Couverture de REOF_088

Article de revue

Le secteur des télécommunications surfe-t-il de bulle en bulle ?

Pages 151 à 184

Notes

  • [1]
    L’UMTS (Universal Mobile Telecom System) est la troisième génération de téléphonie mobile.
  • [2]
    Si l’amortissement des survaleurs pèse sur le résultat comptable de l’entreprise et ampute d’autant la valeur des fonds propres, il n’a pas d’effet direct sur le flux de trésorerie dégagé par l’entreprise. L’amortissement des survaleurs pourra jouer indirectement sur ce dernier via le renchérissement du coût du capital lié à l’augmentation du taux d’endettement (dette / fonds propres). À l’inverse, les engagements hors bilans qui se réalisent peuvent directement diminuer le flux de trésorerie dégagé par l’entreprise.
  • [3]
    À long terme, le PER moyen ajusté de l’ensemble des entreprises cotées est d’environ 15.
  • [4]
    « Les normes françaises acceptent le principe d’un amortissement sans fixer de durée maximale. Dans les faits, la période d’amortissement est généralement assez longue, de vingt à quarante ans.
    Les normes américaines (US GAAP) n’autorisent aucun amortissement. Les écarts d’acquisition doivent donner lieu chaque année à un test d’évaluation qui peut imposer, en cas de réduction de l’écart d’acquisition, une provision pour moins-value.
    Les normes internationales (IAS) supposent que la période maximale d’amortissement est de vingt ans. Toutefois, la période d’amortissement et la valeur de l’écart d’acquisition doivent être reconsidérées, l’une et l’autre, tous les ans, et des règles très précises définissent les cas où des dépréciations doivent être enregistrées ».
    (Plihon, 2002)
  • [5]
    Les 4 principales technologies digitales utilisées aux États-Unis sont : Code Division Multiple Access (CDMA), Global System Mobile Communications (GSM), integrated Digital Enhanced Network (iDEN) et Time Division Multiple Access (TDMA).
  • [6]
    Karine Revcolevschi, Direction de la prévision : « Enjeux économiques et financiers de l’UMTS en France » in « Enjeux économiques de l’UMTS », Rapport du CAE.

1 L’éclatement de la bulle des télécommunications a eu des répercussions sur l’ensemble de l’économie. Si le plus dur de la crise semble derrière nous, les effets de la bulle sont loin d’être digérés dans les bilans des entreprises et auront un effet durable sur la politique des opérateurs. Dans la première partie de cet article, nous essayons de comprendre les facteurs qui ont entraîné une telle valorisation boursière des entreprises de télécommunications ainsi que ceux qui ont été à l’origine du retournement des marchés financiers. Aujourd’hui, à la veille de la mise en place de l’UMTS [1], à mesure que la situation financière des opérateurs se rétablit, certains éléments nous amènent à penser qu’une nouvelle bulle, même d’une moindre ampleur, pourrait se former dans les années à venir.

2 Dans une deuxième partie, à partir d’un modèle financier simple, nous simulons la rentabilité du projet de l’UMTS et étudions différentes variantes.

3 Enfin, nous évaluons l’impact macroéconomique de la mise en place de l’UMTS sur l’investissement des entreprises et la consommation des ménages en France.

La dynamique haussière de valorisation des entreprises de télécommunications

4 Le secteur des télécommunications a connu dans tous les pays industrialisés un développement rapide qui s’est accéléré depuis le milieu de années 1990. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette progression. Ce secteur se caractérise par une offre croissante de technologies et de services nouveaux qui a entraîné un élargissement de son marché. Ces nouvelles offres ont permis, en retour, un accroissement de la demande pour ces produits. Ce phénomène est d’autant plus visible, depuis quelques années, avec l’arrivée de la téléphonie mobile et de l’Internet. De 1994 à 2001, la part du chiffre d’affaire des services de télécommunications dans la valeur ajoutée totale a progressé de 1,1 point en France et en Allemagne, de 1,3 point en Italie (de 1994 à 1999), de 1,6 point en Finlande et de 1,9 point au Royaume-Uni (graphique 1).

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Part du chiffre d’affaire des services de télécommunications dans la valeur ajoutée totale

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Part du chiffre d’affaire des services de télécommunications dans la valeur ajoutée totale

Sources : Eurostat, ART.

5 La libéralisation accrue du marché des télécommunications dans les pays industrialisés a, de plus, renforcé l’innovation et l’apparition de services nouveaux à des prix de plus en plus compétitifs. Face à la rapidité d’expansion du secteur, les investisseurs ont anticipé une croissance des profits sans précédent. De là est née la bulle des télécoms.

6 L’« exubérance irrationnelle » des investisseurs, entretenue par des anticipations trop optimistes, a conduit à multiplier par six la capitalisation boursière des services de télécommunications dans les trois plus grands pays européens (Allemagne, France et Royaume-Uni) en l’espace de deux ans et demi (graphique 2).

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Capitalisation boursière des services de télécommunications

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Capitalisation boursière des services de télécommunications

Source : Datastream.

7 Cette valorisation des cours boursiers s’est trouvée complètement déconnectée des réalités économiques. La part de la capitalisation boursière des services de télécommunications a atteint, en moyenne en 2000 en France, 12,1 % de la capitalisation boursière totale alors que la part dans le PIB de la valeur ajoutée de ce secteur (y compris la poste) n’était que de 3,2 % (tableau 1).

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Part des services de télécommunications en France

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En % 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Part de la capitalisation boursière des services de télécoms dans la capitalisation boursière totale 6,8 7,9 9,2 12,1 9,0 5,5 Part de la VA des services de poste et télécommunications dans la VA totale (en volume) 2,5 2,7 3,0 3,2 3,4 3,5 Sources : INSEE, Datastream, calculs de l’auteur.

Part des services de télécommunications en France

8 Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour essayer de comprendre comment une telle source de croissance s’est transformée en l’une des pires crises sectorielles qu’aient connu les économies modernes.

Une technologie innovante

9 La téléphonie mobile, et en particulier la deuxième génération (le GSM), était considérée comme une technologie innovante à fort potentiel. Avec l’expansion du GSM et l’arrivée rapidement programmée des générations suivantes de téléphones mobiles, les marchés voyaient un renouvellement permanent des équipements et un développement illimité du secteur des services de télécommunications. De plus, dans le secteur des nouvelles technologies, les télécoms font partie des valeurs les plus sures : « Histoires technologiques et commerciales anciennes, besoins réels et importants parcs d’usagers, activités rentables, mutations technologies jusqu’alors bien maîtrisées, success stories (cas de l’accélération formidable de la couverture téléphonique en France dans les années 1970, déploiement du Minitel). Les télécoms présentaient finalement tous les avantages pour être le fer de lance de la nouvelle économie en France » (Namur, 2002).

L’ouverture du secteur à la concurrence

10 La libéralisation du marché des télécommunications aux États-Unis en 1996 et dans les différents pays européens à partir de janvier 1998 dans un secteur le plus souvent monopolistique, a eu des effets inflationnistes sur les valeurs télécoms. La course au client engendrée par l’ouverture à la concurrence a généré une guerre de capacité et la compétition technologique entre les opérateurs a largement soutenu la hausse des cours boursiers. De plus, les opérateurs historiques, dont les privatisations ont coïncidé avec la libéralisation du marché des télécommunications, présentaient des situations financières avantageuses (chiffre d’affaire important, faible dette, structure capitalistique solide) et étaient prêts à tout pour conserver leur « leadership ».

11 Le développement de la concurrence a été beaucoup plus rapide dans le secteur de la téléphonie mobile que dans celui de la téléphonie fixe. Avec la libéralisation du marché des télécommunications sur les deux plus grands marchés mondiaux, le nombre d’opérateurs de télécommunications mobiles dans l’OCDE a été multiplié par deux de 1996 à 2001 (graphique 3).

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Nombre d’opérateurs de télécommunications mobiles dans la zone OCDE

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Nombre d’opérateurs de télécommunications mobiles dans la zone OCDE

Source : OCDE.

