Couverture de RERU_022

Article de revue

Lectures bibliographiques

Pages 333 à 344

Notes

  • [*]
    Le Doyen Yves MADIOT est décédé tragiquement le 18 juin 1998.

L,2002,II,7 – RATTI F., 2002, « Il concetto di prossimità nell’economia spatiale dell’innovazione », Collection Sapiens Tesi Universitarie, Edizioni Gottardo SA, Lugano, 178 pages, (reçu en mars 2002)

1Cet ouvrage d’économie spatiale va au-delà de la proximité, telle qu’elle est habituellement analysée depuis quelques années au sujet de la répartition territoriale des activités humaines et des mécanismes qui la déterminent. Sa préoccupation porte sur la proximétrie, c’est-à-dire sur la forme métrique des phénomènes et les répercussions qui en découlent pour l’innovation. Ce dépassement paraît essentiel pour comprendre mieux la révolution actuellement en cours dans le développement. Le volume est articulé en deux parties, qui sont conduites d’une manière systématique et approfondie et dans lesquelles, à la fin de chacun des chapitres, de brefs encadrés amènent pédagogiquement le lecteur à résumer synthétiquement la démarche.

2La première partie du livre est orientée sur les origines et les formes de la notion de proximité en économie, sur une analyse critique de la proximité par rapport à la tradition de l’économie régionale et sur les problèmes de l’information, de la connaissance et du savoir dans un contexte de proximité. Cette dernière est d’abord soumise à un examen scientifique, pour en écarter trop d’aspects plus ou moins discutables qui s’y sont ajoutés depuis une dizaine d’années. Ainsi précisée, la proximité est ensuite comparée à d’autres éléments utilisés en économie spatiale et avec lesquels elle est souvent -voire faussement- confondue : elle n’est pas la même chose que la distance, que l’accessibilité, que l’externalité ou que le réseau. De même, il faut nettement distinguer les sortes de proximité, comme par exemple, géographique, sociale, temporelle, historique, culturelle, fonctionnelle, circulatoire ou technique. L’auteur stimule la clarification, entre autres avec l’apparition d’un nouveau schéma de lecture sous la forme d’un triptyque de la proximité. Quant au poids acquis dans la société de l’information, les technologies en la matière sont mises à contribution en fonction de recherches particulièrement poussées, comme celles de COCCIA, NIJKAMP, RALLET ou TORRE.

3La seconde partie aborde, de plain-pied, le passage à la proximétrie : une fois que les choses sont rigoureuses fixées, il convient en effet de se livrer à leur mesure, à leur quantification et à leur évaluation. Plus précisément, le triptyque précédemment posé de la proximité est porté sous la forme chiffrée de la proximétrie. Simultanément, l’innovation y devient le premier champ d’application de la théorie de la proximité : l’apport de la métriqe est à y souligner, afin d’apprécier mieux le moteur par excellence de la croissance économique. Les chapitres portent successivement sur le dialogue proximétrique entre l’innovation et les institutions, sur les éléments aptes à mobiliser la proximétrie, qui est un enrichissement aux politiques d’innovation. Un accent est notamment placé sur l’innovation dans la « Learning Society » et sur la gouvernance territoriale propre à l’innovation, voire sur le dépassement de la recherche-développement dans le sens d’un élément quantitatif du potentiel technologique régional, c’est-à-dire de l’innovamétrie. Une donnée essentielle paraît être celle de l’évolution de l’auto-corrélation spatiale vers la percolation : c’est lorsque cette dernière fonctionne véritablement que la proximétrie de l’innovation prend sa signification. L’auteur se réfère, entre autres, aux contributions de Denise PUMAIN, Gabriel DUPUY et Mario COCCIA et s’arrête aux principaux coefficients de l’autocorrélation spatiale et de la percolation. Elle suggère un schéma des indices de la transmission technologique, qui débouche ensuite sur un autre schéma original de la proximétrie de l’innovation. Quant aux interactions de la localisation et de l’innovation, elle est appuyée sur les travaux de Danièle ARCHIBUGI.

4Somme toute, la proximité et la proximétrie de l’innovation concourent à rendre les politiques plus claires et, par conséquent, plus efficientes, grâce souvent à la vision empruntée à Douglass North au sujet de l’institution. Mme Fiorenza RATTI tente d’y convaincre d’une manière rigoureuse et très concise. La thématique conduite est renforcée par un nombre élevé de références infrapaginales, dont la plupart s’appuient sur des contributions récentes. De surcroît, une bibliographie générale de plus de 500 livres et articles, en grande majorité issue durant la dernière décennie, en français et en anglais surtout, mais aussi par des emprunts aux littératures italienne et allemande, permet de renforcer l’assise des raisonnements, voire d’en faciliter la compréhension. Ce texte vient à point nommé à l’heure de l’essor rapide de la nouvelle économie spatiale : il faut lui souhaiter une large audience. (Mars 2002).

