Notes
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[1]
C’est la démarche de la « nouvelle écologie politique » adoptée dans Fitoussi et Laurent (2008).
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[2]
Nous ne traiterons ainsi pas ici, par exemple, de la question pourtant capitale des inégalités inter-générationnelles. Sur ce point, voir Fitoussi et Laurent (2008).
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[3]
Le cercle vicieux de la déforestation et de la pauvreté est assez proche à Madagascar de la situation d’Haïti, mais celle de la République dominicaine, pourtant voisine d’Haïti sur l’île d’Hispaniola, est sensiblement différente, ce qui met en lumière le rôle joué par la gouvernance dans ces dynamiques (cf. infra). Le bilan respectif de l’ouragan Gustav (août-septembre 2008) sur les deux parties d’Hispaniola est à cet égard éclairant (les victimes, 77 en Haïti contre 8 en République dominicaine, ont succombé à des glissements de terrain et des inondations). Pour autant, le rapport entre démocratie et écologie est ambigu dans le cas de Saint-Domingue (cf. Diamond, 2005).
-
[4]
Pour une revue critique de la littérature sur la « courbe de Kuznets environnementale », voir Stern (2004).
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[5]
Sur ce point, voir par exemple Piketty (2005). http:// www. jourdan. ens. fr/ piketty/ fichiers/ public/ Piketty2005c. pdf
-
[6]
C’est justement l’insuffisante prise en compte de cette inégale capacité d’adaptation en rapport avec le niveau de développement qui fonde la critique adressée par Dasgupta (2006) au Rapport Stern.
-
[7]
Amartya Sen, Poverty and Famines: An Essay on Entitlement and Deprivation, Oxford University Press, 1981.
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[8]
L’accès à l’eau propre dans le monde illustre également la problématique de la répartition des droits à substituer chère à Sen. Les données des Nations Unies sur le développement humain indiquent ainsi que son taux est en moyenne de 67 % pour la population du Bénin (163e pays sur 177 en 2004), mais au sein du pays, de 90 % parmi les 20 % les plus riches et de 10 % parmi les 20 % les plus pauvres.
-
[9]
Pour une généalogie du concept aux États-Unis, voir Charles et al. (2007).
-
[10]
« Environmental Justice is the fair treatment and meaningful involvement of all people regardless of race, color, national origin, or income with respect to the development, implementation, and enforcement of environmental laws, regulations, and policies ». Voir http:// www. epa. gov/ compliance/ environmentaljustice/
-
[11]
L’EPA propose ainsi une large batterie d’instruments de mesure, voir http:// www. epa. gov/ compliance/ resources/ policies/ ej/ ej-toolkit. pdf
-
[12]
Voir par exemple le logiciel Environmental Justice Geographic Assessment Tool. http:// www. epa. gov/ enviro/ ej/
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[13]
Voir la Section 8 de « Choosing our future: Scotland’s sustainable development strategy » (2005) http:// www. scotland. gov. uk/ Publications/ 2005/ 12/ 1493902/ 39103
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[14]
Voir http:// www. environment-agency. gov. uk/ research/ library/ position/ 41189. aspx
-
[15]
Auxquels s’ajoutent la « justice internationale » et la « justice inter-générationnelle ».
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[16]
Voir par exemple l’analyse que fait Jared Diamond dans Guns, Germs and Steel (1997), des avantages décisifs pour son développement conférés à l’Eurasie par ses atouts géographiques. Voir aussi la thèse d’Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) selon laquelle la dotation initiale d’un territoire en avantages climatiques et en ressources naturelles peut fortement influer sur la qualité à long terme de ses institutions.
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[17]
Cette aggravation peut prendre la forme d’inégalités environnementales multiples dont l’impact est cumulatif, voir sur ce point Lucas et al. (2004).
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[18]
Le raisonnement est encore plus vrai pour les ampoules LED.
-
[19]
L’OCDE note sur ce point : « Il ne fait pas de doute que de nombreuses taxes environnementales contribuent à l’amélioration de l’environnement. Leur augmentation se traduit par une hausse des prix qui a pour effet de réduire la demande de produits préjudiciables à l’environnement. La consommation de carburant a ainsi fortement baissé ces dernières années, à la suite de la hausse des prix du brut et des taxes sur le carburant. Certains pays qui se servent de la teneur en soufre du carburant pour fixer le niveau de la taxe ont observé une diminution sensible des émissions de dioxyde de soufre (SO2) ».
1Le projet de l’économie politique, tel que défini par Adam Smith au Livre IV de la Richesse des nations, était de « procurer au peuple un revenu ou une subsistance abondante, ou, pour mieux dire, de le mettre en état de se [le] procurer lui-même » et de « fournir à l’État ou à la communauté un revenu suffisant pour le service public », en somme « d’enrichir à la fois le peuple et le souverain » en articulant système économique et système politique. L’ambition de l’écologie politique pourrait être, au moyen des ressources accumulées par la puissance publique, de permettre au plus grand nombre d’accéder au développement humain (revenu, éducation, santé) de manière durable. Les rapports qu’entretiennent la démocratie, définie comme le régime politique qui vise à réaliser la justice sociale, et l’écologie, définie comme la considération portée aux générations futures, se trouvent, dans cette approche, au centre des interdépendances – en fait de la co-détermination – des systèmes économique, écologique et politique [1].
2Dans cette perspective, comment se présente la relation entre écologie et inégalités ? De nombreux problèmes distincts sont ici entremêlés, et seuls certains d’entre eux [2] sont abordés ici dans une visée typologique. Le premier tient au lien entre inégalités de développement économique et humain dans le monde, qualité des politiques environnementales et vulnérabilité aux catastrophes dites « naturelles ». Sont ici concernés les pays pauvres et en quête de développement. Une ramification du problème a trait à la relation, complexe, entre faiblesse du développement humain, mauvaise gouvernance et insuffisante protection de l’environnement. La première partie de cet article tente d’éclairer ces aspects. Une deuxième problématique générale touche, au sein des nations développées, à l’influence des inégalités de revenu sur la qualité des politiques environnementales. Séparer cette question de la précédente peut sembler délicat, voire artificiel ou arbitraire, mais il semble bien qu’en degré, sinon en nature, les deux diffèrent bel et bien.
3En somme, la validité de deux hypothèses nous occupe respectivement dans les deux premières parties. D’abord, les sociétés les moins développées seraient aussi celles qui protègeraient le moins l’environnement (alors que celui-ci y est parfois justement d’une exceptionnelle richesse) et qui protègeraient le moins leurs citoyens par rapport aux catastrophes « naturelles », ce qui dépend autant de leur état économique que de leur état démocratique. Ensuite, les sociétés les plus inégalitaires au sein des pays riches seraient aussi celles dont les politiques environnementales seraient les moins ambitieuses.
4La troisième partie de cet article vise à pousser la logique de cette dernière hypothèse pour poser deux nouvelles questions : qu’est-ce que la « justice environnementale » ? Que sont les « inégalités environnementales », comment en prendre la mesure, comment éventuellement les réduire ? L’article se clôt par une réflexion sur la possible compatibilité entre exigence environnementale et exigence sociale et avance l’idée de politiques publiques « social-écologiques ».
