Notes
-
[1]
Voir Knetter (1989), Marston (1990), Gagnon et Knetter (1995), Adolson (1999), Mahdavi (2002), Campa et Goldberg (2002), Gaulier et al. (2006a). Pour une synthèse, voir Goldberg et Knetter (1997).
-
[2]
Ce résultat repose sur le pouvoir de marché conféré par la différenciation du produit. À la limite, en situation de concurrence avec produit homogène, l’exportateur devra maintenir son prix en monnaie du marché de destination et donc répercuter totalement la variation de change sur son prix d’origine en monnaie domestique. Le degré de différenciation permet d’être moins contraint par le niveau du prix sur le marché de destination.
-
[3]
En fait, comme les valeurs unitaires sont définies au niveau de désagrégation à 5 chiffres, l’effet temps estime le coût marginal moyen pour l’item exporté enregistré.
-
[4]
L’interprétation économique dépend des hypothèses faites sur la structure de marché. Si l’exportateur est en situation de monopole, ?i dépend de la convexité de la demande du marché de destination. Si l’élasticité de la demande est constante, ?i sera nul ; si la demande est moins convexe qu’une fonction de demande log-linéaire (valeur absolue de l’élasticité qui augmente avec les prix, donc avec l’appréciation de la monnaie de l’exportateur), ?i sera positif ; si la demande est plus convexe qu’une fonction de demande log-linéaire, ?i sera négatif. Comme les exportations sont le fait de plusieurs firmes, le coefficient est un indicateur de la convexité moyenne de la demande résiduelle.
-
[5]
L’annexe 1 apporte des précisions supplémentaires.
-
[6]
Il s’agit du rapport des exportations en valeurs aux quantités exportées.
-
[7]
Il convient de souligner que, bien qu’incontournables pour connaître les prix des exportations, les valeurs unitaires présentent deux limites principales. D’une part, les variations de valeurs unitaires peuvent refléter tout autant des variations de prix que des variations de la composition du volume exporté en raison des variations de la demande étrangère. D’autre part, les variations des valeurs unitaires peuvent provenir de changements qualitatifs impossibles à distinguer des variations de prix proprement dites. Les valeurs unitaires sont basées sur les prix « Franco à bord », donc n’incluent pas de coût d’assurance ou de transport, l’enregistrement se fait à la sortie du territoire d’origine.
-
[8]
Voir pour une revue de la littérature sur le pass-through, Goldberg et Knetter (1997), Olivei (2002).
-
[9]
La même régression en utilisant les taux de change réels conduit à diminuer le nombre de coefficients significatifs : 21 pour l’Allemagne (sur 164), 13 pour la France (sur 114) et 37 pour l’Italie (sur 156).
-
[10]
Textile fabrics coated, with preparation of cellulose derivatives, CTCI 65732.
-
[11]
3411 : Fabrication de la pâte à papier, du papier et du carton ; 3513 : Fabrication des résines synthétiques, matières plastiques et fibres artificielles, à l’exclusion du verre ; 3529 : Fabrication de produits chimiques non classés ailleurs ; 3720 : Production et première transformation des métaux non ferreux ; 3829 : Machines et matériel, à l’exclusion des machines électriques, non classées ailleurs.
-
[12]
Il s’agit de l’Argentine, l’Australie, l’Egypte, la République tchèque, la Corée, la Pologne, le Portugal, la Turquie, la Russie, la Belgique-Luxembourg.
-
[13]
Les coefficients non significatifs étant alors égaux à 0.
-
[14]
Cf. note 11.
-
[15]
Il s’agit de 3111 : Abattage du bétail, fabrication des préparations et conserves de viande ; 3511 : Industrie chimique de base, à l’exception des engrais ; 3720 : Production et première transformation des métaux non ferreux ; 3839 : Fabrication d’appareils et de fournitures électriques non classés ailleurs.
1La concurrence internationale des quarante dernières années a indéniablement augmenté les contraintes sur les prix des entreprises exportatrices les obligeant à des stratégies de réduction des coûts et/ou de différenciation des produits. Cette augmentation de la concurrence s’est accélérée depuis le début des années 1990 avec l’entrée des nouveaux pays industrialisés d’Asie du Sud-Est et des pays d’Europe de l’Est dans la compétition internationale mondiale et européenne. Des modifications de la structure des exportations signalent les effets structurels de cette concurrence. Les prix restent cependant une variable clé de la concurrence internationale. Cet article propose d’étudier l’évolution des prix des exportations et d’apprécier dans quelle mesure les pouvoirs de marché des exportateurs allemands, français et italiens ont évolué au cours de cette période. Ces pouvoirs de marché sont révélés par la marge prix-coût ou taux de marge.
2Le niveau des taux de marge est un puissant indicateur du pouvoir de marché des entreprises parce qu’il révèle tout à la fois le pouvoir sur la demande (une faible élasticité-prix de la demande implique un taux de marge élevé) et le pouvoir sur les concurrents (un fort taux de marge, stable, indique un pouvoir monopolistique). Le taux de marge de l’entreprise détentrice d’un pouvoir de faire les prix, c’est-à-dire d’un pouvoir de monopole, est souvent exprimé par l’indice de Lerner (1934). Une entreprise disposant d’un pouvoir de monopole maximisant son profit définira son prix de telle manière que :
4où ? est l’élasticité de la demande.
5Ici la marge prix-coût ne dépend que de l’élasticité de la demande. Plus l’élasticité de la demande sera grande et plus le prix se rapprochera du coût marginal. Selon cette définition, la connaissance empirique du taux de marge n’est pas aisée dès lors que l’information sur le coût marginal et le prix n’est pas simultanément disponible.
