Notes
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[1]
Cette prévision a été réalisée à l’aide du modèle trimestriel de l’économie française, e-mod.fr, par une équipe animée par Mathieu Plane, composée de Bruno Ducoudré, Pierre Madec, Hervé Péléraux et Raul Sampognaro. La prévision tient compte des informations disponibles à la fin mars 2016 et intègre les comptes nationaux trimestriels du quatrième trimestre 2015. Le modèle repose sur les données et les concepts de la comptabilité nationale base 2010 et est estimé sur la période 1978-2010. Les données en volume de la prévision sont aux prix de l’année précédente chaînés.
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[2]
La reprise de la croissance conduira à une hausse de l’investissement net (de la dépréciation du capital), ce qui aura pour conséquence de rehausser le stock de capital productif et le niveau de l’emploi marchand par rapport à leur tendance récente. Il en résultera, en phase de reprise, une accélération du potentiel de court terme en raison de l’accumulation de capital liée à la hausse de l’investissement et de la baisse du NAIRU de court terme engendrée par la réduction du taux de chômage.
-
[3]
Cabane P. Y., Montaut A. et Pionnier P.A., 2013, « Évaluer la productivité globale des facteurs : l’apport d’une mesure de la productivité du capital et du travail », in L’économie française, INSEE.
-
[4]
Lequien M. et Montaut A., 2014, « Croissance potentielle en France et en zone euro : un tour d’horizon des méthodes d’estimation », Document de travail Insee, G2014/09.
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[5]
Ducoudré B. et Plane M., 2015, « Les demandes de facteur de production en France », Revue de l’OFCE, 142, septembre.
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[6]
Pour plus de détails, voir la partie sur les finances publiques.
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[7]
Pour plus de détails, voir la partie sur les ménages.
-
[8]
Pour plus de détails, voir la partie sur les entreprises et Heyer et Hubert (2016) dans ce même numéro.
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[9]
Pour plus de détails, le lecteur pourra se référer à Heyer (2015 « L’ ampleur du ralentissement chinois et son impact sur les grands pays développés », Revue de l’OFCE, 144.
-
[10]
Ce rythme de croissance spontané est défini comme le taux de croissance du PIB potentiel plus la vitesse de fermeture spontanée de l’output gap hors chocs.
-
[11]
Pour plus de détails, voir la partie emploi.
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[12]
Pour plus de détails, voir la partie entreprises.
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[13]
Ducoudré B., Heyer É. et Plane M. (2015) « Que nous apprennent les données macro-sectorielles sur les premiers effets du CICE », Document de travail de l’OFCE, 2015-29, décembre.
-
[14]
Pour plus de détails, voir la partie emploi.
-
[15]
Pour plus de détails, voir l’étude spéciale « Trois questions autour de l’impact des variations du prix du pétrole sur la croissance française à court terme », Heyer É. et Hubert P. de ce numéro.
-
[16]
La croissance de long terme considérée ici n’est pas la croissance potentielle estimée par ses déterminants structurels au moyen une fonction de production, mais la moyenne du taux de croissance du PIB telle qu’elle ressort de l’estimation de l’indicateur.
-
[17]
Pour plus de détails, voir la partie entreprises.
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[18]
L’acquis de croissance d’une variable pour une année N correspond au taux de croissance de la variable entre l’année N-1 et l’année N que l’on obtiendrait si la variable demeurait jusqu’à la fin de l’année N au niveau du dernier trimestre connu.
-
[19]
Entendue comme la population active à laquelle est ajouté le halo.
-
[20]
Pour plus de détails, voir B. Ducoudré, Heyer É. et Plane M. (2015), « Que nous apprennent les données macro-sectorielles sur les premiers effets du CICE », Document de travail de l’OFCE, 2015-29, décembre.
-
[21]
Pour plus de détails, voir l’étude spéciale « Trois questions autour de l’impact des variations du prix du pétrole sur la croissance française à court terme », Heyer É. et P. Hubert, dans ce numéro.
-
[22]
Pour comparer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition différente, on utilise une mesure du revenu corrigé par unité de consommation à l’aide d’une échelle d’équivalence. L’échelle actuellement la plus utilisée (dite de l’OCDE) retient la pondération suivante :
- 1 UC pour le premier adulte du ménage ;
- 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ;
- 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.
-
[23]
Pour une présentation détaillée, voir Ducoudré et Plane, 2015, « Les demandes de facteurs de production en France », Revue de l’OFCE, 142 : 23-53.
-
[24]
La prime à l’embauche concerne toute embauche de plus de 6 mois ayant lieu en 2016 dans les entreprises de moins de 250 salariés. Durant les deux premières années du contrat, l’embauche donne droit à une prime trimestrielle de 500 euros, soit 4 000 euros au maximum.
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[25]
Nous avons retenu 1 million de contrats signés en 2016, avec un effet net sur les créations d’emplois de 5 000 par trimestre.
-
[26]
Pour rappel, l’État a reversé aux entreprises 18,9 milliards d’euros par an en moyenne pour le CICE sur la période 2016-2017, 4,5 milliards par an pour les allègements sur les bas salaires sur la période 2016-2017 et 3,4 puis 4,5 milliards d’euros sur la période 2016-2017 pour l’allègement uniforme entre 1,6 et 3,5 SMIC. Ces transferts sont financés aux deux tiers par des économies sur la dépense publique et pour un tiers par une hausse des prélèvements fiscaux.
-
[27]
Dont 30 % dans le secteur marchand.
-
[28]
Circulaire N° DGEFP/SDPAE-MIP/2015/377 du 22 décembre 2015.
-
[29]
La circulaire indique une poursuite du dispositif d’emplois d’avenir au deuxième semestre, « notamment pour les renouvellements ».
-
[30]
D’une durée maximale de 400 heures, ces formations préalables à l’embauche sont financées par Pôle emploi. Elles permettent au demandeur d’emploi d’acquérir des compétences nécessaires pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise à Pôle emploi. Cf. Enquête « sortants de formation prioritaire 2014, » Pôle Emploi, Éclairages et Synthèses, n° 17, septembre 2015.
-
[31]
La dépense publique sera systématiquement analysée hors crédits d’impôts restituables (incluant notamment le CICE) car en raison des normes de la comptabilité nationale, ces crédits d’impôts ne constituent pas une baisse des recettes des administrations publiques mais une hausse de la dépense publique à hauteur de la créance fiscale.
-
[32]
Le taux de PO est calculé net des crédits d’impôt effectivement consommées au cours de l’année. La différence entre la créance fiscale et la créance consommée, même si elle ne génère pas de flux de caisse, augmente le déficit des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale. Ainsi, le tableau 10 inclut une ligne pour tenir compte de cet écart et comprendre l’évolution du déficit au sens de la comptabilité nationale.
-
[33]
L’impact des conditions cycliques sur l’élasticité des prélèvements obligatoires a été analysé dans l’encadré 5 de Plane M., B. Ducoudré, P. Madec, H. Péléraux et R. Sampognaro, 2015, « France : la reprise, enfin ! Perspectives 2015-2016 pour l’économie française », Revue de l’OFCE, 138 : 81-139.
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[34]
Le plan d’urgence pour l’emploi inclue notamment une aide forfaitaire pour l’embauche d’un nouveau salarié à temps plein entre 1 et 1,3 SMIC et la création de 500 000 nouvelles formations pour les chômeurs.
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[35]
Cette mesure était censée générer 500 millions d’euros d’économies.
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[36]
Creel J., Heyer É. et Plane M., 2011, « Petit précis de politique budgétaire par tous les temps : les multiplicateurs budgétaires au cours du cycle », Revue de l’OFCE, 176 : 61-88, janvier.
-
[37]
Incluant notamment l’extension de la baisse des cotisations sociales employeurs (3,1 milliards), la poursuite de la baisse de la C3S (1 milliard) et l’élimination de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.
1 – Synthèse du scénario France
1Après plusieurs années de croissance très faible (0,4 % en moyenne sur la période 2012-2014), un rebond de l’activité semble enfin émerger en France. Avec 1,2 % en 2015 (1,4 % en glissement annuel à la fin de l’année), la croissance française est restée cependant modeste et inférieure à la moyenne de la croissance européenne. L’année 2015 a été de nouveau marquée par un certain nombre de points noirs, particulièrement concentrés dans le secteur de la construction et de l’investissement des administrations publiques (amputant le PIB de 0,3 point en 2015 après 0,5 point en 2014). Néanmoins, des signaux positifs sont apparus qui sont de bon augure pour les trimestres à venir.
2Premièrement, en 2015 l’économie française a renoué avec les créations d’emplois dans le secteur privé (122 000 sur l’ensemble de l’année). Bien qu’insuffisant pour faire baisser significativement le taux de chômage, en raison d’une population active dynamique, le nombre total d’emplois créés a été de 166 000 en 2015, soit la meilleure performance depuis le début de la crise. Deuxièmement, l’investissement des entreprises, tiré par les secteurs des biens d’équipements et de l’information-communication s’est fortement amélioré (+3,2 % en glissement annuel). A cela s’ajoute un certain nombre d’éléments favorables à la compétitivité de l’économie française : sous l’effet de la baisse des prix du pétrole et de la montée en charge du CICE et du Pacte de Responsabilité, le taux de marge des entreprises a fortement augmenté, particulièrement dans les branches industrielles et les secteurs exportateurs. De plus, les parts de marché à l’exportation se sont améliorées et la balance courante, déficitaire depuis une dizaine d’années, est quasiment revenue à l’équilibre. Troisièmement, le pouvoir d’achat des ménages s’est redressé (+2 % en glissement annuel). Son impact sur la consommation des ménages a été limité (+0,9 %), ce qui s’est traduit par une forte remontée du taux d’épargne en 2015 (près d’1 point), laissant présager des capacités de consommation futures pour 2016. Enfin, le déficit public, à 3,5 % du PIB en 2015, a été inférieur à la cible du gouvernement et aux attentes de la Commission européenne.
3Globalement, l’année 2015 a été marquée par un redressement de la situation financière des agents privés et une amélioration des comptes publics. Les ménages et les entreprises abordent ainsi l’année 2016 avec des marges de manœuvre qu’ils n’avaient pas jusqu’à présent. Dans un contexte où l’environnement macroéconomique extérieur devrait rester porteur (prix du pétrole bas, euro compétitif et taux d’intérêts historiquement faibles), et ce malgré le ralentissement des pays émergents, Chine en tête, l’économie française aborde l’année 2016 dans des conditions meilleures que par le passé. Avec une sortie progressive de la politique d’austérité, ces nouvelles capacités financières pourront soutenir la consommation, l’investissement et l’emploi. De plus, le redressement des résultats des enquêtes dans la construction laissent présager une amélioration du secteur pour l’année en cours. Ainsi, la croissance française devrait s’établir à 1,6 % en 2016 (+1,9 % en glissement annuel), avec un premier semestre 2015 dynamique (+ 1 % sur le semestre) (tableau 1) soutenu par un rebond marqué de la consommation après sa faiblesse temporaire au quatrième trimestre 2015, qui s’explique en partie par la douceur climatique et les effets des attentats. Cette accélération de début d’année est confirmée par l’indicateur avancé de l’OFCE (basé sur les enquêtes auprès des chefs d’entreprise) qui prévoit le passage de la croissance en zone de reprise, c’est-à-dire à un rythme de croissance supérieur à celui du potentiel de l’économie (1,3 %). À partir du troisième trimestre 2016, la croissance évoluerait sur un rythme de 0,4 % par trimestre. Au cours de l’année 2016, le nombre total d’emplois créés serait d’environ 230 000 et le taux de chômage reviendrait 9,5 % en fin d’année, soit une baisse de 0,5 point dont 0,15 sous l’effet de la mise en place du plan de 500 000 formations. L’investissement des entreprises – soutenu par la hausse des taux de marge, la faiblesse du coût du capital et l’amélioration des perspectives d’activité –, continuerait à se redresser mais à un rythme modéré (3 %) en raison de taux d’utilisation toujours inférieurs à leur moyenne historique. Le déficit public s’améliorait de 0,4 point de PIB en 2016 (pour atteindre 3,1 % du PIB), pour moitié grâce à l’effort budgétaire structurel et pour moitié à l’amélioration de la situation conjoncturelle.
Résumé de la prévision France
Résumé de la prévision France
4En 2017, avec un taux de 1,6 % de croissance, l’économie française continuerait à croître à un rythme légèrement supérieur à son potentiel. Elle créerait 165 000 emplois, ce qui, en raison du rebond de la population active avec le retour progressif sur le marché du travail des personnes ayant bénéficié du plan formation, permettrait tout juste de stabiliser le taux de chômage à 9,5 % en 2017. Enfin, le déficit public atteindrait 2,7 % du PIB en 2017, repassant sous la barre des 3 % pour la première fois depuis dix ans.
5Si l’on reste encore loin d’une croissance vigoureuse et des niveaux de taux de chômage d’avant-crise, la France semble cependant entamer sa lente convalescence, visible notamment dans le redressement du pouvoir d’achat des ménages, l’amélioration rapide de la compétitivité des entreprises françaises ou la réduction des déficits publics.
2 – 2015, année de transition…
Une croissance modeste
6Après trois années de croissance très faible, au taux moyen de +0,4 % par an depuis le dernier pic de 2011, l’économie française a renoué avec un rythme d’expansion un peu plus soutenu en 2015 : +1,2 % en moyenne annuelle et +1,4 % en glissement annuel. Mais ce regain d’activité est modeste si on le compare aux données historiques enregistrées depuis le début des années 1980 (graphique 1). Les années de croissance voisines ou inférieures à 1 % ont en effet été rares – 7 épisodes entre 1980 et 2011 –, et correspondaient à des situations de bas de cycle. Dans ce contexte, le rebond de 2015, qui a ramené la croissance au niveau de certains creux conjoncturels (1981,2003 par exemple), est loin de signer une véritable reprise, même s’il traduit une réanimation de l’économie après trois années consécutives d’atonie.
