Notes
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[*]
Sous la direction d’Éric Heyer et Xavier Timbeau, ce texte synthétise l’analyse de la conjoncture menée par le Département analyse et prévision de l’OFCE à l’automne 2016. Ces analyses s’appuient sur le travail de l’équipe internationale animée par Christophe Blot composée de Céline Antonin, Amel Falah, Sabine Le Bayon, Catherine Mathieu, Christine Rifflart et Sébastien Villemot et de l’équipe France animée par Mathieu Plane composée de Bruno Ducoudré, Pierre Madec, Hervé Péléraux et Raul Sampognaro. Cette prévision intègre les informations disponibles au 1er octobre 2016. Sandrine Levasseur et Vincent Touzé ont également participé à la rédaction de la partie sur le risque bancaire.
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[1]
Voir Heyer (2015).
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[2]
Voir Mathieu (2016a).
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[3]
Soit l’accès aux marchés mais aussi la question du « passeport européen » pour les établissements financiers, l’application de la régulation financière et plus généralement l’ensemble des contrats qui régissent les relations entre acteurs européens.
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[4]
Kierzenkowski et al. (2016).
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[5]
Voir Bloom (2015).
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[6]
Voir Baker et al. (2016) pour plus de détails sur la construction des différents indicateurs.
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[7]
Voir partie Royaume-Uni : l’appel du large.
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[8]
Voir par exemple Bloom (2009 et 2016).
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[9]
Les non-résidents ayant investi au Royaume-Uni subissent néanmoins un choc de richesse négatif du fait de la dépréciation de la livre.
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[10]
L’ampleur du gain dépend de la valeur des élasticités-prix des exportations et des importations. L’effet bénéfique de la compétitivité est alors d’autant plus limité que ces élasticités sont faibles.
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[11]
Voir la partie « Politiques monétaires : prudence » pour plus de détails.
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[12]
Voir dans ce numéro Blot et Hubert (2016) : « Causes et conséquences des taux négatifs ».
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[13]
Mais également des États-Unis.
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[14]
Entraînant des restrictions significatives sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes
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[15]
Voir la partie « Politiques budgétaires : convergence vers un ajustement modéré ».
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[16]
Voir FMI (2016).
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[17]
Voir la partie « Quelles évolutions du marché du travail » pour plus de détails.
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[18]
Voir Conseil d’orientation pour l’emploi (2015).
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[19]
Voir la partie « Inflation : les pays industrialisés inégaux face au risque déflationniste ».
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[20]
Voir la partie « Les banques de la zone euro : une menace latente ? ».
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[21]
Voir Ueda (2012).
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[22]
Notons que pour les investisseurs étrangers, les titres ne sont pas nécessairement revenus à leur niveau d’avant le 23 juin, du fait de la dépréciation de la livre.
-
[23]
Les pertes de pouvoir d’achat résultant de la hausse des prix seront cependant en partie atténuées par la revalorisation des prestations sociales et des crédits d’impôts, qui sont pour la plupart indexés sur les prix et représentent au total environ 17 % du revenu des ménages. Le gouvernement précédent avait prévu de geler une partie de ces prestations (à l’exception notable des retraites) à l’horizon 2020, mais ceci est susceptible d’être atténué lors de la présentation du budget en novembre 2016.
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[24]
La revalorisation du salaire minimum d’avril dernier aurait un impact marginal sur les salaires, de l’ordre de 0,1 point en année pleine. Pour une analyse détaillée voir : Mathieu, 2016b : « Le salaire national de subsistance : un nouveau dispositif de revalorisation des bas salaires au Royaume-Uni », Blog de l’OFCE, avril 2016.
-
[25]
La baisse de la livre va contribuer à creuser le déficit public en renchérissant les coûts des consommations intermédiaires importées, ce à quoi s’ajoutera l’augmentation des prestations indexées sur l’inflation. Les dépenses publiques représentent près de 20 points de PIB, et l’ensemble des prestations sociales et des crédits d’impôt, dont la plupart sont indexés sur les prix, représentait 17 % du revenu des ménages en 2014, soit 11 points de PIB. Sous l’hypothèse d’une baisse cumulée de 15 % de la livre depuis juin dernier, et d’une accélération des prix à près de 4 %, ces deux effets pourraient creuser le déficit public de près d’un point de PIB en deux ans. Ils seraient pour moitié compensés par la baisse des charges d’intérêt.
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[26]
Le pic de production d’un puits est atteint habituellement au cours du premier mois d’exploitation puis décline à un taux compris entre 60 et 90 % dès la première année. La production est généralement épuisée au bout de trois ans.
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[27]
Voir Blot et Hubert (2016) dans ce numéro.
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[28]
Certaines rumeurs évoquent au contraire une possible baisse des achats mensuels d’ici l’échéance du programme Tapering à l’instar de ce qu’avait fait la Réserve fédérale. Cette option ne nous semble cependant pas la plus probable étant donné la dynamique des prix et de chômage dans la zone euro.
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[29]
Voir la partie sur l’inflation dans ce dossier.
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[30]
Voir Blot et al. (2016) et également ici.
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[31]
Voir « Inflation report », BoE, août 2016.
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[32]
Pour plus de détails voir Heyer et Sampognaro, 2015, « L’impact des chocs économiques sur la croissance dans les pays développés depuis 2011 », Revue de l’OFCE, 138 : 143-168, avril.
-
[33]
Voir OFCE (2016, p. 53-54). OFCE, 2016, « Petite reprise après grande crise : perspectives 2016-2017 pour l’économie mondiale et la zone euro », Revue de l’OFCE, 147 : 15-115.
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[34]
Voir Antonin C. (2016a) : « Le Jobs Act de Matteo Renzi : un optimisme très mesuré », Blog de l’OFCE du 9 mars 2016 et Antonin C. (2016b) : « Italie et marché du travail : une embellie à nuancer », Blog de l’OFCE du 8 septembre 2016.
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[35]
Blot C., H. Péleraux, R. Sampognaro et S. Villemot, 2015, « Comprendre la dynamique salariale par temps de crise », Revue de l’OFCE, 144 : 219-256.
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[36]
Voir Łyziak, T., Paloviita, M. (2016).
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[37]
Voir FMI (2016a).
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[38]
Op. cit.
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[39]
iAGS (2015), Third report.
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[40]
Pour plus de détails voir le chapitre sur le marché du travail et la démographie du Repères sur l’économie européenne 2017.
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[41]
Le PIB au deuxième trimestre 2016 est 8,4 % en dessous de son niveau observé au premier trimestre 2008 en Italie et de 2,2 % en Espagne. En revanche il se situe à 4,1% au-dessus pour la France, 7,1 % pour l’Allemagne, 7,7 % pour le Royaume-Uni et 11,3 % pour les États-Unis.
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[42]
Heyer (2015) montre toutefois que ce ralentissement est plus en ligne avec la production industrielle.
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[43]
Voir Gaulier et al. (2016) ou FMI (2016).
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[44]
Pour le détail du scénario défavorable, voir Adverse macro-financial scenario for the EBA 2016 EU-wide bank stress testing exercise, janvier 2016.
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[45]
Les fonds propres au sens du CET1 sont constitués d’actions ordinaires, de bénéfices mis en réserves et d’une partie des intérêts minoritaires des filiales bancaires.
1En juin 2016, les électeurs britanniques ont fait le choix du Brexit, ouvrant ainsi une nouvelle crise au sein de l’Union européenne. Contrairement à ce qui avait pu être craint, force est de constater qu’il y a pas eu pour l’instant de choc financier de grande ampleur. Les bourses mondiales ont bien résisté. Le vote s’est cependant traduit par une baisse de la livre vis-à-vis des autres monnaies. La croissance au Royaume-Uni devrait néanmoins fortement ralentir à partir de 2017 mais la zone euro et le reste de l’économie mondiale ne serait que modérément affectée à court terme. La croissance des pays industrialisés marquerait le pas en 2016 et se stabiliserait à 1,5 % jusqu’en 2018. La baisse du pétrole avait soutenu le pouvoir d’achat des ménages en 2015, mais ce soutien s’arrêterait avec la remontée du prix. La politique monétaire aux États-Unis resterait expansionniste, mais la normalisation graduelle des taux d’intérêt atténuerait le soutien. En revanche, l’économie américaine serait moins pénalisée par l’appréciation du dollar. Inversement, la baisse de l’euro qui avait soutenu la croissance des pays de la zone en 2015 jouerait également de façon moins favorable. Dans ces conditions, le chômage continuerait certes à baisser mais à un rythme beaucoup moins rapide, si bien que fin 2018 le chômage dans la zone euro serait toujours supérieur à celui de l’année 2007. L’inflation n’atteindrait pas la cible de 2 %. Ainsi, bien que le mouvement de reprise ne serait pas interrompu, sauf pour le Royaume-Uni, il resterait trop lent et insuffisant pour effacer les stigmates laissés par la Grande Récession et la crise des dettes souveraines. Malgré le ralentissement des pays industrialisés, l’économie mondiale retrouverait un rythme de croissance proche de 3 % à partir de 2017. Le ralentissement de l’économie chinoise se poursuivrait mais serait compensé par la forte croissance de l’Inde et la sortie anticipée de récession en Russie et au Brésil.
1 – Synthèse du scénario mondial
2Huit ans après le début de la Grande Récession, l’économie mondiale est toujours en convalescence. La reprise est enclenchée dans l’ensemble des zones géographiques y compris en zone euro. Mais il subsiste des pays pour lesquels la croissance est faible (Italie, Portugal) ou en recul (Grèce, Brésil, Russie). Surtout, les stigmates de la crise ne sont pas effacés : le chômage en zone euro est toujours largement supérieur à son niveau d’avant-crise. Aux États-Unis, malgré une croissance plus dynamique, le taux d’emploi ne s’est que très peu amélioré. De plus, de nombreux facteurs alimentent la fragilité de la croissance. Il y a un an, les inquiétudes émanaient de la croissance chinoise et plus généralement de la situation des économies émergentes, ce qui a entraîné une forte correction des indices boursiers, non seulement dans les pays émergents mais aussi dans les pays industrialisés. L’économie chinoise est toujours en mutation vers un modèle de croissance s’appuyant sur la demande intérieure plutôt que sur le commerce extérieur mais les craintes d’un atterrissage forcé de l’économie chinoise sont dissipées, au moins temporairement. Pourtant la transition vers une économie tournée vers le marché intérieur se traduit par une baisse de l’activité industrielle en Chine [1] et par un ralentissement des importations contribuant au ralentissement du commerce mondial. Ce ralentissement a débuté en 2012 ; il s’est accentué en 2015 et au premier trimestre 2016 où les importations mondiales ont baissé de 2 %.
3D’autres facteurs d’incertitude fragilisent aujourd’hui l’économie mondiale et en particulier l’Europe avec le vote britannique en faveur du Brexit en juin dernier. L’économie britannique sera logiquement la plus touchée par ce choc. Dès l’annonce des résultats du vote, la livre a perdu respectivement 6 et 8 % de sa valeur vis-à-vis de l’euro et du dollar. Ailleurs, l’impact à court terme sera modéré et dépendra essentiellement des liens commerciaux tissés avec le Royaume-Uni. Cette nouvelle crise vient une nouvelle fois alimenter les doutes sur la pérennité de la construction européenne et de la monnaie unique. Alors que la zone euro a empêché de justesse le Grexit, le Brexit pourrait déclencher de nouvelles tensions sur les marchés financiers et sur les taux d’intérêt souverains. Le choc financier redouté est pour l’instant de faible intensité et bien moindre qu’en octobre 2008 après la faillite de la banque Lehman Brothers. Une hausse des écarts de taux souverains est certes observée en zone euro mais elle tient probablement davantage aux fragilités de certains pays – le Portugal – ou aux menaces qui pèsent sur le secteur bancaire en lien avec les créances douteuses – l’Italie et le Portugal – ou le risque d’amende (Deutsche Bank). Il reste que le Brexit a créé une nouvelle source d’incertitude en Europe, à un moment charnière où les facteurs (prix du pétrole, baisse de l’euro) qui avaient largement soutenu l’activité en 2014-2016 s’estompent progressivement. La croissance reculerait l’an prochain nettement au Royaume-Uni sous l’effet du Brexit (tableau 1) et plus modérément dans le reste de l’Europe.
Scénario de croissance mondiale annuelle (avec les révisions)1,2,3
Scénario de croissance mondiale annuelle (avec les révisions)1,2,3
1. Pondération selon le PIB et les PPA de 2014 estimés par le FMI.2. Turquie, ancienne République yougoslave de Macédoine, Monténégro, Serbie et Albanie.
3. Communauté des États indépendants.
4L’impact du Brexit sur les partenaires du Royaume-Uni serait relativement faible et le ralentissement de la croissance résulterait plutôt du tarissement des éléments qui avaient soutenu l’activité en 2015. Dès lors, le mouvement de reprise mondiale ne sera pas interrompu malgré le ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés dès 2016. Bien que modérément affectés par le Brexit, les États-Unis verraient la croissance du PIB passer de 2,4 % en 2015 à 1,6 % en 2016, notamment du fait d’un premier semestre en demi-teinte.
5Dans la zone euro, la croissance ralentirait, passant de 1,8 % en 2015 à 1,6 % en 2016 puis 1,3 % en 2018. Le coup de frein serait plus fort au Royaume-Uni avec une croissance qui serait de 1 % en 2017 après 2 % en 2016. Ce ralentissement de la croissance en zone euro montre qu’une dynamique interne vertueuse peine à prendre le relais des facteurs favorables qui avaient permis d’enclencher la reprise. Les sources d’incertitude sont multiples : la transition de l’économie chinoise, le Brexit et l’avenir de l’Union européenne, la situation des finances publiques en Espagne et l’absence de gouvernement, la crise migratoire qui sont autant de facteurs à la fois politiques et économiques qui favorisent l’attentisme, le repli sur soi et freinent la prise de risque. Il en résulte une situation où les ménages privilégient l’épargne à l’investissement, ce qui réduit la croissance et confirme les craintes d’une économie mondiale enfermée dans une trappe à faible croissance et inflation basse, validant ex post les analyses pointant la baisse de la croissance de la productivité et de la production potentielle. Dans ces conditions, le processus de réduction des déséquilibres n’en sera que plus long. Le chômage se résorbe lentement et resterait bien au-dessus de son niveau d’avant-crise en fin d’année 2018. L’inflation peine à retourner vers la cible de 2 %. Du côté des pays émergents, le ralentissement de l’économie chinoise se confirme et se poursuit. Mais le Brésil et la Russie sortiraient de la récession en 2017 et la croissance serait stable dans le reste de l’Asie hors Chine, si bien que le ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés serait compensé par une accélération dans les pays émergents et en voie de développement. Le creux de la croissance mondiale serait atteint en 2016 avec une progression du PIB de 2,7 %. Elle retrouverait ensuite des niveaux proches de 3 % en 2017 et 2018.
Le Brexit : la catastrophe financière n’a pas eu lieu mais les incertitudes demeurent
6Le vote des électeurs britanniques le 23 juin 2016 en faveur d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ouvre une période de fortes incertitudes politique [2] et économique. À la suite de la démission de David Cameron au lendemain du vote, Theresa May a pris la tête d’un nouveau gouvernement. Elle n’a pas encore notifié à l’UE la mise en œuvre de l’article 50 du TUE et ne le ferait qu’en mars 2017, date à partir de laquelle débuteront les négociations qui devront aboutir dans un délai de 2 ans. L’accord redéfinira non seulement les relations commerciales [3] entre l’UE et le Royaume-Uni mais également les conditions de circulation des personnes. Il aura de fait des répercussions sur le Royaume-Uni et sur le reste de l’Europe, bien au-delà de l’horizon de prévision, répercussions qui dépendront des termes de l’accord [4]. À court terme, l’effet du Brexit résulte d’un choc de taux de change et d’incertitude accru.
Un choc de taux de change et d’incertitude
7À court terme, la perspective du Brexit se traduit par un choc de taux de change et d’incertitude, les termes de l’accord encore inconnus modifiant la nature des relations entre l’UE et le Royaume-Uni et restreignant potentiellement la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes. L’incertitude n’est pas directement observable. Elle ne peut être appréhendée qu’au travers d’indicateurs [5] tels que la volatilité implicite des indices boursiers qui, généralement, s’accroît fortement pendant les périodes de récession et qui, de fait, a augmenté au Royaume-Uni en juin 2016 (graphique 1).
Incertitude mesurée par la volatilité implicite des principaux indices boursiers
Incertitude mesurée par la volatilité implicite des principaux indices boursiers
8L’incertitude porte également sur la nature des politiques économiques qui seront mises en œuvre par le gouvernement britannique à la fois pour accompagner l’accord mais aussi pour atténuer les effets potentiellement négatifs du Brexit. Scott Baker, Nicholas Bloom et Steven Davis [6] proposent également des indicateurs pour l’évaluer qui s’appuient sur la récurrence de certains termes associés à l’incertitude des politiques économiques dans la presse (graphique 2). L’indicateur ainsi calculé témoigne sans ambiguité d’un niveau d’incertitude record depuis 1998 au Royaume-Uni. Ces indicateurs d’incertitude contrastent néanmoins avec l’information issue de la volatilité du marché qui a certes connu un pic au moment du vote mais dont le niveau fut bien moins élevé qu’en septembre 2008 lors de la faillite de Lehman Brothers. De même, la confiance des ménages ou des entreprises ne semble pas significativement altérée par les résultats du vote. Les indicateurs de confiance dans l’industrie sont en léger retrait depuis juillet 2016 mais ils sont stables dans les services, le secteur de la construction ou dans les enquêtes auprès des ménages.
Indicateur d’incertitude sur la politique économique au Royaume-Uni
Indicateur d’incertitude sur la politique économique au Royaume-Uni
9L’effet immédiat du Brexit se traduit par la chute de la livre qui perdu 15 % vis-à-vis de l’euro et 17,6 % vis-à-vis du dollar depuis le 23 juin (graphique 3). Cette chute du taux de change [7] est le premier vecteur par lequel le Brexit aura un impact sur l’activité et l’inflation. La dépréciation fera une part favorable au commerce extérieur mais se traduira d’autre part par un surcroît d’inflation importée réduisant le pouvoir d’achat des ménages britanniques et donc leur consommation. Quant au choc d’incertitude, il pourrait freiner l’investissement au Royaume-Uni, les entreprises préférant adopter une position attentiste et reporter leurs décisions d’investissement, ce qui freinerait la production et l’emploi. La quantification précise des effets de l’incertitude est cependant fragile dans la mesure où l’analyse empirique est limitée et qu’elle ne s’appuie pas sur des indicateurs observés mais sur des variables proxy [8] comme celles décrites par les graphiques 1 et 2.
Taux de change de la livre sterling
Taux de change de la livre sterling
10Le coût global estimé du Brexit sur l’économie britannique à l’horizon 2018 pourrait atteindre 0,8 point de PIB. En 2017, la croissance serait de 1 %, en ralentissement par rapport à 2016 (+2 %) et 2015 (+2,2 %), et de 1,4 % en 2018. Ce ralentissement de la croissance inverserait la dynamique de la baisse du chômage au Royaume-Uni, même si celui-ci restait plus bas que dans la zone euro. Par ailleurs, la dépréciation sera également suivie d’une accélération de l’inflation qui dépasserait 4 % mi-2017 avant de revenir d’ici la fin de l’année 2018 vers la cible d’inflation de la Banque d’Angleterre, fixée à 2 %.
11Contrairement à ce qui avait pu être craint, il n’y a pas eu, pour l’instant, de choc financier de grande ampleur. La bourse de Londres a bien résisté puisqu’après une baisse initiale, elle s’est rapidement reprise, l’indice FTSE progressant de 11,4 % entre fin juin et fin septembre 2016 [9]. Dans la zone euro et aux États-Unis, l’Eurostoxx et le S&P 500 gagnaient respectivement 7,7 et 6,1 % sur la même période. Néanmoins, la période de négociations qui va s’ouvrir s’accompagnera probablement de déclarations qui accroîtront la volatilité des indices boursiers et pourront entraîner des vagues de pessimisme sur les marchés quant à l’issue du Brexit.
Des effets de contagion limités
12Après les fortes tensions de l’été 2015 autour de la situation de la Grèce, la décision du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne est un nouveau défi pour le projet européen. Cette fois, un référendum réalisé par la troisième économie européenne a clairement signifié l’hostilité d’une partie de la population à la construction européenne remettant en cause la solidité de l’édifice. Si les conséquences de la décision britannique sont d’une toute autre nature que celles qu’aurait eues une sortie de la Grèce de la zone euro, elles représentent néanmoins un choc politique dans un contexte marqué par un euroscepticisme rampant dans de nombreux pays. Cette remise en cause du projet européen pourrait rejaillir sur la zone euro et raviver la défiance des investisseurs à l’égard de certains pays toujours fragilisés par la faiblesse de leur croissance, leur niveau de dette publique ou la santé de leur système bancaire. Dans une étude d’impact du Brexit, l’OCDE (Kierzenkowski et al., 2016) anticipait d’ailleurs une remontée des primes de risque sur les taux souverains non seulement au Royaume-Uni mais aussi dans la zone euro. Fin septembre 2016, ces craintes ne s’étaient pas (encore) matérialisées. Le taux souverain au Royaume-Uni a même fortement baissé à la suite du vote.
13Du côté des autres pays de la zone euro, on observe cependant une hausse des écarts de taux à long terme dans les pays dits périphériques vis-à-vis du taux public allemand (graphique 4). Au Portugal, cette hausse n’est pas liée au Brexit et reflète les inquiétudes sur la situation de l’économie portugaise et l’éventualité d’une nouvelle demande d’assistance du gouvernement d’Antonio Costa. Le gouvernement portugais est sous la menace d’une dégradation de sa note par l’agence de notation canadienne DBRS, la dernière agence reconnue par la BCE à ne pas classer la dette portugaise en investissement spéculatif. L’annonce d’une telle dégradation conduirait à exclure les titres de dette portugaise du programme d’achats de titres de la BCE restreignant sérieusement l’accès au marché pour le gouvernement. En Irlande, l’écart de taux a également augmenté tout au long du mois de juin 2016 avant de reculer depuis, s’établissant le 27 septembre 2016 à 0,55 point. De fait, l’Irlande serait potentiellement l’économie de la zone euro la plus touchée par le Brexit en raison d’une forte interdépendance commerciale avec le Royaume-Uni. L’Espagne et l’Italie ont également subi une augmentation modérée des écarts de taux à la veille du scrutin mais les hausses sont restées contenues, bien plus faibles que pendant la période 2011-2012.
Écarts de taux dans la zone euro
Écarts de taux dans la zone euro
14Au-delà de l’effet financier et d’un éventuel risque de contagion, la transmission des effets du Brexit sur les autres économies européennes se fera principalement par le canal du commerce extérieur. D’une part le ralentissement de l’activité au Royaume-Uni se traduira par une baisse des importations et donc de la demande adressée aux autres pays. Cet effet sera d’autant plus fort que l’économie britannique représente une part élevée des échanges extérieurs et que le taux d’ouverture de l’économie est élevé. Au sein de la zone euro, l’Irlande est le pays le plus exposé puisque 13,8 % des exportations irlandaises sont destinés au marché britannique en 2015. Ces parts atteignent respectivement 7,5 et 7 % pour l’Allemagne et la France et 5,4 et 7,4 % pour l’Italie et l’Espagne. En dehors de l’Union européenne, la part des exportations à destination du Royaume-Uni est généralement plus faible : 3,7 % pour les États-Unis et 1,7 % pour le Japon. Par ailleurs, l’appréciation de l’ensemble des monnaies vis-à-vis de la livre freinera (respectivement favorisera) également les exportations (respectivement les importations) à destination (respectivement en provenance) du Royaume-Uni, effet d’autant plus fort que les élasticités-prix du commerce sont élevées.
