Notes
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[1]
Car la notion perdrait alors l’essentiel de son intérêt, l’OFCE note à cet égard qu’aux États-Unis le chômage structurel a reculé au rythme même du chômage observé !
-
[2]
Où U est le taux de chômage, W le niveau du salaire nominal et P celui des prix.
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[3]
Dans Maurice et Taddéi (1996) et (1997), nous avons qualifié respectivement de « néofriedmanien » et de « néo-marshallien » deux modèles, respectivement à capacité de production exogènes et endogènes, qui reprennent l’un, la définition du long terme de Friedman (1968), l’autre celle de Marshall (1882). Nous reprenons cette distinction en annexe.
-
[4]
Nous parlons ici de période au sens analytique, c’est-à-dire qui se définit par le fait que certaines grandeurs économiques sont supposées exogènes au modèle, tandis que d’autres en sont les variables endogènes, et que les dernières enfin sont laissées implicites, parce que leurs variations sont supposées se compenser dans la période retenue sans laisser de trace (ainsi en serait-il des carnets de commande et des stocks, au-delà d’une période « infra-courte »). Bien entendu, ces périodes analytiques ont une épaisseur qui entretient avec les périodes historiques des relations, dont il faut débattre au coup par coup.
-
[5]
On ne doit pas, en particulier, considérer que le stock de capital est optimal et que la population à la recherche d’un emploi ne l’est pas, alors que cette dernière peut évoluer dans le même temps sous l’influence de nombreux facteurs : taux d’activité, durée du travail, productivité endogène, migrations… Strictement parlant, il s’agit alors moins d’analyses économiques que d’a priori idéologiques : car si l’espérance de vie a augmenté depuis Keynes, dans le très long terme, nous serons décidément tous morts !
-
[6]
Dans Taddéi et alii (1992), nous avons recours à une fonction asymétrique (cf. infra, pour sa justification). Germain et Lescure (1995) utilisent une fonction Cobb-Douglas.
-
[7]
Pour des raisons de pure simplification, nous nous situerons dans une hypothèse d’économie stationnaire, avec une productivité constante. L’ajout d’un trend de productivité ne créérait aucune modification sustancielle dans ce qui suit.
-
[8]
L’Horty et Thibaud voient un argument supplémentaire dans le caractère stationnaire de la relation niveau-niveau, qu’on ne retrouve pas dans la relation niveau-taux de variation. En sens contraire, Sterdyniak et alii (1997) soutiennent que l’effet de Phillips est économétriquement plus significatif ; toutefois, cette dernière critique de l’approche LSE parait beaucoup plus convaincante contre son interprétation libérale, que contre le principe même de cette approche.
-
[9]
Rappelons que nous nous situons à un horizon suffisamment long pour que l’indexation des salaires sur les prix soit unitaire.
-
[10]
Sur le plan comptable, on passe d’un concept à l’autre, sous condition d’une productivité apparente du capital constante. L’argument avancée est souvent empirique : face aux difficultés souvent insurmontables d’évaluation du stock de capital, la connaissance de la variation des capacités de production, à travers les enquêtes périodiques auprès des chefs d’entreprise, est aujourd’hui bien établie. Le présent article tend à donner à ce choix un statut théorique plus explicite.
-
[11]
Johansen (1972) en relève 12 sources différentes, généralisant par là-même les enseignements
des fonctions à génération de capital. -
[12]
Toutefois, ces auteurs ont recours pour leur démonstration à une fonction de production substituable, alors que dans une période intra-décennale, il nous paraît plus adéquat de passer par le truchement d’une fonction d’accumulation.
-
[13]
Une forme plus élaborée a été proposée dans Maurice et Taddéi (1997), sans que cela change substantiellement les résultats qui suivent.
-
[14]
Plus précisément, il s’agit ici d’un « super-multiplicateur » à la Hicks, qui additionne les propensions marginales à consommer et à investir. En fait, la spécification de notre bloc de demande n’a guère d’importance, puisque nous faisons droit à l’argument de « long terme » de Friedman.
-
[15]
En outre, le faible nombre de cas de variation de sens contraire entre TU et U suggère que la courbe ENI s’est peu déplacée, du moins par rapport à la courbe « technologique », reflétant le rapport entre la production de plein emploi et celle de pleine capacité. À son tour, ce faible déplacement relatif de la courbe ENI renvoie à une certaine constance des paramètres ? et ?,c’est-à-dire de la structure des marchés des biens et services d’une part, et du travail, d’autre part.
-
[16]
La nature de ce minimum varie, suivant les théories : il est psycho-physiologique, dans la tradition ricardo-marxienne ; il est institutionnel, dans une majorité de pays de nos jours ; sinon, il peut correspondre à un « salaire de réservation », correspondant à un arbitrage entre revenus et loisirs de la part des salariés.
-
[17]
Il ne fait guère de doute qu’un taux de l’ordre de 10 % entre dans cette problématique : ainsi, la récente reprise de l’investissement dans la zone euro n’augmente guère les salaires réels au-delà des gains de productivité, mais peut réduire, en se consolidant, le chômage structurel.
-
[18]
Pour diverses raisons dont, certainement, la faiblesse du « policy-mix » et en particulier le niveau très élevé où se sont longtemps situés les taux d’intérêt réels.
-
[19]
La réduction du temps de travail qui ne s’accompagnerait pas d’une réorganisation susceptible d’augmenter ou, au moins, de maintenir, les capacités de production, devrait être rangée dans cette catégorie. Mais nous n’en connaissons pas d’exemple, qu’on pense au temps partiel ou à la réduction de l’horaire collectif, et pour ce dernier, à un processus conventionnel ou législatif.
-
[20]
Contre un minimum de 46 heures au début des années 1980, selon Actualité, la Revue de l’UIMM, avril 2000. Autrement dit, les capacités de production industrielle de la France se trouvent augmentées globalement d’un septième, sans investissement supplémentaire !
-
[1]
Voir définition en annexe III.
-
[2]
Voir définition en annexe IV.
-
[*]
Néo-cambridgien : par référence à la définition du long terme par Marshall A. et à l’insistance mise sur le rôle de l’accumulation du capital par les auteurs tels que Kaldor N. et J. Robinson, les uns et les autres rattachés à Cambridge (Royaume-Uni).
-
[**]
Le modèle ignore la contribution que les dépenses publiques apportent à la production
et/ou à la croissance endogène.
1Depuis un quart de siècle, la notion de chômage structurel est, sous des appellations diverses (« chômage naturel », NAIRU, NAWRU, chômage structurel,...) une référence centrale des analyses et des politiques macro-économiques. Ainsi, la plupart des économistes contemporains considèrent que le chômage observé comporte, à côté d’une composante conjoncturelle, une composante plus durable, qualifiée de « structurelle », en ce qu’elle refléterait les imperfections structurelles des principaux marchés.
2Cette théorie du chômage structurel repose, pour l’essentiel, sur l’explicitation d’une boucle prix-salaires, sous l’hypothèse d’une double indexation unitaire des prix et des salaires. Bien que cette dernière hypothèse ne soit guère remise en question, dès lors qu’on s’éloigne de l’horizon du « court terme keynésien », le foisonnement des travaux publiés débouche sur de nombreuses incertitudes :
- Avant toute chose, sur l’écriture théoriquement la plus pertinente pour cette boucle prix-salaires ;
- ensuite, sur la valeur empirique que l’on peut calculer pour le niveau du chômage structurel, ce qui est pourtant une question décisive, puisqu’elle fixe les limites de validité respectives des politiques conjoncturelles et structurelles ;
- sur les variations au cours du temps de ce niveau du chômage structurel, si bien qu’on ne sait pas trop si le retour, sans accélération de l’inflation, à un quasi-plein emploi aux États-Unis, puis dans une majorité de petits pays européens, dans la fin de la dernière décennie, doit être attribués aux erreurs des analyses antérieures ou à la volatilité du chômage structurel lui-même ;
- dans la mesure où on ne voudrait pas trop compter sur cette auto-dissipation du chômage structurel [1] la place respective des réformes de structures sur le marché du travail et sur le marché des biens et services dépend crucialement de la pente respective des pentes des quasi-offres et demandes de travail dans un diagramme [2] (U, W/P) ou (U, d(W/P)/dt). Or, cette question a une importance décisive, quant à l’acceptation socio-politique des dites réformes de structures, puisque dans le premier cas, elles induisent une baisse du salaire réel et que dans le second cas, elles induisent au contraire son augmentation !
