Notes
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[*]
Cette prévision a été réalisée à l’aide du modèle trimestriel de l’économie française, e-mod.fr, par une équipe composée de Valérie Chauvin, Gaël Dupont, Éric Heyer et Mathieu Plane. L’indicateur avancé est réalisé par Éric Heyer et Hervé Péléraux. La prévision tient compte des informations disponibles à la fin septembre 2002 et intègre les comptes nationaux trimestriels de septembre 2002, à savoir le compte emplois-ressources jusqu’au deuxième trimestre 2002 et les comptes d’agents jusqu’au premier trimestre 2002. La prévision et le modèle reposent sur les données et les concepts de la comptabilité nationale base 95 dans le cadre du SEC95. Le modèle est estimé sur la période 1978-2000.
-
[1]
Entre 1997 et 2000, la hausse des prix cumulée s’élève à 4,2 % pour la France contre 5,3 % en Allemagne, 8,2 % en Italie et 7,7 % dans la zone euro.
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[2]
La vigueur de la consommation française tranche avec l’atonie des dépenses des ménages dans de nombreux pays européens, en particulier en Allemagne et en Italie.
-
[3]
Selon l’INSEE, ce chiffrage est fragile du fait de la correction pour les jours ouvrables difficile à appréhender en juillet et août.
-
[4]
Ce déstockage s’explique à hauteur de 0,3 point par la livraison de bâtiments dans le secteur de la construction navale et aéronautique. Mais les autres secteurs auraient continué à déstocker.
-
[5]
Voir Dupont G., H. Sterdyniak et X. Timbeau (2002), « Quelle stratégie économique pour la France ? », Lettre de l’OFCE, n° 219, mars 2002 ; et Creel J. et alii (2002), « Le pécheur non repenti », Lettre de l’OFCE, n° 224, octobre 2002.
-
[6]
Le gouvernement précédent prévoyait une hausse du pouvoir d’achat de la PPE de 50 % pour tous les bénéficiaires en 2003. Cette augmentation est maintenue pour les Smicards à mi-temps (PPE de 322 euros) ; mais la PPE des Smicards à plein temps n’augmentera que de 3 % en pouvoir d’achat (PPE de 443 euros).
1 Durant la période 1997-2000, la France a connu une très forte croissance avec un taux moyen de 3,6 % par an, soit 0,7 point au-dessus de la croissance enregistrée dans la zone euro (graphique 1 et tableau 1). En 2001, la progression du pouvoir d’achat des ménages, dans un contexte de ralentissement généralisé, a permis à l’économie française de mieux résister que les États-Unis et ses principaux partenaires européens, notamment l’Allemagne et l’Italie avec une croissance de 1,8 % en moyenne contre 1,5 % chez nos partenaires européens.
2 Pour 2002 et 2003, l’économie française progresserait de manière modérée, à des rythmes très proches de ceux anticipés dans la zone euro : la croissance dans l’hexagone serait, en rythme annuel, de 0,9 % en 2002 et 1,8 % en 2003.
Croissance du PIB en France et dans la zone euro
Croissance du PIB en France et dans la zone euro
Contribution à la croissance du PIB
Contribution à la croissance du PIB
Un changement de cap…
3 Le scénario retenu s’écarte sensiblement de celui décrit au printemps dernier. Nous faisions alors l’hypothèse d’une reprise amorcée par un ralentissement du déstockage au premier semestre 2002. La reprise de l’économie mondiale à la mi-2002, associée à l’assainissement des comptes des entreprises, devait permettre une reprise de l’investissement qui aurait retrouvé son rôle moteur dès le deuxième semestre 2002. En 2003, la poursuite de cette tendance aurait permis à la croissance d’atteindre un rythme annuel proche des 3 %, croissance toujours légèrement supérieure à celle de la zone euro (tableau 2).
Résumé des prévisions
Résumé des prévisions
… dû à une révision des comptes trimestriels…
4 La première explication de notre révision de croissance réside dans un changement de point de départ. Dans la dernière version des comptes trimestriels, l’INSEE a révisé la croissance pour les deux dernières années : alors que celle de 2000 a été une fois encore révisée à la hausse (4,2 % au lieu de 3,6 %), celle de 2001 l’a été à la baisse (1,8 % contre 2 % initialement annoncée).
5 Comme l’indique le tableau 3, cette modification des comptes ampute de 0,3 point notre prévision de croissance 2002 faite au printemps et explique la moitié de notre révision. L’acquis de croissance à la fin d’année 2001 serait de – 0,15 %, et non de 0,2 % comme l’INSEE l’indiquait à cette époque. À scénario inchangé i.e. avec une reprise de l’économie dès le second semestre, la croissance en 2002 serait de 1,2 %.
6 La bonne résistance de l’investissement des entreprises en 2001 est surprenante et conduit à apporter une deuxième explication à la révision de notre scénario.
Révisions des prévisions
Révisions des prévisions
… à une analyse différente du comportement des entreprises…
7 Alors qu’à partir de 2001, les entreprises américaines, allemandes ont entrepris une correction drastique de leur taux d’investissement, celui des sociétés françaises est resté stable à des niveaux élevés (graphique 2). Dans le même temps, le taux d’utilisation des capacités de production en France s’est maintenu à un niveau supérieur à celui rencontré chez nos partenaires (graphique 3).
Taux d’investissement
Taux d’investissement
Taux d’utilisation des capacités de production
Taux d’utilisation des capacités de production
8 La conjonction de ces deux phénomènes pouvait laisser penser que l’économie française était plus contrainte que les autres par ses capacités de production, limitant alors la correction de l’investissement à l’horizon de notre prévision.
9 Cette spécificité semble difficile à expliquer. Les principaux déterminants de l’investissement jouent dans le sens d’une correction plus forte. Ce maintien du taux d’investissement est en décalage avec le moindre recours des entreprises aux crédits, le ralentissement des émissions d’actions et surtout les variations de la demande dont les perspectives à l’échelle mondiale demeurent toujours faibles (graphique 4).
Investissement productif et demande
Investissement productif et demande
La demande est la somme de la consommation des ménages et des exportations.10 Par ailleurs, l’arrêt du déstockage, attendu en France au premier semestre 2002 et suggéré par les enquêtes qualitatives, n’apparaît pas dans les comptes trimestriels alors qu’il s’est produit aux États-Unis, en Allemagne et en Italie, pays dans lesquels la correction de l’investissement a été forte.
11 Cette particularité des entreprises françaises — taux d’investissement et destockage plus fort que chez ses partenaires — n’en est peut-être pas une : en l’absence d’indicateurs conjoncturels quantitatifs, le ralentissement de la formation brute de capital (variations de stocks et investissement) a pu être attribué par erreur aux variations de stocks plutôt qu’à l’investissement, ce qui explique le niveau élevé du taux d’investissement productif français relativement à la demande (graphique 5).
Investissement augmenté et demande
Investissement augmenté et demande
12 Il est possible alors qu’une partie de l’ajustement des capacités ait déjà eu lieu — c’est du moins ce que nous indique notre modèle économétrique — atténuant par ailleurs l’impact du déstockage en 2001.