6Nous nous intéressons ici aux taux de marge révélés par les prix à l’exportation. La connaissance de l’évolution des marges à l’exportation apporte une information sur l’évolution des performances des exportateurs mais aussi plus généralement une lecture de l’évolution des avantages compétitifs des industries et des entreprises. Les taux de marge domestiques et les taux de marge à l’exportation ne sont a priori pas identiques. En effet, les conditions de concurrence et de demande ne sont pas les mêmes sur le marché domestique et sur le marché étranger. À coût de production égal, le taux de marge variera selon la destination. On s’attend à ce que le taux de marge à l’exportation soit inférieur au taux de marge domestique en raison de l’existence non seulement de coût à l’exportation mais aussi d’une plus forte concurrence sur les marchés étrangers. Bernstein et Mohnen (1991) et Moreno et Rodriguez (2004) concluent en ce sens pour les firmes canadiennes et les firmes espagnoles respectivement. Néanmoins, le taux de marge domestique et le taux de marge à l’exportation ne peuvent pas longtemps diverger fortement, sauf à causer une redéfinition des parts des ventes à l’étranger et des ventes domestiques. Les taux de marge à l’exportation sont un indicateur du pouvoir de marché sur les marchés extérieurs et révèlent la compétitivité des firmes domestiques.
7Par ailleurs, la littérature empirique a mis en évidence un comportement largement répandu de tarification au marché de la part des exportateurs. Il s’agit d’un comportement de prix qui consiste à facturer des prix différents selon la destination du produit exporté. Ce comportement induit alors une variabilité des taux de marge obtenus à l’exportation alors que le prix de production de l’exportateur est le même quelle que soit la destination. L’enjeu de l’évaluation empirique de ce comportement de tarification au marché est important pour saisir la vulnérabilité des entreprises exportatrices à la concurrence étrangère dans la mesure où des variations de marges négatives ne pourraient être supportées sur une longue période.
8Depuis Krugman (1987), les variations des taux de change ont été identifiées comme une des causes de ce comportement de tarification au marché. En effet, ces variations sont propres au marché de destination et peuvent induire des variations de l’élasticité de la demande modifiant alors le comportement de prix. La tarification au marché qui dépend des variations de change est appelée dans la littérature « pricing-to-market » (PTM).
9Les analyses théoriques établissent qu’en présence de marchés segmentés et d’une élasticité-prix de la demande non constante, un exportateur en situation monopolistique, qui exporte vers des destinations différentes, adoptera un comportement de PTM (Goldberg, 1995 ; Bergin et Feenstra, 2001). Plus généralement, dès que le comportement de l’exportateur consiste à ne pas répercuter volontairement les variations des taux de change – soit parce qu’il ne lui est pas possible de procéder à un ajustement de son offre (Krugman (1987), soit en raison de la nécessité de maintenir la stabilité des prix en monnaie locale pour des questions de parts de marché (Froot et Klemperer, 1989) ou de réputation (Krugman, 1987) – alors l’exportation vers des marchés distincts non intégrés se traduira par des différentiels dans les prix des exportations en monnaie domestique selon le marché de destination. La variation des prix des exportations en monnaie de l’exportateur aura pour contrepartie une variation du taux de marge inverse qui dépendra de la variation du taux de change.
10Ce comportement a été beaucoup documenté par de nombreuses estimations empiriques [1]. L’absence de répercussion complète des variations des taux de change par les prix des importations (« incomplete pass through ») est démontrée très nettement à court terme. Le « pass through » de long terme est cependant plus élevé et parfois unitaire. Un « pass through » incomplet révèle un comportement de PTM. La relation est inverse : quand le « pass through » est complet (égal à 1), alors il n’y a pas de comportement de PTM. La littérature montre que ce comportement de PTM a des déterminants « produits » (Knetter, 1993) ; Gil-Pareja, 2000 ; Parsley, 2004) dans la mesure où le degré de réaction des prix des exportations aux variations des taux de change est très variable selon les industries-produits pour un même pays exportateur. Le comportement de PTM est moins fréquent pour les produits différenciés que pour les produits homogènes [2] (Stahn, 2006). La littérature s’accorde également sur l’existence de déterminants propres au pays-source : de façon particulière, en identifiant la singularité des États-Unis pour lesquels le comportement de PTM est rarement observé (Mann, 1986 : Marston, 1990 , Knetter, 1993 ; Goldberg et Knetter, 1997) ; de façon plus générale en montrant que le comportement de PTM dépend des parts de marché dans le marché de destination (Feenstra et al., 1996 ; Froot et Klemperer, 1989) ; Asplund et al., 2001) ou de la taille du pays (Gaulier et al., 2006b).
11Cependant, la littérature ne montre pas franchement un comportement de PTM propre à une industrie ou à un produit qui se retrouverait, quelle que soit la destination et quel que soit le pays-source. Certes, Knetter (1993), qui est le premier à tenter une comparaison de ce comportement entre pays, montre que pour les industries comparables, le comportement de PTM est similaire entre les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni. Mais il s’agit seulement de 7 industries pour lesquelles le test d’égalité ne peut être rejeté. En général, si on ne contraint pas les paramètres à être égaux entre les destinations, entre les pays-sources et entre les produits, on obtient des estimations qui dépendent de ces trois paramètres : le produit, la source et la destination. Nous vérifions dans cette analyse cette triple dépendance tout en identifiant un comportement de PTM plus fréquent pour l’Italie que pour l’Allemagne et la France et un comportement qui dépend plus nettement du marché de destination que des autres paramètres.
12Nous proposons une évaluation des variations des taux de marge à l’exportation au niveau de désagrégation à 5 chiffres de la nomenclature « produits » du commerce international. La disposition des valeurs unitaires d’exportation par produit et par destination permet d’estimer le coût marginal associé à un produit. Celui-ci est en effet supposé indépendant de la destination d’exportation. Notre méthodologie empirique repose sur la spécification de Knetter (1993) : comme le taux de marge et le coût marginal ne peuvent être observés, cette spécification empirique permet de saisir, par un jeu complet de variables muettes temporelles, tous les mouvements communs aux prix des produits exportés mais qui sont indépendants des marchés de destination. L’ajustement du taux de marge dépend à la fois du taux de change et des autres effets destination.
