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Article de revue

La discrimination sexiste : les regards du droit

Pages 65 à 94

Notes

  • [1]
    La dernière réforme constitutionnelle de juillet 2008 est venue atténuer cette absence en modifiant l’article premier, combinant ainsi le principe général d’égalité devant la loi de tous les citoyens et l’obligation de favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités dans les domaines politique, économique et social.
    « Article premier de la Constitution – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
    La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
  • [2]
    Minerva Bernardino (République dominicaine), Virginia Gildersleeve (États-Unis d’Amérique), Bertha Lutz (Brésil), Wu Yi Fang (Chine) ont joué un rôle particulièrement important en tant que signataires. Elles furent soutenues dans leur démarche par Amalia Caballero de Castillo Ledon (Mexique) et Isabel De Vidal (Uruguay). H. Pietilä, Engendering the Global Agenda, publié sur internet (www.unsystem.org/ngls/), Service de la liaison non-gouvernementale des Nations Unies, Genève, 2002.
  • [3]
    Commission on the status of women (CSW) : commission technique du Conseil économique et social des Nations Unies, créée en 1946, sorte de « pendant » de la Commission des droits de l’homme, elle aussi commission technique du Conseil économique et social de l’ONU.
  • [4]
    W. Michael Reisman explique que l’insertion de l’égalité entre les femmes et les hommes avait à plusieurs reprises été écartée. L’expression proposée « l’égalité de droit de tout homme et toute femme » en groupe de travail en 1947 ne fut finalement pas retenue.
  • [5]
    Le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  • [6]
    La Cour européenne a reconnu le caractère impératif du principe de non discrimination, notamment dans un arrêt du 3 juin 2008, condamnant en l’occurrence des discriminations raciales.
  • [7]
    Cette définition est apportée par l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée en 1969.
  • [8]
    Ratifiée par la France le 10 mars 1953.
  • [9]
    Les premières conventions adoptées en 1919 dans le cadre de l’OIT ont porté sur la protection de la maternité C.3 et l’interdiction du travail de nuit des femmes C.4.
  • [10]
    Ratifiée par la France le 28 mai 1981.
  • [11]
    La Convention CEDAW a été adoptée le 18 décembre 1979 et ratifiée par la France le 14 décembre 1983.
  • [12]
    L’OIT a, elle aussi, contribué grandement à la reconnaissance de la non discrimination sexiste (C-111 de 1958) et de l’égalité professionnelle, notamment l’égalité de rémunération (C-100 de 1951), ou encore la « protection de la maternité » (C-3 1919 et la dernière C-183 de 2000) avec l’adoption de ces conventions.
  • [13]
    §14 de la Recommandation générale n° 25 (trentième session, 2004, Rapport du Comité, A/59/38).
  • [14]
    §10 de la Recommandation n°25. La position du Comité se conforme ainsi aux objectifs de la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, en 1995 en rappelant que les États doivent adopter une approche sexospécifique lors de l’élaboration des lois ou politiques nationales.
  • [15]
    La rédaction de l’article 119 du traité de Rome s’inscrit dans le contexte encore récent de l’adoption de la Convention C100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération, en 1951.
  • [16]
    L’extension du principe de non discrimination a été reprise dans la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée le 7 décembre 2000, à l’article 23 à « tous les domaines ». Désormais, la politique communautaire porte sur d’autres thématiques concernant l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment la lutte contre les violences à l’encontre des femmes (Programme DAPHNE : décision 803/2004/CE) ou encore leur égale participation à la prise de décision (Feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010 : COM(2006) 92 final).
  • [17]
    L’article 13 du Traité instituant la Communauté européenne (modifié par les traités d’Amsterdam et de Nice) permet au Conseil de prendre des mesures pour combattre les discriminations fondées sur le sexe, la race ou l’origine (…).
  • [18]
    Pour ne pas toutes les citer : Directive 75/117/CEE du Conseil du 10/02/75 sur l’égalité de rémunérations – Directive 76/207/CEE du Conseil du 09/02/76 sur l’égal accès à l’emploi, à la formation professionnelle et sur les conditions de travail – Directive 84/378/CEE du Conseil du 13/12/84 relative à l’égalité de traitement dans les régimes de sécurité sociale (…) – Directive 2004/113/CE du Conseil du 13/12/04 sur la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement dans l’accès aux biens et services.
  • [19]
    Discrimination indirecte : Arrêt Jenkins vs Kingsgate du 30/03/81 (Affaire 96/80).
  • [20]
    Cette terminologie est définie dans la partie III.
  • [21]
    L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes – Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des « bonnes pratiques » – Rapport final d’activités du Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité, Conseil de l’Europe, Direction générale des droits de l’Homme, Strasbourg, 2004, EG-S-MS (98) 2 rev.
  • [22]
    « Stratégie-cadre pour la non discrimination et l’égalité des chances pour tous », Bruxelles, le 1.6.2005, COM (2005) 224 final.
  • [23]
    Les juristes féministes francophones sont principalement installées au Québec : Michelle Boivin, Louise Langevin, Nathalie des Rosiers, Jennifer Stoddart, Ann Robinson, pour n’en citer que quelques unes.
  • [24]
    Certaines instances internationales, comme l’Organisation Mondiale de la Santé ou encore l’UNICEF, ont d’ailleurs recours à la terminologie « discrimination sexiste ». Elle est pour l’instant le résultat de la traduction de l’expression anglaise gender discrimination.
  • [25]
  • [26]
    JO du 28 mai 2008, p. 8801
  • [27]
    JO 28 mai 2008, 136.
  • [28]
    Le seul objet de ce texte est de transposer un certain nombre de dispositions communautaires. Le Gouvernement n’a pas choisi d’en faire un instrument d’approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations. Voir : Valérie Létard, Débats Assemblée nationale, 1e lecture, p. 12.
  • [29]
  • [30]
    Cf. les rapports annuels de la HALDE sur le site www.halde.fr.
  • [31]
    CJCE, Enderby 1993, aff C-127/92, CJCE, Brunnhofer, 26 juin 2001 aff. C 381/99.
  • [32]
    CJCE, Arrêt Commission des Communautés européennes c. République française du 25 octobre 1988, 312/86 / CJCE, Aff. C 450/93 du 17 octobre 1995, Eckhard Kalanke v. Freie Hansestadt Bremen.
  • [33]
    Cette possibilité était même envisagée dès 1789 à l’article premier : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».
  • [34]
    CE, 30 novembre 2001, n°212179. Cette décision rejoint la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment.
  • [35]
    Recommandation générale n°25 (trentième session, 2004, Rapport du Comité, A/59/38) du Comité CEDAW/CEDEF.
  • [36]
    La Cour de Cassation - Chambre sociale reconnaît la discrimination sexuelle en matière de promotion et de rémunération : Arrêt du 16/12/87 (Pourvois 06-45262).
  • [37]
    La Cour de Cassation - Chambre sociale reconnaît pour la première fois la discrimination indirecte : Arrêt du 09/01/07 (Pourvois 05-43962).
  • [38]
    Disponible sur le site www.observatoire-parite.gouv.fr
  • [39]
    Il est prévu, dans le régime des retraites français, des droits familiaux et conjugaux qui ont vocation à compenser les interruptions de carrières pour assumer la charge des enfants ou personnes dépendantes dans la liquidation des retraites et le calcul des montants des pensions. Ce ne sont pas à proprement parler des « avantages » puisqu’il s’agit plutôt de redistribution. Voir le Sixième rapport du Conseil d’orientation des Retraites, « retraites : droits familiaux et conjugaux », adopté le 17 décembre 2008.
  • [40]
    CJCE, Arrêt Griesmar du 29 novembre 2001, C-366/99.
  • [41]
    Recommandation générale XXV (Cinquante-sixième session, 2000), figurant dans le document A/55/18, Annexe V. Le Comité CERD a depuis continué d’intégrer une perspective de genre dans ses recommandations, notamment dans celles portant sur les Roms, sur l’ascendance ou sur les non ressortissants (R.G. XXVII, 2000/ R.G. XXIX, 2002/R.G. XXXX, 2005).
  • [42]
    Le Comité mentionne notamment dans cette recommandation les viols commis pendant les conflits armés, les stérilisations de femmes autochtones ou encore les violences perpétrées à l’encontre des employées domestiques immigrées.
  • [43]
    Délibération de la HALDE relative au refus d’accès à la cérémonie de remise des décrets de naturalisation dans l’enceinte d’une Préfecture en raison du port du voile n° 2006-131 du 05/06/2006. Voir aussi : Convictions religieuses / sexe : Délibération relative à la rupture du contrat d’une animatrice au sein d’une association pour enfants autistes ayant refusé de se baigner avec les enfants et de retirer son voile n° 2006-242 du 06/11/2006. Situation de famille / sexe : Délibération relative aux difficultés rencontrées par une femme veuve, ayant trois enfants à charge dont une fille trisomique, pour obtenir un logement social n° 2007-162 du 18/06/2007.
  • [44]
    Néanmoins, l’Union européenne a intégré explicitement cette dimension dans sa « Stratégie-cadre pour la non discrimination et l’égalité des chances pour tous », Bruxelles, le 1.6.2005, COM (2005) 224 final. : « Dans certains domaines, il peut être judicieux d’envisager l’élaboration d’une méthode intégrée de promotion de la non discrimination et de l’égalité des sexes, une méthode qui tiendrait compte du fait que certains peuvent subir des discriminations multiples fondées sur divers critères ».
  • [45]
    Commission européenne, Lutte contre la discrimination multiple : pratiques, politiques et lois, septembre 2007.
  • [46]
    Moon Gay, (2006), « Equal Treatment – Status and Future Perspectives », Study n° 2, The Danish Institute for Human Rights, 90.
  • [47]
    La politique, à l’inverse de la justice, ne traite pas d’un « cas » particulier mais d’une question dans son ensemble.
  • [48]
    Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – Politiques et pratiques 2008-2009. Voir aussi, Le Pors A. et F. Milewski, 2005, Vouloir l’égalité : troisième rapport du Comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs, La Documentation française.

1Quels sont les regards du droit et en particulier ceux du droit du travail sur les discriminations selon le sexe ? L’objectif de cet article ne consiste pas à faire l’exégèse de « ce que dit le droit sur les discriminations » (Borgetto, 2008) mais à rendre compte de la place particulière qu’occupent les interdictions de discriminer dans le traitement de la question générale des inégalités entre les femmes et les hommes. Dans le concert des disciplines qui s’intéressent aux discriminations sexistes, quelle partition joue le droit ? La loi générale et obligatoire est-elle en mesure d’offrir des références communes et de fournir un bon compromis lexical entre chercheurs-es d’horizons disciplinaires différents, voire divergents ? Entre les conceptions des économistes (Meurs, 2009 ; Ghirardello, 2009 ; Gazier, 2010), des politologues, des philosophes et des sociologues, la catégorie juridique « discrimination » peut-elle constituer une balise ?