Caractéristiques théoriques d’une boucle prix-salaires
3Cinq types de précautions paraissent indispensables à son élaboration : le choix de la période d’analyse [4] ; la cohérence de traitement entre les deux équations de prix et de salaires ; la non-linéarité des fonctions ; les fondements micro-économiques des équations ; la fonction de production sous-jacente.
La période d’analyse ne doit être ni trop courte, ni trop longue
4• Trop courte signifierait que le chômage structurel est déterminé par des rigidités nominales aussi bien que réelles ou, pour être plus précis, que les indexations entre prix et salaires sont inférieures à un. La discussion du niveau d’équilibre se situe donc au-delà de la période d’analyse néo-keynésienne, que Hicks a proposé d’appeler d’équilibre transitoire et qui est le lieu habituel d’expertise des mouvements et des politiques conjoncturelles et, particulièrement, des mécanismes de demande. Puisque, comme l’ont fait observer Phelps (1967) et Friedman (1968), les rigidités nominales tendent à se dissiper progressivement (en un ou deux ans, les deux indexations tendent vers un), l’analyse des rigidités réelles qui déterminent ce chômage structurel suppose de se situer au-delà de la « courte période keynésienne » (en termes historiques, à au moins deux ou trois ans ).
5• Trop longue, la période d’analyse n’est pas plus légitime, qui entremêlerait les arguments à trois ans et les arguments à 20 ou 30 ans [5]. Si on choisit une période suffisamment longue pour que les stocks de facteurs soient à un niveau optimal, alors la notion même de chômage structurel n’a évidemment plus aucun sens. De plus, la question des causes et, si possible, des remèdes contre le chômage, interdit d’invoquer des arguments qui se situeraient à des horizons dénués de sens concret pour les acteurs et décideurs concernés. D’un point de vue analytique, on supposera donc que les stocks de facteurs ne sont pas à leur niveau de croissance équilibrée. Durant notre période d’analyse des variations des capacités de production ont le temps (« time to build ») de se produire, déterminées par les variations de l’investissement. Nous proposons donc de parler de « moyenne-longue période », compte tenu du fait qu’en termes historiques, elle reste dans un cadre intra-décennal. Finalement, les valeurs d’équilibre qui résultent du choix de cet horizon correspondent assez bien aux valeurs moyennes observées sur la durée complète d’un cycle d’activité de 5 à 6 années.
La cohérence du traitement des équations de prix et de salaires
6Le grand avantage de l’approche contemporaine en termes de boucle prix-salaires, est qu’elle évite de pré-désigner « le lieu du crime », sur le marché du travail ou sur le marché des biens et services : en toute généralité, le chômage structurel peut aussi bien résulter des rigidités sur l’un et/ou l’autre marché. On comprend alors l’importance décisive du traitement des deux équations essentielles de formation des prix et des salaires. C’est ainsi qu’on ne peut pas se contenter de poser chacune d’entre elles indépendamment de l’autre, en fonction des modes théoriques et/ou des commodités économètriques du moment ; encore moins supposer qu’il ne pourrait y avoir de rigidités que sur le seul marché du travail.
7Il convient plutôt, à la lumière de la littérature théorique et empirique existante, de poser deux équations relevant strictement du même paradigme et donc cohérentes entre elles. Après tout, les prix et les salaires nominaux, inscrits dans la partie gauche de chacune de nos deux équations sont évidemment deux sous-ensembles du même ensemble de prix et relèvent donc, d’une même logique, même si leur dynamique de plus court terme peut être différente, du fait que les uns sont fixés par les producteurs, tandis que les autres font l’objet de négociations et/ou de contrats (cf. Sterdyniak et alii, 1997). Nous en rappelons quelques caractéristiques, souvent admis pour la seconde équation, mais parfois oubliées pour la première :
- il s’agit de marchés de concurrence imparfaite, où les agents économiques font des prévisions qu’ils savent également imparfaites ;
- la formation des prix et des salaires obéit à des procédures (explicites ou implicites) décentralisées, où le pouvoir respectif des deux groupes d’agents privés, employeurs et salariés, dépend évidemment, comme dans toute économie de marché, de la rareté relative des biens ou inputs échangeables, et des plus ou moins grandes tensions qui en découlent ; il doit logiquement en résulter que la résolution de la boucle prix-salaires débouche sur un niveau de salaire réel, qui prenne en compte les tensions sur les deux types de marchés ;
- cette dernière caractéristique implique le caractère non-linéaire des relations étudiées.
La non-linéarité des effets de tension
8• C’est ainsi que si on prend la relation entre le chômage et les salaires, Phillips (1958) admettait cette non-linéarité dès la première page de son célèbre article. Puis Lipsey (1960) en donne la première justification convaincante. À leur tour, Layard, Nickell et Jackman (1991) en fournissent plusieurs justifications, même s’ils n’en tirent pas beaucoup de conséquences.
9Au plan empirique, dans la version « quasi-offre de travail », Blanchflower et Oswald (1990), ont calculé, dans quatre études microéconomètriques de panel concernant le Royaume-Uni et les États-Unis, qu’à partir d’un taux élevé de chômage, l’influence de ce dernier sur les salaires devenait négligeable. Au niveau macro-économique, la réduction du chômage observé dans la plupart des pays européens et aux États-Unis, à partir de niveaux initiaux très élevés, ne s’est accompagnée d’aucune accélération des salaires. Ceci signifie soit que l’effet de Philips a complètement disparu (ce qui n’est guère vraisemblable), soit qu’il a été exactement compensé par des facteurs exogènes favorables (ce qui ne l’est guère plus, du moins pour des pays européens aussi différents que les Pays-Bas, l’Espagne et l’Irlande), soit plus probablement que cet effet est fortement non-linéaire et ne se manifeste significativement que pour des taux de chômage beaucoup plus faibles (sans doute inférieurs à 5 ou même à 4 % pour les États-Unis ou les Pays-Bas).
10• Du côté de la production et des prix, la notion de goulets d’étranglement ou de saturation est très présente dans la littérature (sous des appellations diverses : bottlenecks, capital shortage, capacity gap, etc.), depuis au moins l’entre deux guerres et elle est en particulier au cœur du Chapitre 21 de la Théorie Générale de Keynes (1936), où il explique que l’inflation peut reprendre à partir de ces « points semi-critiques », avant même que l’on atteigne le plein emploi de la main d’œuvre. Quelques travaux empiriques récents ont permis de vérifier l’existence de telles non-linéarités, à partir de fonctions de production très différentes [6].
