Couverture de REOF_101

Article de revue

La fin de l'American Dream

Pages 193 à 225

Notes

  • [*]
    Cette étude spéciale a été réalisée par Christine Rifflart.
  • [**]
    Traduction de l’auteur.
  • [1]
    L’indicateur NAHB (National Association of Home Builders) retrace la perception des constructeurs sur les ventes de maisons individuelles et les anticipations de ventes sur les six prochains mois. Il donne une idée de l’activité dans le secteur de la construction.
  • [2]
    Selon le NBER établissant la datation des points de retournement des cycles d’activité de façon empirique, la dernière récession américaine a commencé en mars 2001 et s’est achevée en novembre de la même année.
  • [3]
    Sur la base des monthly mortgage payment et du revenu median des ménages, Goldman Sachs estimait cependant que le marché immobilier était surévalué de 20 % (voire 30 à 40 % en Californie et dans certaines autres régions) au début de l’année 2006.
  • [4]
    Calculé par la National Association of Realtors (NAR) comme le rapport du revenu médian au revenu « qualifié », c’est-à-dire satisfaisant au revenu requis pour le remboursement d’un prêt destiné à l’acquisition d’un logement ancien au prix médian et dans les conditions classiques d’un prêt sur trente ans à taux fixe. Deux critères sont retenus : l’apport personnel (downpayment) doit couvrir 20 % du prix de la maison (ou 10 % pour les primo-accédants avec une prime payée en plus de 0,5 % du montant du prêt environ) et le revenu qualifié est tel que le service de la dette (amortissement du capital plus paiement des intérêts (y compris prime d’assurance) ne doit pas excéder 25 % de ce revenu.
  • [5]
    CMT, Constant Maturity Treasury : rendement mensuel ou hebdomadaire sur des titres publics à maturité constante. COFI, Costs of Funds Index du 11th District. Le 11ième District regroupe les institutions d’épargne établies en Arizona, en Californie et au Nevada.
« La propriété résidentielle se trouve au cœur du rêve américain. C’est le symbole de l’ascension sociale pour les classes moyennes et inférieures. C’est un ancrage pour les familles et une source de stabilité pour les communautés. Elle sert de gage pour la sécurité financière de nombreux ménages. Enfin, c’est une source de fierté pour les gens qui ont travaillé dur pour subvenir aux besoins de leur famille. »’ [**]
Président Georges Bush, juin 2001
« La propriété résidentielle a toujours été le fondement du rêve américain. Des générations d’Américains ont travaillé dur et épargné de façon à pouvoir profiter de la sécurité et de la stabilité tirées de la propriété de leur propre maison. Le partenariat entre le gouvernement fédéral et le secteur privé durant ce siècle est parvenu à rapprocher ce rêve de la réalité pour tous nos citoyens. » ’ [**]
Président Bill Clinton, juin 1998

1À 69 % en 2006, le taux de propriétaires n’a jamais été aussi élevé aux États-Unis. En 10 ans, le statut de l’occupant a connu une révolution : le rêve est devenu réalité pour plus de 15 millions de ménages dont une grande partie n’aurait jamais pu accéder aux circuits de financement si des conditions exceptionnelles n’avaient pas été réunies. Mais alors que de 1995 à 2003, cette évolution était allée de pair avec un marché de l’immobilier qui avait évolué sans tensions excessives et un endettement des ménages sous contrôle, les années suivantes ont été le témoin d’un dérapage sans précédent.

2Avec le soutien des organismes de régulation contrôlés par l’État, l’offre de crédit a été abondante rendant les banques de plus en plus offensives et innovantes pour faire reculer les limites de l’endettement. Le marché s’est emballé, les prix des logements ont augmenté rapidement et les ménages sont restés dans l’illusion que tout était possible.

3Mais avec la hausse des taux d’intérêt à partir de 2004 et le retournement du marché de l’immobilier en 2006, de plus en plus de ménages font face à des difficultés financières et les plus values à attendre en cas de reventes contraintes s’amenuisent avec la baisse des prix.

4Certes, le problème ne concerne au final qu’une minorité de la population, la majorité des ménages endettés restant solvables. Mais ce rêve qui a été bâti sur l’illusion de l’accession à la propriété pour tous, se termine en cauchemar pour les familles les plus fragiles. Si l’économie américaine devrait digérer ce choc en 2007 par un simple ralentissement, et non une récession comme en 2001, les conséquences sociales seront douloureuses pour une population déjà marquée par les traces des inégalités.

5Cette étude cherche à comprendre les bases de cet endettement pour mieux appréhender le retournement et les risques que celui-ci fait planer sur l’économie. Trois parties s’enchaînent. La première partie présente le cadre général du marché de l’immobilier sur longue période. La seconde analyse les mécanismes de l’endettement et la hausse de la prise de risques par les ménages. Enfin, la troisième partie fait le point sur le rôle du marché hypothécaire dans le financement des dépenses hors investissement immobilier.

Cadre général du marché de l’immobilier

Le cycle de l’immobilier prend fin en 2006…

6Après une période de croissance commencée en 1991, et interrompue seulement en 2000 et 2001, l’activité dans le secteur de la construction s’est stabilisée à la mi-2005 avant de se retourner au début de l’année 2006. Les permis de construire et les mises en chantier s’effondrent depuis février 2006. Sur un an, le recul atteint près de 30 % début 2007. L’investissement logement a baissé de 5,2 % au quatrième trimestre 2006 marquant une contraction de 12,6 % sur un an. Enfin, l’indicateur NAHB [1] est repassé en mai sous la barre des 50, signifiant l’entrée du secteur en récession, et a atteint en septembre un minima historique.

7Cette chute d’activité s’accompagne d’une contraction du nombre et du prix des transactions immobilières. Le retournement a été spectaculaire dans le neuf (marché plus volatile que l’ancien) en 2006 : les ventes de maisons individuelles chutent de plus de 20 % par an depuis juillet (et de 37 % entre le point haut d’octobre 2005 et février 2007). Les ventes dans le secteur de l’ancien (80 % des ventes totales) suivent le même chemin mais avec une ampleur à peine plus modérée.

8Cette baisse de la demande se combine avec un ajustement plus inerte du côté de l’offre de logements, en dépit de la contraction de l’activité dans les entreprises de construction. L’arrivée sur le marché de logements neufs en cours d’achèvement des travaux (quatre à six mois après la mise en chantier) et la mise en vente de logements par les investisseurs-spéculateurs qui se retirent du marché du fait de l’épuisement des plus values potentielles ont accru le stock de logements invendus depuis le début 2005. D’une moyenne à 4-4,5 mois entre 1999 (date du début de la série) et 2004, le délai moyen des ventes atteint 8,1 mois dans le neuf et 6,7 mois dans l’ancien en février 2007 après 7,3 à l’automne dernier. Les prix ont ralenti, ou baissé selon les sources (encadré 1). Sur un an, l’indice des ventes répétées de l’Office of Federal Housing Enterprise Oversight (OFHEO) a progressé de 5,9 % au quatrième trimestre 2006, après des rythmes de 13-14 % en 2005. Selon la National Association of Realtors (NAR) et le Census Bureau, les prix ont baissé dans l’ancien (– 2,2 % sur un an au premier trimestre 2007 pour les prix moyens et – 2,7 % pour les prix médians) et stagnent dans le neuf (5,9 % et 0,7 % respectivement sur la même période).