15Ces effets seraient finalement assez limités et ne contribueraient que marginalement au ralentissement de la croissance dans le reste de l’Europe et aux États-Unis. Au sein des grands pays de la zone euro, l’économie allemande serait la plus touchée avec une baisse d’activité de l’ordre de 0,12 point à l’horizon 2018 (tableau 2). L’effet serait moindre en France, en Espagne et en Italie en raison notamment d’un plus faible taux d’ouverture. Il reste que cette évaluation ne tient compte que des effets de court terme du Brexit. À long terme, l’impact sur le commerce et l’investissement dépendra de l’accord négocié entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
L’impact du Brexit sur l’activité
L’impact du Brexit sur l’activité
Des facteurs moins favorables à la croissance
16Bien que l’impact du Brexit soit modéré, il faut s’attendre à un ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés. Dans la zone euro, certains facteurs qui avaient soutenu la croissance vont progressivement s’estomper. C’est le cas notamment du prix du pétrole qui remontera. Si l’euro se dépréciait davantage relativement au dollar, la baisse serait moindre qu’en 2014-2015 et serait en partie compensée par une appréciation vis-à-vis de la livre.
Le rééquilibrage de l’offre et de la demande de pétrole pousse le prix à la hausse
17Le soutien à la croissance apporté par le pétrole en 2015 se réduira progressivement. Dans les quatre grands pays européens l’impact positif sur le PIB de l’ordre de 0,5 point en 2015 passerait à 0,3 en 2016, 0 en 2017 et serait légèrement négatif en 2018 (tableau 3). La remontée du prix du pétrole se traduira par une hausse de l’inflation et donc, en l’absence d’indexation des revenus et des prix, par une baisse du pouvoir d’achat des ménages ou des marges pour les entreprises. Aux États-Unis, la contribution du pétrole à la croissance sera négative dès 2016. La sensibilité de l’économie américaine au prix du pétrole diffère de celle des autres pays industrialisés dans la mesure où les États-Unis sont producteurs de pétrole. Or, la baisse du prix a également des effets d’offre. Le niveau élevé du prix entre 2010 et 2014 avait permis de rentabiliser la production de pétrole de schiste entraînant une hausse des investissements et de la production. Avec la baisse enregistrée depuis 2015, les ménages américains ont certes gagné en pouvoir d’achat mais cet effet a été atténué par la réduction de la rentabilité des investissements dans le secteur de la production d’énergie. De fait, le nombre de puits actifs est en fort déclin et l’activité ne pourrait repartir qu’à partir d’un seuil estimé autour de 55 à 60 dollars le baril, niveau de prix qui serait tout juste atteint dans notre scénario. Nous anticipons en effet une hausse du prix du pétrole qui passerait d’un point bas à 31,2 dollars au premier trimestre 2016 à 55 dollars au début de l’année 2018, en raison d’un rééquilibrage progressif entre l’offre et la demande qui interviendrait en 2017. Le niveau record des stocks limiterait cependant le risque d’une hausse plus forte du prix.
L’impact du prix du pétrole sur l’activité
L’impact du prix du pétrole sur l’activité
Taux de change : baisse de l’euro mais surtout de la livre
18La divergence anticipée des politiques monétaires de la Réserve fédérale et de la BCE avait provoqué une dépréciation de l’euro et une appréciation du dollar non seulement vis-à-vis de l’euro mais aussi relativement aux autres devises (graphique 5). Ces mouvements de change ont permis d’améliorer la compétitivité des économies européennes mais ont inversement détérioré celle des États-Unis, d’où un effet opposé de la compétitivité sur la croissance (tableau 4). Aux États-Unis, sur 2015 et 2016, la croissance aurait été amputée de 0,5 point en moyenne chaque année par cette appréciation relative du dollar. De la même façon, l’appréciation de la livre depuis 2013 aurait freiné l’activité au Royaume-Uni. L’effet positif pour les pays de la zone euro serait hétérogène dépendant à la fois des élasticités-prix des exportations et des importations ainsi que des taux d’ouverture respectifs. Le gain d’activité aurait été plus élevé en Espagne (0,6 point de croissance annuelle en moyenne sur la période 2015-2016) et autour de 0,3 point en moyenne par an pour les trois autres grands pays de la zone euro. La BCE ne devrait pas augmenter ses taux avant la fin de l’année 2018, mais l’effet « taux de change » serait néanmoins largement atténué. Nous anticipons une légère baisse de l’euro vis-à-vis du dollar en lien avec la divergence accrue des politiques monétaires de la Réserve fédérale et de la BCE mais l’essentiel de la dépréciation et de ses effets positifs sur la croissance serait passé. La contribution de la compétitivité à la croissance serait encore positive, notamment parce que les dynamiques de prix internes dans la zone euro influenceront encore favorablement le taux de change effectif réel, mais moins qu’au cours des années 2015-2016. De plus, ces effets seraient atténués par l’appréciation relative de l’euro vis-à-vis de la livre tandis que le gain de compétitivité de l’économie britannique contribuerait au contraire à amortir l’effet du Brexit [10]. Ce gain pourrait cependant être limité par une baisse des élasticités-prix à l’exportation observée sur la période récente.
Taux de change effectifs nominaux
Taux de change effectifs nominaux
L’impact de la compétitivité sur l’activité
L’impact de la compétitivité sur l’activité
19Indépendamment du canal du taux de change, les politiques monétaires soutiendront encore l’activité dans la zone euro, au Japon mais également au Royaume-Uni et aux États-Unis via leur action sur les conditions de financement. Les taux d’intérêt directeurs sont toujours très bas même si la Réserve fédérale poursuit la normalisation progressive de sa politique monétaire en décidant de nouvelles hausses de taux qui atteindraient 1,25 % fin 2017 et 2,25 % fin 2018 [11]. En trois ans – de décembre 2015 à décembre 2018 – la hausse du taux directeur serait de 2 points alors qu’elle a été de 4,25 points lors du précédent cycle de hausse de taux qui s’était étalé sur 25 mois. En outre, la Réserve fédérale maintiendrait la taille de son bilan à 4 500 milliards de dollars, c’est-à-dire qu’elle continuerait à acheter des titres sur le marché pour compenser la réduction de la taille de son actif due au fait que certains titres arrivent à échéance.
20Du côté de la Banque d’Angleterre, la situation macroéconomique précédant le référendum du 23 juin laissait anticiper une hausse des taux à l’horizon 2017 reflétant, comme aux États-Unis, une normalisation de la politique monétaire. L’incertitude et le ralentissement anticipé de la croissance conduisent à remettre en cause ce scénario. La banque d’Angleterre a baissé son taux directeur de 0,25 point début août et envisage de le baisser une nouvelle fois d’ici la fin de l’année 2016. De plus, la Banque d’Angleterre a également annoncé une nouvelle phase d’assouplissement quantitatif avec des achats de titres publics à hauteur de 60 milliards de livres et de titres privés à hauteur de 10 milliards. Jusqu’ici, la Banque d’Angleterre a agi dans le but de limiter le risque de ralentissement brutal de l’économie britannique. Toutefois, la dépréciation de la livre se traduira par une inflation plus élevée qui pourrait placer la Banque d’Angleterre face à un dilemme puisque son mandat est de maintenir l’inflation autour d’une cible de 2 %, cible qui serait dépassée dès la fin 2016. La Banque d’Angleterre choisirait néanmoins de soutenir prioritairement la croissance expliquant que le dépassement de la cible d’inflation est temporaire. Dans l’éventualité où le Brexit aurait un impact limité sur la croissance mais entraînerait une hausse de l’inflation durablement au-delà de la cible, la banque centrale pourrait de nouveau envisager une normalisation de la politique monétaire.
21La BCE et la Banque du Japon continuent leur action de soutien avec la mise en place de taux négatifs [12] et la poursuite des achats de titres à hauteur de 80 milliards d’euros et de 80 trillions de yens. Pour autant, le taux de change euro-dollar ne baisserait que modérément passant de 1,12 début octobre 2016 à 1,05 au deuxième trimestre 2017, soit une dépréciation de l’euro de 6,25 % alors qu’entre mars 2014 et octobre 2016, la dépréciation dépassait 19 %. D’une part, l’incidence de la divergence des politiques monétaires entre la zone euro et les États-Unis serait déjà largement intégrée dans le niveau du taux de change. D’autre part, l’excédent courant de la zone euro et par opposition le déficit courant des États-Unis sont des forces qui poussent plutôt à l’appréciation de l’euro.
22Enfin, le Brexit a déjà une incidence sur les taux de change qui se traduira par une perte de compétitivité des économies de la zone euro [13] réduisant encore un peu plus le soutien par l’effet de taux de change. Ce scénario est toutefois soumis à quelques aléas qui pourraient avoir une forte incidence sur le taux de change. Notamment, une vision plus dure du Brexit [14] se traduirait par une baisse nominale plus prononcée de la livre et donc une appréciation de l’euro. Le scénario de politique monétaire aux États-Unis repose sur un ajustement très graduel. Une remontée plus rapide des taux entraînerait alors une nouvelle dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar. De même, de nouvelles mesures d’assouplissement en zone euro iraient de pair avec une baisse de l’euro.
Politiques budgétaires : quelques foyers de résistance à la fin de l’austérité
23L’orientation des politiques budgétaires est désormais hétérogène [15] après la phase de consolidation synchronisée qui avait largement pesé sur la dynamique de croissance des pays industrialisés et plus particulièrement des pays européens entre 2012 et 2014. C’est surtout en France et au Royaume-Uni que l’ajustement budgétaire a été poursuivi en 2015 et en 2016 (tableau 5). Cela serait encore le cas en 2017 et 2018 même s’il faut noter que la politique budgétaire serait moins restrictive au Royaume-Uni que ce que nous prévoyions dans notre dernière prévision. Le gouvernement ferait le choix de ne pas pénaliser une croissance fragilisée par le Brexit. Le gouvernement ne renonce cependant pas pour l’instant à la réduction du déficit structurel mais revoit ses objectifs à la baisse. En Allemagne, en Italie et aux États-Unis, l’orientation de la politique budgétaire devient plus favorable à la croissance avec des impulsions qui sont positives en 2016. Avec un excédent budgétaire depuis 2014 et une dette publique qui baisse rapidement (71,2 % du PIB en 2015 contre 80,4 % en 2010), le gouvernement allemand dispose d’importantes marges de manœuvre en matière budgétaire. Cette situation lui permet notamment de prendre des mesures de soutien via des baisses d’impôts ou des hausses de dépenses pour l’accueil des migrants. Malgré un déficit budgétaire inférieur à 3 %, l’Italie est toujours contrainte par son niveau de dette (133 % du PIB en 2015).
L’impact de la politique budgétaire sur l’activité
L’impact de la politique budgétaire sur l’activité
24L’objectif selon les règles budgétaires en vigueur dans l’UE est d’atteindre 60 % et l’ajustement annuel – calculé en moyenne sur une période de 3 ans – devrait être d’1/20e par an. Néanmoins, les marges de manœuvre pour un pays dans cette situation sont plus importantes et ont été largement exploitées par le gouvernement Renzi en 2016 : il a pu invoquer une réduction de l’effort au titre de la clause de réformes structurelles, de la clause d’investissement et en raison de la crise migratoire. Le soutien de la politique budgétaire à la croissance italienne atteindrait 0,2 point en 2016. Aux États-Unis, le gouvernement Obama fait le choix de desserrer la contrainte budgétaire pour sa dernière année de mandat. Enfin, en l’absence de gouvernement, l’Espagne ne peut pas voter de lois de finances et se voit accorder de fait un sursis malgré un déficit supérieur à 3 %. L’impulsion budgétaire serait néanmoins légèrement négative en 2016 et les années suivantes. Enfin, l’ajustement se poursuit en France en 2016 et 2017, même s’il est de moindre ampleur que les années précédentes. La fin du quinquennat est marquée par certaines mesures qui conduisent à revoir légèrement à la hausse la trajectoire de dépenses publiques alors que dans le même temps, la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité conduit à une baisse des prélèvements obligatoires. En 2016 et 2017, l’impact de cette politique sur la croissance serait de - 0,2 point.
Le ralentissement du commerce mondial se poursuit
25Les derniers trimestres ont confirmé le ralentissement de l’économie chinoise constaté depuis 2014. Au deuxième trimestre 2016, la croissance du PIB s’est élevée à 6,7 % en glissement annuel, soit le plus bas niveau enregistré depuis 1992 à l’exception de la période de Grande Récession où le PIB avait cru de 6,2 % au premier trimestre 2009. Ce ralentissement de la croissance chinoise est la conséquence de la transition vers un modèle plus orienté vers le marché domestique. Étant donné le rôle croissant joué par la Chine dans l’économie mondiale, cette transition est facteur de turbulences, comme on l’a vu pendant l’été 2015 où les craintes d’un atterrissage brutal ont provoqué une forte baisse des indices boursiers dans les pays émergents mais également industrialisés. Le ralentissement de la croissance et de la production industrielle chinoise a pesé sur la demande de matières premières et sur le commerce mondial. La structure des importations chinoises témoigne également de la transition en cours en Chine. Lemoine et Ünal (2015) soulignent que les importations de biens destinés à des opérations d’assemblage ont été dépassées depuis 2007 par les importations de biens « ordinaires », c’est-à-dire destinées à servir la demande intérieure. Or, la Chine a été un acteur majeur du processus de fragmentation des chaînes de valeur qui a contribué à l’accélération des échanges internationaux. L’essoufflement de cette dynamique pourrait dès lors entraîner un ralentissement du commerce mondial plus global.
26En 2015, l’ajustement du commerce extérieur de la Chine semble s’amplifier. En volume, les importations ont baissé de 2,1 % et les exportations de 1,25 %. Malgré une reprise de la croissance en 2016 et 2017, la contribution de la Chine à la demande adressée des autres pays serait significativement réduite relativement à ce qui était observée sur la période 2000-2007 ou 2011-2013 (tableau 6). En 2014-2015, la contribution serait réduite de près de 0,5 point pour l’Allemagne et de 0,25 point pour la France. L’effet serait plus fort pour les États-Unis (réduction proche de 0,7 point) et encore davantage pour les pays d’Asie hors Inde (Corée et pays d’Asie rapide). Du côté des autres pays émergents, l’Inde accuserait une baisse de la demande adressée à peine supérieure à celle des États-Unis. L’impact du ralentissement des importations chinoises serait de fait plus important pour le Brésil et même la Russie, sans doute en raison de leurs exportations de matières premières et de pétrole.
Demande adressée (DA) et contribution de la Chine à la demande adressée
Demande adressée (DA) et contribution de la Chine à la demande adressée
Note : l’Asie rapide inclut Hong-Kong, Singapour, l’Indonésie, Taïwan, les Philippines, la Thaïlande et la Malaisie.Pour les autres pays d’Asie, il s’agit principalement de l’Inde.
27Si le ralentissement des importations chinoises est indéniable et exerce un effet négatif sur la croissance via une moindre contribution à la demande adressée, les informations statistiques récentes et la dynamique du commerce mondial depuis 2012 [16] indiquent un ralentissement généralisé du commerce mondial (graphique 6). Sur la période 1991-2007, les importations mondiales augmentaient à un rythme moyen de 7 %. Depuis 2012, la croissance moyenne ne dépasse pas 3 %. Jean (2016) observe que les prévisions de commerce mondial ont été systématiquement surestimées ces dernières années, ce qui pourrait refléter un changement de régime. Depuis 2012, l’élasticité du commerce au PIB mondial a fortement baissé et serait désormais proche voire inférieure à l’unité. Pour l’ensemble des pays, le tableau 6 indique que la croissance de la demande adressée sur les périodes 2011-2013 et 2014-2015 a été bien inférieure à celle observée sur la période 2000-2007. Ce ralentissement s’accentue en 2016 selon les premiers indicateurs. Au premier trimestre les importations mondiales ont baissé de 2 % avec un recul très net dans les pays en voie de développement (-4,9 %) et une stabilisation des échanges dans les pays industrialisés. Sur l’ensemble de l’année 2016, le recul des importations mondiales atteindrait -0,3 %. Bien que les explications de cette dynamique fassent encore débat, il nous semble cependant qu’il y a bien un changement de régime du commerce mondial qui se traduira par une croissance des échanges bien moindre que par le passé. Notre scénario s’appuie sur une progression des importations mondiales de 2,3 % en 2017 et 2018 contre une moyenne de 7 % entre 1991 et 2008.
Évolution du commerce mondial
Évolution du commerce mondial
28À court terme, ce choc de commerce mondial aura des effets incertains sur la croissance puisqu’on aurait simultanément une baisse des importations dans chaque pays ou zone géographique et une baisse des exportations liées à la moindre demande adressée. L’effet sur la croissance de chaque pays ou zone géographique dépendra donc de l’ampleur de ces deux chocs relatifs : baisse des importations et baisse de la demande adressée.
Faible décrue du chômage et persistance d’une faible inflation
29La conjugaison de la hausse du prix du pétrole, d’une moindre dépréciation de l’euro, du ralentissement du commerce mondial et du Brexit vont entraîner un ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés. Au Royaume-Uni, l’effet du Brexit dominera les perspectives économiques à partir de 2017. La croissance tomberait à 1 % (après 2 % en 2016) avant de remonter en 2018 pour s’établir à 1,4 %. Aux États-Unis, le ralentissement est déjà amorcé au premier semestre 2016 avec un rythme annuel de croissance du PIB qui est tombé à 1,3 % contre 3 % un an auparavant. Sur l’ensemble de l’année 2016, la croissance serait de 1,4 %, soit un point de moins que les deux années précédentes. L’économie américaine retrouverait ensuite un peu de vigueur, notamment grâce à l’arrêt de la détérioration de sa compétitivité et croîtrait à 1,6 et 1,8 % en 2017 et 2018. La croissance serait stable au Japon : 0,6 % en 2016 comme en 2015. L’appréciation du yen et le coup de frein sur le commerce des pays d’Asie pèseront sur la dynamique de reprise à l’œuvre après la récession de 2014. Enfin, dans la zone euro, la reprise perdrait de son souffle. Le pic de croissance aurait été déjà atteint. En 2015, le PIB progressait de 1,9 %. Cette année, la croissance est attendue à 1,6 % puis continuerait à ralentir pour s’établir à 1,3 % en 2018. Cette dynamique s’explique notamment par une croissance plus faible en Allemagne et en Espagne. Ces deux pays ne sont cependant pas dans la même situation. En Allemagne, l’économie est au plein-emploi et l’écart de croissance est refermé alors qu’en Espagne la dynamique de rattrapage qui avait permis de porter la croissance à plus 3 % en 2015 se poursuit également en 2016, toutes les composantes de la demande étant bien orientées. Le moindre soutien via le pétrole et la compétitivité vont réduire la croissance qui baisserait à 2,1 puis 1,8 % en 2017 et 2018. En France et en Italie, il n’y aurait pas de recul de la croissance mais une stabilisation. Entre 2016 et 2018, la progression du PIB de la France ne dépasserait pas 1,5 % tandis qu’en Italie elle serait de 0,8 % en 2016 et 2017 et 0,5 % en 2018. Sur l’ensemble des pays industrialisés, un pic de croissance aurait été enregistré en 2015 avec une augmentation du PIB de 2 %. La baisse de croissance serait ensuite de 0,5 point en 2016 et les années suivantes.
30Toutefois, ce ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés n’aurait pas d’incidence sur la croissance mondiale dans la mesure où il serait compensé par une accélération des pays émergents. Certes, le ralentissement de la croissance chinoise se poursuivrait avec une croissance attendue à 6,1 % en 2018 contre 6,9 % en 2015. Mais le Brésil et la Russie sortiraient progressivement de leur profonde récession et retrouveraient une croissance positive en 2017 tandis que l’Inde maintiendrait une bonne dynamique avec une progression du PIB à 7,6 % en 2017-2018. Entre 2015 et 2018, la croissance des pays en voie développement passerait ainsi de 3,7 % en 2015 et 2016 à 4,2 % en 2017 et 4,4 % en 2018.
31Il reste que l’essoufflement de la croissance dans les pays industrialisés se répercutera sur la réduction du taux de chômage [17]. Dans les pays où celui-ci avait atteint ou était repassé sous le niveau d’avant-crise, il repartirait à la hausse. Cette hausse du chômage résulterait d’une moindre croissance conjuguée à une plus forte progression de la population active en lien avec l’accueil des réfugiés comme en Allemagne. Ailleurs, la baisse du taux de chômage ne serait pas interrompue (Espagne, France et Italie) mais se ferait à un rythme plus lent. Alors que le taux de chômage a baissé de 2,4 points en Espagne en 2015, la baisse ne serait que de 1,1 point en 2018. Le taux de chômage s’établirait alors à plus de 17 % sur l’ensemble de l’année, un niveau bien plus élevé qu’en 2007 qui avait atteint un point bas à 8 % au début de l’année 2007, proche du niveau du chômage français à la même époque. En Italie, on passerait d’un rythme de réduction du chômage de 0,7 point en 2015 à 0,2 point en 2018. Quant à la France, sur la période 2016-2018, la baisse cumulée du taux de chômage ne serait que de 0,6 point et retrouverait son niveau du début de l’année 2012 (graphique 7).
Taux de chômage dans les grands pays industrialisés
Taux de chômage dans les grands pays industrialisés
32Dans ces conditions, le sous-emploi resterait important, surtout dans la zone euro, et constituerait un frein à l’inflation. Aux États-Unis, la dynamique plus favorable sur le marché du travail permettrait à l’indice des prix de renouer avec la cible de 2 % fixée par la Réserve fédérale dès le début de l’année 2017 dans un contexte d’augmentation du prix du pétrole et des produits énergétiques. Toutefois, même en dehors de cet effet pétrole, l’inflation repasserait au-dessus de 2 % aux États-Unis (graphique 8). Au Royaume-Uni, l’effet change serait également un facteur réduisant le risque déflationniste et l’inflation dépasserait 2 % dès la fin de l’année 2017. Seule la zone euro et le Japon ne parviendraient pas à enclencher une dynamique plus inflationniste. Dans la zone euro, l’indice des prix accélèrerait dès la fin de l’année 2016 et atteindrait 1,5 % au premier trimestre 2017. Mais, l’inflation se stabiliserait ensuite autour de ce niveau et resterait donc significativement éloignée de la cible fixée par la BCE. Si la situation de quasi-plein emploi et l’instauration d’un salaire minimum en Allemagne stimulent la croissance des salaires, le niveau de chômage dans l’ensemble de la zone euro (10,1 % au deuxième trimestre 2016 et 9,1 % en fin d’année 2018) ne débouche pas sur une boucle prix-salaire permettant de sortir de la zone de risque déflationniste. De fait, hors effets pétrole et taux de change, l’inflation dans les quatre principaux pays de la zone euro serait toujours inférieure à 2 %.