11Ces non-linéarités ne peuvent être ignorées, ni au motif qu’elles compliqueraient trop la résolution des modèles (on verra qu’on peut se contenter d’un système d’équations monotones statiques), ni du fait qu’un ajustement linéaire serait assez satisfaisant sur le plan économétrique : une route n’est droite que jusqu’au prochain virage et il vaut mieux savoir aborder celui-ci. Si les agents économiques (et notamment les autorités monétaires) ont conscience de certaines de ces non-linéarités, ils peuvent se comporter de telle sorte que ces zones de fortes courbures ne soient jamais atteintes : difficilement observables, elles n’en auront pas moins joué un rôle essentiel dans les faits. Si le cœur de la macro-économie contemporaine est bien dans la boucle prix-salaires, rien n’importe davantage que la forme et la pente des deux courbes qui l’illustrent, surtout si cette pente peut beaucoup varier d’un point à un autre.
Fondements et formalisation des équations de salaires et de prix [7]
12Puisque salaires et prix se forment suivant des procédures décentralisées, les deux fonctions macro-économiques qui en rendent compte, doivent reposer sur des fondements micro-économiques aussi clairs et solides que possible.
13• Pour l’équation de salaires, les travaux ont été les plus nombreux :
- sur le plan empirique, ils font ressortir une influence du chômage sur le niveau et/ou sur les variations des salaires ;
- sur le plan théorique, deux interprétations peuvent en être données : ou bien, on est en présence d’un effet de Phillips (effet du niveau de chômage sur la variation des salaires), qui peut être accompagné d’un effet d’hystérésis (effet d’une variation sur l’autre) ; ou bien, on est en présence d’une influence du niveau de chômage sur le niveau des salaires négociés, avec d’éventuels délais d’ajustement. Il est souvent avancé que la seconde approche possède des fondements microéconomiques mieux établis que l’effet de Phillips. Même si cet argument demeure contreversé, nous privilégierons [8] dans ce qui suit cette approche pour une autre raison : sa plus grande cohérence avec l’équation de formation de prix. Nous écrirons [9] donc :
Dans cette relation, tous les paramètres sont positifs ou à la rigueur nuls, comme dans toutes les autres équations de ce texte. W et P représentent, en valeurs nominales, les niveaux respectifs des salaires et des prix. Le taux de chômage U vaut, par définition :
Dans un plan (U,W/P) le graphe de la relation (WS) n’est autre que la courbe de « wage setting » de Layard et alii (op. cit.).
• Pour l’équation des prix, les fondements micro-économiques de leur formation doivent partir d’un comportement de maximisation du profit, sous contrainte de la fonction de production et de l’anticipation de la demande. Cette maximisation, sous des conditions très générales de concurrence imparfaite, conduit l’entreprise, par égalisation de la recette marginale et du coût marginal, à une fixation des prix qui dépend du stock de capital, qu’il parait judicieux, suivant une suggestion de Modigliani (1986) de remplacer par les capacités de production installées [10]. Sous l’hypothèse habituelle de firmes identiques, cela fonde théoriquement l’emploi standard, dans les équations de prix des grands modèles macro-économètriques de prévision, des taux d’utilisation des équipements, définis comme le rapport entre la production observée et la production maximale (ou capacité de production installée). Il s’ensuit que le taux d’utilisation joue, dans l’équation globale de formation des prix, un rôle analogue à celui du taux de chômage dans la fonction de salaire, satisfaisant ainsi les conditions de cohérence entre les deux équations que nous avions posées précédemment. On notera toutefois que, dans ces analyses de long terme, ces deux taux ne sont pas des indicateurs de tension, au sens de l’analyse conjoncturelle, en ce qu’ils ne représentent pas un écart entre l’offre et la demande effective (cette dernière est absente à ce stade de l’analyse), mais un rapport de rareté entre l’utilisation d’un facteur à l’équilibre de long terme et la l’utilisation maximale de ce facteur, c’est-à-dire entre deux concepts d’offre. C’est pourquoi, nous écrivons l’équation de prix :
Dans un plan (U,W/P) le graphe de la relation (PS) n’est autre que la courbe de « price setting » de Layard et alii (op. cit.).
La fonction de production sous-jacente
14On sait que la fonction de production a un double rôle dans un modèle de chômage structurel : d’une part, elle contribue à la détermination de l’équation de formation des prix, à travers le calcul des coûts de production ; d’autre part, elle détermine, par inversion, la relation entre le taux de chômage (et la demande de travail) et le niveau de l’activité.
15Pour établir cette fonction (cf. encadré), on part de l’argument de Houthaker (1954), faisant observer que l’on peut toujours découper les activités de production en unités suffisamment homogènes pour supposer la complémentarité des facteurs. Nous prenons alors en compte l’hétérogénéité du capital [11] : il en résulte (cf. annexe 1) une fonction de production avec des productivités marginales décroissantes (par paliers), comme chez les auteurs néo-classiques, mais bornée, comme dans une fonction Leontieff, par une capacité de production maximale, de forme générale :
- ainsi, une fonction Cobb-Douglas permet d’affirmer que tout renchérissement du capital augmente le chômage structurel, comme l’ont notamment montré Cotis et alii (op. cit.). Mais une élasticité de substitution unitaire n’est pas une hypothèse réaliste dans un modèle intra-décennal et, de surcroît, cette hypothèse enlève toute signification aux concepts de capacités de production et de taux d’utilisation de ces dernières ;
- les fonctions CES, avec une élasticité inférieure à 1, sont plus réalistes et évitent cet écueil, mais elles ont pour inconvénient de ne pas rendre compte de la forte dissymétrie (de l’ordre de 1 à 4, au moins) dans les délais d’ajustement des deux facteurs de production à leurs valeurs désirées (Cueva, 1995) ;
- les fonctions Leontieff encourent le même reproche et, de plus, ne permettent pas, en première analyse, de faire apparaître une courbe d’offre globale ascendante de manière continue (« well behaved »), compatible avec des comportements de maximisation des chefs d’entreprise [*].
- C’est pourquoi, notre préférence reste (Taddéi et alii, 1992) à une fonction qui admet une asymétrie entre les possibilités d’ajustement des deux facteurs de production. Autrement dit, les entreprises négocient et fixent leurs prix en considérant le capital comme fixe et limité et le travail comme variable (voir annexe 1).
Chômage structurel dans un modèle de long terme, avec des capacités endogènes
17Dès lors que l’on considère une période d’analyse plus longue que celle de l’équilibre transitoire, on ne peut plus considérer le stock de capital et les capacités de production comme des données exogènes : cette évidence, curieusement laissée de côté par la plupart des modèles de chômage structurel, semble aujourd’hui mieux admise (Cotis et alii, 1997) le taux d’utilisation des équipements productifs [12]).
18Comment endogénéiser le stock de capital ? Il ne nous semble pas convenable de le faire découler directement d’une fonction de production de (très) longue période, de type Cobb-Douglas, pour des raisons que nous avons déjà exposées plus haut : à supposer même que cette fonction soit pleinement pertinente, et on sait toutes les incertitudes empiriques qu’elle ne cesse de poser, le stock de capital par tête serait alors optimal par rapport à un sentier de croissance équilibrée (à la Ramsey-Keynes ou à la Solow) et il ne varierait qu’en fonction d’un taux d’intérêt psychologique ou du taux d’épargne des ménages. Un tel mécanisme demande sûrement pour opérer, un très long délai (plus que décennal ?) durant lequel on ne peut pas supposer que la force de travail demeurerait pleinement inerte.
19Il paraît donc plus logique de recourir, de façon standard, à une fonction d’investissement pour mesurer les flux supplémentaires de capital et à une fonction d’accumulation pour en apprécier le stock. Dans les deux cas, nous avons choisi les formes les plus simples possibles qui suffisent à illustrer notre propos [13].