1. Définition de différentes séries de prix du logement

Il existe plusieurs statistiques de prix du logement aux États-Unis dont les plus courantes sont les suivantes :
  • le prix moyen et le prix médian des ventes de logements neufs, publiés par le Bureau of Census du Departement du Commerce. Les données sont mensuelles et exprimées en niveau ;
  • le prix moyen et le prix médian des ventes de logements anciens, publiés par la National Association of Realtors. Les données sont également mensuelles et exprimées en niveau ;
  • l’Housing Price Index (HPI) de l’Office of Federal Housing Enterprise Oversight (OFHEO). C’est un indicateur trimestriel de prix de ventes répétées. L’Office utilise les données de Fannie Mae et Freddie Mac concernant les dernières transactions et les compare aux transactions réalisées depuis janvier 1975 et déjà recensées par l’Office pour établir un différentiel de prix des propriétés ayant déjà fait l’objet d’au moins une transaction hypothécaire (vente ou refinancement). L’indice mesure donc les variations du prix entre deux ventes ou refinancements d’une même propriété. Il ne prend pas en compte les travaux réalisés qui pourraient modifier les caractéristiques physiques du bien, et donc sa valeur. Seules sont considérées les transactions basées sur les prêts conventionnels du marché principal (conforming loan – tableau 3). L’indicateur trimestriel HPI est calculé sur la base d’indices régionaux couvrant plus de 31 millions de transactions répétées depuis 1975, et pondéré par le nombre de ménages de chaque état selon le recensement de 1990 ;
  • l’HPI hors refinancement de l’OFHEO. L’OFHEO corrige l’HPI des transactions hypothécaires destinées aux renégociations afin de ne retenir que le prix des transactions destinées à l’achat ;
  • l’indice des prix du logement à qualité constante, publié par le Census Bureau, à fréquence mensuelle. C’est un indice de Laspeyre. À la différence des autres indices, il n’est pas construit à partir de données observées mais il est construit de façon à répondre à la question : quel est le prix de vente aujourd’hui d’une maison ayant les mêmes qualités que celles de l’année de base (1996) ? À partir de régressions du prix des maisons vendues sur les différentes caractéristiques (surface, nombre de chambres…), il est possible de calculer un indicateur de prix à qualité de la maison constante qui inclut la taille, les aménagements et la localisation géographique de la maison. L’indicateur mesure donc essentiellement la composante inflationniste sous jacente des prix de vente. Il suppose que la distribution géographique des ventes ne change pas et qu’il n’y a pas de substitution d’un produit vers un autre de qualité différente.

9Le resserrement des taux d’intérêt initié en juin 2004 par la Réserve fédérale met fin à la période de laxisme monétaire mais a mis du temps à mordre sur l’activité. La hausse des taux courts ne s’est que partiellement répercutée sur les taux longs et encore moins sur les taux hypothécaires (graphique 1). Entre juin 2004 et début 2006, le taux directeur des Federal Funds a augmenté de 4,25 points pour s’établir à 5,25 % ce qui s’est répercuté sur les taux à trois mois. Mais les taux hypothécaires à un an n’ont augmenté que de 2,3 points sur la même période. Quant aux taux longs, ils ont augmenté d’à peine 1 point et seulement à partir d’octobre 2005.

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Taux d’intérêt sur les titres publics et taux hypothécaires

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Taux d’intérêt sur les titres publics et taux hypothécaires

Source : Freddie Mac

… après une phase d’expansion exceptionnellement longue…

10Ce retournement du marché de l’immobilier intervient après une période de hausse exceptionnelle autant par son ampleur que par sa durée (graphique 2). Le secteur a connu quinze années de croissance quasiment ininterrompue, se terminant par une surchauffe à partir de 2002–2003. Contrairement aux cycles précédents, la récession de 2001 [2] n’a pas été accompagnée d’un ajustement à la baisse du marché de l’immobilier. Au contraire, profitant d’un environnement monétaire particulièrement stimulant mis en place par la Réserve fédérale à partir de 2001 pour atténuer les effets dévastateurs sur les entreprises de l’éclatement de la bulle des nouvelles technologies, les ménages ont continué d’emprunter et d’alimenter la demande de logements.

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FBCF logement, avec les périodes de récession définies par le NBER

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FBCF logement, avec les périodes de récession définies par le NBER

Source : BEA.

11Face à une demande accrue, les prix de l’immobilier se sont envolés (graphique 3). Déflaté par les prix des dépenses de consommation personnelle, l’indice HPI de l’OFHEO n’a jamais augmenté aussi vite et aussi longtemps. Entre le point bas de 1995 et le point haut de 2006, il a augmenté de 4,6 % en moyenne annuelle avec une accélération en 2004 et 2005 (+ 10,1 % en 2005). Pendant les précédentes phases d’expansion situées lors des deuxièmes moitiés des années 1970 et 1980, les hausses n’avaient duré respectivement que quatre et six ans et atteignaient 3,7 % et 2,6 % en moyenne par an. Les prix moyens réels dans l’ancien et le neuf ont progressé sur des rythmes de 4,4 et 4,1 % % par an de 1995 au début 2006 (6,4 % et 7,2 % en fin de période). Les prix médians augmentaient encore plus vite, témoignant d’une hausse plus forte du prix des maisons de qualité moyenne relativement au prix des maisons plus luxueuses. Néanmoins, l’indice de prix à qualité constante, calculé par le Census Bureau, montre que la hausse sous-jacente des prix de l’immobilier n’a pas été aussi marquée, ce qui relativise l’idée d’une bulle spéculative immobilière [3]. L’effet qualité jouerait donc un grand rôle pour expliquer l’envolée récente des prix et notamment la différence entre l’indice HPI de l’OFHEO (qui n’est pas un indicateur à qualité constante) et l’indice à qualité constante. Ceci est en lien avec l’ampleur sans précédent des travaux d’entretien et d’amélioration entrepris depuis la deuxième moitié des années 1990 (McCarthy and Peach 2004).

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Prix moyen réel du logement selon les sources

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Prix moyen réel du logement selon les sources

Sources : Bureau of Census, NAR, OFHEO, BEA, calculs OFCE.

… dont a profité une grande partie des ménages

12Le patrimoine immobilier des ménages n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui (graphique 4). En terme brut, il atteint 22 300 milliards de dollars en 2006, soit 2,3 fois le revenu annuel des ménages. Déduction faite de la dette hypothécaire, le patrimoine net immobilier équivaut à 1,3 fois ce revenu alors qu’il oscillait entre 0,9 et 1,2 de 1952 à 2004. L’accroissement de richesse lié à l’immobilier a permis aux ménages d’amortir la perte de valeur de leurs actifs financiers due à l’éclatement de la bulle Internet entre 2000 et 2002. Depuis, la reprise des cours boursiers et l’accélération des prix de l’immobilier ont nourri une deuxième vague d’enrichissement des ménages. Le patrimoine net total est passé d’un point bas à 4,8 fois le revenu annuel des ménages au troisième trimestre 2002 à 5,7 fois fin 2006. L’immobilier représente aujourd’hui un peu moins d’un quart de ce patrimoine et à la différence du patrimoine financier, il est nettement mieux réparti entre les différentes catégories sociales des ménages.

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Richesse des ménages

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Richesse des ménages

Source : Flows of Funds, Réserve fédérale.

13Si les ménages n’ont jamais été aussi riches, ils n’ont jamais été aussi endettés. Fin 2006, la dette hypothécaire culminait à 9 676 milliards de dollars, et la dette totale à 13 293 milliards. Mais plus encore que son niveau, c’est sa dynamique qui impressionne. Le taux d’endettement hypothécaire qui a augmenté sur longue période accuse une violente accélération au début des années 2000. Celui-ci est passé de 22 % du revenu annuel des ménages en 1952 à 64 % en 2000, et finit l’année 2006 à 100 %. En six ans, la hausse a été presque équivalente à ce qu’elle avait été au cours de la deuxième moitié du siècle passée.

14Cet endettement croissant lié à un effet volume et un effet prix à partir de 2002 est gagé sur un patrimoine qui ne cesse d’augmenter (graphique 5). Si le rapport entre dette hypothécaire et patrimoine immobilier brut des ménages s’accroît tendanciellement jusqu’à 50 % en 2006, il n’accuse pas la rupture observée sur le taux d’endettement. Néanmoins, dans l’hypothèse où la valeur du collatéral viendrait à se contracter, les ménages les plus endettés seraient alors confrontés à une situation dramatique où la valeur du bien gagé ne couvrirait plus le montant du prêt. Or, c’est précisément ce risque qui pointe à l’horizon en 2007.

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Ratios d’endettement hypothécaire

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Ratios d’endettement hypothécaire

Source : Flows of Funds, Réserve fédérale.

