1Pour terminer l’année 2011, le numéro 12 de la revue Recherches en Psychanalyse poursuit l’investigation du champ culturel contemporain, thématique dont les contributions reçues témoignent de l’actualité et de l’importance. C’est pourquoi nous en proposons un dossier thématique, dossier auquel s’ajoutent deux rubriques : Considérations théoriques et Penser la psychose.
2Pour ouvrir le dossier Psychanalyse, corps et société, la contribution de Marie-Jean Sauret et Sidi Askofaré interroge l’impact du libéralisme sur notre civilisation. À partir d’un éclairage des conséquences anthropologiques que cette vision du monde induit, les auteurs montrent comment les structures de l’organisation sociale s’autoalimentent en soumettant les formes du savoir à ce seul canal. Les conceptions du sujet et du soin psychique s’en trouvent reconfigurées d’une façon telle que les conditions de possibilités d’une position et d’une pensée éthique ne sont plus garanties. Fort d’une analyse du malaise contemporain, cet article offre un regard aiguisé sur notre civilisation et propose outre un diagnostic, les bases d’un engagement soucieux de pérenniser une pratique humaniste du soin psychique.
3L’article d’Arthur Mary s’inscrit également dans l’analyse de notre condition postmoderne à travers l’exemple apporté par le dispositif sectaire. À partir de l’hypothèse selon laquelle le discours social s’organise autour de signifiants, l’auteur travaille l’opposition entre les « grands récits » de l’émancipation et les « petits récits », coextensifs aux discours du communautarisme et du sectarisme. Cette mise en perspective permet de penser comment les « fixions » élaborées par les sectes sont structurées de signifiants à la modalité addictive et adhésive. Ce sont précisément ces modalités qui, selon l’auteur, prennent le sujet au piège d’un discours non soumis à la castration.
4Ma proposition interroge quant à elle la modernité du côté de la question du corps. Cette question trouve un éclaircissement singulier si l’on interroge les conditions de relation du sujet avec le corps et avec son corps aujourd’hui. La « médicalisation de l’existence » fait signe vers la place qu’a conquis l’imagerie médicale dans le parcours de santé de tout un chacun. Je propose d’en interroger le retentissement anthropologique à partir de la rencontre entre la médecine et l’art contemporain. L’art contemporain nous saisit à partir de ce qu’il donne à penser de la rencontre du sujet avec l’imagerie médicale. Le malaise dans la culture, est aujourd’hui étroitement lié à ces immersions dans l’image (virtuelle) dont l’accès et les pratiques sont de plus en plus répandues, au-delà même du domaine de la santé. Je fais donc ici l’hypothèse que ce détour par l’art est très instructif. Il permet de montrer combien le regard porté sur l’image médicale déroute, il met à l’épreuve l’idée même de représentation.
5Ce dossier se clôt par le texte de Frédéric Vinot, qui s’appuie sur une recherche sur l’exclusion sociale. L’auteur met au travail l’hypothèse d’un « Autre urbain » en l’illustrant dans les registres littéraire, clinique et anthropologique. Le fil rouge de l’auteur fait apparaître la fonction du trou dans l’espace (zones blanches, effacement d’un trait, non-lieu anthropologique), dessinant peu à peu une logique pulsionnelle spécifique.
6Ce numéro propose également une sélection de trois textes dont la portée est théorico-clinique. Cette rubrique offre volontairement des développements s’appuyant sur des épistémologies et des conceptions différentes de la psychanalyse. Il s’agit pour la revue de favoriser le débat sans le fermer a priori, c’est ce que garantit l’excellence du travail du comité de rédaction, dont il faut saluer l’objectivité non partisane et rigoureuse.
