Notes
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[*]
Cet article ne reflète pas les points de vue du Trésor des États-Unis d’Amérique.
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[1]
Les publications discutées dans cet article sont les rapports Objectif croissance ainsi que les articles de recherche qu’ils citent.
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[2]
Cet article a été rédigé avant la publication du rapport de la commission sur la mesure de la performance économique commandé par Nicolas Sarkozy. Présidée par Joseph Stiglitzn, elle a mis en évidence la nécessité de réformer la mesure du bien-être des nations. L’OCDE ayant partcipé à ces travaux devrait être à même de tenir compte rapidement de cette mise en cause de l’utilisation du seul revenu par habitant pour mesurer les écarts de niveaux de vie. Voir Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi (2009, 1 et 2)
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[3]
Brown, 2000.
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[4]
Fleurbaey et al., 2007.
- [5]
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[6]
Boarini et al., 2006.
-
[7]
Fleurbaey et al., 2007.
-
[8]
Brock et al., 2004 et Prescott, 2004.
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[9]
Brown, 2000 et la conclusion de Boarini et al., 2006.
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[10]
Solow, 1956.
-
[11]
Mankiw, Romer et Weil, 1992.
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[12]
Tables III, IV et V in Mankiw, Romer et Weil, 1992.
-
[13]
MRW est un acronyme contenant les initiales des économistes suivants : Mankiw (Gregory), Romer (Paul) et Weil (David).
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[14]
Romer, 1994.
-
[15]
Bassanini et Scarpetta, 2001.
-
[16]
Voir l’annexe de Conway et al., 2006.
-
[17]
Voir Romer, 1994, pp. 11-17.
-
[18]
Le modèle exposé dans la section 3.1 empile des variables de 21 pays de l’OCDE.
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[19]
Voir Conway et al., 2006, Section 3.1.
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[20]
Cette critique est aussi valable pour Aghion et Howitt, 2005. Les deux auteurs ont encore à modéliser en termes économétriques le processus de la destruction créatrice dans son intégralité.
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[21]
Comparer la note de bas de page numéro 9 de Conway avec la section 4.1 de Nicoletti et Scarpetta, 2003. C’est un manque de rigueur que d’utiliser la même spécification pour modéliser deux concepts aussi différents que la productivité du travail et la productivité multi-factorielle. Le premier concept se rapporte au facteur travail uniquement, alors que le second se rapporte à tous les facteurs autres que ceux de la fonction de production macroéconomique
-
[22]
Selon que le modèle est néo-classique ou néo-keynésien.
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[23]
Voir Prescott E., 2004 et Goodfriend et King, 1997.
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[24]
Voir table 21 dans UNDP, 2006.
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[25]
Voir les sites internet suivants www.theoildrum.com ; www.energybulletin.net ; www.odac-info.org
-
[26]
Voir Gourinchas et Rey, 2005.
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[27]
Voir Prescott et Kydland, 1982.
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[28]
Voir Brayton et al., 1997 et Goodfriend, 2003.
-
[29]
Voir les simulations macro-économiques de la seconde partie.
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[30]
Beetsma et Debrun (2004) analyse les interactions périlleuses entre la stabilisation et la croissance dans l’Union européenne à la suite de la signature du Pacte de stabilité et de croissance en 1997.
-
[31]
Cela veut dire qu’à chacun des sept chocs considérés correspondent sept simulations, dont chacune correspond à un pays en particulier du Groupe des Sept.
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[32]
Ces prévisions du modèle OEF sont présentées dans le tableau de l’annexe I.
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[33]
On suppose dans les simulations que la hausse annuelle de la PMF passe à 5 % dans chaque pays étudié.
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[34]
Les simulations supposent que chaque pays du G-7 autre que l’Allemagne a un taux d’inflation égal à celui de l’Allemagne: PGDP(t)=PGDP(t-1)*(1+ TX(PGDP(t))
PGDP étant le déflateur du PIB de l’Allemagne et TX l’opérateur du taux de croissance. -
[35]
Le Japon n’est pas pris en compte parce que son taux d’inflation moyen avoisinant zéro est plus significatif de la déflation que de la compétitivité.
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[36]
Les simulations supposent que les taux de salaire nominaux égalent la productivité moyenne du travail.
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[37]
Les simulations supposent que l’emploi productif et le PIB réel varient pari passu.
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[38]
Il n’y a aucune simulation des économies du Japon ou du Royaume-Uni parce que leur modèle ne converge pas dans l’hypothèse d’un ajustement instantanné de l’emploi à la production.
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[39]
Voir la première simulation de cette seconde partie.
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[40]
Voir Annexe VI.
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[41]
Voir Annexe VII.
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[42]
Voir Annexe VIII.
1Dans le cadre du renforcement de ses fonctions de coordinateur et de comparateur des politiques de croissance de ses pays membres, l’OCDE publie depuis le mois de mars 2005 un rapport annuel intitulé Objectif Croissance [1]. Chaque année, ce rapport analyse les composantes du revenu par tête de chaque pays membre. Celles-ci sont au nombre de deux : l’utilisation des ressources en main-d’œuvre (le rapport entre les heures de travail ouvrées et la population totale) et la productivité horaire du travail. L’utilisation des ressources en main-d’œuvre peut se décomposer en un produit entre les variables suivantes : a) le nombre d’heures ouvrées par salarié, b) le taux d’activité et c) le taux de chômage. La productivité horaire du facteur travail est le produit entre le capital utilisé pendant chaque heure de travail et la productivité multifactorielle.
2Les indicateurs qui précèdent ainsi que leurs composantes rendent possible l’identification des forces et faiblesses des pays membres. Celle-ci constitue une seconde étape dans l’approche de l’OCDE. Elle est fondée sur une analyse comparative qui a abouti, depuis l’année 2005, à ériger en références les indicateurs américains d’utilisation des ressources en main-d’œuvre et de productivité horaire du facteur travail.
3La deuxième étape de l’approche de l’OCDE va plus loin que l’identification de références. Elle cherche à expliquer les indicateurs de productivité et à déterminer les politiques prioritaires susceptibles d’élever le niveau des indicateurs des pays membres aux performances inférieures à la moyenne. Ces politiques sont définies en retenant les variables de politique économique reconnues par la littérature économique comme ayant un impact significatif sur les indicateurs considérés dans la première étape de l’approche de l’OCDE. Les variables de politique économique retenues dans les rapports Objectif Croissance peuvent changer d’une année à l’autre, mais elles se rapportent généralement à l’éducation et à la régulation des marchés des produits et du travail. Dans chaque pays dont les performances sont inférieures à la moyenne au cours d’une année donnée, elles doivent avoir un niveau inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE.
4L’approche en deux étapes, décrites ci-dessus, permet à l’OCDE de se présenter comme un club de convergence, c’est-à-dire une organisation animée par le dessein de créer la convergence entre ses membres en favorisant la discussion et l’adoption des meilleures pratiques (best practices) révélées par son analyse. Comme une suite logique à sa fonction de club de convergence, l’OCDE assure aussi une fonction de surveillance, qui se manifeste dans les rapports annuels Objectif Croissance par des recommandations de politique de croissance à ses membres.
5Dans les grandes lignes, l’OCDE recommande ainsi au Japon de se préoccuper de sa productivité du travail inférieure à la moyenne. Pour cela, le pays dispose des choix suivants : a) abaisser les barrières à l’entrée dans le commerce de détail et le secteur des services professionnels, b) réduire les subventions nuisibles au commerce international, accordées au secteur agricole et c) encourager les innovations technologiques en facilitant l’accès au capital-risque et en abaissant les barrières au transfert de savoir-faire technologique et managérial par les investisseurs directs étrangers.
6L’Union européenne doit quant à elle améliorer à la fois l’utilisation de ses ressources en main-d’œuvre et la productivité de sa main-d’œuvre, selon l’OCDE. Pour parvenir à ses fins, elle doit combattre l’inactivité : a) en réduisant les prélèvements fiscaux sur le revenu du travail et l’impôt sur l’activité des personnes ayant atteint l’âge de la retraite, b) en rendant les négociations salariales et la fixation des salaires plus adaptées à l’évolution économique et c) en assouplissant la protection des salariés. La libéralisation du marché des produits est d’autre part présentée comme nécessaire à l’accroissement de la productivité du facteur travail. Sans l’adoption de ces recommandations, l’intégration des pays de l’Union européenne ne constituerait pas le choc de compétitivité capable de susciter des innovations, du capital-risque, et de la compétitivité dans les technologies du futur.