1 – Inégalités de développement, dégradations environnementales et « catastrophes naturelles »
5Un premier aspect du premier problème semble bien établi : les inégalités de développement humain, et plus exactement la pauvreté monétaire et de « capabilités » (au sens de Sen), accroissent les dégradations de l’environnement dans les pays en quête de développement. Une analyse claire du phénomène a été donnée dans différents textes par Dasgupta (2010) : faute d’accès au capital physique ou humain, la pauvreté conduit les populations des pays les moins développés – qui vivent à 70 % en milieu rural – à exploiter pour en vivre le capital naturel à portée de main (forêts, poissons, minerais). Mais en présence de « défaillances institutionnelles » qui empêchent que soient correctement définis les droits de propriété et prises en compte les externalités de cette exploitation, cette activité économique nécessaire à la survie des populations concernées conduit à de graves dégradations environnementales dont elles sont les premières victimes. Ces mêmes défaillances institutionnelles conduisent les pays pauvres à brader à des entreprises étrangères le droit de tirer profit de leurs ressources naturelles, avec les mêmes conséquences néfastes. La déforestation tropicale qui en résulte (concentrée en Amazonie, en Afrique centrale et en Indonésie) pose un redoutable défi local et planétaire aussi bien en termes de changement climatique (les arbres étant des « puits de carbone »), de biodiversité, que de résilience et de services rendus par les écosystèmes.
6À ce sujet, le rapport d’étape coordonné par Sukhdev (2008) évoque un « lien inextricable » entre pauvreté, affaiblissement des écosystèmes et perte de bio-diversité résultant du fait que « les bénéficiaires immédiats de la majeure partie des services rendus par les écosystèmes et la biodiversité » sont « principalement des pauvres ». Amor et Christensen illustrent dans ce rapport cette idée avec le cas d’Haïti, un des pays les plus pauvres de la planète où 65 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour. Le pays a été victime d’une déforestation massive, 97 % de la couverture forestière ayant été détruite à ce jour, ce qui a accentué l’érosion des sols et réduit dans plusieurs endroits de 40 % les précipitations, amoindrissant les possibilités d’irrigation. Même quand celle-ci est possible, compte tenu de l’érosion des sols, elle provoque des inondations. Les eaux de boisson sont donc gravement polluées et 90 % des enfants haïtiens souffrent de parasites intestinaux du fait de cette pollution. Dans ce contexte, l’exploitation de ce qu’il reste du capital naturel haïtien est un des rares moyens de survie pour la population qui détruit, ce faisant, ce qui demeure de sa qualité de vie [3].
7Ce type de boucle négative sociale-environnementale, poussée à l’extrême en Haïti, est censé être brisé par le processus de développement économique. L’idée élémentaire de la « courbe de Kuznets environnementale », dans sa version initiale reliant le niveau de développement économique (mesuré par le PIB par habitant) et les dégradations environnementales, est de postuler un lien mécanique entre poursuite du développement économique (accroissement des niveaux de vie) et réduction des dégradations environnementales : les dégradations environne-mentales augmentent avec l’élévation du revenu par habitant avant d’atteindre un pic, puis de se réduire. Comme le montre graphiquement Criqui (2007) reprenant des données de la Banque mondiale, ce raisonnement ne vaut en réalité que pour certaines mesures de pollution (comme par exemple la concentration moyenne de particules dans les villes), mais est invalidée s’agissant par exemple du volume des déchets et des émissions de gaz à effet de serre qui, au contraire, augmentent avec le développement [4]. On peut ajouter au moins une limite supplémentaire au raisonnement de la « courbe de Kuznets environnementale » si l’on considère le caractère irréversible de certaines dégradations environnementales comme les pertes de biodiversité.
8Le problème de la validité de la « courbe de Kuznets environnementale » est en fait assez proche de celui de la « courbe de Kuznets » originelle, qui fait l’hypothèse d’une réduction graduelle des inégalités de revenu à mesure que les pays progressent dans le développement économique et que la main-d’œuvre se déverse du secteur rural vers le secteur urbain. En réalité, ce processus n’a rien de mécanique et suppose entre autres la mise en place, au demeurant évoquée par Kuznets dans son article de 1955, de politiques redistributives actives [5]. Si ces politiques font défaut ou si elles sont affaiblies, les pays peuvent respectivement demeurer au sommet de la courbe de Kuznets en termes d’inégalités tout en continuant à se développer (c’est le cas du Brésil), ou voir les inégalités repartir à la hausse après une période de baisse (c’est le cas des États-Unis). Cette conditionnalité attachée à la courbe de Kuznets originelle pose au moins une question nouvelle quant à sa version écologique : peut-on faire l’hypothèse que c’est le développement humain, lui-même conditionné par les progrès de la démocratie, qui se trouve en réalité en abscisse de la courbe de Kuznets environnementale (et non simplement le développement économique mesuré par l’élévation du niveau de revenu par habitant) ?
9À ce sujet, l’accent mis par Dasgupta (2010) sur la qualité des institutions comme condition de la protection des ressources naturelles paraît convaincante. Au demeurant, les travaux contemporains en économie de développement insistent sur le fait que la poursuite du développement économique suppose elle-même des institutions économiques efficaces. Mais ces institutions économiques (droits de propriété, État de droit, force juridique des contrats) ne sauraient suffire à garantir le ralentissement des dégradations environnementales et des pollutions. C’est l’expansion des droits et des libertés politiques, au-delà des libertés économiques, qui apparaît nécessaire pour que les enjeux écologiques soient pris en considération par les gouvernements.
10Cette hypothèse nous amène à préciser le rôle de médiation entre système économique et système écologique joué par la démocratie dans l’approche de la « nouvelle écologie politique » : la plus ou moins bonne « gouvernance » des pays (selon le vocable en vigueur aux Nations Unies) semble en effet peser fortement sur la soutenabilité environnementale. Selon plusieurs études récentes, la Chine connaît par exemple un « krach environnemental » de grande ampleur. Désormais premier émetteur de gaz à effet de serre au monde, le problème de la soutenabilité de son développement économique est général (à l’exception de la déforestation, la Chine étant devenue une zone de gain net de couverture forestière). La pollution de l’air, en particulier dans les villes, y est l’une des plus graves au monde, celle de l’eau étant encore plus préoccupante : selon l’OCDE, 30 % des cours d’eau chinois seraient gravement pollués. Ce que certains, comme Diamond (2005), décrivent comme une catastrophe environnementale à une échelle sans précédent, ne peut pas se résumer à la vigueur du développement économique chinois. La faillite environnementale de la Chine tient avant tout à l’absence d’un gouvernement démocratique capable de prendre en compte les préoccupations sanitaires et écologiques des citoyens. Or, les restrictions des libertés politiques qui empêchent le contrôle écologique du développement économique de la Chine aboutiront à moyen terme à remettre en cause son développement économique lui-même. Celui-ci est donc aujourd’hui en partie en trompe l’œil : une fois pris en compte tous les coûts naturels et humains attachés à l’usage intensif du charbon, ce n’est pas moins de 7 points de pourcentage qu’il faudrait retirer à la croissance du PIB chinois de 2007 selon une étude récente (Greenpeace, 2008).