Taux de croissance annuel du PIB français
Taux de croissance annuel du PIB français
7Faible pour une reprise, la croissance française a également été sous-performante, pour la deuxième année consécutive, comparé à celle de la zone euro (graphique 2). Mais symétriquement, la France avait enregistré auparavant des évolutions moins défavorables que celles de la zone euro, entrée en récession au début de 2012 pendant six trimestres consécutifs, récession à laquelle l’économie française avait échappé. Après une année 2014 particulièrement défavorable, la France a cependant retrouvé en 2015 une trajectoire plus dynamique, pour faire presque jeu égal avec la zone euro à la fin de l’année.
Croissances comparées de la France et de la zone euro
Croissances comparées de la France et de la zone euro
8L’économie française éprouve donc les plus grandes difficultés à s’extraire du régime de quasi-stagnation apparu au cours de l’année 2011, à l’issue du rebond consécutif à la récession de 2008-2009. Même si les principaux freins à la croissance sont desserrés depuis 2015 et si des chocs positifs sont apparus, ces impulsions ont été insuffisantes pour permettre l’enclenchement d’une véritable phase de reprise, qui aurait porté la croissance en 2015 à des rythmes comparables à ceux déjà observés lors des phases antérieures de redémarrage de l’économie. Elles ont seulement permis une légère accélération de la croissance française qui a atteint en fin d’année un rythme à peine supérieur à celui du potentiel que nous évaluons à 1,3 % (tableau 2). Le PIB potentiel est calculé ici à partir de facteurs de production qui ne sont pas fixes, le stock de capital pouvant s’ajuster à la production effective [2]. En effet l’investissement et le stock de capital sont endogènes et une reprise nette des perspectives de demande devrait entraîner rapidement un accroissement de l’investissement, une extension des capacités de modernisation, au travers du mécanisme classique d’accélérateur permettant au potentiel de court terme de converger vers son niveau de long terme.
9Dans une étude de 2013 réalisée à partir d’une méthode d’évaluation de la productivité globale des facteurs basée sur une mesure de moyen-long terme, l’Insee estimait la croissance potentielle pour la France entre 1,2 % et 1,9 % pour la période 2015-2025 [3]. En revanche, en se référant à la notion de potentiel de court terme, l’Insee évalue le taux de croissance potentielle de la France entre 0,7 % et 1,3 % pour l’année 2014 [4]. À partir des travaux menés à l’OFCE sur les estimations des équations de demande de facteurs réalisées sur longue période [5], nous évaluons le taux de croissance potentielle de l’économie française à 1,3 % par an sur la période 2015-17 et à 1,4 % en moyenne pour la période 2010-2014.
Desserrement progressif des freins à la croissance
10Les facteurs négatifs qui sont à l’origine du retournement de 2011 et qui avaient étouffé la croissance jusqu’en 2013, ont perdu de leur virulence à partir de 2015. La consolidation budgétaire s’est atténuée en 2015 en comparaison des années de forte austérité dans la zone euro où la contribution négative des impulsions budgétaires à la croissance était comprise entre -1 et -1,5 point de PIB (tableau 2). Mais il n’en demeure pas moins que ces impulsions sont restées négatives en 2014 et en 2015, notamment au travers du recul de 10 % depuis la mi-2013 de l’investissement des administrations publiques, entraînant un freinage de la croissance de 0,4 point en deux ans (graphique 3) [6].
FBCF des administrations publiques et des ménages
FBCF des administrations publiques et des ménages
Les freins à la croissance en France
Les freins à la croissance en France
11La construction a aussi constitué un frein à la reprise en 2014 et en 2015. Avec un recul de 10 % de l’investissement en logements entre la mi-2013 et la fin 2015, la construction a amputé la croissance de 0,3 point en 2014 et de 0,2 point en 2015 (graphique 3) [7].
Des chocs extérieurs positifs aux effets partiels
12Comme l’ensemble de la zone euro, la France a bénéficié d’un environnement extérieur favorable, la baisse du prix du pétrole de 50 % dans la seconde moitié de 2014 et la dépréciation simultanée de l’euro vis-à-vis du dollar de 20 %. Par rapport à 2014 où il était nul, l’impact cumulé de ces deux effets est évalué à + 0,7 point de croissance en 2015 selon nos estimations (tableau 2).
13La baisse de l’euro est survenue alors que la croissance du volume de commerce mondial a ralenti en 2015, de +3,2 % en 2014 à +2 % en 2015. La demande adressée à la France s’est elle aussi infléchie (+2,8 % en 2015 contre +3 % l’année précédente), mais ce ralentissement, moindre que celui du commerce mondial, s’est accompagné de gains de parts de marché, de 3,6 points entre le troisième trimestre 2014 et le quatrième trimestre 2015, effaçant ainsi la perte de 3,3 points entre le deuxième trimestre 2013 et le troisième trimestre 2014 (graphique 4). De fait, la dépréciation de l’euro, ainsi que les politiques fiscales réduisant les prélèvements sur les entreprises, ont commencé à produire leurs effets sur la compétitivité-prix des exportateurs français. Par ailleurs, en raison de l’orientation du commerce extérieur français, le ralentissement des pays émergents a moins pénalisé la France que la plupart des pays développés, Allemagne en tête. Dans la foulée, les exportations ont progressé significativement de +6,1 % en 2015 après +2,4% en 2014 et +1,8% en 2013.
Parts de marché françaises à l’exportation
Parts de marché françaises à l’exportation
14Le contre-choc pétrolier ne semble toutefois pas avoir encore donné sa pleine mesure sur l’activité car le supplément de pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages (RDB) qu’il a généré n’a pas été affecté dans son intégralité à la consommation mais il a aussi augmenté l’épargne (graphique 5). Le taux d’épargne s’est ainsi accru de près de 1 point entre la fin 2014 et la fin 2015, contrepartie d’une hausse de 2 % du RDB réel et d’une hausse moindre de la consommation des ménages, 0,9 % en volume sur la même période. La consommation a naturellement bénéficié de l’effet « pétrole », notamment au premier trimestre 2015 avec un rebond de 0,6 %. Mais elle a ensuite enregistré des évolutions plus hésitantes, corrigeant partiellement le bon début d’année au deuxième trimestre avec une croissance nulle, puis elle a été impactée simultanément au quatrième trimestre par la douceur climatique à l’automne, qui a réduit la consommation d’énergie, et les attentats terroristes du 13 novembre.
Épargne des ENF et des ménages
Épargne des ENF et des ménages
15Le même constat vaut pour les sociétés non financières, avec une élévation de leur taux de marge de 2,2 points de valeur ajoutée entre la mi-2014 et la fin de l’année 2015, accompagnée d’une hausse du taux d’autofinancement (graphique 5). Si ce net redressement de la situation opérationnelle des entreprises est de bon augure pour les trimestres à venir, il n’en reste pas moins que sur le passé récent, les entreprises ont préféré redresser leurs marges plutôt que d’accroître la masse salariale ou baisser les prix, ce qui limite les effets à court terme de la baisse des prix du pétrole sur l’activité [8].
16En outre, la France est, parmi les grands pays européens, la seule à avoir connu depuis la mi-2014 une telle hausse du taux d’épargne des ménages et du taux de marge des entreprises (graphiques 6 et 7).
Variation du taux d’épargne 2014t2-2015t3
Variation du taux d’épargne 2014t2-2015t3
Variation du taux de marge des entreprises non financières 2014t2-2015t3
Variation du taux de marge des entreprises non financières 2014t2-2015t3
17Ce fort redressement de la situation financière des agents privés depuis la mi-2014 en France, phénomène singulier en Europe, peut expliquer la sous-performance de la croissance française depuis deux ans. Ce comportement, qui ne semble pas trouver son origine dans une contrainte résultant de l’insoutenabilité de la dette privée – le niveau d’endettement des agents privés en France n’étant pas particulièrement élevé au regard des autres pays européens (graphiques 8 et 9) –, permet de prévoir une réserve de croissance importante pour les trimestres à venir en France (voir partie sur le revenu des ménages), qui pourrait à nouveau présenter une croissance supérieure à celle de la zone euro, cette dernière n’ayant pas bénéficié du même redressement des taux d’épargne et taux de marge à court terme.
Passif des ménages
Passif des ménages
Passif des sociétés non financières nets des actifs financiers
Passif des sociétés non financières nets des actifs financiers
18Si le contre-choc pétrolier n’a pas encore développé tous ses effets positifs sur l’économie, la contribution négative du commerce extérieur à la croissance en 2015 (-0,3 point de PIB) masque le redressement des parts de marché à l’exportation de la France. En effet, cette contribution négative des exportations nettes pourrait n’être qu’un trompe-l’œil, une partie de la vague d’importations de 2015 (+6,7 %) ayant été stockée, ce qui donnera lieu à des réexportations après transformation des produits sur le sol national au titre des grands contrats aéronautiques et navals. Par contre, le ralentissement chinois en cours pèse sur l’économie mondiale et affecte la France, tout comme ses partenaires européens. La France n’est pas le pays le plus vulnérable à l’activité en Chine, comme peut l’être l’Allemagne ou le Japon, mais son degré de dépendance aux importations chinoises a quand même entraîné un freinage de l’activité de 0,3 point en 2015 [9].
19Enfin, si la France a connu une contraction marquée de l’investissement des ménages ainsi que des administrations publiques, l’investissement des entreprises a suivi une toute autre trajectoire en 2015. Entre la fin 2014 et la fin 2015, la FBCF a crû de 3,2 %, (contre +0,5 % en 2014) sous l’effet notamment d’une hausse des dépenses en biens d’équipement (+4,4 %) et en information-communication (+4,7 %), l’investissement en construction n’augmentant quant à lui que de 1,3 %. Si ces chiffres sont encore éloignés de ceux enregistrés au cours des vagues d’investissement précédentes (plus de 8 % en 1998 et 6 % en 2006), il n’en reste pas moins qu’au regard de la faible croissance, les entreprises ont relancé leur projets d’investissement, en particulier dans les biens manufacturés, mouvement qui a pu être facilité par la mise en place du dispositif fiscal de suramortissement sur les investissements industriels et de l’amélioration des marges. Conséquence de cette hausse du taux d’investissement en 2015, le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie n’a pas augmenté, ce qui sera un frein à une forte accélération de l’investissement pour les trimestres à venir.
Choc d’offre ou choc de demande ?
20L’identification des chocs ayant affecté l’évolution du PIB français et la mesure de leur impact permettent de reconstituer la trajectoire que l’économie aurait pu suivre si ces chocs n’avaient pas eu lieu. Ainsi, la croissance spontanée hors chocs aurait pu atteindre 2,5 % par an en moyenne de 2011 à 2013, ce qui correspond, compte tenu d’une croissance potentielle de long terme estimée à 1,3 %, à un supplément de croissance de 1,2 % par an par rapport à la trajectoire de référence. Il en aurait résulté une convergence du PIB vers le PIB potentiel et ainsi un comblement de l’écart de production favorisant la réduction des déséquilibres sur le marché du travail, la normalisation de l’utilisation de l’appareil productif et le redressement conjoncturel des comptes publics. Les chocs négatifs imprimés à l’économie ont au contraire eu l’effet inverse et l’écart de production s’est davantage creusé.
21Depuis deux ans, la croissance observée, majorée de l’effet estimé des chocs, révèle un fléchissement du rythme de croissance spontanée [10], 1,7 % en 2014 et en 2015, contre 2,5 % en moyenne depuis 2011. Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour expliquer ce fait. Soit l’effet des chocs connus est sous-estimé, ou d’autres chocs non identifiés ont perturbé la trajectoire de l’économie, ce qui expliquerait l’apparente décélération, déduite par solde comptable, de la vitesse de convergence du PIB vers son potentiel. Soit la vitesse de convergence spontanée de l’économie vers son potentiel s’est ralentie. Soit enfin le ralentissement de la croissance potentielle est plus fort que celui retenu. Or sur ce dernier point, nos évaluations du potentiel sur longue période à partir de la tendance des gains de productivité du travail issue de l’équation d’emploi, à laquelle s’ajoute la croissance de la population active tendancielle, n’indique pas de rupture depuis 2014 [11].
22Ainsi, avec un taux de croissance potentiel de 1,3 % en 2014 et en 2015, les évolutions macroéconomiques connues ne peuvent être réconciliées comptablement qu’en supposant une baisse de la vitesse spontanée de convergence du PIB vers son potentiel. Les raisons d’un tel phénomène ne sont pas claires mais peuvent être liées au creusement de l’écart de production qui a altéré le tissu productif. Le niveau élevé des défaillances d’entreprises, le faible investissement depuis plusieurs années et l’hystérèse sur le marché du travail, en conséquence du maintien du chômage à un niveau élevé, ont pu faire dévier le potentiel de l’économie de sa trajectoire de long terme pour engendrer momentanément une nouvelle trajectoire de court terme répercutant la dégradation de la capacité de production de l’économie française.
23Mais les situations de bas de cycle étant par définition temporaires, un redressement de ces facteurs de production se produira avec l’enclenchement d’un processus cyclique de sortie de crise. Les facteurs de production ne sont pas fixes à long terme et la reprise de la croissance conduira à une hausse de l’investissement net de la dépréciation du capital, ce qui rehaussera le stock de capital productif et le niveau de l’emploi marchand par rapport à leur tendance récente. Il en résultera, en phase de reprise, une accélération de la croissance, appelée à rejoindre le potentiel de long terme en raison de l’accumulation de capital liée à la reprise de l’investissement et de la baisse du taux de chômage structurel de court terme engendrée par la réduction du taux de chômage.