7Les États-Unis d’Amérique (EUA dans la suite du texte) se voient aussi assigner un programme de réformes par l’OCDE à cause de la faiblesse de leurs performances en matière d’éducation secondaire, d’assurance maladie et de libéralisation du secteur agricole. Cette situation doit être corrigée, dit l’OCDE, même si elle n’a pas encore affecté la position des EUA en tant que référence en matière d’utilisation des ressources en main-d’œuvre et de productivité du travail..
On présente ici un ensemble d’arguments théoriques et empiriques qui infirment les recommandations de politiques de croissance soutenues par l’OCDE. On montre ainsi que a) les concepts clés de la théorie de la croissance, discutés par la recherche économique depuis le modèle de croissance de Solow de 1956, ne sont pas appliqués correctement par les rapports Objectif Croissance ; et b) que les politiques de croissance recommandées par l’OCDE ne sont pas validées par des tests de simulation macro-économique appliqués aux pays du Groupe des Sept.
Dans une première partie, nous mettons en doute la pertinence des concepts et schémas sous-jacents à l’approche en deux étapes présentées précédemment. La seconde partie de cet article utilise le modèle macro-économétrique de l’économie mondiale d’Oxford (OEF dans la suite du texte) pour prouver que, à supposer que les pays du Groupe des Sept adoptent les politiques de croissance de l’OCDE entre 2009 et 2014, leurs résultats macro-économiques ne vérifieraient pas toutes les prédictions des rapports Objectif Croissance.
1 – Critique des concepts de base de l’OCDE
8Niveau de Vie [2] : Les rapports Objectif Croissance (OC dans la suite du texte) posent la question fondamentale de l’écart entre le niveau de vie des ménages aux États-Unis et celui des autres pays de l’OCDE. Il est donc essentiel de savoir comment le niveau de vie des ménages des pays de l’OCDE est mesuré.
9L’OCDE définit le niveau de vie d’un pays par son revenu par tête, ce qui est conforme à la manière dont le modèle de croissance de Solow mesure le niveau de vie. Cependant, cette définition ne se prête pas à des comparaisons internationales à cause du fait que les pays de l’OCDE diffèrent non seulement en termes de nombre d’heures consacrées au travail et de taux de chômage, comme le disent judicieusement les rapports OC, mais encore en termes d’espérance de vie, de répartition des revenus et de pollution. Ces autres indicateurs, ayant une incidence sur le niveau de vie, doivent être pris en compte par le classement des pays de l’OCDE publié dans chaque rapport OC. Pour ce faire, l’OCDE peut recourir au concept de produit national net [3] pour rendre compte des différences de bien-être entre ses pays membres provenant de différence dans la qualité de l’environnement. L’OCDE peut aussi adopter le concept de revenu équivalent [4] pour inclure toutes les considérations écologiques et non-écologiques dans sa mesure du concept de niveau de vie.
10Les données statistiques sont disponibles qui permettent à l’OCDE d’élargir sa définition et sa mesure du concept de niveau de vie. Elle peut se prévaloir des données de ses pays membres qui alimentent ses bases de données en ligne [5]. Celles-ci sont relatives à l’éducation, la santé, le travail, la démographie, les dépenses sociales et l’environnement.
11Quant à l’argument avancé souvent par l’OCDE [6], selon lequel l’élargissement du concept de niveau de vie n’affecterait pas fondamentalement le classement des pays de l’OCDE publié dans les rapports OC, il est contredit par les travaux de Fleurbaey et Gautier [7]. Cet argument est en outre affaibli par le fait qu’aucun classement des pays de l’OCDE en termes de niveau de vie n’a de sens s’il ne s’enracine pas dans une explication de la manière dont la croissance contribue au bien-être. L’idée du modèle de Solow, selon laquelle le bien-être humain découlerait de la disponibilité en facteurs de production, de l’intensité capitalistique et de la technologie, a deux inconvénients : non seulement elle présente une image déformée de la contribution endogène du loisir et des ressources naturelles à la croissance [8] mais encore elle élude la tâche incontournable qui consiste à ramener à la même échelle les revenus nationaux des pays.
12En tant que club de convergence, l’OCDE devrait pouvoir éviter ces deux écueils. En combinant l’expertise et la connaissance de terrain de ses pays membres, elle devrait être en meilleure posture pour donner une réponse adéquate aux questions théoriques et techniques posées par la définition et l’application des concepts de revenu équivalent et de produit national net [9].
13Convergence : Le concept de convergence a une importance égale à celle du concept de niveau de vie dans les rapports OC. Il permet ainsi de caractériser les facteurs qui bloquent la résorption de l’écart entre le revenu par tête de l’Union européenne et celui des États-Unis, créant ainsi une panne de la convergence au sein de l’OCDE. Ces facteurs ne sont pas technologiques. S’ils l’étaient, la théorie néoclassique dit que les similarités technologiques entre l’Europe et l’Amérique et leur appartenance à la même économie mondiale se traduiraient par les mêmes rendements décroissants, la même intensité capitalistique et les mêmes productivités factorielles, trois prédictions non corroborées par les faits.
14La formulation du concept de convergence est toutefois ambiguë : elle implique que si le mécanisme de convergence n’était pas bloqué dans les pays de l’OCDE par des politiques économiques inappropriées, leur revenu par tête convergerait vers celui des États-Unis. En d’autres termes, le revenu par tête des États-Unis serait une sorte d’asymptote pour tous les autres pays de l’OCDE. Cette affirmation contredit le fait qu’aucune théorie de la croissance n’ait jamais soutenu que des pays différents doivent avoir asymptotiquement le même revenu par tête.
15Selon le modèle de croissance de Solow, le précurseur de la littérature sur la convergence [10], le revenu par tête de chaque pays tend vers un point stationnaire, qui est une fonction du point stationnaire de son rapport entre le facteur capital et le facteur travail. Ce dernier rapport dépend de la propension à épargner (s), du taux de croissance démographique (n) et de la dépréciation du facteur capital (d), étant donnée la fonction de production macroéconomique du pays. Par conséquent, deux pays différents à cause de leurs paramètres s, n et d ne peuvent pas avoir asymptotiquement le même rapport des facteurs capital et travail, encore moins le même revenu par tête.
16Le raisonnement qui précède indique que les États-Unis ne sauraient avoir le même revenu par tête que les pays européens à moins que les comportements économiques soient strictement identiques sur les deux rives de l’Atlantique, ce qui est improbable.
17Le test économétrique de la convergence au moyen de régressions sur des données de panel appliquées au modèle élargi de Solow [11] ne prouve pas non plus que les pays empilés (pooled) ont eu, ont ou vont avoir le même revenu par tête. Au cas où le coefficient de la variable explicative, appelée variable de convergence, serait à la fois négatif et statistiquement significatif, cela ne prouverait qu’une chose : que le taux de croissance d’un pays est d’autant plus élevé que son niveau initial de revenu par tête est bas [12]. Appliqué à l’écart de niveau de vie entre les deux rives de l’Atlantique, ce résultat dit qu’à supposer que le niveau de vie de l’Europe fût inférieur à celui des États-Unis, il devrait croître aujourd’hui plus rapidement que le niveau de vie américain. L’OCDE réfute cette assertion, mais les preuves qu’elle produit pour défendre sa thèse de la panne de convergence ne sont pas des preuves économétriques. Elles ne réfutent pas le test économétrique de la convergence au sein de l’OCDE publié par MRW en 1992 [13]. En outre, elles comparent tous les autres pays de l’OCDE aux États-Unis sans se poser la question de savoir si ce dernier pays est un individu statistique hors pair (outlier) biaisant tout test économétrique de la convergence au sein de l’OCDE.
18La littérature sur la croissance endogène ne se donne pas non plus pour but de défendre ou d’illustrer le concept de convergence. Au contraire, elle se justifie par la nécessité de rendre compte de la divergence entre les pays du monde en termes de revenu par tête [14]. Aghion et Howitt (2005) ne font pas exception à la règle. Leur formulation schumpétérienne de la convergence vise à décrire comment le processus permanent de destruction créatrice résulte d’une recherche de position monopolistique de la part des firmes innovatrices en vue de s’affranchir des effets de l’alignement continuel des pays en termes technologiques et managériaux dans un contexte concurrentiel.