11L’enjeu de la préservation de la biodiversité pose aussi très directement la question du rapport entre écologie, inégalités de développement et gouvernance. D’après le think tank Resources for the future, la biodiversité se définit à trois niveaux : la diversité des espèces, la diversité génétique et la diversité des écosystèmes. On se réfère généralement dans le débat public à la première dimension, qui recoupe la variété et l’abondance des espèces dans un espace géographique donné (on évalue alors la biodiversité en y recensant le nombre d’espèces et de sous-espèces vivantes). Selon l’ONG Conservation International, il y aurait 34 « zones critiques » (hotspots) pour la biodiversité mondiale, couvrant 2,3 % de la surface du globe et abritant 50 % des espèces végétales et 40 % des espèces animales connues. Cette richesse mondiale disparaît à un rythme soutenu : l’indice « Living Planet » calculé par le WWF (2008), qui suit l’évolution de 1 313 espèces vertébrées (poissons, oiseaux, mammifères, reptiles, amphibiens) sur le globe servant d’échantillon témoin de la biodiversité terrestre globale, a globalement baissé de 30 % entre 1970 et 2005. Mais la baisse de cet indicateur sur la période considérée n’est pas homogène sur le plan géographique : il a augmenté de 6 % dans les zones tempérées et s’est effondré de 51 % dans les zones tropicales.
12La perte globale de biodiversité concerne tous les habitants de la planète car elle détermine la résilience des écosystèmes terrestres dont l’affaiblissement est extrêmement coûteux pour le développement humain. Or la destruction humaine de la biodiversité (par la destruction de l’habitat des espèces, l’introduction d’espèces étrangères, la sur-exploitation des ressources, les pollutions diverses et le changement climatique) est concentré dans un nombre limité de régions tropicales du monde. Et les systèmes politiques paraissent jouer un rôle dans ce processus.
13En effet, un examen rapide de la liste des 34 « zones critiques » recensées par Conservation International révèle, qu’à côte de la Nouvelle-Zélande, du Japon ou de la Californie, une majorité de ces zones sont à la fois faiblement développées et plongées dans de graves difficultés civiles et politiques. Ainsi, en croisant les données de l’indicateur de développement des Nations Unies et celles de l’institut Freedom House (qui mesurent les libertés civiles et les droits politiques), on perçoit que les zones « Mésoamérique », « Caraïbes », « Andes tropicales », « Forêts de Guinée d’Afrique de l’Ouest » ou encore « Corne de l’Afrique » présentent à la fois un faible niveau de développement économique, humain et démocratique (tableau 1).
Développement humain et état de la démocratie dans six « points chauds » tropicaux de la planète
Développement humain et état de la démocratie dans six « points chauds » tropicaux de la planète
14Il y a donc un lien préoccupant à l’échelle planétaire, au demeurant à double sens, entre dégradation de la biodiversité, sous-développement humain et mauvaise gouvernance. Le lien est en effet complexe car les ressources naturelles sont source de conflits. Ainsi un rapport récent du PNUE recense au cours des trente dernières années pas moins de 16 conflits intra-nationaux liés au contrôle des ressources naturelles (Nations Unies, 2009). Au total, mauvaise gouvernance, perte de biodiversité et déforestation semblent aller de pair à l’échelle du globe (carte 1).
Gouvernance, déforestation et biodiversité
Gouvernance, déforestation et biodiversité
15Une autre façon de comprendre la force du lien entre démocratie et écologie est d’étudier la question des catastrophes dites « naturelles ». Les inégalités de développement humain exposent en effet les populations des pays pauvres à des conséquences aggravées à la suite des catastrophes environnementales, dont les effets dévastateurs ne dépendent que marginalement des facteurs purement géo-graphiques. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), dans son dernier Rapport de synthèse (GIEC, 2007), montre bien que les effets du changement climatique ne peuvent se penser de manière pertinente qu’en tenant compte des interactions entre « systèmes terrestres » (changement de température, niveau des précipitations, niveau des mers, événements extrêmes, écosystèmes, ressources en eau) et « systèmes humains » (gouvernance, niveau d’éducation, santé, équité, démographie, préférences socio-culturelles, systèmes de production et de consommation, technologie, commerce). « Les capacités d’adaptation au changement climatique, notent les experts des Nations Unies, sont intimement liées au développement économique et social alors que celui-ci n’est pas réparti de manière équitable entre et au sein des sociétés » [6]. Il y a là une injustice flagrante puisque les pays les plus pauvres représentaient en 2004 37% de la population mondiale mais seulement 7 % des émissions de CO2, tandis que les pays les plus riches comptaient pour 45 % des émissions en ne constituant que 15% de la population du globe. Ainsi, selon le GIEC, l’Afrique, responsable de moins de 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, pourrait compter dès 2020 entre 70 millions et 400 millions de personnes exposées à des pénuries d’eau causées par le changement climatique.
16Les données rassemblées par le Centre de recherche et d’études d’épidémiologie des désastres de l’Université Catholique de Louvain montrent que si le nombre annuel de « désastres naturels » (inondations, sécheresses, éruptions volcaniques…) a augmenté de façon spectaculaire depuis les années 1970, passant d’environ 50 à environ 500, le nombre de victimes de ces désastres a baissé au fur et à mesure des progrès du développement et de la démocratie. Mais une étude fine de ces données sur la période 1984-2004 révèle que, si les pays riches ont été frappés par un nombre de désastres naturels comparable à celui des pays les plus pauvres, les deux populations étant elles aussi à peu près équivalentes, c’est plus de 900 000 victimes qu’il a fallu déplorer dans les pays pauvres, contre 75 000 dans les pays riches (tableau 2), le coût économique étant 78 fois plus important pour les premiers que pour les seconds.
Pays riches et pays pauvres face aux catastrophes « naturelles »
Pays riches et pays pauvres face aux catastrophes « naturelles »
17Plus largement, sur la période 1974-2003, l’impact humain des catastrophes « naturelles » apparaît très inégal en fonction du niveau de revenu des pays frappés. La comparaison entre le nombre de victimes dans les 10 pays les plus riches et dans les 10 pays les plus pauvres sur cette période donne une idée assez nette de cette inégalité (voir tableau 3).
Impact humain des catastrophes «naturelles» dans les 10 pays les plus riches et les 10 pays les plus pauvres
Impact humain des catastrophes «naturelles» dans les 10 pays les plus riches et les 10 pays les plus pauvres
18Mais ici encore le niveau de richesse par habitant ne suffit pas à lui seul à expliquer le moindre impact des catastrophes « naturelles ». L’analyse développée par Amartya Sen [7] à propos du rapport entre famine et démocratie est ici particulièrement éclairante. La démocratie a, selon Sen, un rôle « protecteur » contre les effets des catastrophes « naturelles » car elle confronte, par des réseaux d’alerte publique et de pression politique, les responsables aux souffrances sociales de la population qu’ils sont tentés d’ignorer. La démocratie, écrit Sen, rend les famines impossibles, celles-ci ne dépendant pas des moyens de subsistance mais de l’inégale répartition des droits à subsister. Autrement dit, les catastrophes « naturelles » sont in fine des catastrophes sociales dont le degré de gravité dépend du degré d’égalité de la société qui doit les affronter. Dans la liste des dix « catastrophes naturelles » les plus graves (en termes de victimes) recensées depuis 1900, dans laquelle on retrouve la famine du Bengale de 1943 qui a inspiré à Sen sa théorie (tableau 4), Sen nous invite en somme à substituer au terme de « sécheresse » [8] celui de « famine »
Les dix plus graves « catastrophes naturelles » depuis 1900
Les dix plus graves « catastrophes naturelles » depuis 1900
2 – Inégalités de revenu et qualité des politiques environnementales
19Revenons sur la courbe de Kuznets pour tenter de formuler un nouveau problème. Peut-on croiser ses deux versions, originelle (inégalités/ développement) et environnementale (dégradations environnementales/ développement), pour obtenir une relation entre qualité des politiques environnementales (ou niveau des dépenses publiques en faveur de l’environnement) et niveau des inégalités de revenu ?