20Nous proposons ainsi un modèle d’économie fermée qui ajoute aux 5 équations précédentes, les équations suivantes :
Ce modèle (voir annexe II) est déterminé, puisqu’il comporte 9 variables endogènes pour 9 équations. De surcroît, nous nous sommes limités à six variables exogènes, qui symbolisent les grandes familles de politique économique : à côté des politiques budgétaires et fiscales usuelles, on pourra ainsi discuter des politiques de stimulation des capacités ou des réformes de structures sur le marché du travail ou sur le marché des biens.
La figure 1 retrace l’ensemble des mécanismes de ce modèle simple. On remarquera qu’on peut le découper en deux sous-ensembles reliés par l’effet des taux d’utilisation sur la formation des prix :
- un processus « à la Domar » (tracé avec des ronds) rend compte de l’ambivalence de tout investissement, qui induit tout à la fois des effets-revenus de type multiplicateur [14], et des effets de capacité, à travers les variations des capacités de production. Les deux exercent des effets de sens contraire sur les taux d’utilisation, sans assurer de ce seul fait des valeurs plausibles de ce dernier (c’est l’équivalent, dans notre modèle statique, du phénomène d’instabilité dans le modèle originel de Domar). Toutefois, nous avons ici une procédure de « rappel », due à la prise en compte des effets-prix ;
- un processus « à la Friedman » (hachuré) rend compte de ce dernier et, à travers l’effet de Phillips, le comportement de marge des entreprises et la boucle prix-salaires, annihile toute influence directe de la demande sur l’activité, contrairement à l’approche keynésienne.
Les mécanismes du modèle
Les mécanismes du modèle
NB1 : Les variables exogènes sont dans les carrésLes variables endogènes sont dans les ronds
NB2 : Le sens des flèches indique les relations entre variables déterminantes et déterminées
NB3 : Le signe + ou - indique si les deux variables varient dans le même sens ou le sens opposé
NB4 : Correspond à un mécanisme " à la Dumar "
Correspond à un mécanisme " à la Friedman "
Correspond au mécanisme qui relie les deux précédents
22On commentera les principaux résultats de ce modèle dans les plans les plus fréquemment utilisés par les macro-économistes : le plan (Q,P) qui illustre les relations entre offre et demande globales ; le plan (TU,U) qui permet d’analyser le rôle des tensions respectivement à l’œuvre sur le marché des biens et sur celui du travail ; et, enfin, le plan (U,W/P) qui reflète les relations entre le chômage structurel et la répartition du revenu national.
Équilibre entre ofre et demande globale
23Dans un plan (Q, P), suivant les enseignements de Friedman, la courbe d’offre globale se ramène à une droite verticale, tandis que la courbe de demande globale a sa forme descendante standard, du fait de l’effet d’encaisse réelle sur la consommation.
24De façon habituelle, une politique de variation des dépenses autonomes, n’a aucun effet sur le niveau de l’activité, mais seulement sur les prix, dans la tradition « quantitativiste ». Par contre, on vérifie que toute réduction exogène des coûts de production, qu’ils soient salariaux (d ?0<0) ou non salariaux (d ?0>0), augmentera la production d’équilibre.
25On montre en effet (annexe III) que :
Conformément à l’analyse dichotomique des théories quantitativistes (dont nous empruntons la boucle prix-salaires), les purs chocs de demande n’ont d’effets que sur les prix, tandis que les purs chocs d’offre sont seuls capables d’influencer la sphère réelle (de même que les prix).
Les chocs exogènes sur l’investissement échappent à cette dichotomie, du fait de l’ambivalence de cette variable. Ainsi, tout choc exogène positif sur l’investissement déclenche le double effet analysé par Domar : d’une part, il augmente la demande (comme le ferait une augmentation de la demande autonome dG>0), d’autre part, il augmente les capacités de production, ce qui revient à déplacer vers la droite l’offre verticale : l’effet est donc favorable sur l’activité et la réduction du chômage structurel.
On peut alors montrer (voir annexe V) que l’on a :
Par contre, il est incertain sur le niveau des prix en toute généralité, puisqu’il dépend de l’importance respective du déplacement vers la droite des deux courbes :
- les courbes d’offre et de demande se déplacent vers la droite
- le point d’équilibre E1 se déplace en E2
- la production à l’équilibre augmente
- le niveau des prix à l’équilibre selon les cas augmente (a) ou diminue (b)
Les relations entre le s tensions sur les deux marchés
26Ce modèle admet une double relation entre le taux de chômage U et les taux d’utilisation TU (voir figure 3).
27— D’une part, une relation « technologique », que l’on tire du bloc de production, à travers les équations (2), (4) et (5), mais qui est déterminée par le niveau des facteurs de production et, en particulier, des capacités .
Celle-ci se traduit dans le plan (TU, U) par une courbe descendante, ayant pour origine le point d’abscisse (TU = 0) et d’ordonnée (U = 1), concave vers l’origine et se rapprochant de cette dernière, quand les capacités de production augmentent.
— D’autre part, une relation « économique », que l’on tire des équations (1) et (3) de la boucle prix-salaires, en éliminant (W/P), et qui nous donne l’ensemble des équilibres non-inflationnistes (ENI) :
L’équilibre (après indexation complète des salaires et des prix) correspond au point de rencontre des deux courbes. On vérifie immédiatement qu’une augmentation des capacités de production se traduit par une réduction du chômage structurel. Ce qui est nouveau ici est que cette circonstance correspond à un taux d’utilisation plus faible, pour la même contrainte inflationniste.
Cela repose sur une relation entre U et TU de même sens (le long de la courbe ENI), tandis que l’analyse conjoncturelle, déterminée par les variations de la demande, conduit normalement à observer une relation de sens contraire entre ces deux indicateurs de tension. Les graphiques ci-dessous décrivent l’interaction entre ces deux relations de sens opposé, le premier sur le plan théorique, le second sur le plan empirique, à la suite des observations déjà faites pour la France par Malinvaud et Thélot (1986) et pour un ensemble de pays européens par Bean (1989).
On observe d’abord, sans surprise, sur les graphiques empiriques, que durant une trentaine d’années, le taux de chômage a dérivé progressivement, dans les pays européens, tandis que les taux d’utilisation restaient toujours dans le même intervalle de variation. Ainsi, dans les phases de ralentissement conjoncturel, la hausse de U et la baisse de TU ont été concomitantes. Ce fut le cas, en France, pour les années 1973-1975, 1981, 1991-1993 et 1996.
En revanche, dans les phases conjoncturelles ultérieures, les remontaient et retrouvaient, peu ou prou, leur valeur antérieure, alors que le taux de chômage restait le plus souvent proche du niveau élevé atteint précédemment. En restant sur le cas français, on ne trouve une concordance entre une hausse de TU et une baisse de U que pour les années 1988-1989, 1995 et la fin de la dernière décennie (non reproduite sur notre graphique) [15]. Notre analyse théorique suggère que cette différence de comportement entre les deux indicateurs de tension peut s’interpréter par une hausse insuffisante des capacités de production, induite par la faiblesse de l’investissement dans les phases de reprise économique, qui se perpétuerait dans les phases de croissance molle de type 1976-1980, 1982-1987 ou encore en 1994. La marge d’expansion ultérieure s’en trouvait ainsi réduite.
Cette analyse rejoint celles faites sur la responsabilité des capacités de production dans le « chômage classique », en particulier par Artus et alii (1987) et qui ont été reprises lors de la précédente phase d’expansion, à la fin des années 1980, notamment par les services de la Commission de Bruxelles, qui n’ont pas hésité à faire de la pénurie de capital la cause principale de la fin de cette expansion (1995).
Capacité d’utilisation et taux de chômage (en %)
Capacité d’utilisation et taux de chômage (en %)
Les relations entre chômage structurel et salaire réel
28Ce rôle des capacités de production peut être visualisé dans le plan (U, (W/P)) rendu standard par les travaux de la London School of Economics (LSE).