19Benchmarking : les pays doivent apprendre les uns des autres précisément parce que leur niveau de vie n’est pas le même. Les critiques des rapports OC présentées ici ne rejettent ni l’idée de transformer l’OCDE en un club de convergence ni la pratique courante d’utiliser les résultats économiques des États-Unis comme des benchmarks. Cependant, deux mises au point sont nécessaires.
20Premièrement, l’adoption de la meilleure pratique par tous les pays membres de l’OCDE, tout en ayant une incidence sur la croissance, ne garantit pas que la divergence ex-ante des niveaux de vie s’estompe ex-post. En effet, l’uniformité des politiques de croissance d’un pays à un autre ne bouleverse pas la manière dont des pays aux conditions initiales différentes se font concurence les uns aux autres et croissent relativement les uns par rapport aux autres. Comme le souligne justement l’approche schumpétérienne de la croissance, l’égalisation des conditions entre des firmes ou des pays concurrents est une incitation pour que de nouvelles innovations et de nouvelles et meilleures pratiques surviennent et creusent de nouveau l’écart entre les concurrents.
21Deuxièmement, les politiques qui doivent faire l’objet d’un benchmarking ne vont pas de soi. D’après les rapports OC, seules celles qui ont un impact positif sur le niveau de vie sont admissibles. Deux chercheurs de l’OCDE, Bassanini et Scarpetta [15], l’ont parfaitement compris. C’est pourquoi ils ont construit un modèle de croissance élargi s’inspirant de MRW (1992) et incluant des facteurs institutionnels et de politique économique. Les variables explicatives statistiquement significatives de ce modèle représentent les seuls facteurs institutionnels et de politique économique qui soient admissibles. Le problème est que ces facteurs diffèrent des indicateurs de libéralisation des marchés du travail ou des produits si vantés dans les rapports OC. Ils se manifestent au travers des variables explicatives suivantes : l’inflation, la capitalisation boursière, la participation au commerce international, les investissements en recherche et développement, la taille du gouvernement. Ces variables impliquent que la surveillance de la convergence par l’OCDE aurait dû s’assurer que tous les pays membres combattent l’inflation, réduisent les ressources de l’économie absorbées par l’État, renforcent la confiance de la bourse, étendent leur participation au commerce international et promeuvent des innovations technologiques. Ce paquet de politiques a des points communs avec une politique de promotion d’une économie de marché, mais n’implique pas forcément la libéralisation intégrale de l’économie.
22Régulation du marché des produits : pour évaluer l’impact des régulations sur le marché des produits, l’OCDE (Conway et al., 2006) procède à l’agrégation des indicateurs de régulation [16] de sept secteurs non manufacturiers (transport aérien, chemins de fer, transport routier, gaz, électricité, poste et télécommunications) qui ont fait l’objet de libéralisation parmi ses pays membres. Le résultat est un indicateur macro-économique de régulation, lequel est une variable explicative de la productivité du travail dans une régression sur données de panel dont les autres variables explicatives sont la productivité du travail dans le pays leader, l’écart de productivité entre le pays leader et le pays à l’étude, des variables de contrôle non sectorielles, et des effets fixes représentant 21 pays, 7 secteurs et la période allant de 1978 à 2003.
23D’un point de vue macro-économique, il est judicieux de tirer les leçons provenant de méthodologies et de résultats d’origine sectorielle. Ceci ne saurait cependant justifier ni la simplification méthodologique ni le manque de rigueur dans l’analyse macro-économique, comme le montrent les cinq arguments qui suivent.
24D’abord un modèle de croissance complet est une étape incontournable pour la détermination des variables de contrôle d’une économie en croissance. Conway et al. (2006) ne peuvent donc pas faire l’impasse sur le modèle élargi de croissance de Bassanini et Scarpetta. Ou bien la première étude va au-delà des limites de la seconde, et propose un modèle alternatif qui est un dépassement ; ou bien la première étude s’appuie sur les résultats de la seconde étude. Conway et al. (2006) ont le défaut de ne respecter ni l’une ni l’autre exigence.
25Deuxièmement, un modèle de croissance endogène vise à décrire les rendements croissants qui surviennent à l’échelle macro-économique à mesure que se produit la croissance et qui résultent des externalités positives créées par la croissance de l’économie globale à l’échelle sectorielle et micro-économique. Le progrès technique, comme l’a bien noté Paul Romer, provient des objets que les gens fabriquent [17]. Néanmoins, Conway et al. (2006) ne réussissent pas à décrire le caractère endogène de la croissance. La régression sur données de panel [18] décrite précédemment est en fait une spécification de nature sectorielle. Chaque composante de la variable expliquée représente un secteur d’un pays donné. Ainsi aucune variable macro-économique n’est modélisée en réalité [19] ; on ne voit pas comment l’économie globale engendre la croissance d’une manière endogène.
26Troisièmement, Conway et al. (2006) prétendent que leur spécification économétrique est d’inspiration schumpétérienne parce qu’elle estime les facteurs de rattrapage relatifs aux secteurs qui ont un retard de productivité. Cette assertion est vulnérable à la critique car les variables explicatives des effets de rattrapage sont exogènes au lieu d’être endogènes. Le modèle à une seule équation de Conway et al. (2006) est loin de décrire comment la concurrence a) provient de l’inexistence de barrières à l’entrée et de la concurrence entre les firmes à l’échelle sectorielle ou multinationale ; b) contribue à l’avènement d’innovations ; et c) déclenche le processus de rattrapage [20].
27Quatrièmement, la modélisation de la productivité du travail par Conway et al. (2006) ne s’enracine pas dans une fonction de production. Elle n’a donc pas de fondement micro-économique, ce qui lui retire une bonne part de crédibilité. Cette carence se manifeste aussi par le fait que Conway et al. (2006) appliquent à la modélisation de la productivité du travail une spécification économétrique proposée antérieurement par Nicoletti et Scarpetta (2003) [21] pour modéliser la productivité multifactorielle, une variable qui est irréductible à la productivité du travail.
28Cinquièmement, les recommandations de régulation du marché des produits par l’OCDE reposent sur un autre aspect de la convergence. Elles supposent que l’alignement des politiques de dérégulation est la condition pour le rapprochement des niveaux de vie. Or cette conclusion de politique économique passe sous silence le fait, souligné antérieurement, qu’aucun avantage comparatif ni aucun rattrapage ne résulte mécaniquement du fait que les pays retardataires embrassent les mêmes politiques que tous les autres pays.
29Régulation du marché du travail : les rapports OC attribuent les déséquilibres du marché du travail à deux types de facteurs : d’une part, ceux qui sont retracés par les indicateurs classiques d’imperfection du marché du travail – indemnités de chômage, durée de versement des indemnités de chômage, prélèvements fiscaux sur les salaires, droit du travail, régulation du marché des biens, taux de syndicalisation, salaire minimum, taxation du travail temporaire, taxation du revenu du conjoint, allocations familiales, durée des congés payés, taxation du revenu du travail perçu après l’âge de la retraite – qui ont été testés maintes et maintes fois par la littérature économique ; d’autre part, les fluctuations macro-économiques dues à des facteurs exogènes ou à la politique économique.
30Cette bipartition des déterminants de l’utilisation des ressources en main d’œuvre requiert que le chômage soit décomposé en une composante structurelle et une composante cyclique. Le fait que l’OCDE se soit affranchie de cette exigence peut conduire à la prescription de politiques de lutte contre le chômage erronées. L’OCDE peut cibler le chômage structurel par des mesures de réforme du marché du travail dans un pays où il y a des capacités de production inutilisées. Elle peut préconiser une politique monétaire et budgétaire de relance dans un pays où le chômage est essentiellement structurel. Enfin, elle peut prescrire à la fois une politique de relance et la réforme du marché du travail dans un pays où la croissance est limitée par une insuffisance de la demande.
31L’inclusion des fluctuations de court terme dans les rapports OC pose un problème méthodologique : elle introduit des considérations d’analyse macroéconomique de court terme dans l’analyse de la croissance à long terme. Le modèle de croissance de Solow publié en 1956 évitait cet écueil en posant comme hypothèse que toute l’offre d’emploi était utlisée et que son taux de croissance était exogène. Les rapports OC auraient pu adopter une approche similaire en ne considérant que le chômage structurel. Cette attitude de modestie aurait été plus conforme au fait que les rapports OC ne considèrent que les questions liées à l’efficacité de la production et des facteurs de production, ce qui exclut non seulement l’examen des interdépendances [22] entre les variables de croissance et celles de court terme, mais encore l’étude de la détermination d’un équilibre ou déséquilibre macroéconomique au sens de la nouvelle théorie keynésienne ou du modèle du cycle réel des affaires [23].
