entre la densité urbaine et la distance au centre (e.g. ALPEROVICH, 1995 ; ANDERSON, 1982 ; BAU-MONT, ERTUR et LEGALLO, 2004). Elles sont bien évidemment généralisables à toute forme de comportement discontinu (e.g. PENG, 1997).

44 Une fonction spline est une fonction définie sur plusieurs intervalles, et admettant différentes valeurs de paramètres pour chaque intervalle (ALPEROVITCH, 1995, p. 1542). Le principe est de diviser le segment de la variable explicative en plusieurs sous-segments à partir de valeurs-seuils appelées « nœuds » (knots). L’ajustement du nuage de points est extrêmement précis car les spline autorisent retournement et modifications de pente à l’intérieur des intervalles (ANDERSON, 1982, p. 156).

45 On estime, pour chaque intervalle, un polynôme de degré 3  [13] que l’on assemble pour obtenir la fonction globale ajustant au mieux le nuage de points. Cette fonction globale s’écrit, pour trois intervalles :

equation im7
Yn = [a 1+b 1 (Xn ?X 0) +c 1 (Xn ?X 0) 2+d 1 (Xn ?X 0) 3] . M 1
+ [a 2+b 2 (Xn ?X 1) +c 2 (Xn ?X 1) 2+d 2 (Xn ?X 1) 3] . M 2 (1)
+ [a 3+b 3 (Xn ?X 2) +c 3 (Xn ?X 2) 2+d 3 (Xn ?X 2) 3] . M 3+un

46Yn est la valeur de la variable expliquée pour l’observation n, Xn la valeur de la variable explicative pour l’observation n, les un sont des résidus sous les hypothèses habituelles (ils sont indépendants et identiquement distribués selon une loi d’espérance nulle et de variance ? 2). Sur chaque segment i les ai , bi , ci , di sont des paramètres que l’on cherche à estimer ; les Xi sont les nœuds qui définissent les trois intervalles de régressions I 1 : [X 0 ; X 1 [, I 2 : [X 1 ; X 2 [et I 3 : [X 2 ; X max [. Enfin, les Mi sont des variables muettes qui prennent la valeur 1 pour les observations telles que Xi ?1 ? Xn < Xi , et 0 sinon.

47 Afin d’obtenir une fonction globale, qui sera valable pour tout X, il est nécessaire d’assurer la continuité de la fonction en chacun des nœuds. On impose, notamment, les contraintes suivantes sur les paramètres, qui assurent l’égalité des valeurs estimées de Y à droite et à gauche de chaque nœud :

equation im8
a2=a 1+b 1 (X 1?X 0) +c 1 (X 1?X 0) 2+d 1 (X 1?X 0) 3 (2)  [14]
a 3=a 2+b 2 (X 2?X 1) +c 2 (X 2?X 1) 2+d 2 (X 2?X 1) 3

48 En pratique, cependant, il est plus facile d’estimer la fonction spline cubique sous une forme équivalente, qui permet en plus de généraliser à un nombre quelconque d’intervalles. On pose d’abord M * i = 1?Xn ? Xi . On montre ensuite (SUITS et alii, 1978, p. 134) que l’équation (1) est équivalente à :

equation im9
Yn =a 1+b 1 (X n ?X 0) +c 1 (X n ?X 0) 2+d 1 (X n ?X 0) 3 (3)
+ (d 2?d 1) (Xn ?X 1) 3. M * 1+ (d 3?d 2) (Xn ?X 2) 3. M * 2+un

49 Cependant, cette transformation n’est valable que si, et seulement si, l’amplitude des intervalles est la même. Dès lors, on obtient une expression assez simple, qui revient à expliquer la variable Y à partir de cinq variables composées. On peut la généraliser au cas de k + 1 intervalles :

equation im10
k
Yn = a 1 + b 1 (X ? X 0) + c 1 (X ? X 0) 2 + d 1 (X ? X 0) 3 + ? (d i+1 ? d i ) (X ? X i ) 3. M i* (4)
i=1

50 En pratique, cette fonction globale peut être décomposée en autant de polynômes de degré 3 (au maximum) qu’il y a d’intervalles. Les fonctions spline présentent l’avantage de ne pas nécessiter la pré-spécification du degré du polynôme, ce qui les assimile, selon les mots de D. SUITS et alii (1978, p. 139), à un « idéal statistique ».