2Récemment, le débat sur les discriminations, notamment raciales, s’est enflé et la législation sous pression européenne s’est enrichie de définitions plus précises (loi n°2008-496 du 27 mai 2008). Elles ont eu pour effet de déplacer le curseur de la lutte contre les discriminations vers une logique de transformation sociale plus tangible et moins formelle, mais plus éloignée de la tradition juridique française.

3Dans cette mutation, voire révolution du droit français de la non discrimination, le motif du sexe comme disent les juristes, a largement servi de terrain d’expérimentation. Cette antériorité n’est pas née d’une demande sociale très forte de lutte contre les discriminations sexistes, particulièrement en France, mais elle est la résultante de la résistance opposée par les inégalités entre les femmes et les hommes au traitement juridique. Comme le dit Catherine MacKinnon (2005), la discrimination sexiste n’est pas une différence qui aurait mal tourné, elle est la manifestation d’un pouvoir. Le droit dans cette affaire de domination vient dire ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire, qui est autorisé à faire quoi et par qui ? Sa conception des rapports humains entre les femmes et les hommes et des limites à fixer entre eux, s’inscrit dans un projet politique situé dans l’espace et le temps. Ce projet politique est étroitement corrélé aux conceptions de l’égalité entre les femmes et les hommes qui sont sous-jacentes au droit et qui ont rendu possible que les discriminations deviennent non seulement visibles, mais puissent être pensées (MacKinnon, 1989).

4À l’origine, la conception juridico-politique de l’égalité est formelle et incantatoire et présente le risque d’une inclusion problématique des femmes et d’une tolérance sociale aux inégalités assez développée. Vraie en théorie, mais fausse en pratique, l’égalité proclamée appelle des dépassements qui viendront essentiellement du droit international. Ils revêtiront différents habits. Il y a ceux de l’égalité des chances qui postulent qu’à partir de la garantie d’une obligation de moyens, les individus et les groupes s’efforceront en fonction de leurs mérites de réaliser la meilleure combinaison pour atteindre et parvenir à mettre en œuvre des droits égaux. Puis, sont apparus les habits de l’égalité concrète – dite substantielle –passant par des mesures proactives conçues comme des obligations exécutoires d’accomplir le droit à l’égalité (Fredman, 2008).
Au carrefour de multiples inspirations, le droit français de la non discrimination sexuelle ne semble pas avoir encore choisi son modèle ; plusieurs logiques coexistent en son sein et engendrent une certaine conflictualité dont les débats politiques et, parfois les prétoires, se font l’écho. L’enjeu de cette contribution est de restituer cette matière complexe et évolutive. L’objectif premier est de retracer la genèse de la catégorie juridique discrimination et de souligner ses influences et ses corrélations avec l’égalité entre les femmes et les hommes (I). Le second objectif est de présenter les transformations de la grammaire juridique de la discrimination selon le sexe à la discrimination sexiste, mutations récentes initiées par le droit européen (II). Enfin, les questions en débat, non encore résolues par le droit et sources de tensions, voire de conflits de logiques, formeront l’épilogue de cet article (III).

1 – L’approche historique : la genèse

5Pour rendre compte de la genèse du droit de la non discrimination selon le sexe sans pour autant prétendre à l’exhaustivité, il faut partir de l’oubli des femmes dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la lente intégration du principe d’égalité dans le bloc de constitutionnalité français. Il faut ensuite faire un détour par la pression exercée par le droit international et rendre compte du laboratoire in vivo du droit communautaire.

1.1 – Le genre du droit ou comment la discrimination vient après l’égalité

6Issue de la philosophie des Lumières, l’égalité est consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à l’article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Ce principe général du droit français a été fondé autour d’un individu abstrait, « asexué ». L’égalité formelle ainsi proclamée ne concerne que les êtres humains de sexe masculin, possédant un certain nombre de biens, payant l’impôt et d’un certain âge. L’égalité dite universelle ne l’est pas dans les faits, puisqu’elle omet d’inviter au banquet de la République la moitié de sa population aux motifs qu’elle est incapable.

7Le code civil de 1804 ne se contente pas d’enregistrer cette absence, il institutionnalise la domination des hommes sur les femmes dans le cadre des liens du mariage. Les femmes sont placées sous l’autorité paternelle et maritale, elles doivent obéissance et reçoivent en contrepartie une certaine protection. Il apparaît clairement que le système juridique français a constitué pour les femmes une source d’oppression (Langevin, 2008). L’élaboration du droit est empreinte des valeurs, des rapports sociaux de sexe d’une époque donnée, en l’occurrence particulièrement androcentrée. Le droit n’est pas seulement technique, il est aussi une création politique et sociale, « contextualisée ». « Le droit est sexué soit explicitement en énonçant des lois et des normes séparées pour les femmes et les hommes, soit implicitement en excluant irrévocablement, au motif de leur « nature », les femmes de la Société des égaux » (Vogel-Polsky, 1996, p. 13).

8L’entrée des femmes dans les manufactures au moment de la Révolution industrielle a fragilisé l’édifice d’incapacité pour des raisons économiques autant que sociales. Afin de préserver leurs fonctions de reproduction et leur rôle dans l’entretien de la force de travail des hommes, des coalitions d’intérêts entre la classe politique et le patronat ont débouché sur des compromis juridiques aux termes desquels le système d’incapacité civile (1938-1965-1970) et civique (1944) des femmes a fini par se fissurer (Junter, 1981).

9L’évolution s’est accélérée dans la seconde moitié du XXe siècle, avant qu’une véritable fièvre réformatrice (Dhavernas, 1978) s’empare de la Ve République. En 1946, le Préambule de la Constitution française reconnaît enfin le principe d’égalité entre les femmes et les hommes devant la loi : « la loi garantit à la femme des droits égaux à ceux de l’homme dans tous les domaines ». La Constitution de 1958, en intégrant le Préambule de 1946 reprend le principe d’égalité à son compte. Il faut toutefois noter qu’elle affirme, à l’article 2, que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens » précisant « sans distinction d’origine, de race ou de religion » mais le critère du sexe n’y est pas inclus [1]. Néanmoins, les législateurs successifs vont, pas à pas, inscrire le principe d’égalité dans toutes les branches du droit avec plus ou moins de conviction et de précision, mais sans vraiment s’interroger sur la portée réelle des principes énoncés et sur leur efficacité.

10À partir des années 1970, l’arsenal juridique enrichi de textes relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes est prêt à intégrer le délit de discrimination sexuelle (code pénal, 1975). La loi du 4 août 1982 relative à la liberté d’expression des salariés et au droit disciplinaire et celle du 13 juillet 1983 relative à l’égalité professionnelle font entrer l’interdit dans le code du travail (anciens articles L.122-45 et L.123-1 du code du travail). Néanmoins, il faut attendre les années 2000, notamment le débat sur la parité et la forte pression exercée par le droit international et surtout communautaire pour que la question des discriminations soit véritablement activée dans les débats politiques et que l’approche soit renouvelée dans le droit social.
Ce rapide survol historique donne à voir selon Eric Fassin « que le lexique des discriminations, impensable quelques années plus tôt est devenu pensable, mieux, il s’impose désormais comme une évidence. N’est-il pas entré dans le vocabulaire institutionnel, comme l’envers d’une logique démocratique dont l’égalité est l’avers ? » (Fassin, 2008, p. 15). En dépit de ces avancées, si le terme de discrimination commence à saturer l’espace public, la catégorie discrimination sexiste est loin de constituer une demande sociale massive et d’envahir les prétoires. Son entrée dans le « vocabulaire institutionnel » n’est pas le fruit du hasard, mais bien d’une construction progressive largement inspirée par le droit international et communautaire.

1.2 – La contribution fondamentale du droit international et européen

11Le processus de circulation des réglementations dans un monde globalisé a participé à la sortie française du déni en matière de discrimination. Les engagements internationaux de la France (ONU, Conseil de l’Europe, OIT) et, surtout dans la construction européenne, ont exercé une pression transformatrice sur le droit national. Mais par delà la contrainte constitutionnelle, le droit international et, particulièrement le droit européen, ont joué un rôle de laboratoire du droit de la non discrimination.

12Le droit de la non discrimination à l’égard des femmes est d’origine internationale et il est intrinsèquement lié à la reconnaissance par l’Organisation des Nations Unies (ONU) du principe d’égalité entre les femmes et les hommes. S’il s’agit en 1946, année de création de l’ONU, d’une égalité devant la loi – égalité formelle –, le principe a évolué peu à peu vers une égalité dans la loi – égalité des chances –, puis une égalité par la loi – égalité substantielle. Le droit communautaire, à cet égard, a permis d’apporter des innovations afin de tendre vers une égalité réelle. La dynamique de ces dernières décennies est portée par une volonté de rendre une certaine effectivité au principe d’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, « l’affirmation du principe d’égalité ne pouvait suffire à lui seul à réaliser l’égalité hommes/femmes » (Lanquetin, 2003, p. 333). La reconnaissance du principe de non discrimination était une étape indispensable.

1.2.1 – Reconnaissance internationale du principe général de non discrimination : une égalité formelle

13À la création de l’ONU, l’égalité entre les femmes et les hommes est reconnue dans le traité international qui la constitue, la Charte des Nations Unies. L’insertion de ce principe est le fait de militantes féministes [2], présentes au sein de certaines délégations, qui ont su, grâce à l’appui de Eleonor Roosevelt, faire entendre leurs revendications.

14Ainsi, le Préambule de la Charte énonce : « Nous, Peuples des Nations Unies, résolus : (…) à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes. (…) ». L’article 55 de la Charte précise que les Nations Unies doivent promouvoir « le respect universel et effectif des droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

15Ainsi, se retrouvent promus dans un même texte l’égalité entre les femmes et les hommes comme principe fondateur et la non discrimination sexuelle pour le respect effectif des Droits de l’homme pour tous et toutes. Dans le cadre de la Charte des Nations Unies, il ne s’agit que d’une « déclaration de principe » puisque les droits et les libertés auxquels elle se réfère ne seront détaillés que plus tard dans la Charte des droits de l’homme (DUDH, Pactes de 1966). Néanmoins, compte tenu de la place particulière de cet instrument, la reconnaissance de ce principe dans le corpus juridique international marque un tournant important et sert de fondement à l’évolution juridique à suivre.