Taux d’inflation hors effets du pétrole et du taux de change
Taux d’inflation hors effets du pétrole et du taux de change
33En outre, depuis 2010, de nombreux pays ont mis en œuvre des réformes sur le marché du travail qui ont pour effet direct ou indirect de réduire le coût du travail. Dans un contexte de forte augmentation du chômage et de réformes de la gouvernance européenne, les pays de la zone euro et notamment les pays fragilisés par la crise des dettes souveraines ont été incités à mener des réformes structurelles sur le marché du travail (France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce ou Irlande) [18]. Ces réformes ont eu pour but de flexibiliser le fonctionnement du marché du travail en réduisant la protection apportée par le contrat de travail ou en incitant à une plus grande décentralisation des négociations salariales. Dans un contexte de chômage de masse, ces mesures ont accentué la pression sur les salariés réduisant leur pouvoir de négociation et les incitant à accepter une plus grande modération salariale à l’instar de la situation allemande dans les années 2000. Dans certains cas (Irlande, Portugal ou Grèce), les mesures de gel ou de baisse du salaire minimum ont eu un effet plus direct sur le coût du travail, de même que les mesures d’allègement des charges sociales ou fiscales comme le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE) en France. Il en a résulté une baisse des coûts salariaux unitaires depuis 2009 en Irlande, Grèce, Espagne ou au Portugal (graphique 9). Si ces ajustements peuvent contribuer à résorber les déséquilibres de compte courant qui s’étaient créés dans les années 2000, ils ont aussi pesé sur les prix par les pressions à la baisse sur le coût du travail qui en a résulté, ce qui explique sans doute en partie la difficulté de la zone euro à renouer avec une inflation proche de 2 %. La faiblesse des anticipations d’inflation à long terme, malgré l’ensemble des mesures prises par les banques centrales, traduit sans doute en partie l’impact de la dynamique désinflationniste [19].
Évolution des coûts salariaux unitaires dans la zone euro
Évolution des coûts salariaux unitaires dans la zone euro
Croissance affaiblie et à risque
34Si les perspectives de croissance dans la zone euro sont revues à la baisse, cela pourrait potentiellement relancer une nouvelle crise de confiance dans un contexte déjà fragilisé par le Brexit. Deux pays concentrent les inquiétudes : l’Italie et le Portugal. La situation des banques italiennes est une menace qui pèse sur les finances publiques italiennes et sur la croissance depuis plusieurs années. Les derniers tests de résistance aux chocs menés en 2016 par l’Autorité bancaire européenne (EBA) et la Banque centrale européenne (BCE) sur un échantillon de 51 banques européennes suggèrent un besoin de recapitalisation significatif pour la banque italienne Monte dei Paschi di Siena.
35Au-delà du cas particulier de cette banque, c’est l’ensemble du système bancaire italien qui détient un stock de créances douteuses supérieur à 16 % du total de l’encours de crédit [20], ce qui représenterait près de 360 milliards d’euros, soit près de 22 % du PIB. Cette situation est un risque pour les finances publiques, si le système bancaire devait être recapitalisé, et pour la croissance. Les créances douteuses pèsent sur la rentabilité des banques, ce qui peut se répercuter sur les taux bancaires appliqués aux agents non financiers – les banques souhaitant redresser leur rentabilité – ou contraindre les banques à freiner l’offre de crédit afin d’ajuster le risque de leur bilan. La situation de certains pays de la zone euro, caractérisée par un système bancaire peu performant, une dette publique élevée et un niveau d’inflation très faible, n’est pas sans rappeler celle du Japon dans les années 1990 [21].
36L’Italie n’est pas le seul pays concerné par le problème des créances douteuses. La part des créances douteuses dans l’encours de crédit dépasse 38 % en Grèce et à Chypre ; elle atteint 14,7 % en Irlande et 15,4 % au Portugal. Plus qu’un problème italien, ces chiffres rappellent que la zone euro n’a jamais vraiment complètement absorbé le choc de la crise financière qui a éclaté en 2007. Aux pertes liées à la détention des produits structurés a succédé une forte récession qui a dégradé la profitabilité des agents non financiers et la crise des dettes souveraines. La mauvaise santé du système bancaire est non seulement un frein à la croissance mais pèse aussi sur les finances publiques. Une évaluation récente de la banque centrale espagnole estime que le coût net du sauvetage du système bancaire espagnol s’élèverait à 38,1 milliards d’euros, soit 4,2 % du PIB espagnol. Le cas de la Deutsche Bank en est une autre illustration puisque cette banque systémique est aujourd’hui menacée d’une sanction financière de 5 milliards de dollars par la justice américaine pour avoir induit en erreur des investisseurs en leur vendant des produits structurés, adossés à des crédits immobiliers toxiques aux États-Unis. La négociation en cours pourrait permettre de réduire le montant de la sanction, néanmoins les marchés craignent que le géant de l’industrie bancaire allemand ne soit pas en mesure de faire face à ses engagements et soit contraint de demander un sauvetage au gouvernement allemand.
37Ce risque bancaire est aussi un risque pour les finances publiques. L’Union bancaire européenne (UBE) a certes permis la mise en place d’une autorité de surveillance unique pour les principales banques de la zone euro. Mais, aujourd’hui, la résolution de problèmes bancaires importants ne peut être prise en charge par le fonds de résolution unique. On ne peut donc exclure que ce soit finalement les finances publiques qui prennent en charge un éventuel sauvetage bancaire, malgré ce que stipule l’UBE et la forte opposition, notamment en Allemagne, à un renflouement par l’État. Or avec une dette proche de 133 % du PIB pour l’Italie, un tel coût pourrait menacer la soutenabilité des finances publiques et relancer la crise des dettes souveraines. Le Portugal est un autre pays à risque de ce point de vue. Avec une dette à peine inférieure à celle de l’Italie (129 % du PIB en 2015), la hausse récente des taux d’intérêt pourrait rapidement peser sur la capacité du gouvernement portugais à refinancer sa dette surtout en cas de dégradation de sa note. Le gouvernement pourrait alors être contraint de solliciter un nouveau plan d’aide qui se traduirait par une nouvelle vague de consolidation budgétaire.
38Par ailleurs, si notre scénario est basé sur l’hypothèse d’une impulsion budgétaire proche de la neutralité ou faiblement négative, les différents éléments mentionnés ici suggèrent que les politiques budgétaires pourraient être plus restrictives. C’est en particulier le cas de l’Espagne, pays toujours en situation de déficit excessif et qui ne devrait pas atteindre sa cible nominale de déficit en 2016. En l’absence de gouvernement, la Commission a choisi de reporter l’application d’éventuelles sanctions mais dès qu’un gouvernement sera formé, la pression pour la mise en place de nouvelles mesures d’économies budgétaires devrait se renforcer.
2 – Zone euro : à la recherche d’un nouveau souffle
39La zone euro est longtemps restée à la traîne de la reprise mondiale qui s’était enclenchée en 2009 (graphique 10). Après la période de rebond d’activité de mi-2009 à début 2011, l’envolée des primes de risque sur les obligations souveraines de certains pays (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne et Italie) et une consolidation budgétaire prématurée et synchronisée à l’ensemble des pays de la zone plongeaient la zone dans une nouvelle récession. Celle-ci fut certes moins forte que la Grande Récession de 2008-2009 mais fut plus longue avec 8 trimestres consécutifs de stagnation ou de recul du PIB. Cette seconde phase récessive s’est achevée au deuxième trimestre 2013. La reprise s’est amorcée en 2014 (1,1 %) puis renforcée en 2015 (1,9 %) sous l’effet de facteurs favorables. La baisse du prix du pétrole a soutenu le pouvoir d’achat des ménages et les marges des entreprises. La dépréciation de l’euro a permis d’améliorer la compétitivité des entreprises de la zone euro et la politique monétaire très expansionniste de la BCE a amélioré les conditions financières, notamment dans les pays où elles s’étaient fortement dégradées pendant la crise des dettes souveraines. Au premier semestre 2016, la reprise était toujours en cours avec une croissance trimestrielle du PIB de 0,5 puis 0,3 %. Pour autant, la baisse du taux de chômage est toujours très lente, contrairement à ce qu’on observe aux États-Unis. En outre, les facteurs qui ont alimenté la croissance en 2015 et au début de l’année 2016 – baisse du prix du pétrole et dépréciation de l’euro – vont progressivement s’estomper conduisant à ralentir les perspectives de croissance en 2017 et 2018.
PIB en niveau
PIB en niveau
40La reprise, initiée grâce à des facteurs favorables, aurait dû déclencher une dynamique vertueuse et auto-entretenue. Le soutien à la consommation et aux exportations devait créer des perspectives de débouchés et stimuler l’investissement puis, par un effet d’accélérateur, la production et l’emploi qui aurait à son tour alimenté le revenu des ménages. Si certains éléments valident aujourd’hui ce scénario, il est néanmoins d’une ampleur trop faible pour résorber les déséquilibres qui se sont créés dans la zone euro du fait de la double récession. Le niveau d’investissement a certes augmenté depuis 2013 mais il reste globalement toujours inférieur à son niveau d’avant-crise. 8 ans après le début de la Grande Récession, le taux de chômage dans la zone euro reste à un niveau élevé dans de nombreux pays. Alors que les vents favorables qui ont initié la reprise vont s’essouffler, la zone euro aurait besoin d’un nouveau souffle pour entretenir la reprise et réduire le chômage à un rythme plus rapide.
41Dans le sillage de l’accélération du PIB en 2014 et 2015, l’activité a été relativement soutenue au premier semestre 2016, même si la croissance au second trimestre a légèrement marqué le pas (0,3 % après 0,5 %). La demande intérieure a été moins dynamique – notamment la consommation des ménages –, mais le commerce extérieur a en partie compensé ce fléchissement. Dans un contexte de taux de chômage élevé (10,1 % mi-2016), l’inflation sous-jacente reste faible (0,8 % en 2014, comme en 2015), soit le niveau le plus bas depuis la création de la zone euro, et le risque déflationniste perdure. Nous prévoyons une croissance modérée durant les trimestres suivants (0,4 %), puis un ralentissement essentiellement imputable à une décélération de la consommation qui bénéficierait moins des gains de pouvoir d’achat permis par la baisse du pétrole. L’investissement des entreprises serait également moins dynamique via un moindre effet d’accélérateur et la progression du commerce extérieur ne serait pas suffisante pour prendre le relais si bien que la croissance atteindrait 1,5% en 2017 et 1,3 % en 2018.
42Depuis 2014, la consommation des ménages a bénéficié d’une accélération nette et progressive du revenu disponible nominal des ménages, principalement du fait de la rémunération des salariés (1,9 % en 2014, 3 % en glissement annuel au premier trimestre 2016). Il y a eu de nouveau des créations d’emplois à partir de 2014 qui se sont intensifiées en 2015 et début 2016. En revanche, les salaires par tête sont restés modérés dans la zone euro agrégée (à 1,2 % en 2015). Ils ont néanmoins renoué avec la croissance en Espagne (à 0,6 % en 2015) et un peu accéléré en Italie (autour de 1 %). Ils ont crû fortement en Allemagne (2,7 % en 2015). À l’effet positif du revenu nominal s’est ajoutée la faible inflation, qui a porté le rythme de croissance du revenu réel à des niveaux jamais atteints depuis 2006 (graphique 11). Le début de l’année 2016 est resté bien orienté, avec une croissance de 0,6 % puis de 0,2 % durant les deux premiers trimestres. Le surcroît de pouvoir d’achat lié à la baisse du prix du pétrole n’a pas été utilisé pleinement par les ménages, conduisant à une légère remontée du taux d’épargne fin 2015-début 2016 (12,8 % du revenu), qui s’explique surtout par le comportement des ménages français. Le second semestre continuerait de bénéficier de cette faible inflation et de créations d’emplois toujours relativement dynamiques. En 2017, il n’y aurait plus d’effet positif du prix du pétrole à attendre, ce qui pèserait sur le pouvoir d’achat des ménages, malgré une accélération des salaires nominaux dans la plupart des pays. Par ailleurs, les créations d’emplois progresseraient de seulement 0,6 % en 2018, en lien avec l’essoufflement de la croissance et l’accélération de la productivité, ce qui se répercuterait sur la consommation des ménages qui ralentirait dans la plupart des pays. L’investissement en logement resterait en revanche assez dynamique (proche de 2 %), bénéficiant toujours de conditions de financement favorables. Cela permettrait au taux d’investissement en logement de se stabiliser, grâce à la poursuite de la construction en Allemagne et à la reprise qui s’amorce en Espagne. Dans ce dernier pays, les permis de construire et les transactions augmentent rapidement, même s’ils restent à de bas niveaux. Les prix de l’immobilier accélèrent mais demeurent encore inférieurs de près d’un tiers à leur niveau de 2007. Les ménages de la zone euro ont profité de la faiblesse des taux pour renégocier leur prêt immobilier auprès des banques, ce qui a eu pour effet de stimuler la production de nouveaux crédits et de réduire la charge d’intérêts payés par les ménages. Néanmoins, la part des intérêts nets est restée quasi-stable dans la zone euro agrégée ces dernières années, les intérêts reçus ayant dans le même temps diminué du même ordre de grandeur. Côté encours de crédit, la dynamique reste modérée et bien moindre que pendant les années 2000 ou même pendant la première phase de reprise en 2010-2011 (graphique 12).
Croissance du revenu disponible brut
Croissance du revenu disponible brut
Croissance de l’encours de crédits
Croissance de l’encours de crédits
43Dans un environnement international incertain, les inquiétudes sur les perspectives de croissance de la zone euro ne sont pas favorables à la prise de risque par les entreprises. C’est sans doute ce qui explique la reprise molle de l’investissement productif et le fait que le taux d’investissement productif dans la zone euro reste encore légèrement inférieur à son pic d’avant-crise. Malgré la baisse des taux d’intérêt et les mesures prises par la BCE pour stimuler l’octroi de crédit – notamment via le TLTRO (Targeted long term refinancing operation) mis en place en 2014 –, l’encours de crédit aux entreprises s’est tout juste stabilisé depuis fin 2015, après plus de trois ans de contraction. Ce canal semble donc peu efficace pour le moment pour relancer l’investissement dans la zone euro.
44Si l’on se concentre sur les dépenses d’investissement en volume en machines et équipements, aucun pays n’a retrouvé le niveau d’avant-crise (graphique 13). Les situations sont cependant assez hétérogènes, avec notamment une situation italienne très critique. Le niveau de l’investissement reste très bas en lien avec la situation dégradée des marges des entreprises. Il faut cependant noter que des mesures fiscales récentes de suramortissement ont permis d’améliorer la rentabilité des investissements italiens et favorisé les dépenses d’investissement sur la période récente. En Espagne, le redressement est spectaculaire, en lien avec la reprise de la demande interne et le dynamisme des exportations, dans un contexte de forte amélioration des marges des entreprises. En Allemagne et en France la baisse avait été moins marquée et la reprise est restée timorée. Elle a cependant été plus importante en France sur les derniers trimestres, bénéficiant de l’amélioration des marges des entreprises (avec notamment le soutien du CICE et du Pacte de responsabilité) et de mesures de suramortissement, comme en Italie. Les mesures fiscales de suramortissement vont continuer de soutenir l’investissement en France et en Italie, mais globalement les dépenses d’investissement resteront en-deçà des attentes du fait de la mollesse de la reprise.
Dépenses d’investissement (machines, équipements et systèmes d’armes)
Dépenses d’investissement (machines, équipements et systèmes d’armes)
45Après avoir été neutre en 2014, le commerce extérieur a soutenu la croissance en 2015, avec une contribution de 0,2 point de pourcentage. Il a aussi joué positivement début 2016, mais le rythme de croissance des exportations a ralenti depuis mi-2015. Les performances des pays européens sur la période récente ont été disparates : les entreprises espagnoles, qui avaient limité les pertes de parts de marché pendant la crise (2007-2009), en ont beaucoup gagnées depuis lors (tableau 7), notamment au sein de la zone euro. Ceci s’explique par la stratégie de désinflation compétitive, avec des coûts salariaux unitaires qui se sont contractés de 6 % en Espagne depuis 2009, alors qu’ils continuaient de progresser en France, en Italie et en Allemagne. La France et l’Italie ont connu de légers gains depuis 2009, après une baisse limitée en France pendant la crise (-5 %), et plus prononcée en Italie (-15,5%). Enfin, le cas allemand est atypique, puisque les gains de parts de marché ont été importants entre 2009 et 2016 (après il est vrai une chute de 9,5% entre 2007 et 2009), alors que les coûts salariaux unitaires progressaient de 8 % (contre un recul de 1 % sur la période 1999-2007). Les gains hors zone euro depuis 2014 s’expliquent par le taux de change mais l’Allemagne bénéficie incontestablement d’un avantage hors-coût qui lui permet de conserver ses positions à l’exportation.
Parts de marché des principaux pays de la zone euro
Parts de marché des principaux pays de la zone euro
46Dans la zone euro dans son ensemble, le commerce apporterait un léger soutien en 2017 puis 2018 (0,1 point chaque année). Le rythme de croissance des importations comme des exportations sera globalement faible (un peu supérieur à 2 %). La faible demande intérieure justifie des importations peu dynamiques et un taux de pénétration qui n’augmenterait que légèrement. Ce ralentissement du commerce tient autant au ralentissement de plusieurs émergents et donc des commerces intra et extra-zones correspondants qu’à la fin d’un processus de fractionnement des chaînes de valeur, expliquant la baisse de l’élasticité des importations au PIB mondial. La demande adressée à la zone euro en provenance de ses partenaires croîtrait d’un peu moins de 3 % en 2017 et 2018, bien loin des rythmes de croissance du milieu des années 2000. La plupart des pays de la zone euro stabiliseraient leurs parts de marché, dans le sillage de la stabilisation de l’euro. L’Espagne parviendrait à les maintenir à un haut niveau, du fait du maintien d’un avantage de compétitivité sur les autres pays européens, ce qui soutiendrait d’ailleurs plus fermement sa croissance, avec une contribution du commerce extérieur de 0,2 puis 0,4 point respectivement en 2017 et 2018. En Allemagne, les entreprises perdraient des parts de marché du fait d’un écart d’inflation avec ses partenaires européens (et notamment de négociations salariales bien plus favorables) et, selon nos prévisions, le commerce extérieur amputerait la croissance.
47Dans la zone euro, la croissance ralentirait à l’horizon de 2018 : le soutien du taux de change et du prix du pétrole va disparaître et la politique budgétaire serait légèrement restrictive, freinant la demande intérieure. Le commerce international ne serait pas en mesure de prendre le relais. Nous prévoyons un impact très modéré du Brexit sur la croissance de la zone euro, essentiellement via le canal du commerce. La croissance modérée ne permettrait pas de refermer l’écart de production et de réduire significativement le taux de chômage. Ce dernier serait de 9,1% fin 2018, en baisse de 1 point par rapport au niveau actuel, mais encore supérieur de près de deux points au niveau de 2008. Dans certains pays, comme l’Espagne, l’écart serait même de l’ordre de 9 points. Seule l’Allemagne resterait dans une position extrêmement favorable, malgré une légère remontée attendue du taux de chômage (à 4,2 %).
3 – Royaume-Uni : l’appel du large
48Le 23 juin 2016, les Britanniques ont choisi le « saut dans l’inconnu » (voir Mathieu, 2016a). Plus de trois mois après le référendum, les modalités de la sortie du Royaume-Uni de l’UE sont encore loin d’être définies. Theresa May, devenue Premier ministre le 13 juillet, à la suite de la démission de David Cameron, s’est longtemps limitée à répéter qu’il y aurait bien « Brexit » (« Brexit means Brexit »), alors que du côté des pro-européens britanniques, de nombreuses voix demandaient un nouveau referendum. Ce n’est que le 2 octobre que Theresa May a annoncé, lors du congrès annuel des conservateurs, qu’elle notifierait officiellement aux autres pays de l’UE la décision du Royaume-Uni de quitter l’UE, en déclenchant au plus tard en mars 2017, l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. C’est alors que débuteront officiellement les négociations entre le gouvernement britannique et le Conseil européen à 27, sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni et la mise en place de nouveaux accords. Selon le Traité, ces négociations pourront durer jusqu’à deux ans, au bout desquels la sortie du Royaume-Uni sera effective, sauf si les négociations sont prolongées à la demande du Royaume-Uni et sur accord unanime du Conseil européen. Dans l’UE, plusieurs pays entrent en période électorale (la France au printemps 2017, l’Allemagne à l’automne, les Pays-Bas,…), ce qui peut retarder et tendre les négociations.
49Si l’on ne sait rien aujourd’hui des négociations qui seront menées, une chose est sûre : elles seront difficiles. Car le vote pour une sortie de l’UE s’est joué outre-Manche sur un point principal : la possibilité de restreindre l’arrivée de travailleurs en provenance de l’UE (ce qui concerne surtout les travailleurs des nouveaux pays membres). Or les pays de l’UE ne sont pas prêts à accorder cela aux Britanniques, tout en leur laissant en même temps l’accès au libre marché des biens et des services, et des capitaux dont ils bénéficient en étant membres de l’UE. C’est avant tout la position ferme de François Hollande, pour lequel les quatre libertés de circulation dans l’UE ne peuvent pas être dissociées. Angela Merkel a longtemps été moins catégorique, mais elle s’est ralliée à cette position début octobre. Le risque pour les pays de l’UE, notamment pour l’Allemagne et la France, est politique : éviter que d’autres pays de l’UE soient tentés de suivre l’exemple britannique, et que s’ensuive la dislocation de l’UE ; par ailleurs, pour les nouveaux pays membres, la liberté de circulation des travailleurs est un point crucial. Les Britanniques vont donc devoir mener des négociations difficiles avec leurs partenaires européens. Si les pays de l’UE restent intransigeants sur la liberté de circulation des travailleurs, les Britanniques perdraient l’accès au marché unique et devraient négocier des accords bilatéraux, en suivant par exemple le cas de l’accord de libre-échange en cours de négociation avec le Canada. Ces accords seraient probablement longs à mettre en place, en tout cas ils pourraient prendre plus de deux ans ; la mise en place de barrières douanières commerciales est possible, mais cela ne nous semble pas le plus probable, car ce sont les pays de l’UE qui auraient le plus à y perdre, étant donné l’excédent commercial de l’UE vis-à-vis du Royaume-Uni (68 milliards de livres en 2015, pour l’ensemble des biens et services). Pour la City, la question du maintien des passeports financiers sera cruciale. C’est sur ce point que les Britanniques ont le plus à perdre à court terme, car l’excédent des échanges de services financiers vers l’UE s’élevait à 19 milliards de livres en 2015. Theresa May souhaite que le Royaume-Uni ne choisisse ni le modèle suisse, ni le modèle norvégien de l’EEE (Espace économique européen) – qui d’ailleurs ne permettraient pas de restreindre la circulation des travailleurs –, mais développe son propre modèle, celui d’un Royaume-Uni champion du libre-marché mondialisé. C’est un pari risqué de miser sur le redéploiement des relations commerciales avec le monde hors UE, mais il faut rappeler que le Royaume-Uni a un déficit commercial avec l’UE et un excédent avec le reste du monde, conserve des liens historiques avec les pays du Commonwealth, et porte une vision favorable au libre-échange depuis longtemps.
50Nous supposons qu’en tout état de cause le Royaume-Uni ne sortira pas de l’UE avant mars 2019, et que l’avancée des négociations aura nécessairement des répercussions sur l’économie britannique, dans un contexte politique lui-même très incertain, au Royaume-Uni comme ailleurs dans l’UE. Au Royaume-Uni, Theresa May doit en effet faire face aux partisans du maintien dans l’UE qui font maintenant pression pour que le Brexit soit le plus « soft » possible (maintien de l’accès au marché unique, dans un modèle de type EEE (Espace économique européen), avec libre circulation des travailleurs) ; les parlementaires britanniques souhaitent être informés de l’avancée des négociations et certains demandent un vote du Parlement sur le Brexit (ce qu’a refusé Theresa May) ; les indépendantistes écossais brandissent la menace d’un nouveau référendum sur l’Écosse ; les partisans du Brexit eux-mêmes ne sont pas unanimes sur la forme que celui-ci doit prendre. Theresa May semble avoir choisi le « hard Brexit » : pas de concession sur le droit des Britanniques à restreindre la liberté de circulation des travailleurs européens même si cela doit se traduire par la perte du libre accès au Marché européen.