29On obtient directement la courbe (WS), comme graphe de l’équation (1) :
31On notera qu’elle coupe la verticale d’abscisse (U = 1), pour une valeur (W/P =), qui constitue un plancher pour le salaire réel, au-dessous duquel les salariés n’offriraient pas leur force de travail [16].
La courbe (PS) s’obtient en remplaçant dans l’équation (3) TU par U, à l’aide des équations (4), (5) et (2). On obtient ainsi :
Bien qu’il soit envisageable en toute généralité théorique de trouver n’importe quelle valeur positive ou négative pour ce chômage de pleine capacité, la seconde solution est bien peu vraisemblable : elle signifierait, en effet, que la capacité de production maximale des équipements installés ne peut être atteinte, par manque de main-d’œuvre. Si cette circonstance se rencontre au plan microéconomique ou d’un secteur, elle reposerait sur une erreur d’anticipation de l’ensemble des chefs d’entreprise qui serait étonnante : la suraccumulation par rapport aux débouchés se comprend, compte tenu de la volatilité de ces derniers, mais ce n’est évidemment pas le cas pour la main-d’œuvre (sauf peut-être à la suite d’une mobilisation militaire…).
Dès lors, le chômage de pleine capacité doit correspondre au chômage frictionnel ou lui être supérieur : le premier cas prévalait en Europe durant les Trente Glorieuses et il correspond aujourd’hui à la situation américaine ou de petits pays européens. Par contre, dans les grands pays d’Europe continentale, ce chômage de pleine capacité constituerait toujours la plus grande part du chômage, dit structurel, si l’on en croit les observations empiriques précédentes.
La non-linarité des courbes, déterminée respectivement par les élasticités ?1 et ?1, indique le pouvoir de marchandage des chefs d’entreprise et des salariés sur leurs marchés respectifs. Ainsi, dans le cas limite d’un marché du travail en concurrence pure et parfaite, (WS) deviendrait une horizontale, dès lors qu’il y aurait du chômage et le salaire réel serait à son minimum , quel que soit le niveau du chômage structurel : ceci pourrait figurer jusqu’à un certain point les économies du 19e siècle, avant l’apparition des premiers syndicats. Symétriquement, si les marchés de biens et services étaient de concurrence pure et parfaite, c’est (PS) qui deviendrait une horizontale pour toutes les valeurs du chômage supérieures à celui de pleine capacité et le salaire réel serait à son maximum (), pour n’importe quel niveau de ce chômage de sous capacité : ceci correspondrait à l’utopie des premiers socialistes coopérateurs… et de quelques visionnaires de la « new economy »… Les figures 5.1 et 5.2 illustrent ces situations limites, qui vont nous permettre de mieux interpréter le sens possible des principales politiques visant à réduire le chômage structurel.
Finalement, l’équilibre macroéconomique de long terme correspond à l’intersection des deux courbes (WS) et (PS). Celles-ci ont bien leur déclivité habituelle, mais l’originalité vient ici d’une part, du fait que (PS) varie avec , c’est-à-dire sous l’influence des déterminants de l’investissement et d’autre part, de leur non-linéarité qui fait varier leur pente et modifie l’impact des chocs exogènes sur l’un et/ou l’autre marché et, en particulier, l’effet des différentes politiques économiques.
Les conséquences de politique économique
32On commence par confronter les mérites respectifs de réforme de structure respectivement sur le marché du travail et sur le marché des biens et services (4.1). Puis, élargissant notre propos, on propose une typtologie des politiques (et des doctrines qui les sous-tendent prétendant réduire le chômage structurel (4.2).
Sur quels marchés faut-il conduire en priorité les réformes de structure ?
33En toute généralité, agir sur un type de marché revient à déplacer l’équilibre de moyenne-longue période le long de la courbe représentative de l’autre marché. Les pentes respectives des courbes (WS) (et PS) au voisinage de leur point d’intersection revêtent donc une importance décisive pour apprécier l’impact des chocs exogènes sur l’un et/ou l’autre marché.
34Ainsi, une augmentation des capacités de production a bien les habituels effets favorables d’un choc positif sur le marché des biens et services : il y a amélioration simultanée du chômage structurel et du pouvoir d’achat salarial. Par contre, l’importance relative de ces deux effets dépend de savoir où le point d’équilibre se trouve initialement sur la courbe (WS) : pour un taux de chômage élevé [17], correspondant à une portion quasi-horizontale, l’amélioration ne portera presque pas sur le salaire réel, mais sera très sensible sur le chômage. L’impact sera évidemment inverse à l’approche du plein emploi.
35De son côté, les tentatives de réduction du coût réel du travail doivent améliorer, de façon standard, la situation de l’emploi au prix d’un recul du pouvoir d’achat. Toutefois, on oublie trop souvent que les termes de cet arbitrage délicat varient considérablement suivant la pente de (PS), autour du point d’équilibre initial. Ainsi, si on n’est guère éloigné de la pleine utilisation des équipements (et on a vérifié que c’était la situation la plus fréquente), on se trouve alors sur la partie quasi-verticale de la courbe et il faut une très importante perte de pouvoir d’achat des salariés pour n’obtenir qu’une très faible baisse du chômage structurel. On comprend mieux dès lors les réticences rencontrées par ces politiques et la médiocrité de leurs résultats en termes d’emplois durant une quinzaine d’années en Europe : certes des politiques de demande (et surtout monétaires) presque constamment restrictives ont maintenu conjoncturellement les entreprises dans la partie quasi-horizontale de leurs courbes de prix, mais la pénurie de capital n’était jamais loin et elle fut atteinte lors de la seule expansion soutenue de la période à la fin des années 1980.
36Bien entendu, comme dans toute problématique de ce type, on peut vouloir agir simultanément sur les deux marchés, puisque les effets sont additifs contre le chômage et soustractifs sur le salaire réel. Il n’en reste pas moins important de savoir quelle est l’importance relative de ces effets, ne serait-ce que pour entraîner l’adhésion du plus grand nombre possible d’acteurs économiques. Ainsi, dans la situation actuelle des principaux pays de la zone Euro, deux raisons assez fortes font penser qu’il est préférable, pour réduire le chômage structurel, de privilégier les actions sur le marché des biens et services plutôt que sur le marché du travail :
37• L’action sur le marché du travail réduirait le pouvoir d’achat des salariés, qui a déjà connu des résultats très médiocres depuis plus de 10 ans, que ce soit en niveau ou en variation ; en revanche, des impulsions données sur le marché des biens et services accroîtraient leur pouvoir d’achat dans des conditions qui seraient, par hypothèse, non inflationniste.
38• Les entreprises européennes ayant peu investi [18] depuis de longues années (la comparaison avec les États-Unis est de ce point de vue affligeante), le chômage de pleine capacité y apparaît aujourd’hui encore élevé. C’est pourquoi les actions orientées vers le marché des biens et services tendraient à déplacer l’équilibre sur la partie quasi-horizontale de (WS), compte tenu du niveau très élevé atteint par le chômage dans la zone euro ; autant dire qu’elles amélioreraient un peu le salaire réel, mais plus significativement l’emploi.
Une typologie des politiques de lutte contre le chômage structurel
39Le modèle proposé comporte six variables exogènes déterminant le niveau du chômage structurel, et définissent ainsi 6 familles (7 avec les politiques de demande…) de politique de lutte contre le chômage structurel, suivant que l’on agit sur l’une de ces 6 variables (sans parler bien entendu de la combinaison possible de ces chocs).
40• Trois de ces variables et de ces chocs concernent le marché du travail.
