Notes
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[1]
Je souhaite remercier Philippe Van Kerm, Claude Berthomieu, Vincent Dautel, Enrica Chiappero-Martinetti, Sally Bould et deux rapporteurs anonymes pour leurs commentaires et suggestions ainsi que les participants à la conférence EPUNet 2006 et aux 10èmes rencontres euro-méditerranéennes pour leurs remarques concernant une version anglaise de cet article. Je conserve bien entendu la responsabilité des erreurs ou lacunes de cette contribution.
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[2]
Centre d’Etudes de Populations, de Pauvreté et de Politiques Socio-Economiques/International Networks for Studies in Technology, Environment, Alternatives, Development (CEPS/INSTEAD), B.P. 48, L-4501 Differdange, Luxembourg. E-mail : alessio. fusco@ ceps. lu
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[3]
“Capabilities, in turn, should not be seen as a means towards achieving the ends of well-being, for capabilities are the constituents of well-being – they are the ends!”
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[4]
Cette distinction entre approche directe et indirecte de la pauvreté n’épuise pas toutes les possibilités de définition de ce concept. Ainsi, à côté de l’espace informationnel des ressources (approche monétaire de la pauvreté) et de celui des fonctionnements (approche directe de la pauvreté) il existe d’autres espaces d’évaluation possibles. Amartya Sen (1985) propose ainsi d’utiliser l’espace des capabilités ou des potentialités au sein duquel on se concentre sur ce que les gens ont le choix, ou n’ont pas le choix de faire. Une autre option consiste à faire usage de l’information subjective liée à la satisfaction des individus pour déterminer qui est pauvre ou qui ne l’est pas (Van Praag et Ferrer-I-Carbonnel, 2008). Ces espaces ne seront pas traités dans cet article au sein duquel, nous nous concentrons sur les liens entre l’approche monétaire de la pauvreté et les approches de Townsend ou Dickes qui traitent de la privation matérielle ou de la pauvreté de conditions d’existence. Voir Kakwani et Silber (2008a) pour une revue des différentes approches de la pauvreté.
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[5]
Il existe cependant une exception. L’approche basée sur la consommation est une approche directe du niveau de vie des individus en ce qu’elle renseigne sur les besoins effectivement satisfaits ou non. Du fait qu’elle se base sur une variable unique de mesure elle peut également être qualifiée d’unidimensionnelle (Ringen, 1987 ou Fusco, 2007).
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[6]
Lachaud (1999) procède par une estimation probit des déterminants du ratio de pauvreté monétaire et une estimation probit des facteurs de la profondeur de la pauvreté.
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[7]
On se place ici au niveau des méthodes qui, sur la base d’un indice de privation, doivent établir un seuil pour discriminer entre pauvres et non pauvres. Certaines méthodes, comme l’analyse en regroupements (Dekkers, 2003) ou les modèles à classes latentes (Dewilde, 2004) permettent d’éviter la spécification d’un tel seuil.
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[8]
Voir Lollivier et Verger (1997) ou Bradshaw et Finch (2003) pour d’autres applications de cette procédure.
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[9]
A notre connaissance, la méthode du ROC a été appliquée à la pauvreté par les seuls Wodon (1997) et Baulch (2002). Wodon (1997) l’applique à des données portant sur le Bangladesh afin de comparer la performance de certains indicateurs de ciblage pour identifier les pauvres. De même, Baulch (2002) l’utilise pour évaluer la précision d’indicateurs de ciblage sur des données vietnamiennes.
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[10]
Les fractions de VN et de FP somment à 1 car les individus qui ne sont pas en situation de pauvreté monétaire peuvent être soit correctement identifiés comme des vrais négatifs (VN), c’est-à-dire être correctement identifiés comme des non pauvres par l’indice de privation, soit comme des faux positifs (FP), c’est à dire être identifiés de manière incorrecte comme pauvre par l’indice de privation.
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[11]
Les fractions de VP et de FN somment également à 1.
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[12]
En termes économétriques, la probabilité d’une erreur de type I correspond à 1-SP(Z) et la probabilité d’une erreur de type II à 1-SE(Z).
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[13]
Des méthodes paramétriques et non paramétriques ont été suggérées afin de générer des courbes du ROC et de calculer l’aire en dessous de la courbe du ROC (Hsieh et Turnbull, 1996). Dans cet article, nous faisons usage d’une méthode non paramétrique au sein de laquelle chaque point de la courbe est généré en calculant pour chaque seuil possible de l’indice de privation la sensibilité et la spécificité du test. Ces points sont ensuite reliés pour former la courbe du ROC et l’aire en dessous de la courbe du ROC est calculée à partir de la règle d’intégration trapézoidale.
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[14]
Il s’agit des 12 pays qui étaient présents dès la première vague du PCM (1994), à savoir l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la France, le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Italie, la Grèce, l’Espagne, le Portugal et de l’Autriche qui a rejoint le PCM en 1995.
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[15]
Ce choix est aussi celui de fait par Tsakloglou et Papadopoulos (2002), qui ont également procédé à une reconstruction de la variable de revenu des ménages ou par Van Kerm (2003) sur les données de CHER.
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[16]
Il est important de noter que le choix des domaines pertinents pour l’analyse de la pauvreté de conditions d’existence découle directement de la théorie qu’une mesure de pauvreté non monétaire vise à rendre opératoire. De même, une fois que les dimensions pertinentes ont été définies, certains critères doivent être mis en œuvre au niveau du choix des indicateurs élémentaires censés mesurés ces différents domaines afin, d’une part, de s’assurer de la validité de contenu des items, c’est à dire s’ils peuvent être considérés comme des items de privation (contrôle par la fréquence ou par le consensus), et, d’autre part, pour vérifier qu’ils se rapportent bien à une entité commune (alpha de Cronbach ou principe d’interrelation). Pour une analyse détaillée de ces questions, ainsi que pour consulter les résultats de l’application de ces critères dans notre application, voir Fusco (2005).