51La chute de la livre sterling au lendemain du référendum (8 % en termes de taux de change effectif nominal), puis sa stabilisation, et une nouvelle chute (5 %) après le discours de Theresa May le 2 octobre, sont les premières manifestations visibles de ces incertitudes. Ces incertitudes ne seront pas entièrement levées d’ici mars 2017, et se poursuivront au moins jusqu’en mars 2019, laissant augurer de fortes zones de turbulences pour l’économie britannique. Notre scénario est marqué par les effets de la chute de la livre jusqu’à son niveau de début octobre, suivi de fluctuations autour de ce niveau en 2017, par un coup d’arrêt des investissements pendant la phase de négociations entre le Royaume-Uni et l’UE, en partie atténué par des réactions fortes des politiques budgétaire et monétaire. Nous expliquons les raisons de ce choix, mais de nombreux autres scénarios sont envisageables : d’un scénario beaucoup plus noir, si les négociations se passent mal et qui pourrait plonger l’économie britannique dans la récession en 2017, à un scénario plus rose où les incertitudes se lèveraient avec la mise en place d’accords sans barrières commerciales et non-tarifaires.
52Nous rappellerons d’abord la situation de l’économie britannique à la veille du référendum, la sur-réaction des marchés et les indicateurs au lendemain du vote, le rétablissement de ces indicateurs en août et septembre, avant de présenter notre scénario et ses risques.
Phase 1) Avant le vote du 23 juin
53Jusqu’au 23 juin, l’économie britannique continuait d’afficher de bonnes performances macro-économiques, en termes de croissance, de taux de chômage et d’inflation. Au deuxième trimestre 2016, la croissance britannique s’est établie à 2,2 % en glissement sur un an, contre 1,9 % un an plus tôt. La hausse du PIB a accéléré de 0,4 % au premier trimestre à 0,7 % au deuxième trimestre. Les activités de services (80 % de la valeur ajoutée) continuaient de tirer la croissance britannique, alors que la production industrielle et celle du bâtiment progressaient à peine. Au deuxième trimestre 2016, la production industrielle restait inférieure de 5 points à son niveau d’avant la crise de 2007, tandis que celle dans le bâtiment rattrapait son niveau d’avant-crise et que la valeur ajoutée dans les activités de services était plus de 10 points au-dessus de son niveau d’avant-crise (à l’exception notable de celles des services financiers). Le PIB britannique était supérieur de 6,7 points à son niveau d’avant-crise.
54Le taux de chômage britannique (au sens du BIT) continuait de baisser légèrement et n’était plus que de 4,9% au deuxième trimestre, contre 5,6 % un an plus tôt, et un niveau légèrement inférieur à celui d’avant-crise (5,2 %). Les salaires nominaux n’accéléraient pas, continuant de progresser à un rythme annuel de 2,4 %. L’inflation, bien qu’en augmentation, restait faible : l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) était en hausse de 0,5 % sur un an en juin (0 % un an plus tôt), tandis que l’inflation sous-jacente était de 1,4 % sur un an (0,8 % un an plus tôt).
55En juin 2016, le Royaume-Uni pouvait se flatter d’être dans le peloton de tête de la croissance des pays industrialisés, mais le bilan de la sortie de crise n’était pas entièrement positif. Ainsi, le déficit des échanges de biens et services s’est creusé depuis 2007, particulièrement celui des marchandises, de 5,9 % du PIB en 2007 à 7 % du PIB au premier semestre 2016. Certes, le déficit commercial s’est légèrement réduit sur la période de 2,6 % à 2,3 % du PIB, grâce à l’accroissement de l’excédent des services (passé de 3,4 % du PIB à 4,7 % du PIB), mais le déficit du solde courant s’est creusé, de 2,5 % du PIB en 2007 à 5,7 % du PIB. Les ménages conservaient un taux d’endettement élevé, de 135 % du revenu annuel, contre 145 % au début de la crise. Par ailleurs, les prix des actifs immobiliers et financiers ont retrouvé des niveaux élevés, parfois proches ou supérieurs à leurs niveaux de 2007, ce qui accroît la richesse des ménages, mais fait planer sur l’économie britannique le risque d’une chute (graphique 14). Les prix de l’immobilier, soutenus par l’insuffisance structurelle de l’offre de logements, atteignent des niveaux particulièrement élevés.
Cours boursiers et prix de l’immobilier en termes réels
Cours boursiers et prix de l’immobilier en termes réels
56Avant le referendum, le gouvernement britannique avait un objectif ambitieux de réduction des déficits et de la dette publics, devant ramener le déficit public de 4,3 % du PIB en 2015 à l’équilibre en 2019-2020 et commencer à faire baisser la dette publique, proche de 90 % du PIB (au sens de Maastricht), à partir de 2017. Pour atteindre ces objectifs de réduction des déficits et de la dette publics, et sous des hypothèses de poursuite d’une croissance moyenne du PIB de 2,1 % par an d’ici 2020, le gouvernement inscrivait de fortes baisses de dépenses publiques relativement au PIB. Le gouvernement menait une politique d’austérité budgétaire, laissant à la Banque d’Angleterre le soin de soutenir la croissance.
Phase 2) Après le 23 juin : stupeur et tremblements
57La publication des résultats du vote s’est immédiatement traduite par une chute du taux de change de la livre et des cours boursiers, suivie de la dégradation des indicateurs de confiance publiés en juillet, et d’annonces médiatisées telles que d’importantes baisses de prix de programmes d’immobilier commercial à Londres. La chute de la livre a été brutale : le 7 juillet, elle avait perdu 10 % par rapport à l’euro et 12 % par rapport au dollar (graphique 3). La livre s’est stabilisée dans le courant du mois de juillet, et réappréciée de la mi-août à début septembre. La livre semblait alors stabilisée autour de 1,17 euros et 1,30 dollar, ce qui ramenait la livre à un niveau plus soutenable compte-tenu du déficit extérieur (cf. infra). Mais, depuis la fin septembre et le discours de Theresa May du 2 octobre en faveur d’un Brexit dur, la livre a de nouveau perdu près de 6 % par rapport à l’euro et de 7 % par rapport au dollar. C’est une nouvelle illustration des effets sur les taux de change de l’incertitude qui entoure les conditions de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.
58La Bourse de Londres, qui avait connu une forte volatilité les jours précédant le referendum, a elle aussi chuté à l’annonce des résultats du vote, de 7 % en deux jours pour l’indice FTSE-All Share, mais elle s’est ensuite rapidement ressaisie en retrouvant début juillet son niveau du 23 juin, et regagnant 10 % depuis lors [22].
59Les taux d’intérêt sur la dette publique britannique ont baissé après le 23 juin, de 1,5 point à 0,7 point fin septembre pour les titres à 10 ans. Ceci s’est fait en deux temps : un premier mouvement de baisse après le vote, qui a montré que, contrairement à ce que craignaient ceux (dont les institutions internationales) qui avaient mis en garde contre les effets immédiats d’un Brexit sur les primes de risque sur la dette publique britannique, celles-ci n’augmenteraient pas, elles ont même baissé. L’écart de taux avec les obligations allemandes a baissé de 1,3 point à 1 point fin juillet (graphique 15). Puis, fin juillet, l’annonce d’une politique monétaire plus expansionniste de la Banque d’Angleterre, marquant sa volonté de tout faire pour soutenir la croissance, a contribué à faire de nouveau baisser les taux sur les titres publics britanniques. Cet effet s’est progressivement érodé et à la fin septembre, les taux britanniques à 10 ans étaient revenus à 1 %, un point au-dessus des taux allemands (soit un écart de taux plus proche de celui qui prévalait avant le 23 juin).
Taux d’intérêt publics à 10 ans et écart de taux avec l’Allemagne
Taux d’intérêt publics à 10 ans et écart de taux avec l’Allemagne
Politique monétaire : réactivité assurée
60La Banque d’Angleterre est intervenue début août en baissant son taux de base de 0,5 % à 0,25 % ; en augmentant son programme d’achats d’actifs (de 375 milliards de livres à 435 milliards), et en annonçant qu’elle pourrait acheter des titres obligataires privés à partir de la fin septembre (à hauteur de 10 milliards de livres). L’objectif était avant tout de rassurer les marchés et les acteurs économiques, notamment de soutenir l’investissement des entreprises en évitant tout risque de resserrement du coût du crédit pour les entreprises. De juin à août, les nouveaux taux sur les crédits aux entreprises ont effectivement baissé de 0,2 point et n’étaient que de 2,6 %. Ils se sont même un peu assouplis si l’on tient compte de la légère accélération de l’inflation, qui fait diminuer les taux d’intérêt réels de 0,2 point supplémentaire entre juin et août. C’est aussi le cas pour les taux de marché « corporate » (graphique 16). Les conditions de financement des entreprises ne se sont donc pas durcies après le Brexit, même si on observe une remontée des taux de marché depuis début octobre.
Taux souverains et taux d’intérêt sur les titres émis par les entreprises
Taux souverains et taux d’intérêt sur les titres émis par les entreprises
61De façon générale, les enquêtes qualitatives réalisées auprès des entreprises se sont dégradées en juillet (perspectives de production, investissement, ….) et redressées à partir d’août. C’est particulièrement vrai pour les enquêtes dans l’industrie, mais c’est aussi le secteur qui bénéficiera le plus de la baisse de la livre sur les marchés à l’exportation. Du côté des ménages, les indicateurs de ventes de détail sont restés très dynamiques, ce qui peut aussi en partie refléter des achats anticipés par les ménages craignant une hausse des prix de leur consommation de biens importés. La production industrielle a continué à croître à son rythme d’avant-Brexit en juillet et août (autour de 1,5 % en rythme annuel). Les indicateurs conjoncturels disponibles au début octobre suggèrent que le PIB britannique augmentera de 0,4 % au troisième trimestre.
Phase 3) À partir de début octobre : zones de turbulences annoncées
62Une des difficultés de cette prévision, réalisée trois mois après le referendum, est que la plupart des données “dures” disponibles, telles que celles des comptes nationaux, ne portent que jusqu’au deuxième trimestre 2016, donc avant le référendum, et font état d’une économie sur un rythme de croissance de 2 % ; les indicateurs conjoncturels publiés depuis août suggèrent que la croissance ne sera pas fortement affectée par le référendum au troisième trimestre. Mais ensuite ?
Premiers effets du Brexit : la baisse du taux de change aura un effet favorable sur les exportations…
63À la date du 11 octobre, la livre a atteint le niveau que nous avions fixé pour l’ensemble de l’année 2017, soit une baisse cumulée de 15 % en termes effectifs depuis juin. Nous maintenons l’hypothèse dans notre scénario central que la livre reste bien à ce niveau, mais cette hypothèse est fragile.
64Le taux de change de la livre avait retrouvé en juillet 2016 un niveau plus soutenable pour les exportateurs britanniques (graphique 17). Le taux de change effectif de la livre, nominal, et plus encore réel, s’était en effet apprécié depuis 2014, et le taux de change effectif réel avait retrouvé un niveau supérieur à celui de 2007. Début 2007, les exportateurs britanniques perdaient des parts de marché ; la baisse de la livre de 25 % avait alors permis aux exportateurs britanniques de stabiliser leurs parts de marché à l’exportation, puis d’en regagner. Mais la livre s’était de nouveau appréciée à partir de 2013, le taux de change effectif réel était en 2015 plus élevé qu’en 2007 ; la baisse de la livre depuis juillet dernier ramène la compétitivité des exportateurs britanniques à un niveau où ils peuvent gagner des parts de marché. C’est ce que nous avons retenu dans notre prévision.
Taux de change de la livre
Taux de change de la livre
….mais augmentera l’inflation importée, ce qui réduira le pouvoir d’achat des ménages
65La consommation des ménages est restée, jusqu’au deuxième trimestre 2016, dynamique ; les ventes de détail suggèrent que cela sera aussi le cas au troisième trimestre. L’inflation, dont le dernier point connu est celui d’août, n’a pas encore franchement accéléré, en n’étant que de 0,6 % (graphique 18). Mais la baisse de la livre va se traduire par de l’inflation importée. Cette baisse du taux de change se produit cependant à un moment où l’inflation est quasiment nulle, les prix des matières premières sont faibles et devraient le rester à l’horizon 2018. La baisse de 15 % du taux de change effectif de la livre depuis juin dernier conduirait l’inflation à accélérer autour de 4 % à la mi-2017, puis revenir vers 2 % fin 2018. Cela se traduira par des pertes de pouvoir d’achat des ménages [23]. Au vu des évolutions des salaires nominaux, restés plutôt stables depuis le début de la crise, nous avons supposé que ceux-ci n’accéléreraient que peu (ils passeraient de 2,5 à 3 %) [24], ce qui pourrait être facilement absorbé par les entreprises, dont les marges se sont redressées depuis le début de la crise. Les ménages supporteraient l’essentiel de la hausse des coûts des produits importés, ce qui freinerait la consommation.
Évolution de l’inflation
Évolution de l’inflation
66Notre scénario ne retient pas l’hypothèse d’une chute des cours boursiers et immobiliers, qui, si elle se produisait, renforcerait la baisse de la consommation des ménages. Les prix de l’immobilier ont continué à progresser, depuis le 23 juin, à des rythmes de l’ordre de 5 % par an. Selon les indices, les prix s’approchent, voire dépassent, leur précédent pic historique de 2007 (graphique 14). Nous supposons qu’ils resteront élevés à l’horizon 2018, du fait d’une insuffisance structurelle de logements. Le gouvernement a annoncé qu’il prendrait des mesures en faveur de la construction de logements, mais elles ne seraient que d’ampleur limitée. La hausse des prix de l’immobilier a conduit à une hausse régulière de la richesse immobilière, qui approchait 400 % du revenu annuel des ménages, à la fin 2015, ce qui était aussi le cas pour la richesse financière (graphique 19). Ces hausses du patrimoine net des ménages ont jusqu’à présent contribué, par le canal des effets richesse, à soutenir la consommation. En l’absence de forte variation des prix des actifs financiers et immobiliers, le taux d’épargne resterait quasiment stable à l’horizon 2018, autour de 5 %.
Richesse des ménages britanniques
Richesse des ménages britanniques
Investissement des entreprises : grandes incertitudes
67L’avancée des négociations entre l’UE et le Royaume-Uni aura un rôle fondamental sur les décisions d’investissement des entreprises. Nous avons fait l’hypothèse que l’investissement des entreprises baisserait de 10 %, ce qui correspond, en termes de taux d’investissement rapporté au PIB, à la moitié de la chute qui avait eu lieu au début de la crise de 2008. Cette une hypothèse qui, là aussi, est tout à fait discutable, dans la mesure où le choc qui affecte l’économie britannique via le Brexit n’a pas d’équivalent sur lequel on pourrait s’appuyer. En situation d’incertitude, ici sur l’évolution de l’économie britannique comme des possibilités d’exportation à partir du Royaume-Uni, les entreprises hésitent à prendre des décisions coûteuses sur lesquelles il peut être difficile de revenir (comme investir ou embaucher) et sont donc amenées à les reculer. Nous avons fait l’hypothèse que les entreprises freineraient dès le troisième trimestre leurs investissements, mais que le mouvement s’atténuerait progressivement en 2018, du fait des réactions de politique économique et principalement budgétaire.
Politiques monétaire et budgétaire en soutien
68La Banque d’Angleterre a déjà agi, début août, pour soutenir la croissance. Elle a aussi annoncé qu’elle envisageait de baisser son taux directeur à 0,15 lors de la réunion du Comité de politique monétaire début novembre. À ce moment, la Banque disposera de la première estimation du PIB du troisième trimestre. Elle devra probablement écrire plusieurs lettres au Chancelier de l’Échiquier en 2017 pour expliquer pourquoi elle ne respecte pas son mandat en termes d’inflation (maintenir l’inflation autour de 2 % dans une fourchette de +/-1 %). Mais la Banque d’Angleterre, comme elle l’avait fait lors de la crise de 2008, soutiendra prioritairement la croissance, en expliquant que le dépassement de la cible d’inflation sera temporaire (l’effet de la dévaluation s’estompant progressivement et le ralentissement de l’activité atténuant les pressions inflationnistes) et fera tout pour éviter une déstabilisation des marchés financiers et bancaires.
69L’arme budgétaire sera aussi très probablement utilisée pour soutenir la croissance. Philip Hammond, le nouveau chancelier de l’Echiquier, présentera un nouveau budget lors de la publication de l’Autumn Statement, le 23 novembre 2016. Le gouvernement a annoncé qu’il renonçait à l’objectif du précédent gouvernement, de ramener le déficit à l’équilibre à l’horizon 2020. Des mesures de relance de l’investissement public sont attendues (mais non connues à ce jour). Nous avons supposé qu’elles représenteraient une hausse de l’investissement public de 10 % sur un an, qui se ferait progressivement à partir d’avril 2017 (début de l’exercice budgétaire). Nous avons aussi fait l’hypothèse que la contrainte sur les dépenses de consommation publique serait aussi un peu relâchée (les dépenses de consommation augmenteraient de près de 1 % en volume par an, au lieu de 0,5 %). Le gouvernement garde la stratégie de concurrence fiscale du précédent gouvernement, visant à inciter les entreprises étrangères à s’implanter au Royaume-Uni, dont la plus emblématique des mesures est la baisse l’impôt sur les sociétés : celui-ci serait abaissé de 20 % (taux en vigueur depuis avril 2015), à 19 % en 2019 et 17 % en 2020. L’objectif est que le Royaume-Uni ait le taux d’imposition des sociétés le plus bas du G20 en 2020. Au total, l’effort budgétaire représenterait environ 0,6 point cette année, 0,2 point de PIB en 2017 et 2018. Le déficit public se creuserait de 3,7 % du PIB cette année, à 4,3 % du PIB l’an prochain et 4,1 en 2018 [25].
70La croissance britannique serait de 2% cette année, en tête parmi les grands pays industrialisés. Elle ralentirait à 1 % l’an prochain et serait de 1,4 % en 2018. Cette prévision est « prudente » en ce qui concerne l’impact des négociations avec l’UE sur la sortie du Royaume-Uni, sur les évolutions des taux de change et des marchés financiers et leurs répercussions sur l’investissement. Dans notre scénario, la Banque d’Angleterre continue de rassurer les marchés et la politique budgétaire soutient la demande. Au total, le PIB britannique est inférieur de 0,8 point en 2017 à ce qu’il aurait été en l’absence de Brexit et aurait un impact nul sur le PIB en 2018.
71On pourrait construire un scénario plus noir, dans lequel les négociations avec l’UE n’aboutiraient pas, des barrières douanières seraient établies. Le taux de change de la livre baisserait alors plus fortement, ce qui accroîtrait encore l’inflation, réduisant le pouvoir d’achat des ménages ; la Bourse dévisserait et les investisseurs étrangers fuiraient le Royaume-Uni. Le secteur exportateur ne pourrait pas à court terme compenser la baisse de l’investissement et de la demande intérieure… Les scénarios les plus noirs effectués avant le vote du 23 juin par le Trésor britannique envisageaient une baisse du PIB allant de 3,6 % à 6 % du PIB. Les pays de l’UE prendraient-ils le risque d’entrer dans ce genre de scénario pour punir les Britanniques et donner l’exemple ? C’est possible, mais cela ne nous semble pas le plus probable.
4 – États-Unis : retour à la normale
72En 2014 et 2015, la croissance américaine a progressé autour de 2,5 % par an, soit plus vite que le rythme moyen de 2,2 % observé depuis la reprise de 2010. Mais en 2016, l’économie a amorcé un retournement marqué. Compte tenu des faibles performances du premier semestre, et même avec une légère amélioration dans les prochains trimestres, la croissance ne devrait pas dépasser 1,5 %. Le ralentissement devrait se poursuivre en 2017 pour des raisons différentes. Au-delà, la croissance pourrait repartir sur un rythme un peu supérieur (1,6 % en 2017 et 1,8 % en 2018) à celui de la croissance potentielle que nous supposons proche de 1,6 %. Cette estimation est basée sur l’évolution moyenne de la productivité du travail de 0,7 % par an (taux moyen de 2011-2015) et de la population active de 0,9 % par an. Cette hypothèse est proche de celle retenue par l’OCDE (1,5 % en 2017) et du CBO (1,7 % sur la période 2016-2020, après 1,5 % sur la période 2008-2015). L’écart de production, proche de 2 % en 2016 et 2017, se réduirait légèrement en 2018.
73Plusieurs facteurs expliquent ce ralentissement en 2016 : la remontée des prix du pétrole, une compétitivité-prix dégradée par le renchérissement du dollar face aux autres monnaies et la hausse des coûts salariaux plus élevée qu’ailleurs, la baisse du commerce international, des conditions monétaires et financières un peu moins souples qu’auparavant. Pour autant, l’année 2016 aura bénéficié d’un large soutien de la politique budgétaire, année électorale oblige, mais insuffisant toutefois pour compenser intégralement tous ces freins à la croissance.
74Après 0,5 % en moyenne pendant un an, la croissance trimestrielle du PIB a ralenti à 0,2 % au quatrième trimestre 2015 et au premier de 2016, et à 0,3 % au suivant. Sur un an, la croissance a progressé de seulement 1,2 % mi 2016, contre 3 % un an plus tôt. Cette inflexion n’est pas due à la consommation des ménages qui reste un soutien fort à la croissance (avec notamment une contribution de 0,7 point à la croissance du PIB au deuxième trimestre 2016). Les ménages continuent de bénéficier des derniers effets positifs de la baisse des prix du pétrole sur leur pouvoir d’achat jusqu’au début de l’année. Par ailleurs, le taux de chômage a continué de baisser jusqu’en fin 2015 pour s’établir au niveau plancher de 4,9 %. Enfin, la richesse des ménages poursuit sa hausse, soutenue par la valorisation des actifs immobiliers et financiers, déjà élevés (graphique 20).
Patrimoine des ménages américains
Patrimoine des ménages américains
75Cette situation n’a pourtant pas empêché une baisse de l’investissement résidentiel au premier semestre 2016 (-2 % au deuxième trimestre par rapport au précédent), en phase avec la stabilisation des mises en chantiers et des permis de construire observée depuis un an, à un niveau qui reste encore très faible par rapport à une moyenne de long terme. Pourtant, l’indicateur d’activité dans la construction NAHB reste élevé et les conditions sont réunies pour que la dynamique d’investissement se poursuive. Les taux d’intérêt hypothécaires ne cessent de baisser depuis trois ans (3,4 % en août 2016 contre 4,5 % en septembre 2013). Les conditions d’accessibilité à la propriété restent favorables, malgré la hausse des prix dans l’ancien et surtout dans le neuf. Sur un an, les prix ont augmenté de plus de 5 % au deuxième trimestre 2016 et la hausse ne montre aucun signe de ralentissement. Et si l’indice des prix S&P-Case et Shiller sur les 20 grandes villes américaines est encore légèrement inférieur au pic de 2006, l’indice OFHEO, corrigé de l’effet qualité, le dépasse de presque 3 %. Néanmoins, à la mi-2016, le prix médian d’une maison était dans l’ancien 3,6 fois plus élevé que le revenu médian d’une famille, ce qui marque le retour à la situation de 2004, avant l’entrée dans la course des subprimes. Début 2016, le patrimoine des ménages américains retrouvait son niveau de 2007. Parallèlement, les ménages continuent à se désendetter. Sous l’effet de la baisse de la dette hypothécaire, la dette totale des ménages a baissé de plus de 30 points depuis son pic de l’été 2007 pour retrouver mi-2016, son niveau de fin 2001 (68,5 % du RDB). La reprise des nouveaux crédits est due principalement aux refinancements de prêts, les ménages cherchant à profiter des dernières baisses de taux d’intérêt longs avant la remontée prochaine attendue pour l’année prochaine.