16La Commission de la condition de la femme (CSW) [3], créée en 1946, en contribuant aux débats sur la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), a permis au moins d’obtenir une rédaction épycène du texte [4]. Les membres de la CSW participèrent également à la rédaction des deux pactes adoptés en 1966 [5]. Les articles 2 (égalité en droits) et 3 (non discrimination) des deux Pactes (1966) renforcent à la fois la reconnaissance des principes d’égalité entre les femmes et les hommes et de non discrimination à raison du sexe et marquent également leur interdépendance. Le principe de non discrimination peut être vu comme « la formulation inverse du principe d’égalité et l’un des principaux droits fondamentaux de la personne humaine, sinon le principal » (Bossuyt, 2002). Autrement dit, « constituant l’un des fondements des démocraties modernes, le principe d’égalité a pour corollaire logique celui de non discrimination » (Borgetto, 2008).

17La Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, adoptée par le Conseil de l’Europe en 1950, apporte une contribution novatrice en reprenant à l’article 14 ce principe et en « listant » les motifs de discrimination [6]. Figurent parmi les discriminations prohibées, celles « à raison du sexe ». Il ne s’agit pas d’une interdiction absolue des distinctions. La Cour européenne des droits de l’homme a précisé dans une jurisprudence constante les champs d’application de cet article. En effet, les États parties peuvent tout à fait autoriser des distinctions, à condition qu’elles soient légitimes et proportionnées. C’est-à-dire qu’elles doivent être justifiées par la nécessité de préserver l’intérêt général, par exemple, et les moyens auxquels il est recouru doivent être proportionnés au but recherché.
La reconnaissance de la non discrimination va au-delà des instruments internationaux ; ce principe est reconnu comme étant une norme impérative de droit international général (jus cogens), une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États, à laquelle aucune dérogation n’est permise [7]. Parmi ces normes impératives figure l’interdiction de la discrimination raciale. C’est en son nom qu’a été dénoncé le régime d’Apartheid en Afrique du Sud. Cette reconnaissance universelle implique-t-elle d’emblée qu’il en va de même pour la discrimination sexiste ?
La tentation est forte pour les juristes de ne pas reconnaître la dimension universelle du principe de non discrimination sexiste et de la rendre invisible, au motif, notamment que la positivité irréfutable du principe d’égalité entre les femmes et les hommes suffit à en assurrer l’effectivité. Cette conception très présente dans la philosophie des Lumières, inspiratrice des droits de l’Homme, en consacre l’universalisme et par là, une certaine « neutralité ». Comme l’observe Eliane Vogel-Polsky, cette égalité devant la loi, reconnue dans ces textes, s’accommode de différenciations et d’inégalités « justifiées », notamment pour les femmes. Elle estime qu’« elles ne pourront donc pas prétendre à l’égale protection d’une loi qui ne les vise pas » (Vogel-Polsky, 1996, p. 15).

1.2.2 – Prise en compte progressive de la non discrimination sexiste : vers une égalité des chances

18Peu à peu, la théorie de l’égalité, sous l’influence de l’approche anglo-saxonne, au sein du système des Nations Unies tend vers une égalité dans le droit, une égalité des chances, pour prendre en compte les différences de situation des femmes et des hommes et rééquilibrer leur statut dit de groupe particulier. Les conventions adoptées dans le cadre du système des Nations Unies, que ce soit par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ou par l’Assemblée générale de l’ONU, ont promu de plus en plus clairement cette approche. La Convention C.100 de l’OIT de 1951 [8] qui porte sur l’égalité de rémunérations entre les femmes et les hommes s’inscrit dans cette démarche et sort du strict cadre de la protection des mères ou l’interdiction du travail de nuit des femmes [9]. Elle demande expressement aux États parties de recourir à tous les moyens appropriés pour assurer l’application d’une égalité de rémunération, « sans discrimination fondée sur le sexe ». L’article 2 dispose que : « ce principe pourra être appliqué au moyen : a) soit de la législation nationale (…) d) soit d’une combinaison de ces divers moyens ». La Convention C.111 de l’OIT de 1958 [10] consacre la lutte contre les discriminations, notamment sexuelles, et promeut à l’article 2 « l’égalité de chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, afin d’éliminer toute discrimination en cette matière ». L’accent est mis sur les moyens à déployer pour donner les « mêmes » chances pour accéder à l’égalité formelle. Mais les femmes et les hommes ont-ils les « mêmes » chances lorsque les rapports sociaux de sexe sont méconnus ? Cette évolution témoigne-t-elle pour autant d’une prise de conscience réelle de l’aspect systémique de ces discriminations ?

19La Convention (CEDAW/CEDEF) [11] sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée en 1979, constitue le point d’orgue de l’évolution vers l’égalité substantielle. Sous la pression d’ONG féminines présentes et actives, le système des Nations Unies a joué un rôle important pour la prise en compte de la dimension sexiste des discriminations [12]. La Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW/CEDEF) contribue à mettre en lumière l’aspect systémique des inégalités auxquelles les femmes sont confrontées. La terminologie « discrimination à l’égard des femmes » est enfin définie en termes clairs à l’article premier :

20

Aux fins de la présente Convention, l’expression « discrimination à l’égard des femmes » vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.

21Les articles 2 et 3 incitent les États parties à prendre toutes les mesures appropriées, à recourir à tous les moyens, y compris législatif, pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention, pour les transposer en droit interne. Il semble assez clair, du moins, en 1979 que les rédacteur-trices ont fait le choix d’une obligation de moyens pour parvenir à une égalité dans les faits. D’ailleurs, les États parties peuvent recourir à des mesures temporaires spéciales, qui ne seront pas considérées comme étant discriminatoires (l’OIT reprend dans ce texte la notion d’actions positives).

22Toutefois, dans leur recommandation générale n° 25, les experts du Comité sont allés plus loin dans leur interprétation de la Convention en indiquant que « l’égalité de résultat est le corollaire logique de l’égalité de fait ou égalité réelle ». Le Comité considère que « les mesures temporaires spéciales envisagées dans la Convention sont un moyen d’instaurer l’égalité de facto ou réelle, plutôt qu’une exception aux règles de la non discrimination et de l’égalité » [13]. Cependant, avant de mettre en place toute mesure particulière, les experts précisent qu’il est essentiel de déterminer les causes des discriminations et d’« envisager la vie des femmes et des hommes dans leur contexte » [14], d’adopter une approche selon le genre.
Cet instrument, encore largement méconnu, propose une démarche intéressante pour peu qu’elle soit reprise par les États qui l’ont ratifié.

1.2.3 – Le droit communautaire et la non discrimination sexiste

23Le droit communautaire recourt très tôt et de préférence au principe de non discrimination plutôt qu’à celui de l’égalité. On peut observer cette tendance dès le traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne (CEE), en 1957. En effet, dans la première partie concernant les principes de la CEE, le lien entre non discrimination sexiste et égalité entre les femmes et les hommes est reconnu.

24L’égalité doit être vue comme une égalité de traitement, c’est-à-dire comme étant à la fois un objectif à atteindre et un fil conducteur du droit communautaire (Nourissat, 2008). Il ne s’agit pas vraiment d’une égalité érigée comme un principe absolu ; elle est avant tout abordée sous l’angle de la discrimination : l’égalité est constituée par l’absence de discriminations. Elle est par ailleurs circonscrite à l’égalité de rémunération [15]. D’une manière générale, la reconnaissance de ces deux principes s’inscrit principalement dans le cadre de l’égalité professionnelle, domaine qui entre dans le champ de compétence limitée de l’Union européenne [16].

25La jurisprudence de la Cour de justice illustre assez bien la préférence marquée pour une approche plus pragmatique inspirée du droit anglo-saxon (Miné, 1999). Le principe de non discrimination, considéré par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), comme principe général du droit communautaire, a été réaffirmé et conforté depuis l’adoption du traité d’Amsterdam [17]. Aujourd’hui, dans la version consolidée du traité sur l’Union européenne, l’article 2 dispose que l’Union est fondée sur des valeurs communes aux États membres « dans une société caractérisée par le pluralisme, la non discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ».

26Depuis 1975, le Conseil a adopté des directives [18] pour donner une certaine réalité à ces principes. L’Union européenne a démontré dans la directive du Conseil n° 76/207 du 9 février 1976 que l’égalité de traitement « ne fait pas obstacle aux mesures visant à promouvoir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes ». Cette orientation juridique et politique s’est poursuivie depuis et a été confortée dans la dernière directive 2006/54/CE. Le droit communautaire s’inscrit clairement dans une démarche d’égalité des chances, d’abord, mais de plus en plus, d’égalité concrète-réelle. Il préconise de façon explicite une obligation de résultat.

27La directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (dite directive refonte) reprend les avancées de la doctrine et de la jurisprudence [19] concernant la non discrimination sexiste. Elle définit à l’article 2 la discrimination directe et indirecte, le harcèlement sexiste ou encore la possibilité de recourir à des actions positives [20].

28L’adoption de cette dernière directive consacre le principe de non discrimination sexiste et plus « seulement » sexuelle. Cette évolution est liée à la démonstration et la reconnaissance de l’aspect systémique des discriminations commises à l’encontre des femmes, et au continuum existant entre le sexisme et les discriminations.

29Depuis les années 1970, les conférences onusiennes sur les femmes se sont fondées peu à peu sur les recherches sur les rapports sociaux de sexe pour élaborer leur plan d’action. La conférence mondiale sur les femmes de Pékin, en 1995, illustre cette évolution, en incitant dans son Programme d’action à l’adoption d’une perspective de genre dans l’élaboration des politiques publiques. Le Conseil de l’Europe [21] puis l’Union européenne [22] reprennent à leur compte cette « approche intégrée de l’égalité ».