32Le rapport OC de l’année 2007 permet de mettre en évidence une autre lacune méthodologique. Il souligne à juste titre que l’utilisation des ressources en main-d’œuvre dépend des effets conjugués des politiques et des institutions relatives au marché du travail. Cette affirmation étayée par l’expérience des pays nordiques implique, cependant, qu’aucune politique en particulier ne peut accroître l’utilisation des ressources en main-d’œuvre, et qu’il est vain d’associer une politique économique à chaque meilleure pratique relative à chaque indicateur du marché du travail. Au contraire, ce que le rapport OC de 2007 indique, c’est la nécessité de rechercher le paquet de mesures et de réformes institutionnelles cohérent qui soit le plus approprié à l’augmentation de l’utilisation des ressources en main-d’œuvre.
33L’écart de niveau de vie entre l’Europe et les États-Unis : à en juger par les rapports OC, l’OCDE est très préoccupée par l’incapacité de l’Europe de combler son retard par rapport au niveau de vie des États-Unis. Elle attribue cette incapacité au retard dans l’adoption des politiques qui ont fait de la technologie et de la productivité américaine des benchmarks. Cette canonisation de l’expérience de croissance des États-Unis est, cependant, vulnérable à la critique.
34D’abord, les États-Unis ne sont pas du tout dominants en termes de productivité par heure de travail, un indicateur par excellence de compétitivité. Les rapports de 2007 et de 2008 sont encore plus pessimistes : ils présentent les États-Unis comme un pays dont la productivité horaire est inférieure ou égale à celle de six pays européens – la Belgique, la France, l’Irlande, le Luxembourg, la Norvège et les Pays Bas. Ce résultat infirme la surimportance donnée à la suprématie technologique des États-Unis. Il démontre que le niveau de vie relativement élevé des États-Unis est plus dû au nombre élevé d’heures de travail par tête qu’à une supériorité technologique et/ou managériale. Il y a donc une autre leçon à tirer des rapports OC : l’OCDE devrait, au nom de l’objectivité, élucider les facteurs pour lesquels les autres pays membres sont aussi ou plus productifs par heure de travail que les États-Unis. Cette nouvelle problématique pourrait contribuer à donner une vision pluraliste à l’objectif de convergence de l’OCDE.
35Deuxièmement, les taux de chômage relativement bas des pays nordiques, en dépit de leurs allocations chômage élevés et de longue durée, auraient dû tempérer la tendance de l’OCDE à recommander un marché du travail aussi dérégulé que celui des États-Unis. Si les programmes d’intervention publique sur le marché du travail sont une réussite parmi certains pays membres, comme le dit le rapport OC de 2007, alors il devrait en découler la conclusion que la dérégulation n’est pas la seule solution à la sous-utilisation des ressources en main-d’œuvre. L’OCDE est cependant loin de proposer cette vision pluraliste de la lutte contre le sous-emploi.
36Troisièmement, les rapports OC sont si concernés par la décomposition du revenu par tête qu’ils perdent de vue les questions énergétiques. Or les pays européens sont deux fois plus efficients que les États-Unis du point de vue de l’utilisation des ressources énergétiques [24]. Cette donnée relativise la supériorité technologique des États-Unis non seulement en posant la question de savoir pourquoi cette supériorité ne se manifeste pas dans l’utilisation des ressources énergétiques, mais encore parce qu’elle indique qu’il existe un risque de ralentissement de la croissance américaine dans un futur proche, au fur et à mesure que les prédictions de déclin des réserves de pétrole du monde se matérialiseront [25].
Quatrièmement, contrairement aux thèses de l’OCDE, la technologie et la libre entreprise sont loin de rendre compte de la totalité de la croissance américaine. Celle-ci est allée de pair avec un déficit du compte courant ces dernières années. Cette situation veut dire, d’une part, que la productivité américaine n’a pas été capable de générer à l’échelle macro-économique l’épargne nécessaire au financement des investissements américains. D’autre part, elle indique que si les contraintes de balance des paiements n’ont pas bloqué la croissance américaine, c’est que les investissements en technologie sophistiquée ou non sophistiquée qui l’ont soutenue, ont été financés sans limite par les pays étrangers. La raison de cette situation de croissance accompagnée d’un fort déficit extérieur est liée à un élément clé des relations internationales, passée sous silence par les rapports OC : le fait que le système monétaire international créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale reste fondé sur le dollar américain comme monnaie de réserve. Il en résulte que les États-Unis règlent leurs factures en monnaie nationale et peuvent se passer de gagner des devises étrangères pour payer leur dette, acheter des biens et services ou investir à l’étranger. Cette situation exceptionnelle permet aux États-Unis d’emprunter à court terme auprès du reste du monde, dont la confiance en la monnaie de réserve internationale est totale, et d’investir à long terme à l’étranger. La conséquence est que les États-Unis peuvent servir leur dette extérieure avec les rendements nets de leurs investissements à l’étranger [26]. Sans cette position de fait de banquier du monde, les États-Unis n’auraient jamais connu la forte croissance accompagnée d’un déficit extérieur qu’ils ont connue entre 1996 et 2007.
Par contre, à cause du Pacte de croissance et de stabilité, l’Union européenne voit sa croissance limitée par le plafond imposé à sa dette extérieure et à ses déficits budgétaires. En outre, l’euro n’a pas encore réussi à donner à ses pays membres les mêmes opportunités en matière de finances internationales que celles dont bénéficient les États-Unis.
L’application de la politique de croissance : les rapports OC ont la franchise de reconnaître, d’une part, que la politique de croissance doit se combiner avec la politique de stabilisation à court terme, et d’autre part, que tous les contextes macro-économiques ne sont pas favorables à l’application d’une politique de croissance. Ce réalisme a, cependant, des implications qui contredisent totalement l’exercice de politique économique sous-jacent aux rapports OC.
Premièrement, l’exercice Objectif Croissance suppose l’utilisation d’un modèle macroéconomique de chaque pays membre qui décrive l’interaction entre les variables conjoncturelles (la stabilisation) et les variables structurelles de long terme (la croissance). Ce modèle, soit de la tradition du cycle réel des affaires [27] soit de la nouvelle économie keynésienne [28], est introuvable dans chaque rapport OC.
Deuxièmement, il n’y a pas de raison que deux pays de l’OCDE différents par leurs comportements et leurs institutions aient la même structure de modèle macroéconomique. Il s’ensuit que leurs réactions à l’adoption des mêmes meilleures pratiques ne peuvent pas être forcément les mêmes [29]. En d’autres termes, la convergence est une possibilité dans le meilleur des cas, pas une nécessité.
Troisièmement, si les réformes structurelles peuvent avoir des effets perturbateurs dans le court terme, notamment sur l’offre globale, comme le souligne l’OCDE, alors leur mise en œuvre pose problème d’une manière qui change d’un pays membre à un autre. Par conséquent, l’idée propre à l’OCDE d’un club de convergence réunissant des pays hétérogènes semble être une contradiction dans les termes.
Quatrièmement, si la difficulté d’appliquer les réformes structurelles provient des interdépendances macroéconomiques entre les variables structurelles et conjoncturelles, alors tout objectif défini ex-ante en termes de variables structurelles (PIB potentiel, taux de chômage non inflationniste, etc.) est susceptible de ne pas être atteint à cause des effets de ricochet des variables conjoncturelles sur les variables structurelles [30].
2 – Simulations des politiques de croissance de l’OCDE
37Les politiques de croissance doivent faire l’objet de simulations macroéconomiques parce que les rapports OC ne quantifient ni l’impact inter-temporel des politiques de croissance, ni la diversité de l’impact des politiques de croissance au sein des pays de l’OCDE, ni les gains qui découleraient de l’émulation au sein des pays de l’OCDE. Ces effets doivent être quantifiés parce que les politiques de croissance ont un impact inter-temporel : elles affectent directement ou indirectement toutes les interdépendances macro-économiques, notamment les interrelations au cours du temps entre les variables conjoncturelles et les variables structurelles. Par ailleurs, tous les mécanismes économiques ne sont pas les mêmes d’un pays à un autre, étant donnée la multiplicité des comportements et institutions des pays de l’OCDE. La quantification de la convergence au sens que lui donne l’OCDE est donc un exercice d’analyse comparative: c’est en comparant que l’on connaît non seulement le pays aux meilleures performances, mais aussi le gain qui s’attacherait à l’adoption des meilleures pratiques.