5Gaston GAUDARD

6Professeur à l’Université de Fribourg

7(Suisse)

L,2002,II,8 – LEMAIGNAN C., 2002, « Perspectives territoriales pour 2020 », L’Harmattan, Collection Administration, Aménagement du Territoire, Paris, 222 pages, (reçu en avril 2002)

8On dira peut-être que c’est un ouvrage de plus sur le territoire et les recompositions territoriales (voir PECQUEUR, 1996 ; CHEVALIER, 1999 ; LOINGER et NEMERY, 1998 ; LOINGER et NÉMERY, 1997 ; GILLY et TORRE, 2000 ; Espace et Sociétés, 1997, etc.). C’est vrai et c’est heureux tant, aujourd’hui le territoire est décliné d’un grand nombre de manières : on nous parle bien entendu de territoire projets, de cristallisateur de partenariat, de lieux privilégiés de la gouvernance, sans oublier bien entendu ce qui semble aujourd’hui peut-être un peu vieillot, un territoire lieu de vie, support d’activité, voire de territoire acteur. Au point que par moment cette notion fourre tout pour laquelle nous nous sommes battus, aurait tendance à nous faire souhaiter comme nous l’avons écrit avec Yves DION, le retour des secteurs et la revanche de l’espace. On pense bien sûr à la tectonique des territoires, métaphore ou théorie, par laquelle nous expliquons la nécessité de réflexions sur le territoire mais qui montre aussi que « trop de territoires tue le territoire ». À l’évidence, de la clarté, de la précision et de l’ordre sont nécessaires et c’est une des ambitions de cet ouvrage.

9On pourrait dire aussi qu’il s’agit d’un ouvrage supplémentaire sur le développement local dont on ne finirait pas non plus de décliner les acceptions, les ambiguïtés et les attentes contradictoires : par exemple, certains pensent au local comme finalité, d’autres au local comme champ préférentiel de la mobilisation des acteurs, ou encore le local comme réponse au global…

10C’est peut-être pour cela que Christian LEMAIGNAN estime utile une sorte de guide pratique permettant de disposer, devant la complexité, la confusion des termes, les ambitions des décideurs, les attentes contradictoires des populations et des chefs d’entreprises, d’un outil permettant une lecture clarifiée, un mode d’emploi simplifié pour répondre aux attentes liées à la qualité de la vie, à l’attachement à sa commune ou à son pays dans un environnement marqué par la concurrence, la mondialisation.

11Davantage même si l’on suit Christian LEMAIGNAN, on a des explications concernant l’attraction urbaine qui se ferait au détriment des espaces ruraux (p. 146), au développement anarchique des villes moyennes (p. 173) et à la nécessité de favoriser les recompositions territoriales par une attention portée à l’intercommunalité, à la coopération interrégionale et bien entendu aux systèmes productifs locaux. Mais l’auteur veut aller plus loin en rendant compte des enjeux fondamentaux philosophiques et même moraux du développement (ASCHER, 2000).

12Le pari est donc très ambitieux et cet ouvrage de petite taille est cependant très dense, multiforme et veut couvrir un champ extrêmement large : celui bien entendu de l’aménagement du territoire, du développement que je préfère appeler territorial, celui marqué par des travaux aujourd’hui à la mode sur les districts, les milieux innovateurs et les SPL. Voilà un programme très lourd mais l’auteur ne s’arrête pas à des préoccupations de développement, de montage de projets puisque nous dit-il à plusieurs reprises, il entend se situer dans une philosophie « humaniste », « citoyenne », celle encore marquée par la sociabilité, l’urbanité. Au fond, un de ces paris est sans le dire, la production d’une réflexion générale sur les changements profonds de la société, entendue au sens le plus large, comme au sens de l’ancrage local cette fois-ci compris au plus près des habitants. Pour justifier son travail, l’auteur souhaite aussi maintenir des présentations théoriques essentielles et volontairement simplifiées tout autant qu’il souhaite produire un guide facile à utiliser. Mais pour autant l’ouvrage n’est pas seulement technique et opérationnel, enfermé dans une vision idyllique ou théologique de l’aménagement du territoire puisqu’il fait référence bien souvent à des réflexions de type sociologique et anthropologique.