La montée des risques

15Cette montée de l’endettement s’est accompagnée d’une transformation profonde du statut du logement au sein du ménage américain. Largement remis en avant dans les déclarations des présidents Clinton puis Bush, l’accès au logement va devenir une réalité pour nombre de ménages qui jusqu’alors étaient exclus des circuits de financement, et par conséquent condamnés à rester sur le marché locatif. Avec son engagement en juin 2002 d’augmenter de 5,5 millions le nombre de ménages propriétaires issus des minorités à l’horizon de la décennie, le Président Bush a donné le ton.

Un marché de propriétaires et d’investisseurs

16Malgré ce rêve fondateur de devenir propriétaire, le taux de ménages propriétaires de leur logement est resté relativement stable jusqu’au milieu des années 1990. Après la hausse qui s’était dessinée de la fin de la seconde Guerre mondiale à la fin des années 1970 et la baisse consécutive au brutal resserrement monétaire qui avait conduit l’économie à une profonde récession au début des années 1980, le taux de propriétaires est resté stable pendant dix ans jusqu’en 1995. Il s’est envolé pour culminer à 69 % depuis le deuxième semestre 2004. Cette augmentation n’a pas été parfaitement régulière. Très rapide jusqu’en 2001, elle l’est un peu moins par la suite mais n’en demeure pas moins une rupture majeure dans le statut de l’occupant (graphique 6).

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Taux de propriétaires et taux d’endettement

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Taux de propriétaires et taux d’endettement

Sources : Flows of Funds, Réserve fédérale, Census, Housing Vacancies.

17Selon les données d’enquêtes issues du Housing Vacancy Survey, on observe qu’entre 1994 et 2006, sur un parc qui s’est accru de 19,2 millions d’unités résidentielles, le nombre de logements occupés à l’année par les propriétaires s’est accru de quelques 14,5 millions de ménages sur la période, soit 80 % du total. Le rythme s’est ralenti au fil du temps. Entre 1994 et 2001, la progression annuelle a été de 1,35 million par an, puis de 1,1 million par an sur la période 2001-2004. En 2005 et 2006, le rythme annuel a ralenti à 1 et 0,6 million respectivement. Simultanément, le parc locatif s’est réduit. Le nombre de logements loués était inférieur de 1,2 million d’unités en 2004 par rapport à l’année 1994 et la reprise des deux dernières années n’a pas suffi à compenser la baisse passée (tableau 1).

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Caractéristiques des logements par types d’occupation

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Millions d’unités Logements totaux Occupation saisonnière Logements occupés à l’année Logements vacants Total Par le propriétaire Par le locataire Total Pour la location Pour la vente Variation annuelle 2005-06 2,1 0,3 1,0 0,6 0,4 0,8 0,2 0,5 2004-05 1,7 0,1 1,6 1,0 0,7 0,0 – 0,1 0,1 2001-04 (2) 1,6 0,0 1,1 1,1 0,0 0,5 0,2 0,0 1994-2001 1,5 0,1 1,2 1,4 – 0,2 0,2 0,0 0,0 Variation cumulée 2001-06 (2) 8,6 0,5 5,8 5,0 1,0 2,3 0,8 0,7 1994-2006 (2) 19,1 1,0 14,2 14,5 – 0,1 4,0 1,2 1,1 Niveau 2006 (1) 126,1 4,1 109,3 75,2 34,1 12,7 3,9 2,0 (1) Sur la base du recensement de 2002. (2) Sur la base du recensement de 1993 jusqu’en 2002 puis du recensement de 2002. Source : Housing Vacancies Survey.

Caractéristiques des logements par types d’occupation

18Le développement de ce marché de nouveaux propriétaires s’est accompagné d’autres changements, certes moins spectaculaires mais qui ont également joué un rôle important dans la fièvre immobilière de la première moitié des années 2000. De plus en plus de ménages ont acquis une résidence secondaire. En 2004, 11,6 % des ménages âgés de 60 à 69 ans et 7,3 % de ceux de plus de 70 ans avaient une résidence secondaire contre respectivement 6,9 % et 4,4 % en 1995. Les « plus jeunes » ont également investi : 2 % de la population âgée de 30 à 39 ans est devenue propriétaire d’une résidence secondaire entre 1995 et 2004, et 1,6 % de ceux ayant entre 50 et 59 ans (Studies, 2006).

19Enfin, la présence d’investisseurs (professionnels ou spéculateurs) s’est faite croissante et a amplifié la hausse des prix. En 2004 et 2005, les investisseurs ont été selon les sources à l’origine de 9 à 14 % de la demande totale de prêts de bonne qualité (prime loans) après 6-7 % pendant les années 1999-2003. Selon le NAHB, en juin 2005, ils auraient acquis 4 % des maisons individuelles et 13 % des condominiums (immeubles en copropriété) nouvellement construits.

Qui sont ces nouveaux propriétaires ?

20Ces 14,5 millions de nouveaux propriétaires (estimés sur la base des logements occupés par les propriétaires) entre 1994 et 2006 proviennent en partie de segments de la population qui avaient le moins facilement accès à la propriété : les jeunes, les Noirs, les Asiatiques, les Hispaniques, les pauvres (Garriga, Gavin et al. 2006).

21Si l’on analyse l’évolution de la structure par âge de la population, on observe tout d’abord qu’entre 1995 et 2005, la population de moins de 35 ans s’est réduite de 0,5 million et celle de 35 à 44 ans, de 0,9 million. À l’inverse, les groupes de population de 45 à 54 ans et de 55 à 64 ans se sont accrus de 4,5 millions chacun. Ce vieillissement de la génération des baby boomers des années 1970, qui tend spontanément à accroître le taux de propriétaires par des effets de revenus, tient une place secondaire dans le mouvement. Sur les 5 points de hausse du taux de propriétaires entre 1994 et 2005, l’effet lié à l’évolution de la structure démographique expliquerait à peine 1,5 point (graphique 7).

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Impact démographique sur le taux de propriétaire *

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Impact démographique sur le taux de propriétaire *

* L’impact démographique est calculé en considérant le taux de propriétaire à l’intérieur de chaque cohorte pour l’année 1994 et en l’appliquant à l’évolution démographique.
Sources : Current Population Survey, Housing Vacancy Survey, calculs de l’auteur.

22En fait, le taux de propriétaire a augmenté très rapidement chez les populations les plus jeunes (graphique 8). Structurellement moins présents que leurs aînés sur le marché de la propriété (du fait de revenus plus faibles), la population des moins de 35 ans et la population âgée de 35 à 44 ans, qui couvrent à elles deux 43,6 % de l’ensemble des ménages américains, ont vu leur taux de propriétaire, au sein de chacune des cohortes augmenter de près de 2 points entre 1995 et 2004 avant de se stabiliser. Avec 80 % de propriétaires, les ménages de plus de 55 ans restent sur un plateau.

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Taux de propriétaire par âge

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Taux de propriétaire par âge

Sources : Housing Vacancy Survey, US Census Bureau.

23Cette évolution doit néanmoins tenir compte de l’évolution démographique et notamment du vieillissement de la population.

24Il existe de fortes disparités entre groupes ethniques en matière d’accession à la propriété (tableau 2). En 2005, 75,8 % de la population blanche était propriétaire de son logement, contre 51,3 % en moyenne pour les populations de couleur. Néanmoins, si l’accession à la propriété s’est élargie pour toutes les catégories de la population, elle l’a davantage été pour les populations qui en sont, à la base, les plus exclues. Le fossé s’est donc réduit. Le taux de propriété des minorités représentait 67,7 % du taux de la population blanche en 2005 contre 61,6 % en 1995. Le rattrapage a été plus marqué chez les Asiatiques (particulièrement entre 2001 et 2004) et les Hispaniques (spécialement entre 1995 et 2001) que chez les Noirs. Représentant à peine 4 % des ménages américains, les Asiatiques bénéficient des revenus moyens et médians les plus élevés. De plus, le revenu médian des Asiatiques a augmenté entre 2001 et 2005 alors que celui de tous les autres groupes baissait. La population noire qui a enregistré la plus forte baisse du revenu médian entre 2001 et 2005 (– 4,8 % en dollars 2005), a vu son taux de propriétaires se stabiliser autour de 4,5 % sur cette période.