30L’adoption progressive de cette dimension par les instances internationales, puis européennes, aurait pu rester au stade de l’engagement politique institutionnel, mais elle a été reprise par la Cour de justice de l’Union. La vérification des justifications des différences de traitement portées à sa connaissance l’a conduite à évaluer la « spécificité et l’historicité » des discriminations (Lanquetin, 2009) et à condamner les discriminations indirectes et sexistes. « La notion de discrimination indirecte est le point de départ d’une conception plus large et de plus grande portée, qui entreprend d’attaquer certains des piliers androcentriques du système » (Dzobion, 1997, p. 293).
Les pratiques d’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne, en s’efforçant de rechercher l’effet utile de décisions rendues, se rapprochent concrètement des préconisations des juristes féministes anglophones et francophones [23]. Ces dernières proposent, pour parvenir à l’égalité dans un domaine donné, de prendre en compte les expériences des femmes comme point de départ et ensuite, de les replacer dans le contexte général visé. Elles préfèrent un point de vue complexe d’ « initié » à un point de vue simplifié et abstrait d’« étranger » (Brems, 2006). Elles souhaitent valoriser ce qu’elles appellent la « jurisprudence » féministe. Cette jurisprudence s’interroge, sur la base d’un large champ d’étude, sur la concordance entre la loi et les situations vécues par les femmes, sur son rôle dans la perpétuation de systèmes inégalitaires et dans les processus de changement (Binion, 1995). Michelle Boivin a pu observer qu’une jurisprudence féministe est déjà en marche. Un nouveau paradigme se dessine dans les décisions de la Cour suprême du Canada (comme dans celles de la CJCE) reposant sur la prise en considération des récits des femmes et des rapports asymétriques entre femmes et hommes (Boivin, 1995). Charlotte Bunch et Gayle Binion sont convaincues qu’une perspective féministe des droits a une incidence sur tous les droits et pas seulement sur ceux des femmes (Binion, 1995 ; Bunch, 1990). Cela revient à considérer que les femmes ne sont pas discriminées à raison de leur sexe, mais à cause des rapports sociaux de sexe en cours dans les sociétés, à des temps donnés, que les règles de droit sont venues fixer [24].
Le droit anti-discriminatoire, largement pensé par le droit communautaire, ne s’inscrit pas aisément dans le droit français, conçu de façon abstraite et positiviste. Par ailleurs, c’est un droit d’origine anglo-saxonne pensé sur le modèle de common law, droit non écrit, qui donne une place prépondérante à la jurisprudence. Le pouvoir judiciaire est dans ce cas un instrument privilégié de transformation du droit, de son effectivité (Stoddart, 1995). Il faut rendre hommage à la Cour de justice de l’Union européenne d’avoir produit une jurisprudence abondante, audacieuse et inventive sur les discriminations sexistes. En effet, à partir des fenêtres juridiques présentes dans les traités et les directives, au demeurant parfois étroites, elle a inventé des catégories juridiques (discrimination directe qui a pour objet un traitement défavorable, discrimination indirecte qui a pour effet un traitement défavorable). Elle a développé une expertise dans l’utilisation du droit de la discrimination et de sa mesure (fait défavorable, fait justifié qui a un motif légitime, qui est proportionné à l’objectif poursuivi). Elle a même redéfini les contours du mode probatoire tout en renforçant la protection des personnes physiques et morales qui agissent en discrimination. Cette jurisprudence a joué un rôle essentiel dans la transformation du droit communautaire de la non discrimination sexiste et par voie de conséquence sur l’évolution du droit français.

2 – La transformation de la grammaire juridique française : de la non discrimination sexuelle à sexiste

31Comment restituer ce que dit le droit au sujet des discriminations entre les femmes et les hommes dans des termes accessibles aux profanes en respectant sa grammaire juridique et surtout sans nier sa complexité ? De nombreux juristes se sont déjà acquittés (et fort bien) de la tâche à partir d’entrées différentes : Danielle Lochak (droit public, 1987), Marie-Thérèse Lanquetin (droit social, 2008), Michel Miné (droit du travail, 2009), Michel Borgetto (droit public, 2008), Gwénaële Calvès (droit public, 2001) entre autres, sans compter les efforts d’accessibilité déployés par la HALDE sur son site [25] et à travers son e-learning. L’objectif n’est pas de revenir sur ces contributions, encore moins de les compléter, mais de dessiner le portrait des transformations récentes du dispositif français en insistant sur les évolutions réalisées et en soulignant les nouveaux espaces offerts par ces transformations à la lutte contre les discriminations sexistes.

32Sans nier les résistances opposées par certaines juridictions, il faut convenir avec Michel Miné (2009) que le droit de la discrimination sexiste est en train de devenir en France une ressource de plus en plus accessible et un instrument de plus en plus crédible pour lutter contre les traitements défavorables des femmes dans l’emploi, pour autant bien sûr que les femmes s’en servent ! Cette modification est due à la transposition du droit communautaire dans le droit du travail français effectué par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 [26] en raison de l’élargissement même des définitions de la discrimination, de la facilitation des modes de preuve et des nouvelles perspectives d’interprétation jurisprudentielle qui en découlent.

2.1 – Des définitions élargies

33La dispersion des interdictions de discriminer dans différentes branches du droit ne favorise pas l’approche et produit de la complexité entre différents régimes juridiques dont les champs d’application ne sont pas les mêmes et renvoient à des régimes probatoires et des sanctions différents. Une harmonisation s’est opérée depuis la loi du 26 novembre 2001 sur les critères de discrimination dans le droit pénal et social, et plus encore dans le cadre de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 « portant diverses dispositions d’adaptation en droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations [27] ». Enfin, le droit français s’enrichit des définitions des discriminations directes et indirectes et présente un cadre commun de référence qui ouvre de nouvelles perspectives aux justiciables. Toutefois, ce référentiel commun est plutôt inspiré de la tradition anglo-saxonne de la lutte contre les discriminations. La discrimination sexiste y occupe une place spécifique. Elle a fait l’objet d’une construction inédite, originale, directement inspirée du droit communautaire qui a servi de modèle pour les autres types de discriminations. L’approche juridique qui en résulte est très marquée par une interaction forte entre égalité, droit des discriminations et actions positives, mais elle reste très controversée et peu mobilisée.

34Certes issue d’une transcription laborieuse (Miné, 2008) et source de quelques frustrations (Peru-Pirotte, 2008), notamment dans la mesure où elle laisse à l’écart le délit de discrimination du droit pénal, la loi du 27 mai 2008 ouvre néanmoins l’ère d’une transformation radicale dans l’approche des discriminations liées au sexe. Adoptée dans l’urgence de la présidence française de l’Union et pour éviter une nouvelle mise en demeure par la Commission, les autorités françaises ont-elles vraiment mesuré la révolution qu’elles étaient en train d’accomplir [28] ?

35La seule transposition était en soi une promesse d’ouverture et, pour en mesurer l’ampleur, nous nous appuyons sur les définitions des discriminations qui sont « encastrées » dans l’article L. 1132-1 du code du travail. Elles concernent à la fois les employeurs de droit privé et leurs salariés ainsi que les personnels des personnes de droit public employés dans les conditions de droit privé. Elles s’appliquent à différents moments de la relation de travail : accès à des stages, recrutement, licenciements, qualification, classifications ou encore rémunérations. Aucun acte de la vie professionnelle n’échappe plus à l’emprise du droit de la discrimination selon le sexe.
Au préalable, il faut insister sur le fait qu’en droit, la discrimination est un acte qui suppose un actant (un acteur, un auteur, personne physique ou morale) qu’il faut pouvoir désigner, alors que les inégalités qui sont produites par le système et par les mentalités requièrent une action politique. La discrimination en droit commence quand est infligé un traitement défavorable considéré comme illégitime parce qu’il est exercé envers des personnes définies par leur appartenance à un groupe protégé en raison d’une caractéristique particulière (sexe, âge, handicap, ethnie, orientation sexuelle…), soit au total vingt motifs retenus par le droit français contre huit en droit communautaire. Très marquée par le contexte du droit pénal dans lequel elle a été initialement placée, la définition de la discrimination, y compris dans la relation de travail, a longtemps supposé de façon explicite ou implicite qu’il fallait que son auteur soit animé d’une intention de nuire et que cette intention pour être mesurée se traduise peu ou prou par une faute engageant sa responsabilité. Les modifications introduites par la transposition changent complètement la donne.

Article premier de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été et ne l’aura été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé.
Le champ d’application des définitions est large puisqu’il concerne les personnes publiques ou privées y compris celles exerçant une activité indépendante. Les domaines visés par l’interdiction de la discrimination directe ou indirecte selon le sexe sont l’affiliation à une organisation syndicale et aux avantages procurés par elle, l’accès à l’emploi, l’emploi en général, la formation professionnelle et le travail, y compris le travail indépendant ou non salarié, les conditions de travail et de promotion professionnelle. Sont également concernés, l’accès et la fourniture de biens et services. À cela s’ajoute la même interdiction directe et indirecte en raison de la grossesse ou de la maternité y compris du congé de maternité.

36La nouvelle définition, en plaçant au cœur de la discrimination le traitement défavorable fondé sur un motif prohibé, est un pas très important. En effet, il oblige à une immersion dans les faits pour caractériser l’existence ou pas d’un traitement défavorable, sa nature et son origine avec ou sans faute. Ce qui compte désormais c’est d’être, d’avoir été ou de courir le risque d’être traité défavorablement en regard de quelqu’un-e d’autre placé-e dans une situation comparable. Le défavorable et le comparable se retrouvent au centre du raisonnement et permettent de diversifier les outils de la démonstration en puisant dans l’ensemble du répertoire quantitatif et qualitatif des méthodes des sciences sociales.
Un autre pas est franchi, quand le législateur admet qu’un désavantage particulier affectant des personnes par rapport à d’autres personnes et résultant d’une disposition, d’un critère, d’une mesure neutre en apparence (au sens non lié au sexe ou l’un des autres motifs) est constitutif d’une discrimination qualifiée d’indirecte. À travers cette définition, il y a reconnaissance que la discrimination peut se nicher dans des instruments de gestion sans intermédiation humaine concomitante. Elle peut affecter des personnes en tant qu’elles sont membres de groupes et non seulement des individus placés dans une relation duale (employeur-salarié-e par exemple) et qu’elles peuvent se cacher derrière une pseudo-neutralité. Si toutes les inégalités entre les femmes et les hommes ne sont pas des discriminations, il n’en demeure pas moins que la définition de la discrimination indirecte favorise la plongée dans les inégalités de fait pour y débusquer les éventuels effets discriminatoires. Cette ouverture est contrebalancée dans la définition par la possibilité réservée aux entreprises de démontrer que ces sources de discrimination étaient objectivement justifiées par un but légitime et leur adoption nécessaire fondée sur des moyens appropriés. Ce changement de paradigme ne pouvait que déboucher sur la transformation du mode probatoire des discriminations.

2.2 – La preuve facilitée

Article premier de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008

Toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au vu de ces éléments il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination.

37À la lecture de cet article de la loi, il faut résister à la tentation de conclure au renversement de la charge de la preuve, bien que l’aménagement soit conséquent. Le déclenchement de l’action repose toujours sur la personne concernée par la discrimination directe ou indirecte ou les personnes autorisées à agir en son nom (associations ou syndicats remplissant les conditions requises). Elle ne peut se contenter d’être inerte, elle doit fournir les allégations de nature à faire présumer l’existence d’une discrimination.