13L’auteur aussi ne craint pas de surfer sur les idées les plus en vogue et il ne refuse pas des références liées au nomadisme, d’autres encore sur des références parfois osées comme par exemple la ville transactionnelle évoquée page 165, ce qui présente à la fois des avantages et des inconvénients. Les avantages sont que en lisant cet ouvrage on se sent plus intelligent sur beaucoup de questions que les médias évoquent souvent très rapidement ; les inconvénients tiennent au fait que la nature de l’ouvrage ne permet pas forcément de disposer des arguments de fond permettant d’apprécier la contingence ou la profondeur des propos.

14Devant ce foisonnement et cet appel à de nombreuses références explicitées ou implicites, on nous propose un certain nombre de cadrages essentiels et de surcroît opérationnels : l’auteur s’inscrit dans une lecture systémique où il privilégie un sous-systèmes institutionnel, un autre productif, un autre encore sociétal sans manquer naturellement de faire allusion à des logiques inspirées par René PASSET et l’économique et le vivant : le développement durable rôde, est présent, là aussi effet de mode ou nécessité pour les aménageurs ? Avec cette méthodologie, on s’efforce de définir des éléments, des ensembles, des liens permettant d’assurer une meilleure connaissance du local et ces multiples articulations avec l’international.

15Plus simplement dit, je préfère utiliser les notions d’espaces pertinents et d’espaces emboîtés qui, peut-être plus anciens et plus traditionnels, ont fait leur preuve et sont singulièrement opérationnels.

16On sent bien que l’auteur maîtrise une double pratique, une de terrain et une de nature pédagogique. Sur la première, et notamment suite à sa participation à la maîtrise de science et technique, ingénierie du développement local, relevant de l’Université Montesquieu Bordeaux IV et située à Agen, on reconnaît chez lui le sens du concret, l’importance du dossier, le poids des enquêtes et la capacité à proposer des synthèses, à faire travailler en équipes les étudiants. D’ailleurs, plusieurs des opérations qu’il a conduites avec des étudiants se retrouvent ici, stylisées et offrent des références pratiques utilisables. De même, les travaux qu’il a menés dans la région Poitou-Charentes nourrissent nombre de ces exemples.

17Comme enseignant, Christian LEMAIGNAN montre ici l’importance des concepts, la logique de la rigueur sans tomber excessivement dans la caricature des instruments et des références dont il se nourrit, même si parfois les arguments théoriques invoqués restent implicites ou parfois rapidement utilisés : ainsi par exemple des travaux de prospective conduits dans des groupes de travail de la DATAR. On peut certes s’étonner parfois de formules rapides, d’illustrations qui nourrissent trop bien son propos, mais par des tableaux, des schémas, des encadrés, il s’efforce de guider le lecteur et l’utilisateur. Sans doute, pourrait-on discuter certains de ses passages : par exemple, sa relecture de l’aménagement du territoire va vite sur l’avant 1982. Ce qu’il nous dit des villes, est fortement marqué par une attention aux espaces ruraux et à la ruralité ; la thématique des SPL, dont la DATAR entend faire un axe fort du développement territorial, doit être manié avec beaucoup de prudence et ne pas donner à croire qu’elle s’impose très facilement. D’autres exemples pourraient être trouvés notamment concernant le développement durable, l’ancrage territorial, la ville transactionnelle. Mais on pourrait continuer en évoquant le partenariat, les logiques stratégiques ou bien entendu, la gouvernance. Mais sur ces points, si l’auteur a le droit d’y croire, de s’en inspirer, -il est d’ailleurs en très bonne compagnie-, il faut rappeler la nécessaire prudence de ces notions et se souvenir toujours du principe de réalité et d’opérationnalité qui reste l’idée majeure de l’auteur.

18On sait pour en avoir souvent discuté avec lui, que sur de nombreuses questions évoquées, des débats sont ouverts et des désaccords profonds : Ch. LEMAIGNAN nous donne mieux à comprendre la nature et les enjeux de ces interrogations ; il nous propose des outils pour, quels que soient le contenu, le périmètre et les principes, le développement territorial et les politiques d’aménagement du territoire soient à la fois plus proches des préoccupations quotidiennes et pas seulement orientées par une instrumentalisation sans dessein. (Avril 2002).