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Caractéristiques des ménages selon l’origine ethnique

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Nombre de ménages Taux de propriétaires (en %) Revenu médian (dollars 2005) 1995 2001 2005 1995 2001 2005 Blancs non hispaniques 82,0 70,9 74,3 75,8 47 292 51 065 50 784 Noirs 14,4 42,9 48,4 48,8 28 485 32 499 30 954 Hispaniques 12,5 42,0 47,3 49,5 29 079 37 015 35 967 Asiatiques 4,5 51,5 54,7 60,3 51 662 59 148 61 048 Source : BLS.

Caractéristiques des ménages selon l’origine ethnique

25Globalement, si de 1994 à 2001, les ménages dont le revenu est inférieur ou égal au revenu médian ont vu leur taux d’accession à la propriété augmenter dans les mêmes proportions que les ménages dont le revenu est plus élevé que le revenu médian, la légère baisse du revenu médian dans les années qui ont suivi (de 46 569 dollars en 2001 à 46 326 dollars en 2005 aux prix de 2005) combinée à l’envolée des prix de l’immobilier ont détourné du marché de l’immobilier les ménages les plus fragiles (graphique 9). Le rapport prix médian des logements/revenu médian a en effet augmenté très largement de 2000 à 2005 (graphique 10), rendant de plus en plus difficile l’accès à la propriété pour les ménages aux revenus les plus faibles. De 2001 à 2004, la progression du taux de propriétaires se fait surtout en faveur des ménages les plus aisés. Par la suite, les taux des deux cohortes stagnent, l’un à 84 %, l’autre à 53 %.

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Taux de propriétaire selon le revenu des ménages

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Taux de propriétaire selon le revenu des ménages

Source : Bureau of the Census.
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Prix médian/revenu médian d’une famille pour l’achat dans l’ancien

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Prix médian/revenu médian d’une famille pour l’achat dans l’ancien

Source : National Association of Realtors.

L’accession à la propriété et les modalités de l’endettement

26L’accès à la propriété fait partie du rêve américain. Il en est même une pièce maîtresse pour ceux qui sont exclus. Dans la lignée de son prédécesseur Bill Clinton, le président Georges Bush a voulu qu’il devienne réalité pour une grande partie des minorités. Les politiques du gouvernement fédéral, par le biais des agences gouvernementales, ont soutenu les ménages les plus fragiles. Les organismes financiers ont multiplié les innovations financières pour faire reculer les limites de l’endettement à la frontière du supportable. Les ménages, portés par leur rêve, ont profité d’une conjoncture particulièrement favorable.

27Cet accès accru au logement n’aurait pu avoir lieu si des conditions de financement exceptionnelles n’avaient pas été réunies : le maintien des taux d’intérêt à un niveau historiquement bas, la concurrence croissante des banques poussant à l’innovation des produits, des politiques commerciales de plus en plus agressives, enfin et surtout la titrisation des créances hypothécaires. Ces opérations, combinées au rôle actif des government sponsored enterprises (GSE) sur le marché secondaire, ont permis d’accroître la liquidité du marché.

28Le marché des prêts hypothécaires est divisé en deux segments de taille différente (tableau 3) : le plus important, le conventional market couvre les prêts garantis par une hypothèque (c’est sur ce segment que l’innovation a été la plus forte) et le non conventional market, plus restreint, qui rassemble les prêts bénéficiant d’une garantie de l’État (graphique 11).

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Organisation du marché des crédits immobiliers

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Marchés/Types de prêts Critères d’éligibilité Caractéristiques des prêts Conventionnel Conforming loan (non jumbo loan) Doit satisfaire aux critères fixés par les deux agences de régulation Fannie Mae et Freddie Mac, notamment : - l’apport personnel doit couvrir au moins 20 % du prix de l’acquisition (LTV < 80 %) ; - les charges de remboursement ne peuvent dépasser 25 % du revenu de l’emprunteur ; - le montant du prêt ne peut dépasser la limite conventionnelle (417 000 dollars en 2007, comme en 2006). Le LTV pour les primo-accédants peut aller jusqu’à 90 % si une assurance Private Mortgage Insurance (PMI) est souscrite en plus. La qualité du prêteur définit un prêt du type A paper loan. Hypothèque de 1er rang. Traditionnellement taux fixe mais de plus en plus à taux variable. Dans ce cas, les intérêts sont capés avec des révisions tout au long de la durée du prêt. Durée d’environ 30 ans. La PMI est d’environ 0,5 point. Non conforming loan (jumbo loan ou piggyback mortgage) Complète le conforming loan si le montant obtenu est inférieur aux besoins (charges financières trop lourdes, apport personnel insuffisant, prix supérieur au plafond) ; Plutôt à taux variable, avec un taux d’intérêt plus élevé (0,25-0,5 point), amortissable sur 40-50 ans. Hypothèque de 2nd rang. Subprime loan Destiné aux ménages qui ont un historique (saisie, retard de paiements, …) les empêchant d’avoir accès aux conforming loans. Les prêts sont donc plutôt des B, C, D paper loans. Taux d’intérêt élevé (2 points en moyenne) ; frais de dossier et de remboursement anticipé très élevés. Low documentation.
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Non conventionnel Federal Housing Administration (FHA) insured mortgage Destiné aux ménages aux revenus moyen et bas, et principalement aux primo-accédants qui ne répondraient pas aux critères du marché conventionnel (apport personnel insuffisant, …) mais qui offrent une garantie plutôt satisfaisante de remboursement (revenu stable, bonne notation, …). Fournit une assurance aux prêteurs privés en cas de défaut de paiements. Cette assurance ne peut dépasser une limite statutaire variant selon les lieux (67 500 dollars généralement). Le Loan To Value peut aller jusqu’à 95-98 % ; taux d’intérêt du marché ; les frais de dossier peuvent être couverts par le FHA. Veterans Affairs (VA) garanteed mortgage Fournit une garantie fédérale allant jusqu’à 60 % de la valeur du prêt. Destiné aux vétérans et à leur famille. Conditions de prêts favorables : peu ou pas d’apport personnel, faible taux d’intérêt. Rural Housing Service (RHS) mortgage Fournit une garantie de prêt aux résidents ruraux.

Organisation du marché des crédits immobiliers

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Garanties des prêts immobiliers pour particuliers

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Garanties des prêts immobiliers pour particuliers

Source : OFHEO. Pour une explication sur la méthodologie, voir Pafenbergh F. (2005) « Single-Family Mortgages Originated and Outstanding : 1990–2004 ».

Les politiques publiques de soutien à l’accession à la propriété

29Les politiques publiques du logement aux États-Unis passent essentiellement par des mesures indirectes qui ne se sont que légèrement modifiées au cours des quinze dernières années. Elles portent sur des programmes d’assurance hypothécaire, administrés par le Federal Housing Administration (FHA insured loan), le Veterans Administration (VA garanteed loan) et le Rural Housing Service du Department of Agriculture (RHS loan). Ces programmes proposent aux prêteurs privés une assurance ou une garantie quasi officielle sur des crédits contractés par des ménages exclus des circuits traditionnels. Ces programmes n’ont cessé d’augmenter, surtout à partir de 1985 et ce jusqu’en 2003. Cependant, rapportés à l’ensemble des prêts hypothécaires, ils baissent tendanciellement depuis 1972, et surtout après 2000 : de 20 % en moyenne de la fin de la seconde Guerre mondiale (avec un pic à 25 % pour le FHA program en 1957) jusqu’au début des années 1970, leur part atteint encore 17 % en 1990 et moins de 3 % seulement en 2005 et 2006 (1,8 % pour le FHA program et 0,7 % pour le VA program). En termes d’encours, ils représentent aujourd’hui 6 % de la dette hypothécaire totale. Les limites des garanties consenties étant trop contraignantes par rapport à l’évolution des prix et de nouvelles possibilités de prêts s’offrant sur le marché conventionnel, les ménages ont de plus en plus délaissé ce marché.