24Cette dynamique de reprise fera ainsi converger progressivement le PIB vers un sentier de croissance équilibré de long terme. En effet l’investissement et le stock de capital sont endogènes et une reprise des perspectives de demande, associée au redressement des marges et au bas niveau du coût du capital, devraient permettre de consolider en 2016 la reprise de l’investissement des entreprises stimulé par le mécanisme classique d’accélérateur, avec pour effet induit l’extension des capacités de production et la modernisation des équipements.
3 – …avant la reprise
Les entreprises au cœur de la dynamique conjoncturelle à venir
25L’investissement est ainsi la clé de la reprise, et la restauration rapide de la situation opérationnelle des entreprises a ouvert la voie à un redémarrage de leurs dépenses qui a commencé en 2015. Il pourra s’appuyer sur la hausse de l’épargne des sociétés liée au redressement des marges, dopées principalement par la baisse du prix du pétrole mais aussi par la réorientation de la politique économique en faveur de l’offre via le CICE et le Pacte de responsabilité.
26La baisse du prix du pétrole a en effet réduit la baisse du coût des approvisionnements en énergie. Face à cette baisse des coûts, les entreprises avaient la possibilité soit de redresser leurs marges, en ne la répercutant pas intégralement - voire pas du tout - dans les prix de production, soit de réduire leurs prix de vente à proportion des économies réalisées sur les coûts d’approvisionnement en énergie, réinjectant alors le gain final vers les ménages sous forme d’une hausse du pouvoir d’achat. Au vu de l’évolution du ratio entre le prix de la valeur ajoutée agrégée et les déflateurs de la consommation des ménages et des exportations, les entreprises ont peu répercuté la baisse du prix du pétrole dans leurs prix de vente, tant sur le marché national que sur les marchés extérieurs (graphique 10).
Comportement de marge des entreprises
Comportement de marge des entreprises
27Les entreprises ont donc utilisé en grande partie la manne pétrolière ainsi que les restitutions fiscales pour redresser leurs marges, privilégiant les effets d’offre à long terme au détriment des effets de demande à court terme [12]. Les ménages ont naturellement directement profité de l’allègement de leur facture énergétique, par le biais de la baisse des prix à la pompe et du fioul domestique, mais la diffusion à l’ensemble de l’économie de ces chocs désinflationnistes n’est pas totalement aboutie. Elle préjuge de la capacité que se sont créées les entreprises de pouvoir à terme assumer une reprise des dépenses d’investissement, de R&D et d’innovation qui permettraient une montée en gamme des produits « made in France ». Cette reprise est au cœur des préoccupations concernant la capacité de l’appareil productif français à pouvoir soutenir le redressement de la trajectoire de croissance, mise à mal par les années successives de faible croissance.
Progression des revenus nominaux et réels
28En 2014 et en 2015, sous l’effet de la chute du prix du pétrole qui a ramené l’inflation d’ensemble à 0 %, et de la relative rigidité à la baisse des salaires nominaux, la masse salariale réelle a enregistré une augmentation significative (+1,7 % en 2014 et +1,8 % en 2015) malgré la persistance d’un taux de chômage élevé. À cela s’ajoute l’utilisation d’une partie du CICE par les entreprises pour augmenter les rémunérations des salariés [13]. En outre, la « surprise » à la baisse concernant l’inflation en 2015 par rapport aux anticipations de début d’année a pu créer un décalage entre l’inflation réalisée et celle qui a servi de base aux négociations collectives de revalorisation des salaires pour 2015.
29La désinflation, liée d’un côté à l’affaissement des composantes sous-jacentes de l’indice des prix, tirées vers le bas par le sous-emploi chronique depuis plusieurs années, et de l’autre au contre-choc pétrolier survenu à la mi-2014, a permis un redressement de la progression du pouvoir d’achat du salaire réel en l’absence de réaction proportionnelle du salaire nominal (graphique 11). Ce faisant, en l’absence de forts gains de productivité du travail, les entreprises ont consenti un alourdissement de leurs coûts salariaux unitaires réels, qui ont cependant été plus que compensés par la baisse des prix des consommations intermédiaires en énergie et les transferts fiscaux (CICE et Pacte de responsabilité). Cette hausse des salaires réels a permis des gains substantiels de pouvoir d’achat pour les salariés, qui, en 2015, a connu des taux de croissance semblables à ceux d’avant-crise, quand le chômage était inférieur de 2 points à son niveau d’aujourd’hui.
Salaires individuels et taux d’inflation
Salaires individuels et taux d’inflation
30La reprise de l’emploi en 2015 a aussi été un facteur de soutien du revenu des ménages, notamment dans les secteurs marchands. Après trois années consécutives de destructions, 122 000 emplois ont été créés dans les secteurs marchands, sous l’effet du redressement de la croissance mais aussi des politiques de baisse du coût du travail visant à enrichir la croissance en emplois [14]. Au final, le RDB réel des ménages a renoué avec une croissance soutenue en 2015, 2 % en fin d’année, rejoignant un niveau compatible avec une reprise d’activité, comme ce fut le cas dans le passé (graphique 12).
Croissance du pouvoir d’achat du RDB
Croissance du pouvoir d’achat du RDB
31L’inertie de la consommation par rapport aux fluctuations du revenu s’est traduite par une hausse du taux d’épargne de près de 2 points entre la fin 2013 et la fin 2015 (voir graphique 5). Cette hausse s’est accélérée au quatrième trimestre 2015, bien au-delà de ce que les déterminants traditionnels du taux d’épargne laissaient prévoir (pour plus de détails, voir partie revenu des ménages).
32La fin de l’année 2015 a été perturbée par des facteurs ponctuels. D’abord, les températures anormalement clémentes de l’automne ont réduit la consommation de produits énergétiques. Ensuite, l’effet des attentats terroristes du 13 novembre sur les segments de consommation tels que le commerce, l’hébergement et la restauration a été significatif (graphique 13). Au total, la consommation des ménages a reculé de 0,1 % au quatrième trimestre 2015, ce qui, compte tenu du dynamisme du revenu, a gonflé l’épargne de +0,4 point, atteignant ainsi 15,9 % du RDB à la fin 2015, et ouvert la perspective d’une reprise soutenue des dépenses en 2016.
Consommation des ménages en…
Consommation des ménages en…
Le pétrole : retard à l’allumage ?
33La baisse du prix du pétrole, par la modification des prix relatifs qu’elle a induite, a modifié la situation financière des entreprises et des ménages. L’allègement de la facture énergétique en 2015 s’est transformé en une accumulation d’épargne, tant au sein des entreprises que des ménages, avec un impact non proportionnel sur leurs dépenses. Ces thésaurisations, qui ont créé un décalage entre la survenue du contre-choc pétrolier et sa répercussion sur l’activité, ont d’ailleurs été déjà observées lors des épisodes passés de même nature.
34Le graphique 14 illustre ce décalage observé lors des deux derniers contre-chocs pétroliers de 1985 et de 1997 : au cours du premier, le décalage apparaît important, de près de 8 trimestres tandis que pour le second, l’activité est repartie 5 trimestres après le début du choc [15]. Les estimations économétriques conduites dans l’étude spéciale sus-mentionnée concluent à l’existence d’un décalage moyen de 4 trimestres entre les fluctuations du prix du pétrole et ses répercussions sur la croissance du PIB.
Variations du prix du pétrole et taux de croissance du PIB…
… en 1986*
… en 1986*
* par rapport à la moyenne des cinq années précédant le début du graphique.… en 1997
… en 1997
Variations du prix du pétrole et taux de croissance du PIB…
4 – La croissance « dans les tuyaux »
Climats de reprise
35En ce printemps 2016, les signaux conjoncturels émanant des enquêtes de conjoncture penchent vers l’enclenchement d’une reprise (graphique 15). Les climats des affaires dans les principaux secteurs d’activité ont rejoint (services) ou dépassé (industrie) leur moyenne de longue période, témoignant d’un rythme d’expansion plus soutenu. Seul le secteur de la construction reste très en retrait des deux autres, plombé par la crise du logement, mais a interrompu son effondrement depuis plus d’un an pour engager une lente remontée.
Climat des affaires dans…
Climat des affaires dans…
36Cette configuration générale des enquêtes donne depuis plusieurs mois des signaux qualitatifs de reprise, c’est-à-dire de franchissement, par le taux de croissance du PIB, du taux de croissance de long terme de l’économie qui historiquement délimite les phases de reprise et de ralentissement (encadré 1).
Encadré 1. Des signaux de reprise… enfin !
Les résultats d’estimation sont présentés dans le tableau 3.
Ajustement du taux de croissance trimestriel du PIB sur les climats des affaires1,2
Ajustement du taux de croissance trimestriel du PIB sur les climats des affaires1,2
1 : toutes les variables explicatives sont centrées et réduites. Partant de l’ensemble des indicateurs de confiance disponibles (industrie, services, commerce de détail, construction et ménages), la sélection des séries, testées en niveau et en différence première avec des décalages allant jusqu’à deux trimestres, est réalisée par la méthode stepwise sous contrainte de coefficient positif.2 : la prise en compte de non-linéarités possibles dans la relation entre le taux de croissance du PIB et les séries explicatives conduit à les exprimer sous la forme d’un carré qui préserve leur signe (produit de la valeur initiale par sa valeur absolue), et à ne retenir que les séries transformées si elles sont significatives, ce qui est le cas pour le climat dans la construction exprimé sous cette forme.
Le taux de croissance du PIB observé et ajusté
Le taux de croissance du PIB observé et ajusté
La consommation revient…
37Les premières données quantitatives disponibles jusqu’en février confirment la présomption d’une poursuite du mouvement de croissance établie sur la base des seules enquêtes de conjoncture. La consommation des ménages en biens, qui représente 50 % de la consommation totale des ménages, affiche un glissement annuel de 1,8 % en février, ce qui représente une performance un peu moins bonne que celle l’année dernière, mais qui avait bénéficié à l’époque d’une base de comparaison plus favorable que maintenant (graphique 17).
Glissements annuels de…
… la production manufacturière
… la production manufacturière
… la consommation des ménages en biens
… la consommation des ménages en biens
Glissements annuels de…
38La réponse de l’activité à la hausse de la consommation dépend bien sûr de sa capacité à stimuler la production nationale, et non pas les importations ou le déstockage. Le précédent du premier trimestre 2015, au cours duquel la production avait suivi le rebond de la consommation tend à montrer que l’appareil productif national est à même de pouvoir satisfaire un supplément de demande à court terme. Il augure d’une satisfaction de la consommation par la production nationale au premier trimestre 2016. L’indice de production manufacturière, +1,6 % en glissement annuel, va d’ailleurs dans ce sens. Et même si une partie de la consommation était alimentée à court terme par du déstockage, la reconstitution des stocks ultérieure pérenniserait la croissance de la production au-delà du premier trimestre.
39Notre analyse pour le premier trimestre 2016 nous a conduits à inscrire une contribution négative des variations de stocks (-0,3 point de PIB) qui serait compensée par une contribution équivalente du commerce extérieur (+0,3 point de PIB) alimentée par un surplus temporaire d’exportations et un ralentissement transitoire des importations. Ce mouvement ferait écho à celui des deux trimestres précédents où la contribution fortement positive des variations de stocks a été compensée par une contribution négative du commerce extérieur d’un ordre de grandeur comparable. En effet les importations, stimulées par la hausse des stocks de biens d’équipement et matériels de transports au deuxième semestre 2015, devraient donner lieu au premier trimestre 2016 à des réexportations à travers les livraisons de gros matériels de transports et simultanément à du déstockage de produits finis. De plus, au mois de mars 2016, l’enquête dans l’industrie signale que les chefs d’entreprises perçoivent le niveau de leurs stocks de produits finis à un niveau inférieur à leur moyenne de long terme (contre un niveau proche de la moyenne de long terme en décembre 2015), ce qui incite à inscrire un mouvement de déstockage au premier trimestre, mais pas au-delà. Par ailleurs, une part de la hausse des stocks et des importations sur le passé récent s’explique par l’augmentation des stocks de pétrole raffiné dont les effets sur le PIB en volume s’annulent.
40Pour résumer, les données quantitatives mensuelles présentent une configuration similaire à celle de l’année dernière à la même époque qui laisse présager un rebond de la croissance au premier trimestre 2016. Mais à la différence de l’année dernière, ces signaux quantitatifs, qui étaient restés sans suite au deuxième trimestre 2015, s’accompagnent désormais de signaux qualitatifs de reprise émanant du bloc d’enquêtes. Ce qui accroît maintenant très fortement la probabilité de l’enclenchement d’une phase de réelle reprise en 2016.
… et l’investissement repart
41L’amélioration de la situation opérationnelle des entreprises et celle des débouchés devraient se combiner pour stimuler une reprise des dépenses d’investissement. C’est ce que laissent attendre nos prévisions issues d’une modélisation économétrique de l’investissement [17]. Les informations collectées directement auprès des entreprises appuient concrètement ce scénario. Interrogées sur leurs investissements en janvier dernier, les industriels déclarent envisager une hausse de leurs dépenses de 7 % en valeur pour 2016 (graphique 18). Le champ de cette enquête, qui porte uniquement sur la FBCF des entreprises industrielles, est plus restreint que celui de la FBCF des entreprises non financières, mais au regard du passé, les mouvements sont proches. Si parfois des divergences importantes apparaissent entre les déclarations des chefs d’entreprise et les agrégats de comptabilité nationale, il n’en demeure pas moins que les fluctuations des diverses mesures sont souvent synchrones, ce qui laisse présager une accélération des dépenses d’investissement en 2016.