38Cette deuxième partie ne considère que les pays du Groupe des Sept. Bien qu’ils ne représentent pas l’ensemble des pays de l’OCDE, ces pays constituent un bloc économique prépondérant au sein de l’économie mondiale. Dans chaque pays du Groupe des Sept, on procéde séparèment [31] à la simulation des chocs suivants :
- Amélioration de la productivité multifactorielle ;
- Choc compétitif exogène ;
- Alignement des salaires réels sur la productivité du travail ;
- Suppression des sureffectifs dans les entreprises ;
- Réduction du taux des cotisations sociales ;
- Réduction du taux d’imposition des revenus des personnes physiques ;
- Réduction du taux d’imposition des revenus des sociétés.
40Chacune des sept simulations couvre la période allant de l’année 2009 à l’année 2014. Cet exercice d’expérimentation virtuelle compare donc les résultats de chaque simulation non pas à des données réelles, mais aux prévisions macro-économiques de chaque pays du Groupe des Sept, présentées dans l’annexe I [32].
Les simulations sont faites à l’aide du modèle trimestriel de l’économie mondiale construit par Oxford Econometric Forecasting (OEF dans la suite du texte). Ce modèle appartient à la classe des modèles de la nouvelle synthèse néo-classique, telle qu’elle est présentée par Brayton et al. (1987) ou Goodfriend (2004). Le modèle OEF présente les caractéristiques suivantes :
- Les décisions des agents sont intertemporelles : les équations de comportement du modèle OEF sont conformes à un modèle à correction d’erreur. Elles modélisent un environnement dynamique où les équilibres ou les points fixes ne sont pas atteints instantanément. Les entreprises prennent des décisions conformes au principe néo-classique de maximisation des profits sous contrainte de leurs débouchés. Ainsi leur demande de travail réagit au salaire réel et aux débouchés tels que représentés par la demande intérieure. Leurs investissements productifs varient avec le rendement du capital de manière à aligner au cours du temps le stock de capital sur son niveau optimal. Les ménages tels que les décrit OEF consomment des biens et des services sous contrainte de la richesse et des revenus engendrés par leurs décisions de consommer, d’épargner et d’investir prises au cours du temps en fonction de l’évolution de l’économie.
- Les marchés sont monopolistiques : les marchés tels que modélisés par OEF ne dictent pas les prix des entreprises. Celles-ci fixent leurs prix en vue de maximiser leurs profits. Les marchés ne sont donc pas concurrentiels au sens de Walras. À l’image de la littérature néo-keynésienne sur la détermination des prix, le modèle OEF fait l’hypothèse que les entreprises disposent d’un certain pouvoir monopolistique qui leur permet d’empocher des marges bénéficiaires non nulles. De même, les salaires résultent d’une négociation au lieu d’être fixés par la concurrence sur le marché du travail. Ils augmentent avec le niveau général des prix et sont freinés par le chômage.
- Les prix et les salaires ne sont pas flexibles : précisément parce qu’ils ne sont pas des variables qui équilibrent les marchés des produits et du travail, les prix et les salaires ne sont pas flexibles au sens walrasien du mot. Ils ne varient donc pas automatiquement pour restaurer l’équilibre sur les marchés des biens et du travail. C’est la raison pour laquelle le modèle OEF contient deux variables de déséquilibre : le taux de chômage et le taux d’utilisation des capacités de production. Chacune des deux variables rétroagit sur l’économie globale par l’entremise du marché des produits ou du travail.
42II.1) Amélioration de la productivité multifactorielle (PMF) [33] : d’après les rapports OC, les pays qui cherchent à s’aligner sur les meilleurs en pratiquant l’émulation technologique devraient donner un coup de pouce à leur PIB et à leurs capacités de production en stimulant la productivité, la demande et les revenus de leur main-d’œuvre. Le modèle OEF ne corrobore pas tout à fait cette vision optimiste de la croissance. Bien au contraire, il prouve que tous les pays du Groupe des Sept ne bénéficieraient pas du passage à 5 % de la hausse annuelle de leur PMF.
43En effet, une PMF supérieure n’a pas que des effets positifs : d’un côté elle augmente la la production potentielle et les capacités de production inutilisées, mais d’un autre côté elle fait chuter les prix. Il peut en résulter deux scénarios opposés. Le premier est favorable à la croissance car la baisse des prix peut susciter un surcroît de pouvoir d’achat des ménages et une baisse des taux d’intérêt capables de contrebalancer les effets négatifs de la baisse des salaires, des marges bénéficiaires et de la rentabilité du capital. Par contre, le second scénario est celui de la récession déflationniste : les revenus des ménages et les profits sont tellement érodés que leurs effets induits annihilent les effets positifs de la baisse des prix.
44Comme le confirme le tableau de l’annexe II, les États-Unis, le Japon et l’Allemagne illustreraient le premier scénario. Aux États-Unis, la baisse des prix aurait un effet très fort au cours du temps, qui augmenterait le taux de croissance de la consommation privée, accroîtrait le taux de croissance du produit intérieur brut réel (+0,38 point en 2014) et susciterait la création de nouveaux emplois (4 millions de chômeurs en moins en 2014). Par contre, au Japon et en Allemagne, la baisse des prix ne pourrait pas créer des emplois nouveaux à la suite de l’amélioration de la PMF, car ses effets induits sur la demande globale ne seraient pas assez forts pour donner un coup de pouce à la demande de travail.
45Le Canada, la France, l’Italie et le Royaume-Uni illustreraient le scénario de la récession en cas de hausse de leur PMF. Au Canada et au Royaume-Uni, la déflation réduirait respectivement le taux de croissance de l’indice des prix à la consommation de plus de 20 % après 2010 et de plus de 15 % en 2014. Ce choc ne peut pas donner un coup de pouce au pouvoir d’achat de l’un ou l’autre pays parce que le numérateur de cet indicateur serait affecté plus fortement par la déflation que son dénominateur. Il en est ainsi pour les raisons suivantes : l’emploi total baisserait du fait de la hausse du taux de salaire réel des entreprises ; les profits seraient rognés par des marges bénéficiaires plus faibles ; et les salaires se contracteraient par suite du chômage croissant et de son effet négatif sur les taux de salaire. La baisse du taux de croissance du PIB qui en découlerait resterait faible au Royaume-Uni (au plus 0,03 point), mais égalerait 0,25 point en 2014 au Canada.
46En France et en Italie, la déflation diminuerait et le taux de croissance du PIB (-0,37 point et -0,30 point respectivement en 2014) et la production potentielle. La raison est que les effets négatifs sur le PIB énoncés précédemment dans le cas canadien et britannique non seulement s’appliqueraient à la France et à l’Italie, mais encore décourageraient la recherche d’emploi et la formation de capital. Cependant, ces effets dépressifs seraient des facteurs d’inflation de 2009 à 2014. Ce paradoxe s’explique par le fait que le taux d’utilisation des capacités de production augmenterait ex-post parce que la production potentielle décroîtrait plus vite que la demande globale.
47Les variations en point du taux de croissance dans le tableau de l’annexe II laissent tout de même perplexes. Elles prouvent que l’impact d’une PMF supérieure est soit marginal – moins de 1,0 point de hausse du taux de croissance du PIB réel au Japon, aux États-Unis et en Allemagne – soit négatif, ce qui dément la confiance dans le processus de rattrapage technologique qui s’exprime dans chaque rapport OC.
48II.2) Alignement sur le taux d’inflation le plus bas [34] : cette simulation considère l’impact d’un choc dû à la concurrence au sein du Groupe des Sept. Elle consiste en l’importation du taux d’inflation le plus bas par chaque pays [35]. Le pays au taux d’inflation le plus bas ex-ante, c’est-à-dire en 2008, aussi bien qu’ex-post est l’Allemagne comme le montrent les tableaux des annexes I et III.
