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Article de revue

Présentation générale

Perspectives économiques 2016-2018

Pages 5 à 12

English version

1Ce numéro de la Revue de l’OFCE consacré aux prévisions économiques pour les années 2016 et 2018 est composé de plusieurs articles qui peuvent être lus indépendamment.

2Le premier article, intitulé « Exit la croissance » présente le scénario de prévision pour l’économie mondiale et la zone euro. Comme le rappellent les économistes du département Analyse et prévision de l’OFCE, huit ans après le début de la Grande Récession, l’économie mondiale est toujours en rémission. Même s’il subsiste des pays pour lesquels la croissance est faible (Italie, Portugal) ou en recul (Grèce, Brésil, Russie), une reprise est enclenchée dans l’ensemble des zones géographiques. Mais, les stigmates de la crise ne sont pas encore effacés et le chômage décroît mais reste élevé en zone euro.

3De nombreux facteurs alimentent la fragilité de la croissance. Il y a un an, les inquiétudes émanaient de la croissance chinoise et plus généralement de la situation des économies émergentes, ce qui a entraîné une forte correction des places boursières, non seulement des pays émergents mais aussi des pays industrialisés. Si le modèle de croissance chinois est toujours en mutation, les craintes d’un atterrissage brutal de l’économie chinoise se sont dissipées, au moins temporairement. D’autres facteurs d’incertitude fragilisent aujourd’hui l’économie mondiale et en particulier l’Europe avec le vote en faveur du Brexit. L’économie britannique sera logiquement la plus touchée par ce choix qui s’est immédiatement traduit par une baisse de la livre. Ailleurs qu’au Royaume-Uni, l’impact à court terme sera modéré. Après le risque de Grexit, cette nouvelle crise vient une nouvelle fois alimenter les doutes sur la pérennité de la construction européenne et de la monnaie unique et pourrait déclencher de nouvelles tensions sur les marchés financiers. Au-delà de son impact direct, le Brexit induit une nouvelle source d’incertitude, notamment en Europe, à un moment charnière où les facteurs (prix du pétrole, baisse de l’euro) qui avaient largement soutenu l’activité en 2014-2016 s’estompent progressivement.

4La croissance reculerait nettement au Royaume-Uni sous l’effet du Brexit (tableau 1) et plus modérément dans le reste de l’Europe. L’impact du Brexit sur les partenaires du Royaume-Uni serait relativement faible. Les États-Unis ne seraient pas touchés par le choc mais la croissance du PIB passerait ainsi de 2,4 % en 2015 à 1,6 % en 2016, notamment du fait d’un premier semestre en demi-teinte.

Tableau 1

Perspectives de croissance mondiale1

Tableau 1
Taux de croissance annuels, en % PIB en volume 2015 2016 2017 2018 DEU 1,4 2,0 1,5 1,1 FRA 1,2 1,4 1,5 1,5 ITA 0,6 0,8 0,8 0,5 ESP 3,2 3,1 2,1 1,8 EUZ 1,9 1,6 1,5 1,3 GBR 2,2 2,0 1,0 1,4 NPM1 3,8 3,2 3,1 3,0 UE 28 1,9 1,9 1,6 1,5 USA 2,4 1,4 1,6 1,8 JPN 0,6 0,6 0,7 1,0 Pays développés 2,0 1,5 1,5 1,5 RUS -3,7 -0,8 1,1 1,1 CHN 6,9 6,3 6,1 6,1 BRA -3,9 -3,3 1,2 2,0 IND 7,6 7,5 7,6 7,6 PVS 3,7 3,7 4,2 4,4 Monde 2,9 2,7 3,0 3,1

Perspectives de croissance mondiale1

1. Pologne, Hongrie, République tchèque, Roumanie, Bulgarie et Croatie.
Sources : FMI, OCDE, sources nationales, calculs et prévision OFCE octobre 2016.

5Du côté de la zone euro, la croissance passerait de 2 % en 2015 à 1,6 % en 2016 puis 1,3 % en 2018. Ce ralentissement de la croissance montre qu’une dynamique interne vertueuse peine à prendre le relais des facteurs favorables qui avaient permis d’enclencher la reprise. Les sources d’incertitude sont multiples : la transition de l’économie chinoise, le Brexit et l’avenir de l’Union européenne, la situation des finances publiques en Espagne et l’absence de gouvernement, la crise migratoire sont autant de facteurs à la fois politiques et économiques qui favorisent l’attentisme, le repli sur soi et freinent la prise de risque. Il en résulte une situation où les ménages comme les entreprises privilégient l’épargne à l’investissement, ce qui réduit la croissance et confirme les craintes d’une économie mondiale qui serait enfermée dans une trappe à faible croissance et inflation basse, validant ex-post les analyses pointant la baisse de la productivité et de la croissance potentielle.