12 En termes de parts de marché, selon l’OCDE (2001), c’est dans le secteur mobile que les nouveaux entrants ont le mieux réussi, puisqu’ils y desservaient, en 2001, 48 % des abonnés, alors qu’ils ne se sont appropriés qu’environ 3 % de la clientèle en ce qui concerne les réseaux fixes. Le fort développement de la concurrence, en particulier dans le secteur de la téléphonie mobile, a été interprété par les marchés comme une véritable vertu à l’innovation et à la croissance. C’était oublier le coût en termes d’infrastructures et de développement commercial que représente l’entrée de nouveaux opérateurs sur un tel marché et les problèmes de rentabilité qu’engendrent de telles dépenses. En 1999, le bénéfice net du secteur des télécommunications était totalement accaparé par les opérateurs historiques, la somme du résultat net des nouveaux entrants étant nulle (à l’échelle de l’industrie, les bénéfices réalisés par certains nouveaux entrants ont été annulés par les pertes subies par d’autres nouveaux entrants).

Une croissance rapide de la téléphonie mobile

13 Le marché mondial de la télécommunication mobile a connu un essor fabuleux dans les années 1990. En 2001, le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile concernait 954 millions de personnes (graphique 4), soit près de 16 % de la population mondiale. Cette évolution représentait une source de profit considérable pour les opérateurs.

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Nombre d’abonnés mobiles dans le monde

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Nombre d’abonnés mobiles dans le monde

Source : ART.

14 Cela s’est traduit par une forte augmentation des taux de pénétration (nombre d’abonnés / population totale) des téléphones mobiles dans les différents pays, en particulier en Europe (tableau 2). Aujourd’hui, l’Italie est le grand pays qui a le plus grand nombre d’abonnés par habitant (89,8 % en septembre 2002) au monde. Dans la plupart des pays européens, le marché de la téléphonie mobile de deuxième génération est arrivé à saturation.

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Taux de pénétration des téléphones mobiles cellulaires

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En % de la population Décembre 1997 Septembre 2002 Allemagne 9,9 66,7 Espagne 10,9 79,7 États-Unis 20,4 45,0 * Finlande 45,6 84,7 France 9,9 66,4 ** Italie 20,5 89,8 Japon 30,4 56,2 Royaume-Uni 14,3 80,9 * Cette donnée est celle de décembre 2001. ** Cette donnée est celle de septembre 2003. Sources : OCDE, ART, FCC, Ministry japanese of Postes and Telecommunications.

Taux de pénétration des téléphones mobiles cellulaires

15 La croissance exponentielle des taux de pénétration de la téléphonie mobile a agi directement sur les perspectives de profits anticipées par les investisseurs et sur les valorisations boursières des entreprises de télécommunications. Mais à partir de la fin 1999, en France et dans la plupart des pays européens, il y a eu une véritable déconnexion entre la croissance du nombre d’abonnés aux téléphones mobiles et l’évolution des cours boursiers des opérateurs (graphique 5).

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Taux de pénétration des téléphones mobiles en France et cours boursier de France Télécom

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Taux de pénétration des téléphones mobiles en France et cours boursier de France Télécom

Sources : ART, Datastream.

Multiplications des opérations de rachat

16 Dans l’euphorie du développement rapide de la téléphonie mobile de deuxième génération et en prévision du passage à l’UMTS, les grands opérateurs ont multiplié les opérations de rachat d’entreprises de télécommunications, le plus souvent à prix d’or (tableau 3).

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Principales acquisitions dans la téléphonie mobile en 2000

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Date Acheteur Cible % acquis Coût (Mds d’euros) 03/02 Vodafone (GB) Mannesman (DE) 100 177 24/03 France Télécom (FR) MobilCom (DE) 28,5 3,7 14/04 British Telecom (BT) Terfot (NL) 50 1,9 10/05 NTT DoCoMo (JP) KPN Mobil (NL) 15 4 30/05 France Télécom (FR) Orange (GB) 100 49,8 13/06 Telenor (NL) Sonofon (DK) 53,5 1,8 23/06 Telia (SW) Netcom (NW) 51 1,4 15/07 Vodafone (GB) Airtel (SP) 43,5 11,1 18/08 British Telecom (GB) Viag Interkom (DE) 45 7,3 08/11 Orange (FR) Orange Com. (CH) 45 1,1 22/11 Vodafone (GB) Swisscom Mobile (CH) 25 2,8 Sources : P. Geoffron et G. Pogorel (2002).

Principales acquisitions dans la téléphonie mobile en 2000

17 Les modalités d’acquisition différentes selon les opérateurs ont pesé plus ou moins fortement sur l’endettement de ces entreprises. Pour le rachat de Mannesmann, Vodafone a lancé une gigantesque OPE hostile qui lui a coûté 177 milliards d’euros en actions. Vodafone a profité de l’extraordinaire valorisation de ses actions pour racheter Mannesmann ce qui n’a pas pesé sur son endettement. À l’inverse, pour le rachat d’Orange, France Télécom n’a pas pu, de par son statut, financer totalement cette opération par une augmentation de capital. L’État français voulant restait majoritaire à hauteur de 54 % dans le capital de France Télécom, l’augmentation de capital prévue pour le rachat d’Orange a dû se limiter à 18,2 milliards d’euros. Le reste a été financé par 22,2 milliards en cash et environ 9 milliards de reprise de dette. À la différence de Vodafone, l’opération de rachat réalisée par France Télécom a contribué fortement à l’endettement de l’opérateur.

18 Quel que soient les modes d’acquisition de ces entreprises, ces rachats réalisés à des prix surévalués seront en grande partie à l’origine des mauvais résultats des opérateurs par le biais de l’amortissement des survaleurs [2] (écarts d’acquisition qui mesurent la différence entre le montant payé lors du rachat d’une entreprise et sa valeur comptable).

Des facilités d’accès au financement

19 Dans un contexte d’euphorie boursière, l’endettement des opérateurs de télécommunications était considéré comme la promesse de plus-values considérables. Les fonds levés, par le biais des marchés financiers ou des crédits bancaires, étaient alors interprétés comme révélateurs d’une politique d’innovation et d’accroissement des parts de marché, porteuse d’une forte rentabilité. En retour, la forte valorisation des entreprises de télécommunications, assimilées par les investisseurs à des « valeurs de croissance », a incité les opérateurs à émettre des actions pour se financer. De même, la forte capitalisation boursière de ces entreprises était une garantie pour les banques qui n’ont pas hésité à prêter des sommes très importantes aux opérateurs. Les prêts syndiqués aux opérateurs ont atteint, au niveau mondial, près de 320 milliards de dollars pour les dix premiers mois de 2000, contre 237 milliards en 1999 et 149 milliards pour 1998. Pour la FSA (régulateur de la Bourse britannique), les prêts aux opérateurs représentent plus de 40 % du capital de certaines banques, et près de 5 % de leurs actifs totaux. Selon la BRI, France Télécom arrivait, début 2001, en tête des emprunteurs avec 30 milliards de dollars.

20 Autre guichet possible : les obligations. Les émissions télécoms ont atteint 94 milliards de dollars sur les neufs premiers mois de 2000, selon la BRI, soit plus du quart des émissions mondiales.

21 Les grands opérateurs européens ont atteint des niveaux d’endettement records : en un an, la dette totale agrégée des six plus grands opérateurs européens (Deutsche Telekom, France Télécom, Telecom Italia, Telefonica, British Telecom et Vodafone) a été multipliée par deux, atteignant 220 milliards d’euros en 2000 (graphique 6). À titre de comparaison, cela représentait plus de 4 % de la dette publique de l’Union européenne.

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Endettement total des 6 plus grands opérateurs européens

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Endettement total des 6 plus grands opérateurs européens

Source : Datastream.

La spirale de la chute des valorisations boursières

22 Plusieurs éléments peuvent expliquer le retournement des anticipations des investisseurs et la chute vertigineuse des cours boursiers des entreprises de télécommunications (schéma).