Annexe 1 - Données de cadrage sur les six aires urbaines étudiées

Bordeaux Dijon Lyon Grenoble Saint-
Étienne
Aix-
Marseille
Population sdc 1999
(id., 1990)
882.156
(830.466)
312.199
(298.984)
1.597.662
(1.507.356)
504.849
(477.142)
307.697
(330.539)
1.398.146
(1.344.685)
Taux de variation
annuel de la
population 1990-1999
+0,67 % +0,48 % +0,65 % +0,63 % - 0,79 % +0,43 %
Taux d’activité (%) 56,7 56,7 57,4 56 51,6 52,3
Taux de chômage (%) 14,5 10,7 11,5 12,2 14,8 20
Nombre de communes 149 163 239 101 34 67
Densité moyenne
(hab./ km2)
309 187 630 421 672 642
Commune la plus
éloignée
(km)
Le Tuzan
(43,629)
Pagny-le-
Château
(32,948)
Trept
(38,714)
Treffort
(30,563)
Rozier-Côtes-
d’Aurec
(23,795)
Jouques
(43,925)
Part modale de la VP 1
(en % du total des
déplacements)
73,7 65,6 65,8 67,8 62,6 66,6
Part modale de la
MAP6 (en % du total
des déplacements)
5,3 8,4 8,1 7,7 13,2 8,9
Part modale des TCU6
(en % du total des
déplacements)
7,8 10,7 12,8 8,8 12,3 11,7
Proportion des
résidences principales
situées dans un
bâtiment de :
1 logement 56,7 % 41,2 % 31,6 % 30,2 % 25,8 % 32,1 %
2 à 9 logements 17,3 % 19,4 % 13,9 % 16,4 % 27,1 % 26,3 %
10 logements ou plus 26 % 39,5 % 54,5 % 53,4 % 47,1 % 41,6 %
figure im11
1 - VP : Véhicule particulier ; MAP : marche à pied ; TCU : transports en commun urbains.

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Mots-clés éditeurs : fonctions spline, dépendance automobile, choix modal, étalement urbain