6Dans ces conditions, le processus de réduction des déséquilibres n’en sera que plus long. Le chômage se résorberait lentement et resterait bien au-dessus de son niveau d’avant-crise en fin d’année 2018 tandis que l’inflation peinerait à rejoindre la cible de 2 %. Du côté des pays émergents, le ralentissement de l’économie chinoise se confirmerait et se poursuivrait. Mais le Brésil et la Russie sortiraient de la récession en 2017 et la croissance serait stable dans l’Asie hors Chine, si bien que le ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés serait compensé par une accélération dans les pays émergents et en voie de développement. Le creux de la croissance mondiale serait atteint en 2016 avec une progression du PIB de 2,7 %. Elle retrouverait ensuite des niveaux proches de 3 % en 2017 et 2018.

Tableau 2

Principales hypothèses de taux de change, taux d’intérêt et prix des matières premières1,2

Tableau 2
2015 2016 2017 2015 2016 2017 2018 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Taux de change 1 1 €=…dollars 1,15 1,11 1,11 1,09 1,09 1,14 1,12 1,09 1,07 1,05 1,05 1,05 1,12 1,11 1,06 1,05 1 $=…yens 119,2 120,9 122,5 121,5 117,9 108,9 102,4 100 100 100 100 100 121 107 100 100 1 £=…euros 1,33 1,37 1,40 1,39 1,33 1,27 1,19 1,13 1,10 1,10 1,10 1,10 1,37 1,23 1,10 1,10 Taux d’intérêt directeurs des banques centrales1 USA 0,25 0,25 0,25 0,29 0,50 0,50 0,50 0,58 0,75 0,92 1,10 1,25 0,26 0,52 1,01 1,86 JPN 0,10 0,10 0,10 0,10 0,00 -0,10 -0,10 -0,10 -0,10 -0,10 -0,10 -0,10 0,10 -0,07 -0,10 -0,10 EUZ 0,05 0,05 0,05 0,05 0,04 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,05 0,01 0,00 0,00 GBR 0,50 0,50 0,50 0,50 0,50 0,50 0,34 0,18 0,15 0,15 0,15 0,15 0,50 0,38 0,15 0,15 Prix du pétrole Brent, en $1 54,1 61,9 50,3 43,7 34,1 45,6 45,9 50,0 51,0 52,0 53,0 54,0 52,5 43,9 52,5 55,0 Prix du pétrole Brent, en €1 46,9 56,0 45,3 40,0 31,2 40,1 41,0 45,9 47,7 49,5 50,5 51,4 47,0 39,6 49,8 52,4

Principales hypothèses de taux de change, taux d’intérêt et prix des matières premières1,2

1. Moyenne sur la période.
2. Variation par rapport à la période précédente, en %.
Sources : Taux de change et pétrole : relevé des cotations quotidiennes. Taux longs : T-Bond à 10 ans aux États-Unis, Benchmark à 10 ans au Japon, cours moyen des obligations d’État à 10 ans pour la zone euro, obligations d’État à 10 ans au Royaume-Uni. Matières premières industrielles : indice HWWA (Hambourg). Prévision OFCE octobre 2016.

7Le deuxième article détaille l’analyse conjoncturelle de l’économie française. Il s’intitule « France : croissance malmenée ». Après trois années de croissance faible (0,5 % en moyenne sur la période 2012-2014), un modeste rebond de l’activité s’est dessiné en France en 2015 (1,2 %), tiré par la baisse des prix du pétrole, la dépréciation de l’euro et une consolidation budgétaire moins forte que par le passé.