13Mais la perspective retenue est ici élargie. Il s’agit d’observer l’existence d’un comportement systématique de PTM et d’apprécier les évolutions des taux de marge afin de conclure sur l’évolution des pouvoirs de marché. Plusieurs études ont montré que la sensibilité des prix des importations aux variations des taux de change a diminué avec l’intégration des marchés (Sekine, 2006 ; Gust et al., 2006 pour les plus récentes). En d’autres termes, l’accroissement de la concurrence aurait augmenté le comportement de stabilisation des prix en monnaie locale et donc le comportement de PTM. Le pouvoir de marché serait devenu de plus en plus contraint. Par ailleurs, notre méthode permet d’estimer le taux de croissance du taux de marge à l’exportation. Y a-t-il eu un déclin de celui-ci parallèle à l’accroissement de la concurrence internationale ?
14Ce papier s’inscrit donc dans la littérature sur le PTM en offrant des estimations sur une longue période et un grand nombre de produits et de destinations. Sa contribution majeure réside dans la production d’estimations comparables pour 3 grands pays européens : l’Allemagne, la France et l’Italie. Il offre par ailleurs un dépassement important en estimant les taux de croissance des taux de marge à l’exportation. Peu de littérature propose une appréciation de la mondialisation économique et de la pression qu’elle exerce sur les coûts et les marges. Notre étude permet d’offrir des éléments de compréhension de la relation entre la concurrence et les marges des exportateurs.
1 – Modélisation du comportement de détermination du prix par l’exportateur
15L’estimation des taux de marge à l’exportation repose sur la modélisation de base du comportement de fixation des prix d’une entreprise monopolistique exportatrice qui maximise son profit et qui dépend de la quantité de son produit i et du prix en monnaie domestique Pi. Supposons qu’elle exporte vers la destination unique j vis-à-vis de laquelle le taux de change de sa monnaie (défini comme le nombre d’unités de monnaie locale contre une unité de monnaie de l’exportateur) est sj.
17Le profit dépend du prix des exportations et de la quantité vendue sur le marché j. Cette quantité dépend, elle, du prix en monnaie du marché de destination (monnaie locale), donc de sjPi. L’élasticité de la demande qui s’adresse à l’exportateur dépend donc du prix à l’exportation en monnaie domestique et du taux de change.
19où
21L’élasticité de la demande dépend des caractéristiques du marché de destination (goût des consommateurs, concurrence de produits substituables,…) et du taux de change entre la monnaie de l’exportateur et la monnaie du marché de destination.
22Le prix dans la monnaie de l’exportateur Pi, résulte de l’application d’un taux de marge au coût marginal, Cmi où le taux de marge dépend de l’élasticité-prix de la demande pour le produit i, (?iQj) des différents marchés de destination j. Par conséquent, le taux de marge dépend des caractéristiques du marché de destination. L’effet destination sur le prix est estimé par ?i qui contient tous les déterminants propres au marché de destination et communs au produit i, à l’exception du déterminant taux de change. Si les ventes de l’exportateur se réalisent sur plusieurs destinations, alors :
24Dans ce cas, le taux de marge de l’exportateur dépendra de la somme des marges qu’il réalisera sur l’ensemble des marchés. On supposera que son coût marginal de production est le même, quelle que soit la destination de ces exportations et que les rendements d’échelle sont constants permettant l’indépendance du coût marginal au montant de la quantité exportée. Il existera un taux de marge optimal pour chaque destination qui dépend des caractéristiques des destinations et du taux de change.
25Le cadre empirique emprunté à Knetter (1993) permet de différencier les variations de coût des variations de marges. Le coût marginal est indépendant des marchés de destinations, ce qui n’est pas le cas du taux de marge. Ce cadre empirique permet de tirer parti de la disponibilité de prix des exportations d’un même produit pour différentes destinations. Le coût marginal de production de i, à chaque période, est simplement estimé, à un facteur constant multiplicatif prêt, par la composante commune aux prix des exportations d’un produit i à destination de j marchés différents [3]. Une variable muette est créée pour chaque année et les coefficients devant ces variables muettes sont des effets fixes sur les destinations. Un effet fixe sur le temps mais qui varie avec les destinations, reflète les variations des ?j.
26Pour un produit i, le modèle générique de régression à effet fixe de Knetter (1989, 1993) est le suivant :
28La variation du coût marginal est mesurée par l’effet temps, ?t. Nous supposons que l’effet fixe sur le temps n’est pas corrélé aux taux de change puisqu’il s’agit d’un effet par produit. Autrement dit, nous faisons l’hypothèse que le coût marginal ne dépend pas du taux de change. Certes une partie des coûts résultent des facteurs importés. Mais dans cette spécification, le coût marginal estimé est relatif à un produit exporté alors que le taux de change est relatif à la destination. L’évolution des prix des facteurs importés sera captée par l’estimation du facteur fixe au produit. Il pourrait se produire une colinéarité dans l’estimation du coefficient de PTM par destination si les inputs importés proviennent précisément de la destination des exportations. De manière générale, il nous apparaît raisonnable de penser que l’effet fixe sur le temps qui estime le coût marginal est indépendant du taux de change entre le pays exportateur et le pays de destination. La variation du taux de marge qui ne dépend pas des variations du taux de change est mesurée par l’effet destination ?j.
29Le comportement de tarification au marché (PTM) est mesuré par ?. Nous le supposerons constant sur le temps, nous testerons ensuite cette hypothèse.
30Si ? est nul, le taux de variation des prix des exportations est indépendant du taux de variation du change. En conséquence, les prix en monnaie locale varieront avec le taux de change. La transmission des variations de taux de change aux prix des importations (pass-through) est totale. Cela peut s’expliquer par une élasticité de la demande constante dans le cas où l’exportateur dispose d’un pouvoir de monopole, ou par une absence totale de pouvoir de marché. Dans ce dernier cas, si ? et tous les ?j sont nuls pour un même produit, cela signifie que ce produit est échangé sur un marché compétitif et intégré : le prix est le même quel que soit le marché de destination et égalise le coût marginal de production. Si un des ?j n’est pas nul, le prix excède le coût marginal pour la (ou les) destination (s) et n’est alors pas le même sur l’ensemble des destinations d’exportation. Si tous les ?j sont non nuls mais égaux, alors l’évolution des taux de marge est identique pour toutes les destinations. Il s’agit en quelque sorte d’une vérification relative de la loi du prix unique. L’absence de différenciation par destination du comportement de marge est le signe de l’intégration des marchés.