19Claude LACOUR

20Université Montesquieu - Bordeaux IV

L,2002,II,9 – HAEBERLI R., GESSLER R., GROSSENBACHER-MANSUY W., LEHMANN POLLHEIMER D., 2002, « Objectif, qualité de la vie », Édition Georg, Genève, 345 pages, (reçu en avril 2002)

21Ce livre est centré sur le développement durable, tout à la fois sous les angles d’une exigence écologique, d’une stratégie économique et d’un processus social. Il a été publié comme synthèse du programme du Fonds national suisse de la recherche scientifique sur le thème de l’environnement. Il est articulé en cinq chapitres principaux, qui visent à condenser les connaissances majeures sur le plan social, ainsi que les recommandations d’action qui en découlent. Comme le rappelle à juste titre la conclusion, la recherche a commencé sous l’égide du diagnostic et elle s’est conclue sous le signe du développement, ce qui indique le sens de la démarche qui, en une décennie, s’est étendue entre l’appréciation de la situation et la définition, voire la mise en application de solutions.

22La préoccupation du développement durable part du constat qu’aucun renversement de tendance ne paraît en vue. Pourtant, des problèmes centraux se posent face à la mutation mondiale dans le climat, sur les sols, à travers l’appauvrissement de la biodiversité, la raréfaction des eaux douces, l’exploitation abusive des océans, les catastrophes naturelles, la répartition démographique, les disparités dans le développement et la mise en péril des ressources alimentaires. Surtout, les risques d’aujourd’hui comportent une dimension spatiale sans précédent, de même que des incertitudes et certains effets incontrôlables. Pourtant, depuis quelque trente ans, des conférences mondiales s’inquiètent, entre autres à Rio de Janeiro, en 1992, et des conventions importantes ont été adoptées pour tracer une ligne de conduite au développement durable planétaire. En Suisse, plus précisément, une autre stratégie a été adoptée dans la nouvelle Constitution fédérale : « La Confédération et les cantons œuvrent à l’établissement d’un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l’être humain ». L’origine de l’idée du développement durable vient notamment du souci de la sauvegarde à long terme des forêts protectrices. Désormais, il est admis qu’elle comporte les trois dimensions que sont l’écologie, l’économie et la société, dont la systématique s’appuie sur la notion des idées régulatrices. Il en découle des lignes de conduite de réalisation du développement durable.

23Le deuxième chapitre pose le problème de l’environnement au cœur des tensions entre la science et l’action. Il part de la relation durable avec la nature, ainsi que des dégradations qui influent sur la santé. Il se préoccupe d’une utilisation efficiente des ressources par une gestion intégrée des déchets et souligne que la fertilité du sol requiert elle-même de la prévention et un assainissement respectueux de ses fonctions. Dans ce contexte, la biodiversité bénéficie alors, à l’animal et à l’environnement, mais l’homme influence lui-même le climat et y fait peser des conséquences. Or, un développement durable exige un environnement aux fonctionnalités intactes. Des exemples très pertinente signalent le poids de la forte pollution atmosphérique sur les problèmes respiratoires, les séquelles du tabagisme passif ou la charge électromagnétique sur la santé ; une attention spéciale est placée sur l’amélioration de la gestion des divers déchets. De même, la référence à de nombreux travaux scientifiques fournit, à travers des indicateurs de l’état de l’environnement, une mesure fort éclairante tout au début du XXIème siècle.

24Pour la société et l’environnement, la mondialisation présente une opportunité (chap. III). En période d’incertitude, il existe une volonté de renouveau et, précisément en cas de transformations, la peur est une mauvaise conseillère. Une grande attention est portée sur le renouveau dont dispose la politique et l’économie pour orienter vers un avenir durable de la Suisse, qui cela concerne les entreprises, les régions ou l’État national, cela dans la politique intérieure et dans la politique étrangère. Notamment, une typologie des stratégies concurrentielles écologiques est proposée et, de même, le coût de diverses nuisances est fourni à l’exemple du secteur des transports de marchandises. Il en découle plus de clarté quant à l’importance des innovations écologiques pour la durabilité, dont les potentiels et les limites sont clairement exposés dans un tableau synthétique des processus et objectifs. Le problème de la participation à la communauté internationale, qui est très poussé pour l’économie helvétique, met en exergue l’importance de la coordination des mesures en matière d’environnement, voire le côté novateur de certaines décisions suisses, telle que celle de l’application du principe du pollueur-payeur au transport routier de marchandises (redevances sur le trafic des poids lourds). Là, derechef, un tableau synthétique des taxes énergétiques existantes dans les pays européens procure un éclairage bienvenu. La démonstration est soutenue que le développement durable constitue une stratégie économique politiquement réalisable, pour peu qu’on sache en saisir les occasions ou que le lien entre sa promotion et la compétitivité soit accentué.