Schéma de la spirale infernale de la crise du secteur des télécommunications

figure im10

Schéma de la spirale infernale de la crise du secteur des télécommunications

23 Si les prix des licences UMTS ont été le point d’orgue à la chute des télécoms en Europe, les niveaux surélevés des Price Earning Ratio (PER = capitalisation boursière / bénéfices), la nécessité d’amortir les survaleurs, l’endettement record des opérateurs et les nombreuses incertitudes concernant la troisième génération de téléphonie mobile sont les raisons principales à la chute de la valorisation boursière des entreprises de télécommunications.

Une surévaluation des cours boursiers

24 Les profits du secteur des télécommunications n’ont pas évolué comme l’anticipaient les investisseurs. Au regard du niveau des PER [3], les profits escomptés n’ont pas été à la hauteur des capitalisations boursières (censées anticiper les résultats futurs de l’entreprise). La rentabilite financière des opérateurs (1/PER) s’est fortement dégradée (les PER ont atteint des niveaux historiquement élevés en Europe en 2000) (tableau 4) incitant les financiers à vendre leurs titres.

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PER [*] des principaux opérateurs

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Deutsche Telekom France Télécom Italia Telecom Telefonica British Telecom Vodafone 1995 n.d. n.d. 7,4 8,3 14,0 28,9 1996 38,3 n.d. 6,3 9,8 11,5 23,6 1997 27,7 15,3 11,5 14,1 13,4 26,0 1998 26,0 25,5 13,2 20,3 26,8 48,9 1999 80,5 32,8 20,9 20,5 23,1 89,3 2000 29,7 41,3 26,2 33,4 29,7 252,3 2001 – 26,1 – 7,4 – 33,7 39,6 – 20,8 – 12,8 2002 – 2,3 – 1,2 149,7 – 4,5 19,5 – 4,9
[*] Capitalisation boursière / résultat net.

PER [*] des principaux opérateurs

25 À partir de mars 2000, les cours boursiers des entreprises de télécommunications ont commencé à baisser en France, en Europe, aux États-Unis et au Japon et ont décrû fortement pour atteindre un point bas en octobre 2002 (graphique 7).

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Indices boursiers des services de télécommunications

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Indices boursiers des services de télécommunications

Source : Datastream.

26 En l’espace de deux ans et demi, les services de télécommunications ont perdu, en moyenne, 90 % de leur valeur en France, 81 % dans l’Union européenne, 76 % au Japon et 74 % aux États-Unis. La correction post-bulle a été rapide et massive. Les indices boursiers du secteur des télécoms européens ont retrouvé en octobre 2002 le niveau du début de l’année 1997. Aux États-Unis et au Japon, le niveau atteint fin 2002 était même inférieur à celui de 1995. Entre le point bas d’octobre 2002 et novembre 2003, les indices télécoms se sont redressés, en particulier en France (+ 133 % en France, + 39 % dans l’Union européénne et 28 % aux États-Unis).

Des licences UMTS hors de prix

27 Dans le contexte d’euphorie financière où les capitaux abondaient, les attributions des licences UMTS ont été l’élément déclencheur de la spirale de chute des cours boursiers. Quel que soit la procédure d’attribution des licences retenue, on s’aperçoit que les opérateurs (dans le cas des enchères) ou le régulateur (dans le cas du « concours de beauté ») ont fixé le prix des licences en grande partie en fonction des cours boursiers des entreprises de télécommunications censés représenter la somme actualisée des profits futurs (graphique 8).

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Prix relatif des licences UMTS et indice de cours boursier des services de télécommunications dans l’UE

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Prix relatif des licences UMTS et indice de cours boursier des services de télécommunications dans l’UE

* le prix de la licence décidé en France en juin 2000 était de 83 euros par habitant.
** en Espagne, au prix de la licence s’ajoute une taxe sur les recettes des opérateurs. En contrepartie du faible prix des licences UMTS, les quatre operateurs s’etaient engagés a investir 16,3 milliards d’euros dans un delai de dix ans.
Sources : Idate, Datastream, calculs de l’auteur.

28 La grande volatilité des cours boursiers de ces entreprises, également induite par le prix des licences, montre l’incertitude quant à la profitabilité future de ce secteur. La vision de trop court terme des marchés ne peut donc pas servir d’indicateur pour fixer le prix des licences UMTS. Il semble donc que faire payer aux opérateurs un prix d’utilisation du spectre avant même l’existence du marché de l’UMTS, en fonction de la rentabilité future d’un marché que personne ne connaît, ne découle pas d’un raisonnement rationnel.

29 L’importante charge des licences (tableau 5), avant même le déploiement des infrastructures et la mise en place des services de l’UMTS, apparaît aujourd’hui comme un véritable fardeau dans les bilans des opérateurs de télécommunications. Selon l’OCDE (2003), sur le montant total payé pour les licences UMTS en Europe, plus de 76 milliards de dollars ont été versés par huit opérateurs. Le plus important a été Vodafone, qui a payé 19,9 milliards de dollars, suivi de British Telecom (13,8 milliards), Deutsche Telekom (13,6 milliards), France Télécom (10,1 milliards), KPN (7,6 milliards). Telefonica et Sonera ont à eux deux dépensé 9,5 milliards de dollars. L’exposition de Telecom Italia a été relativement modeste par rapport à celle des autres opérateurs, avec seulement 2,3 milliards de dollars.

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Prix des licences UMTS obtenues par les opérateurs en Europe

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Groupe Prix (milliards d’euros) Prix total des licences/ Dette totale de l’entreprise en 2001 France Télécom Royaume-Uni (6,07), Allemagne (2,12), Italie (0,58), France (0,55), Pays-Bas (0,39), Belgique (0,13), Danemark (0,11), Portugal (0,09), Autriche (0,02) et Suède (0) = Total (10,06) 15 % Deutsche Telekom Allemagne (7,63), Royaume-Uni (5,8) et Autriche (0,15) = Total (13,58) 20 % Telefonica Allemagne (4,33), Italie (1,33), Espagne (0,12) et Autriche (0,1) = Total (5,88) 18 % British Telecom Allemagne (7,43), Royaume-Uni (5,84), Pays-Bas (0,39) et Irlande (0,1) = Total (13,76) 44 % Vodafone Royaume-Uni (8,64), Allemagne (7,58), Italie (2,19), Pays-Bas (0,68), France (0,18), Grèce (0,16), Espagne (0,12), Irlande (0,1), Autriche (0,1), Portugal (0,09), Belgique (0,03) et Suède (0) = Total (19,87) 138 % Italia Telecom Italie (2,16) et Grèce (0,13) = Total (2,29) 10 % KPN Allemagne (5,83), Royaume-Uni (0,95), Pays-Bas (0,64) et Belgique (0,13) = Total (7,55) 23 % Sonera Allemagne (3,24), Italie (0,28), Espagne (0,02) et Finlande (0) = Total (3,64) Sources : OCDE, Datastream, calculs de l’auteur.

Prix des licences UMTS obtenues par les opérateurs en Europe

30 Les grands États européens, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, n’ont pas joué, dans l’attribution des licences UMTS, leur rôle de régulateur bienveillant. Ils ont profité de la surenchère des marchés financiers pour faire payer aux opérateurs le prix fort pour l’accès à la 3G afin d’en retirer un maximum de recettes.

31 En revanche, l’État français est revenu sur le prix des licences UMTS initialement fixé. Le ticket d’entrée a été finalement divisé par huit, auquel s’ajoute une taxation de 1 % du chiffre d’affaire généré par l’UMTS.

32 Les États-Unis, qui avaient pris du retard dans la numérisation du réseau mobile, attribueront leurs fréquences pour la 3G seulement en 2004.

L’endettement sans précèdent des opérateurs

33 Le retournement des marchés financiers a eu un effet de dominos. Cela a enclenché les problèmes de soutenabilité de l’endettement du secteur des télécommunications, qui, en retour, ont accéléré la chute des cours boursiers. Les investisseurs ont retiré leur capitaux, révélant des taux d’endettement (dette brute / capitalisation boursière) de plus en plus importants au fur et à mesure que la valeur boursière des entreprises de télécommunications baissait (graphique 9).