31Si ? est non nul, le marché n’est ni un marché intégré compétitif, ni un marché avec une élasticité prix de la demande constante. Une valeur négative de ? implique un comportement de PTM, c’est-à-dire une stabilisation du prix en monnaie locale rendue possible par une absorption des variations de change par les variations des marges. Une appréciation de la monnaie du pays de l’exportateur (?sjt>0) conduira à une diminution du prix des exportations pour compenser l’augmentation du prix des importations en monnaie locale. Un ? positif implique une amplification de la variation des taux de change. Elle peut s’expliquer par la présence importante des coûts importés dans la structure des coûts. Cependant, dans la spécification de Knetter et comme précisé supra, les facteurs communs à l’évolution des coûts de production seront captés par la variable commune aux destinations pour un même produit qui estime le coût. Ainsi un choc de prix sur les inputs importés sera capté par cette variable [4].
2 – Données et spécification économétrique
2.1 – Données [5]
32Notre étude démarre en 1973 qui marque la fin du régime de Bretton Woods et le passage à un système de changes flexibles. Nous disposons de données annuelles fournies par l’OCDE jusqu’en 2003 des valeurs unitaires [6] de 3 pays européens : l’Allemagne, la France et l’Italie. Nous avons retenu 35 destinations qui couvrent, selon les années, entre 80 à 95 % des exportations totales de chacun des 3 pays exportateurs. Ces destinations ont été retenues d’une part en fonction du marché qu’elles représentent pour chacun de nos exportateurs (les plus gros clients donc) et d’autre part au regard des variations des taux de change. Les destinations pour lesquelles aucune variation de taux de change ne s’observe en raison d’accords de change sur la quasi-totalité de la période ont été supprimées (cas de la Côte d’Ivoire par exemple pour la France). Enfin, ces destinations sont communes aux 3 pays exportateurs. En l’absence de prix à l’exportation, nous calculons les valeurs unitaires, rapport de la valeur des exportations au volume, au niveau de désagrégation à 5 chiffres de la nomenclature internationale par produit utilisée par l’OCDE (CTCI rev2). Ce niveau de désagrégation est le niveau maximum que nous pouvons retenir afin d’obtenir des produits communs aux 3 pays. Il permet néanmoins de considérer les valeurs unitaires comme une correcte approximation des prix des exportations [7].
33L’étude se concentre sur 178 produits de l’industrie manufacturière qui correspondent aux produits communs aux 3 pays parmi les 200 premières valeurs exportées.
34Les taux de change nominaux proviennent des statistiques du FMI (IFS). On calcule un taux de change réel à partir des indices de prix de gros ou de prix de production pour chaque destination.
2.2 – Spécification économétrique
35Afin de tenir compte des problèmes de non-stationnarité des données de prix, nous estimerons les équations en différence première. C’est le choix adopté par Knetter dans le papier de 1993. Par ailleurs, nous envisageons l’estimation du comportement de PTM sous trois angles différents afin de calibrer au mieux le comportement de PTM.
36Trois spécifications sont successivement estimées sur chacun des pays séparément : une spécification sur l’ensemble des données (pooled), une spécification par produit et une spécification par destination.
37Pour l’ensemble de l’échantillon, on estime :
39Pour chaque produit, i=1 à I, on estime :
41Pour chaque destination, j=1 à J, on estime :
43La spécification « pooled » (S0) nous permet d’estimer un coefficient de PTM commun à toutes les destinations et à tous les produits. Elle permet de comparer la sensibilité moyenne des prix des exportations aux variations des taux de change des 3 pays exportateurs. Par ailleurs cette spécification estime les variations des taux de marge propres à chaque destination qui ne dépendent pas du taux de change. Les ?j expriment les effets fixes des destinations sur les taux de croissance des prix des exportations, autrement dit, ils expriment l’influence des caractéristiques des marchés de destination sur l’évolution des prix des exportations. L’égalité de ces coefficients signifierait une absence de discrimination par les prix des marchés de destination. Donc cette égalité plaidera en faveur de la loi du prix unique relative.
44Dans la spécification par produit (S1), le comportement de PTM ne dépend pas de la destination mais est estimé par produit. On obtient une estimation du coefficient de PTM, ?i pour chaque produit exporté, soit I coefficients ?i par pays-source (exportateur). Un premier test de Chow permet de juger si l’on peut considérer que ce comportement est identique quel que soit le produit, autrement dit, que les ?i soient égaux. Le taux de croissance du coût marginal, ?ij , est capturé par un effet fixe sur les destinations des exportations d’un même produit et varie avec le temps. On obtient donc T coefficients par produit, correspondant au nombre d’années d’observation moins une. Un ensemble de J taux de croissance du taux de marge, ?ij, est estimé pour chaque destination j des exportations pour un même produit. On teste ensuite, pour chaque régression-produit, l’hypothèse d’égalité des coefficients de cet ensemble. Ce faisant, on teste un comportement conforme au respect de la loi du prix unique qui entraîne l’absence de différenciation de comportement de prix selon les destinations.
45Dans la spécification par destination (S2), le comportement de PTM ne dépend pas du produit mais est estimé par destination. On obtient J coefficients ? j. Un test de Chow permet alors de tester l’hypothèse d’égalité de ce comportement sur l’ensemble des destinations. Un ensemble de I taux de croissance du taux de marge ?ij, sont estimés pour chaque produit i pour une même destination. On teste ensuite, pour chaque régression-destination, l’hypothèse d’égalité des coefficients de cet ensemble. Le coût marginal est ici capturé par une tendance dans la mesure où le taux de change, dans cette spécification, est déjà un effet fixe par destination sur le temps. Cette simplification imposée par la contrainte des degrés de liberté est très forte. Elle implique que l’on capture un effet temporel linéaire et que l’on associe cet effet à l’évolution tendancielle du coût marginal sur l’ensemble des produits exportés par le pays. Ce coefficient sera difficilement interprétable. Il joue ici un rôle technique.