76Du côté des entreprises, si les débouchés en interne restent dynamiques, les ventes à l’exportation se contractent depuis début 2015. Reflétant le recul enregistré dans les carnets de commandes entre mi-2014 et le début de 2016, les exportations ont baissé en volume jusqu’au début d’année (-2,3 % depuis la fin 2014). Cette baisse des exportations est liée à une quasi-stagnation de la demande adressée (0,6 % de croissance au premier semestre 2016, après plus de 2,8 % en 2013 et 2,6 % en 2014) et à des pertes de parts de marché dues à une forte détérioration de la compétitivité-prix des produits américains. La récession économique au Brésil (-3,8 % en 2015 et -3,2 % attendu pour 2016), l’atonie de la croissance dans plusieurs autres pays en développement d’Amérique latine et d’Asie combinées à la réorientation du modèle chinois vers son marché domestique pèsent sur la dynamique de la demande étrangère adressée aux États-Unis. Mais aussi depuis 2014, le raffermissement du dollar face aux autres monnaies renchérit le prix des exportations américaines. En un an et demi (de mi-2014 au début de 2016), le dollar s’est apprécié de 22 % par rapport à la monnaie de ses principaux partenaires commerciaux. En déduisant les différentiels d’inflation des différents pays, le dollar s’est apprécié en termes réels de plus de 11 % sur la même période et reste à un niveau élevé jusqu’en septembre. Dans ces conditions, les entreprises américaines perdent des parts de marché depuis l’année dernière et le mouvement devrait se poursuivre pendant encore plusieurs trimestres. Face au ralentissement de la demande et un niveau d’invendus très élevé, les entreprises ajustent leurs stocks et réduisent leurs dépenses d’investissements. Depuis l’été 2014, le taux d’investissement qui avait dépassé les points hauts de ses précédents cycles a cessé d’augmenter et baisse depuis la fin 2015. Néanmoins, cet ajustement est clairement concentré dans le secteur non manufacturier. En effet, sans être très dynamique, la production manufacturière n’en reste pas moins plutôt stable, tout comme le taux d’utilisation des équipements. La baisse de l’investissement s’explique essentiellement par la chute de l’investissement dans le secteur d’extraction minière et pétrolier (encadré 1). En excluant les entreprises de ce secteur, l’investissement est resté dynamique jusqu’au troisième trimestre 2015 (4,9 % sur un an contre 1,4 % tout confondu) avant de baisser les deux trimestres suivants (-0,2 et -0,5) et d’accélérer à nouveau au printemps 2016 de 1 %.
77Simultanément, la situation financière des entreprises se dégrade avec la montée des coûts salariaux depuis fin 2014 (3 % sur un an au deuxième trimestre 2016, contre 1,7 % un an plus tôt). Si la progression des salaires s’accélère modérément en dépit du bas taux de chômage, la productivité progresse encore plus modérément. Et même si la productivité horaire s’est moins dégradée que la productivité par tête au cours des trois derniers trimestres en raison de la baisse de la durée du travail, les entreprises ont relativement peu ajusté l’emploi. La productivité par tête a baissé de 0,3 % au quatrième trimestre 2015 et au premier de 2016 et est restée stable au deuxième trimestre 2016. En niveau, elle se situe en-deçà de sa tendance des dernières années. Cette situation a permis de soutenir les créations nettes d’emplois jusqu’alors. Mais il est probable que la recherche de gains de productivité dans les prochains trimestres pèsera dans les décisions futures d’embauches et sur le chômage qui devrait alors remonter.
78Une partie de cette hausse des coûts salariaux unitaires a été répercutée dans les prix finals. L’inflation sous-jacente a augmenté de 2,2 % en moyenne au premier semestre 2016 (2,3 % en août) après 1,8 % en moyenne 2015. L’inflation globale a bénéficié de la baisse des prix du pétrole jusqu’au début de l’année. De 0,1 % en 2015, elle est passée à 1% au premier semestre 2016 (1,1 % en août).
79Si la croissance américaine a faibli en 2016, elle a pourtant bénéficié d’un soutien important de la politique budgétaire, qu’elle ne retrouvera ni en 2017, ni en 2018. Selon les données du CBO, le solde structurel primaire hors charges d’intérêts devrait se dégrader de 0,7 point de PIB en 2016. Cette impulsion budgétaire devrait soutenir l’activité à hauteur de 0,5 point de PIB. Mais avec une croissance plutôt modeste (1,4 %) par rapport à la croissance potentielle de 1,6 %, le solde conjoncturel devrait se dégrader en 2016. Résultat, le solde budgétaire atteindrait 5,1 % du PIB en 2016, après 4,3% en 2015. La dette publique dépasserait 104 % en 2016. En 2017 et 2018, la croissance ne pourrait plus profiter de cet effet et devrait connaître au contraire deux années d’ajustement budgétaire. Le déficit reviendrait à 5 % en 2017 et 4,9 % en 2018.
80En 2017 et 2018, la croissance américaine s’accélérerait légèrement à respectivement 1,6 % et 1,8 %, sans retrouver son rythme antérieur. La légère remontée des prix du pétrole pèsera sur les prix et le pouvoir d’achat des ménages. Elle mettra aussi un terme à la crise dans le secteur des hydrocarbures. Le taux de change du dollar devrait cesser de s’apprécier par rapport à l’euro vers le milieu de l’année prochaine. Mais la compétitivité-prix resterait dégradée en 2017, moins en 2018. Les conditions de crédit devraient continuer à se resserrer. Pour le moment, ce sont surtout les taux courts qui se tendent, les taux longs eux poursuivant leur mouvement baissier, en phase avec les taux européens. Néanmoins, d’après les enquêtes du Senior Loan Officer sur leurs pratiques de prêts, les banques commencent à resserrer leurs conditions de crédits aux entreprises depuis fin 2015. Peu de soutien donc à la croissance, hormis une légère dynamique de rattrapage liée à une sous-utilisation des facteurs de production qui persiste – malgré les facteurs structurels liés au vieillissement de la population, le taux d’activité ne devrait pas rester à des niveaux aussi faibles dans les prochaines années –, et des contraintes de résorption des déséquilibres qui sont maintenant levées (à l’exception toutefois de l’endettement public). Les entreprises devraient accélérer le rythme de productivité pour compenser au moins partiellement la hausse des salaires. Mais le taux de marge, malgré le retournement observé depuis 2014 reste élevé et les entreprises peuvent supporter une détérioration plus marquée de leur taux de marge. Il n’empêche qu’une partie de la hausse des coûts passera dans les prix. L’inflation pourrait atteindre 2% fin 2017. Le taux de chômage augmenterait légèrement dès la fin de 2016 pour atteindre 5,4 % en 2018.
Encadré 1. L’impact macroéconomique de la crise dans le secteur des hydrocarbures sur les comptes nationaux
Prix du pétrole (WTI) et nouveaux forages de pétrole et gaz
Prix du pétrole (WTI) et nouveaux forages de pétrole et gaz
Contribution du secteur minier à la croissance du PIB
Contribution du secteur minier à la croissance du PIB
Contribution du secteur minier à la croissance de l’investissement
Contribution du secteur minier à la croissance de l’investissement
Du côté du commerce extérieur, la facture énergétique a continué de baisser jusqu’en mai, pour être presque à l’équilibre (graphique 22). La hausse très rapide de la production domestique a permis de réduire la dépendance énergétique vis-à-vis de l’étranger (selon l’EIA, les importations de pétrole représentaient 24 % de la consommation de pétrole en 2015, contre 49 % en 2010). En volume, on observe cependant une stabilisation du solde énergétique depuis un an autour de 0,5 % du PIB (contre plus du double en 2010).
Solde commercial
Solde commercial
5 – Émergents : La croissance résiste
81Les perspectives de croissance s’améliorent dans les pays émergents malgré la confirmation du ralentissement chinois. L’Asie hors Chine parvient à résister tandis que le Brésil et la Russie renoueront progressivement avec une croissance positive. Enfin, dans les pays d’Europe de l’Est, la situation économique reste favorable avec une croissance soutenue par la demande intérieure et la reprise dans la zone euro.
Asie : le risque chinois se dissipe
82Malgré la décélération de la croissance en Chine qui entraîne d’autres pays de la région dans son sillage, l’Asie reste un pôle important pour la croissance mondiale qui ne devrait pas connaître d’à-coups d’ici 2018. L’agitation autour du Brexit sur les marchés européens affecte peu les pays asiatiques, plus préoccupés par la Chine et la faiblesse de la croissance mondiale. Sur l’année 2016, la croissance de l’ensemble de l’Asie devrait s’établir à 5,8 %, soit un ralentissement de 0,3 point par rapport à 2015. La croissance chinoise poursuit son ralentissement et serait de 6,3 % en 2016 après 6,9% en 2015. Pour 2017-2018, nous anticipons une croissance de +5,7 % pour l’ensemble de la région, et de +5,4 % pour l’ensemble de la zone hors Chine. Par ailleurs, après un recul des échanges commerciaux en 2015 et 2016, les exportations et importations de l’Asie repartiraient à la hausse (tableau 10).
Zone Asie : Prévisions de commerce extérieur
Zone Asie : Prévisions de commerce extérieur
83La croissance chinoise est tombée en 2015 à 6,9 %, sa plus faible performance depuis un quart de siècle, alors que le pays engage une transition vers un modèle économique plus orienté vers le marché domestique, la consommation et les services. Portée par une solide consommation des ménages, la croissance chinoise profite aussi de la relance budgétaire opérée par le gouvernement et qui a permis de rassurer les marchés sur le risque d’une chute plus brutale de l’activité. Par ailleurs, la baisse du yuan face au dollar jusqu’au mois de juillet depuis l’assouplissement du régime de change en août 2015 a permis, au moins partiellement, de redresser la compétitivité des exportations chinoises, fortement dégradée depuis 2008. Mais les pressions baissières se poursuivent et ont entraîné des interventions des autorités importantes pendant l’été. Les réserves ont baissé et le taux de change s’est stabilisé cet été. Malgré un assouplissement continu de la politique monétaire depuis novembre 2014 et des mesures de relance budgétaire, l’investissement reste contraint en 2016. En effet, les entreprises sont fortement endettées et de nombreux secteurs sont en surcapacité. Cette dynamique de transition se poursuivra avec une croissance surtout soutenue par la consommation et moins par l’investissement et les exportations. En 2017 et 2018, l’activité progresserait de 6,1 %.
84En Asie hors Chine, la croissance des pays en développement s’établit à 5,3 % en 2015 et 2016 ; elle devrait demeurer à 5,4 % en 2017 et 2018, tirée par la progression des grandes économies du Sud-Est asiatique. L’Asie émergente étant la région qui a le plus profité de l’expansion économique de la Chine, elle subit aujourd’hui son ralentissement. Toutefois, les perspectives diffèrent d’un pays à l’autre en fonction des relations commerciales et financières avec les économies à revenu élevé et avec la Chine, ainsi que de la dépendance aux exportations de matières premières. Les pays qui souffrent le plus du ralentissement chinois sont la Corée du Sud (qui exporte le quart de sa production en Chine), Hong Kong, Singapour et Taiwan. La croissance hongkongaise s’est pourtant montrée résiliente jusqu’ici avec un PIB en hausse de 2,5 % en 2015 soutenue par la demande interne (+5,3%). Mais le ralentissement serait net en 2016 (1,1 %) notamment du fait de la chute des importations chinoises qui se traduiront par une forte baisse des exportations. En outre, la politique monétaire de Hong-Kong est contrainte en raison de l’ancrage du dollar hongkongais au dollar américain, ce qui empêche un regain de compétitivité.
85Bien que les exportations de la Corée et de la Thaïlande soient fortement affectées par la baisse de la demande chinoise, leur croissance a résisté et devrait se maintenir entre 2016 et 2018. En juin 2016, la Corée du Sud a annoncé un plan de relance de 15 milliards d’euros pour faire face au ralentissement de la demande mondiale et aux éventuelles répercussions du Brexit. Cette recette adoptée par les autorités thaïlandaises en 2015 a porté ses fruits puisque la croissance a rebondi en 2015 à 2,8 % contre 0,8 % en 2014, malgré un recul de 5,7 % des exportations mais une consommation des ménages soutenue progressant de +2,1 %.
86En revanche, l’Indonésie, l’Inde et les Philippines seraient plus résilientes à l’atterrissage en douceur de la Chine. Exportatrice nette de pétrole et de produits dérivés, la Malaisie est plus sensible à la conjoncture actuelle.
87En Inde, la croissance a connu une progression en 2015 de +7,5 %. Cette dynamique pourrait se consolider en 2016-2017, avec des taux de croissance de 7,6 %, faisant de l’économie indienne la plus dynamique du monde. L’économie indienne a mieux résisté que les autres pays émergents au ralentissement économique mondial. L’Inde a profité en 2015 de la baisse des cours mondiaux du pétrole. L’inflation a été maîtrisée (autour de 5 %), de même que le déficit courant. La demande intérieure est restée robuste (7,0 % en 2015). Le gouvernement a diminué les subventions sur l’essence et a ramené le déficit budgétaire en dessous de 4 % du PIB. Les premières réformes entreprises par le gouvernement de Narendra Modi visent à promouvoir le secteur manufacturier indien, attirer les IDE et atténuer les contraintes qui pèsent sur l’économie. La revalorisation des salaires a contribué à maintenir une consommation forte (8,0 % en 2015), principal moteur de la croissance.
Amérique latine : virage à droite sur pente glissante
88Depuis la récession de 2008, les années 2015 et 2016 devraient être les pires années qu’ait connues la zone d’Amérique latine. La récession est moins violente qu’alors puisque le PIB régional a baissé de 0,3 % en 2015 et autour de 0,9 % en 2016, contre 2,1 % sur la seule année 2009. L’économie a atteint un point bas en 2016 et la croissance devrait repartir fin 2016-début 2017. Mais le processus de reprise sera aussi nettement moins rapide (à peine 4 % attendu en cumulé sur les deux prochaines années, contre 11 % entre 2009 et 2011) car largement lié à des conditions qui n’existent plus dans cette région exportatrice nette de matières premières (graphique 23). Aujourd’hui, l’environnement international reste déprimé : la demande étrangère en provenance des zones émergentes de l’Asie rapide et de la Chine, et d’Amérique latine, demeure très dégradée mais surtout le prix des matières premières, malgré un léger rebond au début 2016, reste orienté à la baisse en 2017, à des niveaux très bas au regard des années passées. Par ailleurs, plusieurs pays (Brésil, Argentine, Venezuela…) ont connu une grave crise politique qui a alimenté une forte instabilité financière. Aujourd’hui, le calme semble être revenu, notamment avec l’arrivée de nouveaux gouvernements en Argentine et au Brésil et l’engagement vers de nouvelles réformes. Les marchés ont réagi positivement à cette nouvelle situation, les spreads ont baissé et les taux de change ont cessé de se déprécier, voire se sont appréciés avec le retour des entrées de capitaux (Brésil). Cette amélioration du côté des marchés des changes devrait permettre de calmer les tensions inflationnistes et de redonner davantage de marges de manœuvre aux politiques monétaires pour soutenir la croissance.
Cours des matières premières
Cours des matières premières
89Le Brésil traverse une crise économique et politique profonde depuis deux ans. Le PIB a encore reculé de 0,4 % et 0,6 % sur chacun des deux premiers trimestres de 2016 et une baisse de 3,2 % est attendue pour cette année. Depuis fin 2014, l’activité a baissé de 6,9 %, la consommation des ménages de 8,7 % et l’investissement des entreprises de presque 20 %. Sur la période, la monnaie brésilienne a perdu presque 50% de sa valeur face au dollar et l’inflation, contenue jusqu’à fin 2014 à l’intérieur de la bande de fluctuations autorisée par la banque centrale (4,5 % +/-2 points), a atteint 10,5 % en début d’année. Le raffermissement de la monnaie sur les marchés des changes au cours des derniers mois a permis un reflux lent de l’inflation à moins de 9 % durant l’été 2016. La situation reste néanmoins tendue et le point bas aurait été atteint pendant le deuxième semestre. Les Jeux Olympiques de Rio devraient permettre un soutien à l’activité au cours de l’été et les perspectives pour 2017 sont moins mauvaises que jusqu’alors. Surtout la décision du Sénat prise le 31 août dernier met fin à une période d’instabilité politique commencée au début du second mandat de l’ex-présidente Dilma Rousseff avec les scandales de corruption liés à Pétrobras et la suspicion sur les comptes publics. Le nouveau chef d’État, Michel Temer, ex-président du PMDB, a la majorité au Congrès et peut désormais entreprendre les réformes affichées, afin notamment de réduire le déficit public. De fait, le déficit public est passé de 3 % fin 2013 à 6 % fin 2014 et 10,4 % fin 2015. En août 2016, il atteignait déjà 9,6 % du PIB. L’excédent primaire s’est transformé en un déficit qui atteint aujourd’hui 2,8 % du PIB. Un vaste programme de privatisations (infrastructures, énergie, traitement de l’eau, …) a été annoncé récemment pour un montant de 24 milliards de dollars (1,1 % du PIB sur 2017-2018). Pour l’heure, la situation budgétaire de certains États est dramatique. L’État de Rio a du mal à payer ses fonctionnaires et est en défaut de paiement sur le service de la dette auprès de la BID. Avec le retour de la confiance et l’appréciation du réal, l’inflation devrait continuer à baisser dans les prochains mois. Tant que les incertitudes ne seront pas toutes levées, la banque centrale restera vigilante et maintiendra des taux d’intérêt élevés. Jusqu’alors, les marchés ont bien réagi, la Bourse a repris et les spreads sur les taux souverains ont fortement baissé depuis le début de l’année.
90En Argentine, la croissance oscille depuis 2012 entre des phases de reprise et de récession. Après une hausse de 2,4 % en 2015, le PIB devrait baisser de près de 2 % en 2016 (-3,5 % sur un an au deuxième trimestre et l’indicateur d’activité du mois de juillet poursuit sa baisse). Les réformes engagées par le gouvernement libéral de Mauricio Macri en place depuis décembre dernier montrent une volonté de changement forte mais le coût pour l’économie et la population est lourd (le taux de pauvreté selon un rapport officiel récent atteint 32,2 %). La levée du contrôle des changes en décembre dernier s’est traduite par une dépréciation du peso de 30 % face au dollar (et une convergence vers le taux de change parallèle) qui combinée à la libéralisation des prix et au retrait des subventions des prix du gaz et de l’électricité, a poussé les prix à la hausse. Après être revenue autour de 14 % fin 2015, l’inflation a accéléré jusqu’à 40 % en juin. Grâce au gel temporaire des augmentations du prix du gaz, les prix sont restés stables cet été (41,8 % au mois d’août) mais la hausse pourrait reprendre prochainement. Néanmoins, le taux de change s’est stabilisé au premier semestre et malgré la dynamique inflationniste qui s’est mise en place, les autorités monétaires prévoient une baisse de l’inflation à l’horizon 2017. Le taux directeur qui avait atteint un pic en avrilmai à 30 % a été réduit à 22,5 % en septembre. Simultanément, des réformes ont été entreprises sur le marché du travail, (avec notamment une forte baisse des effectifs dans le secteur public). Toutes ces réformes semblent avoir été bien accueillies par les marchés financiers qui voient là l’opportunité de revenir en Argentine dans un cadre plus favorable aux intérêts des investisseurs étrangers. Les perspectives pour 2017 et 2018 devraient s’améliorer, en phase avec la reprise de la croissance brésilienne.
91Au Venezuela, une crise profonde s’est installée depuis plusieurs années. L’économie est en récession depuis 2013 et une baisse de 10 % du PIB est encore attendue en 2016. L’économie est entrée dans un processus d’hyperinflation. De 150 % fin 2015, l’inflation pourrait dépasser les 500 % en 2016. Le peso a été dévalué de 40 % en mars dernier. Les réserves de change sont à un niveau très faible depuis 2012. Les ressources extérieures dépendant à 95 % de la vente de pétrole, l’assèchement des devises provoque des pénuries de biens importés mais aussi une chute des recettes fiscales largement liées aux ventes d’hydrocarbures. Les caisses de l’État sont vides et les infrastructures du pays ne sont plus entretenues. Les liens avec les marchés des capitaux étrangers sont rompus. Lors des élections législatives de décembre 2015, le gouvernement populiste de Nicolas Maduro a perdu la majorité à l’Assemblée, et doit aujourd’hui faire face à la colère de la rue qui demande l’organisation d’un référendum contre lui.
92Dans les autres pays d’Amérique latine, la croissance continue de ralentir en 2016. Presque toutes les monnaies se sont dépréciées en 2015 face au dollar, ce qui a entraîné une poussée d’inflation et conduit les autorités monétaires à relever leur taux d’intérêt, comme en Colombie où le taux directeur est passé de 4,5 % à 8,5 % en 6 mois, ou au Mexique. Mais depuis le début de l’année, les pressions sur le change ont baissé et les monnaies se sont légèrement réappréciées. Un avantage de compétitivité demeure malgré tout dans la région, qui devrait permettre de légers gains de parts de marché.
6 – Politiques monétaires : prudence
93Depuis 2008, les banques centrales mènent des politiques monétaires fortement expansionnistes qui se sont traduites par une baisse des taux et par la mise en œuvre de mesures non conventionnelles. Malgré le retour de la croissance – d’abord aux États-Unis et au Royaume-Uni, un peu plus tardivement dans la zone euro –, le risque déflationniste est resté prégnant freinant le processus de normalisation de la politique monétaire ou incitant les banques centrales à renforcer leur soutien à l’activité par la mise en œuvre de nouvelles mesures exceptionnelles. En décembre 2012 et en août 2013, la Réserve fédérale et la Banque d’Angleterre avaient respectivement conditionné le relèvement des taux d’intérêt à la baisse du chômage sous un seuil fixé à 6,5 % et 7 %, à l’évolution de l’inflation et à l’ancrage des anticipations d’inflation à long terme. Le premier critère fut atteint dès le début de l’année 2014 mais la persistance d’une faible inflation, dans un contexte de baisse du prix du pétrole, a incité les banques centrales à retarder le resserrement monétaire. La première hausse de taux ne fut décidée qu’en décembre 2015 par la Réserve fédérale qui précisait toutefois que le rythme de hausse de taux serait bien plus lent que lors des précédentes phases de resserrement de la politique monétaire américaine. De fait, il n’y a pas eu de nouvelle hausse de taux aux États-Unis au cours du premier semestre 2016. La Réserve fédérale justifie ce gradualisme par l’incertitude sur la situation économique mondiale, la crainte qu’une remontée trop rapide des taux ne crée de l’instabilité financière, et une appréciation rapide du dollar et par un niveau d’inflation en août 2016 toujours inférieur à la cible de 2 %. Depuis le début de l’année 2016, la croissance américaine a ralenti, passant d’un glissement annuel du PIB de 3 % mi-2015 à 1,2 % au deuxième trimestre 2016. La croissance mondiale a également montré des signes de fragilité avec le fort ralentissement en Chine et dans l’ensemble des économies émergentes incitant la banque centrale américaine à se montrer prudente. Les anticipations sur la date de la deuxième hausse de taux se sont progressivement décalées et convergent aujourd’hui vers une hausse de 25 points de base en décembre 2016. Selon le communiqué de la banque centrale à l’issue de la réunion du 21 septembre, le FOMC (Federal open market committee) estime que les raisons pouvant justifier une hausse des taux se sont renforcées. Le taux de chômage est bas, les créations d’emplois sont restées dynamiques début 2016 et l’inflation a progressé depuis la fin de l’année 2015 passant de 0 % en septembre 2015 à 1,1 % en août. L’accélération des prix devrait se poursuivre et l’inflation retrouverait un niveau proche de la cible de 2 % dès le début de l’année 2017, convergeant ainsi vers le niveau de l’inflation sous-jacente qui atteignait 2,3 % en août 2016. Par la suite, le rythme de hausse de taux d’intérêt serait légèrement plus soutenu puisque nous anticipons 2 hausses de 25 points de base en 2017 et 4 – toujours de 25 points de base – en 2018, ce qui porterait le taux directeur à 2,25 % en fin d’année 2018 (graphique 24).