Date de mise en ligne : 01/01/2010

https://doi.org/10.3917/reru.073.0521

Notes

  • [*]
    Première version juin 2006, version révisée octobre 2006.
  • [1]
    - J.-P. ORFEUIL, intervention réalisée au Colloque Les Transports au XXIe siècle : enjeux, innovations, choix et financements, Rencontres Internationales de Prospective du Sénat, Palais du Luxembourg, 08/04/2004.
  • [2]
    - D’un point de vue théorique, le fait que les gains de vitesse permis par l’amélioration des performances du système de transport urbain ne se soient pas traduits par une diminution des temps moyens de transport peut s’interpréter comme une substitution par les ménages du gain en espace habitable aux gains en accessibilité, sous-tendue, pourrait-on dire, par une « préférence de l’espace sur le temps ».
  • [3]
    - Un certain nombre de données de cadrage sur ces six aires urbaines sont synthétisées en Annexe 1.
  • [4]
    - On utilise une distance au centre normalisée pour maîtriser l’effet de l’étendue de l’aire urbaine. La distance au centre brute ne signifie pas la même chose, en termes de forme urbaine associée, dans l’aire urbaine d’Aix-Marseille dont le rayon est de plus de 40 km, et celle de Saint-Étienne, dont le rayon est deux fois plus faible (soit une étendue 12 fois plus grande). La distance au centre normalisée est calculée comme le rapport entre la distance au centre de la commune considérée et la distance au centre de la commune la plus éloignée (cf. Annexe 1). Elle peut s’interpréter comme la position de la commune sur le rayon du cercle trigonométrique virtuel formé par l’aire urbaine d’appartenance, ou plus simplement comme la position relative (en pourcentage) de la commune dans l’aire urbaine d’appartenance.
  • [5]
    - En excluant toutefois les aires urbaines de Saint-Étienne et d’Aix-Marseille, car le nombre d’observations est insuffisant pour que les résultats de l’estimation des spline soient significatifs.
  • [6]
    - La solution sera, comme on le verra plus loin, de « couper la tête » de la distribution des densités, en éliminant les observations extrêmes.
  • [7]
    - Bien évidemment, d’autres éléments rentrent en compte, et notamment la desserte en TC de la commune considérée. En effet, les habitants des espaces situés sur les axes de TC les utiliseront sans doute plus fréquemment, à l’opposé des espaces « interstitiels » où l’alternative à l’automobile est faible. Dès lors, une partie du choix modal apparait indépendante de la distance au centre. Rappelons, toutefois, que nous n’avons pas souhaité expliquer de manière exhaustive le choix modal des individus, mais simplement tester l’hypothèse des « trois âges » de la ville reliant forme urbaine et choix modal.
  • [8]
    - Dans les estimations par aire urbaine, seules quatre villes ont été retenues : Bordeaux, Dijon, Grenoble et Lyon. Le trop faible nombre de communes constituant les aires urbaines de Saint-Etienne et d’Aix-Marseille ne permettait pas d’obtenir des résultats significatifs en appliquant la technique des spline cubiques.
  • [9]
    - On relativisera cependant la portée de ces résultats, dans la mesure où le découpage communal est quelque peu grossier pour mettre en évidence l’existence d’une Ville Pédestre ou même d’une Ville des Transports en Commun. En effet, la Ville Pédestre correspond surtout à la ville-centre (le pôle urbain), la pratique de la marche devenant très rapidement faible à mesure que l’on s’éloigne de l’hypercentre. L’imperfection des données utilisées ici incite à examiner l’interaction forme urbaine-mobilité quotidienne à une échelle intra-communale, comme nous l’avons fait dans le cas de l’agglomération bordelaise (POUYANNE, 2004).
  • [10]
    - Nous n’avons pas traité les déplacements multimodaux pour plusieurs raisons : d’abord, la forme de la courbe estimant le nuage de points n’est que peu prononcée (cf. figure 2) ; ensuite, seuls la constante et le coefficient du terme de degré 1 sont significatifs (cf. tableau 1) ; enfin, la définition des déplacements multimodaux retenue par l’INSEE est peu opérationnelle, incluant n’importe quel changement de mode (sauf le mode pédestre), et formant ainsi un ensemble trop hétérogène, selon nous, pour pouvoir être commenté de manière rigoureuse.
  • [11]
    - Il s’agit des TIC (Techniques de l’Information et de la Communication) mais pas seulement, comme C. LACOUR et S. PUISSANT (2004) tiennent à le souligner.
  • [12]
    - Matériau utilisé pour la fabrication des circuits imprimés.
  • [13]
    - Il existe aussi des fonctions spline exponentielles, utilisées, par exemple, par G. ALPEROVICH (1995).
  • [14]
    - Les systèmes (2’) et (2’’) permettent d’assurer la continuité des dérivées respectivement premières et secondes :
    equation im12
    b2=b 1+2c 1 (X 1?X 0) +3d 1 (X 1?X 0) 2 (2’)b 3=b 2+2c 2 (X 2?X 1) +3d 2 (X 2?X 1) 2 c2=c 1+3d 1 (X 1?X 0) (2’’)c 3=c 2+3d 2 (X 2?X 1)

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