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Taux d’endettement brut des grands opérateurs européens

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Taux d’endettement brut des grands opérateurs européens

Source : Datastream.

34 Face à cette défiance des investisseurs, les agences de notation ont dégradé la « note » des opérateurs de télécommunications, rendant la capacité de ces entreprises à rembourser leur dette de plus en plus incertaine. La notation des opérateurs européens est passée en moyenne « de AA à BBB en deux ans, renchérissant de ce fait le coût des crédits bancaires et obligataires ultérieurs » (Namur, 2002). En 2002, les télécoms représentaient deux tiers des «junk bonds» en Europe, deux fois plus qu’aux États-Unis.

35 Les opérateurs, qui disposaient hier aisément de toutes les sources de financement possibles, se sont retrouvés confrontés en quelques mois à une véritable crise de liquidité alors même que les échéances de remboursement continuaient à courir : les banques ont restreint très fortement l’accès au crédit, l’émission d’actions semblait difficile étant donné la défiance des investisseurs vis-à-vis des valeurs télécoms, et le recours au marché obligataire a contraint les opérateurs à payer des taux d’intérêts très élevés suite à la dégradation de leur notation. Au total, le coût du capital pour les entreprises de télécommunications a augmenté en flèche.

France Télécom : un automne 2002 mouvementé

Comme signe d’un mauvais présage, France Télécom présentait le vendredi 13 septembre 2002 ses résultats semestriels du 1er semestre 2002. Les craintes annoncées par les analystes financiers se sont confirmées : France Télécom a subi une perte nette de 12,2 milliards d’euros au 1er semestre 2002 et affichait une dette de 69,7 milliards d’euros, ce qui faisait d’elle l’entreprise la plus endettée au monde. Dans la foulée de l’annonce des résultats du groupe, Michel Bon, PDG du groupe présentait sa démission au ministre de l’économie et des finances.
La quasi-totalité de cette perte était imputable aux 11,1 milliards d’euros de provisions exceptionnelles, dont 7,2 au titre de Mobilcom et 1,7 au titre de NTL. Le problème est que cette perte venait diminuer d’autant les fonds propres de France Télécom, c’est-à-dire la valeur comptable de l’entreprise, qui n’étaient que de 21 milliards d’euros à la fin 2001. Les fonds propres de l’entreprise à la mi-2002 représentaient alors 9 milliards d’euros pour un endettement de près de 70 milliards, ce qui constitue un ratio impossible à soutenir très longtemps. La situation financière de l’opérateur était catastrophique mais France Télécom n’était cependant pas en faillite car l’entreprise et ses créanciers pouvaient compter sur le soutien de l’État français pour rembourser la dette. Le cours boursier de France Télécom a atteint son point bas le 30 septembre 2002, perdant 85 % de sa valeur depuis le début de l’année 2002. Le 2 octobre 2002, Thierry Breton a été nommé à la tête de France Télécom pour sortir l’entreprise du marasme financier. Le plan de redressement de l’opérateur a été présenté le 4 décembre par le nouveau PDG. Le plan de sauvetage de Thierry Breton appelé « le 15 + 15 + 15 » a pour objectif de ramener la dette de France Télécom de 70 milliards à 40 milliards d’euros d’ici à fin 2005. Pour atteindre cet objectif, il prévoit pour l’entreprise à la fois de réduire les coûts afin de dégager 15 milliards d’euros de « free cash-flows » d’ici à 2005 qui serviront au désendettement, une augmentation de capital de 15 milliards et un refinancement sur les marchés obligataires et bancaires du même ordre. Le premier objectif pour l’opérateur était de faire face à une échéance de remboursement de 15 milliards d’euros d’ici à la fin 2003. Or France Télécom ne disposait d’un flux de trésorerie que de 6 milliards d’euros pour faire face aux échéances de ses emprunts et ses accès au financement étaient très restreints. En effet, les banques étaient très réticentes à prêter de l’argent à l’entreprise ; la très mauvaise notation de l’opérateur (BBB) limitait ses possibilités d’émission d’obligations car la prime de risque était élevée ; la défiance des marchés vis à vis de l’opérateur, associée au fait que l’État est majoritaire dans le capital de France Télécom, rendait complexe le financement par actions.
Au final, pour surmonter cette crise de liquidité à court terme, l’État a avancé à France Télécom 9 milliards d’euros par l’intermédiaire de l’Entreprise de recherches et d’activités pétrolières (ERAP). En retour, l’opérateur devait verser des intérêts à l’ERAP. L’ERAP empruntait lui-même cet argent, notamment auprès de la Caisse des dépôts et consignations et bénéficiait de la garantie de l’État. Ce montage financier permettait à France Télécom de se refinancer au meilleur taux du marché, via la signature de l’État et économisait ainsi l’écart de taux qui correspond à la prime de risque. L’intervention de l’État pour sauver France Télécom de la crise de liquidité et la crédibilité du plan de désendettement présenté par Thierry Breton ont été apprécié par les marchés. Depuis le 30 septembre 2002, l’action France Télécom s’est redressée de plus de 240 % (20 novembre 2003).

Une croissance des recettes de téléphonie qui ralentit fortement

36 À ce problème de financement s’ajoute le très fort ralentissement des recettes de téléphonie mobile, avec l’arrivée prochaine à la phase de saturation du marché en Europe, et la baisse tendancielle du chiffre d’affaire annuel par abonné de téléphonie mobile (graphique 10). Dans tous les pays, excepté les États-Unis, la recette moyenne par abonné (ARPU) diminue avec la baisse des prix liée à l’intensification de la concurrence et à la diminution des coûts conséquente aux gains de productivité et à la rentabilisation des infrastructures.

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Chiffre d’affaire annuel par abonné de téléphonie mobile en Europe, aux États-Unis et au Japon

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Chiffre d’affaire annuel par abonné de téléphonie mobile en Europe, aux États-Unis et au Japon

Source : OCDE.

Un accroissement inquiétant des survaleurs dans les bilans

37 La spéculation autour des nouvelles technologies, en particulier des télécommunications, a eu des répercussions marquantes sur la structure des bilans des opérateurs. Il y a eu un accroissement important des actifs immatériels dans les bilans des entreprises. Les actifs intangibles des 6 plus grands opérateurs européens, dont la valeur était évaluée à 11 % des fonds propres en 1997, représentaient 126 % de ces derniers en 2002 (graphique 11). Ces survaleurs regroupent principalement les écarts entre les prix d’acquisition, payés en cash ou en titres, et la valeur comptable des capitaux propres des filiales qui reviennent à la société mère, ainsi que la valeur des fonds de commerce et des marques. Le poids élevé de ces actifs intangibles dans les bilans des opérateurs est la conséquence directe de la phase d’engouement pour les fusions-acquisitions au cours de laquelle les grands groupes ont racheté des entreprises à des prix déconnectés de leur valeur comptable. Quel que soit la norme comptable retenue pour l’amortissement des survalueurs [4], la dépréciation de ces actifs diminue d’autant les bénéfices et les fonds propres des entreprises. La part des dettes au passif des opérateurs augmente, révèlant le problème de la soutenabilité de leur endettement, avec pour conséquence le tarissement des sources de financement et l’augmentation du coût du capital.

11

Poids des actifs intangibles dans les actifs et fonds propres des 6 plus grands opérateurs européens de télécommunications

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Poids des actifs intangibles dans les actifs et fonds propres des 6 plus grands opérateurs européens de télécommunications

Source : Datastream.