38Dès lors qu’il existe une apparence de discrimination, il incombe à l’employeur de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de non discrimination. La justification apportée par l’employeur doit être objective, non liée au sexe et proportionnée à l’objectif poursuivi. Le risque de la preuve repose sur l’auteur présumé de la discrimination puisque, s’il échoue dans la démonstration d’une justification objective, fondée et proportionnée, la condamnation est au bout du parcours. Craignant de faire l’objet d’investigations approfondies dans la gestion de leurs ressources humaines, des entreprises ont plaidé en faveur de marges de souplesse, notamment dans le tri des candidats-es à l’embauche. Le législateur a pris acte de leur demande et a introduit à l’article L.1133-1 du code du travail une possibilité de maintenir des différences de traitement lorsqu’elles répondent « à des exigences professionnelles essentielles et déterminantes et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ». Reste aux tribunaux à concrétiser l’interprétation du cumul de ces conditions dont on imagine mal qu’elle devienne extensive.

2.3 – Entre résistance et innovations : la jurisprudence française se cherche

39La discrimination sexiste est une rupture du principe d’égalité, un dysfonctionnement dans les rapports sociaux femmes/hommes qui véhicule des marques de violence symboliques et matérielles. Par voie de conséquence, la conflictualité est au cœur même du droit de la non discrimination tant du côté des auteurs que du côté des victimes. L’enjeu du droit est la reconnaissance, la visibilité et la sanction réparatrice des faits et des actes discriminatoires. Les tribunaux sont les lieux par excellence du traitement de cette conflictualité dans un but de régulation et de pacification sociales.

40Cependant, les juges ne peuvent dire le droit que pour autant qu’ils sont saisis par des plaignants-es. Il faut bien convenir qu’en France la saisine des tribunaux pour affaires de discrimination sexiste est loin d’être une pratique répandue, et le contraste reste très marqué entre la perception des discriminations révélée par les sondages et études d’opinions et les bilans chiffrés de la justice. La création de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les dicriminations et pour l’égalité) par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 a facilité et dopé les recours mais dans une proportion qui reste faible pour le motif du sexe et souvent limité aux questions d’avantages particuliers attribués aux mères et réclamés par des pères. Néanmoins, le rapport 2009 de la HALDE [29] montre combien les personnes discriminées ont moins de réticence à faire des réclamations pour obtenir réparation. Il met en avant toutefois que ce sont encore majoritairement des hommes (56 %) qui se tournent vers cette instance. Il existe bien sûr une différence de proportion selon les critères. Il va sans dire que le critère de la grossesse fait l’objet de réclamations exclusivement féminines. On observe cependant que les critères pour lesquels ce sont les femmes qui font la plus grande part des recours, sont : le sexe (58 %), les convictions religieuses, la situation de famille et l’apparence physique.

41Les nouvelles dispositions de transposition ouvrent un espace d’interprétation favorable à la reconnaissance et au développement de la lutte contre les discriminations sexistes. Évidemment, la fragilité du dispositif repose sur la capacité des femmes discriminées à le mobiliser et sur l’engagement des tribunaux dans le champ des possibles mis à leur disposition. Les termes du débat se trouvent également modifiés par l’existence même de la HALDE qui peut être saisie en amont et en aval de la décision, par la montée en puissance des saisines dont elle est l’objet et par le développement et la reconnaissance de la qualité de son expertise par les tribunaux [30].
Historiquement, des divergences ont existé entre les interprétations de la chambre sociale et criminelle de la Cour de cassation. Cette dernière s’est montrée plus receptive à la reconnaissance de situations de discriminations, notamment salariales à l’issue de modes d’interprétation spécifiques au terrain pénal. Aujourd’hui, c’est entre Cours d’appel et chambre sociale de la Cour de cassation que le rapport de force est engagé sur des modes d’interprétation plus ou moins proches des raisonnements communautaires.

2.3.1 – Des traces de résistance

42Faisant fi des phénomènes de ségrégation horizontale et verticale du travail aux termes desquels les femmes et les hommes ne travaillent pas dans les mêmes secteurs d’activité, n’occupent pas les mêmes fonctions et n’ont pas les mêmes attributions, les tribunaux concluent parfois à l’absence de discrimination aux motifs que « n’effectuent pas un travail de valeur égale des salariés qui exercent des fonctions différentes ». C’est le point de vue de la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 juin 2008 (Société Sermo Montaigu c/Jany Fornassier, Droit Social 2008, pp. 15-18), dans une affaire concernant une directrice des ressources humaines qui invoque une discrimination salariale par rapport à ses collègues masculins exerçant des fonctions de directeurs industriel, d’études et commercial. La Cour d’appel avait pourtant précisé qu’il résultait des pièces produites que les salariés masculins exerçaient au même niveau hiérarchique, avec la même qualité de membre du comité de direction et la même classification, une fonction de directeur spécialisé, et que l’employeur ne précisait pas en quoi les fonctions n’étaient pas comparables. Au mépris des décisions de la CJCE [31] qui invite depuis longtemps les juges nationaux à rentrer dans le processus de comparaison de la valeur égale des fonctions – en se fondant sur les facteurs précis et concrets relatifs aux activités telles qu’elles sont effectivement exercées – la chambre sociale de la Cour de cassation anéantit l’application même du principe d’égalité salariale pour un travail de même valeur ou de valeur égale (article L. 3221-4 du code du travail).

43Fort opportunément, certaines Cours d’appel résistent à cette interprétation restrictive. Ainsi, dans une affaire voisine ayant fait l’objet d’un arrêt du 6 novembre 2008 (Bastien contre ABI, Le Droit Ouvrier, Mars 2009, pp. 135-139), la Cour d’appel de Paris prend le contrepried de l’interprétation de la Cour de cassation. Elle estime que la responsable des affaires juridiques des services généraux et du personnel aurait dû se voir attribuer le même titre et percevoir la même rémunération que les autres membres du comité de direction, aux motifs que les fonctions étaient de valeur égale et que l’employeur ne rapportait pas la preuve que « la présence des hommes était plus indispensable à l’entreprise que celle des femmes, leurs fonctions bien que différentes étant tout aussi vitales pour l’entreprise ».
Ce rapport de force entre les tribunaux sur le contentieux de la discrimination sexiste est un indicateur à la fois des résistances à l’intégration des approches du droit communautaire et des poussées favorables à la sortie des modes de raisonnement circulaires parfois soutenus par la Cour de cassation.

2.3.2 – Une décisison emblématique : l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 mai 2010

44L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 5 mai 2010, dans une affaire opposant la BNP-Paribas à l’une de ses cadres (disponible sur www.halde.fr), vient à point nommé illustrer à la fois les difficultés éprouvées par certaines juridictions françaises à modifier leur modes de raisonnement en matière de discrimination et fournir un signal de transformation des interprétations.

45Madame N est diplômée de l’École des Hautes études commerciales et de l’Institut d’études politiques de Paris. Elle a été embauchée à la BNP-Paribas, en qualité de cadre (analyste financier) en 1982 et y a poursuivi sa carrière jusqu’en août 2007. En début de carrière, elle a fait l’objet d’une évolution professionnelle dynamique au sein de la direction financière de la Banque. Elle est en congé maternité, allaitement et parental du 25 octobre 1989 au 6 janvier 2000. Au moment de sa réintégration en 2000, elle ne retrouve ni son précédent emploi, ni à défaut, un emploi similaire à celui qu’elle exerçait lors de son départ en congé, assorti d’une rémunération au moins équivalente. En juin 2000, elle intègre des fonctions technico-commerciales et marketing, après un stage découverte de plusieurs mois. Puis elle est mutée sur différents postes au sein des services de la banque. Elle constate une stagnation dans son évolution professionnelle. En 2005, elle alerte la direction des ressources humaines sur sa situation professionnelle. Malgré l’intervention des délégués du personnel, aucun accord n’est trouvé. En 2006, par courrier adressé à son employeur, elle retrace son déroulement de carrière, met en avant une différence de salaire avec ses collègues masculins et l’absence de remise à niveau malgré ses compétences professionnelles reconnues. En 2007, elle prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit le Conseil des prud’hommes d’une demande de résolution judiciaire du contrat de travail, ainsi que d’une demande d’indemnité sur le fondement du principe de non discrimination en raison du sexe, de la grossesse et de la situation de famille concernant sa rémunération et son déroulement de carrière.

46Par jugement du 19 mai 2008, le Conseil des prud’hommes de Paris a décidé que la rupture du contrat de travail de Madame N était imputable à l’employeur, mais a rejeté ses demandes relatives à la discrimination. Le Conseil des prud’hommes s’est fondé sur le principe à travail égal, salaire égal, pour évaluer la discrimination salariale et retenir un retard dans l’évolution de carrière, mais il ne se prononce pas sur les discriminations directes et indirectes fondées sur le sexe, la grossesse et la situation de famille que soulève Madame N.

47Il conclut que : « (…) Si la stagnation de carrière de Madame N est indéniablement la conséquence de sa très longue interruption et reprise à un taux très faible de 40 % les premières années et si ses efforts pour s’adapter à ses nouvelles affectations, l’augmentation progressive de son taux d’activité et la qualité reconnue de ses compétences et prestations n’ont pas été récompensées à leur juste valeur, il n’apparaît pas pour autant que cet état de fait soit la conséquence d’une volonté discriminatoire en considération du sexe et de sa situation de mère de famille nombreuse ».

48À partir d’une approche classique et datée, le Conseil des prud’hommes considère qu’il y a bien traitement salarial défavorable, mais il écarte la qualification de discrimination aux motifs que la volonté de discriminer de la part de l’employeur n’est pas apparente. La Cour d’appel de Paris va réformer cette décision en lui appliquant un raisonnement diamétralement opposé centré sur l’analyse des faits qui laisse présumer l’existence de plusieurs discriminations qui seront replacées dans leur contexte, tout en recherchant si l’entreprise avait ou pas des motifs objectivement justifiés, légitimes et proportionnés de pratiquer ce traitement défavorable infligé à la salariée au retour de son congé parental.

49La salariée a fait appel à la HALDE, laquelle dans une délibération n° 2009-404 du 14 décembre 2009, a considéré après expertise, que le ralentissement de carrière de Madame N et les difficultés auxquelles elle avait été confrontée, après son retour de congés maternité et parental, résultaient d’inégalités de traitement fondées sur le sexe, la grossesse et la situation de famille. Selon la HALDE, l’entreprise n’avait pas justifié sa gestion et les mesures prises à l’égard de Madame N, notamment au moment de sa réintégration, par des éléments objectifs, proportionnés et étrangers à toute discrimination.