46Afin de contrôler la robustesse des résultats, ces trois spécifications sont également réalisées d’une part de façon pondérée, c’est-à-dire en prenant en compte le poids des destinations-produits dans la régression « pooled », le poids des destinations dans la régression par produit et le poids des produits dans la régression par destination ; d’autre part en considérant un taux de change réel à la place du taux de change nominal.
3 – Résultats
3.1 – Le comportement de tarification au marché
47L’estimation sur l’ensemble des données (S0) révèle une sensibilité des prix des exportations de l’Allemagne, de la France et de l’Italie qui est significative. Ce résultat est conforme au rejet de l’hypothèse d’une répercussion totale des variations des taux de change établie par la littérature sur le « pass through » [8]. Cette sensibilité est nettement plus faible pour l’Allemagne et la France (- 0,17 et - 0,10 respectivement) que pour l’Italie (- 0,45). Les estimations pour la France et l’Allemagne sont plutôt conformes aux résultats de la littérature quant à l’estimation de long terme du pass through pour les pays de l’OCDE autour de 80 %, soit un PTM de 20 % (Campa et Goldberg, 2002). La valeur estimée pour l’Allemagne est conforme aux estimations existantes du PTM. Ainsi Stahn (2006) trouve pour l’Allemagne une estimation du PTM qui se situe dans l’intervalle de - 0,03 à - 0,19 sur la période 1976-2004 ; Falk et Falk (2000) estiment le PTM de long terme à - 0,18 sur la période 1990-1994. Gaulier, Lahrèche-Révil et Méjean (2006b) trouvent sur la dernière décennie que les exportateurs allemands sont « peu enclins » à adopter une stratégie de PTM. Les estimations de Basile et al. (2006) pour l’Italie donnent un coefficient de - 0,34.
48La singularité des prix des exportations italiens donne lieu à une double interprétation : d’une part les exportateurs allemands et français sont en moyenne moins enclins à adopter un comportement de PTM que les exportateurs italiens et, d’autre part, parmi les exportateurs qui ont un comportement de PTM, les exportateurs allemands et français répercutent moins ces variations de taux de change que les exportateurs italiens. Ces deux interprétations peuvent se cumuler ou se substituer.
49La spécification par produit (S1) révèle que très peu de coefficients ?i sont significativement différents de 0. Chacun de ces coefficients indique la sensibilité au taux de change du prix d’exportation du produit i en moyenne sur l’ensemble des destinations. Cela signifie soit que le comportement de PTM n’est pas déterminé par les caractéristiques ex ante du produit, soit que les coefficients de PTM se compensent en moyenne sur l’ensemble des destinations. Pour l’Allemagne et la France, le test de l’égalité des coefficients ?i entre les régressions conduit à accepter l’hypothèse d’un comportement de PTM moyen sur l’ensemble des destinations qui ne diffère pas selon les produits. Il n’apparaît pas ici que les caractéristiques du produit, et donc de l’offre, soient déterminantes pour entraîner une sensibilité des prix des exportations aux taux de change significativement différentes entre les produits. Les prix des exportations italiens révèlent un comportement de PTM un peu plus fréquent que pour les 2 autres pays (presque un tiers des produits). La faible fréquence d’observation d’un comportement de PTM est conforme au résultat de la littérature empirique qui couvre un grand nombre de produits manufacturés. Les variations des taux de change ne sont pas, en moyenne, sur l’ensemble des destinations et sur une longue période annulées par les exportateurs via une variation de leurs marges pour un même produit. Le PTM est un phénomène de court terme.
Comportement de PTM
Comportement de PTM
50En résumé, la tarification au marché se révèle très peu si on la contraint à être identique sur toutes les destinations [9]. La distribution des bêtas par produit est reproduite dans le graphique 1 en utilisant la densité de Kernel. Ce graphique résume bien les résultats en indiquant la fréquence des résultats significativement non différents de 0 et la dispersion des coefficients significativement différents de 0. Elle permet d’illustrer la forte proportion des ?i autour de la valeur nulle pour les trois pays. La distribution pour l’Italie se distingue cependant par une seconde valeur modale plus négative que pour les autres pays. Nous reproduisons dans le graphique 2 les estimations obtenues dans le cas de la régression pondérée (non présentées dans le tableau 1).
Distribution des Bêtas par produit pour chaque pays, régressions non pondérées
Distribution des Bêtas par produit pour chaque pays, régressions non pondérées
Distribution des Bêtas par produit pour chaque pays, régressions pondérées
Distribution des Bêtas par produit pour chaque pays, régressions pondérées
51Les distributions des Bêtas dans la régression non pondérée et dans la régression pondérée sont toutes les deux bimodales pour chacun des pays exportateurs, mais cela apparaît plus nettement dans la régression pondérée. Cela signifie ici qu’un plus grand nombre de coefficients de PTM sont significativement différents de 0 dans la régression pondérée et négatifs.
52La spécification par destination (S2) révèle plus nettement l’existence d’un comportement de PTM. Près de la moitié des 35 destinations pour la France et l’Allemagne et presque toutes pour l’Italie révèlent un comportement de PTM. La réponse des prix des exportations aux variations des taux de change, quel que soit le produit, dépend du marché de destination. Cela conduit à mettre en doute la contrainte de la régression par produit qui impose que cette réponse dépende des caractéristiques du produit et soit identique sur l’ensemble des destinations des exportations. Nous observons au contraire que ce sont les caractéristiques des destinations qui conditionnent la réponse des prix des exportations aux variations de change. Ces caractéristiques, qui incorporent plusieurs dimensions de la concurrence du marché de destination (réglementation, part de marché des entreprises déjà installées, coût d’entrée,…), apparaissent alors comme le facteur déterminant du comportement de prix à l’exportation, bien plus que les caractéristiques du produit ou la structure des coûts, le degré de différenciation, le contenu en innovation du produit.