20Selon Olson (1965), cette relation est en théorie positive comme pour d’autres biens publics que l’environnement. En effet, dans l’optique de l’action collective, un petit groupe d’individus riches, convaincus qu’ils seront ceux qui en tireront les plus grands bénéfices, sera prêt à assumer le coût élevé des politiques environnementales. La motivation du passage de l’action individuelle à une action collective efficace est ici la conviction parmi ces individus qui payeront pour une préservation de l’environnement ambitieuse qu’ils en seront les premiers bénéficiaires. Un plus large groupe, dont les revenus seraient hétérogènes, ne saurait, dans la logique de l’action collective, trouver les moyens de s’organiser pour protéger l’environnement.
21Cette approche a été contestée théoriquement et empiriquement. Théoriquement, Baland et Platteau (1997) expliquent à la fois qu’il n’est pas acquis que des individus plus riches consacrent davantage de leurs ressources pour le financement du bien public environnement et que, même dans la situation où les riches contribueraient davantage que les pauvres, un plus fort degré d’inégalités ne conduit pas nécessairement à un financement plus élevé de la protection de l’environnement.
22Magnani (2000) conteste pour sa part cette application du modèle d’Olson empiriquement en démontrant l’existence d’une relation négative entre niveau des inégalités de revenu et dépenses publiques en faveur de l’environnement. À l’aide des données de l’OCDE sur les dépenses de R&D consacrées à l’environnement, l’auteur soutient que les inégalités de revenu créent un écart entre la capacité et la volonté des pays de développer des politiques environnementales fortes. L’arbitrage s’opère dans le modèle de Magnani entre une plus grande consommation de biens privés et une plus grande dépense en faveur des biens publics environnementaux. Plus les inégalités augmentent, plus l’électeur médian sera tenté d’arbitrer en faveur de la consommation de bien privé. Plus les inégalités se réduisent et plus, au contraire, l’arbitrage se fera en faveur de la dépense environnementale. Le segment descendant de la courbe de Kuznets environnementale, là où la hausse du niveau de développement s’accompagne d’une réduction des dégradations environnementales, s’expliquerait donc par une dynamique de réduction des inégalités de revenu (les résultats de Magnani ne sont cependant robustes que pour les pays riches).
23Kempf et Rossignol (2007) défendent théoriquement une approche voisine de celle de Magnani en avançant eux aussi l’idée que les inégalités de revenu seraient préjudiciables à l’environnement. Moins les sociétés sont égalitaires, pour un niveau donné de richesse, plus les ressources de la puissance publique seront utilisées pour favoriser la croissance au détriment de la protection de l’environnement.
24On peut illustrer l’approche de Magnani par la relation inverse qui existe dans les 26 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, entre niveau des inégalités au milieu des années 2000 et part des recettes fiscales environnementales dans le PIB en 2004 (graphique).
Inégalités de revenu et part des recettes fiscales environnementales dans le PIB vers 2005 pour 26 pays de l’OCDE
Inégalités de revenu et part des recettes fiscales environnementales dans le PIB vers 2005 pour 26 pays de l’OCDE
25Il importe cependant de noter que d’autres études empiriques, comme celle de Heerink et al. (2001) et Torras et Boyce (1998), qui distinguent différents types de dégradations environnementales et pollutions, parviennent à des résultats moins tranchés sur le lien entre inégalités de revenu et indicateurs de performance environnementale.
26Deux questions se posent après ce bref panorama. La première tient à l’émergence d’une croissance économique faiblement intensive en carbone et respectueuse des écosystèmes (la « croissance verte » dans le débat public français), qui pourrait remettre en cause l’arbitrage postulé dans les modèles évoqués entre croissance économique et protection de l’environnement.
27La seconde question porte sur la dynamique contemporaine des inégalités de revenu dans les pays riches. Si on accepte l’idée d’un lien, qui ne fait pas à ce jour l’objet d’un consensus scientifique, entre inégalités de revenu et qualité des politiques environnementales, la forte augmentation des inégalités de revenu observée depuis deux décennies dans l’essentiel du monde développé pourraient avoir eu un effet adverse sur la qualité des politiques environnementales mises en œuvre au cours de cette période ou au terme de celle-ci. Il nous faut à présent pousser la logique de cette idée pour tenter de définir avec précision l’idée de « justice environnementale » et « d’inégalités environnementales ».
3 – Qu’est-ce que la justice environnementale ?
28Le concept de « justice environnementale » s’est développé dans le contexte américain de la fin des années 1970 pour désigner à la fois les inégalités dans l’exposition aux risques environnementaux (pollutions, déchets, inondations) et la mise à l’écart des minorités raciales, en particulier des Africains-Américains, des Hispaniques et des Indiens, dans la conception et la mise en œuvre des politiques environnementales. Il s’agissait notamment alors de dénoncer la pratique visant à déverser des déchets chimiques toxiques dans les quartiers africains-américains pauvres [9].
29Avec la promulgation de l’Executive order 12898 du 11 février 1994 sur la justice environnementale, les États-Unis de l’administration Clinton franchissent un pas décisif vers une formalisation de cette notion et sa diffusion dans les instances de politique publique de l’État fédéral. L’alinéa 1-101 fait ainsi obligation à toutes les agences publiques fédérales d’intégrer l’objectif de justice environnementale dans leur mission en « identifiant et en traitant de manière appropriée les effets environnementaux de ses programmes, politiques et activités ou ceux affectant de manière disproportionnée et néfaste la santé humaine des minorités et des groupes à faible revenu sur le territoire américain ».
30La Environmental Justice Strategy conçue par la Environmental Protection Agency (EPA) et publiée un an plus tard en 1995, précisera encore la notion de justice environnementale dont on peut aujourd’hui trouver une définition [10] qui insiste surtout sur deux dimensions : « un traitement équitable et une implication réelle de toutes les personnes quels que soit leur race, leur couleur de peau, leur origine nationale ou leur niveau de revenu dans la définition, la mise en œuvre et le contrôle des lois, des règlementations et des politiques environnementales ». Le « traitement équitable » étant défini par le fait « qu’aucun groupe, y compris une minorité ethnique ou un groupe socio-économique, ne doit assumer une part disproportionnée des conséquences environnementales néfastes résultant d’activités industrielles, municipales et commerciales ou de l’exécution de programmes ou de politiques fédérales, d’un État, locales et tribales ». « L’implication réelle » est quant à elle soumise à quatre conditions tenant essentiellement, pour les populations concernées, à la possibilité de participer aux discussions des politiques les affectant et au fait de pouvoir les influencer.