13 Cette révision de l’analyse du comportement passé des entreprises modifie le diagnostic sur l’économie française en 2002. En diminuant davantage leurs investissements, les entreprises devront réduire plus longtemps leur activité et celle de leurs fournisseurs (effet multiplicateur). L’emploi sera affecté et par là-même le revenu des ménages, induisant un ralentissement de la consommation. L’activité se contractera, justifiant une réduction supplémentaire de l’investissement (effet d’accélérateur). Toutes les composantes de la demande, à l’exception de la dépense publique, seront ainsi ralenties en 2002 et 2003 (tableau 3).
… et à une dégradation des anticipations
14 Depuis le début de l’année 2002, une multiplication de signaux confirme que le point de retournement a été atteint à la fin 2001. Cependant, cette amélioration des indicateurs s’est brutalement interrompue, tant en Europe qu’aux États-Unis, donnant crédit à l’hypothèse d’un essoufflement de la reprise amorcée au premier semestre (graphique 6). Les incertitudes (tensions internationales, orientation de la politique économique, défiance vis-à-vis des entreprises…) sont devenues trop nombreuses et ne pourront être levées avant 2003. Selon l’indicateur avancé de l’OFCE, qui repose sur l’information contenue dans les enquêtes de conjoncture, le taux de croissance serait de 0,25 % au troisième trimestre et de 0,45 % au quatrième. La situation présente conduit à anticiper un retour à la croissance potentielle seulement après 2003.
IPI et perspectives personnelles de production
IPI et perspectives personnelles de production
La fin de la spécificité française
15 De 1997 à 2000, sur les quatre années cumulées, la France a enregistré la plus faible inflation des grands pays d’Europe [1], la plus forte croissance et le plus important excédent de la balance des paiements. Ce meilleur résultat de l’économie française s’explique essentiellement par des facteurs internes et pour beaucoup par les bonnes performances enregistrées sur le marché du travail. Celles-ci sont à l’origine de l’évolution favorable des revenus qui a permis aux ménages à la fois de maintenir un rythme de consommation sensiblement supérieur à celui de leurs homologues européens [2] tout en augmentant leur taux d’épargne (tableau 4).
PIB et demande intérieure
PIB et demande intérieure
16 Durant cette période, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages a crû à des rythmes proches ou supérieurs à 3 %. Cette évolution était en ligne avec la croissance enregistrée en 1998 et 1999. Par la suite, elle a résulté d’un partage des revenus nettement en faveur des ménages, au détriment des entreprises (graphique 7).
Revenu disponible en France
Revenu disponible en France
17 Le maintien d’une telle évolution n’est pas soutenable à terme et ce tout particulièrement lorsque les perspectives de croissance rapide s’éloignent. Dans un tel contexte, les entreprises cherchent à restaurer leur taux de marge, qui se situe actuellement à un des plus bas niveaux depuis vingt ans, en différant leurs investissements et en comprimant les coûts salariaux.
18 À cet égard, même si pour l’heure il résiste, l’emploi commence à s’ajuster (graphique 8). L’écart de créations d’emplois entre la France et ses principaux partenaires européens s’estompe sous l’effet conjugué du ralentissement de l’activité et de l’épuisement des effets des politiques spécifiques d’emploi (35 heures, emplois jeunes) ainsi qu’un moindre recours aux contrats emploi-solidarité. Le taux de croissance de l’emploi français, qui était, au deuxième trimestre 2001, supérieur de un point à la moyenne de l’UE, converge progressivement vers elle. En 2003, la France devrait retrouver les mêmes évolutions de croissance et d’emplois que la moyenne de l’Union européenne.
Ecart de croissance des créations d’emplois entre la France et la moyenne de l’UE
Ecart de croissance des créations d’emplois entre la France et la moyenne de l’UE
19 La hausse du chômage devrait se poursuivre et atteindre 9,4 % en la fin 2003, menaçant le principal moteur de la croissance en France, la consommation.
20 Pour la première fois depuis quatre ans, l’inflation en Allemagne est repassée en 2002 sous l’inflation française. En août, le glissement annuel de l’indice des prix harmonisés était de 1,8 % en France contre 1,0 % en Allemagne, celui de l’indice sous-jacent hors énergie et alimentation de 2,1 % et 1,4 %.
21 Le rythme de croissance annuel de la consommation devrait ralentir sensiblement en 2002 et 2003 par rapport aux cinq dernières années (1,6 % contre 3,2 %) et ceci malgré les mesures de réduction d’impôt prises par le gouvernement et une baisse de 0,5 point du taux d’épargne des ménages.
D’une contrainte à l’autre
22 La situation actuelle est proche de celle rencontrée au cours de la première moitié des années 1990. À cette époque, le faible taux de croissance fut en grande partie le résultat d’une politique économique peu accommodante donnant la priorité à la désinflation compétitive, au marché et à la monnaie unique.
23 Les nouvelles règles du jeu de la politique économique en Europe lient la politique monétaire à la conjoncture de l’ensemble de la zone euro et réduisent les marges de manœuvre de la politique budgétaire, même en cas de ralentissement conjoncturel. Une réduction rapide des déficits ne paraît pas adaptée à la situation économique française : la réduction du chômage suppose que le rythme de croissance soit supérieur à son potentiel de long terme.
24 En 2002, la baisse de 0,5 point de PIB du taux de prélèvements obligatoires permet à la politique budgétaire d’être expansionniste, ce qui, compte tenu du ralentissement économique, détériore fortement les comptes publics. La loi de finances pour 2002 prévoyait que le déficit des administrations se stabiliserait à 1,4 % du PIB cette année. Il sera finalement de l’ordre de 2,6 % du PIB. L’essentiel de la différence (0,8 point de PIB) s’explique par l’écart de croissance : le PIB devrait croître de 0,9 % en 2002 contre 2,5 % prévus en loi de finances initiale pour 2002.
25 En 2003, la politique budgétaire devient légèrement restrictive : la volonté de ne pas dépasser 3 % de déficit public limite les marges de manœuvre du gouvernement. Les dépenses publiques ralentiraient à 1,7 % de croissance en volume et les prélèvements obligatoires seraient réduits de 0,2 point de PIB. Le déficit budgétaire français atteindrait 2,9 %. L’écart avec la prévision de déficit du gouvernement s’explique par la différence de diagnostic, ce dernier prévoyant une croissance de 2,5 % en 2003. Malgré la politique rigoureuse annoncée par le gouvernement français, la Commission européenne critique ouvertement l’absence de redressement rapide des comptes publics. Elle aurait souhaité une politique plus franche de réduction des déficits, à l’image de ce qui est prévu en Allemagne. En cas de récession, le seuil de 3 % de déficit sera franchi. Pourtant, si une politique de redressement était suivie dans l’ensemble des grandes économies européennes, cela détériorerait encore plus une conjoncture économique incertaine. La France et l’Europe auraient plutôt besoin de politiques de soutien, à l’image de la politique budgétaire américaine.