41— Une réduction de peut être définie comme une politique « néo-malthusienne ». Elle réduit certes le taux de chômage, quoique de façon assez faible. Entrent dans cette logique, les mesures tendant à réduire l’immigration, le retour des femmes à leur foyer, les radiations d’office des listes du chômage, certains cas de prolongation de la scolarité relèvent de ce « traitement statistique du chômage », qui est surtout le signe d’une impuissance à mettre en œuvre des politiques de création d’emplois [19].
— Un abaissement de peut être compris comme une politique « néo-ricardienne », puisqu’elle se propose de baisser le salaire minimum. Pour cela, on peut vouloir abaisser ou ne pas augmenter les « minima sociaux », ou plus radicalement les supprimer ou en restreindre le nombre de bénéficiaires ; ou encore, réduire les indemnités de chômage, dans leur taux et/ou leur durée. Sans même parler de leur dimension anti-sociale, la plupart des économistes s’accordent aujourd’hui à reconnaître que ce type de mesures agit moins sur le chômage que sur l’augmentation des inégalités de salaires (le salaire moyen n’étant guère affecté).
— Une baisse de ?1 peut être qualifiée de « néo-classique ». Elle renvoie à toutes les démarches qui tendent à fustiger le rôle des syndicats, soit en limitant directement leur rôle, soit en cherchant à restreindre le droit de grève. Le gouvernement de Madame Thatcher a sans doute représenté la forme la plus achevée de cette démarche qui a pu supprimer certains abus corporatistes dans ce pays, sans que cela paraisse un exemple à privilégier dans d’autres pays, malgré quelques velléités récurrentes.
• Les trois autres variables exogènes, et les politiques qui peuvent viser à les modifier, concernent les marchés de biens et services :
— Les mesures qui tendent à déplacer ?0 et à réduire la partie exogène des prix de revient peuvent soit concerner le prix des inputs non-salariaux, y compris fiscaux (TVA, cotisations employeurs…), soit chercher à améliorer la productivité (RD, formation…). On peut sans doute dans ce dernier cas les qualifier de « néo-schumpétérienne ». On notera toutefois que leur efficacité se réduit quand on approche de la pleine capacité.
— Les mesures tendant à augmenter la flexibilité du marché des biens et services en réduisant ?1, c’est-à-dire le pouvoir de marché des firmes et donc les forces de tension qui en découlent. Sous leur forme utopique, ces mesures tendent à instaurer un régime de concurrence pure et parfaite et à supprimer tout profit de type rentier (on la retrouve donc sous la plume d’auteurs coopérateurs ou libéraux du 19e siècle ou de quelques zélateurs avant-gardistes d’internet). De façon plus réaliste, il est troublant d’observer que, notamment du fait de l’internationalisation, de grands progrès ont été faits depuis deux décennies en Europe, alors même qu’on s’accordait à reconnaître que le chômage de longue durée ne cessait d’augmenter. Cette coïncidence malheureuse ne condamne pas ces politiques de la concurrence, mais elle en traduit plutôt le caractère limité sur les performances macroéconomiques, à nouveau du fait de l’insuffisance des capacités de production.
— C’est finalement, l’action directe sur ces dernières qui nous paraît le plus riche d’espoir. On peut ici distinguer trois types de politique complémentaire de lutte contre le chômage dit structurel :
• La première consiste à favoriser l’investissement par une politique monétaire plus souple, ce que les autorités monétaires européennes se sont enfin décidées à faire, avant même la naissance de l’euro, avec pour premier résultat une baisse rapide du chômage keynésien sans inflation, mais aussi une baisse progressive du chômage structurel, grâce à des taux d’investissement de plus de 7 % par an.
• La seconde reviendrait à augmenter la part des dépenses productives, au détriment des dépenses d’administration courante dans les budgets publics. L’annexe 5 confirme que, même dans des conditions de budget équilibré, ces dernières sont susceptibles d’exercer un effet d’éviction sur celles, publiques ou privées, qui augmenteraient les capacités de production. La difficulté tient ici moins au conservatisme des agents publics concernés qu’à la difficulté d’une définition incontestable du caractère productif d’une dépense, dès lors qu’on se situe à un horizon suffisamment éloigné pour en juger.
• La troisième politique consiste à encourager un allongement de la durée d’utilisation des équipements, puisqu’il est avéré que les pays européens sont nettement en retard sur les Etats-Unis en ce domaine (Anxo et alii, 1995). La forme la plus efficace est sans doute à cet égard le développement du travail posté à temps réduit (Taddéi, 1986), ce qui semble confirmer par la conclusion des accords collectifs sur les 35 heures en France : loin de restreindre l’usage des capacités de production, ces accords correspondent, selon l’enquête de la Banque de France, à un nouveau record absolu avec plus de 53 heures d’utilisation en moyenne hebdomadaire [20].
On aura compris que ces dernières mesures sont plus complémentaires que concurrentes. Pour en assurer la meilleure articulation, il faut toutefois accepter un cadre d’analyse qui ne fasse pas a priori porter l’entière responsabilité du chômage de masse persistant en Europe au marché du travail, mais qui en attribue une large part au marché des biens et services et notamment aux freins à l’investissement.
Effets des 3 types de politique agissant sur le marché des biens et services
Politique de la concurrence
Politique de la concurrence
Politique néo-schumpéterienne
Politique néo-schumpéterienne
Politique néo-cambridgienne
Politique néo-cambridgienne
Effets des 3 types de politique agissant sur le marché des biens et services
42L’effet des trois types de politiques est de même nature. Mais les deux premières ont un effet d’autant plus limité qu’initialement le chômage structurel est proche du chômage de pleine capacité, c’est évidemment l’inverse pour la politique néo-cambridgienne
Les fondements micro-économiques de la fonction de production et de l’équation PS
431.1. La fonction de production avec complémentarité des facteurs de production sur les équipements installés et hétérogénéité du capital, a la forme générale :
On observe que si l’on multiplie Q et Q par un même facteur m, alors TU est inchangé et L est aussi multiplié par m : la fonction de demande de travail est une fonction homogène de degré 1 des variables (Q,).
La fonction de production sous-jacente Q = F(L,Q) est en conséquence elle aussi une fonction homogène de degré 1 des variables (L,).
1.5. La pleine utilisation des capacité de production est atteinte pour l’emploi de pleine capacité :
1.7. La figure A1.c représente le graphe du coût moyen
et celui du coût marginal
1.8. La fonction de production sous-jacente est une bonne représentation continue de la fonction comportant des tranches hétérogènes de production à facteurs complémentaires (voir figure A1.a) proposée par Taddéi et alii (1992).
Capital hétérogène
Capital hétérogène
Fonction de production lissée
Fonction de production lissée
Coût moyen, coût marginal
Coût moyen, coût marginal
Présentation du modèle
45Le modèle proposé comprend 9 équations : — Deux équations de définition (taux de chômage, taux d’utilisation) :
U : taux de chômage ; L : effectifs employés ; : population active, supposée constante.
TU : taux d’utilisation de la capacité de production, tel qu’on l’obtient par les enquêtes auprès des entreprises.
Q : à la fois production effective et quantité offerte, en négligeant les variations des stocks.
: capacité maximale de production, ou production de pleine capacité.