31Comme l’écrivent Charles et al. (2007), « La justice environnementale part du principe que les individus (ou groupes d’individus) ne sont pas égaux face aux dégradations de l’environnement ; que certains subissent plus que d’autres les effets négatifs liés aux conséquences de l’activité humaine … et qu’il devient impératif de prendre en compte ces inégalités dans l’action politique. »
32Cette préoccupation est justifiée dans l’approche américaine par le rapport qu’entretiennent qualité environnementale et santé des individus. L’EPA a développé des indicateurs et outils quantitatifs pour mesurer le degré « d’injustice environnementale » [11]. On peut ainsi, dans une certaine mesure, cartographier les risques environnementaux pour aboutir à une topographie de la justice environnementale aux États-Unis en repérant la localisation, voire la concentration géographique de la majorité des activités problématiques du point de vue environnemental (déchèteries industrielles, usines chimiques, décharges) [12].
33Le courant de la justice environnementale s’est diffusé dans le monde anglo-saxon et on en voit aujourd’hui les prolongements au Royaume-Uni. Ainsi l’exécutif écossais a-t-il défini en 2005 une nouvelle stratégie de développement durable dans laquelle la justice environnementale est reconnue comme une priorité [13] : « les communautés les plus démunies peuvent aussi être plus vulnérables à la pression de médiocres conditions environnementales » et « ne doivent pas assumer un fardeau [environnemental] disproportionné ». La différence par rapport à l’approche américaine est manifeste : la référence à la question ethnique est éludée et les notions de vulnérabilité environnementale et d’impact cumulatif sont mises en exergue. Une politique environnementale aura un effet d’autant plus important que la vulnérabilité du groupe qui le subit, vulnérabilité liée à sa condition sociale, sera grande.
34C’est aussi l’approche retenue par la Environmental Agency (EA) britannique qui place désormais la question de la justice environnementale au centre de son programme de recherche et de ses politiques, et qui a en 2007 publié une série de rapports formulant le problème sous l’angle des « inégalités environnementales » [14]. L’EA distingue trois types de justice en rapport avec les inégalités environnementales [15] :
- La justice distributive, dont la préoccupation est de savoir comment les biens (par exemple l’accès aux espaces verts) et les maux (par exemple la pollution) environnementaux sont répartis parmi les différents groupes ainsi que de déterminer l’équité de cette répartition ;
- La justice procédurale, dont le souci est le caractère équitable de l’accès au processus de décision en matière de politique environnementale et l’existence des droits au recours dans ce domaine ;
- La justice en matière de politique publique, dont les objets sont les principes et les résultats des décisions en matière environnementale et la façon dont ils affectent les différents groupes sociaux.
4 – Qu’est-ce qu’une inégalité environnementale ?
35En laissant de côté les aspects touchant à la justice procédurale, cette conception britannique des inégalités environnementales, d’inspiration américaine mais d’émanation européenne, peut être précisée à la lumière d’une volumineuse littérature dont Pye et al. (2008) proposent une synthèse. Les inégalités environnementales recouvrent selon ces auteurs trois dimensions :
- L’inégale répartition de la qualité environnementale entre les différents groupes sociaux ; il peut s’agir soit d’une définition négative (l’exposition à des impacts environnementaux néfastes) soit d’une définition positive (l’accès à des aménités environnementales tels que les espaces verts et les paysages) ; il s’agit également de la question de la vulnérabilité des différents groupes sociaux aux risques environnementaux, avec le risque d’un impact multiple et cumulatif de celles-ci, les inégalités environnementales n’étant ni indépendantes les unes des autres ni indépendantes des autres inégalités sociales (revenu, statut social, etc.) ;
- L’inégal impact environnemental des différents groupes sociaux ; la question est ici de déterminer l’influence du niveau de revenu des catégories sociales sur leur impact environnemental respectif ;
- L’inégal impact des politiques environnementales sur les différents groupes sociaux ; ce qui recouvre aussi les conséquences distributives des politiques environnementales fiscales.
36Les deux dimensions habituelles, descriptive et normative, des inégalités se retrouvent au sujet des questions environnementales : une inégalité environnementale peut-être le simple constat d’une inégale répartition entre individus ou groupes ou, si l’inégalité est considérée comme une injustice, le socle d’un discours normatif visant à corriger cet état de fait par le droit (ce qui suppose des définitions précises, des instruments de mesure codifiés et des données fiables).
37C’est, semble-t-il, en 2002, que le Livre Blanc préparatoire au sommet de Johannesburg a introduit pour la première fois en France la notion « d’inégalités écologiques », en observant que « le champ des ‘inégalités écologiques’ est en fait fort étendu et recouvre aussi bien une exposition aux risques naturels et techniques, une dégradation de la qualité de vie, une privation relative de certains biens et services communs allant jusqu’à un accès restreint ou altéré à des ressources vitales, toutes choses se traduisant par une altération du potentiel de développement au sens plein du terme ».
38Ce concept « d’inégalités écologiques » est sémantiquement problématique. Comme le souligne le ministère de l’Écologie et du développement durable (2005), si l’on s’en tient à la définition de l’écologie donnée par le dictionnaire Le Robert (« l’étude des milieux au sein desquels vivent et se reproduisent les êtres vivants ainsi que des rapports de ces êtres avec le milieu »), « le terme ‘inégalités’ accolé à ‘écologiques’ ne produit guère de sens. On voit mal en effet comment l’étude du fonctionnement des écosystèmes urbains peut produire de l’inégalité ». Les auteurs conservent pourtant cette appellation et définissent « les inégalités écologiques en milieu urbain » « comme des inégalités de situation résultant des variations qualitatives de l’environnement urbain ».
39C’est en effet surtout sur le terrain de la politique urbaine que se sont développés les travaux français en la matière et c’est cet aspect des inégalités environnementales qui est mis en lumière dans le rapport annuel de l’IFEN (2006) à partir des travaux de Laigle et Oehler (2004). Ces auteurs ont proposé une typologie des inégalités entre territoires, en distinguant : « les inégalités d’exposition aux nuisances urbaines (bruits, pollutions…) et aux risques (naturels, technologiques, industriels, sanitaires…) ; les inégalités d’accès à l’urbanité et à un cadre de vie de qualité ; les inégalités liées à l’héritage et au développement des territoires urbains ; les inégalités dans la capacité d’agir sur l’environnement et d’interpeller la puissance publique pour améliorer le cadre de vie. » On retrouve ici une partie des inégalités environnementales catégorisées plus haut, à l’exception de l’impact environnemental respectif des différents groupes sociaux et de l’impact distributif des politiques environnementales. Or, si l’aspect territorial ou urbain prédomine dans les travaux actuels menés en France, il paraît cependant utile de l’intégrer dans un ensemble plus large d’inégalités environnementales dans l’esprit de la typologie de Pye et al. (2008). Nous séparerons donc dans les pages qui suivent la question des inégalités environnementales entre territoires et celle des inégalités environnementales entre groupes sociaux.
4.1 – Les inégalités environnementales entre territoires
40L’inscription spatiale des inégalités sociales rend très difficile la distinction entre inégalités sociales et territoriales et les considérations écologiques brouillent encore davantage, si l’on peut dire, les cartes. Une manière de comprendre le problème consiste à considérer séparément les inégalités environnementales à l’échelle de la planète et à l’échelle d’un pays. Il existe ainsi des écarts substantiels de dotation en ressources naturelles, de climat, de topographie, etc. entre les pays du monde. Cette échelle globale de raisonnement n’est d’ailleurs pas dénuée de pertinence pour étudier la dynamique du développement économique, voire politique des différents continents ou nations [16]. Mais à l’échelle d’un pays, le choix du lieu de résidence (région, ville, quartier, rue) est fortement conditionné par le revenu, de sorte que l’environnement n’apparaît pas comme une donnée exogène. Il est bien plutôt choisi, quand on est riche, ou au contraire subi, quand on est pauvre. C’est ainsi qu’inégalités sociales et environnementales peuvent se cumuler et même se confondre.