50En se fondant sur l’article L.1132-1 du Code du travail d’après lequel : « aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de promotion professionnelle en raison de son sexe, de sa situation de famille et de sa grossesse », la Haute autorité avait conclu que Madame N avait fait l’objet de discriminations cumulées directes et indirectes eu égard à sa réintégration, son déroulement de carrière et sa rémunération, au sens des articles L. 1132-1 et L. 1142-1 du Code du travail.

51La Cour d’appel de Paris a repris le raisonnement à son compte, après avoir procédé à l’examen successif des conditions de la réintégration de la salariée à l’issue de son congé parental, de son déroulement de carrière et de la stagnation de sa rémunération, et des motifs exposés par l’entreprise à l’appui de ses justifications. Elle condamne fortement la BNP pour le préjudice financier lié à la discrimination (plus de 150 000 euros de dommages-intérêts, plus 7 000 euros au titre du préjudice moral et la révision du calcul des indemnités de préavis, congés payés, licenciement sur la base du salaire réactualisé).

52Cet arrêt est exemplaire à plusieurs titres. Il y a d’une part, la nature même de l’affaire qui oppose une cadre diplômée du top management à un établissement bancaire signataire d’un plan d’égalité professionnelle (9 avril 2004) et ayant souscrit pas la voie conventionnelle de nombreux avantages en termes de conciliation (congé sans solde supplémentaire, allocation spécifiques…). Il y a aussi, la longueur du congé parental de dix ans qui était liée à la présence de cinq enfants. En regard à ces circonstances, les juges ont affirmé la nécessité de ne pas sacrifier les droits prévus en matière de bilan de compétence et de formation et l’obligation d’actualiser au minimum les salaires du retour sur l’indice du coût de la vie, à peine de commettre une première discrimination. Il y a d’autre part, l’application dont témoignent les juges à comparer le déroulement de carrière à partir d’un panel de femmes et d’hommes ayant les mêmes diplômes que la demanderesse, les mêmes dates d’entrée et les mêmes anciennetés, à la fois dans l’un des pôles (semble-t-il le plus prestigieux de l’entreprise) et l’ensemble des services accessibles à Madame N en fonction de ses compétences. Il y a également, le soin attaché à la comparaison salariale et au calcul du préjudice financier lié à la discrimination. Les juges se fondent sur la méthode dite du triangle, consistant à retenir le salaire médian multiplié par le nombre d’années de discrimination rapporté au temps de travail, augmenté des droits à retraite et divisé par deux. Cet arrêt est exemplaire enfin, parce qu’au terme de leur raisonnement centré sur l’analyse du traitement défavorable et de la recherche d’éventuelles justifications, les sommes en cause sont importantes et en font un moment remarquable dans la lutte contre les discriminations sexistes.

53

Considérant que la société demanderesse ne fournit aucun élément objectif de nature à justifier l’inégalité générale de traitement entre hommes et femmes au sein de l’entreprise, ni au cas particulier de la plaignante, du retard de sa carrière et de la stagnation de sa rémunération, alors que l’interruption de sa carrière pour congé parental et son emploi à temps partiel ne peuvent constituer des motifs légitimes de différenciation tant au regard du droit interne que des principes découlant du droit communautaire.
Considérant que les éléments énoncés caractérisent suffisamment la situation de discrimination dénoncée qu’il s’agisse des conditions de sa réintégration, du montant de sa rémunération et de l’évolution de sa carrière à l’issue de son congé parental, ce qui rend la rupture du contrat de travail imputable à l’employeur.
L’arrêt se place indirectement par référence à la délibération de la HALDE sur le terrain d’une pluralité de motifs de discriminations selon le sexe, la maternité et la situation de famille. Il est également remarquable en ce qu’il s’appuie sur l’avis de l’inspection du travail selon lequel les femmes et les hommes n’étaient pas traités de manière égale sur le plan salarial, Madame N étant un cas particulier de discrimination dans cet ensemble inégalitaire.
La Cour dans cette affaire se situe complètement dans l’enjeu principal qu’est la mise en œuvre concrète de l’égalité entre les femmes et les hommes, à partir d’une reconnaissance rigoureuse et précise des discriminations sexistes et de leur condamnation ferme, afin que les femmes victimes obtiennent réparation.

3 – La concrétisation du droit antidiscriminatoire : les enjeux pour parvenir à une égalité réelle

54En dépit de ces transformations radicales de l’approche juridique des discriminations selon le sexe dans le droit du travail français, des questions restent en débat pour que le système évolue complètement vers l’application de l’égalité substantielle et se rapproche, ce faisant, du droit communautaire. Parmi ces questions générales et spécifiques à la France figurent le dilemme du recours aux actions positives illustré par la délicate affaire de la majoration des durées d’assurance retraite pour les mères (MDA) et les discriminations multiples.

3.1 – Le dilemme permanent des actions positives

55Le recours aux actions positives vient régulièrement questionner l’effectivité de la lutte contre les discriminations commises à l’encontre des femmes dans le droit français. La terminologie française de « discrimination positive » est d’ailleurs contestable et empêche probablement de les envisager comme des mesures adaptées pour lutter contre les discriminations. Ces mesures temporaires spéciales sont autrement connues sous la terminologie anglaise affirmative action. Il serait probablement préférable et moins sujet à controverse d’adopter la traduction littérale de l’expression anglaise, c’est-à-dire « action positive », dans une démarche politique, et d’utiliser mesures temporaires spéciales, dans une démarche technique.

56Quelle que soit la terminologie utilisée, il n’existe plus aujourd’hui d’obstacles juridiques : tous les systèmes juridiques en droit international, communautaire et national, reconnaissent la possibilité d’utiliser cette méthode proactive pour faire l’égalité (Junter, 2006).

57La Convention CEDAW/CEDEF de 1979, ratifiée par la France en 1983, prévoit dans son article 4 la mise en place de « mesures temporaires spéciales ». En droit communautaire, la CJCE [32] à plusieurs reprises a reconnu la validité de ces actions et la Directive 2006/54 (directive refonte-égalité entre les femmes et les hommes) les a introduites au nombre des moyens à mobiliser pour parvenir à une égalité réelle. Enfin, le droit français reconnaît la possibilité d’opérer des distinctions à condition qu’elles poursuivent un but légitime et qu’elles soient proportionnées à celui-ci [33]. La jurisprudence tant du Conseil d’État, de la Cour de cassation que du Conseil constitutionnel affirme en effet que toutes distinctions ou ruptures de l’égalité, ne constituent pas nécessairement une discrimination. Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007 que « le principe d’égalité s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général ». Le Conseil d’État considère également que des distinctions peuvent être opérées si elles sont légitimes, qu’elles poursuivent un objectif d’intérêt public et que les moyens pris soient proportionnés au but poursuivi [34].

58Mais dans tous les cas, la loi et la jurisprudence sont venues rappeler que pour être valides, elles devaient répondre à des critères précis : elles doivent être temporaires et spéciales. S’agissant du caractère « temporaire », il est clair que les mesures spéciales ne peuvent pas être nécessaires « à tout jamais ». Elles peuvent néanmoins s’inscrire dans la durée, qu’il conviendrait de déterminer sur la base de résultats, en recourant notamment à des indicateurs, et en prévoyant des évaluations régulières envisagées dès l’élaboration du texte de loi qui les instaure, avec un agenda précis. Les mesures sont « spéciales » parce qu’elles sont prises dans la perspective de la réalisation d’un objectif déterminé et précis, en l’occurrence l’instauration d’une égalité de fait entre les femmes et les hommes [35].
Avec l’adoption de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, qui reconnaît les discriminations directes [36] et indirectes [37], et le harcèlement (dans une moindre mesure), le droit français poursuit son intégration du droit anti-discrimination et envisage désormais, grâce à la réforme constitutionnelle 2008-724 du 23 juillet 2008, le recours à des actions positives. L’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté en première lecture, le 20 janvier 2010, la proposition de loi n° 2140 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle [38].

3.2 – Le cas particulier de la majoration de durée d’assurance des retraites des mères

59Le traitement récent de la question de la majoration de durée d’assurrance (MDA) pour les mères, qui a conduit à une nouvelle modification de la législation, peut paraître en comparaison étonnant. Mais ce qui l’est probablement le plus, c’est l’absence totale de référence au mécanisme des actions positives.

60En 1924, dans le contexte de l’entre-deux-guerres, l’attribution d’une majoration de durée d’assurance pour les mères – sous la forme de trimestres supplémentaires d’assurance par enfant à charge – s’inscrivait dans une démarche de protection de la maternité dans une vision familialiste. Les femmes fonctionnaires pouvaient partir à la retraite plus tôt lorsqu’elles avaient interrompu leur carrière pour assumer leurs responsabilités familiales. À partir de 1971, les femmes salariées dans le secteur privé bénéficient d’un avantage similaire, afin de compenser les inégalités professionnelles. Dans un cas comme dans l’autre, même si les visées sont quelque peu différentes, en raison du contexte national et international et des avancées des droits des femmes, il n’est pas ici question de mesures temporaires spéciales.

61Ces dispositions ont été attaquées devant les tribunaux par des hommes au motif qu’elles contrevenaient au principe d’égalité entre les femmes et les hommes, ceux-ci étant exclus de ce droit familial [39]. Les plaintes déposées ont abouti à des arrêts remarqués, qui ont même conduit à la saisine de la CJCE et au changement de la loi française. La CJCE, dans son célèbre arrêt Griesmar du 29 novembre 2001 [40], a reconnu que les femmes fonctionnaires étaient bien concernées par des « désavantages professionnels résultant de l’éducation des enfants » dont elles assumaient majoritairement la charge. Toutefois, la Cour a estimé que cela n’excluait pas la « comparabilité de leur situation avec celle d’un fonctionnaire masculin ». En outre, elle a observé que les « dispositions légales visaient exclusivement les mères et que des pères vivant de telles situations ne pouvaient prétendre à la bonification », « même si [le père] est en mesure de prouver qu’il a effectivement assumé l’éducation de ses enfants ». Elle a considéré que l’article L.12 du Code des pensions de la fonction publique méconnaissait le principe d’égalité de rémunération. À la suite de cette décision, le Conseil d’État a repris en partie les démonstrations de la Cour européenne. Cependant, l’exigence que le père rapporte la preuve de l’interruption de carrière pour élever ses enfants a été écartée par la juridiction française. Qu’importe que le principe d’égalité entre les femmes et les hommes n’ait pas été respecté, l’article incriminé devait être modifié ! Ce fut fait dans la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 sur la réforme des régimes de retraites : les hommes comme les femmes fonctionnaires peuvent désormais prétendre à ces droits familiaux.