49Selon l’OCDE, tout choc concurrentiel abaisse les prix, stimule la compétitivité d’une économie et crée les conditions d’une croissance plus forte. D’après les données du tableau de l’Annexe III, par contre, le choc concurrentiel provenant de l’Allemagne manquerait de vigueur : il ne pourrait pas provoquer une augmentation du taux de croissance du PIB réel de 0,02 point dans aucun pays du Groupe des Sept pendant la période de prévision considérée. Ce résultat paradoxal se justifie par le fait que l’alignement sur les prix allemands dans tous les autres pays ne représenterait pas un choc déflationniste annuel de plus de 5 % sur les prix à la consommation, laisserait presque inchangé l’emploi total, n’affecterait presque pas la consommation à prix constants des ménages ni ne modifierait significativement le compte courant.
50En d’autres termes, contrairement à certaines thèses de l’OCDE, la concurrence par les prix ne jouerait pas un rôle important sur les potentialités de croissance de ses pays membres. Cela peut vouloir dire que les prix des produits et services au sein du Groupe des Sept ont déjà fait l’objet d’un alignement substantiel qui réduit sensiblement les potentialités de croissance liées à l’intégration des marchés par la mondialisation.
51II.3) L’indexation des salaires réels sur la productivité du travail [36] : cette simulation vise à clarifier les implications d’une plus grande liberté des entreprises en matière d’indexation des salaires sur la productivité du facteur travail. D’après le plan de convergence de l’OCDE, la suppression des obstacles à l’indexation des salaires sur la productivité doit stimuler l’offre dans l’économie, puisque les entreprises ne feraient plus face à des rigidités en matière d’embauche ou d’allocation des ressources du marché du travail et/ou en matière de maximisation des profits.
52À en juger par les résultats du tableau de l’annexe IV, le Canada, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie seraient les seuls pays à évoluer conformémement aux prédictions de l’OCDE pendant toute la période de prévision. Le taux de croissance de leur PIB réel respectif augmenterait au moins de 0,034 point par rapport à leur niveau de référence en 2014, parce qu’il y aurait un boom des profits, des investissements, et du stock de capital des entreprises, lequel amplifierait la demande intérieure en même temps qu’il empêcherait un abaissement du taux d’utilisation des capacités de production et le déclenchement d’un choc inflationniste. En outre, la réduction significative du coût de la main-d’œuvre, même accompagnée d’un surcroît de postes de travail, contribuerait à l’abaissement des prix à la production et à la consommation de manière telle que le total de la demande intérieure augmenterait en dépit de la baisse de la masse salariale distribuée dans l’économie. Les dividendes additionnels distribués aux ménages à la suite du boom des profits et de la bourse compenseraient l’impact négatif de la diminution du taux de salaire sur le revenu disponible des ménages.
53La France infirmerait les résultats qui précèdent. Le boom des profits, des investissements et du stock de capital de ses entreprises à la suite de la coupe ex-ante du taux de salaire ne produirait pas d’effets multiplicateurs suffisamment importants pour amplifier la demande intérieure au moyen de plus de postes de travail, de plus de pouvoir d’achat et de profits pour les ménages, les entrepreneurs individuels et les investisseurs. C’est la raison pour laquelle le revenu disponible des ménages baisserait et contrebalancerait l’impact positif ex-ante du boom des investissements privés sur le PIB réel.
54Les résultats de la simulation ne sembleraient pas confirmer l’intérêt de la rémunération liée à la performance dans la tradition américaine. Le taux de croissance du PIB réel des États-Unis ne varierait pas en 2009 et baisserait en 2010 aussi bien qu’en 2011 au cas où les salariés seraient payés selon leur performance. Ce n’est qu’à partir de 2012 que le taux de croissance du PIB réel américain augmenterait, très faiblement en 2012 (+ 0,014 point) mais plus fortement par la suite (quintuplement de l’écart en point).
55Le Japon, quoique renommé jusqu’à présent pour sa haute productivité dans l’industrie, présente des résultats aussi mitigés que ceux des États-Unis. Le taux de croissance de son PIB réel serait presque nul ou négatif de 2009 à 2012. Ce n’est qu’en 2013 que le taux de croissance se retournerait pour aboutir à un effet positif, d’abord limité (+0,018 point) mais qui décuple (+0,106 point) l’année suivante.
56II.4) La suppression des sureffectifs dans les entreprises [37]: cette simulation est en phase avec celle qui précède. Une fois de plus, il s’agit de quantifier les gains associés au fait de conférer aux entreprises plus de latitude dans leur gestion. Mais au lieu d’examiner les effets des obstacles à la rémunération du travail selon ses performances, la simulation se concentre sur ceux qui s’opposent à la suppression des sureffectifs dans les entreprises, et qui conduisent à un décalage entre l’évolution de l’emploi total et celle du PIB réel.
57Les résultats [38] du tableau de l’annexe V ne corroborent pas les résultats mitigés de la simulation précédente. D’abord, ils confirment que les États-Unis sont une économie sans sureffectif, la simulation laissant inchangé le taux de croissance de l’emploi total, de la production industrielle et du PIB réel de 2009 à 2014.
58Le taux de croissance du PIB réel de l’Italie serait celui qui profiterait le plus d’une suppression du sureffectif dans les entreprises : il augmenterait sans arrêt pendant la période de prévision et il dépasserait son niveau de référence de 0,23 point en 2014. L’économie de l’Italie serait stimulée par un boom de l’investissement et de la consommation rendu possible par la baisse de l’emploi, une masse salariale en baisse et un surcroît de profits. Cette prévision apparemment optimiste ne corrobore pas toutefois les prédictions de l’OCDE. Car le dynamisme de l’économie ne produirait ex post ni un boom de l’emploi ni une baisse du chômage. Bien au contraire, les taux de salaire et la masse salariale chuteraient. Ce sont les profits supplémentaires empochés par les entrepreneurs individuels et les investisseurs qui élèveraient le revenu disponible des ménages ainsi que la consommation privée. En d’autres termes, l’élimination des obstacles au recrutement optimal du personnel est une menace pour la création d’emplois, ce qui est à l’opposé des prévisions de l’OCDE.
Troisièmement, le Canada, ne tirerait pas profit de la suppression du sureffectif dans les entreprises. Sa PMF supérieure [39] implique qu’ex-ante son niveau de l’emploi ne reflète pas les variations du PIB réel ; d’où l’emploi augmenterait fortement – de 4,1 % en 2009 jusqu’à 25 % en 2014 – au lieu de baisser à la suite de l’alignement de la variation de l’emploi sur celle du produit intérieur brut. Le marché de l’emploi serait plus tendu et causerait une hausse du taux de salaire, des prix et des taux d’intérêt. Il s’ensuivrait une diminution des profits, des investissements et du stock de capital, laquelle serait insuffisante pour enrayer la pression inflationniste due à la tension sur le marché du travail. C’est pourquoi le pouvoir d’achat des ménages ainsi que la consommation privée serait laminé ex-post en dépit de la forte augmentation de l’emploi mentionnée précédemment. C’est pourquoi le taux de croissance de son PIB réel diminuerait tout au long de la période de prévision considérée après 2009.
II.5) Réduction du taux d’imposition des bénéfices des sociétés : d’après le discours néo-classique sous-jacent aux rapports OC, la réduction des impôts payés par le secteur privé est une incitation à investir davantage dans les entreprises. Les sociétés privées bénéficieraient de profits nets d’impôts plus importants, auraient une assise financière plus forte pour élargir leurs capacités de production et embaucheraient davantage de main-d’œuvre, ce qui susciterait un boom économique soutenu.
Le modèle OEF ne confirme pas toutes ces prévisions. Le tableau de l’annexe VI montre plutôt qu’aucune recrudescence de la croissance ne proviendrait d’une baisse de 10 % du taux des prélèvements [40] au titre de l’impôt sur les sociétés. Dans chaque pays du Groupe des Sept, la variation du taux de croissance du PIB réel serait presque nulle. Ce résultat va à l’encontre de l’idée selon laquelle la baisse des taux d’imposition des sociétés est la clef pour stimuler la croissance dans les pays de l’OCDE. En outre, dans aucun pays l’élargissement ex-post de la base imposable n’est de nature à compenser la perte ex-ante de recettes fiscales due à la baisse des impôts des sociétés. Les comptes publics se dégraderaient dans tous les pays du Groupe des Sept si une baisse de 10 % des prélèvements sur les bénéfices des sociétés se produisait, ce qui contredit tout à fait la logique de l’économie de l’offre.