8Pour la première fois depuis 2011, l’économie française a renoué avec les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand (98 000 sur l’ensemble de l’année), favorisées par les dispositifs fiscaux réduisant le coût du travail. Cumulé à une hausse des effectifs dans le secteur non marchand (+49 000) et des créations d’emplois non-salariés (+56 000), le nombre de chômeurs au sens du BIT a diminué en 2015 (-63 000, soit -0,2 point de la population active). De son côté, dynamisé par le suramortissement fiscal sur les équipements industriels, l’investissement des entreprises a connu un redémarrage en 2015 (+3,9 % en glissement annuel). La moins bonne performance de la croissance française par rapport à celle de la zone euro depuis 2014 s’explique, outre le fait qu’elle ait aussi mieux résisté sur la période 2008-2013, par deux éléments majeurs : d’une part, par un ajustement budgétaire plus conséquent que ses voisins européens sur la période 2014-2016, et d’autre part, par la maigre contribution de ses exportations à la croissance alors même que les orientations fiscales de la politique de l’offre visaient à redresser la compétitivité des entreprises françaises. Or, il semblerait que les exportateurs français aient fait le choix, à partir de 2015, de redresser leurs marges plutôt que de réduire leurs prix à l’exportation, sans effet sur les volumes exportés. Si ce comportement se traduit par des pertes de parts de marché depuis plusieurs trimestres, il peut en revanche, à travers le rétablissement des situations financières des exportateurs hexagonaux, devenir un atout à plus long terme, notamment si ces marges étaient réinvesties dans la compétitivité hors-coût pour favoriser la montée en gamme des produits fabriqués en France.

9En 2016, malgré un premier trimestre dynamique (+0,7 %) tiré par la demande intérieure hors stocks exceptionnellement soutenue (+0,9 %), la croissance du PIB ne dépasserait pas 1,4 % en moyenne sur l’année. Le trou d’air du milieu d’année, marqué par les grèves autour du conflit sur la Loi travail, les inondations, les attentats ou la fin initialement annoncée du suramortissement fiscal, expliquent en partie la faiblesse de la reprise en 2016. Sous l’effet du redressement du taux de marge, d’un coût du capital historiquement bas et du prolongement du suramortissement fiscal, l’investissement continuerait cependant à croître en 2016 (+2,7 % en glissement annuel). Les créations d’emplois salariés marchands seraient relativement dynamiques (+149 000), soutenues par le CICE, le Pacte de responsabilité ou la prime à l’embauche. Au total, en tenant compte des non-salariés et des effectifs non marchands, 219 000 emplois seraient créés en 2016. Le taux de chômage baisserait de 0,5 point sur l’année, dont 0,1 serait lié à la mise en place du dispositif « 500 000 formations », et s’établirait à 9,4 % de la population active en fin d’année. Le déficit public, quant à lui, baisserait à 3,3 % du PIB en 2016, après 3,5 % en 2015 et 4 % en 2014.

Tableau 3

Résumé de la prévision France

Tableau 3
Variations par rapport à la période précédente, en % 2016 2017 2015 2016 2017 2018 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 PIB 0,7 -0,1 0,3 0,5 0,4 0,4 0,4 0,4 1,2 1,4 1,5 1,5 PIB / habitant 0,6 -0,2 0,2 0,4 0,3 0,3 0,2 0,3 0,8 0,9 1,0 1,0 Consommation des ménages 1,1 -0,1 0,2 0,5 0,3 0,3 0,3 0,3 1,5 1,5 1,3 1,3 Consommation publique 0,4 0,4 0,2 0,2 0,2 0,2 0,3 0,3 1,4 1,5 1,0 1,2 FBCF totale dont : 1,3 -0,2 0,4 0,6 0,7 0,4 0,4 0,4 0,9 2,7 1,9 1,4 Productive privée 2,1 -0,4 0,4 0,6 0,8 0,4 0,4 0,4 2,7 3,7 1,9 1,4 Logement 0,1 -0,3 0,3 0,6 0,6 0,7 0,5 0,4 -0,8 0,4 2,0 1,5 Publique 0,1 0,7 0,4 0,5 0,5 0,5 0,4 0,4 -3,9 2,5 1,9 1,2 Exportations de biens et services -0,4 0,2 0,5 0,5 0,6 0,6 0,6 0,6 6,0 0,8 2,2 2,5 Importations de biens et services 0,2 -1,8 0,5 0,4 0,5 0,5 0,5 0,5 6,4 1,8 1,3 2,0 Contributions : Demande intérieure hors stocks 0,9 0,0 0,2 0,5 0,4 0,3 0,3 0,3 1,4 1,8 1,4 1,3 Variations de stocks -0,1 -0,8 0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 -0,1 -0,1 0,1 Commerce extérieur -0,2 0,6 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 -0,3 -0,3 0,2 0,1 Prix à la consommation (IPCH), t/t-4 0,0 0,1 0,4 0,9 1,8 1,1 1,5 1,6 0,1 0,4 1,5 1,6 Taux de chômage 9,9 9,6 9,5 9,4 9,4 9,4 9,4 9,3 10,1 9,6 9,4 9,3 Taux d’épargne des ménages, en % du RDB 14,5 14,8 14,9 14,7 14,6 14,5 14,6 14,7 14,5 14,7 14,6 14,6 Taux de marge des SNF, en % de la VA 32,2 31,7 31,8 31,8 31,9 31,8 31,8 31,7 31,4 31,9 31,8 31,8 Solde public, en % du PIB -3,5 -3,3 -2,9 -2,4 Dette publique, en % du PIB 95,8 96,1 95,8 95,3