Investissement des entreprises et déclaration à l’enquête sur les investissements dans l’industrie manufacturière
Investissement des entreprises et déclaration à l’enquête sur les investissements dans l’industrie manufacturière
5 – Un environnement macroéconomique favorable
Des conditions extérieures et financières proches en 2016 de celles de 2015…
42En 2016, l’environnement extérieur et financier de la France resterait porteur, comme ce fut déjà le cas en 2015. Et ce, malgré les risques qui planent sur la croissance mondiale avec un nouveau risque de crise financière, la situation inquiétante de certaines banques italiennes ou allemandes, ou la possibilité d’un Brexit. Nous considérons dans notre scénario que ces risques existent mais qu’ils ne débouchent pas sur une crise globale.
43La baisse du prix du pétrole, -66 % en dollars environ entre l’été 2014 et le début de 2016 –, a été suffisamment ample et durable pour avoir un impact macroéconomique significatif. Selon les estimations issues du modèle e-mod.fr, l’allègement de la facture pétrolière devrait continuer à générer un supplément de croissance en France, de 0,4 point de PIB en 2016, après 0,5 point en 2015 (tableau 3). Mais cet effet disparaîtrait en 2017, l’épuisement de l’impact des baisses passées et les premiers effets de la remontée du baril en 2016 (46 dollars en 2017 contre 35 dollars en 2016) se compensant pour aboutir à une contribution nulle l’année prochaine. En revanche, une hausse du prix du pétrole à 60 dollars dès la fin 2016, puis en 2017, conduirait à réviser la croissance française à 1,5 % en 2016 et 1,5 % en 2017 (encadré 2).
Encadré 2. Les risques potentiels sur le scénario de croissance
Les risques à la baisse proviennent principalement de l’environnement extérieur. Une remontée plus forte et plus rapide du pétrole (60 dollars dès fin 2016 puis stabilisation en 2017 contre 35 dollars en 2016 et 46 dollars en 2017 dans la prévision centrale) conduirait à réviser le scénario de croissance à 1,5 % en 2016 et 2017 (tableau 4). Un taux de change de l’euro à 1,15 dollar en 2016 et 2017 (contre 1,08 dollar en 2016 et 1,05 dollar en 2017 dans la prévision centrale) nous amènerait à réviser la croissance à 1,5 % en 2016 et 1,4 % en 2017. Enfin un financement intégral des nouvelles mesures budgétaires annoncées conduirait à réviser notre prévision à 1,5 % en 2016 et 2017. Si ces 3 risques se réalisaient simultanément, alors la croissance passerait à 1,3 % en 2016 et 1,2 % en 2017.
Croissance du PIB selon les risques encourus à la hausse ou à la baisse
Croissance du PIB selon les risques encourus à la hausse ou à la baisse
44La baisse de l’euro est le second facteur de maintien d’un environnement favorable de l’économie française en 2016 et en 2017. Sa dépréciation d’environ 20 % (de 1,4 dollar en mai 2014 à 1,1 dollar en moyenne depuis le début de 2015) a procuré une bouffée d’air aux entreprises françaises qui exportent en dehors de la zone euro. En 2016 et en 2017, le commerce mondial croîtrait à un rythme légèrement supérieur à celui observé en 2015 (+2,5 % en 2016, +3,1 % en 2017). La poursuite de la baisse du taux de change de l’euro face au dollar inscrite en prévision (1,08 en 2016 et 1,05 en 2017, contre 1,12 dollar observé en 2015), ainsi que la faible progression des prix d’exportation favorisée par les politiques de baisse du coût du travail et le haut niveau des marges du secteur exportateur (voir partie entreprises) contribueront à la poursuite des gains de parts de marché. Les exportations françaises augmenteraient de 4,2 % en 2016 et de 3,5 % en 2017. Au total, la compétitivité-prix des entreprises françaises contribuera à la croissance à hauteur de 0,3 et 0,2 point en 2016 et en 2017 (tableau 5). Cette contribution pourrait s’avérer plus positive si les secteurs exportateurs mobilisaient leurs importantes marges pour développer la qualité des produits fabriqués en France. En revanche, une remontée du taux de change de l’euro à 1,20 dollar d’ici la fin 2016, puis qui se stabiliserait à ce niveau-là, conduirait à réviser la croissance française à 1,5 % en 2016 et 1,3 % en 2017.
Le cadrage macroéconomique de la prévision
Le cadrage macroéconomique de la prévision
45Comme en 2015, les conditions financières devraient rester globalement neutres en 2016 et en 2017, et les effets induits, par le canal de la demande adressée, des restrictions budgétaires conduites chez les partenaires de la France devraient diminuer, reflétant l’atténuation de l’austérité en Europe. En comparaison de 2015, le ralentissement chinois ne devrait pas s’accentuer en 2016 et en 2017, imprimant à chaque fois un effet négatif de -0,3 point sur la croissance du PIB. Au total, l’impact de la totalité des chocs extérieurs sera de même ampleur en 2016 qu’en 2015 (+0,3 point de PIB).
… mais des différences internes à la France significatives
46Par rapport à 2015, la situation interne de l’économie française s’est par contre fortement modifiée. L’austérité budgétaire ne disparaîtra pas mais perdra de sa virulence. C’est ainsi 0,2 point de croissance qui serait regagné en 2016 par rapport 2015 par ce canal interne. Le choc immobilier négatif devrait quant à lui disparaître en 2016 et en 2017 à la suite du redressement graduel de l’investissement en logements des ménages. Enfin, l’acquis de croissance [18] est plus positif en 2016 qu’en 2015, 0 contre -0,2 point de PIB.
47La baisse du prix du pétrole a, on l’a vu, induit une modification des prix relatifs à l’origine d’une accumulation d’épargne, tant dans les entreprises que chez les ménages. À la différence du début 2015, l’année 2016 s’ouvre avec des marges importantes qui devraient être réinjectées dans les dépenses de consommation et d’investissement. Un cercle de croissance vertueux pourra ainsi progressivement se mettre en place en 2016 et en 2017. La reprise spontanée de l’emploi, stimulée également par les effets du CICE et du Pacte de responsabilité, soutiendra la distribution de revenus et pérennisera la croissance de la consommation. Le déficit public devrait repasser sous la barre des 3 % du PIB (2,7 % en 2017) et le chômage au sens du BIT refluer d’1/2 point d’ici à l’horizon 2017. Mais cette baisse du chômage au sens strict ne sera cependant pas à même de modifier en profondeur l’émergence d’une situation de fragilisation vis-à-vis de l’emploi après 8 ans de crise.
Encadré 3. Au-delà du taux de chômage
- être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant une semaine de référence ;
- être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;
- avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.
De même, la définition stricte du BIT n’intègre pas les personnes actives occupées mais travaillant à temps partiel et souhaitant travailler davantage ou les personnes en situation de chômage partiel. Au quatrième trimestre 2015, ces situations de « sous-emploi » concernaient 1,7 million de personnes (+18 % par rapport au quatrième 2007).
Au total, en intégrant le sous-emploi et le halo à la définition stricte du chômage mesuré par le BIT, ce sont ainsi 5,9 millions de personnes qui se trouveraient fragilisées vis-à-vis de l’emploi, soit 31 % de plus que 8 ans auparavant et 18,8% de la population active élargie (graphique 19) [19].
Chômeurs, halo du chômage et sous-emploi
Chômeurs, halo du chômage et sous-emploi
Taux de chômage observé et « théorique »
Taux de chômage observé et « théorique »
Il faut tout de même à noter que si ces ajustements sont importants, les évolutions sur lesquelles ils reposent ne sont pas intégralement à imputer à la crise. En effet, le temps de travail a tendanciellement baissé depuis 1990. Entre 1990 et 2002, la durée effective du travail a en moyenne diminué de 0,9 % par an. Depuis 2003, cette diminution est certes moins intense mais se poursuit (-0,2 % par an). Parallèlement, l’accroissement du taux d’activité a été continu. Alors qu’il s’établissait à 67,1 % en 1990, le taux d’activité atteignait 69,7 % en 2007. Au quatrième trimestre 2015, il était en France métropolitaine de 71,5 %.
6 – Entreprises : le retour du « made in France » ?
48Contrairement à l’investissement des ménages ou celui des administrations publiques (APU), le taux d’investissement des entreprises non financières (ENF), qui a connu à la suite de la crise des subprime une première correction sur la période 2010-11, a entamé son redressement à partir de la mi-2013, avec une accélération en 2015. En effet, le taux d’investissement des ENF a augmenté de 0,5 point de PIB depuis la mi-2013 alors que, sur la même période, celui des ménages s’est contracté de 0,6 point de PIB et celui des APU de 0,5 point de PIB (graphique 21).
Taux d’investissement des ENF, des ménages et des APU
Taux d’investissement des ENF, des ménages et des APU
Redémarrage progressif de l’investissement des entreprises
49Au cours de l’année 2015, le taux de croissance de l’investissement des ENF a connu une accélération, celui-ci passant d’un rythme de 0,5 % en glissement annuel à la fin 2014 à 3,2 % à la fin 2015, atteignant ainsi sa plus forte dynamique depuis la mi-2011. Au-delà de la vitesse de croissance de l’investissement des ENF, c’est encore plus sa composition qui paraît pertinente pour l’analyse. Alors que le rebond de l’investissement des ENF de fin 2013-début 2014 était soutenu par le secteur de la construction (graphique 22) qui contribuait à près de la moitié de la croissance (1,4 point sur 3 % en glissement annuel), la reprise de la fin 2015 est très largement le fait des secteurs des produits manufacturés et de l’Information-Communication qui contribuent à eux-seuls aux trois-quarts de la hausse enregistrée (2,5 points sur 3,2 %). Pour les biens d’équipements et d’Information-Communication, la hausse, en glissement annuel, est de 4,6 % fin 2015 alors qu’elle n’est que de 1,3 % pour la Construction, contribuant à « seulement » 10 % à la hausse enregistrée de l’investissement cette année (graphique 22), alors même que ce secteur pèse pour un quart dans la FBCF des ENF. Si la « Construction » reste le point noir de la reprise de l’investissement des entreprises, l’accélération de la croissance de la FBCF en produits manufacturés a été, au-delà des déterminants traditionnels de l’investissement, soutenu par le dispositif de sur-amortissement de 40 % qui cible les investissements industriels.
Décomposition de la FBCF des ENF par produit
Décomposition de la FBCF des ENF par produit
50Plus globalement, l’investissement des entreprises continuerait de se redresser au cours des trimestres à venir sous l’effet de l’accélération de la demande adressée aux entreprises, du redressement significatif du taux de marge et d’un coût réel du capital bas.
51Tels sont les enseignements de l’équation d’investissement du modèle e-mod.fr, qui comporte les variables explicatives traditionnelles (valeur ajoutée marchande, taux d’utilisation, coût réel du capital, taux de marge). Ainsi, au regard de ces déterminants et de leur évolution attendue à l’horizon 2017, une reprise de l’investissement des entreprises est escomptée sous l’effet de cet alignement de facteurs favorables.
52Tout d’abord le taux de marge des sociétés non financières (SNF) s’est nettement redressé depuis le deuxième trimestre 2014 (2,2 points de valeur ajouté en un an et demi) (graphique 23) sous les effets conjoints de la baisse des prix du pétrole, de la montée en charge du CICE et de la mise en place de la première tranche du Pacte de responsabilité visant à réduire les cotisations patronales pour les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC. Comptablement, la baisse des prix des consommations intermédiaires énergétiques, qui n’a pas été intégralement répercutée dans les prix de production, a entraîné une hausse du prix de valeur ajoutée des entreprises par rapport à celui des prix de consommation (qui est le déflateur utilisé pour mesuré les salaires réels) conduisant à une hausse de 1,8 point de VA du taux de marge des SNF au cours des six derniers trimestres. À la baisse du prix des matières premières s’ajoute la montée en charge des mesures fiscales prises par le gouvernement, qui représentent un transfert massif vers les entreprises. Au total, le CICE représente un gain comptable pour les marges des entreprises de 1,5 point de VA au cours des deux dernières années. Si l’on y ajoute l’effet net du Pacte de responsabilité sur les cotisations sociales patronales en 2015, on atteint 1,7 point de VA sur la période 2014-15, soit à peu près l’effet lié à la baisse des prix du pétrole. A contrario, la hausse des salaires réels (déflatés des prix de consommation) supérieure à celle de la productivité a amputé les taux de marge de 1,3 point de VA au cours des deux dernières années. Ainsi, sur les 3,5 points de VA liés à la baisse des prix du pétrole et à la réduction du coût du travail, un peu plus d’un tiers a été récupéré par les salariés sous forme de hausse des rémunérations plus forte que celle de la productivité du travail.
Décomposition comptable du taux de marge des sociétés non financières sur la période 2014-2015
Décomposition comptable du taux de marge des sociétés non financières sur la période 2014-2015
53Ainsi le taux de marge des sociétés non financières, passé de 29,2 points de valeur ajoutée à la mi-2014 à 31,4 points à fin de l’année 2015, devrait continuer à s’améliorer au cours des trimestres suivants pour atteindre 32,1 points à la fin 2016, revenant ainsi à un niveau équivalent à celui observé en moyenne au cours des trente dernières années.
54Un autre élément favorable à la reprise de l’investissement est le niveau historiquement bas du coût du capital des entreprises, notamment grâce à la politique monétaire non conventionnelle menée par la BCE permettant de maintenir les taux de prêts aux entreprises à des niveaux très bas.
55Enfin, l’amélioration des perspectives d’activité participera à la reprise de l’investissement. Cependant, en raison de l’amélioration du taux d’investissement des entreprises en 2015, dans un contexte de reprise faible, le taux d’utilisation ne s’est pas amélioré au cours des derniers trimestres, restant à un niveau toujours inférieur à sa moyenne de long terme. Or, ces surcapacités de production resteront le principal frein à l’accélération de la croissance de l’investissement en 2016.