II.6) Réduction du taux d’imposition des personnes physiques : du point de vue du plan d’action de la convergence de l’OCDE, l’augmentation des revenus nets d’impôt des ménages est une condition sine qua non pour que davantage de mères de famille, de retraités et de chômeurs en Europe recherchent du travail et renoncent au loisir et/ou à dépendre de l’État-providence. L’économie dans son ensemble en bénéficie dès lors qu‘une offre de travail plus abondante a les trois effets suivants : a) elle fait baisser les salaires, b) elle est une aubaine pour le recrutement dans les entreprises et c) elle stimule ex-post la demande globale.
Le modèle OEF contredit cette vision optimiste. Il indique que suite à une baisse de 10 % du taux des prélèvements [41] au titre de l’impôt sur les personnes physiques, aucun des pays du Groupe des Sept ne verrait son taux de chômage baisser de 1 % par rapport à son niveau de référence. Les taux de chômage élevés de l’Europe resteraient inchangés, contrairement aux vues des rapports OC.
Variation du taux de chômage à la suite d’une baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de 2009 à 2014
Variation du taux de chômage à la suite d’une baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de 2009 à 2014
59Cette contre-performance en ce qui concerne la lutte contre le chômage s’accompagne d’une contre-performance en matière de croissance du PIB (tableau de l’annexe VII). Le Royaume-Uni se distingue par le fait que son taux de croissance est tout à fait inélastique au taux d’imposition des personnes physiques. Pour comprendre ces résultats contraires aux habitudes de pensée, il faut avoir en tête que la baisse des impôts des personnes physiques a non seulement un effet sur l’offre, comme le soulignent les rapports OC, mais aussi un effet keynesien sur la demande. Le premier effet exerce une pression à la baisse sur les prix et les salaires ; le second gonfle la demande globale, augmente le taux d’utilisation des capacités de production et exerce une pression à la hausse sur les prix et taux de salaire. Ces deux effets contraires expliquent que la baisse du taux d’imposition sur les personnes physiques puisse avoir un effet global faible.
60Enfin et surtout, dans tous les pays du Groupe des Sept les finances publiques se comportent différemment de ce que prévoit l’économie de l’offre : dans aucun d’entre eux, la baisse des impôts ex-ante ne génére ex-post une hausse de la base imposable susceptible d’améliorer le solde des comptes publics.
61II.7) Baisse du taux des cotisations sociales : cette baisse affecte le coût du travail. Elle représente une aubaine pour les entreprises et constitue une opportunité pour recruter davantage de personnel et produire plus de biens et de services. La baisse du taux des cotisations sociales a finalement un impact sur la population dans son ensemble par le biais de son impact positif sur le chômage et le bien-être collectif.
Ces prédictions de l’OCDE sont validées par la simulation d’une baisse de 10 % du taux des prélèvements [42] au titre des cotisations sociales des entreprises. Dans chaque pays, comme le tableau suivant le montre, le chômage serait durablement réduit. Il décroîtrait par rapport à son niveau de référence pendant toute la période de prévision. Au Royaume-Uni, le taux de chômage atteindrait 3 % en 2014, soit une baisse de 1,9 point par rapport à son niveau de 2009. Le taux de chômage élevé de l’Europe continentale disparaîtrait : il baisserait de 2,5 points de 2009 à 2014. Le taux de chômage des États-Unis passerait sous la barre des 5 % après 2011. Les variations par rapport au niveau de référence du chômage seraient significatives dans chacun des pays du Groupe des Sept.
Variations des taux de chômage à la suite d’une baisse de 10 % du taux des cotisations sociales de 2009 à 2014
Variations des taux de chômage à la suite d’une baisse de 10 % du taux des cotisations sociales de 2009 à 2014
62Étant donnée la baisse du chômage, chaque gouvernement dépenserait moins en allocations de chômage. Cette aubaine ne soulagerait pas toutefois les finances publiques instantanément. D’après le tableau ci-dessous, aucun pays ne verrait le solde des ses comptes publics décroîttre continûment pendant la période de prevision. Le Canada représenterait le cas de figure le moins favorable puisque le solde de ses finances publiques connaitraît une détérioration continue de 2009 à 2014. Le déficit des finances publiques augmenterait de 50 % en 2014 par rapport à son niveau de référence. Les finances publiques des autres pays du Groupe des Sept ne tireraient profit de la baisse des allocations chômage que durant la période postérieure à l’année 2010. Le tableau ci-dessous montre que c’est l’Europe continentale qui bénéficierait le plus de la réduction du taux des cotisations sociales. Ce résultat non seulement cadre tout à fait avec le niveau élevé du chômage ex-ante en Europe continentale, mais encore confirment les prédictions de l’OCDE.
Variation (%) du déficit des finances publiques à la suite d’une baisse des taux de cotisations sociales de 10 % de 2009 à 2014
Variation (%) du déficit des finances publiques à la suite d’une baisse des taux de cotisations sociales de 10 % de 2009 à 2014
63Ces résultats de finances publiques, si optimistes qu’ils soient, ne correspondraient pas à un boom du niveau d’activité économique. Comme le montre le tableau de l’annexe VIII, aucun pays du Groupe des Sept ne connaîtrait une augmentation de 0,05 point de son taux de croissance du PIB réel par rapport à son niveau de référence. Cette croissance inférieure à notre attente résulte de l’impact de la mesure sur le chômage. La baisse du coût salarial permettrait d’embaucher plus de salariés et elle conduirait à une baisse du taux naturel de chômage. Les capacités de production augmenteraient et la chute du taux d’utilisation des capacités de production qui s’ensuivrait exercerait une pression à la baisse sur les prix. Les profits, les investissements et la demande globale diminueraient alors. L’Europe continentale (France, Allemagne et Italie) aurait de meilleurs résultats de croissance que leurs pairs du Groupe des Sept, mais ceci serait loin d’apporter la preuve que la baisse des cotisations sociales garantisse à long terme une croissance et un revenu par tête plus élevés.
Conclusion
64Comme la première partie l’a montré, cet article ne s’en prend pas à l’échange des idées et des experiences au sein de l’OCDE. Son but est de procéder à une évaluation critique des concepts, des techniques de modélisation et des politiques qui sont le fondement du plan d’action de la convergence propre à l’OCDE. Les points saillants de la critique sont les suivants.
65Le revenu par tête est un indicateur trop étroit pour rendre compte des aspects multi-dimensionnels de la croissance et par le fait même pour classer rigoureusement les pays de l’OCDE en termes de bien-être.
66Les rapports OC supposent que des pays aux paramètres économiques différents peuvent converger vers le même revenu par tête, une hypothhèse que ne confirme aucune théorie de la croissance.
67Comparer les pays de l’OCDE entre eux (benchmarking) à l’aide de normes identiques de productivité et d’utilisation du facteur travail est bel et bien sensé. Les écarts doivent cependant être expliqués en termes de variables de politique économique dont la pertinence a été testée dans le cadre d’un modèle de croissance élargi.
68L’OCDE n’a pas encore prouvé que les variables de dérégulation économique sont plus pertinentes en matière de croissance économique que les autres variables économiques.
69En dépit de ses résultats apparemment brillants, l’expérience de croissance économique des États-Unis ne cadre pas avec toutes les prédictions de la théorie de la croissance et ne devrait pas exclure l’examen d’autres expériences de réussite dans l’utilisation et la productivité du facteur travail au sein de l’OCDE.
70La croissance et les fluctuations économiques dictent l’évolution économique d’une manière interactive. Il s’ensuit que l’OCDE devrait moins se focaliser sur les politiques de croissance en soi que sur celles qui sont applicables dans les contextes conjoncturels variés de ses pays membres.
71La recommandation selon laquelle les rapports OC devraient englober les aspects macro-économiques est confirmée par les simulations présentées dans la seconde partie de cet article. Le fait qu’aucune politique de croissance préconisée par l’OCDE ne se révélerait capable de doper la croissance simultanément dans tous les pays du Groupe des Sept apporte la preuve que le succès du plan de convergence de la croissance n’est pas garanti. Le fait aussi que la plupart des simulations ne manifestent pas un bond important du taux de croissance du PIB reflète le potentiel limité des politiques de croissance préconisées par l’OCDE.