C : demande des ménages ; I : investissement des entreprises ;
G : consommations publiques, hors transferts.
fonction de salaire, avec W: indice des salaires nominaux (aux horizons néo-friedmanien [1] et néo-cambridgien [2], ?2 = 1)
fonction de prix, avec P : indice général des prix de l’économie (aux horizons néo-friedmanien et néo-cambridgien, ?2 = 1)- Q = F(L,Q)fonction de production, ou en inversant Q et L :
L = F(Q,Q)demande de travail
fonction d’investissement, avec 0<?1<1 et, pour simplifier, ?2 = 0 ?0 est d’autant plus élevé que les incitations exogènes à l’investissement sont fortes.
fonction d’accumulation, en notant (+ 1) la durée du « time to build » avec :? 1 : productivité moyenne du capital ; ?2 : taux d’obsolescence, des capacités de production.
fonction de consommation, avec : T : ensemble des prélèvements obligatoires — net des transferts — sur les ménages. L’influence des prix traduit un effet d’encaisse réel (ou de compétitivité en économie ouverte et change fixe).
Ce modèle sera utilisé pour caractériser la solution d’équilibre successivement à trois horizons temporels :
— L’équilibre transitoire, qui sera dit « néo-keynésien » (annexe III) : les indexations prix-salaire n’ont pas eu le temps de jouer ; la capacité maximale de production est exogène (héritée du passé).
— L’équilibre de moyenne — longue période dans le cas qui sera dit « néo-friedmanien » (annexe IV) : les indexations prix-salaire sont allées à leur terme, mais la capacité maximale de production est encore exogène.
— L’équilibre de moyenne — longue période dans le cas qui sera dit « néo-cambridgien» (annexe VI) : les indexations prix-salaire sont allées à leur terme, et la capacité maximale de production est devenue endogène.
On se limite ci-après à présenter les principales équations obtenues. Pour plus de précisions, le lecteur pourra se reporter à Maurice et Taddéi (1997), CERAS n° 97-10, juin 1997.
Équilibre à l’horizon « néo-keynésien » : avant jeu des indexations et avec capacité de production exogène
463.1 La capacité de production est exogène. Dans les équations (4) et (5) de l’annexe II, 0 ??2<1 et 0 ??2<1.
3.2. Représentation dans le plan (Q,P) : équilibre entre l’offre et la demande globales.
On peut obtenir l’équation d’offre suivante :
On obtient aisément l’équation de demande suivante :
Pour une discussion sur ces deux graphes et sur leur intersection K, voir Maurice et Taddéi (1997) (op. cit.).
Équilibre à l’horizon « néo-friedmanien » : après indexations complètes et avec capacité de production exogène
474.1. La capacité de production reste exogène, mais dans les équations (4) et (5) de l’annexe II, ?2 = 1 et ?2 = 1
4.2. Représentations dans le plan (TU,U): voir figure A4.a L’élimination de W/P entre les équations (4) et (5) de l’annexe II fournit une première relation entre TU et U :
La fonction de production (voir annexe 1) fournit une deuxième relation entre TU et U :
Rappel: et
lorsque Q croît, (?) pivote vers le sud autour du point fixe (0,1).
Les courbes (ENI) et (?) se coupent au point F représentant l’équilibre néo-friedmanien. Les coordonnées UF de ce point déterminent simultanément la valeur TUF du taux de chômage et la valeur du taux d’utilisation de la capacité de production à l’équilibre néo-friedmanien. Ces deux « taux d’équilibre » dépendent de la capacité de production disponible : plus est fort, plus UF et TUF sont faibles.
On peut calculer la valeur de Q en fonction de TUF
- du taux d’utilisation : TUF
le graphe est décroissant : voir figure A4.b - de la production QF : le graphe est croissant : voir figure A4.c
L’équation de la courbe (WS) « Wage Setting » s’obtient directement à partir de l’équation (4) de l’annexe II et ?2 = 0 :
La courbe (PS) « Price Setting » s’obtient en éliminant entre TU l’équation (5) de l’annexe II et la relation technologique l’équation (5) de l’annexe I :
- est croissante ;
- tourne sa concavité vers le bas, si et seulement si ?1 < 1/2 ; or Taddéi (1991) a estimé ?1 = 0,20 ;
- passe quel que soit Q par le point A de coordonnées (1,), où sa pente décroît quand croît ;
où sa tangente est verticale ;
— pivote autour du point A vers le nord-ouest lorsque augmente, le point B se déplaçant alors vers l’ouest.
Le point F représentatif de l’équilibre néo-friedmanien se trouve à l’intersection des deux courbes (WS) et (PS).
Plusest fort, plus le pointFse déplace le long de la courbe (WS) vers le nord-ouest :
- le salaire réel augmente ;
- le chômage diminue.
La production à l’horizon néo-friedmanien QF a été calculée par l’équation (4) de l’annexe IV. La courbe d’offre est désormais la verticale d’abscisse QF. Cette verticale se déplace vers l’est lorsque Q augmente.
La courbe de demande de l’annexe III est inchangée.
L’intersection des courbes de demande et d’offre détermine le prix à l’horizon néo-friedmanien.
Remarque : le point d’équilibre néo-friedmanienFdépend de la capacité maximale de productionQet de la politique économique. En effet, son abscisseQFdépend deet son ordonnéePFdépend de?0, G et T,
Équilibre à l’horizon « néo-cambridgien [*] » : après indexations complètes et avec capacité de production endogène
485.1. La capacité de production Q est maintenant endogène : elle dépend, par l’équation d’accumulation (8) de l’annexe II, de l’investissement. Elle évolue ainsi progressivement, vers une valeur stationnaire qui vérifie :
La courbe d’équilibre non-inflationniste ENI conserve à l’équilibre néo-cambridgien la même équation (1) de l’annexe IV qu’à l’équilibre néo-friedmanien.
La courbe technologique est donnée à l’équilibre néo-cambridgien par une équation qui s’obtient en reportant dans (2) de l’annexe IV la valeur endogène de donnée par (2) de l’annexe V :
Lorsque ?1 croît (choc positif sur l’investissement), (?) pivote vers le sud autour du point fixe (0,1).
Les courbes (ENI) et (?) se coupent au point C représentant l’équilibre néo-cambridgien. Les coordonnées de ce point déterminent simultanément la valeur UC et la valeur TUC. Ces deux « taux d’équilibre » dépendent du paramètre dépendent du paramètre ?0 : en cas de choc (d?0>0) sur l’investissement, UC et TUC diminuent.
On peut aussi calculer en fonction ?0 la valeur de la capacité de production QC(?0) et celle la production QC(?0), à l’équilibre néo-cambridgien. On peut montrer que, en cas de choc (d?0>0) sur l’investissement, C et QC augmentent.
5.3. Représentation dans le plan (U,W/P) voir figure A5. b La courbe (WS) conserve dans l’équilibre néo-cambridgien la même équation (5) de l’annexe IV que dans l’équilibre néo-friedmanien.
La courbe (PS) est donnée à l’équilibre néo-cambridgien par une équation qui s’obtient en reportant dans (6) de l’annexe IV l’expression de C(?0). Le graphe de cette correspondant est la courbe (?) : en cas de choc (d?0>0) sur l’investissement, le point B se déplace vers l’ouest.
5.4. Équilibre entre l’offre et la demande globales: représentation dans le plan (Q,P)
La courbe d’offre à l’horizon néo-cambridgien est la verticale d’abscisse QC(?0). En cas de choc (d?0>0) sur l’investissement, cette verticale se déplace vers l’est : voir figure A5. c
La courbe de demande conserve à l’horizon néo-cambridgien la même équation (2) de l’annexe III qu’aux deux horizons précédents.
En cas de choc (d?0>0) sur l’investissement, la production QC augmente et le prix PC diminue.
Équilibre à l’horizon « néo-cambridgien » et politique économique
50On se limitera ici à un bref aperçu. Pour les preuves et pour une discussion plus développée, le lecteur pourra se reporter à Maurice et Taddéi (1997) (op. cit.).