56Au final, l’investissement des sociétés non financières devrait croître de 3 % en moyenne annuelle en 2016 et de 2,4 % en 2017, entraînant une amélioration du taux d’investissement de 0,2 point de VA sur la période 2016-17. Selon notre équation d’investissement, sur les huit trimestres à venir (2016t1 – 2017t4), celui-ci augmenterait de 5 % en volume. La légère accélération de la croissance contribuerait à augmenter l’investissement de 2 % sur cette période, le bas niveau du coût du capital de 0,9 % et l’amélioration des taux de marge de 2,1 % (graphique 24). À noter que la hausse passée du taux de marge commence à produire ses effets sur l’investissement. En effet, si à long terme, une hausse de 1 point du taux de marge permet d’améliorer de près de 2 % le niveau de l’investissement, cet effet joue avec retard (décalage de trois trimestres) et affiche une lente montée en charge (seulement la moitié de l’effet total est réalisé au bout de deux ans et demi).
Évolution de l’investissement des sociétés non financières sur la période 2016t1-2017t4 et contribution de ses déterminants
Évolution de l’investissement des sociétés non financières sur la période 2016t1-2017t4 et contribution de ses déterminants
Hausse des taux de marge, en particulier pour les secteurs exportateurs
57L’amélioration globale des marges des entreprises masque des différences importantes au niveau des branches. Depuis la mi-2014, le taux de marge s’est fortement redressé dans l’industrie (+4,8 points de VA) alors que celui-ci n’a connu qu’une faible amélioration dans les services principalement marchands (+0,7 point) et a continué à se détériorer dans la construction (-0,5 point) (graphique 25).
Taux de marge (EBE/VA) des trois principales branches de l’économie marchande
Taux de marge (EBE/VA) des trois principales branches de l’économie marchande
58Si l’on s’intéresse aux branches qui ont connu une forte amélioration de leur taux de marge, il ressort que ce sont principalement les secteurs exportateurs qui ont connu une forte amélioration de leur situation opérationnelle. Ainsi, les biens d’équipement qui représentent 15 % des exportations françaises ou les matériels de transport (18 % des exportations) ont vu leurs marges s’améliorer respectivement de 11,4 et 10,8 points de VA au cours des six derniers trimestres. Et le secteur des « autres biens industriels » (chimie, pharmacie, métallurgie, etc…) qui représente 33 % des exportations affiche une hausse de ses marges de 5,6 points de VA. À partir de la répartition des branches exportatrices détaillées dans le Tableau économique d’ensemble (TEE) 2013, nous avons reconstitué un secteur exportateur « fictif » en maintenant les pondérations de 2013 sur l’ensemble de la période analysée (1980-2015). Il en ressort une évolution particulièrement marquante sur la fin de période. En effet, en l’espace de 6 trimestres, le taux de marge du secteur exportateur français est passé de 33,2 % de la VA (mi-2014), soit un point bas de ces trente dernières années, à 39 % à la fin 2015, qui correspond à un point haut historique depuis le début des années 1980 (graphique 26). Cette évolution est particulièrement favorable pour l’avenir, car les exportateurs ont désormais des marges pour baisser leurs prix et améliorer leur compétitivité-prix ou maintenir ces hauts niveaux de marge pour investir dans la compétitivité hors-coût, à l’instar du modèle industriel allemand. Dans tous les cas, ce fort redressement de la situation opérationnelle du secteur exportateur est de bon augure pour la compétitivité de l’économie et l’évolution des parts de marché de l’hexagone.
Taux de marge (EBE/VA) du secteur exportateur
Taux de marge (EBE/VA) du secteur exportateur
Amélioration de la compétitivité des entreprises françaises
59Après avoir progressivement accéléré en 2014 (+3,2 %), le commerce mondial a ralenti en 2015 (+2,0 %) sous l’effet de la crise dans certains pays émergents, Chine en tête. La demande adressée à la France s’est aussi infléchie en 2015 (+2,8 % après +3,0 % en 2014) mais dans une moindre mesure. La baisse du taux de change de l’euro, combinée aux politiques d’offre réduisant la fiscalité sur les entreprises (pour plus de détails, voir partie sur les finances publiques) a commencé à produire ses effets sur les parts de marché à l’exportation de l’économie française, qui ont gagné 3,6 points entre le troisième trimestre 2014 et le quatrième trimestre 2015, effaçant ainsi la perte de 3,3 points entre le deuxième trimestre 2013 et le troisième trimestre 2014. Les exportations ont ainsi progressé de 6,1 % en 2015 après +2,4 % en 2014 et +1,8 % en 2013.
60Les gains de parts de marché des entreprises françaises, combinés à la forte baisse des prix du pétrole, ont permis un redressement spectaculaire de la balance courante en l’espace de quelques trimestres. Elle est en effet passée d’un déficit de 24 milliards d’euros en août 2014 (cumul sur douze mois) à un niveau proche de l’équilibre à partir du second semestre 2015 (graphique 27).
Décomposition de la balance courante de la France
Décomposition de la balance courante de la France
61En 2016-2017, le commerce mondial devrait croître à un rythme légèrement supérieur à celui observé en 2015 (+2,5 % en 2016, +3,1 % en 2017, graphique 28). La poursuite de la baisse du taux de change de l’euro face au dollar inscrite en prévision, ainsi que la faible progression des prix d’exportation favorisée par les politiques de baisse du coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité, Prime à l’embauche) et le haut niveau des marges des secteurs exportateurs contribueront à la poursuite des gains de parts de marché. Les exportations françaises augmenteraient de 4,2 % en 2016 et 3,5 % en 2017.
Équation d’exportations, contributions et parts de marchés
Équation d’exportations, contributions et parts de marchés
7 – Revenu des ménages : du carburant pour la consommation
62La pression fiscale accrue sur les ménages à partir de 2011, dans un contexte de contraction de l’emploi qui ralentissait la croissance de la masse salariale, a entamé celle du pouvoir d’achat des ménages. Sur la période 2011/2013, le montant prélevé au titre de l’impôt sur le revenu a cru en moyenne de 7 % par an. Malgré le relatif dynamisme des prestations sociales (+3 % par an en moyenne) et des salaires (+1,8 % par an), le pouvoir d’achat par ménage s’est contracté de 1 % par an entre 2011 et 2013.
63En 2014 et 2015, sous l’effet de la chute des prix du pétrole et de la diminution des prix à la consommation, de la relative rigidité des salaires nominaux à la baisse et d’une partie du CICE allouée aux revenus du travail [20], les salaires réels ont connu une augmentation dynamique (1,7 % en 2014 et 1,8 % en 2015) malgré un taux de chômage élevé. En 2015, la dynamique s’est poursuivie. Les salaires réels ont cru de 1,8 % et l’arrêt des destructions d’emploi associé au relatif tassement des prélèvements obligatoires ont entraîné une accélération du pouvoir d’achat des ménages par rapport à 2014 (+1,7 % en 2015 contre +1,1 % en 2014) (graphique 30).
64Si cette accélération a en partie alimenté la hausse de la consommation des ménages, elle a surtout contribué à l’amélioration du taux d’épargne des ménages. Alors que le pouvoir d’achat du RDB a cru de 3,7 % entre la fin 2013 et la fin 2015, la consommation des ménages s’est accrue de « seulement » 1,5 % (0,6 % en glissement annuel en 2014, puis 0,9 % en 2015). Le taux d’épargne a quant à lui augmenté de 1,8 point sur la période (graphique 29). Au final, environ la moitié des gains de pouvoir d’achat au cours des deux dernières années a été utilisée au redressement des capacités financières des ménages plutôt qu’au soutien de la consommation. Une part de cette hausse peut s’expliquer par le rééquilibrage du taux d’épargne à la suite de sa baisse entre la mi-2012 et la fin 2013. Cette chute a fait suite au choc fiscal massif issu de la Loi de finances rectificative pour 2012 puis de la Loi de finances pour 2013, qui a pu être mal anticipé par les ménages, leur épargne ayant pu servir de variable d’ajustement à court terme. Une fois ce choc fiscal intégré, dans un contexte de chômage élevé, les ménages ont reconstitué leur épargne mais la hausse observée est supérieure aux simulations que nous fournit notre équation de consommation, en particulier pour la fin d’année 2015.
Évolution de la consommation des ménages, du pouvoir d’achat du RDB et du taux d’épargne depuis la fin 2013
Évolution de la consommation des ménages, du pouvoir d’achat du RDB et du taux d’épargne depuis la fin 2013
Pouvoir d’achat par ménage
Pouvoir d’achat par ménage
65Plusieurs facteurs ont pu contribuer à la hausse du taux d’épargne au cours des derniers trimestres au-delà des déterminants traditionnels : tout d’abord les ménages ont pu sous-estimer l’impact de la forte baisse des prix de l’énergie sur leur pouvoir d’achat ne répercutant pas intégralement ce gain dans leur consommation. Ainsi les effets de la baisse des prix du pétrole sur la consommation des ménages seraient beaucoup plus diffus qu’à l’accoutumée, période marquée par une conjoncture encore dégradée [21]. Par ailleurs, le dernier trimestre 2015 a été marqué par deux facteurs exceptionnels qui ont pu avoir un impact transitoire sur le taux d’épargne : tout d’abord les attentats ont pu geler un certain nombre d’achats comme le montre les statistiques sur le commerce ou l’hébergement-restauration. D’autre part, la douceur climatique exceptionnelle pour la saison a freiné la consommation de produits énergétiques comme l’attestent les statistiques de consommation en énergie. Mécaniquement, avec un retour aux normales saisonnières au premier trimestre, un surplus de consommation en produits énergétiques est à attendre en début d’année. Enfin, un certain nombre d’achats qui n’ont pas eu lieu en raison des attentats pourraient être reportés au premier trimestre, soutenant la consommation. Ces deux facteurs plaident pour une baisse du taux d’épargne au premier trimestre 2016 et une forte dynamique de la consommation en lien avec l’accélération du RDB.
66Cependant, face à l’incertitude des effets de report liés aux attentats sur les dépenses des ménages, nous avons lissé, en projection, les effets du rebond attendu de la consommation sur l’ensemble du premier semestre avec un taux d’épargne qui diminue de 0,1 point entre fin 2015 et la mi-2016. Ainsi, le taux de croissance de la consommation des ménages augmenterait de 1,1 % au premier semestre 2016 (avec respectivement une hausse de 0,6 % et 0,5 % au premier et deuxième trimestre). Au-delà, la consommation des ménages augmenterait à un rythme comparable à celui du pouvoir d’achat du RDB, le taux d’épargne ne se réduisant que de 0,1 point au cours des six trimestres suivants, atteignant 15,7 % à la fin 2017 (contre 15,9 % fin 2015). Une baisse plus marquée du taux d’épargne qui convergerait vers sa moyenne de long terme (15,2 %) pourrait entraîner un rebond de croissance plus important pour les trimestres à venir. Un tel scénario générerait un gain de croissance supplémentaire de 0,3 point de croissance sur deux ans.
67Au final, la consommation des ménages augmenterait, en moyenne annuelle, de 1,4 % en 2016 (1,9 % en glissement annuel) et 1,5 % en 2017 (1,4 % en glissement annuel).
68En 2016, l’amélioration du pouvoir d’achat devrait se poursuivre. Avec un salaire réel encore relativement dynamique (+1,3 %) dans un contexte de faible inflation (0,1 %) et d’une amélioration sur le marché de l’emploi ; la masse salariale augmenterait de 1,8 % en volume. Le ralentissement de la croissance des prestations sociales versées aux ménages (+1,2 % en volume en 2016 contre +2,1 % en 2015) sous l’effet de la baisse du chômage, des efforts budgétaires pour tenir les engagements de réduction de dépense publique, et de hausse de l’inflation au second semestre 2016 – et qui n’a pas un impact immédiat sur la revalorisation des prestations sociales –, devrait être compensé notamment par l’augmentation de revenus encaissés par les entrepreneurs individuels (+2,3 % en 2016 contre +0,8 % en 2015). De plus, le net redressement des taux de profit des entreprises depuis la mi-2014 inciterait les entreprises à augmenter les versements de dividendes qui contribueraient positivement à la croissance du RDB en 2016 (+0,2 point). Les légères augmentations à attendre du côté des impôts directs ne devraient pas enrayer l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages qui devrait croître de 1,8 % en 2016 (tableau 6).
Évolution du RDB et ses principales composantes
Évolution du RDB et ses principales composantes
69En 2017, l’accélération du salaire nominal serait inférieure à celle de l’inflation (+1,5 %) générée par une augmentation des prix du pétrole. Cela conduirait à une augmentation du salaire réel (+1 %) légèrement inférieure aux trois années précédentes. Ainsi, bien qu’en hausse, le revenu disponible devrait croître à un rythme plus modeste (+1,4 % en volume). Sous l’effet de quatre années de redressement du pouvoir d’achat des ménages, favorisé par un prix du pétrole bon marché, le revenu disponible atteindrait en 2017 un niveau légèrement supérieur à celui de 2010, point de départ de la politique d’austérité.
Encadré 4. Au-delà du revenu disponible brut…
Le pouvoir d’achat du RDB arbitrable par unité de consommation, après une première baisse en 2008 rapidement compensée dès la fin d’année 2009, a de nouveau décroché en début d’année 2011. À la fin de l’année 2012, le pouvoir d’achat du RDB arbitrable par unité de consommation retrouvait son niveau de 2006. Depuis, il peine à redécoller et au troisième trimestre 2015, il restait inférieur à son niveau de 2009. Même si une fois intégrés les transferts sociaux en nature, l’écart est moindre, le pouvoir d’achat du RDB « ajusté arbitrable » par unité de consommation est légèrement inférieur fin 2015 à ce qu’il était 4 ans et demi auparavant.