30Les populations ayant le plus bénéficié de ces programmes sont essentiellement les populations noires et hispaniques. Celles-ci y ont recouru pour presque la moitié d’entre elles à la fin des années 90. Elles s’en sont désengagées par la suite puisqu’au milieu des années 2000, seulement un quart de cette population en bénéficiait. Ce désengagement se retrouve également du côté des populations à plus faible revenu. Selon Garriga (2006), ces programmes pourraient cependant expliquer au moins 1 point de la hausse du taux de propriétaire depuis l’envolée.

31D’autres programmes (Affordable Housing Programs) ont proposé des mesures directes destinées à favoriser l’accession à la propriété pour les populations les plus marginalisées (jeunes, familles à faible revenu). Ils ont été régulièrement réactivés depuis 1992 via le Department of Housing and Urban Development (HUD). Avec un budget total de 3,9 milliards de dollars sur la période 1992-2004, le HOME Investment Partnership Program apparaît comme le programme le plus ambitieux. Il aurait permis d’aider environ 300 000 ménages à bas revenus à acheter une maison entre 1993 et 2004. L’American Dream Downpayment Initiative est venu compléter ce dispositif en décembre 2003 en prenant à sa charge une partie de ce qui constitue le principal problème des primo-accédants, l’absence ou l’insuffisance d’apport personnel (et éventuellement les charges diverses et frais de dossier (closing cost) qui peuvent représenter 3 à 6 % du montant du prêt, et les travaux de réhabilitation associés à l’achat). Les aides ne peuvent excéder 10 000 dollars, ou 6 % du prix d’achat de la maison. Les ménages éligibles ont un revenu inférieur à 80 % du revenu médian local.

32Selon l’étude de (Garriga 2006), l’impact de ces autres mesures sur le taux de propriétaire reste marginal. Même si tous ces programmes cumulés parviennent à aider 50 000 ménages par an à devenir propriétaire, il faudrait vingt-cinq ans pour accroître le taux de propriétaires de juste un point.

L’offensive des banques

33Plus que les politiques publiques, les banques ont été particulièrement offensives pour à la fois faire reculer les limites de l’endettement, et en même temps se couvrir face à un risque de défaut croissant. L’offre de crédits s’est accrue avec le développement du marché secondaire des créances titrisées. Elle est devenue de plus en plus innovante, avec des produits « sur mesure » adaptés à chaque type de ménages avec parfois, cependant des erreurs de coupe…

Sur le marché des prêts conventionnels, des crédits sans risque…

34Sur le marché des prêts conventionnels, c’est-à-dire couverts par une hypothèque, l’emballement a été très net. Selon l’OFHEO, les nouveaux crédits sont passés d’un montant annuel de 500 milliards à 1000 milliards de dollars entre 1995 et 2000 pour culminer à 3700 milliards en 2003 et revenir à 3000 milliards les années suivantes (graphique 12). L’encours de dette a plus que doublé en six ans et a atteint près de 10 000 milliards de dollars en 2006, après 4 300 milliards en 2000.

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Prêts conforming et non conforming *

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Prêts conforming et non conforming *

* Voir tableau 3.
Source : OFHEO. Pour une explication sur la méthodologie, voir Pafenbergh F. (2005) « Single-Family Mortgages Originated and Outstanding : 1990–2004 ».

35L’indice d’accessibilité des ménages au marché du crédit tel que celui calculé par la NAR dans les conditions classiques d’un prêt sur trente ans à taux fixe (affordability index) [4] est resté stable jusqu’en 2003, la baisse des taux d’intérêt ayant préservé l’accessibilité au marché au moment où les prix de l’immobilier commençaient à s’envoler. Mais par la suite, la hausse des prix s’est combinée au resserrement monétaire. L’indicateur s’est alors dégradé fortement notamment chez les primo-accédants dont la faiblesse de l’apport personnel apparaît dès lors comme la principale contrainte financière (graphique 13).

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Indicateur d’accessibilité au marché du crédit

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Indicateur d’accessibilité au marché du crédit

Source : National Association of Realtors.

36Les ménages se tournent alors de plus en plus vers des nouveaux produits, qui offrent des conditions de prêts particulièrement attractives. La plupart de ces produits sont dérivés des prêts à taux variables. Leur caractère novateur et attirant repose sur le fait qu’ils permettent de différer le remboursement du capital et d’avoir des mensualités réduites en début de période. Deux types de prêts sont plus fréquemment rencontrés :

  • les Interest Only Mortgage Payments (IO Mortgage Payments). Les mensualités couvrent uniquement les intérêts pendant une période spécifiée (trois à dix ans en général). Le capital et les intérêts sont ensuite payés comme un prêt classique. Si les taux sont ajustables, comme c’est souvent le cas, les mensualités changeront selon les termes du contrat. Ainsi, un « 5/1 IO » a un taux d’intérêt fixe pendant cinq ans puis révisable chaque année ;
  • les Payment Option Adjustable Rate Mortgage (PO ARM). Il s’agit d’un prêt ayant des mensualités initiales faibles. Le taux d’intérêt d’un Payment Option ARM est très bas pendant les trois premiers mois (introductory teaser rate) puis progresse sur la base d’un indice de taux (LIBOR, CMT ou COFI [5]) augmenté d’une marge fixe pendant toute la durée du prêt (graphique 14). Il rejoint alors le taux d’un prêt classique. Les mensualités pendant la première année sont calculées sur le taux d’intérêt initial. Si l’emprunteur opte pour un paiement minimum, alors les mensualités ne couvrent pas l’intégralité des charges d’intérêt dues. Les intérêts non payés sont alors capitalisés (amortissement négatif). En général, les paiements sont « capés », c’est-à-dire susceptibles d’augmenter seulement dans une certaine limite lors des ajustements annuels (voire semestriels selon les contrats). Les options sont révisées tous les cinq ans, les réajustements ne sont alors pas capés lors de cette révision. Les banques mettent un terme à cette option si la dette devient insoutenable. Un ménage peut parfaitement utiliser les trois options successivement en choisissant de payer le minimum la première année, de ne payer que les intérêts les cinq ou dix années suivantes, puis de faire un prêt amortissable sur trente ans, selon ces revenus anticipés.

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Décomposition du taux effectif hypothécaire à 1 an

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Décomposition du taux effectif hypothécaire à 1 an

Source : Freddie Mac.

37Dans l’hypothèse où les ménages ont un apport personnel insuffisant, voire inexistant, ils ont la possibilité d’emprunter au-delà de la limite des 80 % de la valeur du bien en prenant soit une assurance supplémentaire (Prime Mortgage Insurance – PMI) d’environ 0,5 % sur la totalité du prêt, soit de contracter un prêt complémentaire de second rang (jumbo loan), à un coût un peu plus élevé. Dans ce cas, le surcoût ne porte que sur la partie complémentaire du prêt. Cette deuxième option est souvent moins onéreuse. Les combo 80/10/10 ou 80/15/5 sont ainsi des prêts combinant un prêt traditionnel couvrant 80 % de la valeur de l’acquisition (prix de marché ou estimé (appraisal)), un crédit non conforming (ou jumbo) de respectivement 10 ou 15 %, les 10 ou 5 % restant correspondant à l’apport personnel. Il n’est pas rare de trouver des combo 80/20. Dans ce cas, le ménage emprunte la totalité de l’opération.

38Selon une étude du Government Accountability Office (GAO), ces nouveaux produits représentent 30 % des crédits hypothécaires (avec et sans risque) émis en 2005 (20 % pour les IO Mortgage Payment et 10 % pour les PO ARM) contre 10 % en 2003. Initialement réservés aux clients aisés en tant qu’instruments financiers pour gérer des variations de revenus, ils concernent désormais davantage les ménages à revenus modestes et apparaissent comme des outils facilitant l’accessibilité au crédit, surtout dans les régions où les prix de l’immobilier ont flambé.

… et des crédits à risque (subprime loans)

39En même temps que les produits se sophistiquaient, le segment des prêts de qualité inférieur, les subprimes loans, se développait. Ce segment s’est fortement accru au cours de la dernière décennie mais c’est surtout en 2004 et 2005 qu’il a explosé. Selon le Mortgage Statistical Annual, le montant des prêts subprime serait passé de 35 milliards de dollars en 1994 à 332 milliards en 2003 et 640 milliards en 2006, soit 23 % de l’ensemble des émissions de prêts cette année là. Ils représentent actuellement 10 % de la dette totale hypothécaire et concernent près de 6 millions de ménages (en tant que crédit subprime de premier rang (Housing, 2006)).