62Mais les dispositions similaires, dans le secteur privé, n’ont pas été modifiées à cette occasion. Le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision 2003-483 DC du 14 août 2003, que « le législateur pouvait maintenir, en les aménageant, des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ». Il a précisé qu’une remise en cause de cette mesure « ne ferait qu’accroître encore les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes au regard du droit à pension ». Cette prise de position claire n’a pas empêché les recours de salariés du secteur privé s’estimant lésés. La Cour de cassation, en se référant à son arrêt du 19 février 2009 (pourvoi 07-20668), que l’article L.351-4 du Code de la sécurité sociale était « incompatible avec ces dispositions ». Face à cette jurisprudence, le gouvernement, une nouvelle fois, a décidé de modifier la loi.

63La dimension paradoxale de ces décisions est qu’elles reconnaissent toutes qu’il existe bien des inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes, qui sont liées à l’exercice déséquilibré des responsabilités familiales par les femmes. À aucun moment, il n’est envisagé d’en tirer les conséquences en refondant le texte relatif à la majoration de durée d’assurance pour les mères sur des actions positives. Anne-Marie Devreux observe que « le droit est en effet un espace de lutte entre dominants et dominées et si l’on pense immédiatement aux luttes que les femmes ont menées dans ce domaine pour faire progresser leur situation sociale ou politique, on voit moins que les hommes exercent également des pressions dans ce champ pour contrôler et réduire les effets, sur les bénéfices qu’ils tirent de leur domination, des mesures légales prises en faveur des femmes. (…) Des hommes contestent le principe même de droits favorables aux femmes par leurs pratiques visant à en détourner le sens ou à en revendiquer l’application pour eux-mêmes » (Devreux, 2009, p. 37).

64Il serait en effet tout à fait légitime et conforme à l’intérêt général, de vouloir compenser les inégalités liées à l’exercice des responsabilités familiales afin de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes en matière de retraite. Cela suppose de sortir du cadre de la protection de la maternité et de privilégier l’approche selon le genre : accorder aux femmes un droit à la majoration en raison du désavantage existant dans leur carrière et l’étendre aux hommes ayant subi le même désavantage. Ce procédé a d’ailleurs déjà été mobilisé en matière de départ anticipé après 15 ans de service effectif dans la fonction publique, depuis la loi de finances rectificative n° 2004-1485 du 30 décembre 2004.

65Pour être tout à fait conforme au droit communautaire, ces mesures doivent être temporaires, « tant que durent les inégalités ». Elles doivent donc faire l’objet d’évaluation régulière, être mesurées, par le biais d’indicateurs et de statistiques. Le recours à des mesures temporaires spéciales, compte-tenu des inégalités professionnelles, constitue un moyen proportionné aux buts recherchés : l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la non discrimination sexiste.
Mais ce n’est pas cette option qui a été choisie. Désormais, les pères et les mères se « partagent » ce droit : un an pour chacun. Cette option laisse planer sur le dispositif un certain nombre de questions, en particulier celle du conflit entre les parents et celle des inégalités professionnelles persistantes en termes de salaires qui amputent gravement les pensions de retraite des femmes.
La réforme des retraites qui doit être présentée aux votes des parlementaires à l’automne 2010 peut être une nouvelle occasion de présenter comme voie possible le recours à des actions positives pour la MDA des mères. Elle constitue une opportunité pour repenser la façon de légiférer en intégrant la perspective du genre appellée de ses voeux par l’Union européenne.

3.3 – La délicate question des discriminations multiples

66Ce concept de « discriminations multiples » est apparu à la fin des années 1980, sous la plume de Kimberlé Crenshaw, auteure noire américaine, dans le cadre d’une étude portant sur les situations discriminatoires vécues par des femmes noires. Elle observe dans ses travaux que ces femmes, appartenant à plusieurs groupes discriminés, sont victimes d’une forme spécifique de discrimination, qui n’est pas réductible à l’addition de deux critères : l’origine et le sexe. Elle constate dès le début des années 1990, que la prise en charge par la justice d’un seul de ces motifs empêche la juste réparation de ces discriminations particulières (Crenshaw, 1993).

67Un contexte politique international favorable, avec la tenue de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en 2001, a permis la reconnaissance de ce concept. Dans la perspective de cet événement, le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale adopte une recommandation générale sur la dimension sexiste de la discrimination raciale [41]. S’inscrivant dans la continuité des études sur les multi-discriminations, il reconnaît qu’elles entraînent des conséquences différentes et qu’elles aggravent même certaines situations discriminatoires [42]. En outre, il observe que les victimes rencontrent des difficultés pour accéder aux mécanismes de protection et de recours. Dans ce cadre, les discriminations multiples sont plutôt envisagées comme une combinaison, une discrimination venant aggraver une autre forme de discrimination.

68Timo Makkonen met en avant l’aspect intersectionnel des discriminations, en expliquant qu’elles interagissent entre elles, de telle sorte qu’elles sont inséparables. Pour illustrer son propos, il prend l’exemple, comme Kimberlé Crenshaw, des femmes des minorités ethniques pour montrer qu’elles sont discriminées sur la base de préjugés et stéréotypes qui leur sont spécifiques, et qu’elles sont ainsi confrontées à des conséquences autres que celles rencontrées par les hommes de cette même minorité (Makkonen, 2002).

69La prise en compte, à l’heure actuelle, d’un seul motif, s’explique notamment par le fait que les ONG ou acteurs et actrices de la lutte contre les discriminations s’investissent souvent sur un seul critère ; c’est notamment le cas des associations féministes. Les questions de la discrimination sexiste et raciale sont souvent traitées par des institutions différentes. En France, la création de la HALDE [43] pourrait être vue comme une tentative de prise en compte de l’ensemble des aspects et des critères des discriminations.

70Le droit communautaire et le droit national sont encore relativement réticents à traiter ces diverses manifestations. Bien qu’elle témoigne d’une forte volonté d’appliquer une politique transversale et concrète de lutte contre les discriminations sexistes, l’Union européenne [44] ne condamne pas expressément, dans le cadre d’une directive, les discriminations multiples. Peu de pays ont fait le choix d’une reconnaissance légale de cette dimension multiple. L’Allemagne, l’Espagne, l’Autriche et la Roumanie ont adopté des lois allant dans ce sens, à des degrés divers, avec des procédures ou des conséquences juridiques et judiciaires différentes [45]. En outre, ces lois sont trop récentes pour que l’on ait une idée de leur efficacité et leur effectivité.

71Pour les pays de l’UE qui n’ont pas encore légiféré, il reste l’apport de la jurisprudence. Pour les tribunaux, quel que soit le pays concerné, il est encore difficile de démontrer l’intersectionnalité, ou encore d’envisager une peine et une réparation satisfaisantes. Dans certains cas, le tribunal [46] reconnaît bien l’aspect pluridimensionnel de la discrimination mais, dans l’incapacité d’établir une comparaison, il considère qu’il vaut mieux juger des critères séparément (Moon, 2006).

72En France, le choix est souvent fait de se focaliser sur une dimension des discriminations, la race ou le sexe, et même si la combinaison est reconnue, elle est écartée faute de pouvoir le prouver. Les conseils juridiques préconisent aux plaignants-es d’adopter une approche stratégique, de se focaliser sur le motif qu’il semble plus aisé d’étayer avec des arguments solides. Il paraît évident que la reconnaissance et la réparation des discriminations multiples sont pour le moins compromises à court terme. Mais la dernière décision de la Cour d’appel de Paris du 5 mai 2010 (cf. supra) donne une lueur d’espoir.

73Au demeurant, pour régler cette problématique des discriminations multiples, il reste à clarifier la délicate question de la mesure des groupes discriminés. Comme le souligne Anne Philips : « alors qu’il a toujours été peu vraisemblable de penser la société comme une collection d’individus distincts ou comme une entité, qu’il s’agisse de la “nation” ou du “peuple”, il est particulièrement difficile, à l’heure actuelle, d’admettre une interprétation de la politique qui fasse abstraction des groupements selon la race, le genre, l’ethnicité, la sexualité, l’âge, la religion ou la classe » (Philips, 2002, p. 43).
Dans cette optique, il serait nécessaire de pouvoir mesurer les différents types de discriminations. Les débats français sur les statistiques discriminatoires n’ont pour l’heure pas apporté de réponse ni en termes de compréhension des phénomènes, ni en termes de conception de dispositifs adéquats. En France, les données statistiques sont clairement insuffisantes, et non systématiques, pour aider les tribunaux ou les pouvoirs publics à considérer la pluri-dimension des discriminations. Cette démarche est d’autant plus importante que « la discrimination ‘systémique’ s’observe en dehors de l’intentionnalité, elle s’appréhende essentiellement dans les effets et les conséquences d’un traitement » (Simon et Stavo-Debauge, 2004, p. 67).
La stratégie de la multidiscrimination suppose que les pouvoirs publics fassent évoluer leurs pratiques, sortent du strict cadre juridique et judiciaire pour élaborer des politiques publiques, conçues de façon transversale, combinant à la fois le droit et les campagnes de sensibilisation et de formation. Pour reprendre l’expression retenue par Joan Stavo-Debauge, il s’agit d’opter pour une « politique du droit » au sens d’une réarticulation entre le droit et la politique. Il considère que la politique peut constituer un instrument plus « volontariste » que le droit, qu’elle peut s’adresser au grand public [47], tout en prenant des mesures à l’égard d’un groupe discriminé identifié. À l’inverse, le droit peut être à son tour un instrument d’une politique, en instaurant des sanctions ; il peut alors agir comme une menace et représenter une incitation à l’action, en l’occurrence, lutter contre les discriminations sexistes (Stavo-Debauge, 2008).

Conclusion

74Lentement et non sans résistance culturelle, le droit français du travail commence à intégrer les innovations introduites par le droit et la jurisprudence communautaires dans le traitement des discriminations directes et indirectes. Cette intégration est porteuse de nouvelles perspectives pour la lutte contre les discriminations sexistes et, par voie de conséquence, pour s’engager dans la voie de l’égalité substantielle entre les femmes et les hommes. Toutefois, elles demeurent tributaires d’un usage social du droit accru et d’une certaine audace des juges.

75Pour atteindre cet objectif, il faudrait entre autres que les femmes participent pleinement et à égalité dans les prises de décision, qu’elles soient plus nombreuses dans les instances de pouvoir, notamment judiciaire, pour que les normes soient écrites et interprétées à quatre mains.