41L’IFEN (2005) distingue à cet égard deux aspects des inégalités environnementales entre territoires : « un phénomène lié à la différenciation sociale avec des populations cumulant inégalités sociales et environnementales » très difficilement repérable et mesurable faute de données suffisamment fines au niveau du quartier, voire de la rue. Les inégalités environnementales seraient, dans cette perspective de ségrégation urbaine, une forme comme une autre d’inégalité sociale géographiquement concrétisée, très difficile à isoler de l’ensemble. Le deuxième aspect porte le regard au niveau du territoire. Néanmoins, y compris sur ce plan-là, « inégalités sociales et spécificités territoriales sont parfois liées dans la mesure où les processus de différenciation peuvent produire un marquage social à l’échelle d’un territoire ». L’IFEN cite à l’appui de sa démonstration le cas du Nord-Pas-de-Calais, où inégalités environnementales (mesurées par les émissions polluantes dans l’eau et l’air, la présence de sites Seveso et la pollution des sols) et de revenu (mesurées par la médiane du revenu fiscal par unité de consommation) apparaissent corrélées.
42À partir des travaux de Walker et al. (2003), l’EA a été conduite à faire le même constat : les habitants des 10 % des territoires les plus défavorisés du Royaume-Uni ont une probabilité huit fois plus importante de résider dans des zones inondables que les 10 % les plus avantagés, la qualité de l’air est la plus mauvaise dans ces territoires défavorisés et la concentration de dioxyde de nitrogène résultant des activités industrielles et de transport y est plus importante de 41 %. Ces mesures empiriques d’inégalités environnementales sont confirmées par des travaux plus récents (Environment Agency, 2007).
43Le cas des zones urbaines sensibles (ZUS) françaises illustre bien cependant de quelle manière on peut en partie démêler l’écheveau des inégalités sociales et spatiales pour isoler des inégalités proprement environnementales et montrer comment celles-ci rétroagissent sur les conditions sociales. Le tableau 5, tiré des travaux de la DIVE, indique que les ZUS sont bien plus exposées aux risques environnementaux liés aux activités industrielles que les autres territoires : leurs habitants représentent les deux tiers de la population française totale exposée au risque industriel.
Exposition au risque industriel des communes françaises
Exposition au risque industriel des communes françaises
44Or, le danger d’un impact cumulatif entre inégalités environnementales et sociales est évident : la dégradation de la santé des résidents des ZUS du fait de l’exposition au risque environnemental aggrave encore la précarité de leur condition sociale [17]. On retrouve ici sous une forme différente la boucle négative social-environnementale identifiée pour les populations de certains pays pauvres.
45Mais Bellan, Bellan-Santini et Dauvin (2007) défendent l’idée d’une spécificité des inégalités environnementales entre territoires et refusent une approche par trop sociale risquant selon eux de « recouvrir » la problématique environnementale. Ils contestent ainsi la pertinence des travaux de Laigle et Oehler (2004) pour proposer une autre typologie des « inégalités écologiques entre territoires » qui distingue : « les inégalités liées au facteur nature (habitats naturels, dynamique naturelle des milieux, différences de la biodiversité, présence d’espèces rares, endémiques, emblématiques….) ; les inégalités d’accès aux usages de la terre et de la mer ; les inégalités face aux risques naturels (tremblements de terre, dangers d’éboulement, d’avalanches, d’inondations…) et anthropiques (pollutions, artificialisation, densité du bâti urbain…) ; les inégalités dans les politiques locales ou nationales en ce qui concerne la protection du milieu et la réglementation des usages que l’on peut qualifier d’inégalités de gouvernance. ». C’est aussi la question d’inégalités environnementales entre groupes sociaux échappant à la logique territoriale qu’il convient de poser et l’enjeu de la vulnérabilité environnementale en est une modalité.
4.2 – Les inégalités environnementales entre groupes sociaux
4.2.1 – Vulnérabilité environnementale et variables socio-économiques
46Dans le cadre de l’étude du changement climatique, le GIEC propose de définir la « vulnérabilité » comme le « degré par lequel un système risque de subir ou d’être affecté négativement par les effets néfastes des changements climatiques, y compris la variabilité climatique et les phénomènes extrêmes. La vulnérabilité dépend du caractère, de l’ampleur et du rythme des changements climatiques auxquels un système est exposé, ainsi que de sa sensibilité et de sa capacité d’adaptation ». Peut-on transposer cette définition au niveau, non pas des systèmes, mais des groupes sociaux ? C’est cette approche large qui a été retenue par le PNUE dans son quatrième rapport sur l’avenir de l’environnement mondial « L’environnement pour le développement » (2007) : « Une caractéristique intrinsèque de la vulnérabilité est le risque qui pèse sur les personnes et/ou les écosystèmes. Ce risque peut être dû à la sécheresse, inondations, variabilité et changements climatiques, conflits et changements de prix extrêmes. La vulnérabilité tient compte de l’exposition et de la sensibilité des personnes aux effets d’événements de ce type et leur capacité à résister et à s’adapter. Un élément complémentaire de la résistance et de l’adaptation est la résilience, qui désigne la capacité à revenir à la situation de référence. »
47L’épisode tragique de la canicule de l’été 2003 permet de saisir ce que l’idée de vulnérabilité environnementale apporte de plus à la compréhension des inégalités environnementales que la seule approche territoriale. En effet, les études sanitaires portant sur la surmortalité de près de 15 000 personnes en France dans la première moitié du mois d’août (plus de 2 000 personnes succombant dans la seule journée du 12 août 2003) sous l’effet de températures dépassant les 35° C pendant plus de dix jours, montrent que 80 % des victimes avaient plus de 75 ans et 90 % plus de 65 ans (tableau 6).
Distribution par tranche d’âge de la surmortalité pendant la canicule de l’été 2003
Distribution par tranche d’âge de la surmortalité pendant la canicule de l’été 2003
48L’analyse en termes d’inégalités socio-économiques de la canicule de 2003 se révèle encore plus riche et plus complexe, l’INVS (2004) ayant établi que parmi les variables significativement liées au décès on trouve, par ordre d’importance, la catégorie socioprofessionnelle et le degré d’autonomie des personnes âgées. Les inégalités environnementales entre groupes sociaux recouvrent également la question de la distribution de leur impact environnemental, et, réciproquement, de l’impact des politiques environnementales sur eux.
4.2.2 – Impact environnemental des groupes sociaux et impact distributif des politiques environnementales
49Au sujet du rapport entre répartition du revenu et inégalités environnementales entre groupes sociaux, Lipietz (1998) soutient (sans le démontrer) que « les riches ont une plus grande capacité à polluer… une plus grande disponibilité à payer pour polluer… une plus grande capacité à payer le prix de la protection de leur environnement, que n’en ont les pauvres. C’est là un pur effet de l’inégalité des revenus. » Il en déduit que « l’amélioration de l’environnement est un problème presque totalement indépendant de celui de la distribution [des revenus] ».