38 Les dépréciations ou amortissements de ces survaleurs sont au cœur de la crise financière des opérateurs.

L’UMTS : un avenir incertain

39 Les marchés financiers et les banquiers s’interrogent sur la rentabilité de la technologie UMTS qui semble techniquement difficile à réaliser et coûte très cher à mettre en place (licences, infrastructures, recherche et développement…). Elle va induire un décalage de trésorerie important pour les opérateurs (voir annexe 1 sur les perspectives de l’UMTS), plus de la moitié des investissements liés à l’UMTS devant être réalisés entre 2005 et 2009 selon l’Association française des opérateurs mobiles, alors que, selon nos estimations, pendant la même période l’UMTS ne devrait rapporter que 10 % des recettes attendues entre 2004 et 2015. Ce décalage de trésorerie va accroître la dette des opérateurs qui vont encore devoir trouver des sources de financement, de plus en plus rares, ou céder des actifs souvent achetés à prix élevé pendant la période d’euphorie boursière. Ce problème de financement pourrait s’amplifier si la technologie de l’UMTS ne connaissait pas le succès escompté et que les consommateurs de cette nouvelle téléphonie mobile n’enrichissent pas leur facture par l’utilisation de nouveaux services autres que la voix, d’autant que « des technologies alternatives, moins ambitieuses et moins onéreuses font progressivement leurs preuves » (Namur, 2002).

La diffusion sectorielle des cours boursiers et de l’endettement

40 Les opérateurs, dont les systèmes de financement se sont progressivement asséchés (restrictions des crédits bancaires, émissions obligataires trop coûteuses, augmentations de capital quasi-impossibles étant donné la défiance des investisseurs), ont dû trouver un moyen de financer leur déficit grandissant. Le relais a été trouvé auprès de leurs fournisseurs, notamment les équipementiers qui ont accordé des crédits très élevés aux opérateurs, leur propre survie dépendant de ces derniers. Les crédits accordés par les fournisseurs aux six plus grands opérateurs européens ont été multiplié par deux en trois ans, atteignant 30 milliards d’euros en 2001 (graphique 12).

12

Crédits fournisseurs totaux accordés aux 6 grands opérateurs européens

12

Crédits fournisseurs totaux accordés aux 6 grands opérateurs européens

Source : Datastream.

41 Les équipementiers, en plus d’accorder des crédits d’une grande ampleur à leurs clients afin de préserver leurs marchés futurs, ont subi de plein fouet le ralentissement de l’activité dans le secteur des télécommunications. La spirale infernale pour les équipementiers (voir schéma), semblable à celle des opérateurs, s’est enclenchée, avec en plus le désavantage d’être le dernier maillon de la chaîne du secteur des télécommunications : chute des cours, fort endettement, dégradation des notations, coût du financement très élevé, assèchement des sources de financement et risque de faillite…

42 La forte dégradation des cours boursiers des opérateurs de télécommunications va donc entraîner dans sa chute les valeurs des équipementiers, mais avec un certain retard en France et dans l’Union européenne. L’ampleur de la chute est colossale : entre le pic de septembre 2000 et le point bas d’octobre 2002, – 96 % en France, – 88 % en Europe et aux États-Unis (graphique 13).

13

Indices boursiers des équipementiers

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Indices boursiers des équipementiers

Source : Datastream.

43 À noter la volatilité de Nokia, entreprise finlandaise leader mondial de l’équipement en télécommunications, dont la capitalisation boursière a été multipliée par 62 entre mars 1995 et juin 2000, puis divisée par 4,5 de juin 2000 à février 2003.

44 Depuis octobre 2002 les indices boursiers des équipementiers se sont redressés : + 230 % en France, + 47 % en Europe et + 95 % aux États-Unis.

45 L’explosion de la bulle des télécoms aurait pu dégénérer en une crise plus grave n’impliquant pas seulement les fournisseurs des opérateurs. Dans le cas de la France, si France Télécom n’avait pas eu la garantie de l’État pour se refinancer et honorer ses échéances de remboursement, la crise de liquidité de l’opérateur aurait pu se transformer en faillite et entraîner une crise systémique, touchant à la fois les fournisseurs créanciers, notamment les équipementiers, mais aussi le système financier à travers les pertes des actionnaires, et des banques qui avaient prêté des sommes importantes à l’opérateur. La garantie de l’État dans cette affaire a permis d’éviter que la crise des télécoms se transforme en une crise financière.

Les États-Unis : la déroute d’Internet

46 Du côté américain, même si le retournement boursier a été important et simultané avec l’Europe, il a été moindre que sur le vieux continent (graphique 7). La bulle des télécommunications sur le marché américain n’a pas atteint la même ampleur qu’en Europe. Une des raisons principales à ce phénomène est que les taux de pénétration de la téléphonie mobile aux États-Unis sont bien moins élevés qu’en Europe et que leur progression a été beaucoup plus lente (tableau 2). Cela tient essentiellement à des problèmes de normalisation de la technologie de deuxième génération aux États-Unis : alors que l’ensemble des pays européens ont opté pour la norme GSM, le marché mobile américain a été réparti entre plusieurs technologies [5]. Les différents systèmes 2G étant souvent incompatibles entre eux, l’abonné n’a que peu de chances de pouvoir utiliser le même téléphone au-delà du territoire couvert par son opérateur domestique.

47 Le retournement des cours boursiers des entreprises de télécommunications aux États-Unis s’explique « essentiellement par une crise de surproduction des capacités de transmission de données liée à la fois au bogue de l’an 2000 et à la révision des anticipations sur l’avenir du trafic Internet » (Didier et Lorenzi, 2002). De nombreux nouveaux opérateurs ont déployé, avec l’ouverture des marchés, des réseaux optiques à forte capacité sans se soucier des infrastructures existantes, « de telle sorte qu’entre 1998 et 2001 la capacité de réseaux a été multipliée par 500 quand le trafic Internet n’aurait été multiplié que par 5 » (Gassot, 2002).

48 À partir de 1999, les analystes commencent à se rendre compte que le modèle économique des sociétés Internet n’est pas viable et que la plupart de ces entreprises ne déboucheront pas sur une vraie profitabilité même à long terme. Par ricochet, la chute des sociétés Internet va entraîner celle d’un bon nombre d’opérateurs de télécommunications alternatifs aux États-Unis, « dont les investissements se justifiaient par l’explosion du trafic Internet généré par les services de dot.com » (Didier et Lorenzi, 2002).

Une nouvelle bulle ?

49 Malgré la crise sans précédent qu’a connu le secteur des télécommunications, on peut craindre dans les années à venir la formation d’une nouvelle bulle, même d’une moindre ampleur.

50 Plusieurs facteurs peuvent alimenter cette hypothèse. Tout d’abord, le secteur des télécommunications ne peut fonctionner qu’avec des investissements massifs étant donné l’ampleur des projets. Ces investissements nécessitent des apports importants de capitaux, plaçant les opérateurs dans une situation de dépendance vis-à-vis des marchés financiers et des banquiers. Si les financiers considèrent que les projets ont un fort potentiel et anticipent une rentabilité élevée, ils financeront les investissements des opérateurs. De par le jeu de guerre d’investissement qui peut exister entre les opérateurs pour dérouter la concurrence afin de rester le seul survivant, les entreprises de télécommunications seront incitées à surinvestir si elles ont l’aval des actionnaires et des banquiers ainsi qu’une situation financière rétablie. Finalement, plus la capitalisation boursière sera forte, plus les opérateurs investiront grâce aux facilités d’accès au financement et plus les cours boursiers augmenteront.

51 De plus, les projets mis en place par les opérateurs sont à fort potentiel, intégrant des technologies de plus en plus sophistiquées, et peuvent alimenter la hausse des cours boursiers ; mais la rentabilité de ces projets est incertaine et hautement spéculative. Enfin, dans le cas de la France, la privatisation de France Télécom pourrait également contribuer à l’augmentation des cours boursiers.

52 Afin d’évaluer la probabilité d’avoir une nouvelle bulle des télécoms, nous avons identifié les facteurs qui avaient contribué à la formation de celle-ci pour le GSM et les avons mis en comparaison pour l’UMTS (tableau 6).

6

Facteurs contributifs à la bulle

6
GSM UMTS Investissements importants ++ +++ Technologie à fort potentiel ++ +++ Rentabilité incertaine + +++ Situation financière des opérateurs ++ – Privatisation de France Télécom + + Source : Calculs de l’auteur.