53La réponse aux variations des taux de change n’est pas identique selon les destinations pour les 3 pays exportateurs comme le montrent clairement les graphiques 3 et 4. L’hypothèse d’une égalité des coefficients de PTM sur l’ensemble des destinations est rejetée.
54L’Italie se distingue, ici encore, par un plus grand nombre de coefficients de PTM significativement différents de 0. Les exportateurs italiens sont donc plus fréquemment dans la nécessité de stabiliser les prix en monnaie locale et ceci se révèle pour un certain nombre de produits, quelle que soit la destination et pour la quasi-totalité des destinations sur l’ensemble des produits.
Distribution des Bêtas par destination pour chaque pays, régressions non pondérées
Distribution des Bêtas par destination pour chaque pays, régressions non pondérées
Distribution des Bêtas par destination pour chaque pays, régressions pondérées
Distribution des Bêtas par destination pour chaque pays, régressions pondérées
55Une des explications possible relèverait de la spécialisation italienne, plutôt traditionnelle et positionnée dans le bas de la gamme (Faini et Sapir, 2005). Cette spécialisation implique l’exportation de produits peu différenciés pour lesquels la littérature prévoit un comportement de PTM plus important.
56Nos résultats confortent ceux de la littérature empirique mais offrent par ailleurs la possibilité de comparer la France, l’Allemagne et l’Italie.
57Une analyse des produits pour lesquels le ?i est significatif indique : 1) d’une part que moins de 10 % des produits sont, pour au moins 2 des 3 pays, simultanément significatifs ; 2) d’autre part qu’un seul des 178 produits fait l’objet d’un comportement de PTM significatif de la part des 3 pays. Il s’agit d’un produit de l’industrie textile [10] pour lequel le coefficient est situé entre - 0,31 pour la France et - 0,70 pour l’Italie.
58L’absence de régularité-produit est manifeste contrairement à ce que suggère la théorie qui relie le comportement de PTM à des déterminants de l’offre. Afin d’apporter un élément de comparaison avec les résultats de la littérature empirique, il convient de s’intéresser à l’existence d’une régularité à un niveau plus agrégé et plus proche de l’industrie. Nous observons les résultats des estimations par produit en considérant les correspondances avec la nomenclature industrie. Ainsi les produits retenus couvrent 41 industries (au niveau 4 chiffres de la nomenclature isic-rev2). Une observation des résultats montre qu’environ 30 % des produits pour lesquels le ?prod est significatif pour les 3 pays appartiennent à 5 industries [11]. Donc, même lorsque la définition des produits est plus agrégée, l’existence d’une détermination « industrie » ne se révèle que très faiblement. De plus, à ce niveau descriptif de l’observation des résultats, il n’est pas possible de déterminer une caractéristique structurelle commune de ces industries qui vont de la « Fabrication de la pâte à papier, du papier et du carton » – dont les produits sont plutôt homogènes et le pouvoir de marché faible – à la fabrication de « machines et matériels, à l’exclusion des machines électriques, non classées ailleurs » dont les produits sont plutôt différenciés.
59Existe-t-il une régularité-destination ? Nous observons un coefficient de PTM significatif sur 13 destinations communes aux 3 pays exportateurs et 24 destinations communes à au moins 2 de ces 3 pays. D’un autre côté, lorsque qu’aucun PTM n’est constaté, les résultats révèlent 2 destinations en commun (la Pologne et le Portugal) pour les 3 pays exportateurs. L’Allemagne et la France ont, en revanche, 8 destinations [12] en commun, soit la moitié environ des destinations vers lesquelles aucun PTM n’est constaté. Le déterminant « destination » est donc indéniablement présent pour expliquer le comportement de prix à l’exportation face aux variations des taux de change. Ce déterminant destination n’apparaît pas lié à l’importance du marché de destination pour les exportations de chacun des pays-sources. Il n’existe pas de corrélation significative entre le coefficient de PTM [13] et la part de la destination dans les exportations totales.
60Ce qui est remarquable, cependant, est que l’ensemble des destinations pour lesquelles le coefficient de PTM est nul et qui sont communes au moins à 2 des pays exportateurs [14], regroupe des pays de niveau de développement inférieur à nos 3 pays, à l’exception de la Belgique et de l’Australie. L’absence de concurrents locaux pourrait expliquer l’absence de nécessité de stabiliser les prix en monnaie locale.
61Nous testons ensuite la stabilité de ? sur la période en envisageant une rupture possible en 1989. Les résultats du test de Chow conduisent à rejeter nettement la stabilité pour l’Allemagne, ce qui est cohérent avec la rupture économique qu’a représentée la réunification allemande et l’accentuation de la concurrence de la dernière décennie du XXe siècle. La stabilité n’est pas rejetée ni pour la France, ni pour l’Italie.
62L’étude de la stabilité sur les régressions par produit conduit à une conclusion plus nuancée. En effet, pour les 3 pays, le nombre de régressions par produit pour lesquelles la stabilité est rejetée est faible. C’est pour l’Italie que le nombre de rejets, qui représente un cinquième des régressions, est le plus grand. Donc pour la plupart des produits, le test conduit à accepter la stabilité de l’estimation pour ?prod. Cela signifie que l’évolution du comportement de PTM est lui aussi bien déterminé par le couple pays d’origine-produit, mais aussi que la globalisation des marchés qui a marqué les trente dernières décennies n’a pas altéré fortement la sensibilité des prix aux variations des taux de change sur le long terme.
63Le nombre de régressions par destination pour lesquelles la stabilité est rejetée est encore plus faible que dans le cas des régressions par produits. Le comportement de PTM en relation avec la destination des exportations est, en règle générale, très stable.
3.2 – L’évolution des taux de marge
64La spécification sur l’ensemble des données (S0 dans le tableau 2) montre que les coefficients ?j sont très fréquemment significatifs pour la France mais très souvent non significatifs pour l’Allemagne et l’Italie. Cela signifie que, en moyenne, sur l’ensemble des produits, les prix des exportations françaises révèlent une croissance positive des taux de marge sur 31 des 35 destinations. En revanche, pour l’Allemagne et l’Italie, seules quelques destinations révèlent une variation des taux de marge et cette variation est négative.