76En dépit de la féminisation de la justice, si les femmes représentent 55,7 % des magistrats de l’ordre judiciaire, elles ne sont que 17,5 % à occuper des emplois de direction [48]. De la même manière, malgré les lois sur la parité, les femmes sont encore nettement minoritaires au Parlement (18,5 % à l’Assemblée nationale et 21,9 % au Sénat).
Si le droit fixe les normes, elles ne sont pas immuables et les juristes peuvent aussi participer à cette évolution. Pour cela, il paraît utile d’intégrer une perspective de genre dans les travaux de la doctrine et de la jurisprudence. Développée dans les pays anglo-saxons, cette approche est plus ou moins redoutée en France, à la fois par crainte de remise en cause de l’universalisme de la norme, de l’égalité formelle et d’une vision « trop féministe du droit » (Dhoquois, 2001). Toutefois, c’est la « politique du droit » adoptée par l’Union européenne et celle que la France est amenée à suivre par la contrainte des transpositions des directives.

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Notes

  • [1]
    La dernière réforme constitutionnelle de juillet 2008 est venue atténuer cette absence en modifiant l’article premier, combinant ainsi le principe général d’égalité devant la loi de tous les citoyens et l’obligation de favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités dans les domaines politique, économique et social.
    « Article premier de la Constitution – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
    La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
  • [2]
    Minerva Bernardino (République dominicaine), Virginia Gildersleeve (États-Unis d’Amérique), Bertha Lutz (Brésil), Wu Yi Fang (Chine) ont joué un rôle particulièrement important en tant que signataires. Elles furent soutenues dans leur démarche par Amalia Caballero de Castillo Ledon (Mexique) et Isabel De Vidal (Uruguay). H. Pietilä, Engendering the Global Agenda, publié sur internet (www.unsystem.org/ngls/), Service de la liaison non-gouvernementale des Nations Unies, Genève, 2002.
  • [3]
    Commission on the status of women (CSW) : commission technique du Conseil économique et social des Nations Unies, créée en 1946, sorte de « pendant » de la Commission des droits de l’homme, elle aussi commission technique du Conseil économique et social de l’ONU.
  • [4]
    W. Michael Reisman explique que l’insertion de l’égalité entre les femmes et les hommes avait à plusieurs reprises été écartée. L’expression proposée « l’égalité de droit de tout homme et toute femme » en groupe de travail en 1947 ne fut finalement pas retenue.
  • [5]
    Le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  • [6]
    La Cour européenne a reconnu le caractère impératif du principe de non discrimination, notamment dans un arrêt du 3 juin 2008, condamnant en l’occurrence des discriminations raciales.
  • [7]
    Cette définition est apportée par l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée en 1969.
  • [8]
    Ratifiée par la France le 10 mars 1953.
  • [9]
    Les premières conventions adoptées en 1919 dans le cadre de l’OIT ont porté sur la protection de la maternité C.3 et l’interdiction du travail de nuit des femmes C.4.
  • [10]
    Ratifiée par la France le 28 mai 1981.
  • [11]
    La Convention CEDAW a été adoptée le 18 décembre 1979 et ratifiée par la France le 14 décembre 1983.
  • [12]
    L’OIT a, elle aussi, contribué grandement à la reconnaissance de la non discrimination sexiste (C-111 de 1958) et de l’égalité professionnelle, notamment l’égalité de rémunération (C-100 de 1951), ou encore la « protection de la maternité » (C-3 1919 et la dernière C-183 de 2000) avec l’adoption de ces conventions.
  • [13]
    §14 de la Recommandation générale n° 25 (trentième session, 2004, Rapport du Comité, A/59/38).
  • [14]
    §10 de la Recommandation n°25. La position du Comité se conforme ainsi aux objectifs de la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, en 1995 en rappelant que les États doivent adopter une approche sexospécifique lors de l’élaboration des lois ou politiques nationales.
  • [15]
    La rédaction de l’article 119 du traité de Rome s’inscrit dans le contexte encore récent de l’adoption de la Convention C100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération, en 1951.
  • [16]
    L’extension du principe de non discrimination a été reprise dans la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée le 7 décembre 2000, à l’article 23 à « tous les domaines ». Désormais, la politique communautaire porte sur d’autres thématiques concernant l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment la lutte contre les violences à l’encontre des femmes (Programme DAPHNE : décision 803/2004/CE) ou encore leur égale participation à la prise de décision (Feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010 : COM(2006) 92 final).
  • [17]
    L’article 13 du Traité instituant la Communauté européenne (modifié par les traités d’Amsterdam et de Nice) permet au Conseil de prendre des mesures pour combattre les discriminations fondées sur le sexe, la race ou l’origine (…).
  • [18]
    Pour ne pas toutes les citer : Directive 75/117/CEE du Conseil du 10/02/75 sur l’égalité de rémunérations – Directive 76/207/CEE du Conseil du 09/02/76 sur l’égal accès à l’emploi, à la formation professionnelle et sur les conditions de travail – Directive 84/378/CEE du Conseil du 13/12/84 relative à l’égalité de traitement dans les régimes de sécurité sociale (…) – Directive 2004/113/CE du Conseil du 13/12/04 sur la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement dans l’accès aux biens et services.
  • [19]
    Discrimination indirecte : Arrêt Jenkins vs Kingsgate du 30/03/81 (Affaire 96/80).
  • [20]
    Cette terminologie est définie dans la partie III.
  • [21]
    L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes – Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des « bonnes pratiques » – Rapport final d’activités du Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité, Conseil de l’Europe, Direction générale des droits de l’Homme, Strasbourg, 2004, EG-S-MS (98) 2 rev.
  • [22]
    « Stratégie-cadre pour la non discrimination et l’égalité des chances pour tous », Bruxelles, le 1.6.2005, COM (2005) 224 final.
  • [23]
    Les juristes féministes francophones sont principalement installées au Québec : Michelle Boivin, Louise Langevin, Nathalie des Rosiers, Jennifer Stoddart, Ann Robinson, pour n’en citer que quelques unes.
  • [24]
    Certaines instances internationales, comme l’Organisation Mondiale de la Santé ou encore l’UNICEF, ont d’ailleurs recours à la terminologie « discrimination sexiste ». Elle est pour l’instant le résultat de la traduction de l’expression anglaise gender discrimination.
  • [25]
  • [26]
    JO du 28 mai 2008, p. 8801
  • [27]
    JO 28 mai 2008, 136.
  • [28]
    Le seul objet de ce texte est de transposer un certain nombre de dispositions communautaires. Le Gouvernement n’a pas choisi d’en faire un instrument d’approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations. Voir : Valérie Létard, Débats Assemblée nationale, 1e lecture, p. 12.
  • [29]
  • [30]
    Cf. les rapports annuels de la HALDE sur le site www.halde.fr.
  • [31]
    CJCE, Enderby 1993, aff C-127/92, CJCE, Brunnhofer, 26 juin 2001 aff. C 381/99.
  • [32]
    CJCE, Arrêt Commission des Communautés européennes c. République française du 25 octobre 1988, 312/86 / CJCE, Aff. C 450/93 du 17 octobre 1995, Eckhard Kalanke v. Freie Hansestadt Bremen.
  • [33]
    Cette possibilité était même envisagée dès 1789 à l’article premier : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».
  • [34]
    CE, 30 novembre 2001, n°212179. Cette décision rejoint la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment.
  • [35]
    Recommandation générale n°25 (trentième session, 2004, Rapport du Comité, A/59/38) du Comité CEDAW/CEDEF.
  • [36]
    La Cour de Cassation - Chambre sociale reconnaît la discrimination sexuelle en matière de promotion et de rémunération : Arrêt du 16/12/87 (Pourvois 06-45262).
  • [37]
    La Cour de Cassation - Chambre sociale reconnaît pour la première fois la discrimination indirecte : Arrêt du 09/01/07 (Pourvois 05-43962).
  • [38]
    Disponible sur le site www.observatoire-parite.gouv.fr
  • [39]
    Il est prévu, dans le régime des retraites français, des droits familiaux et conjugaux qui ont vocation à compenser les interruptions de carrières pour assumer la charge des enfants ou personnes dépendantes dans la liquidation des retraites et le calcul des montants des pensions. Ce ne sont pas à proprement parler des « avantages » puisqu’il s’agit plutôt de redistribution. Voir le Sixième rapport du Conseil d’orientation des Retraites, « retraites : droits familiaux et conjugaux », adopté le 17 décembre 2008.
  • [40]
    CJCE, Arrêt Griesmar du 29 novembre 2001, C-366/99.
  • [41]
    Recommandation générale XXV (Cinquante-sixième session, 2000), figurant dans le document A/55/18, Annexe V. Le Comité CERD a depuis continué d’intégrer une perspective de genre dans ses recommandations, notamment dans celles portant sur les Roms, sur l’ascendance ou sur les non ressortissants (R.G. XXVII, 2000/ R.G. XXIX, 2002/R.G. XXXX, 2005).
  • [42]
    Le Comité mentionne notamment dans cette recommandation les viols commis pendant les conflits armés, les stérilisations de femmes autochtones ou encore les violences perpétrées à l’encontre des employées domestiques immigrées.
  • [43]
    Délibération de la HALDE relative au refus d’accès à la cérémonie de remise des décrets de naturalisation dans l’enceinte d’une Préfecture en raison du port du voile n° 2006-131 du 05/06/2006. Voir aussi : Convictions religieuses / sexe : Délibération relative à la rupture du contrat d’une animatrice au sein d’une association pour enfants autistes ayant refusé de se baigner avec les enfants et de retirer son voile n° 2006-242 du 06/11/2006. Situation de famille / sexe : Délibération relative aux difficultés rencontrées par une femme veuve, ayant trois enfants à charge dont une fille trisomique, pour obtenir un logement social n° 2007-162 du 18/06/2007.
  • [44]
    Néanmoins, l’Union européenne a intégré explicitement cette dimension dans sa « Stratégie-cadre pour la non discrimination et l’égalité des chances pour tous », Bruxelles, le 1.6.2005, COM (2005) 224 final. : « Dans certains domaines, il peut être judicieux d’envisager l’élaboration d’une méthode intégrée de promotion de la non discrimination et de l’égalité des sexes, une méthode qui tiendrait compte du fait que certains peuvent subir des discriminations multiples fondées sur divers critères ».
  • [45]
    Commission européenne, Lutte contre la discrimination multiple : pratiques, politiques et lois, septembre 2007.
  • [46]
    Moon Gay, (2006), « Equal Treatment – Status and Future Perspectives », Study n° 2, The Danish Institute for Human Rights, 90.
  • [47]
    La politique, à l’inverse de la justice, ne traite pas d’un « cas » particulier mais d’une question dans son ensemble.
  • [48]
    Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – Politiques et pratiques 2008-2009. Voir aussi, Le Pors A. et F. Milewski, 2005, Vouloir l’égalité : troisième rapport du Comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs, La Documentation française.
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