1. La croissance française selon l’indicateur avancé
L’équation économétrique est d’abord constituée des enquêtes de conjoncture dans l’industrie et les services. Traditionnellement, le climat de confiance dans l’industrie constitue le socle des indicateurs avancés d’activité, mais la prise en compte de l’enquête services constitue une innovation. En effet, jusqu’à présent, l’usage de cette enquête, lancée par l’INSEE en 1987, était contraint par la longueur insuffisante des séries. Cinq questions de cette enquête portant sur l’activité dans les services ont été retenues [*]. Comme pour l’industrie, l’information contenue dans les soldes d’opinion est résumée par une analyse en composantes principales dont on ne retient que le premier facteur. En plus du facteur industrie, le facteur de l’enquête services apporte une information originale sur l’activité à court terme (tableau). L’enquête services capte ici de manière avancée les inflexions du taux de croissance du PIB, tandis que le facteur industrie, qui intervient en variation, explique ses mouvements de manière coïncidente. Les autres variables introduites sont traditionnelles : le taux de change de l’euro contre le dollar et l’écart entre les taux courts et les taux longs expliquent le taux de croissance du PIB avec une avance de deux trimestres. Deux variables muettes sont nécessaires, le modèle ne retraçant notamment pas le recul du PIB du quatrième trimestre 2001 lié aux attentats.
Estimation de l’équation
Estimation de l’équation
Selon cet indicateur, le taux de croissance serait ainsi de 0,25 % au troisième trimestre et de 0,45 % au quatrième.
Le taux de croissance du PIB observé et estimé
Le taux de croissance du PIB observé et estimé
Ménages : le revers de la médaille
26 De 1998 à 2001, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages a crû à des rythmes proches ou supérieurs à 3 % (tableau 5). Cette évolution était cohérente avec la croissance en 1998 et 1999. Par la suite, elle a résulté d’un partage de la valeur ajoutée nettement en faveur des ménages, au détriment des entreprises (graphique 21). Une telle évolution n’est pas soutenable à long terme. À l’horizon de notre prévision, la diminution de la part du RDB dans le PIB se conjuguerait au ralentissement de l’activité pour affaiblir la croissance du pouvoir d’achat des ménages.
27 Les postes du revenu qui ralentiraient le plus sont les revenus d’activité : la masse salariale pâtirait de la modération salariale et des ajustements à la baisse de l’emploi. Le pouvoir d’achat du revenu des entrepreneurs individuels, généralement plus sensible que l’ensemble de l’économie aux variations de la croissance, baisserait.
28 Les revenus de la propriété et de l’entreprise marqueraient le pas en 2002 mais repartiraient mollement au cours de 2003, en lien avec la stabilisation des marchés boursiers. Leur croissance resterait bien en deçà des évolutions observées depuis le début des années 1990 (plus de 8 % en pouvoir d’achat en rythme moyen annualisé).
Croissance du revenu réel des ménages
Croissance du revenu réel des ménages
29 En 2002, le revenu des ménages a bénéficié de la politique budgétaire favorable. Les prélèvements obligatoires pesant sur le RDB ralentiraient sensiblement de 1,5 % de croissance en 2000 à 0,5 % en 2002. Les prestations sociales seraient dynamiques en 2002 puis ralentiraient en 2003, mais moins que le RDB. Au total, la contribution de ces deux postes à la croissance du pouvoir d’achat serait, après 0,3 % en 2001, de 0,9 % en 2002 et de 0,5 % en 2003.
Des ménages encore prudents
30 Depuis 2000, le dynamisme exceptionnel du pouvoir d’achat de leur revenu disponible a permis aux ménages français à la fois de maintenir un rythme de consommation sensiblement supérieur à celui de leurs homologues européens et d’augmenter leur taux d’épargne. Ce comportement est relativement bien expliqué par l’équation de consommation simple que nous avons retenue dans le modèle. Cependant, depuis le quatrième trimestre 2001, il semble que la consommation, tout comme l’investissement en logements des ménages sont nettement plus faibles que ce qui est modélisé : les incertitudes pesant sur les orientations de politique économique (compte tenu notamment du Pacte de stabilité), la chute des marchés financiers (via un éventuel effet richesse, mais surtout en contribuant à la dégradation du climat de confiance général) ont pu inciter les ménages à la prudence dans leur comportement de dépense.
31 À l’horizon de la prévision, nous avons maintenu cette défiance : le taux d’épargne ne baisserait que légèrement, de 17 % au quatrième trimestre 2001 à 16,5 % à la fin 2003. La baisse enregistrée au premier trimestre 2002 à 16,5 % est en effet due à une accélération ponctuelle des prix et des impôts. Le taux d’épargne resterait à des niveaux élevés (graphique 9). L’investissement en logement cesserait de diminuer, du fait du dynamisme passager des crédits à l’habitat, mais resterait atone : le taux d’investissement en logement des ménages se stabiliserait.
Taux d’épargne des ménages
Taux d’épargne des ménages
Salaires et prix se rangeraient
32 Malgré l’impact plutôt modérateur des prix du baril de pétrole et de ceux de l’alimentation en 2002, les prix à la consommation n’ont pas pu ralentir autant qu’en Allemagne du fait de la progression rapide des coûts salariaux. En août le glissement annuel de l’indice des prix harmonisés était de 1,8 % en France contre 1,0 % en Allemagne, celui de l’indice sous-jacent hors énergie et alimentation de 2,1 et 1,4 %.
33 Après une forte baisse à la fin 2001, le prix du baril de pétrole exprimé en euros a connu un pic en avril puis est remonté après l’été. Au total, les prix de l’énergie ont diminué sur un an de septembre à septembre. A l’horizon de la prévision, ils se stabiliseraient au niveau atteint à la fin septembre.
34 Les prix de l’alimentation ont fortement décéléré depuis février et leur progression, proche de 1,5 % l’an, est maintenant en ligne avec les évolutions historiques. Ils resteraient cependant élevés par rapport au niveau général des prix, après leur emballement de 2000 et 2001. Le relèvement des accises sur le tabac contribuerait pour 0,15 % à la hausse de l’indice des prix global de janvier.
35 L’inflation sous-jacente (progression des prix à la consommation hors postes volatils, i.e. l’énergie, l’alimentation et le tabac) a accéléré au cours de la première moitié de 2002, mais s’est stabilisée à environ 2 % à l’automne. Le passage à l’euro a créé une marche sur le niveau des prix à la consommation.
36 L’accélération de l’inflation sous-jacente jusqu’à la mi-2002 a été impulsée par les coûts salariaux, sous le coup de faibles gains de productivité et de salaires individuels extrêmement dynamiques. Après un an de ralentissement économique, le salaire horaire nominal progressait encore de 4,3 % en glissement annuel au quatrième trimestre 2001, soit une hausse du pouvoir d’achat de 2,8 %. Le salaire horaire nominal ralentirait à 3,0 % en 2002 et 2,7 % en 2003.