Résumé de la prévision France

Sources : INSEE, prévisions OFCE 2016-2018, octobre 2016.

10En 2017, avec un taux de croissance de 1,5 %, l’économie française continuerait à croître à un rythme légèrement supérieur à son potentiel (1,3 %), la politique budgétaire nationale ne pesant plus sur le PIB pour la première fois depuis sept ans. Par contre, la France doit faire face, par rapport à notre prévision de printemps, à deux nouveaux chocs, l’impact négatif du Brexit sur le commerce extérieur et celui des attentats sur la fréquentation touristique. Ces deux chocs amputeraient de 0,2 point de PIB la croissance en 2017 (après 0,1 en 2016). L’économie française créerait 180 000 emplois, dont 145 000 dans le secteur marchand, et le taux de chômage se réduirait de « seulement » 0,1 point, en raison du rebond de la population active avec le retour progressif sur le marché du travail des personnes ayant bénéficié du plan formation. Sous l’effet de la remontée du prix du pétrole et de la baisse de l’euro, l’inflation serait de 1,5 % en 2017 (après 0,4 % en 2016). Enfin, le déficit public atteindrait 2,9 % du PIB en 2017, repassant sous la barre des 3 % pour la première fois depuis dix ans. Après s’être stabilisée à 96,1 % du PIB en 2015 et en 2016, la dette publique baisserait très légèrement, pour revenir à 95,8 % en 2017.

11L’économie française, bien que malmenée par de nouveaux chocs et loin d’avoir effacé tous les stigmates de la crise, se redresse peu à peu, comme en témoigne l’amélioration graduelle de la situation financière des agents économiques : hausse du taux de marge des entreprises, rebond du pouvoir d’achat des ménages, baisse du déficit et stabilisation de la dette publique.

12Un article complète et enrichit l’analyse conjoncturelle « Causes et conséquences des taux d’intérêt négatifs ». Celui-ci résume les objectifs et les conséquences sur l’économie des taux négatifs fixés par les banques centrales sur les facilités de dépôts et les réserves excédentaires. Les auteurs, Christophe Blot et Paul Hubert, rappellent que depuis 2014, la BCE applique un taux négatif sur les réserves excédentaires (et facilités de dépôts) des banques commerciales. Cette politique vise à amplifier le caractère expansionniste de la politique monétaire. Elle est complémentaire du Quantitative Easing (QE), programme par lequel la BCE achète des titres sur les marchés. En effet, le QE fournit des liquidités aux banques et les incite à réallouer ces liquidités. Le taux négatif sur les réserves renforce l’incitation des banques à opérer des arbitrages sur leur portefeuille d’actifs et amplifie la baisse des taux de court terme. Alors que le coût brut de cette rémunération négative pour les banques est d’environ 3,5 milliards d’euros par an, il convient de rappeler que les réserves excédentaires représentent seulement 2,5 % des actifs des banques (800 milliards sur 31 000 milliards d’euros), que les banques font des gains en capital sur les titres qu’elles revendent à la BCE dans le cadre du QE, et que la BCE leur offre la possibilité de se financer elles-mêmes à des taux négatifs auprès de la BCE dans le cadre du programme TLTRO II.

13Enfin, ce numéro se termine par la retranscription du débat réalisé autour des perspectives économiques et qui permet de confronter les analyses de l’OFCE à celles de de Jesus Castillo de Natixis et de Denis Ferrand de COE-Rexecode.


Date de mise en ligne : 11/01/2017

https://doi.org/10.3917/reof.148.0005

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