50L’étude menée par Pye et al. (2008), une des seules dans son genre, permet de valider mais aussi de préciser cette intuition au plan empirique. Selon les auteurs, les ménages européens ayant un faible impact sur l’environnement sont plus souvent des foyers monoparentaux (avec ou sans enfant) avec un niveau de revenu faible et dont la personne de référence est économiquement inactive, soit plutôt jeune (moins de trente ans) soit plutôt âgée (plus de 60 ans). À l’inverse, les ménages susceptibles d’avoir un impact négatif sur l’environnement sont des foyers avec deux revenus et un revenu total élevé, dont la personne de référence est employée et dont l’âge moyen est compris dans la tranche 30-60 ans.
51Intégrant à son raisonnement la problématique réciproque, celle de l’impact distributif des politiques environnementales (règlementaires ou fiscales), Lipietz (1998) fait l’hypothèse que « Les très pauvres ont très peu les moyens de faire usage de l’environnement et donc de le dégrader, la jouissance de l’environnement gratuit constitue l’essentiel de leur satisfaction : ils ont tout intérêt à une politique publique de défense de l’environnement, que ce soit par la réglementation, ou par des écotaxes sur des activités qu’ils n’ont pas les moyens de pratiquer, ou par des subventions à l’amélioration de la capacité de charge de leur environnement. » À l’autre extrémité de l’échelle sociale, « les très riches sont les mieux dotés pour substituer une activité équivalente à n’importe quelle activité interdite, pour s’offrir les meilleures normes, payer les écotaxes, et même accepter le principe ‘pollué payeur’ en s’offrant le prix foncier des environnements protégés. » En somme conclut l’auteur, « très riches et très pauvres gagnent à l’amélioration de l’environnement et ne perdent pas grand-chose à la taxation de sa pollution. C’est ‘entre les deux’, ‘chez les moyens’…que l’intérêt économique pour l’institution d’une écotaxe ou d’une réglementation environnementale va passer par un minimum ». On pourrait ajouter à cet argument que les travaux disponibles recensés par Pye et al. (2008) montrent que les ménages les plus pauvres assument les effets environnementaux adverses les plus grands du fait de la distribution inégale de la qualité environnementale et de leur vulnérabilité socio-économique. Ces ménages tireraient donc plus que les groupes les plus favorisés bénéfice de politiques environnementales ambitieuses.
52L’étude de Serret et Johnstone (2006), la plus complète à ce jour sur les effets distributifs des politiques environnementales, confirme cependant que l’appréhension commune est celle d’un caractère socialement régressif des politiques environnementales, et ce pour deux motifs connexes. Les ménages les plus pauvres supporteraient de manière disproportionnée le coût financier des politiques environnementales. Les ménages les plus riches recevraient de manière disproportionnée les bénéfices des politiques environnementales.
53Dans une synthèse des études empiriques sur les effets distributifs des politiques fiscales environnementales, l’OCDE (2007) relève en ce sens que « La plupart des études montrent que les taxes liées à l’environnement, en particulier les taxes sur l’énergie, peuvent avoir un effet régressif direct sur la répartition du revenu des ménages. Les ménages modestes consacrent en effet une plus forte proportion de leurs revenus au chauffage, par exemple, que leurs voisins plus aisés, de sorte qu’une taxe qui fait monter le prix de l’énergie utilisée par les ménages a plus de répercussions sur les familles modestes. » Néanmoins, comme le notent les auteurs, « Les gouvernements disposent de plusieurs solutions pour atténuer ou supprimer cet effet, mais certaines réduisent plus que d’autres l’efficacité de la mesure pour l’environnement » (cf. infra).
54Dans cette optique, les politiques publiques de lutte contre la « précarité énergétique » (fuel poverty dans le monde anglo-saxon) illustratrent le fait que la combinaison de mesures réglementaires et d’une fiscalité progressive peut contribuer à réduire la consommation d’énergie et donc à améliorer le revenu des catégories les plus défavorisées de la population (en France, l’ADEME calcule que la part des dépenses énergétiques des 20 % de ménages les plus pauvres est 2,5 fois plus élevée que celle des 20 % de ménages les plus riches). Le programme Warm Front au Royaume-Uni a précisément pour but d’accorder des prêts (limités à 4 000 £) à des ménages modestes pour améliorer l’isolation de leur logement et l’efficacité de leur système de chauffage (1,1 millions de ménages en ont bénéficié depuis 2000). En France, les « Fonds sociaux d’aide aux travaux de maîtrise de l’énergie » fonctionnent, avec le concours de l’ADEME, selon la même logique (mais ne concernent que 15 départements).
55Le cas de la consommation des ampoules à basse consommation en France permet également de saisir la nécessité de combiner politique réglementaire et fiscale pour parvenir à rendre progressive les politiques environnementales. En effet, les données disponibles indiquent que, comme pour la consommation de biens écologiques en général, celle des ampoules à basse consommation est pour l’instant réservée aux franges les plus aisées de la population des pays développés (en 2008, sur 250 millions d’ampoules vendues en France, les ampoules incandescentes représentaient environ 80 % du total et les ampoules fluocompactes, moins énergivores, environ 11 % des ventes). Or, ces ampoules reviennent à moyen terme moins cher à leurs acheteurs [18] : si le coût d’achat est dans un rapport de 1 à 7 en faveur des ampoules incandescentes, le coût total après usage varie dans un rapport de 1 à 3,5 en faveur des ampoules fluocompactes (tableau 7). Il y a donc une contradiction entre le coût à court terme et le coût à long terme des produits écologiques qui permettent des économies d’énergie, contradiction qui doit être prise en considération par les pouvoirs publics au moment de la conception des politiques environnementales. Ce dernier point conduit à envisager en guise de conclusion la contradiction, ou au contraire la compatibilité, entre exigence environnementale et exigence sociale.
Coût à court et moyen terme des ampoules incandescentes et fluocompactes en France en 2008
Coût à court et moyen terme des ampoules incandescentes et fluocompactes en France en 2008
Conclusion : vers des politiques social-écologiques
56Y a-t-il contradiction insurmontable entre justice sociale et impératif environnemental ou au contraire, ces deux exigences sont-elles compatibles ? Peut-on protéger l’environnement et réduire les inégalités, sachant qu’il s’agit là des deux enjeux parmi les plus pressants des sociétés contemporaines ? En première analyse, il ne semble pas y avoir de contradiction fondamentale entre les deux principes, les plus riches étant à la fois les pires « pollueurs » et les meilleurs « payeurs », ceux dont l’impact sur l’environnement est le plus élevé mais aussi les mieux disposés et les plus capables d’assumer financièrement cet impact. Mais on a vu que ce raisonnement se compliquait à mesure que l’on descend l’échelle sociale vers les classes moyennes puis les populations les plus défavorisées, pour lesquelles les politiques environnementales sont souvent socialement régressives. Il apparaît donc nécessaire d’encastrer les politiques écologiques dans les politiques sociales au moment de leur conception afin de garantir leur caractère écologiquement efficace et socialement neutre, voire progressif, et leur acceptabilité politique. Il conviendrait à cet égard de parler de « politiques social-écologiques » afin d’éviter d’isoler artificiellement la dimension environnementale des politiques publiques (on pourrait également imaginer que des structures gouvernementales communes permanentes soient constituées pour définir au mieux ces politiques d’un nouveau genre).