37 À l’été 2002, les prix des produits manufacturés, tout en progressant encore, ont ralenti et ceux des services ont cessé d’accélérer. Par ailleurs, la progression des loyers a accéléré mais reste modérée, puisqu’elle est peu supérieure à l’inflation globale. A l’horizon de la prévision, la réduction de la croissance des coûts salariaux et l’effet de la légère appréciation de l’euro face au dollar induiraient le ralentissement de l’inflation sous-jacente, en pesant à la fois sur les prix des produits manufacturés et ceux des services. La stabilisation des cours internationaux du pétrole, même au niveau élevé qu’ils ont atteint, ne mettrait pas en cause cette évolution. Les prix à la consommation ralentiraient progressivement au cours de 2003, pour atteindre une croissance annualisée de 1,6 %. Leur croissance de décembre à décembre serait de 1,9 % en 2002 et 1,9 % en 2003, du fait de la hausse des prix du tabac au début 2003.
Emploi : noir c’est noir…
38 Conjointement au ralentissement de la croissance française, l’année 2001 fut celle du retournement du marché du travail. Le taux de chômage a augmenté à partir de juillet 2001. En 2002 et 2003, l’emploi pâtirait de la conjonction de plusieurs éléments : faible croissance, retour de gains de productivité du travail dans les entreprises et épuisement des effets des politiques de l’emploi. Après avoir créé 366 000 emplois au cours de l’année 2001, l’économie française devrait connaître une augmentation de ses effectifs employés d’à peine 44 000 en 2002 et une baisse de 10 000 en 2003. Le taux de chômage atteindrait 9,2 % fin 2002 et 9,4 % fin 2003.
39 Au cours du premier semestre 2001, les créations d’emploi sont restées nombreuses (238 000). La dégradation de la conjoncture économique a commencé à avoir des effets sur l’emploi seulement à partir du troisième trimestre 2001, ce qui s’est traduit par une remontée du taux de chômage. La productivité apparente du travail des salariés du secteur marchand s’est dégradée en 2001 (– 1,0 %), permettant la création de 267 000 postes dans ce secteur au cours de l’année (graphique 10).
Valeur ajoutée, emploi et productivité du travail dans le secteur marchand
Valeur ajoutée, emploi et productivité du travail dans le secteur marchand
40 Cela s’explique par le cycle de productivité : en période de ralentissement, les entrepreneurs n’ajustent pas immédiatement leurs effectifs aux besoins de la production mais préfèrent, dans un premier temps, diminuer le degré d’utilisation du travail. Ce cycle de productivité a été amplifié par les 35 heures et la modulation du temps de travail. L’annualisation des heures de travail, en particulier dans l’industrie, permet de gagner en flexibilité horaire. En période de creux conjoncturel, ces entreprises vont diminuer le nombre d’heures hebdomadaires de travail en attendant la reprise de l’activité. C’est seulement si le ralentissement s’avère durable que ces entreprises vont avoir recours aux licenciements.
41 La loi de modernisation sociale peut être également un facteur explicatif au maintien de l’emploi et à la faiblesse de la productivité. Cependant, aujourd’hui, pour rétablir la productivité, le licenciement est la seule variable d’ajustement qui reste aux entreprises.
42 À partir du troisième trimestre 2002, le retour à des gains de productivité positifs va avoir des effets négatifs sur l’emploi marchand. Après un troisième trimestre 2002 où l’emploi marchand devrait chuter fortement (– 22 000), le rythme trimestriel des créations d’emploi serait quasiment nul à l’horizon de notre prévision.
43 Les mesures générales d’aide à l’emploi, qui ont déjà produit l’essentiel de leurs effets, ne viendront pas contrecarrer la dégradation du marché du travail. Le passage aux 35 heures de nouvelles entreprises en 2001 a été limité. Les créations d’emplois, liées à la réduction du temps de travail, n’ont été, selon la DARES que de 60 000 en 2001, après 155 000 en 2000. Depuis le 1er janvier 2002, la durée légale du travail dans les entreprises de 20 salariés ou moins est de 35 heures. La DARES estime que la RTT a créé 10 000 emplois le premier trimestre 2002. Jusqu’à la fin 2003, les nouvelles créations d’emplois, liées au passage aux 35 heures seraient marginales.
44 Les politiques spécifiques de soutien à l’emploi ont connu un fort recul en 2001. Le nombre de bénéficiaires d’emplois aidés (marchands et non marchands) a diminué de 42 000 entre fin 2000 et fin 2001, soit – 6,3 %, contre – 1,9 % l’année précédente. Outre la baisse tendancielle des CES (– 19,1 % sur un an), la baisse des emplois aidés non marchands en 2001 découle du moindre dynamisme des emplois jeunes (+ 4,4 % en 2001 contre 17,5 % l’année précédente). Le stock d’emplois aidés non marchands devrait rester quasiment stable en 2002 et se réduire de plus de 13 % en 2003 (tableau 6).
Emploi et chômage
Emploi et chômage
45 La mise en place du contrat jeunes en entreprise est une première mesure de la politique sociale du gouvernement. En apportant un soutien correspondant au montant de la totalité des charges patronales jusqu’à 1,3 Smic les deux premières années et de 50 % de ce montant la troisième, cette mesure devrait permettre de limiter l’augmentation du chômage des jeunes. Cependant, cette mesure ciblée aurait, par un effet de substitution à l’embauche, une conséquence négative sur les autres catégories de chômeurs. Au total, son effet serait marginal sur les créations nettes d’emplois.
46 Les services restent structurellement le secteur le plus dynamique et représente près de 65 % de l’emploi salarié marchand. Même s’il y a un net ralentissement du rythme de croissance de l’emploi dans le tertiaire, ce secteur devrait continuer à créer 130 000 postes en 2002 et 95 000 en 2003.
47 L’industrie au sens large n’a créé que 30 000 emplois en 2001 dont la totalité provient du secteur du bâtiment et des travaux publics. À partir du second semestre 2001, l’industrie a détruit des emplois et la tendance devrait se prolonger jusqu’à la fin 2003. De début 2002 à fin 2003, l’industrie connaîtrait une diminution de ses effectifs salariés de 160 000 (graphique 11).
Variations de l’ emploi par secteur
Variations de l’ emploi par secteur
48 Après la baisse de l’emploi intérimaire de janvier à octobre 2001 (– 110 000 emplois), une reprise du recours aux intérimaires dans les entreprises s’était engagée (+ 77 000 d’octobre 2001 à juin 2002) (graphique 12). Or, en juillet 2002, la forte chute de la production dans l’industrie [3] (– 1,0 %), principal recruteur des intérimaires, a entraîné dans son sillage ce type d’emploi. En juillet 2002, le nombre d’intérimaires a reculé de 5,6 % s’établissant à 644 000.
Emploi intérimaire
Emploi intérimaire
49 La richesse de la croissance française en emplois a permis de lutter efficacement contre le chômage (– 3,6 points de mi-1997 à avril 2001) mais aussi de soutenir la demande intérieure en période de ralentissement. L’efficacité des politiques publiques de soutien à l’emploi (réduction du temps de travail, emplois jeunes, CES…) a contribué activement au dynamisme du marché du travail. Le taux de croissance de l’emploi français, qui était, au deuxième trimestre 2001, supérieur d’un point à la moyenne de l’UE (graphique 13), converge progressivement vers la moyenne (au deuxième trimestre 2002, l’écart de croissance de l’emploi n’est plus que 0,5 point). En 2003, la France devrait être rattrapée par le peloton et retrouver les mêmes évolutions de croissance et d’emploi que la moyenne de l’UE, ce qui laisse présager la fin de l’échappée : la hausse du chômage devrait se poursuivre et atteindre 9,4 % en la fin 2003.