Investissement des ménages : vers une lente reconstruction
70L’investissement des ménages a particulièrement souffert des effets de la crise. En 8 ans, c’est-à-dire entre les quatrièmes trimestres 2007 et 2015, l’investissement des ménages a reculé de 24,2 %. En 2015, ce dernier a continué à se dégrader fortement (-3,3 %) alors même que l’augmentation des mises en chantiers et des permis de construire observée en 2015, conjuguée au redressement des enquêtes conjoncturelles menées auprès des professionnels du secteur (graphique 31) laissait présager une amélioration de l’investissement des ménages en construction (82 % de l’investissement en logement des ménages). Cette relative déconnexion s’explique en grande partie par le découplage important existant entre le climat conjoncturel capté par les enquêtes auprès des professionnels et sa transmission aux mises en chantier et aux permis de construire et, dans un second temps, à l’investissement des ménages tel qu’il est mesuré par la comptabilité nationale. Ainsi, alors que la demande de logement neuf s’était fortement améliorée dès la fin d’année 2011, il avait fallu attendre près de 2 ans pour que cette amélioration se traduise par une hausse significative des permis et des mises en chantier. A contrario, alors que le climat conjoncturel s’était dégradé dès le quatrième trimestre 2010, les mises en chantier et permis de construire avaient continué à progresser pendant 5 trimestres jusqu’à s’effondrer de nouveau jusqu’au premier trimestre 2015.
Permis de construire, mises en chantier et enquêtes auprès des promoteurs
Permis de construire, mises en chantier et enquêtes auprès des promoteurs
71En 2016, la poursuite de l’augmentation des mises en chantier et des permis de construire observée en fin d’année 2015, ainsi que l’amélioration du climat conjoncturel associée à des conditions de crédit toujours favorables et au dynamisme du pouvoir d’achat des ménages, devraient entraîner une augmentation de l’investissement en logements des ménages dès le premier semestre. En rythme annuel, l’investissement des ménages devrait croître de 0,2 % en 2016 et de 2,7 % en 2017 (graphique 32). Le taux d’investissement logement, largement dégradé depuis 2010, devrait se rétablir sur la période pour atteindre 4,6 % du PIB en 2017, soit 0,1 point de plus qu’en 2015, ce qui correspond à un niveau tout de même très inférieur, de plus d’un point, à celui observé sur longue période (5,8 % en moyenne entre 1990 et 2008).
FBCF des ménages en pourcentage du PIB et en glissement annuel
FBCF des ménages en pourcentage du PIB et en glissement annuel
8 – Emploi : le secteur marchand accélère
72Après 66 000 emplois créés en 2014, l’année 2015 a été marquée par une accélération des créations d’emplois (+166 000) tirée par la reprise des créations d’emplois dans le secteur marchand (+122 000). Après une année 2014 marquée par de fortes destructions d’emplois dans le secteur marchand compensées par la poursuite de la montée en charge des contrats aidés dans le secteur non-marchand, la dégradation du marché du travail s’est interrompue au premier semestre 2015. Le nombre d’emplois créés étant supérieur à l’évolution de la population active, le nombre de chômeurs a diminué (-53 000 personnes), portant le taux de chômage au sens du BIT en France métropolitaine à 10,0 % de la population active au quatrième trimestre 2015, contre 10,1 % fin 2014 (tableau 7).
Emploi et chômage*
Emploi et chômage*
* prévision OFCE.73À l’horizon 2017, le retour de la croissance permettrait une fermeture du cycle de productivité et une accélération des créations d’emplois dans le secteur marchand, favorisée par les politiques de baisse du coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité et Prime à l’embauche) qui enrichissent la croissance en emplois. Au total, elles s’élèveraient à 177 000 en 2016 et 134 000 en 2017 dans le secteur marchand. A partir de 2016, la politique de l’emploi, hors mesures fiscales, ne soutiendrait plus les créations d’emplois. Pour 2017, nous avons retenu l’hypothèse d’une stabilisation du stock de contrats aidés non-marchands. En revanche, le plan de formations (500 000 formations supplémentaires annoncées pour 2016 dans le cadre du Plan d’urgence pour l’emploi) monterait en charge au cours de l’année 2016, ce qui freinerait temporairement la hausse de la population active, en transférant mécaniquement des chômeurs de longue durée vers l’inactivité, et accélèrerait de 0,14 point la baisse du chômage en 2016. Au total, l’accélération des créations d’emplois et les entrées en formation poursuivront la baisse du taux de chômage enclenchée fin 2015. Celui-ci attendrait 9,5 % de la population active fin 2016 et se stabiliserait à ce niveau en 2017, ce qui le ramènerait à son niveau observé au deuxième semestre 2012.
Secteur marchand : l’emploi reprend du service
74En 2014, la croissance économique faible s’est accompagnée d’une poursuite des destructions d’emplois dans l’industrie et la construction, destructions qui ont persisté en 2015, à un rythme moins rapide toutefois. Sur plus longue période, le secteur industriel a enregistré plus de 900 000 destructions d’emplois depuis 2000, dont 500 000 depuis 2008 (après réaffectation de l’emploi intérimaire par secteur utilisateur). Le secteur de la construction, durablement affecté par la crise, a pour sa part enregistré 200 000 destructions d’emplois depuis 2008 (après 300 000 créations entre 2000 et 2007) (graphique 33).
Évolution de l’emploi corrigé de l’intérim
Évolution de l’emploi corrigé de l’intérim
75Le secteur des services a mieux résisté et les créations d’emplois sont redevenues positives depuis le dernier trimestre 2014. L’emploi dans l’intérim, instable jusqu’au début de l’année 2015, a augmenté régulièrement depuis, et les créations d’emplois dans l’intérim sont largement positives sur l’ensemble (+50 000 emplois en 2015, soit une hausse de 9,4 % de l’emploi intérimaire).
76Le graphique 33 montre la décomposition de l’évolution de l’emploi entre les différents secteurs, après réaffectation de l’emploi intérimaire aux secteurs utilisateurs. Il apparaît que la construction demeure le secteur le plus sinistré (-27 000 emplois en 2015 après -60 000 en 2014). Le secteur des services est plus sensible à l’amélioration de la conjoncture et les créations d’emplois s’accélèrent en 2015 (+122 000 après +31 000 en 2014). Les indicateurs d’intentions d’embauches indiquent une poursuite des embauches dans les services. Les destructions d’emplois devraient se prolonger dans l’industrie et la construction mais à un rythme moindre qu’en 2015 (graphique 34).
Intentions d’embauches
Intentions d’embauches
Des sureffectifs attendus en baisse avec la croissance
77Notre analyse de l’emploi marchand repose sur celle du cycle de productivité (encadré 5) : en période de ralentissement conjoncturel (et symétriquement en période de reprise), les entreprises attendent généralement la confirmation de la baisse de l’activité avant de procéder à des réductions d’effectifs, ce qui se traduit dans un premier temps par une dégradation des gains de productivité. Ce n’est que dans un second temps qu’elles procèdent à des suppressions de postes ou à moins d’embauches. Le ralentissement de l’activité se traduit d’abord par celui des gains de productivité par rapport à la tendance de long terme, donc par le creusement du cycle de productivité, qui se rétablit progressivement, une fois passé le creux d’activité.
Encadré 5. La modélisation de l’emploi
L | représentant l’emploi salarié du secteur marchand ; |
Q | représentant la valeur ajoutée du secteur marchand ; |
HL | représentant la durée du travail trimestrielle moyenne par salarié du secteur marchand ; |
CL | représentant le salaire horaire super-brut dans le secteur marchand ; |
P | représentant l’indice de prix de la valeur ajoutée marchande ; |
t | représentant l’indice de temps ; |
c | représentant la constante. |
78Selon cette équation d’emploi, il apparaît qu’après un redressement du cycle de productivité entre le premier trimestre 2009 et la fin 2010, la rechute de l’activité a conduit à nouveau à une baisse des gains de productivité à partir du deuxième trimestre 2011 (graphique 35), ceux-ci s’écartant de leur tendance de long terme. Le cycle a ainsi atteint un point bas au deuxième trimestre 2014, s’expliquant par la panne de croissance au premier semestre avant de débuter son redressement au deuxième semestre 2014.
79Quasiment refermé début 2015 à la suite de la forte croissance enregistrée au premier trimestre, le cycle de productivité s’est à nouveau creusé en cours d’année. Les politiques de baisse du coût du travail (le CICE et le premier volet du Pacte de responsabilité qui porte sur les « bas salaires » a pris effet au premier trimestre 2015), qui enrichissent la croissance en emplois, ont néanmoins abaissé la tendance de productivité, de l’ordre de 0,2 point en 2014 et de 0,4 point en 2015.
80Au regard du cycle de productivité (-0,4 % fin 2015), cela implique qu’il subsiste au sein des entreprises des sureffectifs représentant 70 000 emplois dans le secteur marchand à la fin de l’année 2015.
81En phase de reprise de la croissance (lorsque la croissance dépasse son rythme potentiel), les entreprises résorbent rapidement leurs sureffectifs, ce qui se traduit par une accélération des gains de productivité et une fermeture du cycle de productivité. Ainsi, compte tenu de l’accélération de la croissance de la valeur ajoutée marchande en 2016, de la présence de sureffectifs dans les entreprises, et de la poursuite de la montée en charge du CICE, du Pacte de responsabilité et de la mise en place de la Prime à l’embauche, nous avons fait deux hypothèses. Premièrement, les mesures de baisse du coût du travail diminueraient temporairement la tendance de productivité en 2016-2017, à 0,5% de croissance annuelle. Deuxièmement, nous avons inscrit en prévision un rattrapage progressif de la productivité horaire par rapport à sa tendance. Elle augmenterait de 0,2 à 0,3 point par trimestre, ce qui implique une fermeture du cycle de productivité fin 2017 (graphique 35).
Quel impact de la politique de l’emploi ?
82Face à l’atonie de la croissance depuis 2012 et pour tenir son engagement d’inversion de la courbe du chômage, le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures fiscales réduisant le coût du travail de façon à enrichir la croissance en emplois. La baisse du coût du travail, que ce soit par le biais du CICE, du Pacte de Responsabilité et dans une moindre mesure des contrats de génération, permet à production donnée d’accroître le volume d’emplois, et ce d’autant plus que ces mesures ciblent les bas salaires. La dernière mesure décidée par le gouvernement dans le cadre du Plan d’urgence pour l’emploi poursuit cet objectif, en fournissant une prime temporaire pour les embauches de salariés dont les salaires sont compris entre 1 et 1,3 SMIC [24], là où l’élasticité du coût du travail à l’emploi est la plus forte. Par ailleurs, en dehors des mesures fiscales, les politiques d’emplois aidés, avec la mise en place des emplois d’avenir ont permis de compenser en partie les destructions observées dans le secteur marchand entre 2012 et 2014.
83Dans notre prévision d’emploi, nous avons pris en compte les effets sur l’emploi du CICE, du contrat de génération, de la prime à l’embauche pour tout CDI ou CDD de plus de 6 mois [25] et des mesures d’allégement de cotisations sociales patronales comprises dans le Pacte de responsabilité. Concernant le Pacte de responsabilité, nous avons distingué l’allègement portant sur les bas salaires (entre 1 et 1,6 SMIC) – dont on attend un effet plus fort sur l’emploi via une élasticité de l’emploi à son coût plus élevée aux abords du SMIC puis décroissante avec le niveau de salaire - de l’allègement uniforme entre 1,6 et 3,5 SMIC. Les effets cumulés du CICE et du Pacte de responsabilité, en tenant compte de l’impact négatif du financement, permettraient de créer ou de sauvegarder 94 000 emplois en 2016 et 94 000 emplois en 2017 (tableau 8), soit 188 000 en l’espace de deux ans [26]. Par contre, nous n’avons pas intégré d’effet sur l’emploi du projet de Loi El-Khomri. Nous avons considéré que le type de mesures envisagées visant notamment à réduire la dualité sur le marché du travail n’aurait pas d’effet sur le volume d’emploi à l’horizon 2017.
Effets du CICE et du Pacte de responsabilité sur l’emploi
Effets du CICE et du Pacte de responsabilité sur l’emploi
Cycle de productivité dans les secteurs marchands
Cycle de productivité dans les secteurs marchands
Peu d’effets attendus du côté des emplois aidés du secteur marchand
84Pour 2016-2017, nous avons retenu comme hypothèse une faible augmentation du nombre de nouveaux contrats de génération (+20 000 en 2016 et +20 000 en 2017 après +15 000 attendus en 2015). Compte tenu des forts effets d’aubaine de la mesure, et de la durée moyenne de 2 ans, cela correspond à une création nette de 1 000 emplois sur la période 2016-2017.
85Par ailleurs, nous avons retenu 70 000 entrées en CUI-CIE (Contrats Uniques d’Insertion–Contrats d’Accompagnement dans l’Emploi) pour 2016 (conforme à la Loi de finances pour 2016) et 2017, dont 10 000 « CIE starter ».
86Enfin, nous avons fait l’hypothèse d’une stabilisation des nouveaux emplois d’avenir dans le secteur marchand sur la période.
87Au total, l’ensemble de ces dispositifs d’emplois aidés dans le secteur marchand seraient globalement neutres sur les créations d’emplois à l’horizon de notre prévision (3 000 créations d’emplois en 2016, 1 000 créations en 2017 – tableau 9).