40Ce marché concerne les ménages exclus du prime market, ceux qui ont un mauvais credit score, donc les plus à risque. On y trouve essentiellement les minorités. Le dernier rapport du HMDA (2005) souligne le fait que les populations noires et hispaniques, ainsi que les populations à faible revenu, victimes de discrimination, sont surreprésentées sur ce segment.

41Cependant, il est admis qu’une partie non négligeable des ménages présents sur le segment des crédits avec prime devraient se trouver sur le marché des crédits sans prime. Les exigences variant d’un établissement à l’autre, d’un endroit à l’autre, certains ménages n’ont pas pu y accéder. Fannie Mae et Freddie Mac estiment qu’entre 30 et 50 % des emprunteurs auraient pu être qualifiés sur le prime market (entre 15 % et 35 % selon d’autres sources – GAO). Beaucoup de ménages payent donc beaucoup plus chers que ce qu’ils devraient payer.

42Le prêt le plus répandu sur le subprime market est le 2/28 ARM (et le 3/27 ARM) (ou exploding ARM). C’est un Payment Option ARM sauf que le taux initial s’applique pendant les deux (ou trois) premières années. Il est ensuite révisé tous les ans (ou tous les six mois) au cours des vingt-huit (ou vingt-sept) années suivantes. La hausse des mensualités ou du taux d’intérêt final peut être capée. Le risque est fort au terme des deux ans, quand les mensualités sont révisées. Même dans l’hypothèse où les taux du marché n’ont pas varié, la prise en compte de la prime peut accroître le montant des versements de plus de 100 %. Ainsi, si le taux d’intérêt initial est de 4,5 %, l’indice de taux de 7 %, et la marge de 3 %, le nouveau taux devrait être de 7+3 = 10 %. Si la limite capée est de 5 %, le taux passera à 4,5 % + 5 %, soit 9,5 %.

43Traditionnellement, l’apport personnel est plus faible sur ce segment. En 2004, 1% des prêts subprime avaient un ratio prêt/valeur (Loan To Value – LTV) supérieur strictement à 100 %, 17 % avaient un LTV compris entre 90 et 100, 22 % un LTV compris entre 80 et 90 et 45 %, un LTV compris entre 70 et 80.

44Cette plus faible part d’apport personnel combinée à une antériorité du crédit marquée par un credit score dégradé font que les taux d’intérêt basés explicitement sur le risque, sont plus élevés. La différence sur un prêt à trente ans, à taux fixe entre le marché prime et non prime est d’environ 2 points, un peu plus en période de taux d’intérêt élevé, un peu moins sinon. Cette différence peut être beaucoup plus importante selon l’apport personnel et la qualité de l’emprunteur. Pour un crédit dont le Loan to Value est de 70 %, le taux d’intérêt peut varier de 6,75 % à 9,8 % selon la qualité de l’emprunteur.

45Cependant, un consensus apparaît sur le fait que le coût du crédit sur le marché du subprime est élevé au regard du risque pris, surtout si l’on considère qu’une grande partie des ménages est éligible sur le marché des prêts de bonne qualité (Lax Howard 2004). Une étude de Freddie Mac montre que compte tenu du risque de défaut, un écart de 100 point de base serait plus justifié.

46En plus d’être des crédits chers adressés à des ménages à risque, ces subprimes peuvent provenir d’organismes malveillants, à la conduite spécieuse. Les principaux abus de ces predatory lenders, mis en avant par le Center for Responsible Lenders (CRL) sont variés :

  • des charges et frais de dossier excessifs ou cachés. Alors qu’ils représentent moins de 1 % sur le montant des prêts classiques, ils peuvent facilement dépasser 5 % chez ces prêteurs ;
  • les pénalités de remboursement abusives. 80 % des crédits subprime contiennent des clauses de pénalités en cas de remboursement anticipé, contre 2 % sur le prime market. Mais surtout ces pénalités qui s’appliquent généralement sur les deux ou trois premières années du prêt vont parfois au-delà de la date de réajustement du prêt et représenter plus de six mois d’intérêt. Or, les ménages qui empruntent à un coût élevé ont une forte incitation à rembourser avant l’échéance du prêt (par un refinancement notamment) afin d’améliorer les termes de leur emprunt ;
  • l’introduction d’une prime d’écart de rendement (yield spread premium). Si le broker prête à un taux plus élevé que ce que souhaite le prêteur, la différence est prise en charge par l’emprunteur ;
  • des ventes de produits (assurances, …) qui n’amènent rien au client ;
  • des clauses de non recours en justice au cas où le bon déroulement du prêt serait menacé par des termes illégaux ou abusifs inscrits dans le contrat ;
  • des refinancements qui n’apportent aucun avantage à l’emprunteur.
Ces pratiques abusives fréquemment rencontrées sur le marché des subprimes s’expliquent par plusieurs facteurs. Le marché est très concentré. Au troisième trimestre 2006, 62,2 % des crédits subprime étaient émis par seulement dix établissements et 87,6 % par vingt-cinq. C’est donc un marché faiblement concurrentiel et souvent spécialisé. De plus, en visant les minorités noires et hispaniques et les ménages à faibles revenus, les banques sont face à une population plus vulnérable, peu familière des pratiques financières et ayant un plus faible niveau d’éducation. L’absence de mise en concurrence avec d’autres organismes financiers se combine avec une mauvaise information,de la part des prêteurs sur les risques encourus, notamment lors du réajustement des mensualités. Ainsi, la pratique courante du marché des subprime qui consiste à accepter un prêt dès lors que les mensualités, calculées sur la base du taux initial (introductory rate), sont inférieures à 50 % du revenu des ménages avant impôt, peut conduire à des situations catastrophiques lors du réajustement des mensualités …

47Cette situation est rendue encore plus délicate lorsque les prêts sont montés sur la base des revenus déclarés (Stated income loan), non vérifiés par la banque. Cette pratique apparue en 2002 est désormais très populaire. En 2006, 37 % des prêts seraient à revenu déclaré. La proportion peut atteindre 50 % dans les localités où les prix sont particulièrement élevés (Californie, Floride). Or, pour une partie de la population, le seul moyen d’accéder à la propriété est de gonfler leurs revenus. Sur la base du rapprochement du revenu déclaré d’un échantillon et le service des impôts, il est apparu que 90 % des revenus déclarés étaient exagérés d’au moins 5 % et que surtout presque 60 % l’étaient de plus de 50 %.

48En gonflant la demande, cette pratique rencontrée sur l’ensemble du marché du crédit hypothécaire (12 % des crédits sont à revenus déclarés en 2006) aura participé au mouvement de hausse des prix jusqu’en 2005.

49Aujourd’hui, le retournement du marché de l’immobilier modifie profondément la capacité des ménages à faire face à leurs engagements financiers. Car tant que les prix augmentaient et les taux d’intérêt baissaient, les ménages pouvaient rembourser leur prêt par un refinancement à des conditions plus avantageuses et éventuellement dégager des liquidités. Cela a été notamment le cas sur le segment des subprime où 67 % des prêts ont été refinancés entre 1993 et 2004, contre 50 % sur le marché des primes (HMDA, 2005). Avec la fin de la hausse des prix et le resserrement monétaire engagé en 2004, les ménages ne peuvent plus renégocier aussi facilement, sauf à négocier, pour les plus pauvres, des IO Mortgage Payments et des PO ARM, avec report du remboursement du capital.

Les risques

50Après avoir été stable pendant dix ans, le service de la dette augmente depuis 2004. Il a progressé en moyenne de 8 points de revenu annuel des ménages pour les primo-accédants au début 2006 (à plus de 36 % du revenu annuel des ménages) et de 6 points pour l’ensemble des ménages (à plus de 24 %) (graphique 15). La situation devient difficile pour un certain nombre de ménages.

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Service de la dette hypothécaire

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Service de la dette hypothécaire

Source : National Association of Realtors.