25Le chapitre IV insiste sur le côté social du développement durable. Au premier chef, les auteurs observent que moins de résistance continue de marquer la formulation et à la mise en œuvre de la politique : dans les sondages, l’intérêt pour les questions écologiques décroît même depuis une décennie. Cependant, les problèmes écologiques sont en général indéfinis, complexes et conflictuels et il n’est pas commode pour une société, dans laquelle les hommes ont des perceptions différentes, d’essayer de les résoudre. Dès lors, les stratégies de promotion d’un développement durable ont à s’inspirer plus des référentiels d’actions de l’être humain que des écosystèmes. De nouveaux instruments offrent des variantes aux prescriptions et incitations de la politique environnementale classique : entre autres, les processus de conciliation procurent des conditions plus favorables. De nouveaux réseaux sont à envisager, ainsi que l’expliquent les perspectives d’y disposer de stratégies de mise en œuvre alternative. L’exemple est donné de la combinaison de la gestion étatique et du processus d’apprentissage.

26Sous le titre « Apprendre l’avenir », le chapitre V démontre précisément comment les processus d’apprentissage peuvent faciliter les mutations sociales. Or, une telle conception, qui est présentée tout d’abord pour les besoins élémentaires de l’alimentation, est transposable dans d’autres domaines, dont justement celui du développement durable. Cela requiert la remise en question des valeurs et, notamment, le déclenchement de processus d’apprentissage, avec la diffusion qui peut s’ensuivre. On est à même aussi de déceler des facteurs de réussite de l’apprentissage collectif, cela au-delà de l’entreprise et des limites sectorielles, qui sont entre autres exposées par une typologie des principes d’entreprises éthiques et écologiques, ainsi que des effets d’entraînement qui peuvent en découler. Vraiment, de nouveaux potentiels sont envisageables, tels qu’ils ont été observés, dans une région suisse, pour un réseau social limité dans le temps. En fin de compte, le savoir empirique et les connaissances d’experts sont conduites à fructifier.

27Pédagogiquement bien construit, cet ouvrage essaie de convaincre, à travers les conclusions des travaux de recherche du programme national suisse sur l’environnement et d’autres études spécialisées, que le processus de développement durable est finalement accessible à tous. Pour les économistes régionaux et urbains, il fournit un matériel choisi et particulièrement abondant des problématiques essentielles d’aujourd’hui et qui se situent à différentes échelles. Toujours, mais à des titres divers, l’espace y est mis en question. Ce dernier demande, dans le monde actuel, non seulement que l’on sache, mais que l’on apprenne, parce que, en dépit des incertitudes, les changements sont en cours. (Avril 2002).

28Gaston GAUDARD

29Professeur à l’Université de Fribourg

30(Suisse)

L,2002,II,10 – MADIOT Y., GOUSSEAU J.L., 2002, « Collectivités locales et développement économique », Préface de Jean-Pierre RAFFARIN, Collection Action Locale, Dexia Édition Imprimerie Nationale, Paris, 344 pages, (reçu en avril 2002)

31Jean-Louis GOUSSEAU a repris avec courage et brio la rédaction de cet ouvrage engagée par son regretté collègue Yves MADIOT [*] … Poursuivre en 2001 un travail en commencé en 1998, a supposé de reconsidérer l’ouvrage, en particulier au regard de différentes réformes notamment celles sur l’aménagement du territoire et le développement durable du territoire.

32Jean-Louis GOUSSEAU montre que le cadre juridique et institutionnel auquel sont soumis les décideurs locaux s’est révélé, par son imprécision, un instrument de souplesse et de pragmatisme, et pas uniquement un moyen commode de financer tout et n’importe quoi. Les collectivités territoriales font preuve d’une rigueur, de plus en plus exemplaire, dans l’instruction de dossier (sélectivité, respect de la légalité…).

33L’auteur analyse les enjeux des interventions économiques à tous les échelons des collectivités locales (Région, Communautés de communes, … en milieu urbain, en milieu rural…) en particulier en ce qui concerne les aides, les procédures de garanties … Il illustre de nombreux exemples d’initiatives d’élus pleins de bonnes intentions mais développant des interventions en appliquant « mal » la loi (parfois en la « violant ») … C’est pourquoi, partant de la légitimité des élus, l’auteur définit en quoi ils sont responsables au regard des dispositions législatives - la fin de l’ouvrage portant sur le récent projet de réforme en cours d’examen (ZUCCARELLI, Jean-Pierre RAFFARIN). (Avril 2002).