65Les résultats de la spécification par produit (S1 dans le tableau 2) montrent qu’un très petit nombre de produits présente un nombre important (>75 %) des ?ij significativement différents de 0. Cela signifie que très peu de produits font état, sur la période, d’un taux de croissance du taux de marge qui soit significativement différent d’une destination à l’autre. L’évolution des prix des exportations françaises, analysés par produit, ne se distingue pas des 2 autres pays ici. Quand ils sont significatifs, les ?ij par produit sont parfois négatifs, parfois positifs. Des coefficients négatifs expriment une décroissance des taux de marge à l’exportation au cours des trois dernières décennies. L’accroissement de la concurrence internationale a pesé sur les marges. Des coefficients positifs indiquent, à l’inverse, que les taux de marge ont augmenté, signifiant une extension du pouvoir de marché.
66Les industries communes aux 3 pays pour lesquelles au moins 75 % des lamdas sont significatifs sont peu nombreuses : 4 sur un total de 35 industries [15]. Aucune régularité par produit ni par industrie de l’évolution des taux de marge n’apparaît nettement à ce niveau de désagrégation.
Taux de croissance des taux de marge
Taux de croissance des taux de marge
67Les résultats de la spécification par destination (S2 dans tableau 2) montrent une plus forte proportion de régressions pour lesquels au moins 75 % des lambdas sont significatifs. De nouveau, il apparaît que la destination est déterminante dans la définition du comportement de prix à l’exportation. Dans les cas où le taux de croissance des taux de marge est significatif, il est positif. C’est la France qui présente le plus grand nombre de régressions pour lesquels les taux de marge à l’exportation sont significatifs et positifs. Ce résultat indique que les taux de marge ont augmenté sur la période pour au moins la moitié des destinations des exportations des 3 pays. Le dynamisme de la demande sur ces destinations peut expliquer cette évolution, que l’on peut plus difficilement imputer à une baisse des coûts propre à un produit. Il convient de souligner, par ailleurs, que la sélection des exportations effectuée dans notre échantillon peut en partie expliquer la croissance des taux de marge. En effet, nous observons les prix des exportations des 200 premières valeurs moyennes exportées sur la période. Il est possible que l’on sélectionne ainsi les exportations les plus « incontestées », confirmées par la régularité de la présence de ces exportations sur trente années. Par ailleurs, la période longue d’observation peut entraîner la mise en évidence d’un effet de sélection des exportateurs/produits les mieux positionnés sur les marchés étrangers et pour lesquels une croissance positive des taux de marge est possible.
68Dans la régression sur l’ensemble des données (S0), le rejet de l’égalité des ?j se produit pour l’Allemagne et pour l’Italie. Il n’y a pas d’évolution homogène des taux de marge sur toutes les destinations. Il existe donc des destinations pour lesquelles ces 2 pays ont fait évoluer leurs taux de marge moyens sur l’ensemble des produits significativement différemment des autres destinations. Le comportement des exportateurs français apparaît, en revanche, conforme à la loi du prix unique.
69La spécification par produit (S1) conduit à ne rejeter l’hypothèse de comportement identique par destination que pour un petit nombre de produits. Cela signifie que la croissance du taux de marge par produit ne varie généralement pas par destination pour un même produit. Le comportement de prix à l’exportation de la plupart des produits, révélé par les estimations, est donc plutôt cohérent avec l’hypothèse d’intégration des marchés.
? Conclusion
70Ce papier a analysé en quoi l’évolution des prix à l’exportation de 3 pays exportateurs sur les trois dernières décennies peut révéler l’accentuation des contraintes concurrentielles. Pour répondre à cette question nous nous sommes concentrés, d’une part, sur la sensibilité des prix des exportations aux variations des taux de change (PTM) et, d’autre part, sur l’évolution des taux de marge à l’exportation.
71La réponse a été construite à partir de trois angles d’observation : le pays exportateur, le couple exportateur-importateur et le couple exportateur-produit. Trois spécifications en ont été déduites à partir du modèle de Knetter (1993).
72Cette étude confirme que le comportement de prix à l’exportation est soumis à une triple détermination : pays-source, produit, destination. Ce constat conforte les études empiriques récentes qui montrent l’hétérogénéité des exportateurs au sein d’un même pays-source mais, aussi, étend l’hétérogénéité entre les pays-sources. Cependant, il est possible d’identifier certaines régularités intéressantes.
73Concernant la sensibilité aux variations de change, les trois angles d’observation établissent : 1) que les exportateurs italiens adoptent plus largement un comportement de PTM que les autres exportateurs. Les caractéristiques de leur spécialisation pourraient expliquer ce résultat ; 2) que l’Allemagne et la France ont un comportement de PTM proche ; 3) que le comportement de prix à l’exportation est moins fonction des conditions de l’offre propres à un produit que des conditions concurrentielles du marché de destination ainsi que des caractéristiques de la demande.
74Concernant les taux de marge, il est très délicat de conclure avec certitude sur l’évolution des taux de marges compte tenu des limites de la méthode d’estimation. Cependant, a minima, cette étude n’autorise pas à conclure à un déclin sur longue période des taux de marge à l’exportation, déclin attendu de la croissance de la pression concurrentielle. Il est probable qu’une étude sur longue période fasse ressortir les effets sélectifs de la pression concurrentielle qui conduisent à une sélection des exportateurs à forte profitabilité. Ainsi, en y ajoutant un biais de sélection des produits présents sur 30 ans, donc pour lesquels les 3 pays détiennent un avantage comparatif, la France a, en particulier, connu une augmentation de son pouvoir de marché sur plus de la moitié de ses marchés d’exportation.
75Ce résultat suggère qu’il faut nuancer les conclusions générales sur l’évolution des taux de marge non seulement en introduisant une hétérogénéité (de produit, de destination, voire d’entreprises) mais aussi en distinguant le taux de marge domestique du taux de marge à l’exportation.