Taux directeurs des banques centrales
Taux directeurs des banques centrales
94Bien que toujours expansionniste, la politique monétaire américaine devrait donc diverger de celle des autres grandes banques centrales. Même s’il n’y a eu qu’une hausse de taux aux États-Unis, le signal envoyé par la Réserve fédérale sur l’orientation présente et future de la politique monétaire aux États-Unis contraste avec les décisions prises par la BCE lors de la réunion de mars 2016. En effet, non seulement la BCE décidait de baisser à nouveau ses taux mais annonçait également le renforcement du programme d’achats de titres. Le taux des opérations principales de refinancement est désormais à 0 % et le taux sur les facilités de dépôts s’enfonce un peu plus en territoire négatif à -0,4 %. Le montant mensuel d’achats de titres par la BCE atteint désormais 80 milliards d’euros par mois et est élargi aux titres émis par les entreprises. De même, la Banque du Japon a amplifié l’orientation expansionniste de sa politique monétaire, appliquant à son tour un taux négatif sur une fraction des réserves détenues par les banques et maintenant l’accroissement de son bilan par des achats de titres. Dans ces deux cas, les inquiétudes autour de l’évolution des prix dominent largement les préoccupations des banquiers centraux. Dans la zone euro, l’inflation reste proche de 0 % tandis qu’elle baisse à nouveau au Japon après une période où l’inflation avait dépassé la cible de 2 % entre avril 2014 et mars 2015 en lien avec la hausse de TVA appliquée par le gouvernement. De plus, dans la zone euro comme au Japon, l’inflation sous-jacente indique que les pressions déflationnistes restent importantes avec des indices qui progressent à un rythme inférieur à 1 % en glissement annuel. En outre, l’inquiétude des banques centrales est aussi liée aux anticipations d’inflation à long terme qui peinent, dans la zone euro, à se ré-ancrer autour de la cible de 2 % malgré les différentes mesures prises par la BCE. Si l’annonce de l’assouplissement quantitatif avait bien entraîné début 2015 une hausse des anticipations d’inflation à 5 ans dans 5 ans, celles-ci ont ensuite de nouveau baissé depuis.
95Dans ces conditions, la BCE et la Banque du Japon vont poursuivre leur politique d’assouplissement quantitatif (QE) et devrait maintenir leur taux à leur niveau plancher actuel. Ces deux banques centrales pourraient même être tentées de baisser encore un peu plus le taux sur les réserves excédentaires. Si la limite à la baisse n’est probablement pas encore atteinte [27], les marges de manœuvre restent cependant assez limitées. Quant aux achats de titres, l’opportunité d’accroître le montant des achats mensuels ou celle de l’extension de la durée du programme sont débattues [28]. De fait, les anticipations d’inflation pour 2018 annoncées en septembre 2016 sont toujours inférieures à 2 % (1,2 % en 2017 et 1,6 % en 2018 assez proches de nos prévisions [29]) selon les prévisionnistes de l’Eurosystème. Néanmoins, toute éventuelle modification du QE risque de se heurter à des contraintes de disponibilité des titres éligibles.
96En effet, la BCE est désormais un acteur essentiel du marché des dettes souveraines détenant une part significative de la dette publique des États membres de la zone euro [30] si bien qu’elle pourrait avoir des difficultés à acquérir de nouveaux titres en cas d’extension du programme. Il faut cependant noter que ces difficultés sont très liées aux contraintes que s’est donnée la BCE. En effet, ne sont pas éligibles les titres dont le rendement est inférieur au taux d’intérêt des facilités de dépôts (-0,4 %), ce qui exclut une fraction significative de la dette allemande dont 60 %, selon BNP Paribas, serait cotée à un rendement inférieur à ce seuil. Des marges d’extension du QE sont donc disponibles à condition de modifier les critères d’éligibilité des titres achetés par la BCE (Blot et al., 2016). Nous anticipons que la BCE privilégiera l’option selon laquelle les achats de titres se poursuivront au-delà de mars 2017. De fait, dès le lancement du programme, cette option était clairement avancée par Mario Draghi selon l’évolution des prix. La dynamique anticipée de l’inflation en 2018 plaide largement pour une telle décision, ce qui contribuera à accroître la taille du bilan de la BCE qui en approchant 30% du PIB de la zone euro (graphique 25) dépasse celui de la Réserve fédérale, stable autour de 25 % du PIB depuis la fin du QE III début 2014. Si le programme d’achats d’actifs est bien arrivé à terme aux États-Unis, il n’en demeure pas moins que la Réserve fédérale continue à intervenir sur les marchés renouvelant les actifs arrivés à échéance, ce qui lui permet de maintenir la taille de son bilan à un peu plus de 4 500 milliards de dollars.
Taille du bilan des banques centrales
Taille du bilan des banques centrales
97Enfin, alors que la dynamique des prix et de l’activité au premier semestre aurait pu plaider pour l’amorçage d’un resserrement monétaire au Royaume-Uni, le vote en juin en faveur du Brexit devrait profondément changer le contexte macroéconomique et la conduite de la politique économique. Les perspectives de croissance sont aujourd’hui revues à la baisse pour 2017 et 2018. Si les marchés boursiers n’ont pas subi une nouvelle vague de paniques, l’incertitude politique et économique s’est nettement accrue, ce qui a poussé la Banque d’Angleterre à baisser son taux directeur de 25 points de base dès le mois d’août – le taux est désormais de 0,25 % – et à effectuer de nouveaux achats d’actifs. L’objectif de la Banque d’Angleterre est d’accroître son programme d’achats d’obligations publiques de 60 milliards de livres – le portant à 435 milliards – et d’élargir, à l’instar de la BCE, la gamme de titres en achetant 10 milliards de titres privés. A terme, la taille du bilan de la Banque d’Angleterre croîtrait à nouveau et atteindrait 24 % du PIB une fois les nouveaux achats effectués. Autre conséquence du vote en faveur du Brexit : la livre s’est fortement dépréciée depuis juin 2016 reculant d’un peu moins (respectivement plus) de 15 % face à l’euro (respectivement dollar). Cette situation va fortement modifier le diagnostic conjoncturel et donc la conduite de la politique monétaire de la Banque d’Angleterre qui se retrouvera confrontée à un dilemme. D’une part, les perspectives de croissance pour 2017, et dans une moindre mesure 2018, sont révisées à la baisse. D’autre part, l’inflation devrait rapidement augmenter en lien avec la dépréciation de la livre. Elle pourrait même repasser au-dessus de la cible de 2 % dès 2017. La Banque d’Angleterre pourrait accepter une déviation à sa cible, tolérant plus d’inflation, si le ralentissement de l’activité est brutal. Dans ce cas, le taux d’intérêt ne remonterait pas et pourrait même baisser dès la fin de l’année 2016. C’est le scénario qui ressort des anticipations de marché telles que publiées dans le rapport d’inflation du mois d’août de la Banque d’Angleterre [31]. Néanmoins, dans le cas d’un choc sur l’activité modéré et d’une inflation plus forte, la banque centrale réviserait son jugement sur l’orientation de la politique monétaire privilégiant une normalisation plus rapide des taux afin de satisfaire son objectif de stabilité des prix.
7 – Politiques budgétaires : convergence vers un ajustement plus modéré
98Les différentes politiques budgétaires mises en œuvre depuis 2011 expliquent une part de la fragilité et de l’hétérogénéité de la reprise de la croissance depuis le début de la Grande Récession dans les grandes économies avancées [32]. En 2015, les politiques budgétaires des grandes économies avancées ont eu un rôle quasiment neutre et ont été moins hétérogènes. Ainsi, l’impulsion budgétaire a été de -0,2 point de PIB aux États-Unis, de -0,3 au Japon, de +0,1 dans la zone euro (tableau 11). Seul, le Royaume-Uni s’est distingué en 2015 avec une impulsion budgétaire fortement négative (-0,6 point).
Impulsion budgétaire et comptes publics
Impulsion budgétaire et comptes publics
99L’année 2016 est marquée par une nouvelle divergence des politiques budgétaires des grandes économies avancées. D’une part, les États-Unis – dans un contexte de campagne électorale – se distinguent par une forte impulsion budgétaire positive (+0,7 point de PIB) alors que d’autre part, le Royaume-Uni a poursuivi ses efforts budgétaires (-0,5 point) et que le Japon (-0,8 point) appuie sur le frein budgétaire. Enfin, la zone euro dans son ensemble devrait garder une politique budgétaire légèrement expansionniste (impulsion budgétaire de +0,2 point). Toutefois, de fortes hétérogénéités subsistent entre les pays membres. Ces différences s’expliquent en partie par la divergence de situation des pays membres par rapport aux règles de la gouvernance budgétaire européenne.
100Ainsi, avec un excédent budgétaire de 0,7 % de PIB en 2015, l’Allemagne dispose de marges de manœuvre pour mener une politique budgétaire expansionniste (+0,5 point de PIB) en 2016. Ces marges budgétaires lui permettent à la fois de réduire les prélèvements obligatoires (-0,2 point), via une hausse des abattements d’impôts sur les revenus liés à la politique familiale – et de relancer la dépense publique, en particulier pour faire face à l’afflux de migrants [33].
101En Italie, l’impulsion budgétaire de 2016 serait elle aussi positive (+0,3 point de PIB). Si l’Italie est sortie de la procédure de déficit excessif depuis 2013, elle reste sous surveillance du fait de sa dette (133 % de PIB en 2015) et soumise à une obligation de réduction du déficit structurel. La flexibilité du Pacte budgétaire en la matière est cependant plus large que dans le cas d’un déficit excessif, ce qui permet au gouvernement de mener une politique de relance. La Commission a donc autorisé le gouvernement italien à utiliser ces flexibilités et à appliquer les clauses d’investissement et de réformes structurelles, ce dont peut se prévaloir le gouvernement de Matteo Renzi grâce à sa réforme du marché du travail [34]. Dans ce contexte, le gouvernement a procédé à une forte baisse de la fiscalité (-0,7 point de PIB) partiellement compensée par des économies en dépenses pour un montant de 0,4 point de PIB.
102Si l’Espagne reste dans le volet correctif du Pacte, la crise politique qui se traduit par l’absence de formation d’un nouveau gouvernement empêche le vote de mesures correctives. Dans ce contexte, l’impulsion budgétaire resterait positive en Espagne en 2016 (+0,2 point). A contrario, la France se distingue en 2016 des autres grandes économies de la zone euro : la politique budgétaire y sera restrictive (-0,2 point de PIB), la France restant soumise à une procédure de déficit excessif avec un déficit qui s’élevait à 3,5 % du PIB en 2015.
103Si l’impulsion budgétaire est légèrement positive dans la zone euro en 2016, son impact sur le PIB reste légèrement récessif. Ce paradoxe s’explique à la fois par la localisation de l’impulsion, concentrée en Allemagne où les multiplicateurs sont faibles car l’écart de production est fermé, et par la composition de l’impulsion budgétaire en Italie, réalisée essentiellement par la baisse de la fiscalité, dont les effets positifs se matérialiseront à moyen terme.
104En 2017 et 2018 une nouvelle phase de convergence des politiques budgétaires est attendue pour les grandes économies avancées. Hormis le cas japonais, où la consolidation budgétaire restera forte (-1,2 point en 2017 et -0,5 point en 2018), la politique budgétaire sera légèrement restrictive aux États-Unis (-0,1 point en 2017 et -0,1 point en 2018), dans la zone euro (-0,1 point en 2017 et -0,2 point en 2018) et au Royaume-Uni (-0,2 point en 2017 et en 2018) où le vote en faveur du Brexit conduirait le gouvernement à réduire son objectif de réduction du déficit dans un contexte d’incertitude accrue et dans la perspective d’un ralentissement de la croissance.
105Pour les pays de la zone euro, l’hétérogénéité observée en 2016 persistera en 2017 et 2018. Ainsi, la politique budgétaire restera expansionniste en Allemagne même si l’impulsion serait un peu plus faible qu’en 2016 (+0,2 point en 2017 et en 2018). Nous intégrons dans nos prévisions les baisses d’impôts sur le revenu de l’ordre de 0,1 point de PIB en 2017 puis 2018, annoncées début octobre 2016. Il faut cependant noter que les échéances électorales de la fin de l’année en Allemagne pourraient modifier l’impulsion budgétaire pour 2018, la CDU ayant déjà annoncé des mesures d’allègement de la fiscalité en cas de victoire à l’automne 2017 (pour un montant de 0,3 à 0,5 point de PIB). En Italie, l’impulsion budgétaire serait quasiment nulle en 2017 et redeviendra négative en 2018 (-0,4 point) en lien avec la maîtrise prévue de la dépense publique. L’absence de consolidation budgétaire en Italie en 2017 pourrait être remise en cause lors de l’analyse du projet de Loi de finances par la Commission européenne. Celle-ci pourrait estimer que la déviation italienne vis-à-vis du Pacte ne se justifie plus au regard des exceptions concédées par le passé. Toutefois, l’Italie garderait, selon nos prévisions, une marge confortable vis-à-vis de la barre des 3 % en 2016, notamment grâce à l’amélioration du solde conjoncturel, ce qui pourrait donner un répit temporaire au gouvernement italien.
106Malgré la tenue des élections présidentielles et législatives, la France gardera une politique budgétaire restrictive en 2017 mais à un rythme plus modéré qu’au cours des quatre premières années du quinquennat Hollande (-0,1 point contre -0,5 en moyenne annuelle sur la période 2013-2016). En effet, en année électorale, la dépense publique en volume serait légèrement plus dynamique qu’au cours des trois dernières années. Pour rappel, depuis 2014, en volume, la dépense publique, hors crédit d’impôt, a augmenté à un rythme moyen annuel de 0,5 % alors qu’elle a progressé de +2,1 % en moyenne par an entre 2000 et 2013. En 2017, la hausse attendue est de +1,0 %, chiffre qui reste sensiblement inférieur à la moyenne historique, signe que le relâchement sur la dépense publique prévue resterait modéré. Pour 2018, le Programme de stabilité 2016-2019 table sur le redémarrage d’une politique d’ajustement structurel plus fort (-0,4 point de PIB) en lien avec le passage dans le volet préventif avec une dette publique supérieure de 60 % du PIB et un déficit sous les 3 % du PIB. Cet ajustement serait réalisé exclusivement par la dépense car le Programme de stabilité prévoit des baisses de prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB (passage du taux de CICE à 7 %, baisse progressive du taux d’IS à 28 % et crédit d’impôt sur les services à la personne). On peut toutefois anticiper que le nouveau gouvernement issu des prochaines élections s’écartera de cet ajustement soit par l’ampleur, soit dans sa composition, voire sur les deux dimensions.
107Enfin, l’ampleur de l’ajustement structurel espagnol reste soumise à des fortes incertitudes en l’absence de constitution d’un nouveau gouvernement. Pour l’instant, la politique budgétaire retenue en prévision est globalement neutre dans la mesure où la constitution stipule qu’aucune loi de finance ne peut être votée en l’absence de gouvernement. En effet, en 2015 l’Espagne a divergé significativement par rapport à ses objectifs fixés dans le cadre de la procédure de déficit excessif (en 2015 le solde nominal a été de 5,1 % de PIB alors que la cible était de 4,2 %) mais en absence de nouvelle majorité il a été impossible de corriger la trajectoire en 2016. Dans ce contexte, le Conseil a décidé de fixer une pénalité nulle mais exige la mise en œuvre de nouvelles mesures d’ajustement à hauteur de 0,5 point de PIB pour 2017 avant le 15 octobre. En l’absence de nouvelles mesures, la Commission pourrait geler le paiement de certains fonds structurels dont l’Espagne bénéficie. L’absence de perspective claire sur la formation d’un nouveau gouvernement rend incertaines la temporalité et la concrétisation de l’ajustement. Ainsi, à l’horizon de la prévision le risque, d’une consolidation budgétaire plus soutenue en Espagne est fort.
8 – Les pays avancés inégaux face au risque déflationniste
L’inflation reste faible
108En septembre 2016, l’inflation dans les principaux pays avancés restait toujours à un faible niveau au regard des moyennes historiques (graphique 26). Ainsi, en glissement annuel, elle s’établissait à 1,1 % aux États-Unis, à 0,6 % au Royaume-Uni, à 0,2 % dans la zone euro et à -0,4 % au Japon. On observe que le découplage qui prévaut en termes de rythme de croissance ou de taux de chômage se retrouve dans les niveaux d’inflation, avec d’un côté des pays anglo-saxons relativement dynamiques, et de l’autre la zone euro et le Japon qui peinent à redémarrer et dont les prix sont stables, voire en légère baisse.
Taux d’inflation
Taux d’inflation
109Les politiques monétaires extrêmement accommodantes mises en place par toutes les banques centrales n’ont donc pour le moment pas permis de faire remonter l’inflation au niveau de la cible de long terme de 2 %.
110Toutefois, il convient de rappeler que la faiblesse actuelle de l’inflation continue de s’expliquer en partie par la forte baisse des prix du pétrole intervenue au second semestre 2014, et dont les effets n’ont pas entièrement fini de se diffuser. Ainsi, l’inflation sous-jacente (graphique 27), qui exclut prix alimentaires et énergétiques, s’établissait en août 2016 entre 0,5 et 1 point au-dessus de l’inflation d’ensemble selon les zones. Mais cet effet tend à s’estomper, car la baisse du prix du pétrole est maintenant derrière nous : au cours des derniers mois, on observe ainsi une remontée progressive de l’inflation d’ensemble et une réduction de l’écart avec l’inflation sous-jacente. Du fait des effets de base, et sauf nouveau choc, cette tendance devrait se poursuivre dans les mois qui viennent.
Évolution de l’inflation sous-jacente (hors prix énergétiques et alimentaires)
Évolution de l’inflation sous-jacente (hors prix énergétiques et alimentaires)
Note : évolutions non corrigées des variations de taxation ; en particulier, l’inflation sous-jacente au Royaume-Uni est surévaluée en 2010-2011 sur le graphique du fait des hausses de taxes ; de même au Japon en 2014-2015.111Toutefois, la relative faiblesse des taux d’inflation sous-jacente montre que, même en tenant compte de cet effet pétrole, l’économie mondiale reste dans une situation de prix peu dynamiques. Seuls les États-Unis semblent revenus à la situation d’avant-crise, puisque leur inflation sous-jacente s’établissait à 2,3 % en août 2016 ; la récente hausse des taux directeurs de la Réserve fédérale ainsi que les perspectives de hausses futures témoignent de la normalisation en cours du point de vue des prix.
112En zone euro, en revanche, l’inflation sous-jacente ne parvient pas à dépasser le plafond de 1 %, sur lequel elle bute depuis environ 3 ans, et ce malgré le programme d’assouplissement quantitatif de la BCE et la baisse significative de l’euro. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs : les politiques de désinflation compétitive des États membres, l’absence d’utilisation des marges de manœuvre budgétaire par les pays en surplus et le taux de chômage qui reste élevé et continue à peser sur la dynamique des salaires nominaux et donc des prix.
113Au Royaume-Uni, l’inflation sous-jacente reste encore faible (à 1 % en août 2016), ce qui est surprenant compte tenu du taux de chômage particulièrement bas ; cette relative déconnexion entre chômage et inflation s’explique probablement par les changements structurels intervenus sur le marché du travail. Quoi qu’il en soit, la faiblesse de l’inflation ne devrait pas durer, du fait de la baisse de la livre sterling.
114C’est au Japon que la situation est la plus préoccupante : alors que la politique économique de relance menée par le Premier ministre Shinzo Abe ainsi que les hausses de TVA avaient permis d’interrompre la franche dynamique déflationniste à l’œuvre depuis la crise financière de 2007-2008, il semble que cet effet soit en passe de s’estomper. L’inflation sous-jacente est dorénavant orientée à la baisse et s’établissait à seulement 0,3 % en juillet 2016.
À l’horizon de la prévision, les prix devraient accélérer
115À l’horizon de la prévision, les tendances au redémarrage de l’inflation devraient se manifester dans l’ensemble des pays avancés : tous les pays bénéficieront de la stabilisation des prix du pétrole, tandis que d’autres facteurs plus spécifiques joueront à la hausse dans certaines zones géographiques.
116Ainsi, nous prévoyons que l’inflation en glissement annuel aux États-Unis atteigne les 2 % dès le premier trimestre 2017, et se stabilise à ce niveau à l’horizon de la prévision. La situation serait donc en voie de se normaliser rapidement, sans pour autant que se manifestent des pressions inflationnistes excessives : malgré le faible niveau de chômage, les salaires réels devraient augmenter à un rythme proche de celui de la productivité. Ce scénario est cohérent avec la remontée graduelle des taux directeurs de la Fed que nous anticipons.
117Au Royaume-Uni, la livre sterling a nettement baissé à la suite du vote en faveur du Brexit, et nous anticipons que cette baisse devrait se poursuivre jusqu’à la mi-2017. Cela devrait engendrer des pressions inflationnistes significatives, compte tenu des probables effets de second tour et du faible niveau de chômage. Nous prévoyons ainsi que l’inflation en glissement annuel va rapidement augmenter jusqu’à atteindre 3,5 % au troisième trimestre 2017, pour ensuite redescendre et se stabiliser autour de 2 % à l’horizon de la prévision.
118La situation est plus contrastée en zone euro. L’inflation devrait également s’y redresser pour atteindre 1,5 % en 2017 puis 1,7 % en 2018. La cible de la BCE ne devrait donc toutefois pas être atteinte à l’horizon de notre prévision, et ce malgré des taux directeurs qui resteraient nuls. Même si la situation s’améliore, des motifs d’inquiétude subsistent donc. En particulier, le fait que l’inflation soit restée aussi longtemps en dessous de sa cible de long terme pourrait conduire à un désancrage des anticipations de long terme des agents économiques, ce qui pourrait remettre en cause notre scénario central relativement optimiste.
119Le graphique 28 indique la contribution des prix du pétrole et des variations de change à notre scénario. Dans les pays de la zone euro, ces deux facteurs vont se conjuguer (nous prévoyons une légère baisse de l’euro par rapport au dollar) pour contribuer positivement à l’inflation, à hauteur d’environ 0,6 point de pourcentage en 2017. Cet effet de court terme va donc masquer les tendances sous-jacentes à la déflation qui persistent en zone euro (voir ci-dessous). Au Royaume-Uni, l’effet de la dépréciation de la livre sterling domine et est très important : il contribuera jusqu’à 1,9 point au deuxième trimestre 2017. À l’inverse, aux États-Unis, pétrole et change n’ont que peu d’impact sur l’inflation.
Impact des prix du pétrole et des taux de change sur l’inflation en prévision
Impact des prix du pétrole et des taux de change sur l’inflation en prévision
Des risques déflationnistes subsistent en zone euro
120Nos prévisions d’inflation sont formées à partir d’équations estimées de boucles prix-salaires pour les grands pays avancés (voir Blot et al, 2015 [35]). Or, la structure choisie pour la courbe de Phillips repose implicitement sur l’hypothèse que les inflations de long terme sont ancrées. Autrement dit, si les anticipations devaient décrocher, les prix pourraient être bien moins dynamiques que ce qu’indique notre scénario central.