516.1. Étude de la position du pointCdans le plan (Q,P) en fonction de?0, à (C et T) donnés
52On montre que, (d?0<0) en cas de choc sur l’investissement, le point C décrit ainsi une courbe en forme de U, qui dépend des exogènes G et T.
536.2. Étude de la position de la courbe (?TG) en fonction de la demande publique non-productive [**]
54En supposant pour simplifier G = T, on obtient autant de courbes (?GG) qu’il y a de valeurs de G. Elles sont disposées comme indiqué sur la figure A6.a.
556.3. Objectif de prix P* et « policy-mix » (?0,C) (on suppose toujours pour simplifier G = T)
56Si les autorités publiques se donnent un objectif de prix à long terme P* — qui revient (voir figure A6.a) à couper par l’horizontale d’ordonnée P* —, il apparaît qu’elles peuvent y parvenir par un ensemble de couples et donc par un ensemble de « policy mix » (?0,G), puisque QC est fonction (croissante) de ?0.
57On peut alors tracer dans le plan (QC,G) la courbe de tous les couples correspondant à une même valeur de prix objectif P*. Cette courbe est d’abord croissante, puis décroissante (voir figure A6.b).
Références bibliographiques
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- Fitoussi J.-P. et S. Phelps, 1988 : « The slump in Europe », Basic Blackwell, Oxford.
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- Malinvaud E., 1982 : « Wages and employment », Economic Journal.
- Marshall A., 1890 : « Principles of economics ».
Notes
-
[1]
Car la notion perdrait alors l’essentiel de son intérêt, l’OFCE note à cet égard qu’aux États-Unis le chômage structurel a reculé au rythme même du chômage observé !
-
[2]
Où U est le taux de chômage, W le niveau du salaire nominal et P celui des prix.
-
[3]
Dans Maurice et Taddéi (1996) et (1997), nous avons qualifié respectivement de « néofriedmanien » et de « néo-marshallien » deux modèles, respectivement à capacité de production exogènes et endogènes, qui reprennent l’un, la définition du long terme de Friedman (1968), l’autre celle de Marshall (1882). Nous reprenons cette distinction en annexe.
-
[4]
Nous parlons ici de période au sens analytique, c’est-à-dire qui se définit par le fait que certaines grandeurs économiques sont supposées exogènes au modèle, tandis que d’autres en sont les variables endogènes, et que les dernières enfin sont laissées implicites, parce que leurs variations sont supposées se compenser dans la période retenue sans laisser de trace (ainsi en serait-il des carnets de commande et des stocks, au-delà d’une période « infra-courte »). Bien entendu, ces périodes analytiques ont une épaisseur qui entretient avec les périodes historiques des relations, dont il faut débattre au coup par coup.
-
[5]
On ne doit pas, en particulier, considérer que le stock de capital est optimal et que la population à la recherche d’un emploi ne l’est pas, alors que cette dernière peut évoluer dans le même temps sous l’influence de nombreux facteurs : taux d’activité, durée du travail, productivité endogène, migrations… Strictement parlant, il s’agit alors moins d’analyses économiques que d’a priori idéologiques : car si l’espérance de vie a augmenté depuis Keynes, dans le très long terme, nous serons décidément tous morts !
-
[6]
Dans Taddéi et alii (1992), nous avons recours à une fonction asymétrique (cf. infra, pour sa justification). Germain et Lescure (1995) utilisent une fonction Cobb-Douglas.
-
[7]
Pour des raisons de pure simplification, nous nous situerons dans une hypothèse d’économie stationnaire, avec une productivité constante. L’ajout d’un trend de productivité ne créérait aucune modification sustancielle dans ce qui suit.
-
[8]
L’Horty et Thibaud voient un argument supplémentaire dans le caractère stationnaire de la relation niveau-niveau, qu’on ne retrouve pas dans la relation niveau-taux de variation. En sens contraire, Sterdyniak et alii (1997) soutiennent que l’effet de Phillips est économétriquement plus significatif ; toutefois, cette dernière critique de l’approche LSE parait beaucoup plus convaincante contre son interprétation libérale, que contre le principe même de cette approche.
-
[9]
Rappelons que nous nous situons à un horizon suffisamment long pour que l’indexation des salaires sur les prix soit unitaire.
-
[10]
Sur le plan comptable, on passe d’un concept à l’autre, sous condition d’une productivité apparente du capital constante. L’argument avancée est souvent empirique : face aux difficultés souvent insurmontables d’évaluation du stock de capital, la connaissance de la variation des capacités de production, à travers les enquêtes périodiques auprès des chefs d’entreprise, est aujourd’hui bien établie. Le présent article tend à donner à ce choix un statut théorique plus explicite.
-
[11]
Johansen (1972) en relève 12 sources différentes, généralisant par là-même les enseignements
des fonctions à génération de capital. -
[12]
Toutefois, ces auteurs ont recours pour leur démonstration à une fonction de production substituable, alors que dans une période intra-décennale, il nous paraît plus adéquat de passer par le truchement d’une fonction d’accumulation.
-
[13]
Une forme plus élaborée a été proposée dans Maurice et Taddéi (1997), sans que cela change substantiellement les résultats qui suivent.
-
[14]
Plus précisément, il s’agit ici d’un « super-multiplicateur » à la Hicks, qui additionne les propensions marginales à consommer et à investir. En fait, la spécification de notre bloc de demande n’a guère d’importance, puisque nous faisons droit à l’argument de « long terme » de Friedman.
-
[15]
En outre, le faible nombre de cas de variation de sens contraire entre TU et U suggère que la courbe ENI s’est peu déplacée, du moins par rapport à la courbe « technologique », reflétant le rapport entre la production de plein emploi et celle de pleine capacité. À son tour, ce faible déplacement relatif de la courbe ENI renvoie à une certaine constance des paramètres ? et ?,c’est-à-dire de la structure des marchés des biens et services d’une part, et du travail, d’autre part.
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[16]
La nature de ce minimum varie, suivant les théories : il est psycho-physiologique, dans la tradition ricardo-marxienne ; il est institutionnel, dans une majorité de pays de nos jours ; sinon, il peut correspondre à un « salaire de réservation », correspondant à un arbitrage entre revenus et loisirs de la part des salariés.
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[17]
Il ne fait guère de doute qu’un taux de l’ordre de 10 % entre dans cette problématique : ainsi, la récente reprise de l’investissement dans la zone euro n’augmente guère les salaires réels au-delà des gains de productivité, mais peut réduire, en se consolidant, le chômage structurel.
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[18]
Pour diverses raisons dont, certainement, la faiblesse du « policy-mix » et en particulier le niveau très élevé où se sont longtemps situés les taux d’intérêt réels.
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[19]
La réduction du temps de travail qui ne s’accompagnerait pas d’une réorganisation susceptible d’augmenter ou, au moins, de maintenir, les capacités de production, devrait être rangée dans cette catégorie. Mais nous n’en connaissons pas d’exemple, qu’on pense au temps partiel ou à la réduction de l’horaire collectif, et pour ce dernier, à un processus conventionnel ou législatif.
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[20]
Contre un minimum de 46 heures au début des années 1980, selon Actualité, la Revue de l’UIMM, avril 2000. Autrement dit, les capacités de production industrielle de la France se trouvent augmentées globalement d’un septième, sans investissement supplémentaire !
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[1]
Voir définition en annexe III.
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[2]
Voir définition en annexe IV.
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[*]
Néo-cambridgien : par référence à la définition du long terme par Marshall A. et à l’insistance mise sur le rôle de l’accumulation du capital par les auteurs tels que Kaldor N. et J. Robinson, les uns et les autres rattachés à Cambridge (Royaume-Uni).
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[**]
Le modèle ignore la contribution que les dépenses publiques apportent à la production
et/ou à la croissance endogène.