51La hausse des défauts de paiements et des procédures de saisies visible depuis le deuxième semestre 2006 commence à traduire les limites de la montée de ces crédits non traditionnels depuis 2003. De fait, en février 2006, une étude du HUD soulignait le risque pour les ménages à bas revenus et les minorités de sortir du marché de la propriété. Des travaux sur données de panels mettaient en avant le fait qu’entre 43 et 53 % des acheteurs à bas revenus ne seront plus propriétaires au-delà des cinq prochaines années, contre 23 à 30 % pour les ménages à plus haut revenu. De même les minorités, quelque soit leur revenu, ont entre 22 et 39 % plus de risque que les blancs de sortir du marché de la propriété.

52Les risques de défaut sur le marché des subprime sont six fois plus élevés que sur le marché des crédits de bonne qualité et les risques de saisie, dix fois plus. Au quatrième trimestre 2006, selon le MBA, le taux de saisie pour les prime loan était de 0,41 % alors qu’il était de 4,53 % sur les subprime. Selon le CRL, 19,4 % des crédits subprime émis en 2005-2006 se termineront en saisie. Au troisième trimestre 2006, le taux de défaut sur les crédits subprime à taux révisable était de 13,22 % contre 9,52 % pour les crédits subprime à taux fixe, et 3,02 % pour les crédits de bonne qualité à taux révisable.

Le soutien de l’immobilier à la croissance

53En même temps que les ménages s’endettaient pour financer leur investissement immobilier, ils ont également largement tiré profit de la valorisation de leur actif pour engager de nouvelles dettes et financer d’autres formes de dépenses. Cette source de financement, l’extraction hypothécaire (encadré 2), a largement soutenu la croissance pendant toutes les années de hausse des prix de l’immobilier.

54Plusieurs sources de données bancaires concernant l’utilisation des prêts hypothécaires existent mais il est parfois difficile de les comparer sans un travail spécifique de mise en cohérence. Greenspan et Kennedy ont constitué une base de données qui résout en partie ces difficultés et qui a le grand avantage de mesurer l’extraction hypothécaire d’une façon relativement exhaustive (encadré 3).

2. Qu’appelle-t-on « extraction hypothécaire » ?

L’extraction hypothécaire (Mortgage Equity Withdrawal) est la part des crédits hypothécaires qui n’est pas utilisée par les ménages pour accroître leur investissement immobilier. Elle peut provenir de crédits refinancés ou bien de nouvelles lignes de crédits.
Le cash out refinancing concerne l’extraction des capitaux issue lors d’un refinancement hypothécaire (une transaction dans laquelle un nouveau crédit hypothécaire est émis pour un montant plus important que l’encours du prêt restant à payer).
Les prêts sur capital immobilier (Home Equity Loan - HEL) et la Home Equity Line of Crédit (HELOC) sont des lignes de crédit utilisant le capital immobilier, c’est-à-dire la valeur non hypothéquée de la maison (home equity) comme collatéral. Elles sont différentes du refinancement dans le sens où il s’agit d’un second prêt gagé sur le capital détenu (équity) de la maison. C’est donc un crédit hypothécaire de second rang (lunior lien loan) qui permet de transformer en cash la différence entre la valeur actuelle de la maison et ce qui reste dû à la banque. Le HEL est un prêt à taux fixe, avec un terme et des mensualités fixées à l’avance. Les taux sont liés au prime rate. Entre mi-2004 et juillet 2006, celui-ci est passé de 4 à 8,25 %, niveau où il se situe encore aujourd’hui. Le HELOC est une ligne de crédit ouverte (credit revolving), qui permet d’emprunter plusieurs fois pour des montants différents et de rembourser. Les taux d’intérêt sont variables et plus bas que les HEL et proposent parfois un taux d’entrée particulièrement bas.

55Il ressort que si cette flambée de l’endettement a nourri la fièvre immobilière, elle a également été largement utilisée à d’autres fins (graphique 16). Ainsi, les prêts utilisés à l’acquisition d’une maison ont progressé régulièrement de la fin des années 1990 à 2002, et ont accéléré significativement entre 2003 et l’été 2005. Ils baissent par la suite. Les prêts destinés au refinancement d’un prêt ancien varient davantage au cours du temps. Ils ont augmenté fortement en 2001 et 2002 et explosé en 2003, avant de baisser à nouveau les années suivantes. Ils représentaient 80 % des prêts hypothécaires émis en 2003. Au quatrième trimestre 2006, ils en représentaient encore 50 %.

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Utilisation des nouveaux crédits hypothécaires

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Utilisation des nouveaux crédits hypothécaires

Sources : Board of Governers, Federal Reserve - Estimates of Home Mortgage Originations, Repayments, and Debt on One-to-Four-Family Residences.

56L’importance des crédits accordés pour refinancement se traduit par un taux de remboursement très élevé. Sur la période 1990-2006, 28 % de la dette hypothécaire destinée à l’immobilier, a en moyenne été remboursée par des nouveaux crédits, avec un maximum à 57,5 % en 2003 (graphique 17) et 25 % en 2006. Ce taux de remboursement est étroitement corrélé à l’évolution des taux d’intérêt. Greenspan et Kennedy calculent un coefficient de corrélation négatif égal à – 0,71 entre ce ratio et le taux d’intérêt hypothécaire fixe à trente ans sur l’ensemble de la période. Les ménages ont donc bénéficié à plein de la baisse des taux d’intérêt entre 2000 et 2003 en renégociant un nouveau prêt sur la base de meilleures conditions et en remboursant l’ancien.

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Taux de remboursement des prêts et taux hypothécaire

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Taux de remboursement des prêts et taux hypothécaire

Sources : Board of Governers, Federal Reserve - Estimates of Home Mortgage Originations, Repayments, and Debt on One-to-Four-Family Residences.

57Les ménages ont donc pu bénéficier de la baisse des taux d’intérêt pour réduire leurs mensualités ou s’endetter davantage en utilisant la hausse des plus values potentielles comme collatéral. En 2004, 44,9 % des ménages propriétaires ayant un crédit hypothécaire de premier rang avaient refinancé leur prêt au cours des trois dernières années (contre 20,8 % en 2001) et 34 % d’entre eux avaient emprunté au-delà du montant nécessaire au remboursement du premier prêt (35,2 % en 2001) : 20 000 dollars en montant médian.

58Il est difficile de connaître la situation exacte en 2006 sachant que les ménages ont continué de s’endetter, que les taux d’intérêt ont augmenté et que les prix stagnent voire baissent dans certains endroits. Néanmoins, une note récente de Freddie Mac montre que la part des refinancements dépassant d’au moins 5 % le montant du capital non amorti, n’a cessé d’augmenter depuis 2004. De 33 % du total des refinancements au deuxième trimestre 2003, cette part culmine à 88 % au deuxième trimestre 2006, avant de baisser à 84 % en fin d’année. Les ménages continuent donc de profiter des plus-values latentes pour rembourser leur ancien prêt hypothécaire et surtout dégager des liquidités. En effet, en dépit du retournement du marché immobilier, le potentiel de liquidités à extraire de ces refinancements reste non négligeable : les maisons dont les prêts sont refinancés ont enregistré au quatrième trimestre 2006 une appréciation médiane de 28 % depuis la date du prêt initial (34 % au deuxième trimestre 2006). L’extraction hypothécaire est donc devenue aujourd’hui la principale motivation au refinancement, contrairement à 2003 où la réduction des mensualités apparaissait comme une raison plus importante. En 2004, 15 % des refinancements étaient destinés à réduire le montant emprunté, contre seulement 5 % en moyenne 2006 (7 % au quatrième trimestre). Les taux d’intérêt sont néanmoins un peu plus coûteux : 6 points de base en plus.

59Si l’on ajoute à cette source de liquidité, le produit des ventes de logements anciens qui n’a pas été utilisé au rachat d’un nouveau logement et les prêts sur capital immobilier, nets des remboursements anticipés, on obtient une évaluation relativement exhaustive de l’extraction hypothécaire dégagée par les ménages (graphique 18). L’extraction hypothécaire nette, stable jusqu’en 1995 à 50 milliards de dollars environ, a augmenté progressivement avant de s’emballer à partir de 2002. Elle représentait 391 milliards de dollars en 2002 et 736 milliards en 2005, soit 8,2 % du revenu des ménages cette année-là (10,4 % au troisième trimestre). Fin 2006, elle ne représentait plus que 3,5 % du revenu des ménages (graphique 19).