121Dans quelle mesure les agents économiques continuent-ils à croire en la capacité des banques centrales à ramener le taux d’inflation à la cible de long terme ? Pour répondre à cette question, les enquêtes menées directement auprès des consommateurs peuvent être utiles, mais elles ont l’inconvénient de livrer des résultats difficilement exploitables quantitativement, car soumis à des aléas d’interprétation. Nous préférons fonder notre analyse sur des indicateurs de marché, en particulier l’inflation anticipée dans 5 ans pour les 5 années qui suivent (graphique 29). Autrement dit, en 2016, cet indicateur donne l’inflation moyenne anticipée par les acteurs de marché durant les années 2021 à 2026.
Anticipations d’inflation à 5 ans dans 5 ans
Anticipations d’inflation à 5 ans dans 5 ans
122Au Royaume-Uni, les anticipations à long terme s’établissent à un niveau relativement élevé, entre 3 et 3,5 %. Le risque déflationniste est donc clairement écarté, d’autant plus que les anticipations sont nettement remontées au cours de l’été 2016, dans la foulée du vote en faveur du Brexit. Notre prévision de redémarrage net de l’inflation se trouve ainsi confortée.
123Aux États-Unis, après la tendance à la baisse des anticipations observées en 2014 et 2015, l’année 2016 a jusqu’ici été marquée par une stabilisation aux alentours de 2 %, c’est-à-dire au niveau de la cible de la Réserve fédérale. Le risque déflationniste semble également écarté dans ce pays.
124La situation est en revanche plus préoccupante en zone euro. Les anticipations de long terme suivent une tendance à la baisse depuis la mi-2013 : après une relative stabilisation durant l’année 2015, le début de l’année 2016 a été marqué par un nouvel accès de faiblesse. Les anticipations de long terme sont aujourd’hui proches d’un plus bas historique, aux alentours de 1,3 %. Ce niveau est certes nettement au-dessus de zéro, mais l’écart à la cible de 2 % se creuse significativement, malgré la politique monétaire très expansionniste. En outre, plusieurs études économétriques récentes montrent que les anticipations de long terme sont de plus en plus sensibles à l’inflation effectivement observée, ce qui est un signe supplémentaire de perte graduelle de crédibilité de la banque centrale (Łyziak et Paloviita, 2016 [36] ; IMF, 2016 [37]). La BCE semble donc peiner à convaincre les marchés qu’elle est capable d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés. Le découplage est de plus en plus manifeste avec les États-Unis, qui sont eux en voie de normalisation monétaire.
La reconvergence nominale se poursuit en zone euro, mais à un rythme trop lent
125Le graphique 30 donne l’évolution passée et prévue de l’indice des prix à la consommation dans les quatre principaux pays de la zone euro. Il apparaît que sur les deux dernières années écoulées, l’Allemagne, la France et l’Italie ont connu des dynamiques de prix assez similaires, avec des évolutions faiblement positives ; en Espagne, l’inflation est en revanche franchement négative depuis deux ans, du fait d’un chômage particulièrement élevé et d’une plus grande transmission des prix pétroliers dans l’inflation d’ensemble (Blot et al., 2015 [38]).
Inflation d’ensemble (IPCH) en zone euro, réalisations et prévisions
Inflation d’ensemble (IPCH) en zone euro, réalisations et prévisions
Note : les pics d’inflation prévus en France et en Espagne au premier trimestre 2017 sont dus à des effets de base, à la suite d’une variation trimestrielle nettement négative au premier trimestre 2016.126En prévision, l’inflation devrait rapidement se redresser pour les raisons évoquées plus haut, et la divergence entre pays européens devrait légèrement s’accentuer. L’Allemagne aurait le taux d’inflation le plus élevé, dépassant même les 2 % au cours de l’année 2017 ; le quasi plein emploi et la mise en place du salaire minimum soutiendraient la dynamique des salaires. À l’opposé, l’Espagne dépasserait péniblement le rythme de 0,5 % à l’horizon de la prévision, la baisse du chômage n’étant pas assez rapide pour susciter une poussée inflationniste. La France et l’Italie se situeraient dans une zone intermédiaire, avec une inflation aux alentours de 1,5 %.
127Il faut ici rappeler que, même si une forte hétérogénéité des taux d’inflation n’est pas souhaitable pour une zone en union monétaire, un certain degré d’hétérogénéité est néanmoins nécessaire en zone euro. En effet, d’importants déséquilibres nominaux se sont constitués entre la création de l’euro et la crise financière, et ceux-ci ne se sont que très partiellement résorbés depuis lors. Autrement dit, à l’heure actuelle, l’euro est encore nettement sous-évalué pour l’Allemagne, tandis qu’il est sur-évalué pour l’Espagne, l’Italie et la France (voir iAGS, 2015) [39]. Cela signifie qu’une inflation plus forte en Allemagne que dans les pays du Sud est nécessaire afin de permettre un certain rééquilibrage des balances commerciales au sein de la zone.
128Le graphique 31 donne, pour les dix principaux pays de la zone euro, l’évolution récente des prix de valeur ajoutée, qui est l’indicateur pertinent pour mesurer la reconvergence nominale (car il reflète plus fidèlement la compétitivité du secteur productif).
Évolution des prix de valeur ajoutée en zone euro
Évolution des prix de valeur ajoutée en zone euro
129Dans l’ensemble, on observe une certaine tendance à la reconvergence, puisque les prix sont globalement plus dynamiques dans les pays du Nord (Allemagne, Autriche) que dans les pays du Sud (Espagne, Italie, France). Mais il y a des exceptions importantes : le Portugal et la Grèce, pourtant très déficitaires, ont eu une inflation supérieure à celle de l’Allemagne ; à l’inverse, les Pays-Bas, qui ont un surplus commercial très important, ont des prix de valeur ajoutée très peu dynamiques.
130En prévision, les évolutions de prix de valeur ajoutée que nous anticipons sont proches de celles de l’indice des prix à la consommation. Les évolutions devraient qualitativement se situer dans le sens de la reconvergence nominale, puisque c’est l’Allemagne qui a la plus forte inflation et l’Espagne qui a la plus faible. Cependant, du point de vue quantitatif, le différentiel entre les deux pays n’est que d’un point de pourcentage : à ce rythme-là, si l’ajustement ne se fait que par les prix relatifs, il faudrait une vingtaine d’années pour combler le déficit de compétitivité entre les deux pays, ce qui est certainement trop lent étant donnée les tensions internes à la zone que ces déséquilibres engendrent. Des politiques structurelles restent donc plus que jamais nécessaires pour mettre fin à la divergence européenne.
9 – Quelles évolutions du marché du travail ?
131Une bonne compréhension des évolutions récentes de l’emploi et du chômage nécessite de les mettre en regard des gains de productivité du travail tendanciels ainsi que de la croissance de la population active. Pour espérer une baisse du chômage, le taux de croissance de l’économie doit en effet être supérieur à la somme des gains tendanciels de productivité du travail et du taux de croissance de la population active.
Où en est-on des gains de productivité ?
132Si la tendance de fond est au ralentissement des gains de productivité depuis la décennie 1990, le taux de croissance moyen de la productivité horaire dans le secteur marchand a connu toutefois des évolutions contrastées selon les pays (tableau 12).
Taux de croissance annuel moyen de la productivité horaire des salariés (secteur marchand)
Taux de croissance annuel moyen de la productivité horaire des salariés (secteur marchand)
133Entre les années 1990 et la première moitié des années 2000, la productivité a accéléré au Royaume-Uni et aux États-Unis, tandis qu’elle ralentissait modestement en France, fortement en Allemagne et s’écroulait en Italie et en Espagne. Entre 2007 et 2015, les gains de productivité horaire continuent de ralentir globalement dans l’ensemble des pays excepté en Espagne où ils accélèrent. Le ralentissement est plus prononcé entre 2008 et 2011 sous l’effet de la Grande Récession et de comportements d’ajustement différents selon les pays : certains pays (France, Allemagne, Italie) privilégient les leviers d’ajustement internes (rétention de main-d’œuvre et baisse de la durée du travail) tandis que l’Espagne et les États-Unis ajustent plus rapidement l’emploi (Cochard et al., 2010).
134À partir de 2011, les gains de productivité accélèrent en France et en Allemagne, tandis qu’ils ralentissement en Espagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ils restent globalement stables et faibles en Italie (-0,1 %), au Royaume-Uni (0,0 %), en Allemagne (0,4 %) et aux États-Unis (0,6 %) entre 2011 et 2015. Par contre, les gains de productivité horaire ont mieux résisté au ralentissement et sont désormais plus élevés en France qu’en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, contrairement à ce qui était observé entre 1990 et 2007 (tableau 13).
Taux de croissance annuel moyen de la productivité par salarié (secteur marchand)
Taux de croissance annuel moyen de la productivité par salarié (secteur marchand)
Évolution de la population active
135L’évolution de la population active indique un ralentissement de sa croissance entre 2000 et 2015 dans les 6 pays et il est particulièrement marqué en Espagne (tableau 14). Les raisons structurelles de ce ralentissement sont à chercher du côté de la baisse du taux de fécondité dans les pays développés et de la fin de la montée de la participation des femmes au marché du travail. Plus conjoncturellement, on observe un effet de flexion de la population active au moment de la crise de 2008, la hausse du chômage décourageant une partie des chômeurs, qui sont devenus inactifs, surtout en Espagne et aux États-Unis.
Taux de croissance annuel moyen de la population active
Taux de croissance annuel moyen de la population active
Note : la population active est calculée comme la somme de l’emploi total (source comptabilité nationale) et du nombre de chômeurs au sens du BIT.136En contrepoint, les réformes des systèmes de retraite allongeant la durée des carrières et le report de l’âge minimum de départ en retraite ont contribué à soutenir le taux d’activité et à contrebalancer le ralentissement de la croissance de la population active. Pour la France, la croissance de la population active a d’ailleurs été plus dynamique que les projections de population active pour 2011-2015, de l’ordre de 0,2 à 0,3 point en moyenne chaque année.
137En Allemagne, la population active augmente de 0,3 % entre 2007 et 2015, avec une faible augmentation entre 2007 et 2011 (0,1 %) et une accélération plus franche entre 2011 et 2015 (+0,5 %). Sur l’ensemble de la période 2007-2015, la population en âge de travailler est quasiment stable en moyenne, alors que le taux d’activité augmente nettement. Mais si l’on décompose en sous-périodes, on constate que la population active est d’abord soutenue par la hausse du taux d’activité (concentrée sur la période 2007-2011) avant de bénéficier d’une augmentation de la population en âge de travailler (+0,5 % entre 2011 et 2015), sous l’effet de l’immigration, en provenance principalement de l’Europe de l’Est [40].
138Ces deux éléments structurels nous permettent d’établir une classification des pays en quatre catégories selon le dynamisme de la population active et de celle de la productivité des salariés (graphique 32), classification utile à la compréhension de l’évolution des marchés du travail pendant la crise.
Évolution comparée de la productivité et de la population active depuis la crise
Évolution comparée de la productivité et de la population active depuis la crise
Note de lecture : ce graphique montre l’évolution de la productivité par salarié du secteur marchand et de la population active entre le premier trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2016, relativement à la moyenne des pays de l’échantillon. En bleu, cet échantillon comprend l’Espagne ; en rouge, l’Espagne est exclue de l’analyse. La taille de la bulle est fonction du taux de chômage en fin de période.139La première catégorie est celle des pays connaissant une plus faible progression de la productivité du travail ainsi que de la population active (cadran en bas à gauche du graphique 32) : toutes choses égales par ailleurs, c’est dans ces pays que l’évolution du taux de chômage devrait être la plus favorable. Dans cette catégorie figure l’Italie et dans un degré moindre l’Allemagne.
140À l’opposé de la première, la deuxième catégorie regroupe les pays connaissant la plus forte progression de la productivité du travail et de la population active, et donc les pays connaissant les plus grandes difficultés à réduire leur taux de chômage pour ces raisons structurelles et notamment un moindre dynamisme des créations d’emploi. La France est dans cette catégorie-là.
141La troisième catégorie est celle des pays ayant connu une forte progression de la productivité du travail mais une faible progression de la population active (cadran en haut à gauche). Dans les pays figurant dans cette catégorie, la dégradation de l’emploi devrait être forte tandis que celle sur le front du chômage serait atténuée. On y retrouve l’Espagne et, à un degré moindre, les États-Unis.
142Enfin, la quatrième catégorie est celle de pays connaissant une faible progression de la productivité du travail – favorisant ainsi l’emploi – mais une forte augmentation de la population active (cadran en bas à droite). Le Royaume-Uni fait partie de cette catégorie.
Baisse tendancielle de la durée du travail en zone euro
143Le ralentissement des gains de productivité par salarié (tableau 13) s’est accompagné d’une baisse généralisée de la durée du travail depuis 1990 en France, Allemagne et Espagne (depuis 2000 en Italie), tandis que la durée a peu baissé sur la période aux États-Unis et au Royaume-Uni (tableau 15). S’il a pu prendre diverses formes (réduction de la durée légale, développement du temps partiel, hausse du chômage partiel pendant la crise), ce mouvement tendanciel de diminution de la durée du travail est commun aux grands pays de la zone euro.
Taux de croissance annuel moyen de la durée du travail des salariés – secteur marchand
Taux de croissance annuel moyen de la durée du travail des salariés – secteur marchand
144Au cours de la crise, le volume d’heures travaillées par employé a chuté dans presque tous les pays, dans des proportions diverses. Plus précisément, si l’ajustement du temps de travail a joué de manière assez traditionnelle et ponctuelle durant les premières années de la crise en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, la réduction du temps de travail a été en revanche tout à fait exceptionnelle en Italie et surtout en Allemagne, en grande partie en raison de l’extension des dispositifs de chômage partiel. Aux États-Unis, le temps de travail a, comme à l’accoutumée, servi d’amortisseur à la crise dans la première phase du retournement conjoncturel, de manière transitoire. Le nombre d’heures travaillées par salarié a chuté de 1,3 % entre le premier trimestre 2008 et le quatrième trimestre 2009. Le temps de travail par personne s’est ensuite accru pour retrouver fin 2010 son niveau d’avant-crise. L’ajustement du temps de travail aux États-Unis a donc été transitoire, en ligne avec le comportement habituel des entreprises américaines en période de retournement conjoncturel. En Italie et en Allemagne, en revanche, la chute du temps de travail ordinaire a été exceptionnelle, à la fois par son ampleur et par sa durée. Contrairement aux États-Unis, ces deux pays ont fait le choix d’une baisse durable du temps de travail afin de préserver l’emploi. Les deux pays ont étendu leurs dispositifs de chômage partiel et fait appel à des mécanismes plus habituels (compte épargne-temps, heures supplémentaires, négociations de réduction du temps de travail par conventions de branches négociées au sein des entreprises, permettant la sauvegarde de l’emploi en contrepartie de réduction du temps de travail et de baisses salariales). Ils présentaient fin 2009 un temps de travail par salarié nettement inférieur à son niveau antérieur à la crise (-4,1 % pour l’Italie et -5,6 % pour l’Allemagne).
145L’ajustement des volumes horaires au cours de cette période a été d’une ampleur moindre au Royaume-Uni et en France, lié à un développement du chômage partiel qui n’a pas atteint la même ampleur qu’en Allemagne ou en Italie.
146Enfin, en étant le seul pays à avoir connu une augmentation du temps de travail de ses salariés, l’Espagne fait figure d’exception en matière de temps de travail : la flexibilité du marché du travail a conduit à un ajustement direct de la conjoncture sur le volume d’emploi (graphique 33).
Emploi et durée du travail au cours des 2 premières années de la crise (2008-2009) – salariés secteur marchand
Emploi et durée du travail au cours des 2 premières années de la crise (2008-2009) – salariés secteur marchand
Note de lecture : la période d’analyse est du premier trimestre 2008 au quatrième trimestre 2009. La taille de la bulle est fonction du taux de chômage en fin de période.147Depuis, l’Espagne a réduit significativement le temps de travail de ses salariés. Au deuxième trimestre de 2016 – dernier point connu –, le volume horaire par salarié dans le secteur marchand a retrouvé son niveau d’avant-crise, à l’instar des États-Unis et du Royaume-Uni (graphique 34).
Emploi et durée du travail depuis 2008 – salariés secteur marchand
Emploi et durée du travail depuis 2008 – salariés secteur marchand
Note de lecture : La période d’analyse est du premier trimestre 2008 au deuxième trimestre 2016. La taille de la bulle est fonction du taux de chômage en fin de période.148Cela n’est en revanche pas le cas de la France et encore moins de l’Allemagne et de l’Italie. Ces trois pays en effet sont encore loin d’avoir retrouvé le volume horaire par salarié d’avant-crise : si le temps de travail augmente régulièrement depuis 6 ans en Allemagne, ces hausses cumulées ne compensent pas la forte baisse enregistrée au cours des deux premières années de la crise. Au total, la durée du travail outre-Rhin se situe aujourd’hui à un niveau 4 % inférieur à celui d’avant-crise. En France, et surtout en Italie, le temps de travail a continué de baisser pour s’établir respectivement à 2 % et 5,7 % en dessous de son niveau de 2008 (graphique 34).
La convergence très lente des taux de chômage
149Après une forte contraction de leur activité en 2008-2009, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont connu une croissance du PIB plus élevée qui, conjuguée à de faibles gains de productivité et une croissance de la population active modérée, a permis une forte progression de l’emploi et une baisse du chômage plus prononcée, leur permettant de retrouver aujourd’hui un taux proche du plein-emploi. Les destructions d’emplois ont par contre été marquées en Italie et tout particulièrement en Espagne (tableau 16). Cela s’explique, notamment en Italie, par la rechute de l’activité, ce qui ne leur a pas permis de retrouver aujourd’hui leur niveau de PIB d’avant-crise [41], et pour l’Espagne, par un accroissement des gains de productivité. La France se place dans une situation intermédiaire, avec des gains de productivité plus élevés et une croissance de la population active comparable à celles des États-Unis et du Royaume-Uni. En conséquence, la croissance de l’activité a été insuffisante pour absorber les gains de productivité et la hausse de la population active. Le taux de chômage a ainsi poursuivi sa lente montée entre 2011 et 2014, avant d’inverser la tendance mi-2015 (graphique 7).
Taux de croissance annuel moyen de l’emploi total
Taux de croissance annuel moyen de l’emploi total
150Compte tenu des prévisions de productivité, de croissance et d’évolution de la population active pour 2016-2018, la baisse récente des taux de chômage en France, en Italie et en Espagne se poursuivrait, via une croissance plus dynamique que les années passées, et via les politiques d’enrichissement de la croissance en emplois (CICE, Pacte de responsabilité en France, réformes Renzi en Italie, baisses de cotisations sociales en Espagne). Par contre le taux de chômage remonterait en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis sous le coup du ralentissement de la croissance dans ces pays.
10 – Coup de frein sur le commerce mondial
151La récession de 2008-2009 avait entraîné un fort ralentissement du commerce mondial avec une chute des importations de plus de 10 % en 2009, suivie l’année d’après d’une reprise toute aussi spectaculaire laissant augurer que les échanges mondiaux reprendraient ensuite leur dynamique d’expansion. L’intégration commerciale d’un nombre toujours plus grand de pays, la croissance des émergents, la baisse des coûts de transport et de transaction avaient en effet nourri une croissance des échanges internationaux depuis le début des années 1990 bien plus forte que celle de l’activité. Pourtant, depuis 2012, on assiste à un ralentissement net des échanges (graphique 35) suivi d’un coup de frein brutal en 2015. Le taux de croissance des importations mondiales s’est élevé à 2,1 %, soit le plus bas niveau enregistré depuis 1984 à l’exception des années 2009 et 2001. Sur le premier trimestre 2016, le mouvement s’est accentué avec une baisse de 2 % des importations mondiales. Dans les pays en voie de développement ou émergents, le recul significatif des importations ne peut sans doute pas s’expliquer uniquement par la récession de certains pays comme la Brésil ou la Russie. De même, la baisse des importations chinoises de 2,1 % sur l’ensemble de l’année 2015 semble forte relativement au ralentissement de la croissance chinoise [42]. À l’échelle mondiale, cette dynamique n’est pas liée à l’évolution de l’activité. Si la croissance mondiale du PIB a certes diminué, le ralentissement des importations est encore plus marqué. Dit autrement, l’élasticité apparente des importations à la croissance mondiale a baissé. Cette évolution pourrait donc refléter un changement structurel du commerce mondial.
Commerce mondial et croissance
Commerce mondial et croissance
152Les estimations récentes de l’élasticité du commerce international au PIB font état d’une baisse tendancielle illustrée également par le graphique 37 depuis 2011. Pour Constantinescu et al. (2015), la baisse serait même antérieure puisqu’ils estiment une élasticité de long terme passant de 2,2 entre 1986 et 2000 à 1,3 depuis 2001. Un consensus émerge aujourd’hui pour suggérer une élasticité proche voire inférieure à l’unité [43]. Plusieurs hypothèses sont aujourd’hui avancées pour expliquer ce ralentissement du commerce mondial.
153La croissance des importations ne dépendrait pas tant du niveau de la croissance mais plutôt de sa composition. L’investissement ou les exportations entraîneraient une plus grande consommation de biens importés que la consommation privée ou publique. Or, la reprise récente de l’économie mondiale ne s’est pas accompagnée d’une forte croissance de l’investissement, ce qui pourrait contribuer à expliquer pourquoi l’élasticité baisse (FMI, 2016). Dans les pays européens, le niveau de l’investissement est inférieur à son niveau d’avant-crise (graphique 36). Si l’Allemagne semble faire exception, c’est notamment parce que l’investissement dans le secteur de la construction a augmenté. L’investissement en machines et équipements est quant à lui bien inférieur à son niveau de 2007. La situation semble moins défavorable aux États-Unis et au Canada. Mais, en Chine, la baisse du taux de croissance de l’investissement en valeur est spectaculaire. Elle correspond au ralentissement du processus de rattrapage économique. En tenant compte de cet effet de composition de la croissance mondiale, une étude récente du FMI suggère que l’on parviendrait à capter près de 75 % du ralentissement des échanges.
Investissement dans les pays du G7
Investissement dans les pays du G7
154Le ralentissement des échanges pourrait être aussi lié à la fragmentation des chaînes de valeur. Le phénomène serait arrivé à maturité et ne contribuerait plus – ou moins qu’auparavant – au dynamisme des échanges. Ce processus alimenté par la baisse des coûts de transport et de communication a permis aux entreprises de fragmenter les différentes étapes de la production afin de les réaliser sur les sites les plus productifs. Il en a résulté une augmentation des flux de commerce à l’échelle internationale entre les différents sites de production et d’assemblage des biens. Ce ralentissement est aussi illustré par la baisse relative des importations chinoises de biens utilisés comme intrants pour des opérations d’assemblage.
155Par ailleurs, la croissance des revenus dans les pays émergents ou en développement, mais aussi le vieillissement démographique, pourraient également entraîner une modification de la structure de la consommation avec une demande plus forte pour des biens non échangeables et pour des biens de consommation. Enfin, l’augmentation du protectionnisme est un dernier facteur susceptible de ralentir les échanges.
11 – Les banques de la zone euro : une menace latente ?
156La crise financière de 2008, puis la crise des dettes souveraines ont fortement fragilisé le système bancaire européen. Aux pertes sur les actifs toxiques se sont ajoutés les effets de la récession et, dans certains pays, l’éclatement de la bulle immobilière (Irlande et Espagne, notamment). Plusieurs faillites bancaires ont nécessité des recapitalisations par les États membres et fragilisé davantage les finances publiques. La crise des dettes souveraines a continué à dégrader les bilans des banques européennes, le tout dans un espace bancaire européen fortement imbriqué. Les crises bancaires et de l’endettement public se sont ainsi auto-alimentées.