Facteurs contributifs à la bulle

53 La construction des réseaux nécessaires au fonctionnement de l’UMTS va induire des investissements importants, supérieurs à ceux du GSM. Selon l’Association française des opérateurs mobiles (AFOM, 2003), les investissements réalisés pour le GSM sont estimés sur la période 1993-2005 à près de 17 milliards d’euros (graphique 14). Dans le cas de l’UMTS, les investissements étalés sur la période 2003-2015 devraient représenter environ 25 milliards d’euros. Plus de la moitié de cette somme serait investie entre 2005 et 2009.

14

Investissements réalisés dans le GSM et l’UMTS

14

Investissements réalisés dans le GSM et l’UMTS

Source : AFOM.

54 La caractéristque principale de l’UMTS, en plus du service voix du GSM, est de pouvoir fournir à partir d’un téléphone mobile un accès Internet à haut débit. Le potentiel de cette technologie, supérieur à celui du GSM, devrait permettre de fournir un ensemble de services multimédia liés à l’Internet haut débit (visiophone, téléchargement de vidéo et musique, téléguidage, télépaiement… ).

55 Si le potentiel de la 3G est élevé, la réussite de l’UMTS passe par une demande importante des services liés à l’Internet mobile à haut débit. Or l’incertitude concernant la demande pour ces services est importante, malgré les investissements d’une grande ampleur mis en place pour l’UMTS. La rentabilité de l’UMTS semble donc plus incertaine que celle du GSM.

56 La plupart des facteurs à l’origine de la bulle des télécoms poussent vers le gonflement d’une nouvelle bulle avec l’arrivée de l’UMTS. Cependant, à la veille de la mise en place de l’UMTS, la situation financière des opérateurs est nettement moins bonne qu’à l’aube du développement du GSM. Les investisseurs devraient adopter des comportements plus prudents que par le passé et surveiller attentivement la gestion des opérateurs, limitant ainsi la création d’une nouvelle bulle.

57 Enfin, à l’instar de la première vague de privatisation de France Télécom, la deuxième pourrait contribuer à soutenir les cours boursiers du secteur.

Conclusion

58 Le secteur des télécommunications a connu une période d’euphorie avec la diffusion rapide de la téléphonie mobile et le développement de l’Internet. Mais la croissance réelle du secteur s’est rapidement transformée en une gigantesque bulle financière qui a été à l’origine d’une des pires crises sectorielles qu’aient connu les économies modernes. Aujourd’hui, même si la plupart des entreprises de télécommunications affichent des niveaux d’endettement faramineux, elles semblent se relever peu à peu de l’explosion de la bulle boursière mais c’est au prix d’efforts considérables, en particulier par le report de la mise en place de l’UMTS. La révision du prix des licences en Françe et le soutien de l’État français ont été sûrement les éléments qui ont permis à France Télecom d’éviter le pire, c’est-à-dire le défaut de paiement, voire la faillite. Les effets de la bulle sont loin d’être digérés dans les bilans et auront un effet durable sur la politique des opérateurs. Cependant, certains éléments poussent à croire qu’une nouvelle bulle pourrait se produire si les opérateurs, dans une guerre concurrentielle, surinvestissent avec le soutien des marchés financiers et des banques. À la veille de la mise en place de l’UMTS, si les nouveaux services proposés vont certainement révolutionner la téléphonie mobile, les incertitudes concernant la rentabilité du projet restent grandes et les opérateurs sont loin d’être dans la même situation financière qu’à la veille du développement du GSM.


ANNEXE I

Les perspectives de l’UMTS

59 De nombreuses incertitudes pèsent sur l’avenir de l’UMTS. Afin d’évaluer la rentabilité future du marché de l’UMTS, nous avons construit un modèle simple de projection financière du secteur.

Modèle simple de projection financière

figure im22

Modèle simple de projection financière

Les hypothèses de la projection

60 Les recettes de l’UMTS sont calculées à partir des taux de pénétration (nombre d’abonnés / population totale) et de la recette moyenne par abonné ;

  • Les projections de population sont celles de l’INSEE. La population totale française passe de 59,9 millions de personnes en 2002 à 62,6 en 2015 ;
  • Le taux de pénétration de l’UMTS évolue comme celui du GSM mais avec un décalage de 10 ans. Cela suppose une substitution progressive entre le GSM et l’UMTS. Le taux de pénétration passe de 0,2 % en 2004 à 71 % en 2015 (de 2013 à 2015, le taux de pénétration est projeté à partir d’une fonction logistique) ;
  • La recette moyenne par utilisateur (ARPU) combine à la fois les recettes de transmission de la voix et les communications de données. Sous l’effet de l’enrichissement des services de télécommunications liés à la 3G, l’ARPU serait environ 20 % plus élevé que celle du GSM en 2004, soit 30 euros. L’ARPU voix serait stable en euros dans le temps (25 euros). L’ARPU total évoluerait en fonction de l’utilisation faite des nouveaux services de communications de données, qui représenteraient 50 % des recettes des opérateurs en 2015. Elle serait d’environ 50 euros en 2015.
  • On applique un taux de marge aux recettes pour obtenir l’Excédent brut d’exploitation (EBE). Ce taux de marge détermine la part dans le chiffre d’affaire des charges de personnel et des consommations intermédiaires (publicité, frais administratifs, énergie, certains frais de recherche et développement…). La fixation du taux de marge est complexe car elle dépend de nombreux paramètres qui varient au cours du temps (intensité de la concurrence, dépenses commerciales…). Nous avons retenu un taux de marge qui évolue comme le cycle de vie du produit : faible au départ (5 % en 2003), puis croît linéairement jusqu’à la phase de maturité (35 % en 2009) et décline après (23 % en 2015). En moyenne sur la période 2003-2015, le taux de marge est de 25 %, (il était de 26,6 % en 2000, mais décroît de façon tendancielle depuis 1995 avec l’arrivée de nouveaux produits et l’ouverture à la concurrence).
La mise en place de la technologie UMTS nécessite des investissements importants de la part des opérateurs. Selon la Direction de la prévision [6] et l’Association française des opérateurs mobiles, la somme des investissements européens engendrés par l’UMTS est estimée autour de 100 milliards d’euros, dont 25 milliards pour la France. Dans notre scénario, plus de 55 % des investissements effectués, soit près de 14 milliards d’euros, sont réalisés entre 2005 et 2009 (graphique 4).

61 Nous avons retenu un scénario où seulement trois entreprises (France Télécom, SFR et Bouygues Télécom) seraient présentes sur le marché des services de l’UMTS. Les opérateurs verseraient environ 3 milliards d’euros à l’État entre 2001 et 2015 (1,9 milliard pour l’achat des licences et le reste correspond à une taxe de 1 % sur le chiffre d’affaires généré par l’UMTS).

Le résultat de la projection

62 La projection centrale du modèle indique que le flux de trésorerie du marché de l’UMTS ne sera positif qu’à partir de 2009 et que la troisième génération de téléphonie mobile ne sera rentable, au regard des flux cumulés de trésorerie, qu’à partir de 2012 (graphique A1.1). Le taux de rentabilité moyen du projet avant impôts et frais financiers (intégrant le prix des licences UMTS et la taxe de 1 %), sur la période 2003-2015, calculé à partir du rapport entre le flux de trésorerie cumulé et le cumul des recettes, s’établit à 9,7 %. En effet, si la rentabilité du projet à long terme n’est pas remise en cause, le défi pour les opérateurs sera de faire face au décalage de trésorerie engendré par la mise en place de l’UMTS : achat des licences, déploiement du réseau, frais de lancement du produit, subventions aux équipementiers, avant même que les recettes générées par l’UMTS soient importantes.

A1.1

Flux de trésorerie avant impôts et frais financiers

A1.1

Flux de trésorerie avant impôts et frais financiers

Source : Calcul de l’auteur.

63 Si l’exercice de simulation nous donne un éclairage quant à la rentabilité de l’UMTS sous certaines hypothèses, l’étude des variantes apporte de l’information sur l’importance de certaines variables.