50 Depuis le mois de mai 2001, le nombre de demandeurs d’emplois en fin de mois de catégorie 1 inscrits à l’ANPE augmente (+ 197 000 de mai 2001 à juillet 2002) (graphique 14). Cette remontée du nombre de DEFM est ciblée. D’une part, près de 80 % de la hausse des effectifs de chômeurs concerne les DEFM masculins. D’autre part, la remontée du chômage se fait surtout au détriment des plus jeunes. Alors que l’ensemble des DEFM1 a crû de 9,5 %, le nombre de chômeurs de moins de 25 ans a augmenté de 13,9 % (23,2 % pour les seuls hommes de moins de 25 ans) contre 8,9 % pour les 25-49 ans et 7,1 % pour les plus de 50 ans.
Variations de l’ emploi dans différents pays
Variations de l’ emploi dans différents pays
DEFM1 totaux et par sexe
DEFM1 totaux et par sexe
Entreprise attend reprise
Pas de tensions sur les capacités de production…
51 Depuis le début 2001, le comportement des entreprises françaises se distingue de celui de leurs homologues européennes et américaines.
52 Premièrement, l’investissement des sociétés non financières françaises a continué à croître à un rythme supérieur à ceux rencontrés chez nos principaux partenaires. Alors qu’à partir de 2001, les entreprises américaines, allemandes et italiennes ont entrepris une correction drastique de leur taux d’investissement productif, celui des sociétés françaises est resté stable à des niveaux élevés (graphique 15). Cette résistance de l’investissement des entreprises hexagonales ces derniers trimestres est pourtant en décalage avec l’évolution des déterminants traditionnels de l’investissement. Le moindre recours des entreprises au crédit, le ralentissement des émissions d’actions et surtout les variations de la demande dont les perspectives à l’échelle mondiale demeurent toujours faibles jouent dans le sens d’une correction plus forte.
53 L’équation d’investissement retenue dans notre modèle économétrique rend compte de cet ajustement. Selon elle, le taux d’investissement se serait retourné depuis le second semestre 2001, en ligne avec le comportement observé chez nos principaux partenaires (graphique 15).
Taux d’investissement productif en France
Taux d’investissement productif en France
54 Deuxièmement, en 2001, les entreprises françaises ont brutalement réduit leurs stocks, ces derniers contribuant négativement à la croissance à hauteur de 1 point. Le ralentissement du déstockage, attendu en France au premier semestre 2002 et suggéré par les enquêtes qualitatives, n’apparaît pas dans les comptes trimestriels alors qu’il s’est produit aux États-Unis, en Allemagne et en Italie, pays dans lesquels la correction de l’investissement a été forte. Au contraire, la contribution des stocks à la croissance française au deuxième trimestre 2002 a été négative [4] (– 0,3 point).
55 En l’absence d’indicateurs conjoncturels quantitatifs, le ralentissement de la formation brute de capital (variations de stocks et investissement) a pu être attribué indûment aux variations de stocks plutôt qu’à l’investissement (cf. encadré 2). Cela entraînerait une surestimation du taux d’investissement productif français et conduirait à sous estimer la contribution des stocks au cours du premier semestre 2002.
56 L’évolution du taux d’investissement productif augmenté des variations de stocks efface la particularité des entreprises françaises qui auraient alors adopté un comportement en phase avec ses principaux partenaires et avec la conjoncture (graphique 16).
Taux d’investissement augmenté des stocks
Taux d’investissement augmenté des stocks
57 Il est dès lors possible, sans changer le taux de croissance du PIB observé depuis la mi-2001, de revisiter ses contributions. Pour cela, nous avons utilisé une clé de partage investissement-variations de stocks suggérée par notre modèle et différente de celle retenue par l’INSEE. D’après nos simulations, une partie de l’ajustement des capacités ont déjà eu lieu, notamment au cours du quatrième trimestre 2001 (graphique 17).
Taux de croissance de l’investissement productif
Taux de croissance de l’investissement productif
58 De la même manière, toujours selon notre modèle, le rythme de déstockage observé en fin d’année 2001 aurait été moins fort et son ralentissement en début d’année 2002 plus marqué (graphique 18). La reprise technique se serait bien produite au premier trimestre 2002, contribuant pour 0,4 % à la croissance (tableau 7).
Contribution de l’investissement et des variations de stocks à la croissance du PIB
Contribution de l’investissement et des variations de stocks à la croissance du PIB
Variations de stocks et enquêtes
Variations de stocks et enquêtes
59 Le niveau des stocks que nous avons recalculé est plus élevé que celui que nous indique la comptabilité nationale (graphique 19). Les marges de manœuvres sur la reprise des stocks pour les trimestres suivants seraient donc moins larges que prévues.
60 À l’horizon de notre prévision nous avons stabilisé le taux d’investissement augmenté des variations de stocks. Cette hypothèse, compte tenu de la croissance et de la productivité du capital envisagées, permet au taux d’utilisation des capacités de production d’arrêter de baisser et de se maintenir à un niveau proche de celui observé en 1996 (graphique 20). Il n’y aurait donc pas de contraintes de capacité d’ici 2003, limitant un rebond de l’économie par ce canal.
Niveau et variations des stocks
Niveau et variations des stocks
Taux d’investissement augmenté et taux d’utilisation des capacités de production
Taux d’investissement augmenté et taux d’utilisation des capacités de production
2. Le partage Investissement / Stocks dans les comptes trimestriels [*]
Pour construire les données trimestrielles, les comptables nationaux ont recours à des indicateurs quantitatifs qui permettent de définir le profil trimestriel des séries sur le passé et l’évolution de l’année en cours avant que l’on ne dispose des données des comptes annuels. Ils évaluent des relations sur le passé entre les données annuelles et l’indicateur (c’est l’étalonnage) et projettent cette relation pour l’année en cours.
Par ailleurs, les comptes trimestriels organisent ces données, parfois contradictoires, dans un cadre comptable cohérent. Ainsi, en comptabilité nationale, le PIB peut être calculé de trois manières différentes : à partir de la somme des valeurs ajoutées des différents secteurs, à partir de l’équilibre emploi-ressource, à partir des revenus salariaux et des profits. Il faut donc que les données trimestrielles vérifient ces trois égalités, compte tenu de l’information disponible.
Les comptables répartissent ensuite le PIB entre ses différentes composantes du compte emploi-ressource. Ils disposent d’indicateurs assez fiables de la consommation via les immatriculations, les informations de la CNAM pour la consommation médicale, des informations diffusées par le grand commerce, les professionnels du textile-cuir, les agences de voyage… Le commerce extérieur est estimé à partir des données des douanes, la consommation publique à partir des données de comptabilité publique (difficiles à rassembler quand elles concernent les administrations locales). L’incertitude la plus grande dans les versions préliminaires des comptes trimestriels, avant l’intégration des données annuelles, repose sur la séparation entre les stocks et l’investissement. Il existe en effet très peu d’informations conjoncturelles dans ce domaine, hormis les immatriculations de poids lourds (pour l’investissement en véhicules de transport). Aussi, les comptables tentent-ils d’utiliser des indicateurs de chiffres d’affaires en valeur dans le commerce de gros pour les équipements. Cet indicateur est fragile puisqu’il est en valeur (il faut donc le déflater par un indice de prix adéquat) et qu’il ne couvre qu’une partie de l’investissement.