57Le cas de la fiscalité environnementale est l’illustration même de la possibilité de concilier les impératifs environnementaux et sociaux à condition de reconnaître et d’évaluer précisément leur degré de contradiction potentielle. Ainsi, l’OCDE (2007) montre que, d’une part, l’efficacité environnementale des fiscalités écologiques mises en œuvre depuis le début des années 1990 est forte [19], et que, d’autre part, certains gouvernements ont su prendre des mesures pour réduire, voire compenser les effets généralement socialement régressifs de ces politiques (c’est en particulier le cas de l’Allemagne avec la réforme fiscale de 1999 et de la Suède avec celle de 2001). La question est notamment de savoir quel type de compensation permet le mieux de conserver à la fiscalité environnementale son efficacité maximale. Les mesures directes de compensation (abattements, crédits d’impôts, transferts monétaires) sont à cet égard préférables aux mesures d’exemption ou de réduction fiscale. Pourtant, selon l’OCDE, les gouvernements sont en pratique souvent loin de cette approche social-écologique intégrée : « Dans certains cas, les considérations de redistribution ne sont pas du tout prises en compte, ou ne le sont qu’à un stade tardif du processus d’élaboration des politiques, et font alors l’objet d’un traitement plus ponctuel. Il peut en résulter une forte opposition et un manque d’efficacité des mesures environnementales, d’où des coûts plus élevés qu’ils ne devraient l’être pour la société. »
58Au-delà de la seule politique fiscale, c’est l’ensemble des politiques environne-mentales qui doivent et peuvent prendre en compte la dimension sociale. Il va ainsi dans le domaine urbain, dès lors que l’on considère que médiocrité de la qualité environnementale et précarité de la condition sociale interagissent (cette double préoccupation est par exemple l’angle du plan de rénovation engagé dans le quartier suédois défavorisé de Rosengård, au centre de la ville de Malmö).
59Cette conciliation entre exigence sociale et environnementale peut également valoir pour les pays en développement. C’est la philosophie du programme des Nations Unies placé sous l’autorité de Pavan Sukhdev (2008) visant à briser le cercle vicieux entre pauvreté et dégradation environnementales identifié au début de cet article en promouvant « le paiement des services rendus par les écosystèmes » aux populations défavorisées qui les exploitent pour leur survie. Selon les Nations Unies, le Costa Rica a ainsi investi 200 millions de dollars dans un programme d’indemnisations pour quatre « services environnementaux » (réduction des émissions de gaz à effet de serre, services liés à l’eau, valeur paysagère et biodiversité).
60Pour les pays développés comme pour les pays en quête de développement, exigence environnementale et sociale semblent être des impératifs plus complémentaires que substituables : c’est aux pouvoirs publics de rendre cette compatibilité explicite.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : politiques social-écologiques, inégalités, écologie, inégalités environnementales, justice environnementale
Mise en ligne 19/05/2009
https://doi.org/10.3917/reof.109.0033Notes
-
[1]
C’est la démarche de la « nouvelle écologie politique » adoptée dans Fitoussi et Laurent (2008).
-
[2]
Nous ne traiterons ainsi pas ici, par exemple, de la question pourtant capitale des inégalités inter-générationnelles. Sur ce point, voir Fitoussi et Laurent (2008).
-
[3]
Le cercle vicieux de la déforestation et de la pauvreté est assez proche à Madagascar de la situation d’Haïti, mais celle de la République dominicaine, pourtant voisine d’Haïti sur l’île d’Hispaniola, est sensiblement différente, ce qui met en lumière le rôle joué par la gouvernance dans ces dynamiques (cf. infra). Le bilan respectif de l’ouragan Gustav (août-septembre 2008) sur les deux parties d’Hispaniola est à cet égard éclairant (les victimes, 77 en Haïti contre 8 en République dominicaine, ont succombé à des glissements de terrain et des inondations). Pour autant, le rapport entre démocratie et écologie est ambigu dans le cas de Saint-Domingue (cf. Diamond, 2005).
-
[4]
Pour une revue critique de la littérature sur la « courbe de Kuznets environnementale », voir Stern (2004).
-
[5]
Sur ce point, voir par exemple Piketty (2005). http:// www. jourdan. ens. fr/ piketty/ fichiers/ public/ Piketty2005c. pdf
-
[6]
C’est justement l’insuffisante prise en compte de cette inégale capacité d’adaptation en rapport avec le niveau de développement qui fonde la critique adressée par Dasgupta (2006) au Rapport Stern.
-
[7]
Amartya Sen, Poverty and Famines: An Essay on Entitlement and Deprivation, Oxford University Press, 1981.
-
[8]
L’accès à l’eau propre dans le monde illustre également la problématique de la répartition des droits à substituer chère à Sen. Les données des Nations Unies sur le développement humain indiquent ainsi que son taux est en moyenne de 67 % pour la population du Bénin (163e pays sur 177 en 2004), mais au sein du pays, de 90 % parmi les 20 % les plus riches et de 10 % parmi les 20 % les plus pauvres.
-
[9]
Pour une généalogie du concept aux États-Unis, voir Charles et al. (2007).
-
[10]
« Environmental Justice is the fair treatment and meaningful involvement of all people regardless of race, color, national origin, or income with respect to the development, implementation, and enforcement of environmental laws, regulations, and policies ». Voir http:// www. epa. gov/ compliance/ environmentaljustice/
-
[11]
L’EPA propose ainsi une large batterie d’instruments de mesure, voir http:// www. epa. gov/ compliance/ resources/ policies/ ej/ ej-toolkit. pdf
-
[12]
Voir par exemple le logiciel Environmental Justice Geographic Assessment Tool. http:// www. epa. gov/ enviro/ ej/
-
[13]
Voir la Section 8 de « Choosing our future: Scotland’s sustainable development strategy » (2005) http:// www. scotland. gov. uk/ Publications/ 2005/ 12/ 1493902/ 39103
-
[14]
Voir http:// www. environment-agency. gov. uk/ research/ library/ position/ 41189. aspx
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[15]
Auxquels s’ajoutent la « justice internationale » et la « justice inter-générationnelle ».
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[16]
Voir par exemple l’analyse que fait Jared Diamond dans Guns, Germs and Steel (1997), des avantages décisifs pour son développement conférés à l’Eurasie par ses atouts géographiques. Voir aussi la thèse d’Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) selon laquelle la dotation initiale d’un territoire en avantages climatiques et en ressources naturelles peut fortement influer sur la qualité à long terme de ses institutions.
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[17]
Cette aggravation peut prendre la forme d’inégalités environnementales multiples dont l’impact est cumulatif, voir sur ce point Lucas et al. (2004).
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[18]
Le raisonnement est encore plus vrai pour les ampoules LED.
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[19]
L’OCDE note sur ce point : « Il ne fait pas de doute que de nombreuses taxes environnementales contribuent à l’amélioration de l’environnement. Leur augmentation se traduit par une hausse des prix qui a pour effet de réduire la demande de produits préjudiciables à l’environnement. La consommation de carburant a ainsi fortement baissé ces dernières années, à la suite de la hausse des prix du brut et des taxes sur le carburant. Certains pays qui se servent de la teneur en soufre du carburant pour fixer le niveau de la taxe ont observé une diminution sensible des émissions de dioxyde de soufre (SO2) ».