Effet du contrat de génération, du CIE et des emplois d’avenir sur les créations d’emplois salariés
Effet du contrat de génération, du CIE et des emplois d’avenir sur les créations d’emplois salariés
Stabilisation des contrats aidés non marchands
88En 2013-2014, face à la dégradation du marché du travail, 380 000 contrats aidés dans le secteur non-marchand ont été signés en moyenne chaque année (tableau 10). La montée en charge des emplois d’avenir, dont la durée moyenne est de 2 ans, ainsi que l’allongement de la durée des CUI-CAE avec pour objectif une durée moyenne des contrats de 10 mois contre 7 mois en 2012, ont permis une forte progression des effectifs de contrats aidés : le stock d’emplois aidés a ainsi atteint 294 000 au quatrième trimestre 2015.
89Au premier semestre 2016, le nombre de contrats aidés non-marchands baisserait légèrement (-11 500), puis se stabiliserait au deuxième semestre (+2 500). Le nombre de contrats prévus dans la Loi de finances pour 2016 est en baisse par rapport à 2015 (200 000 CAE et 35 000 emplois d’avenir [27] en 2016 contre 270 000 CAE et 65 000 emplois d’avenir en 2015). Par ailleurs, la circulaire relative à la programmation des contrats aidés au premier semestre 2016 [28] prévoit 123 000 CAE et 35 000 emplois d’avenir au premier semestre. Au second semestre nous avons inscrit en prévision une stabilisation du stock de contrats aidés, soit 128 000 CAE et le renouvellement des 30 000 emplois d’avenir non-marchands arrivant à terme au cours du semestre [29] (graphique 36). Nous avons donc implicitement supposé que le nombre d’emplois aidés diminuerait moins que ce qui a été initialement inscrit dans la Loi de finances pour 2016, qui inscrivait une baisse significative de ces dispositifs au second semestre. Pour 2017, nous avons fait l’hypothèse que le gouvernement maintiendrait le stock de contrats aidés.
Contrats aidés dans le secteur non-marchand
Contrats aidés dans le secteur non-marchand
Champ : France métropolitaine.Note : la baisse des CUI-CAE observée au deuxième semestre 2014 provient du basculement des CAE des entreprises d’insertion en CDDI (CDD d’insertion).
Contrats aidés dans le secteur non-marchand
Contrats aidés dans le secteur non-marchand
Champ : France métropolitaine.Note : Les contrats aidés du secteur non marchand comprennent les contrats d’accompagnement à l’emploi (CAE), les contrats d’avenir (CA), les contrats uniques d’insertion (CUI-CAE) et les emplois d’avenir (EAV).
9 – Chômage : baisse à venir
90Après une baisse timide en 2013 (-8 000 chômeurs) sous l’effet principalement de la montée en charge des contrats aidés et d’une baisse de la population active observée, le chômage est reparti fortement à la hausse en 2014 (+130 000 en glissement annuel, tableau 11). Le dynamisme de la population active (+196 000 personnes) et les destructions d’emplois dans le secteur marchand (-43 000) expliquent une part importante de cette hausse. Avec la reprise des créations d’emplois dans le secteur marchand, l’année 2015 marque un tournant (-53 000 chômeurs au sens du BIT) après quatre années de hausse quasi ininterrompue du chômage.
Projections de population active*
Projections de population active*
* prévisions OFCE91En 2016-2017, la population active resterait dynamique (140 000 actifs par an en plus en moyenne). Le dynamisme des créations d’emplois aurait un effet positif sur la population active via un effet de flexion, des personnes inactives étant incitées à revenir sur le marché du travail du fait de l’amélioration des conditions sur ce dernier.
92La montée en charge du plan d’urgence pour l’emploi prévoyant 500 000 formations supplémentaires se traduirait cependant par une hausse transitoirement plus faible de la population active en 2016 (+96 000). Les chômeurs de longue durée entrés en formation en 2016 sortiraient provisoirement de la population active (-55 000 personnes, cf. encadré 6) pour y être à nouveau comptabilisés en 2017 (+50 000 personnes). Mécaniquement, une montée en charge différente des entrées en formation modifierait le profil du taux de chômage sans pour autant modifier les créations d’emplois. En effet, nous n’avons pas retenu d’effet du plan formation sur les créations nettes d’emplois. Si la formation dispensée aux chômeurs de longue durée accroît individuellement leur probabilité de retour à l’emploi, il est à ce stade difficile d’évaluer son impact sur l’emploi macroéconomique car cela suppose de quantifier les emplois non pourvus qui seraient pourvus grâce au plan de formation. Or, compte tenu de la situation générale de l’économie française caractérisée par un output gap négatif et donc un déficit de demande, l’emploi total ne peut augmenter à court terme du simple fait de la formation des chômeurs. L’effort de formation en leur faveur aurait surtout pour conséquence de modifier à court terme leur place dans la file d’attente de l’emploi.
93En 2016-2017, l’emploi total serait relativement dynamique (+228 000 en 2016 et +165 000 en 2017), soit un rythme suffisant pour faire baisser le chômage. Le chômage diminuerait dès le premier trimestre 2016, baisse qui se poursuivrait jusqu’à début 2017. La fin du plan de formation au deuxième semestre 2017 se traduirait par un retour des chômeurs en formation au sein de la population active, ce qui ferait augmenter légèrement le nombre de chômeur en 2017 après la forte baisse de 2016 (-132 000 personnes en 2016 et +18 000 en 2017 par rapport au trimestre de l’année précédente). Le taux de chômage en France métropolitaine atteindrait 9,5 % fin 2016, puis se stabiliserait ce niveau jusqu’en fin d’année 2017.
94L’impact du plan de formation sur la bascule du chômage vers l’inactivité en prévision est partiel (cf. encadré 6). Un impact intégral aurait un effet plus fort sur la baisse du taux de chômage en 2016. Celui-ci atteindrait 9,4% de la population active fin 2016 contre 9,5% retenu en prévision (graphique 37). Hors effet du plan de formation, le chômage atteindrait 9,7% de la population active fin 2016 et 9,5% fin 2017.
Impact du plan de formation sur le taux de chômage
Impact du plan de formation sur le taux de chômage
Champ : France métropolitaine.Encadré 6. Quels effets des 500 000 formations sur le chômage ?
Par ailleurs, ces formations ciblées sur les demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés et de longue durée pourraient avoir un effet positif sur l’emploi si elles se traduisaient par une baisse des emplois vacants : les taux de retour à l’emploi à 6 mois sont ainsi les plus élevés pour les formations courtes de type « préalables à l’embauche [30] » – Action de Formation Préalable au Recrutement (AFPR) et Préparation Opérationnelle à l’Emploi Individuelle (POEI). A contrario, ces retours à l’emploi plus rapides pourraient se traduire par un retour à l’emploi retardé pour les chômeurs ne bénéficiant pas du dispositif. Dans ce cas, l’effet net sur l’emploi total serait nul. Nous avons retenu cette deuxième hypothèse, défavorable, en prévision. Un effet positif du plan de formation sur la baisse des emplois vacants accentuerait la baisse du chômage inscrite en prévision.
En prévision, nous avons prévu une montée en charge progressive du dispositif à partir du deuxième trimestre 2016, avec 300 000 formations supplémentaires en 2016 et 200 000 en 2017, compte tenu du délai de mise en place des nouvelles formations. Le nombre de chômeurs en formation passerait ainsi de 257 000 fin 2015 à 363 000 fin 2016 (graphique 38), ce qui correspondrait à une baisse de la population active de 55 000 sur l’année. Une plus forte concentration des formations sur l’année 2016 se traduirait par une baisse plus rapide du chômage en 2016. A contrario, si une partie des formations se substituait aux formations hors « Plan 500 000 », cela réduirait le total des entrées en formation en 2016-2017, et l’effet attendu sur le chômage.
Formation des personnes en recherche d’emploi
Formation des personnes en recherche d’emploi
10 – La route vers les 3 % est dégagée
95La réduction du déficit public entamée en 2010 s’est poursuivie en 2015 où le déficit a atteint 3,5 points de PIB, en baisse de 0,5 point par rapport à l’année précédente. Ce chiffre est plus favorable que la cible du gouvernement (3,8 % du PIB) et que ce qui était attendu par la Commission européenne au mois de février 2016 (3,7 %). Cette amélioration s’explique essentiellement par un effort structurel de 0,5 point de PIB portant sur la dépense publique primaire. En 2015, la dépense publique primaire hors crédits d’impôts [31] a progressé de 1,0 % en valeur, ce qui correspond à un recul en volume (-0,1 %, évolution déflatée par le prix du PIB). Cette baisse est une première depuis 1960. La maîtrise de la dépense publique primaire a contribué à une réduction du déficit structurel de 0,8 point (tableau 12). Cet effort a été partiellement compensé par les baisses de prélèvements obligatoires (PO) décidées pour 2015 pour un montant de 0,2 point de PIB, en lien notamment avec la montée en charge du CICE [32] et du Pacte de responsabilité. En outre, le taux de PO a reculé de 0,1 point de PIB en raison de la prégnance de moins-values fiscales. En effet, l’élasticité de la fiscalité à la croissance du PIB nominal a été inférieure à l’unité pour la troisième année consécutive, signe que les conditions cycliques sont restées dégradées en 2015 [33]. Au total, le poids des PO dans le PIB a baissé de 0,3 point en 2015. La baisse de la charge des intérêts de la dette de 0,1 point de PIB et la hausse des recettes non fiscales ont aussi contribué à l’amélioration du solde public. Enfin, si la croissance a été plus forte qu’en 2014, elle est restée inférieure à son rythme potentiel (jugé à 1,3 %), expliquant une légère dégradation de la composante conjoncturelle du solde budgétaire.
Décomposition de la variation du solde public
Décomposition de la variation du solde public
96La bonne surprise de 2015 crédibilise la trajectoire de finances publiques annoncée par le gouvernement pour les années à venir. Cette trajectoire devrait permettre de sortir de la procédure de déficit excessif à horizon 2017, conformément à la recommandation du Conseil du 10 mars 2015. Du reste, le gouvernement disposera des marges budgétaires supplémentaires qui permettent de concrétiser les annonces faites depuis la publication du Projet de Loi de Finances 2016 (PLF 2016) sans besoin de trouver des économies par ailleurs. Parmi les principales mesures, le dégel du point d’indice des fonctionnaires augmentera la dépense de 2,4 milliards à horizon 2017, le Plan d’urgence pour l’emploi [34] de 1,6 milliard, les embauches dans les missions de sécurité et de justice annoncées pour répondre aux attentats de novembre 2015 de 0,9 milliard. De plus, des baisses temporaires de PO seront à l’œuvre en 2016 avec notamment le prolongement du dispositif de sur-amortissement de l’investissement et la baisse des cotisations sociales du secteur agricole décidée pour pallier la crise du secteur. L’ensemble des annonces réalisées sont évaluées à 4,3 milliards d’euros pour 2016 et à 6,5 milliards en 2017 (tableau 13).
Mesures nouvelles annoncées depuis le PLF 2016*,**,***
Mesures nouvelles annoncées depuis le PLF 2016*,**,***
Note sur les hypothèses retenues :* Progression linéaire afin d’atteindre la cible de 1 Md en 2018.
** L’hypothèse retenue pour 2017 tient compte exclusivement de l’estimation du coût des embauches annoncées.
*** L’évaluation en prévision tient compte exclusivement de la hausse des dépenses inscrites dans la Loi de Finances 2016 par rapport au PLF 2016.
97Si les annonces mentionnées ci-dessus modifient légèrement l’ampleur de l’effort structurel pour les deux années à venir, la stratégie de finances publiques ne changera pas fondamentalement par rapport à celle de 2015, si ce n’est dans l’ampleur de la consolidation budgétaire. La politique budgétaire restera restrictive de -0,2 point de PIB chaque année au lieu de -0,5 point de PIB en 2015. La dépense publique primaire hors crédits d’impôts gardera un rythme de progression historiquement faible, en lien avec la poursuite de l’application du programme d’économies de dépenses publiques de 50 milliards prévu pour la période 2015-2017. La maîtrise de la dépense publique et la hausse de la fiscalité sur les ménages permettra de libérer des marges de manœuvre pour assurer simultanément la réduction du déficit et celle de la fiscalité des entreprises. Selon nos calculs, la dépense publique primaire contribuera à réduire le déficit structurel de 0,4 point de PIB en 2016 et de 0,2 point en 2017. Si la dépense publique primaire ne baisse pas en volume comme en 2015, son évolution restera cependant à un niveau parmi les plus faibles de l’histoire (+0,5 % en volume déflaté par le prix du PIB en 2016 et +0,8 % en 2017, graphique 39). À l’inverse, le taux de PO gardera sa tendance baissière en 2016 (-0,2 point de PIB) et en 2017 (-0,1 point) et s’établira à 44,2 % du PIB (tableau 13). Enfin, la reprise prévue de la croissance, à un niveau suffisant pour entamer enfin la fermeture de l’écart de production, explique l’amélioration de la composante conjoncturelle du solde budgétaire de +0,2 point par an, qui s’ajoutera au 0,2 point annuel d’effort structurel.
Évolution de la dépense publique primaire hors crédits d’impôts
Évolution de la dépense publique primaire hors crédits d’impôts
Note : l’aire grisée inclut la prévision faite pour 2016 et 2017.98Au total, en 2016 et 2017, le déficit public devrait reculer de 0,4 point par an, pour s’établir ainsi à 3,1 % du PIB en 2016 et à 2,7 % en 2017, en conformité avec les engagements européens de la France (tableau 14). Le scénario de finances publiques peut s’avérer plus favorable si l’élasticité de la fiscalité au PIB dépasse l’unité, comme cela a été observé historiquement en phase de reprise. Toutefois, la faiblesse persistante de l’inflation peut amener à revoir l’effort en dépenses prévu par le gouvernement en raison du moindre rendement budgétaire de la modification des règles d’indexation de certaines prestations sociales [35].