Les variantes

64 Nous avons testé des variantes de deux types ; les premières modifient les recettes et les secondes les coûts. Ces variantes ont été élaborées à partir des résultats du scénario central sur le taux de rentabilité moyen (de 2003 à 2015).

65 Nous avons retenu trois variantes sur les évolutions des recettes de l’UMTS : deux concernent l’évolution du taux de pénétration et une l’ARPU (tableau). L’hypothèse haute (basse) suppose que le taux de pénétration augmente plus (moins) vite que celui du scénario central à partir de 2009 pour atteindre 20 points de plus (moins) en 2015. Enfin, nous avons testé une variante où l’ARPU resterait constante tout au long de la période.

Tableau des variantes

tableau im24
Taux de rentabilité moyen avant impôts et frais financiers (en %) Écart au scénario central (en points de %) Année à partir de laquelle le flux de trésorerie cumulé devient positif Variantes sur les recettes Taux de pénétration élevé 13,1 + 3,4 2012 Taux de pénétration faible 4,1 – 5,6 2014 ARPU constante 0,8 – 8,9 2015 Variantes sur les coûts Licences au prix initialement prévu 1,6 – 8,1 2015 Diminution de 30 % des investissements 13,7 + 4,0 2012 Source : Calculs de l’auteur.

Tableau des variantes

66 Les variantes sur les coûts portent sur le prix de licences et sur le montant des investissements. Nous avons réalisé une variante où le prix des licences est celui qui avait été initialement prévu. Le ticket d’entrée était alors fixé à 4,95 milliards d’euros par opérateur. La moitié de cette somme devait être versée en 2001 et 2002, l’autre moitié étant étalée jusqu’en 2015. La seconde variante sur les coûts porte sur une réduction de 30 % du montant des investissements liés à l’UMTS.

67 Dans tous les cas de variantes, le projet de l’UMTS avant impôts et frais financiers reste rentable, même faiblement, à l’horizon 2015. Les différences sur le taux de rentabilité moyen du projet sont cependant importantes selon les variantes. Les écarts au scénario central sont compris entre – 8,9 points (variante avec une ARPU constante) et + 4,0 points (variante avec une diminution de 30 % des investissements UMTS).

68 Les opérateurs vont devoir faire face à deux défis pour rendre le projet de l’UMTS suffisamment rentable : le premier concerne la diffusion de la téléphonie mobile de troisième génération. Une évolution du taux de pénétration de l’UMTS inférieure à celle qu’a connue le GSM remettrait en cause la rentabilité du projet. Avec un taux de pénétration de l’UMTS atteignant seulement 50 % en 2015, le taux de rentabilité moyen du projet avant impôts et frais financiers ne serait que de 4,1 % et le flux de trésorerie cumulé ne serait positif qu’à partir de 2014 (graphique A1.2). Le deuxième défi pour les opérateurs sera de fournir des services payants suffisamment attractifs pour inverser la tendance baissière actuelle de l’ARPU. Dans le cas d’une stagnation de l’ARPU de 2004 à 2015, le projet serait tout juste rentable sur la période (+ 0,8 %) et le flux de trésorerie cumulé ne serait positif qu’en 2015.

A1.2

Flux cumulé de trésorerie avant impôts selon les différentes variantes

A1.2

Flux cumulé de trésorerie avant impôts selon les différentes variantes

Source : Calcul de l’auteur.

69 Enfin, si le gouvernement avait maintenu sa politique de taxation des licences UMTS telle qu’elle était initialement prévue, soit une facture de 4,95 milliards d’euros par opérateur (14,85 milliards d’euros au total), la rentabilité du projet aurait été remise en cause. En révisant le ticket d’entrée par opérateur à 619 millions d’euros, auquel s’ajoute une taxation de 1 % du chiffre d’affaire généré par l’UMTS (soit environ 3 milliards d’euros de taxes au total), l’horizon de l’UMTS s’est éclairci. Selon nos projections, la rentabilité moyenne du projet avant impôts et frais financiers passerait de 1,6 % à 9,7 %.

ANNEXE II

L’impact macroéconomique de l’UMTS en France

70 Si le projet de l’UMTS ne devrait pas être rentable pour les opérateurs avant 2012, la mise en place de la troisième génération de téléphonie mobile aura un impact macréoconomique significatif dès les premières années. Les dépenses réalisées dans le cadre du développement de l’UMTS vont avoir rapidement des répercussions sur les autres secteurs d’activité. L’UMTS va générer dans un premier temps de la valeur ajoutée chez les fournisseurs des opérateurs chargés de la construction des réseaux.

71 La valeur ajoutée créée par l’UMTS dans les services de télécommunications va dépendre, à dépenses données, de deux paramètres : la vitesse de diffusion de la téléphonie mobile de troisième génération au sein des ménages, mesurée par le taux de pénétration et la dépense moyenne que les ménages sont prêts à consacrer à ce nouveau service, l’ARPU.

72 Enfin, les licences UMTS payées par les opérateurs et la taxe de 1 % sur les revenus générées par l’UMTS devrait accroître les recettes de l’État.

L’impact macroéconomique de l’investissement lié au déploiement des réseaux UMTS

73 Selon l’Association française des opérateurs mobiles (AFOM, 2003), les investissements réalisés pour le GSM sont estimés sur la période 1993-2005 à près de 17 milliards d’euros (graphique 14). Dans le cas de l’UMTS, les investissements étalés sur la période 2003-2015 devraient représenter environ 25 milliards d’euros. Plus de la moitié de cette somme serait investie entre 2005 et 2009.

74 Les investissements dans la technologie du GSM ont commencé en 1991, puis se sont accélérés à partir de 1996 avec l’augmentation du nombre d’abonnés, et ont atteint leur maximum en 2000. La contribution en valeur de ces investissements à la croissance de la FBCF des SNFEI a été en moyenne de 0,08 % par an entre 1991 et 1996, puis de 0,42 % entre 1997 et 2000 (tableau A11.1). Depuis 2000, ces investissements diminuent et devraient contribuer négativement à la croissance de la FBCF (– 0,31 % entre 2001 et 2003 ; – 0,15 % entre 2004 et 2006, puis 0 % à partir de 2007). À partir de 2007, selon l’AFOM, le montant des investissements consacrés au GSM devraient rester stables, correspondant au renouvellement et à l’entretien du réseau existant.

AII.1

Contribution annuelle (en valeur) des investissements GSM et UMTS à la croissance de la FBCF des SNFEI en France

AII.1
En points de % 1991-1996 1997-2000 2001-2003 2004-2006 2007-2010 2011-2015 1991-2003 2004-2015 1991-2015 GSM 0,08 0,42 – 0,31 – 0,15 0,01 0,00 0,09 – 0,03 0,03 UMTS 0,00 0,00 0,00 0,85 – 0,39 – 0,02 0,00 0,07 0,04 GSM + UMTS 0,08 0,42 – 0,31 0,70 – 0,38 – 0,02 0,09 0,04 0,07 Sources : AFOM, calculs de l’auteur.

Contribution annuelle (en valeur) des investissements GSM et UMTS à la croissance de la FBCF des SNFEI en France

75 À partir de 2004, les investissements liés à la technologie de l’UMTS vont se substituer à ceux du GSM. La forte croissance des investissements nécessaires au déploiement du réseau UMTS entre 2004 et 2006 va avoir un impact important sur la croissance de la FBCF des SNFEI (0,85 % par an en moyenne) avec un pic en 2006 (1,54 %). À partir de 2007, le montant des investissements devrait rester important mais inférieur à ceux réalisés en 2005. La contribution de ces investissements à la croissance de la FBCF des SNFEI devrait être négative entre 2007 et 2010 (– 0,39 %). À partir de 2011, les investissements liés à l’UMTS ne devraient plus avoir d’impact sur la croissance de la FBCF totale. Au total, sur la période 2004-2015, l’UMTS devrait contribuer en moyenne à 0,07 % par an à la croissance de l’investissement français tandis que le GSM contribuerait négativement à 0,03 %. Néanmoins, si une quatrième génération venait à prendre le relais de l’UMTS avant 2015, les investissements liés la téléphonie mobile contribueraient plus fortement que nos prévisions. De plus, nos calculs de contribution réalisés en « valeur » sous-estiment la contribution en « volume » des investissements pour les services de téléphone mobile, la croissance des prix de ces derniers étant inférieure à celle de la FBCF totale.