34Christian LEMAIGNAN

35Université de Poitiers

L,2002,II,11 – JOYAL A., 2002, « Le développement local. Comment stimuler l’économie des régions en difficulté », Les Éditions de l’IQRC, Collection Diagnostic, Presses de l’Université de Laval (Canada), 158 pages, (reçu en avril 2002)

36« Encore un ouvrage sur le développement local ! ? », pourront dire certains critiques avec la pointe de reproche qui s’adresse volontiers à tout auteur supposé manquer d’idées neuves ou d’imagination. Il importe, donc, très vite de détromper le lecteur et de l’inciter à suivre avec attention le discours de l’auteur hors du commun. André JOYAL, Professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières, a séjourné maintes fois dans différentes régions françaises, mais aussi il a effectué des missions d’études et d’intervention dans les provinces lointaines du Québec et du Brésil.

37Cet ouvrage est donc le fruit d’un grand nombre d’expériences très différentes, ce qui justifie d’autant plus le sous-titre et doit retenir l’attention de tous les responsables de régions en difficulté ou susceptibles d’être soumises à des mutations rapides (fermetures des entreprises offrant les derniers emplois). L’auteur entend répondre à deux questions essentielles, l’une posée par le maire d’un village québécois « Les élus ont-ils une responsabilité dans le développement économique de leur communauté ? », l’autre formulée par un étudiant gabonais après la première heure de cours « Vous croyez vraiment que le développement local peut être un processus démocratique ? ». Ne nous sommes-nous pas confrontés au seul problème fondamental qui est celui de la relation de l’homme citoyen avec l’organisation sociale ? La première partie « le développement local : pourquoi » permettra au lecteur de repérer toutes les réponses données au Québec et de découvrir la richesse des organismes et modalités mis en œuvre dans le pays. Pour ne pas raconter le film, rappelons la liste des sigles, sans doute non exhaustive, dont chacun pourra découvrir le sens dans l’ouvrage de A. JOYAL : PCEC, OSE, CADC, SADC, CLD, MRC, CDEC, CLE, PLACEE, SDER, SOLIDE, CIEC, déjà longue liste qui n’a rien à envier à celle qui prévaut en France. Tout cela souligne les difficultés que les sociétés ont rencontré dans le passé pour résoudre des problèmes que la mondialisation ne cesse de renouveler malgré des efforts réitérés d’adaptation de la part des territoires.

38La deuxième partie « Le développement local : c’est quoi ? » présente les objets, les situations et passe en revue les notions de « pays », de milieu innovateur, de districts industriels, de Systèmes Productifs Locaux.

39La troisième partie « Le développement local : comment ? » pose clairement la responsabilité des acteurs, de leurs projets, de leur partenariat. Les parties quatre et cinq traitent du développement local en milieu urbain et en milieu rural.

40La richesse des développements tient dans la confrontation permanente et quasi systématique des réflexions théoriques avec les expériences locales que l’auteur a eu à connaître de part et d’autre de l’Atlantique. Nous n’avons pas l’exposé d’une suite de certitudes, de modèles à suivre, mais plutôt une relance permanente de questionnement qui ouvre sur la quête de voies nouvelles d’expérimentation en sachant surtout qu’il faut laisser du temps à la prise de conscience après l’événement déclencheur, sachant qu’il faut savoir faire le deuil d’une activité définitivement terminée, du temps à la réflexion, du temps à l’élaboration contradictoire donc discutée et peut-être appropriée démocratiquement par la collectivité d’un projet de territoire global qui ne peut être réduit à la seule initiative de responsables se disant bien placés.

41C’est bien là une leçon d’humilité face à des phénomènes complexes qui exigent des actions inventives. (Avril 2002)

42Bernard GUESNIER

43Université de Poitiers

L,2002,II,12 – ALARD V., BÉRANGER C., JOURNET M. (eds.), 2002, « À la recherche d’une agriculture durable. Étude de systèmes herbagers économes en Bretagne », INRA Editions, Collection Espaces Ruraux, Paris, 340 pages, (reçu en avril 2002)

44La sécurité alimentaire est devenue une préoccupation majeure ainsi que l’ont prouvé les changements de comportement en matière d’achat de viande. Le souci impératif de la traçabilité qui en découle interpelle directement les méthodes de production agricole dont la neutralité est de plus en plus remise en cause par rapport à l’environnement et par rapport à la santé. Aussi on appréciera la lecture de cet ouvrage qui rend compte d’une expérience conduite en Bretagne, dans le cadre d’une démarche de recherche-action, par des chercheurs de l’INRA, en partenariat avec des « exploitants-chercheurs », agriculteurs-éleveurs et des élus locaux conscients de l’intérêt général.