157Devant cette situation, l’Union européenne a cherché à casser le lien entre crise bancaire et crise des dettes souveraines, en passant d’une logique de « bail out » (renflouement des banques par l’État) à une logique de « bail-in » (renflouement des banques par ses créanciers), à améliorer et unifier la supervision des banques et à restaurer la confiance des acteurs vis-à-vis des banques. Ainsi est née l’Union bancaire, progressivement mise en place à partir de novembre 2014. L’Union bancaire repose sur trois piliers : le mécanisme de supervision unique (MSU), le mécanisme de résolution unique (MRU) en cas de faillite d’une banque et une garantie unique des dépôts.
158Alors que l’Union bancaire a beaucoup de difficulté à mettre en place le troisième pilier et que le secteur bancaire européen doit gérer la modification de son environnement juridique, les banques de certains pays de la zone euro montrent toujours des signes de fragilité, comme l’ont révélé les tests de résistance (stress tests) menés dans le cadre du MSU en juillet 2016 et comme en témoigne également la situation de la Deutsche Bank (encadré 2). Cette situation s’explique par des montants importants de créances douteuses – notamment pour l’Italie – qui n’ont pas encore été apurées par les banques, tandis que la politique monétaire de la BCE, avec un taux directeur à zéro, a un effet ambigu (voir l’étude spéciale sur la politique monétaire).
Encadré 2. La Deutsche Bank, une institution systémique à risque
Sur un total de 30 G-SIBs, 13 sont situées au sein de l’Union européenne et 8 dans la zone euro. Les huit banques suivantes sont surveillées dans le cadre de l’Union bancaire : BNP Paribas (France), Deutsche Bank (Allemagne), BPCE (France), Crédit Agricole (France), ING (Pays-Bas), Santander (Espagne), Société Générale (France) et Unicredit (Italie).
Acharya et al. (2016) estiment que l’insuffisance de fonds propres serait de 123 milliards d’euros si les banques testées devaient respecter les règles prudentielles américaines, là où l’EBA estime la sous-capitalisation seulement à 5,6 milliards d’euros. D’après leurs calculs, la Deutsche Bank afficherait le plus important déficit potentiel de fonds propres (19 milliards d’euros), devant deux banques françaises : la Société Générale (13 milliards) et BNP Paribas (10 milliards).
La situation financière de la Deutsche Bank a pesé lourdement sur les marchés financiers européens en septembre 2016. Cette banque systémique a certes réussi les tests de résistance de 2016 avec un ratio CET1 de 7,80 %, mais elle s’est, en parallèle, trouvée menacée de lourdes sanctions par la justice américaine pour avoir vendu, avant 2008, des crédits toxiques à des clients non solvables. Une amende initialement prévue de 14 milliards de dollars (12,45 milliards d’euros) sera probablement réduite à 5,4 milliards de dollars. La perspective de la faillite d’un géant bancaire européen s’estompe progressivement, mais la Deutsche Bank, à l’instar des autres banques européennes, ne pourra pas s’exonérer d’une adaptation de son modèle économique pour faire face à des taux nominaux nuls et pour s’adapter aux nouveaux défis posés par la dématérialisation des activités de réseaux.
Le verdict des tests de résistance 2016
159Les tests de résistance (stress tests), conduits en 2016 par l’Autorité bancaire européenne (EBA) et la Banque centrale européenne (BCE), ont été menés sur un échantillon de banques de l’Espace Economique Européen couvrant au total plus de 70 % du secteur bancaire, soit 51 banques européennes parmi lesquelles figuraient notamment cinq établissements italiens. Les banques grecques et portugaises n’ont pas été testées, car aucune d’entre elles n’avait une taille suffisante pour faire partie de l’essai.
160L’objectif de ces tests est de vérifier la capacité de résistance des institutions financières à des évolutions macroéconomiques défavorables. Il s’agit alors de voir dans quelle mesure les banques européennes continuent à respecter les exigences prudentielles en scénario de crise. L’exercice tient compte des risques propres à chaque institution, de son mode de gouvernance ainsi que de sa situation en termes de ratios prudentiels, tels qu’évalués dans le cadre du Processus de Surveillance et d’Évaluation Prudentielle (SREP). Les tests de résistance reposent sur un scénario défavorable [44] tablant, sur les trois prochaines années, notamment sur une baisse du PIB (-3,1 % en 2016, -6,3 % en 2017 et -7,1 % en 2018) par rapport au scénario de référence, une hausse des taux d’intérêt obligataire (en moyenne, +71 points de base en 2016, +80 pb en 2017 et +68 pb en 2018 dans l’UE, avec des disparités entre pays), une hausse du franc suisse et du chômage ainsi qu’à une forte chute des marchés boursiers (baisse de 25 %), des prix immobiliers (environ 22 %), des importations et des autres monnaies européennes par rapport à l’euro.
161La solvabilité des banques s’apprécie au regard d’un ratio de fonds propres durs dit CET1 [45] rapportés à l’actif pondéré du risque (graphique 37). A partir de 2019, la mesure harmonisée de ce ratio, qui est prévue dans le cadre de la régulation prudentielle, ne devra pas être inférieure à 7 % avec un seuil minimum de 4,5% de fonds propres durs et un coussin de sécurité de 2,5 %. Les graphiques 1a et 1b présentent la distribution des banques par tranche de ratio avant choc (valeur calculée au 31 décembre 2015) et après scénario stressé (valeur estimée au 31 décembre 2018). La banque italienne Monte dei Paschi di Siena échoue au test et affiche un ratio négatif de -2,4 %. La banque irlandaise Allied Irish Banks affiche une fragilité importante avec un ratio de 4,3 % qui est inférieur au seuil minimum de 4,5 %. Trois autres banques présentent également une certaine fragilité car leurs ratios ne respecteraient la réglementation prudentielle avec un ratio inférieur au seuil de 7 % : Raiffeisen-Landesbanken (6,12 %), Bank of Ireland (6,15 %) et Banco Popular Español (6,62 %). Si la Deutsche Bank a réussi les tests de résistance de l’EBA, elle est cependant soumise à un risque spécifique en raison de la menace d’une sanction financière aux États-Unis (voir encadré). Etant donné la taille systémique de cette banque, les marchés financiers témoignent d’une certaine fébrilité.
Ratio CET1 : nombre de banques par tranche
31 décembre 2015 : valeurs observées
31 décembre 2015 : valeurs observées
31 décembre 2018 (scénario adverse) : estimation
31 décembre 2018 (scénario adverse) : estimation
Ratio CET1 : nombre de banques par tranche
162La politique monétaire expansionniste de la BCE a un effet ambigu sur la santé des banques. D’un côté, les taux directeurs proches de zéro garantissent un accès peu coûteux à la liquidité à court et aussi à moyen terme, ce qui augmente la rentabilité bancaire. Ces taux bas redonnent également de la solvabilité aux emprunteurs. Par contre, avec un taux de dépôt auprès de la BCE négatif et une renégociation massive des prêts de la part des emprunteurs, le rendement moyen des encours s’érode, ce qui affaiblit la marge d’intérêt des banques.
L’évolution des créances douteuses
163La distribution des créances douteuses (Non Performing Loans) continue à être très disparate entre les pays européens (tableau 17). Ainsi, au premier trimestre 2016, la Grèce et Chypre, qui ont par ailleurs mis en place un contrôle des capitaux dans le passé, ont un ratio en hausse et proche de 40 %. En zone euro, l’Italie, l’Irlande et le Portugal ont un ratio autour de 15 %. Dans la zone euro, le ratio moyen de créances douteuses décroît de 6,4 % au premier trimestre 2015 à 5,7 % au premier trimestre 2016. En termes de secteurs, le ratio de créances douteuses est plus élevé pour les PME que pour les grandes entreprises et les ménages.
Total des créances douteuses (NPL) en zone euro
Total des créances douteuses (NPL) en zone euro
164Selon une note du FMI de septembre 2015 (Aiyar et al., 2015), les créances douteuses pèsent sur l’activité économique, en particulier dans les pays où l’intermédiation bancaire est importante, ce qui est le cas en zone euro. Ces prêts réduisent la rentabilité des banques et augmentent les coûts de financement, ce qui a un impact négatif sur l’offre de crédit et donc sur la croissance. La présence de prêts non performants dans les bilans bancaires pèse sur la capacité des banques à financer l’économie réelle à travers trois canaux (Mesnard et al., 2016) :
- une moindre rentabilité : les NPL nécessitent d’accumuler plus de provisions, ce qui diminue l’excédent net d’exploitation. En outre, des moyens humains plus importants doivent être mobilisés pour gérer ces prêts, ce qui réduit les profits ;
- des besoins plus importants en capital : un montant élevé de NPL mobilise les ressources des banques et réduit le montant des nouveaux crédits ;
- des coûts de financement plus élevés : les investisseurs et les autres banques sont moins enclins à prêter aux banques ayant une part importante de NPL, ce qui entraîne des coûts de financement plus élevés, voire des problèmes de liquidité.
Les banques italiennes particulièrement exposées
165Le tableau 18 montre, pour les cinq plus grandes banques italiennes, le résultat en termes de ratio de fonds propres durs (CET 1) dans l’hypothèse d’un scénario défavorable. Dans ce cas, seule la banque Monte dei Paschi présenterait un ratio de fonds propres durs négatif. Toutes les autres banques auraient un ratio CET1 positif.
Ratio Core Tier 1 en cas de scénario défavorable, banques italiennes*
Ratio Core Tier 1 en cas de scénario défavorable, banques italiennes*
* Fonds propres de base constitués principalement du capital social et des réserves.166Malgré ces résultats qui montrent une certaine résistance à des scénarios défavorables, les banques italiennes demeurent structurellement fragiles. Les créances douteuses ont été multipliées par deux depuis 2010, pour s’élever à environ 360 milliards d’euros en juillet 2016 (22 % du PIB italien). D’après la Banca d’Italia (2016), l’ensemble du secteur bancaire n’aurait provisionné que 45,4 % du montant des créances douteuses. Par ailleurs, le problème des créances douteuses touche aussi bien les grands groupes bancaires que les petites banques (tableau 19).
Prêts accordés par les banques italiennes (encours)
Prêts accordés par les banques italiennes (encours)
167L’explosion des NPL en Italie s’explique par la conjonction de facteurs à la fois économiques, fiscaux, réglementaires et juridiques :
- la récession économique qu’a subie l’économie italienne entre 2012 et 2014, a dégradé la capacité de remboursement des entreprises (notamment les PME) et, dans une moindre mesure, celle des ménages ;
- le régime fiscal applicable aux provisions pour pertes a, jusqu’en 2013, peu incité les banques italiennes à faire des provisions sur leurs NPL et donc à faire état de leurs véritables problèmes ; jusqu’en 2013, les provisions pour pertes étaient déductibles sur 18 ans (sur 5 ans de 2013 à 2015) tandis qu’aujourd’hui la déductibilité est immédiate ;
- jusqu’à ce qu’apparaisse le projet d’Union bancaire en Europe, les autorités italiennes avaient une définition propre de ce qu’était un prêt non-performant (notamment en matière de durée des impayés) et assez éloigné de ce qui se pratiquait ailleurs en Europe, ce qui là encore a contribué à fausser la mesure de l’état de santé du système bancaire italien. L’Union bancaire a donc eu le mérite d’homogénéiser la définition des NPL et de permettre des comparaisons entre les pays ;
- enfin, jusqu’à il y a peu, avant que n’interviennent des modifications juridiques, le régime d’insolvabilité en Italie était peu incitatif en matière de recouvrement des impayés, du fait de la longueur des procédures (en années) et de leurs coûts administratifs.
168Les facteurs fiscaux, réglementaires et juridiques, au-delà de masquer le véritable état de santé des banques italiennes, ont eu pour effet d’inciter au développement du marché de la titrisation en Italie. Selon les données de la BCE, l’Italie détient 20,3 % des produits titrisés en zone euro, ce qui constitue une bonne approximation des émissions de produits titrisés par le pays puisque les marchés sont assez peu internationalisés. L’Italie est ainsi, après les Pays Bas (dont la part est de 21,2 %) la seconde zone de détention des produits titrisés au sein de la zone euro et ce, pour un montant de 222 milliards d’euros (soit 14 % du PIB italien). Les banques italiennes ont utilisé le marché de la titrisation pour se délester d’une partie des créances douteuses afin de les sortir de leur bilan et solder définitivement les pertes. Cela ne veut pas dire pour autant que les produits titrisés ne sont constitués que de créances douteuses (c’est-à-dire de créances dont le sous-jacent a une faible probabilité de remboursement). Mais cela permet de contextualiser la demande de Mattéo Renzi auprès de la Commission européenne en février 2016 : il a en effet demandé à ce que l’État italien puisse apporter des garanties d’État aux nouveaux produits titrisés incorporant des NPL et que ces garanties contingentes soient considérées comme telles et non comme des aides d’État. La Commission a accédé à sa demande. Notons que seules les tranches « senior » de ces nouvelles titrisations seront garanties par l’État italien. L’État italien est autorisé à soutenir son secteur bancaire mais pas à « sauver » des banques en faillite car l’adoption du deuxième pilier de l’Union bancaire interdit désormais une telle issue.
169La banque Monte dei Paschi di Siena (MPS) présente un intérêt particulier en raison de son résultat aux stress tests. MPS est la troisième banque italienne en termes d’actifs (169 milliards d’euros contre 860 pour UniCredit et 676 pour Intesa Sanpaolo). Ses créances douteuses atteignaient 45,3 milliards d’euros à la fin juin 2016. Soucieuse de les réduire et en réponse à une demande de la BCE de fin juin 2016 de procéder à la cession de 9,2 milliards de créances douteuses d’ici à 2018, MPS a mis au point un plan d’assainissement de ces créances. Il a été approuvé le 29 juillet 2016 par son conseil d’administration et par la BCE. Les créances douteuses seront cédées à hauteur de 33 % de leur valeur nominale à une entité ad hoc qui les titrisera. Par la suite, MPS devrait procéder avant la fin 2016 à une augmentation de capital de 5 milliards d’euros destinée à couvrir les pertes enregistrées entre le prix de rachat des créances douteuses et leur prix nominal comptabilisé dans le bilan.
Principales hypothèses de taux de change, taux d’intérêt et prix des matières premières1,2
Principales hypothèses de taux de change, taux d’intérêt et prix des matières premières1,2
1. Moyenne sur la période.2. Variation par rapport à la période précédente, en %.
Équilibre sur le marché pétrolier et prix des matières premières industrielles1,2
Équilibre sur le marché pétrolier et prix des matières premières industrielles1,2
1. En %, variation par rapport à la période précédente.2. En dollars, moyenne sur la période.
États-Unis : résumé des prévisions*
États-Unis : résumé des prévisions*
* Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.Zone euro : résumé des prévisions*
Zone euro : résumé des prévisions*
* Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.Allemagne : résumé des prévisions*
Allemagne : résumé des prévisions*
* Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.France : résumé des prévisions*
France : résumé des prévisions*
* Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.Italie : résumé des prévisions1
Italie : résumé des prévisions1
1. Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.Espagne : résumé des prévisions1,2,3
Espagne : résumé des prévisions1,2,3
1. Les comptes trimestriels espagnols ne permettent pas d’isoler l’investissement public.2. Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.
3. Le solde budgétaire inclut les aides au secteur bancaire, qui ne sont pas comptabilisées pour le respect des objectifs de déficit. Hors mesures exceptionnelles, le déficit s’élève à 7,1 % en 2012 et 6,6 % en 2013. La prévision n’inclut aucune mesure exceptionnelle pour 2014 et 2015.
Royaume-Uni : résumé des prévisions1,2,3,4,5
Royaume-Uni : résumé des prévisions1,2,3,4,5
1. Y compris ISBLSM.2. Y compris acquisitions moins cessions d’objets de valeur.
3. Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.
4. Au sens du BIT.
5. Au sens de Maastricht, selon la comptabilisation de l’ONS.
Amérique latine : résumé des prévisions
Amérique latine : résumé des prévisions
Asie : résumé des prévisions de PIB
Asie : résumé des prévisions de PIB
Bibliographie
Références
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- OFCE, 2015, « Petite reprise après grande crise : perspectives 2016-2017 pour l’économie mondiale et la zone euro », Revue de l’OFCE, 147 : 15-115.
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Notes
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[*]
Sous la direction d’Éric Heyer et Xavier Timbeau, ce texte synthétise l’analyse de la conjoncture menée par le Département analyse et prévision de l’OFCE à l’automne 2016. Ces analyses s’appuient sur le travail de l’équipe internationale animée par Christophe Blot composée de Céline Antonin, Amel Falah, Sabine Le Bayon, Catherine Mathieu, Christine Rifflart et Sébastien Villemot et de l’équipe France animée par Mathieu Plane composée de Bruno Ducoudré, Pierre Madec, Hervé Péléraux et Raul Sampognaro. Cette prévision intègre les informations disponibles au 1er octobre 2016. Sandrine Levasseur et Vincent Touzé ont également participé à la rédaction de la partie sur le risque bancaire.
-
[1]
Voir Heyer (2015).
-
[2]
Voir Mathieu (2016a).
-
[3]
Soit l’accès aux marchés mais aussi la question du « passeport européen » pour les établissements financiers, l’application de la régulation financière et plus généralement l’ensemble des contrats qui régissent les relations entre acteurs européens.
-
[4]
Kierzenkowski et al. (2016).
-
[5]
Voir Bloom (2015).
-
[6]
Voir Baker et al. (2016) pour plus de détails sur la construction des différents indicateurs.
-
[7]
Voir partie Royaume-Uni : l’appel du large.
-
[8]
Voir par exemple Bloom (2009 et 2016).
-
[9]
Les non-résidents ayant investi au Royaume-Uni subissent néanmoins un choc de richesse négatif du fait de la dépréciation de la livre.
-
[10]
L’ampleur du gain dépend de la valeur des élasticités-prix des exportations et des importations. L’effet bénéfique de la compétitivité est alors d’autant plus limité que ces élasticités sont faibles.
-
[11]
Voir la partie « Politiques monétaires : prudence » pour plus de détails.
-
[12]
Voir dans ce numéro Blot et Hubert (2016) : « Causes et conséquences des taux négatifs ».
-
[13]
Mais également des États-Unis.
-
[14]
Entraînant des restrictions significatives sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes
-
[15]
Voir la partie « Politiques budgétaires : convergence vers un ajustement modéré ».
-
[16]
Voir FMI (2016).
-
[17]
Voir la partie « Quelles évolutions du marché du travail » pour plus de détails.
-
[18]
Voir Conseil d’orientation pour l’emploi (2015).
-
[19]
Voir la partie « Inflation : les pays industrialisés inégaux face au risque déflationniste ».
-
[20]
Voir la partie « Les banques de la zone euro : une menace latente ? ».
-
[21]
Voir Ueda (2012).
-
[22]
Notons que pour les investisseurs étrangers, les titres ne sont pas nécessairement revenus à leur niveau d’avant le 23 juin, du fait de la dépréciation de la livre.
-
[23]
Les pertes de pouvoir d’achat résultant de la hausse des prix seront cependant en partie atténuées par la revalorisation des prestations sociales et des crédits d’impôts, qui sont pour la plupart indexés sur les prix et représentent au total environ 17 % du revenu des ménages. Le gouvernement précédent avait prévu de geler une partie de ces prestations (à l’exception notable des retraites) à l’horizon 2020, mais ceci est susceptible d’être atténué lors de la présentation du budget en novembre 2016.
-
[24]
La revalorisation du salaire minimum d’avril dernier aurait un impact marginal sur les salaires, de l’ordre de 0,1 point en année pleine. Pour une analyse détaillée voir : Mathieu, 2016b : « Le salaire national de subsistance : un nouveau dispositif de revalorisation des bas salaires au Royaume-Uni », Blog de l’OFCE, avril 2016.
-
[25]
La baisse de la livre va contribuer à creuser le déficit public en renchérissant les coûts des consommations intermédiaires importées, ce à quoi s’ajoutera l’augmentation des prestations indexées sur l’inflation. Les dépenses publiques représentent près de 20 points de PIB, et l’ensemble des prestations sociales et des crédits d’impôt, dont la plupart sont indexés sur les prix, représentait 17 % du revenu des ménages en 2014, soit 11 points de PIB. Sous l’hypothèse d’une baisse cumulée de 15 % de la livre depuis juin dernier, et d’une accélération des prix à près de 4 %, ces deux effets pourraient creuser le déficit public de près d’un point de PIB en deux ans. Ils seraient pour moitié compensés par la baisse des charges d’intérêt.
-
[26]
Le pic de production d’un puits est atteint habituellement au cours du premier mois d’exploitation puis décline à un taux compris entre 60 et 90 % dès la première année. La production est généralement épuisée au bout de trois ans.
-
[27]
Voir Blot et Hubert (2016) dans ce numéro.
-
[28]
Certaines rumeurs évoquent au contraire une possible baisse des achats mensuels d’ici l’échéance du programme Tapering à l’instar de ce qu’avait fait la Réserve fédérale. Cette option ne nous semble cependant pas la plus probable étant donné la dynamique des prix et de chômage dans la zone euro.
-
[29]
Voir la partie sur l’inflation dans ce dossier.
-
[30]
Voir Blot et al. (2016) et également ici.
-
[31]
Voir « Inflation report », BoE, août 2016.
-
[32]
Pour plus de détails voir Heyer et Sampognaro, 2015, « L’impact des chocs économiques sur la croissance dans les pays développés depuis 2011 », Revue de l’OFCE, 138 : 143-168, avril.
-
[33]
Voir OFCE (2016, p. 53-54). OFCE, 2016, « Petite reprise après grande crise : perspectives 2016-2017 pour l’économie mondiale et la zone euro », Revue de l’OFCE, 147 : 15-115.
-
[34]
Voir Antonin C. (2016a) : « Le Jobs Act de Matteo Renzi : un optimisme très mesuré », Blog de l’OFCE du 9 mars 2016 et Antonin C. (2016b) : « Italie et marché du travail : une embellie à nuancer », Blog de l’OFCE du 8 septembre 2016.
-
[35]
Blot C., H. Péleraux, R. Sampognaro et S. Villemot, 2015, « Comprendre la dynamique salariale par temps de crise », Revue de l’OFCE, 144 : 219-256.
-
[36]
Voir Łyziak, T., Paloviita, M. (2016).
-
[37]
Voir FMI (2016a).
-
[38]
Op. cit.
-
[39]
iAGS (2015), Third report.
-
[40]
Pour plus de détails voir le chapitre sur le marché du travail et la démographie du Repères sur l’économie européenne 2017.
-
[41]
Le PIB au deuxième trimestre 2016 est 8,4 % en dessous de son niveau observé au premier trimestre 2008 en Italie et de 2,2 % en Espagne. En revanche il se situe à 4,1% au-dessus pour la France, 7,1 % pour l’Allemagne, 7,7 % pour le Royaume-Uni et 11,3 % pour les États-Unis.
-
[42]
Heyer (2015) montre toutefois que ce ralentissement est plus en ligne avec la production industrielle.
-
[43]
Voir Gaulier et al. (2016) ou FMI (2016).
-
[44]
Pour le détail du scénario défavorable, voir Adverse macro-financial scenario for the EBA 2016 EU-wide bank stress testing exercise, janvier 2016.
-
[45]
Les fonds propres au sens du CET1 sont constitués d’actions ordinaires, de bénéfices mis en réserves et d’une partie des intérêts minoritaires des filiales bancaires.