Objectifs budgétaires et engagements européens
Objectifs budgétaires et engagements européens
99Dans ce contexte, la dette publique au sens de Maastricht resterait sur un plateau, autour de 96 % en 2016 et 2017. Selon nos prévisions, elle augmenterait de 0,2 point de PIB en 2016 et de 0,4 point en 2017, même si cette dynamique est très dépendante de l’hypothèse de flux de créances retenue. Fin-2017, la dette publique atteindra 96,3 % du PIB. Cette évaluation tient compte d’un flux de créances très favorable en 2016 (-0,7 point de PIB), tel qu’annoncé par le gouvernement dans le PLF 2016 et dans une moindre mesure en 2017 (-0,1 point).
100Pour évaluer l’impact de la politique budgétaire sur l’activité, il est nécessaire de rentrer dans le détail des mesures. L’hétérogénéité des effets de multiplicateurs par mesure (voir Creel, Heyer et Plane, 2011 [36]), fait que la composition de la politique budgétaire mise en œuvre joue un rôle premier pour expliquer son impact sur la croissance.
Principaux agrégats des finances publiques
Principaux agrégats des finances publiques
101En 2016, la croissance du PIB serait pénalisée de 0,3 point par l’impulsion budgétaire de -0,2 point de PIB. La croissance sera essentiellement lestée par le poids des économies en dépenses. Alors que l’écart de production reste creusé, le multiplicateur associé à l’effort en dépenses sera unitaire. Ainsi, l’effort en dépenses primaires de 0,4 point de PIB pénalisera d’autant la croissance. Toutefois, si l’impact sur le PIB est supérieur au montant de l’impulsion, ceci s’explique essentiellement par le choix des baisses des PO réalisé. En effet, les mesures discrétionnaires en PO (-0,2 point de PIB), qui devraient soutenir l’activité, auront un faible multiplicateur et par conséquent un impact modéré sur la croissance (+0,1 point). Ceci s’explique par la répartition des baisses de fiscalité qui resteront ciblées sur les entreprises pour un montant de 6,9 milliards. L’essentiel des baisses de la fiscalité des entreprises de 2016 aura un effet multiplicateur de court terme inférieur à l’unité. En particulier, les nouvelles mesures du Pacte de responsabilité représentant 0,3 point de PIB [37] auront un faible effet sur l’activité (de +0,1 point) car à court terme ces mesures contribuent essentiellement au rétablissement des marges des entreprises avec des effets favorables sur l’activité, plus forts à moyen et long terme. Les mesures de 2016 seront par ailleurs moins ciblées sur les bas salaires et les PME, ce qui diminue d’autant l’effet multiplicateur vis-à-vis des mesures du Pacte de 2015 (dont le multiplicateur est évalué à 0,9 contre 0,4 en 2016). Les nouvelles mesures sur les ménages pèseraient sur leur pouvoir d’achat à hauteur de 2,1 milliards d’euros en dépit de la baisse de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) inscrite dans le PLF 2016 (2 milliards). Cette baisse de l’IRPP sera compensée par des mesures préalablement votées, notamment en termes de fiscalité écologique (tableau 16).
Politique budgétaire et fiscale pour 2016 et impact sur le PIB
Politique budgétaire et fiscale pour 2016 et impact sur le PIB
102Enfin, en 2017 l’impulsion budgétaire de -0,2 point de PIB pèsera d’autant sur la croissance du PIB (tableau 17). Comme en 2016, l’activité restera pénalisée par l’effort en dépenses dont l’effet multiplicateur restera unitaire du fait d’un écart de production encore dégradé. Les mesures discrétionnaires connues pour 2017 resteront ciblées sur les entreprises et devraient permettre d’atteindre l’objectif de 41 milliards d’euros de baisse de leurs prélèvements obligatoires en 2017. Dans l’ensemble, la politique budgétaire aura moins d’impact récessif qu’en 2016, en raison de l’augmentation progressive des multiplicateurs associés aux mesures d’offre. L’effet multiplicateur des baisses de cotisations patronales du Pacte de responsabilité et de solidarité et de la baisse de la C3S serait de 0,8, alors qu’il est évalué à 0,4 en 2016, même si l’élimination de la surtaxe d’IS a un faible impact sur l’activité à l’horizon de prévision. En tenant compte de la composition de la fiscalité, la baisse de 0,1 point du taux de PO aura somme toute un effet du même ordre de grandeur sur la croissance du PIB de 2017, diminuant ainsi le multiplicateur associé à l’effort structurel mis en œuvre.
Politique budgétaire et fiscale pour 2017 et impact sur le PIB
Politique budgétaire et fiscale pour 2017 et impact sur le PIB
103Ainsi, la stratégie budgétaire pour les années 2016-2017 cherchant à réduire simultanément les déficits publics structurels et la fiscalité des entreprises, réduction financée par la maîtrise de la dépense publique et la hausse des prélèvements sur les ménages, pèsera sur la croissance (-0,3 point en 2016 et -0,2 point en 2017), bien que son impact sera moins marqué que par le passé. L’ajustement budgétaire prévu pénalise d’autant plus la croissance que les politiques d’offre ont un impact positif, surtout à moyen et à long terme mais faible à court terme, alors que la baisse des dépenses publiques ou la hausse des prélèvements sur les ménages ont un impact sur le PIB plutôt élevé à court terme, notamment dans un contexte où l’output gap reste très négatif.
Déflateur de la consommation et taux de salaire horaire
Déflateur de la consommation et taux de salaire horaire
Commerce extérieur et parts de marché(1)
Commerce extérieur et parts de marché(1)
(1) Aux prix chaînés de l’année précédente.Taux d’intérêt et taux de change(1),(2)
Taux d’intérêt et taux de change(1),(2)
(1) Taux PIBOR puis EURIBOR à 3 mois.(2) Taux des OAT à 10 ans.
Mots-clés éditeurs : perspectives économiques, conjoncture, France, croissance
Date de mise en ligne : 05/07/2016
https://doi.org/10.3917/reof.147.0117Notes
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[1]
Cette prévision a été réalisée à l’aide du modèle trimestriel de l’économie française, e-mod.fr, par une équipe animée par Mathieu Plane, composée de Bruno Ducoudré, Pierre Madec, Hervé Péléraux et Raul Sampognaro. La prévision tient compte des informations disponibles à la fin mars 2016 et intègre les comptes nationaux trimestriels du quatrième trimestre 2015. Le modèle repose sur les données et les concepts de la comptabilité nationale base 2010 et est estimé sur la période 1978-2010. Les données en volume de la prévision sont aux prix de l’année précédente chaînés.
-
[2]
La reprise de la croissance conduira à une hausse de l’investissement net (de la dépréciation du capital), ce qui aura pour conséquence de rehausser le stock de capital productif et le niveau de l’emploi marchand par rapport à leur tendance récente. Il en résultera, en phase de reprise, une accélération du potentiel de court terme en raison de l’accumulation de capital liée à la hausse de l’investissement et de la baisse du NAIRU de court terme engendrée par la réduction du taux de chômage.
-
[3]
Cabane P. Y., Montaut A. et Pionnier P.A., 2013, « Évaluer la productivité globale des facteurs : l’apport d’une mesure de la productivité du capital et du travail », in L’économie française, INSEE.
-
[4]
Lequien M. et Montaut A., 2014, « Croissance potentielle en France et en zone euro : un tour d’horizon des méthodes d’estimation », Document de travail Insee, G2014/09.
-
[5]
Ducoudré B. et Plane M., 2015, « Les demandes de facteur de production en France », Revue de l’OFCE, 142, septembre.
-
[6]
Pour plus de détails, voir la partie sur les finances publiques.
-
[7]
Pour plus de détails, voir la partie sur les ménages.
-
[8]
Pour plus de détails, voir la partie sur les entreprises et Heyer et Hubert (2016) dans ce même numéro.
-
[9]
Pour plus de détails, le lecteur pourra se référer à Heyer (2015 « L’ ampleur du ralentissement chinois et son impact sur les grands pays développés », Revue de l’OFCE, 144.
-
[10]
Ce rythme de croissance spontané est défini comme le taux de croissance du PIB potentiel plus la vitesse de fermeture spontanée de l’output gap hors chocs.
-
[11]
Pour plus de détails, voir la partie emploi.
-
[12]
Pour plus de détails, voir la partie entreprises.
-
[13]
Ducoudré B., Heyer É. et Plane M. (2015) « Que nous apprennent les données macro-sectorielles sur les premiers effets du CICE », Document de travail de l’OFCE, 2015-29, décembre.
-
[14]
Pour plus de détails, voir la partie emploi.
-
[15]
Pour plus de détails, voir l’étude spéciale « Trois questions autour de l’impact des variations du prix du pétrole sur la croissance française à court terme », Heyer É. et Hubert P. de ce numéro.
-
[16]
La croissance de long terme considérée ici n’est pas la croissance potentielle estimée par ses déterminants structurels au moyen une fonction de production, mais la moyenne du taux de croissance du PIB telle qu’elle ressort de l’estimation de l’indicateur.
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[17]
Pour plus de détails, voir la partie entreprises.
-
[18]
L’acquis de croissance d’une variable pour une année N correspond au taux de croissance de la variable entre l’année N-1 et l’année N que l’on obtiendrait si la variable demeurait jusqu’à la fin de l’année N au niveau du dernier trimestre connu.
-
[19]
Entendue comme la population active à laquelle est ajouté le halo.
-
[20]
Pour plus de détails, voir B. Ducoudré, Heyer É. et Plane M. (2015), « Que nous apprennent les données macro-sectorielles sur les premiers effets du CICE », Document de travail de l’OFCE, 2015-29, décembre.
-
[21]
Pour plus de détails, voir l’étude spéciale « Trois questions autour de l’impact des variations du prix du pétrole sur la croissance française à court terme », Heyer É. et P. Hubert, dans ce numéro.
-
[22]
Pour comparer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition différente, on utilise une mesure du revenu corrigé par unité de consommation à l’aide d’une échelle d’équivalence. L’échelle actuellement la plus utilisée (dite de l’OCDE) retient la pondération suivante :
- 1 UC pour le premier adulte du ménage ;
- 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ;
- 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.
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[23]
Pour une présentation détaillée, voir Ducoudré et Plane, 2015, « Les demandes de facteurs de production en France », Revue de l’OFCE, 142 : 23-53.
-
[24]
La prime à l’embauche concerne toute embauche de plus de 6 mois ayant lieu en 2016 dans les entreprises de moins de 250 salariés. Durant les deux premières années du contrat, l’embauche donne droit à une prime trimestrielle de 500 euros, soit 4 000 euros au maximum.
-
[25]
Nous avons retenu 1 million de contrats signés en 2016, avec un effet net sur les créations d’emplois de 5 000 par trimestre.
-
[26]
Pour rappel, l’État a reversé aux entreprises 18,9 milliards d’euros par an en moyenne pour le CICE sur la période 2016-2017, 4,5 milliards par an pour les allègements sur les bas salaires sur la période 2016-2017 et 3,4 puis 4,5 milliards d’euros sur la période 2016-2017 pour l’allègement uniforme entre 1,6 et 3,5 SMIC. Ces transferts sont financés aux deux tiers par des économies sur la dépense publique et pour un tiers par une hausse des prélèvements fiscaux.
-
[27]
Dont 30 % dans le secteur marchand.
-
[28]
Circulaire N° DGEFP/SDPAE-MIP/2015/377 du 22 décembre 2015.
-
[29]
La circulaire indique une poursuite du dispositif d’emplois d’avenir au deuxième semestre, « notamment pour les renouvellements ».
-
[30]
D’une durée maximale de 400 heures, ces formations préalables à l’embauche sont financées par Pôle emploi. Elles permettent au demandeur d’emploi d’acquérir des compétences nécessaires pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise à Pôle emploi. Cf. Enquête « sortants de formation prioritaire 2014, » Pôle Emploi, Éclairages et Synthèses, n° 17, septembre 2015.
-
[31]
La dépense publique sera systématiquement analysée hors crédits d’impôts restituables (incluant notamment le CICE) car en raison des normes de la comptabilité nationale, ces crédits d’impôts ne constituent pas une baisse des recettes des administrations publiques mais une hausse de la dépense publique à hauteur de la créance fiscale.
-
[32]
Le taux de PO est calculé net des crédits d’impôt effectivement consommées au cours de l’année. La différence entre la créance fiscale et la créance consommée, même si elle ne génère pas de flux de caisse, augmente le déficit des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale. Ainsi, le tableau 10 inclut une ligne pour tenir compte de cet écart et comprendre l’évolution du déficit au sens de la comptabilité nationale.
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[33]
L’impact des conditions cycliques sur l’élasticité des prélèvements obligatoires a été analysé dans l’encadré 5 de Plane M., B. Ducoudré, P. Madec, H. Péléraux et R. Sampognaro, 2015, « France : la reprise, enfin ! Perspectives 2015-2016 pour l’économie française », Revue de l’OFCE, 138 : 81-139.
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[34]
Le plan d’urgence pour l’emploi inclue notamment une aide forfaitaire pour l’embauche d’un nouveau salarié à temps plein entre 1 et 1,3 SMIC et la création de 500 000 nouvelles formations pour les chômeurs.
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[35]
Cette mesure était censée générer 500 millions d’euros d’économies.
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[36]
Creel J., Heyer É. et Plane M., 2011, « Petit précis de politique budgétaire par tous les temps : les multiplicateurs budgétaires au cours du cycle », Revue de l’OFCE, 176 : 61-88, janvier.
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[37]
Incluant notamment l’extension de la baisse des cotisations sociales employeurs (3,1 milliards), la poursuite de la baisse de la C3S (1 milliard) et l’élimination de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.