45Cette lecture enrichira la réflexion des personnes déjà averties mais aussi de tout public soucieux des méthodes de production des aliments et de leurs incidences sur l’environnement, la qualité de l’eau et la protection de la nature. Les résultats présentés sont d’autant plus précieux, qu’ils ont été établis par des méthodes scientifiques dans une région très fortement confrontée au problème de la qualité de l’eau.

46Ces résultats soulignent tout particulièrement l’intérêt des pratiques innovantes et originales d’agriculteurs-éleveurs qui ont remis en cause leurs méthodes de travail et repensé l’ensemble de leur système de production pour retrouver une nouvelle cohérence de fonctionnement dans une perspective de développement durable. Ils démontrent sur la base de données scientifiques, la crédibilité technique et socio-économique de méthodes et pratiques non conventionnelles qu’ont ouvertes des éleveurs bretons.

47Les perspectives offertes, et notamment les aspects sociaux, ne manqueront pas d’intéresser de nombreux responsables territoriaux confrontés aux conséquences d’un productivisme non contrôlé. On appréhendera dans cet ouvrage, certes, un peu trop technique par certains aspects (mais on peut omettre certains développements), plusieurs points, notamment : l’intérêt d’une démarche systémique, un bilan positif sur la réalité de compromis environnemental et socio-économique, l’importance de la proximité dans la gestion de bassins versants (échelle adaptée à l’action), la proposition d’indicateurs d’évaluation des systèmes de production, l’apport précieux d’un partenariat réunissant chercheurs, agriculteurs, techniciens, scientifiques de disciplines variées et différentes structures d’animation. Finalement, l’ouvrage offre à tout développeur local, enseignant ou praticien, des perspectives prometteuses pour une agriculture durable respectueuse de l’environnement, notamment dans la mise au point de systèmes alternatifs, diversifiés, intégrés, grâce à une implication large d’acteurs territoriaux dans un processus d’innovation fondé sur des efforts méthodologiques et la mise au point de démarches inédites. (Avril 2002).

48Bernard GUESNIER

49Université de Poitiers

L,2002,II,13 – AMPE F., NEUSCHWANDER C., 2002, « La république des villes », Préface de J.M. BOCKEL, Éditions de l’Aube, DATAR, Paris, 160 pages, (reçu en avril 2002)

50Introduite dans la loi du 12 juillet 1999, au travers de la création des Communautés d’Agglomération, la notion d’agglomération « n’est pas que la huitième forme de l’intercommunalité mise au point par l’imagination fertile de nos administrations centrales ; c’est réellement une innovation, voire une rupture, dans l’histoire des statuts des collectivités locales… » (p. 27). En quelques décennies, le territoire national s’est complètement transformé sous l’effet des mutations économiques : la transition vers une économie post-industrielle fondée sur des bases cognitives de gestion des compétences et des savoirs, a favorisé la concentration et la polarisation des activités à haute valeur ajoutée et des emplois stratégiques. Les progrès consécutifs de l’urbanisation au détriment du monde rural et l’incohérence des limites administratives traditionnelles ont alors assuré le succès des Communautés d’Agglomérations.

51Ces dernières sont poussées à relever quatre défis majeurs : renforcer la solidarité entre les espaces (cohésion sociale), contribuer au développement économique durable, gérer l’étalement urbain (rationalisation des équipements), construire un espace politique (pour un aménagement concerté par des décisions globales et stratégiques). Pour répondre à ces défis, il est clair que la gouvernance locale bien comprise doit s’inscrire dans un processus complet combinant : territoire, projet, démocratie participative, contrat, évaluation. Le rôle du Conseil de Développement, autre innovation, est de promouvoir trois objectifs : l’information de la Communauté, la participation des acteurs locaux, une meilleure représentation de la réalité sociale, permettant ainsi de donner un contenu concret à la « démocratie participative ».