72En fait, tel qu’il ressort des simulations qui précédent, le plan d’action de la convergence ne fournit aucune solution de valeur universelle. Bien au contraire, ses résultats sont contingents aux contextes économiques où il est appliqué. Cette conclusion ne dévalue pas toute recherche d’un plan d’action de convergence : elle est seulement significative de la thèse selon laquelle la stimulation de la croissance relève d’une action plus complexe que la simple dérégulation des marchés et le fait de copier la technolgie et les méthodes de gestion des ses partenaires.
Prévisions macroéconomiques annuelles de référence de 2009 à 2014 (Compte central)
Prévisions macroéconomiques annuelles de référence de 2009 à 2014 (Compte central)
Scénario d’une amélioration de la productivité multi-factorielle (passage à 5 % par an dans chaque pays)
Scénario d’une amélioration de la productivité multi-factorielle (passage à 5 % par an dans chaque pays)
Scénario d’un alignement du taux de croissance des prix du PIB dans les autres pays (hors Japon) sur celui de l’Allemagne
Scénario d’un alignement du taux de croissance des prix du PIB dans les autres pays (hors Japon) sur celui de l’Allemagne
Scénario d’un alignement des salaires sur la productivité du travail
Scénario d’un alignement des salaires sur la productivité du travail
Scénario d’une suppression des sureffectifs dans les entreprises
Scénario d’une suppression des sureffectifs dans les entreprises
Impôt sur les sociétés : taux de prélèvement en 2008
Impôt sur les sociétés : taux de prélèvement en 2008
Scénario d’une baisse de 10 % de l’impôt sur les sociétés
Scénario d’une baisse de 10 % de l’impôt sur les sociétés
Impôt sur les personnes physiques : taux de prélèvement en 2008
Impôt sur les personnes physiques : taux de prélèvement en 2008
Scénario d’une baisse de 10 % de l’impôt sur les personnes physiques
Scénario d’une baisse de 10 % de l’impôt sur les personnes physiques
Cotisations sociales des entreprises : taux de prélèvement en 2008
Cotisations sociales des entreprises : taux de prélèvement en 2008
Scénario d’une baisse des cotisations sociales des entreprises
Scénario d’une baisse des cotisations sociales des entreprises
Bibliographie
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- Goodfriend, M. et R. King, 1997, « The New Neoclassical Synthesis and the Role of Monetary Policy », NBER Macroeconomics Annual, juin.
- Gourinchas, P.O. et H. Rey, 2005, « From World Banker to World Venture Capitalist: US External Adjustment and the Exorbitant Privilege », NBER Working Paper, n° 11563.
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- Prescott, E., 2004, « Why Do Americans Work So Much More Than Europeans », Federal Reserve Bank of Minneapolis Quarterly Review, Vol. 28, n° 1.
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- Romer, P., 1994, « The Origins of Endogenous Growth », Journal of Economic Perspectives, Vol. 8, n° 1, pp. 3-22.
- Solow, R., 1956, « A Contribution to the Theory of Economic Growth », Quarterly Journal of Economics, Vol. 70, pp. 65-94.
- Stiglitz Joseph, Amartya Sen et Jean Paul Fitoussi, 2009, Richesse des nations et bien être des individus, Paris, Odile Jacob.
- Stiglitz Joseph, Amartya Sen et Jean Paul Fitoussi, 2009, Vers de nouveaux systèmes de mesure. Performances économiques et progrès social, Paris, Odile Jacob.
- UNDP, 2006, « Human Development Report ».
Mots-clés éditeurs : dérégulation des marchés des produits et du travail, croissance, création destructrice, convergence, productivité multifactorielle
Mise en ligne 01/02/2010
https://doi.org/10.3917/reof.112.0109Notes
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[*]
Cet article ne reflète pas les points de vue du Trésor des États-Unis d’Amérique.
-
[1]
Les publications discutées dans cet article sont les rapports Objectif croissance ainsi que les articles de recherche qu’ils citent.
-
[2]
Cet article a été rédigé avant la publication du rapport de la commission sur la mesure de la performance économique commandé par Nicolas Sarkozy. Présidée par Joseph Stiglitzn, elle a mis en évidence la nécessité de réformer la mesure du bien-être des nations. L’OCDE ayant partcipé à ces travaux devrait être à même de tenir compte rapidement de cette mise en cause de l’utilisation du seul revenu par habitant pour mesurer les écarts de niveaux de vie. Voir Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi (2009, 1 et 2)
-
[3]
Brown, 2000.
-
[4]
Fleurbaey et al., 2007.
- [5]
-
[6]
Boarini et al., 2006.
-
[7]
Fleurbaey et al., 2007.
-
[8]
Brock et al., 2004 et Prescott, 2004.
-
[9]
Brown, 2000 et la conclusion de Boarini et al., 2006.
-
[10]
Solow, 1956.
-
[11]
Mankiw, Romer et Weil, 1992.
-
[12]
Tables III, IV et V in Mankiw, Romer et Weil, 1992.
-
[13]
MRW est un acronyme contenant les initiales des économistes suivants : Mankiw (Gregory), Romer (Paul) et Weil (David).
-
[14]
Romer, 1994.
-
[15]
Bassanini et Scarpetta, 2001.
-
[16]
Voir l’annexe de Conway et al., 2006.
-
[17]
Voir Romer, 1994, pp. 11-17.
-
[18]
Le modèle exposé dans la section 3.1 empile des variables de 21 pays de l’OCDE.
-
[19]
Voir Conway et al., 2006, Section 3.1.
-
[20]
Cette critique est aussi valable pour Aghion et Howitt, 2005. Les deux auteurs ont encore à modéliser en termes économétriques le processus de la destruction créatrice dans son intégralité.
-
[21]
Comparer la note de bas de page numéro 9 de Conway avec la section 4.1 de Nicoletti et Scarpetta, 2003. C’est un manque de rigueur que d’utiliser la même spécification pour modéliser deux concepts aussi différents que la productivité du travail et la productivité multi-factorielle. Le premier concept se rapporte au facteur travail uniquement, alors que le second se rapporte à tous les facteurs autres que ceux de la fonction de production macroéconomique
-
[22]
Selon que le modèle est néo-classique ou néo-keynésien.
-
[23]
Voir Prescott E., 2004 et Goodfriend et King, 1997.
-
[24]
Voir table 21 dans UNDP, 2006.
-
[25]
Voir les sites internet suivants www.theoildrum.com ; www.energybulletin.net ; www.odac-info.org
-
[26]
Voir Gourinchas et Rey, 2005.
-
[27]
Voir Prescott et Kydland, 1982.
-
[28]
Voir Brayton et al., 1997 et Goodfriend, 2003.
-
[29]
Voir les simulations macro-économiques de la seconde partie.
-
[30]
Beetsma et Debrun (2004) analyse les interactions périlleuses entre la stabilisation et la croissance dans l’Union européenne à la suite de la signature du Pacte de stabilité et de croissance en 1997.
-
[31]
Cela veut dire qu’à chacun des sept chocs considérés correspondent sept simulations, dont chacune correspond à un pays en particulier du Groupe des Sept.
-
[32]
Ces prévisions du modèle OEF sont présentées dans le tableau de l’annexe I.
-
[33]
On suppose dans les simulations que la hausse annuelle de la PMF passe à 5 % dans chaque pays étudié.
-
[34]
Les simulations supposent que chaque pays du G-7 autre que l’Allemagne a un taux d’inflation égal à celui de l’Allemagne: PGDP(t)=PGDP(t-1)*(1+ TX(PGDP(t))
PGDP étant le déflateur du PIB de l’Allemagne et TX l’opérateur du taux de croissance. -
[35]
Le Japon n’est pas pris en compte parce que son taux d’inflation moyen avoisinant zéro est plus significatif de la déflation que de la compétitivité.
-
[36]
Les simulations supposent que les taux de salaire nominaux égalent la productivité moyenne du travail.
-
[37]
Les simulations supposent que l’emploi productif et le PIB réel varient pari passu.
-
[38]
Il n’y a aucune simulation des économies du Japon ou du Royaume-Uni parce que leur modèle ne converge pas dans l’hypothèse d’un ajustement instantanné de l’emploi à la production.
-
[39]
Voir la première simulation de cette seconde partie.
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[40]
Voir Annexe VI.
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[41]
Voir Annexe VII.
-
[42]
Voir Annexe VIII.