76 Cependant, si les investissements nécessaires au bon fonctionnement de l’UMTS auront certainement un impact positif sur la croissance, certains de ces équipements réseaux seront importés, ce qui atténuera les effets nets des investissements UMTS sur la croissance.

Les effets de l’UMTS sur la consommation des ménages

77 Les services de télécommunications, sous l’impulsion du développement de la téléphonie mobile, ont contribué à la croissance de la consommation des ménages depuis 1998. Depuis la fin de la diffusion du téléphone fixe à tous les ménages (1976-1981), la contribution des services de télécommunications a été relativement stable jusqu’en 1997 (0,07 % en moyenne en volume avec un minimum de 0,03 % en 1986 et un maximum de 0,09 % en 1996). Depuis 1998, la contribution des services de télécommunications à la croissance de la consommation a décollé : 0,37 % en moyenne entre 1998 et 2002 avec un un pic respectivement de 0,51 % et 0,49 % en 2000 et 2001. Cette forte augmentation s’explique largement par le développement du GSM. L’envolée de la consommation en volume des services de télécommunications est très fortement corrélée à l’évolution du taux de pénétration du GSM (graphique). De 1997 à 2002, la consommation des services de télécommunications par les ménages a augmenté de plus de 110 % et le taux de pénétration du GSM est passé de 7,7 % à 63,9 %, mulltipliant par 8,4 le nombre d’abonnés à la deuxième génération de téléphonie mobile.

Consommation en services de télécommunications et taux de pénétration du GSM

figure im27

Consommation en services de télécommunications et taux de pénétration du GSM

Sources : INSEE, ART.

78 La contribution des services du GSM à la croissance de la consommation des ménages devrait rester positive jusqu’en 2004, date à laquelle l’UMTS va progressivement se substituer au GSM. A partir de 2005 jusqu’à sa disparition, la contribution du GSM va être négative (tableau A11.2).

AII.2

Contribution annuelle (en valeur) des services du GSM et de l’UMTS à la croissance de la consommation des ménages

AII.2
2000-2003 Hyp1* Hyp2** 2004-2007 Hyp1 Hyp2 2008-2011 Hyp1 Hyp2 2012-2015 Hyp1 Hyp2 2004-2015 Hyp1 Hyp2 GSM 0,33 0,33 – 0,03 - 0,03 – 0,33 - 0,33 – 0,08 – 0,08 – 0,15 – 0,15 UMTS 0,00 0,00 0,08 0,08 0,59 0,48 0,30 0,17 0,33 0,24 GSM + UMTS 0,33 0,33 0,06 0,05 0,26 0,14 0,22 0,09 0,18 0,09 * l’ARPU de l’UMTS passe de 30 euros en 2004 à 51 euros en 2015 (croissance de 5 % par an). ** l’ARPU de l’UMTS croît comme l’inflation (croissance de 2 % par an). Source : Calcul de l’auteur.

Contribution annuelle (en valeur) des services du GSM et de l’UMTS à la croissance de la consommation des ménages

79 La contribution en valeur de l’UMTS à la croissance va dépendre à la fois de la vitesse de diffusion de cette nouvelle technologie et de la facture moyenne que chaque abonné est prêt à consacrer à ce nouveau service. On retient les mêmes hypothèses que celles du modèle financier (annexe 1) pour l’évolution taux de pénétration et de l’ARPU de l’UMTS. Sous ces hypothèses, les services de l’UMTS contribueraient, en valeur, entre 2004 et 2015, en moyenne annuelle à 0,33 % de croissance de la consommation des ménages, avec un pic en 2010 et 2011 (+ 0,7 %) avec la forte augmentation du nombre d’abonnés à la 3G.

80 En revanche, si l’ARPU de l’UMTS, évoluait comme l’inflation jusqu’en 2015, supposée à 2 % par an, la contribution des services de l’UMTS ne serait plus que de 0,24 % par an.

81 Au total, la contribution annuelle moyenne, entre 2004 et 2015, des services de télécommunication mobile (GSM + UMTS) à la croissance de la consommation des ménages devrait être comprise entre 0,09 % et 0,18 %. Cette contribution mesurée en valeur sera certainement supérieure en volume, la croissance de l’indice des prix à la consommation des services de téléphonie mobile étant inférieure à celui des prix à la consommation.

Bibliographie

Références bibliographiques

  • Agence Française des Opérateurs Mobiles, 2003 : « 1991-2001 : La décennie du mobile. Étude d’impact sur l’économie française », Rapport réalisé par le cabinet TERA consultants, juin.
  • Didier M. et J.H. Lorenzi, 2002 : « Enjeux économiques de l’UMTS », Rapport du CAE n° 36, La documentation française, Paris.
  • Gassot Y., 2002 : « La crise du secteur des télécommunications ou la maladie infantile d’une nouvelle industrie », Idate News n° 229, 16 septembre.
  • Geoffron P. et G. Pogorel, 2002 : « Consolidation de l’oligopole européen des télécommunications » in complément au Rapport du CAE n° 36 sur les enjeux économiques de l’UMTS, La Documentation française, Paris.
  • Namur D., 2002 : « La dynamique de valorisation des entreprises Télécoms » in complément au Rapport du CAE n° 36 sur les enjeux économiques de l’UMTS, La Documentation française, Paris.
  • OCDE, 2003 : « Perspectives des communications de l’OCDE ».
  • OCDE, 2001 : « Perspectives des communications de l’OCDE ».
  • Plihon D., 2002 : « Rentabilité et risque dans le nouveau régime de croissance », Rapport du Commissariat général du Plan, La Documentation française, Paris.
  • Revcolevschi K., 2002 : « Enjeux économiques et financiers de l’UMTS en France » in complément au Rapport du CAE n° 36 sur les enjeux économiques de l’UMTS, La Documentation française, Paris.

Notes

  • [1]
    L’UMTS (Universal Mobile Telecom System) est la troisième génération de téléphonie mobile.
  • [2]
    Si l’amortissement des survaleurs pèse sur le résultat comptable de l’entreprise et ampute d’autant la valeur des fonds propres, il n’a pas d’effet direct sur le flux de trésorerie dégagé par l’entreprise. L’amortissement des survaleurs pourra jouer indirectement sur ce dernier via le renchérissement du coût du capital lié à l’augmentation du taux d’endettement (dette / fonds propres). À l’inverse, les engagements hors bilans qui se réalisent peuvent directement diminuer le flux de trésorerie dégagé par l’entreprise.
  • [3]
    À long terme, le PER moyen ajusté de l’ensemble des entreprises cotées est d’environ 15.
  • [4]
    « Les normes françaises acceptent le principe d’un amortissement sans fixer de durée maximale. Dans les faits, la période d’amortissement est généralement assez longue, de vingt à quarante ans.
    Les normes américaines (US GAAP) n’autorisent aucun amortissement. Les écarts d’acquisition doivent donner lieu chaque année à un test d’évaluation qui peut imposer, en cas de réduction de l’écart d’acquisition, une provision pour moins-value.
    Les normes internationales (IAS) supposent que la période maximale d’amortissement est de vingt ans. Toutefois, la période d’amortissement et la valeur de l’écart d’acquisition doivent être reconsidérées, l’une et l’autre, tous les ans, et des règles très précises définissent les cas où des dépréciations doivent être enregistrées ».
    (Plihon, 2002)
  • [5]
    Les 4 principales technologies digitales utilisées aux États-Unis sont : Code Division Multiple Access (CDMA), Global System Mobile Communications (GSM), integrated Digital Enhanced Network (iDEN) et Time Division Multiple Access (TDMA).
  • [6]
    Karine Revcolevschi, Direction de la prévision : « Enjeux économiques et financiers de l’UMTS en France » in « Enjeux économiques de l’UMTS », Rapport du CAE.
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