Les données
Les 35 destinations retenues
76Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique-Luxembourg, Brésil, Canada, Chine, Danemark, Égypte, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hong-Kong, Hongrie, Inde, Irlande, Italie, Japon, Corée (République de), Mexique, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Suisse, Thaïlande, Turquie, Taïwan.
77La destination Belgique-Luxembourg est retenue car les données des exportations de ces deux pays ne sont pas disponibles séparément jusqu’en 1999.
La sélection des 178 produits
78Nous partons de l’ensemble des produits exportés définis selon la nomenclature internationale du commerce par produit (SITC-rev2) de la base Commerce par produit de l’OCDE à un niveau de désagrégation à 5 chiffres.
79Nous retenons dans un premier temps les produits qui relèvent de l’industrie manufacturière. Une table de correspondance entre la nomenclature produit SITC-rev2 et la nomenclature industrie ISIC-rev2 nous permet d’identifier les produits relevant de l’industrie manufacturière.
80Nous ne gardons ensuite, pour chaque exportateur, que les produits correspondant aux 200 plus grandes valeurs exportées. Les 178 produits finalement retenus correspondent aux produits communs des 200 premières valeurs d’exportations de l’Allemagne, de la France, et de l’Italie.
Les variables
81Les prix des exportations sont obtenus par le calcul des valeurs unitaires. Ce calcul est une approximation convenable des prix des exportations dès lors que le niveau de désagrégation des valeurs et volumes du produit exporté est élevé. Il convient de souligner que, bien qu’incontournable pour connaître les prix des exportations, les valeurs unitaires présentent deux limites principales. D’une part, les variations de valeurs unitaires peuvent refléter tout autant des variations de prix que des variations de la composition du volume exporté en raison des variations de la demande étrangère. D’autre part, les changements qualitatifs qui altéreront les valeurs unitaires ne pourront être aisément identifiés.
82Les taux de change nominaux bilatéraux sont obtenus via la parité franc contre dollar jusqu’en 1998, puis euro contre dollar depuis 1999. Un taux de change réel est également calculé en utilisant les indices de prix à la production (source FMI, International Financial Statistics).
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Voir Knetter (1989), Marston (1990), Gagnon et Knetter (1995), Adolson (1999), Mahdavi (2002), Campa et Goldberg (2002), Gaulier et al. (2006a). Pour une synthèse, voir Goldberg et Knetter (1997).
-
[2]
Ce résultat repose sur le pouvoir de marché conféré par la différenciation du produit. À la limite, en situation de concurrence avec produit homogène, l’exportateur devra maintenir son prix en monnaie du marché de destination et donc répercuter totalement la variation de change sur son prix d’origine en monnaie domestique. Le degré de différenciation permet d’être moins contraint par le niveau du prix sur le marché de destination.
-
[3]
En fait, comme les valeurs unitaires sont définies au niveau de désagrégation à 5 chiffres, l’effet temps estime le coût marginal moyen pour l’item exporté enregistré.
-
[4]
L’interprétation économique dépend des hypothèses faites sur la structure de marché. Si l’exportateur est en situation de monopole, ?i dépend de la convexité de la demande du marché de destination. Si l’élasticité de la demande est constante, ?i sera nul ; si la demande est moins convexe qu’une fonction de demande log-linéaire (valeur absolue de l’élasticité qui augmente avec les prix, donc avec l’appréciation de la monnaie de l’exportateur), ?i sera positif ; si la demande est plus convexe qu’une fonction de demande log-linéaire, ?i sera négatif. Comme les exportations sont le fait de plusieurs firmes, le coefficient est un indicateur de la convexité moyenne de la demande résiduelle.
-
[5]
L’annexe 1 apporte des précisions supplémentaires.
-
[6]
Il s’agit du rapport des exportations en valeurs aux quantités exportées.
-
[7]
Il convient de souligner que, bien qu’incontournables pour connaître les prix des exportations, les valeurs unitaires présentent deux limites principales. D’une part, les variations de valeurs unitaires peuvent refléter tout autant des variations de prix que des variations de la composition du volume exporté en raison des variations de la demande étrangère. D’autre part, les variations des valeurs unitaires peuvent provenir de changements qualitatifs impossibles à distinguer des variations de prix proprement dites. Les valeurs unitaires sont basées sur les prix « Franco à bord », donc n’incluent pas de coût d’assurance ou de transport, l’enregistrement se fait à la sortie du territoire d’origine.
-
[8]
Voir pour une revue de la littérature sur le pass-through, Goldberg et Knetter (1997), Olivei (2002).
-
[9]
La même régression en utilisant les taux de change réels conduit à diminuer le nombre de coefficients significatifs : 21 pour l’Allemagne (sur 164), 13 pour la France (sur 114) et 37 pour l’Italie (sur 156).
-
[10]
Textile fabrics coated, with preparation of cellulose derivatives, CTCI 65732.
-
[11]
3411 : Fabrication de la pâte à papier, du papier et du carton ; 3513 : Fabrication des résines synthétiques, matières plastiques et fibres artificielles, à l’exclusion du verre ; 3529 : Fabrication de produits chimiques non classés ailleurs ; 3720 : Production et première transformation des métaux non ferreux ; 3829 : Machines et matériel, à l’exclusion des machines électriques, non classées ailleurs.
-
[12]
Il s’agit de l’Argentine, l’Australie, l’Egypte, la République tchèque, la Corée, la Pologne, le Portugal, la Turquie, la Russie, la Belgique-Luxembourg.
-
[13]
Les coefficients non significatifs étant alors égaux à 0.
-
[14]
Cf. note 11.
-
[15]
Il s’agit de 3111 : Abattage du bétail, fabrication des préparations et conserves de viande ; 3511 : Industrie chimique de base, à l’exception des engrais ; 3720 : Production et première transformation des métaux non ferreux ; 3839 : Fabrication d’appareils et de fournitures électriques non classés ailleurs.