… et une situation financière toujours dégradée
61 La situation financière des entreprises françaises s’est dégradée depuis le début de l’année 2001. Malgré la pression du ralentissement de l’activité, les entreprises ont maintenu un niveau d’emploi élevé, ce qui a largement dégradé la productivité du travail. Cette chute de la productivité ne s’est pas répercutée dans l’évolution des salaires, qui est restée dynamique. La forte hausse des coûts salariaux unitaires en 2001, non totalement répercutée dans les prix de valeur ajoutée, a eu pour effet de réduire le taux de marge des entreprises de 2 points au cours de l’année 2001 (graphique 21).
Taux d’autofinancement et taux de marge des sociétés non financières
Taux d’autofinancement et taux de marge des sociétés non financières
62 Cette déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur du travail et au détriment du capital a entraîné une dégradation importante du taux d’autofinancement des entreprises françaises (– 19 points entre la fin 2000 et la fin 2001) malgré une légère décroissance de l’investissement au cours de l’année 2001.
63 Au premier semestre 2002, les marges des entreprises se sont très légèrement redressées mais restent à des niveaux bas (38,1 % au deuxième trimestre 2002).
64 Avec le ralentissement de l’activité, les entreprises ont réduit leur recours aux crédits bancaires. La croissance des encours de crédits des sociétés non financières est passée de 11,2 % à la mi-2000 à 1,7 % au deuxième trimestre 2002 en glissement annuel (graphique 22). Le ralentissement des demandes de crédits a permis, depuis le deuxième trimestre 2001, de stabiliser le taux d’endettement bancaire des entreprises (encours de crédits / VA).
65 Les flux financiers au passif des sociétés non financières ont été élevés en 2001, même s’ils ont ralenti par rapport à 2000 (graphique 23). Seul le financement par émissions d’obligations a crû en 2001 (35,5 milliards d’émissions nettes contre 3,0 milliards en 2000) (graphique). Ce moyen de financement reste cependant faible surtout si l’on considère que plus de moitié des émissions d’obligations (53 %) ont été réalisées par France Telecom.
66 Parallèlement aux crédits, les entreprises ont diminué leur financement par émission d’actions (les émissions nettes d’actions sont passées de 120,2 milliards en 2000 à 86,8 milliards en 2001). L’arrêt brutal des opérations de fusions acquisitions et la chute des valorisations boursières expliquent largement cette baisse.
Taux d’endettement bancaire des sociétés non financières et croissance des encours de crédits
Taux d’endettement bancaire des sociétés non financières et croissance des encours de crédits
Flux financiers du passif des sociétés non financières
Flux financiers du passif des sociétés non financières
Commerce extérieur : un excédent mais…
67 En 2001, le solde des échanges de biens et services FAB-FAB a connu une nette progression en s’établissant à 25,1 milliards d’euros après 18,9 milliards en 2000 (graphique 24). Réalisé dans un contexte de fort ralentissement des échanges commerciaux, ce redressement du solde extérieur résulte d’un repli plus marqué des importations (0,6 % en 2001 contre 20,6 % en 2000) que des exportations (2,1 % contre 15,6 %), ces dernières étant dopées au premier semestre par des ventes exceptionnelles d’avions et de paquebots.
68 L’année 2002 s’apparente à 2001 : le solde de la balance commerciale devrait continuer à dégager un excédent confortable, supérieur à 30 milliards d’euros, dans un contexte d’échanges toujours dégradé. Mais si le premier trimestre 2002 a été prometteur, nous faisons l’hypothèse que le second semestre de cette année ressemblera davantage au deuxième trimestre 2002, reflétant les incertitudes de la croissance mondiale.
Solde extérieur des échanges de biens et services
Solde extérieur des échanges de biens et services
Des parts de marché déconnectées de la compétitivité-prix
69 En 2001, à la faveur de la faiblesse de la monnaie unique, la compétitivité-prix de l’économie française s’est maintenue à un niveau élevé (graphique 25). Malgré cela, la France a curieusement perdu des parts de marché en fin d’année 2001. De plus, les exportations françaises ont subi en 2001 le tassement du commerce mondial. Ce tassement est lié au ralentissement de l’économie américaine et à sa diffusion chez nos principaux partenaires. La faiblesse de leur demande intérieure et la crise agricole expliquent près de 70 % du repli des ventes de la France. Les exportations notamment vers l’Allemagne et l’Espagne ont fortement baissé en 2001.
70 À l’inverse, alors même que l’euro s’apprécie vis-à-vis du dollar, dégradant sa compétitivité-prix, l’économie française semble regagner au début de l’année 2002 le terrain perdu en 2001. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce maintien des parts de marché. D’une part, elles se sont améliorées en direction de nouvelles zones comme le Proche et le Moyen-Orient, l’Afrique, les pays de l’Est de l’Europe, de l’Afrique du Sud et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni. D’autre part, elle a bénéficié d’une bonne compétitivité hors-prix.
Évolution de la compétitivité-prix et des parts de marché en France
Évolution de la compétitivité-prix et des parts de marché en France
Légère reprise des échanges commerciaux en 2002 et 2003
71 Malgré une légère reprise dans la deuxième moitié de l’année 2002 (1 % en rythme trimestriel), le rythme de croissance de la demande étrangère adressée à la France se situera à un niveau proche de celui observé en 2001 (0,3 %). En 2003, elle reviendra sur le rythme observé en moyenne au cours des années 1990-95 (5,2 %).
72 Nous faisons par ailleurs l’hypothèse que l’euro continuera à s’apprécier en 2002 (1 dollar en fin d’année contre 0,89 fin 2001) et atteindra 1,05 dollar fin 2003. Malgré cette appréciation de la monnaie unique qui dégradera légèrement sa compétitivité-prix, les parts de marché de la France resteront stables.
73 Dans ces conditions, la croissance des exportations sera de 5,3 % en volume pour l’ensemble des biens et services en 2003 après un repli de 0,6 % en 2002. Les importations augmenteront de 5,4 % en 2003 après 0,3 % en 2002. La contribution du commerce extérieur à la croissance française restera très légèrement positive en 2002 et 2003 (moins de 0,1 point), reflétant le différentiel de croissance avec les États-Unis notamment.
Balance des paiements
74 La France conserve l’excédent du solde du compte de transactions courantes le plus élevé des pays du G7 après le Japon (l’Allemagne et l’Italie affichent des déficits). Celui-ci s’élève à 27,9 milliards d’euros soit 2 % du PIB en 2001 contre 21,9 milliards en 2000 et 34,8 milliards en 1999 (graphique 26)
Balance des transactions courantes
Balance des transactions courantes
75 Au cours du premier semestre 2002, l’excédent courant de la France continue à s’accroître et pourrait atteindre 3 % du PIB à la fin de l’année 2002. Cette amélioration vient d’une hausse des excédents des revenus et des services et de celui des biens.