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Composantes de l’extraction hypothécaire

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Composantes de l’extraction hypothécaire

Sources : Board of Governers, Federal Reserve - Estimates of Home Mortgage Originations, Repayments, and Debt on One-to-Four-Family Residences.
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Extraction hypothécaire nette

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Extraction hypothécaire nette

Sources : Board of Governers, Federal Reserve - Estimates of Home Mortgage Originations, Repayments, and Debt on One-to-Four-Family Residences.

60La suppression depuis la réforme fiscale de 1986 de la déductibilité des intérêts sur tous les prêts à l’exception des prêts hypothécaires dans la limite des prêts ne dépassant pas 1,1 million de dollars a créé une forte incitation pour les ménages propriétaires à recourir à des prêts gagés sur les plus values latentes de leur patrimoine immobilier plutôt que de recourir à des crédits à la consommation. En plus, avec la hausse des prix de l’immobilier et les bas taux d’intérêt, l’incitation à s’endetter s’est accrue jusqu’en 2005, notamment par le biais du refinancement. Les taux d’intérêt sont moins élevés que sur les prêts sur capital immobilier (Home Equity Loans) qui sont liés au prime rate.

61Les principales raisons à l’extraction hypothécaire sont l’amélioration de l’habitat (45 % sont destinés à ce poste) et la consolidation de la dette (31 %). Parce que la richesse immobilière est beaucoup mieux répartie que la richesse financière concentrée dans les mains des populations les plus riches (1 % des ménages détiendrait 50 % de la totalité des actions détenues par les ménages), l’impact sur la consommation d’une hausse du prix des actifs immobiliers (effet richesse) est plus élevé que celui d’une augmentation des actifs financiers.

3. La mesure de l’extraction hypothécaire

Suite à l’interruption en 1997 du Survey of Mortgage Lending Activity (SMLA) par le Department of Housing and Urban Development (HUD), Greenspan & Kennedy ont développé une nouvelle base de données qui permet de désagréger les variations nettes de l’encours de la dette hypothécaire en flux bruts. L’objectif est de reconstituer l’origine des émissions de prêts et des remboursements à partir d’une décomposition judicieuse qui permet de retrouver une cohérence globale et de mesurer l’extraction hypothécaire.
Les données d’encours de dette hypothécaire proviennent des Flows of Funds (FOF) de la Réserve fédérale. Les données sur les flux hypothécaires sont celles rapportées par le Home Mortgage Disclosure Act (1975) et couvrent plus de 90 % du volume de l’activité hypothécaire des banques et caisses d’épargne (thrift institutions). Des rapports d’institutions financières ainsi que des données venant d’institutions parapubliques (Government sponsored enterprises), de Ginnie Mae et autres investisseurs sur le marché secondaire viennent compléter ces données.
Ainsi, on a :
Nouveaux crédits hypothécaires destinés à l’immobilier :
(Achat maison neuve (A)
+ Achat maison existante (B)
+ Refinancement (C)
= total des nouvelles émissions (TO))
– Remboursements de crédits destinés à l’immobilier :
(Amortissement (scheduled amortization) (D)
+ Annulation d’un prêt refinancé (E)
+ Annulation de dette par les vendeurs (F)
+ Remboursement anticipé (G)
= Total des remboursements (TR))
= Variation de l’encours de dette hypothécaire destinée à l’immobilier (K)
+ Variation de l’encours des prêts sur capital immobilier (Home Equity Loan) (X)
= Variation de l’encours de dette hypothécaire hors prêts à la construction (Q)
+ Variation de l’encours de crédits à la construction (J)
= Variation de l’encours de dette hypothécaire totale, telle que données par les Flows of Funds.
À partir de cette décomposition, les auteurs définissent l’extraction hypothécaire brute (EE) comme la différence entre Q et une estimation de la variation de dette si les ménages n’avaient eu aucune action discrétionnaire, s’ils s’étaient contentés de contracter un nouveau crédit pour l’achat d’un logement neuf et de rembourser par amortissement progressif. On a alors
EE = Q-[A-D] = (B-F) + (C-E) + (X-G),
Où (B-F) représente la variation nette de la dette hypothécaire résultant du turnover des maisons existantes, (C-E) et (X-G) représentent le cash out dégagé à partir de gains en capital non réalisés.
L’extraction hypothécaire nette est égale à l’extraction hypothécaire brute moins les frais de clôture et autres coûts liés à l’extraction.
Si cette base a l’avantage de présenter un cadre détaillé et cohérent face à la multitude de sources financières, elle s’appuie sur des hypothèses, des estimations et des sources diverses qui empêchent malgré tout d’avoir un cadre complètement bouclé. Il reste un résidu inexpliqué certaines années entre le remboursement total (TR) et la somme des quatre composantes. La valeur des maisons achetées résultant des crédits diffère sensiblement des séries de prix fournies par le Census et la NAR.

Bibliographie

Références bibliographiques

  • Avery R. A., K. P. Brevoort, et al., 2006 : « Higher-Priced Home Lending and the 2005 HMDA Data », Federal Reserve Bulletin.
  • Garriga C., W. T. Gavin, et al., 2006 : « Recent trend in homeownership », Federal Reserve Bank of St Louis, Review 88(5).
  • Greenspan A. et J. Kennedy, 2005 : « Estimates of Home Mortgage Originations, Repayments and Debt on One to Four Family Residences », Finance and Economics Discussion Series 41.
  • Joint Center for Housing Studies, 2006 : The State of the Nation’s Housing 2006, Harvard University.
  • Lax H., M. Manti, P. Raca et P. Born, 2004 : « Subprime Lending: an Investigation of Economic Efficiency », Housing policy Debate 15(3).
  • McCarthy J. et R. W. Peach, 2004 : « Are Home Prices the Next ‘Bubble’? », Federal Reserve Bank of New York, Economic Policy Review, December.
  • Pafenbergh F., 2005 : « Single-Family Mortgages Originated and Outstanding: 1990-2004 », OFHEO Research Paper.

Notes

  • [*]
    Cette étude spéciale a été réalisée par Christine Rifflart.
  • [**]
    Traduction de l’auteur.
  • [1]
    L’indicateur NAHB (National Association of Home Builders) retrace la perception des constructeurs sur les ventes de maisons individuelles et les anticipations de ventes sur les six prochains mois. Il donne une idée de l’activité dans le secteur de la construction.
  • [2]
    Selon le NBER établissant la datation des points de retournement des cycles d’activité de façon empirique, la dernière récession américaine a commencé en mars 2001 et s’est achevée en novembre de la même année.
  • [3]
    Sur la base des monthly mortgage payment et du revenu median des ménages, Goldman Sachs estimait cependant que le marché immobilier était surévalué de 20 % (voire 30 à 40 % en Californie et dans certaines autres régions) au début de l’année 2006.
  • [4]
    Calculé par la National Association of Realtors (NAR) comme le rapport du revenu médian au revenu « qualifié », c’est-à-dire satisfaisant au revenu requis pour le remboursement d’un prêt destiné à l’acquisition d’un logement ancien au prix médian et dans les conditions classiques d’un prêt sur trente ans à taux fixe. Deux critères sont retenus : l’apport personnel (downpayment) doit couvrir 20 % du prix de la maison (ou 10 % pour les primo-accédants avec une prime payée en plus de 0,5 % du montant du prêt environ) et le revenu qualifié est tel que le service de la dette (amortissement du capital plus paiement des intérêts (y compris prime d’assurance) ne doit pas excéder 25 % de ce revenu.
  • [5]
    CMT, Constant Maturity Treasury : rendement mensuel ou hebdomadaire sur des titres publics à maturité constante. COFI, Costs of Funds Index du 11th District. Le 11ième District regroupe les institutions d’épargne établies en Arizona, en Californie et au Nevada.
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