7La première contribution propose, pourrait-on dire, de faire dialoguer deux auteurs majeurs Freud et Foucault autour du concept de résistance. Le souci de Fernanda Canavêz et Heraldo Miranda est de préciser sa spécificité chez les auteurs respectifs afin d’en mettre à jour les différences. Leur intérêt épistémologique ne cède en rien aux apories qui résultent de la confrontation de ces deux discours. La résistance, en conséquence, échapperait à toute tentative de soumission dans le cadre de l'expérience psychanalytique. En revanche, la question du pouvoir est qualifiée dans la pensée foucaldienne, alors qu’elle n’est pas thématisée en tant que telle chez Freud. Il est en effet très important de qualifier l’usage des concepts, cet article offre ainsi des outils essentiels à nos recherches en psychanalyse, ce qui est fondamental pour nos contributions au savoir.
8Dans son article, Verónica Diez analyse la fonction de la figuration que les dessins et jeux d’enfants proposent dans les rencontres cliniques, tout en comprenant la valeur signifiante que portent les images. Cette contribution s’appuie sur Freud et Lacan, en relation à d’autres disciplines comme la linguistique et la philosophie. Fort de ces confrontations, l’auteur aborde la question de la lisibilité des images par rapport aux procédés figuratifs utilisés par l’enfant.
9Graciela Prieto propose un commentaire de Lacan à propos de la Jouissance élaborée dans les années 70. Selon l’auteur, ce moment produit un remaniement fondamental dans l’élaboration de Lacan. La structure de la jouissance n’admettant pas les principes de non-contradiction et de tiers exclu, implique une logique ternaire. Cette nécessité logique, mise à jour par l’auteur, est ce qui conduit Lacan à penser la structure selon une topologie borroméenne et à repenser la psychanalyse en fonction de l’écriture, des traces qu’un sujet écrit à partir de son savoir-y-faire-avec le Sinthome. Il s’agira dans cet article de montrer les ressorts de cette nécessité logique et les formes d’écriture qui en résultent.
10À partir de l’étude de l’Esquisse de Freud, Marie-Paule Chevalérias propose l’idée selon laquelle la traversée de l’expérience de la confrontation à l’énigme de l’autre et à sa radicale altérité amène la mère à engager son désir avant toute satisfaction du besoin de son enfant. En prenant appui sur les repères symboliques constitutifs de son histoire et, en l’invitant à sortir de la jouissance pour l’investir en tant qu’être de désir, la mère occuperait, selon l’idée défendue par l’article, une place fondamentale dans le processus d’humanisation.
11La dernière rubrique du numéro concerne la psychose. Damien Guyonnet propose une analyse de la fonction des injures dans la psychose. Ce sont d’abord les effets de l’injure qui a pour but de viser un point sensible chez un sujet, voire de toucher chez lui quelque chose d’intime. C’est sur ce point que l’abord de l’injure, dans la perspective psychanalytique, présente tout son intérêt. Aussi, après avoir proposé une présentation générale du signifiant injurieux, et souligné la fonction de ravalement qu’il opère, l’auteur analyse sa logique dans la psychose, et plus spécifiquement au sein de l’injure hallucinée. Les questions du rejet, du signifiant dans le réel et de la jouissance sont alors spécifiées dans leur conséquence.
12Pour clore ce numéro, la contribution de Yohan Trichet propose d’examiner la genèse et l’évolution de la clinique freudienne de l’entrée dans la psychose, à partir des observations contenues dans le corpus freudien. Il retrace le parcours conceptuel du fondateur de la psychanalyse, de ses premiers textes sur les psychonévroses (1894) à ses articles afférents à la seconde topique dans les années 20. Il en ressort que Freud situe essentiellement ses recherches dans le champ des psychoses paranoïaques. Malgré son incessante volonté et ses nombreuses propositions spéculatives, Freud ne parvient pas à dégager le mécanisme spécifique de la psychose et de son éclosion.
13Ce numéro, dans sa trame, poursuit le travail engagé lors du précédent numéro intitulé Perspectives cliniques. Il consolide et s’oriente dans l’idée des études psychanalytiques, à partir desquelles la pratique de la psychologie, comme des terrains cliniques, rencontrent et rendent possibles les développements théoriques propres à la recherche.