76 En 2001, la France a mieux résisté que ses voisins à la chute des investissements directs étrangers (IDE) en provenance de l’étranger (graphique 27). Avec 558 décisions d’investissements, contre 563 en 2000, le nombre des projets est resté quasiment stable. Le montant des IDE en France a atteint 58,8 milliards d’euros en 2001 après 46,6 milliards en 2000. Cette hausse contraste avec les chutes sévères enregistrées dans les autres pays industriels, chutes dont l’ampleur moyenne atteint 56 % et rend compte d’une bonne attractivité de la France.
Investissements directs
Investissements directs
77 Mais ce résultat est masqué par les investissements directs français à l’étranger — 190,5 milliards d’euros en 2000 et 92,5 milliards en 2001 —, de sorte que les flux nets, souvent cités en référence, sont restés négatifs. Les résultats observés au cours du premier semestre semblent confirmer cette tendance pour l’année 2002. Sans amélioration du climat des affaires, le flux d’IDE continue sa contraction avec le montant des opérations de fusions-acquisitions.
Finances publiques : règlements de compte à la Commission…
78 L’année 2002 a été marquée par une politique budgétaire expansionniste qui, compte tenu du ralentissement économique, a fortement détérioré les comptes publics. La loi de finances pour 2002 prévoyait que le déficit des administrations se stabiliserait à 1,4 % du PIB cette année. Il sera finalement de l’ordre de 2,6 % du PIB. L’essentiel du creusement du déficit (0,8 point de PIB) s’explique par l’écart de croissance : le PIB devrait croître de 0,9 % en 2002 contre 2,5 % prévus en loi de finances initiales pour 2002.
79 L’année 2002 est marquée par une politique budgétaire expansionniste du fait de la baisse de 0,5 point de PIB du taux de prélèvements obligatoires. En 2003, la politique budgétaire devient légèrement restrictive : la volonté de ne pas dépasser 3 % de déficit public limite les marges de manœuvre du gouvernement. Les dépenses publiques ralentiraient à 1,7 % de croissance en volume et les prélèvements obligatoires seraient réduits de 0,2 point de PIB. Le déficit budgétaire français atteindrait 2,9 % (tableau 8). L’écart avec la prévision de déficit du gouvernement s’explique par la différence de diagnostic, ce dernier prévoyant une croissance de 2,5 % en 2003.
Résumé des prévisions des finances publiques
Résumé des prévisions des finances publiques
80 Malgré la politique rigoureuse annoncée par le gouvernement français, la Commission critique ouvertement l’absence de redressement rapide des comptes publics. Elle aurait souhaité une politique plus franche de réduction des déficits, à l’image de ce qui est prévu en Allemagne.
81 Compte tenu de la croissance, la part des dépenses publiques dans le PIB se stabiliserait. La dette des administrations publiques augmenterait en points de PIB pour la seconde année consécutive. Les prélèvements obligatoires seraient très légèrement réduits, pour atteindre 44,3 % du PIB.
82 Pour la première fois, la présentation du projet de loi de finances s’accompagne d’une perspective pluriannuelle de finances publiques. Le déficit se réduirait à l’horizon 2006 pour atteindre 0,5 % (respectivement 1 %) du PIB si la croissance atteint 3 % (respectivement 2,5 %) en 2004, 2005 et 2006. Ce programme confirme que les promesses électorales concernant les baisses de prélèvements obligatoires ne seront pas respectées. Même lorsque le déficit prévu pour 2002 était de 1,9 %, on savait qu’elles seraient extrêmement difficiles à tenir [5]. Malgré la déclaration de Romano Prodi, le 24 septembre 2002, acceptant que l’équilibre des comptes publics ne soit atteint qu’en 2006, la France ne respectera pas l’objectif de la Commission, ce qui lui a valu une sévère réprimande de la part de cette dernière deux jours plus tard. Pourtant, le programme pluriannuel prévoit une politique nettement restrictive puisque l’impulsion serait négative de 0,5 % si la croissance est de 2,5 % pendant trois ans et de 0,4 % si la croissance est de 3,0 %.
83 Après avoir subi un ralentissement très net en 2002 (+ 1,8 % en valeur), les recettes fiscales et sociales accélèrent en 2003 (+ 3,4 %) sous l’effet d’une accélération de l’activité, de la forte réduction des mesures de baisse d’impôts et d’une légère augmentation de l’élasticité des recettes fiscales au PIB (tableau 9).
Les recettes fiscales des administrations publiques
Les recettes fiscales des administrations publiques
84 En 2002, les baisses de prélèvements ont représenté 10,3 milliards d’euros, alors qu’en 2003, elles représenteraient 2,7 milliards (voir tableau 3). Les baisses de prélèvements annoncées par le gouvernement au moment de la présentation de la loi de finances pour 2003 privilégient les entreprises (– 2,73 milliards d’euros) sur les ménages (– 430 millions). Compte tenu de l’augmentation des cotisations Unedic, les prélèvements sur les ménages ne se réduiraient que de 260 millions. De même, si l’on prend en compte la hausse des cotisations patronales Unedic et le fait que les baisses de cotisations patronales bas salaires (800 millions) ne font que compenser en moyenne la hausse du Smic annoncée par le gouvernement, les charges sur les entreprises baissent effectivement de 1,6 milliards.
85 En 2002, la baisse de 5 % de l’impôt sur le revenu (IRPP) décidée par le nouveau gouvernement s’est ajoutée à la diminution de l’ensemble des taux du barème décidée par la précédente majorité. Si on ajoute l’augmentation de la prime pour l’emploi (PPE), ce sont 6,7 milliards d’euros dont ont bénéficié les ménages en 2002. Cela explique la faible augmentation de la taxation directe des revenus des ménages malgré la bonne tenue des recettes de CSG (+ 4,9 %). En 2003, la diminution de l’impôt sur le revenu se poursuit à un rythme très ralenti (1,1 milliards y compris l’augmentation de la PPE) puisque l’IRPP est réduit de 1 %. L’augmentation de la PPE de 50 % en 2003, prévue par l’ancien gouvernement, n’aura pas lieu [6]. Quelques mesures annexes en faveur des familles, d’un faible coût, complètent ce dispositif.
Principales mesures fiscales en 2002 et 2003
Principales mesures fiscales en 2002 et 2003
86 L‘Unedic avait prévu de réduire de 0,2 point les cotisations à l’assurance chômage au 1er juillet 2002. Devant la dégradation du marché du travail, c’est une hausse de 0,3 point qui a été effectuée : + 0,1 point pour les salariés et + 0,2 point pour les employeurs. Cela représente une augmentation des cotisations versées par les salariés de 350 millions en année pleine, le double pour les entreprises. Théoriquement, ces hausses sont temporaires, jusqu’au 31/12/2002. Devant la situation du marché de l’emploi, on a supposé qu’elles seraient prolongées.