52Les auteurs qui nous offrent au fil des pages une analyse décapante et une vision transversale de multiples problématiques, nous invitent à une lecture approfondie puisqu’en conclusion, en synthèse, ils affirment une position forte : « Il est grand temps, alors que l’économie post-industrielle installe ses contraintes et manifeste ses potentiels, de passer de la République des cantons à la République des villes et d’achever ainsi la décentralisation de la République. À ce prix, elle se mettra en mesure de rester elle-même, de trouver sa place dans l’Europe élargie, et de conserver ses vertus essentielles notamment celle de la démocratie. Ajoutons que, dans une longue annexe de 30 pages, D. BÉHAR et P. MÉJEAN présentent une synthèse de l’opération « sites témoins » des contrats d’agglomérations (DATAR-AMGF), juin 2001. (Avril 2002).

53Bernard GUESNIER

54Université de Poitiers

L,2002,II,14 – MOATI P., 2002, « L’entreprise du XXIème siècle », Préface de R. ROCHEFORT, Éditions de l’Aube, DATAR, Paris, 232 pages, (reçu en avril 2002)

55Le retour, ou encore le renouveau, de l’entrepreneuriat traité dans cet ouvrage de manière prospective, doit être rapproché de la proposition, faite par le rapport J. BOISSONNAT d’un contrat d’activité qui « lierait un individu à un groupement d’entreprises sur un critère géographique (un bassin d’emploi) ou sectoriel (un syndicat professionnel)… » (p. 8), préface de Robert ROCHEFORT. En effet, si la croissance des 30 glorieuses a été portée par le système fordien et la grande entreprise, une nouvelle économie émerge, la décennie 80 voit le poids des P.M.E. augmenter fortement et la décennie 90 voit l’essor de la Très Petite Entreprise (T.P.E.). La nébuleuse des petites entreprises dispose, selon Philippe MOATI, de trois formes d’organisation :

56

« 1- Le groupe : le lien entre les petites unités se fait dans le cadre d’un projet commun clairement identifié.
2- Le réseau de firmes : il y a des bouquets de biens et de services qui sont collectivement offerts et organisés par certaines entreprises qui jouent le rôle d’intégrateur.
3- Le groupement de petites entreprises : n’est pas forcément piloté par une entreprise particulière. Dans ce dernier cas, c’est souvent l’intérêt à travailler sur un territoire commun -et l’encouragement que les collectivités publiques peuvent y apporter- qui justifie le rassemblement.
Les petites entreprises dirigées par leur propriétaire-créateur que nous désignons « entreprises entrepreneuriales » introduisent l’innovation dans le système. Elles apportent de nouveaux produits, de nouveaux procédés, de nouvelles formes d’organisation et surtout de nouvelles manières d’appréhender l’activité économique et la satisfaction des besoins, la découverte de nouveaux « business models ». Ce faisant, les entreprises entrepreneuriales détruisent les structures de marché existantes, provoquent le déclin de grandes firmes qui avaient pourtant réussi à établir leur domination sur le marché…
La nature des relations qui lient les petites entreprises aux territoires est susceptible alors d’évoluer selon les trois scénarios prospectifs suivants :
Scénario n° 1 :
Croissance durable dans une économie fondée sur la connaissance. La géographie économique se structure de plus en plus sur une base cognitive. La localisation des activités s’opère sur la base de la spécificité des ressources cognitives des territoires (recul des logiques de coûts comparés).
Scénario n° 2 :
Resserrement économique et restructuration. La croissance actuelle est interrompue par un choc : Krach boursier, tensions internationales, crise environnementale. Les territoires sont fragilisés, départs de firmes allogènes, les inégalités territoriales sur le plan des créations d’entreprises sont renforcées.
Scénario n° 3 :
« Nouvelle économie » et retour de l’entrepreneuriat. Le basculement dans la nouvelle économie accélère la tertiarisation favorisant l’essor des petites entreprises dans les grandes aires urbaines. L’usage des NTIC comme instrument de coordination des activités économiques réduit le rôle de la proximité dans l’organisation spatiale des activités. L’usage des NTIC facilite les réseaux de solidarité ».

57Les relations entre petites entreprises et territoires, placées sous le signe d’une dépendance réciproque, sont aussi soumises à de nouvelles logiques de spatialisation des activités économiques, ce qui conduit Ph. MOATI à proposer une analyse prospective renouvelée de la géographie économique. (Avril 2002).

58Bernard GUESNIER

59Université de Poitiers


Date de mise en ligne : 01/04/2012

https://doi.org/10.3917/reru.022.0333

Notes

  • [*]
    Le Doyen Yves MADIOT est décédé tragiquement le 18 juin 1998.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

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