87 Concernant les ménages, l’incertitude pèse sur le dispositif de TIPP flottante. La suppression de ce dispositif pourrait accroître les prélèvements sur les ménages d’un milliard d’euros en cas de hausse des cours du pétrole.
88 La fiscalité des entreprises a également été réduite en 2002 dans le cadre de plans pluriannuels de réduction de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (1,4 milliards en 2002) et de la taxe professionnelle (1,3 milliards). Du fait de l’étroitesse des marges de manœuvre en 2003, le gouvernement Raffarin a renoncé à la dernière étape de la suppression de la « surtaxe Juppé » mise en place en 1995 à un taux de 10 % (soit un taux d’impôt sur les sociétés de 36,67 % à l’époque). La surtaxe de 3 % sera donc maintenue et le taux normal de taxation des bénéfices restera à 34 1/3 % hors contribution sociale sur les bénéfices (soit 35,43 % au total). De même, le taux d’imposition réduit pour les PME, en deçà de 38 112 euros de bénéfices, créé en 2001 à 26,5 % et réduit en 2002 à 15,45 %, ne passera pas à 15 %, contrairement à ce qui était prévu dans le plan triennal du précédent gouvernement. En revanche, le gouvernement maintient la dernière étape de la réforme progressive de la taxe professionnelle (TP) : la suppression de la part salariale de l’assiette de la TP est étendue aux entreprises dont la masse salariale est supérieure à 500 millions d’euros.
89 Les entreprises ont également bénéficié en 2002 de 1,4 milliards de diminution de cotisations patronales, dans le cadre de la montée en charge de la réduction du temps de travail (RTT). Le nouveau gouvernement a profondément modifié l’application des 35 heures, notamment en augmentant la possibilité de recours aux heures supplémentaires. Parallèlement, les aides « Aubry » seront supprimées le 1er juillet 2003 et remplacées par une extension du dispositif « Juppé » de baisse des cotisations sociales sur les bas salaires. La réforme s’effectue par étapes en trois ans. En 2003, elle aboutit à une réduction des cotisations patronales de 800 millions. Les entreprises qui bénéficiaient des aides à la RTT verront leurs cotisations sociales augmenter, mais les entreprises qui n’avaient pas ces aides bénéficient d’une forte diminution des charges patronales. Pour un Smicard, les ristournes de cotisations patronales passeront de 18,2 % du salaire brut à 20,8 % le 1er juillet 2003 et 26 % à terme (à partir du 1er juillet 2005). Les ristournes, actuellement dégressives jusqu’à 1,3 Smic seront étendues jusqu’à 1,5 Smic à partir du 1er juillet 2003 et jusqu’à 1,7 Smic à terme.
90 En 2003, les dépenses publiques devraient croître de 1,7 % en volume, ce qui constituerait un ralentissement par rapport à 2002 (+ 2,3 % en volume) et par rapport à l’ensemble de la période 1997-2002, où la croissance moyenne en volume avait été de 2,2 % (tableau 11).
Principales dépenses des administrations publiques
Principales dépenses des administrations publiques
91 La masse salariale est un facteur important de ralentissement des dépenses publiques. Après avoir augmenté très fortement en 2000 et 2001, les emplois publics ralentissent en 2002 (respectivement 70 000, 90 000 et 40 000 créations de postes). En 2003, il n’y a plus de créations nettes : la création de 40 000 postes est compensée par la diminution de 40 000 emplois aidés (Contrats Emplois Solidarité, Emplois Jeunes…). Les emplois non aidés restent dynamiques en partie du fait de la poursuite des embauches liées au 35 heures.
92 Le pouvoir d’achat des salariés du secteur public augmenterait en moyenne de 1,0 % en 2003, après une croissance de 1,3 % en 2002, soit un rythme sensiblement équivalent à la croissance du pouvoir d’achat du salaire moyen marchand (+ 1,4 et + 1,0 % respectivement en 2002 et 2003).
93 Les prestations sociales devraient ralentir légèrement en 2003, tout en restant très dynamiques (+ 2,9 % en volume après + 3,6 % en 2002). Les dépenses de santé en particulier poursuivraient leur croissance dynamique à + 4,4 % en volume. La dégradation du marché de l’emploi pousserait à la hausse les prestations chômage qui augmenteraient de 3,3 % en volume l’année prochaine.
94 La FBCF accélérerait légèrement en 2003 et les charges d’intérêt augmenteraient de 1,2 milliards d’euros.
95 Achevé de rédiger le 8 octobre 2002
Résumé des prévisions pour l’économie française
Résumé des prévisions pour l’économie française
France. Ressources et emplois en biens et services, aux prix de 1995
France. Ressources et emplois en biens et services, aux prix de 1995
Prix de détail et taux de salaire horaire
Prix de détail et taux de salaire horaire
Effectifs salariés
Effectifs salariés
Eléments du compte des ménages
Eléments du compte des ménages
Commerce extérieur et parts de marché
Commerce extérieur et parts de marché
Taux d’intérêt et taux de change
Taux d’intérêt et taux de change
Notes
-
[*]
Cette prévision a été réalisée à l’aide du modèle trimestriel de l’économie française, e-mod.fr, par une équipe composée de Valérie Chauvin, Gaël Dupont, Éric Heyer et Mathieu Plane. L’indicateur avancé est réalisé par Éric Heyer et Hervé Péléraux. La prévision tient compte des informations disponibles à la fin septembre 2002 et intègre les comptes nationaux trimestriels de septembre 2002, à savoir le compte emplois-ressources jusqu’au deuxième trimestre 2002 et les comptes d’agents jusqu’au premier trimestre 2002. La prévision et le modèle reposent sur les données et les concepts de la comptabilité nationale base 95 dans le cadre du SEC95. Le modèle est estimé sur la période 1978-2000.
-
[1]
Entre 1997 et 2000, la hausse des prix cumulée s’élève à 4,2 % pour la France contre 5,3 % en Allemagne, 8,2 % en Italie et 7,7 % dans la zone euro.
-
[2]
La vigueur de la consommation française tranche avec l’atonie des dépenses des ménages dans de nombreux pays européens, en particulier en Allemagne et en Italie.
-
[3]
Selon l’INSEE, ce chiffrage est fragile du fait de la correction pour les jours ouvrables difficile à appréhender en juillet et août.
-
[4]
Ce déstockage s’explique à hauteur de 0,3 point par la livraison de bâtiments dans le secteur de la construction navale et aéronautique. Mais les autres secteurs auraient continué à déstocker.
-
[5]
Voir Dupont G., H. Sterdyniak et X. Timbeau (2002), « Quelle stratégie économique pour la France ? », Lettre de l’OFCE, n° 219, mars 2002 ; et Creel J. et alii (2002), « Le pécheur non repenti », Lettre de l’OFCE, n° 224, octobre 2002.
-
[6]
Le gouvernement précédent prévoyait une hausse du pouvoir d’achat de la PPE de 50 % pour tous les bénéficiaires en 2003. Cette augmentation est maintenue pour les Smicards à mi-temps (PPE de 322 euros) ; mais la PPE des Smicards à plein temps n’augmentera que de 3 % en pouvoir d’achat (PPE de 443 euros).