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[17]
La méthode du bootstrap est une méthode d’inférence statistique qui consiste à rééchantilloner avec remise un grand nombre de fois l’échantillon initial. A chaque rééchantillonage, les statistiques d’intérêt sont calculées et stockées. On utilise alors la variabilité de la distribution des estimateurs bootstrap ainsi obtenus pour évaluer l’erreur standard de la statistique d’intérêt (Efron et Tibshirani 1993). Dans notre cas, nous avons appliqué cette méthode en prenant en compte le caractère stratifié de l’échantillonnage du PCM et le trimming de nos données.
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[18]
D’autres indices de privation ont également été utilisés, notamment des indices axiomatiques de pauvreté multidimensionnelle (voir Chakravarty et alii, 1998 ou Bourguignon et Chakravarty, 2003). Ces indices ont permis d’obtenir des résultats similaires.
1 – Introduction
“The difference between [poverty as a low level of income and poverty as a failure of achieving a range of basic capabilities] is, however, not just one of dimensions – one being uni-dimensional and the other multi-dimensional. A more fundamental difference is between means and ends. The income approach focuses on the means, while the capability approach focuses on the ends. Income is nothing but a means, which together with other means (such as public services) helps achieve the ends of capabilities. [3] The foundational question of what constitutes poverty, as distinct from the operational question of what causes poverty, should be answered in terms of the ends that people value but are unable to achieve, not in the means to achieve them. Hence the superiority of the capability approach”.
1Le concept de pauvreté peut se définir et s’envisager de diverses manières. En suivant la distinction établie par Sen (1979) et Ringen (1987, 1988), la pauvreté peut s’appréhender de manière indirecte comme une insuffisance de ressources ou de manière directe sur la base des conditions de vie ou des réalisations des individus. La méthode indirecte se concentre sur les moyens que constituent les ressources dont disposent les individus pour satisfaire un ensemble de besoins considérés comme essentiels ou comme faisant partie d’un niveau de vie ordinaire dans la société à laquelle ils appartiennent. Se focalisant ainsi sur ce que les gens ont ou n’ont pas, les approches indirectes nous informent sur la satisfaction potentielle plutôt qu’effective des besoins (Alcock, 2006). A l’inverse, la méthode directe fait reposer la mesure de la pauvreté sur des indicateurs de privation (Townsend, 1979 ; Mack et Lansley, 1985 ; Desai et Shah, 1988 ; Dickes, 1989) ou d’échec dans la réalisation d’un ensemble de fonctionnements de base (Chiappero Martinetti, 2000). Dès lors, l’évaluation de la pauvreté dans le cadre de cette approche est basée sur l’observation directe des résultats que les individus parviennent à atteindre, c’est à dire sur la satisfaction effective des besoins. Ainsi, les mesures directes de pauvreté reposent sur ce que les individus font ou ne font pas (Alcock, 2006 ; Boltvinik, 1999) [4].
2L’approche monétaire traditionnelle de la pauvreté est une méthode indirecte visant à évaluer la pauvreté sur la base d’une insuffisance de revenu. Cette approche étant centrée sur une unique variable de mesure, elle est parfois considérée, dans la littérature, comme une approche unidimensionnelle. Par opposition, les approches directes de la pauvreté, comme celle de la privation relative de Townsend (1979) ou celle des conditions d’existence de Dickes (1989), se réfèrent à une information issue de plusieurs domaines. Elles peuvent dès lors être considérées comme des approches multidimensionnelles de la pauvreté [5]. Néanmoins, comme le souligne Osmani (2005), la différence entre l’approche monétaire et la méthode directe ne s’exprime pas uniquement en termes d’unidimensionnalité versus de multidimensionnalité. En effet, la question de fond que suscite la coexistence de ces deux conceptions de la pauvreté porte avant tout sur la définition même du concept (Sen, 1979).
3Si Ringen (1988) considère que le choix entre conception directe ou indirecte de la pauvreté est idéologique, plusieurs arguments permettent d’attester que, d’un point de vue théorique, les approches directes sont plus satisfaisantes que celles indirectes. Le principal grief formulé à l’encontre des approches indirectes est que l’expérience de la pauvreté vécue par les personnes défavorisées découle directement d’une interaction complexe de désavantages, ou de besoins non satisfaits, les empêchant de participer aux activités de la société comme les autres (Dickes, 1989 ; PNUD, 1997) et ne se situe pas uniquement au niveau de leurs ressources monétaires. De plus, se concentrant sur les moyens, les approches indirectes ne permettent pas de tenir compte de la diversité humaine, alors même qu’une hétérogénéité naturelle prédomine parmi les individus et ce relativement à leurs caractéristiques personnelles et aux conditions socio-économiques et environnementales auxquelles ils sont confrontés. Cette diversité affecte la capacité des individus à transformer les moyens dont ils disposent en réalisations, si bien que la seule observation des moyens (e.g. la possession d’un véhicule) ne nous permet pas de préjuger de la manière dont les individus peuvent atteindre certains résultats (e.g. la capacité de se déplacer). En revanche, l’observation directe des accomplissements des individus permet, elle, de tenir compte de cette hétérogénéité, qui, en définitive, est contenue dans les résultats. Ces arguments poussent Sen (1979 : 290) à conclure que, « la méthode directe est supérieure à la méthode basée sur le revenu [..]. En effet, on peut penser que seulement dans le cas d’une absence de l’information directe sur la satisfaction d’un ensemble de besoins spécifiés, l’utilisation de l’information intermédiaire apportée par le revenu peut être retenue, de telle sorte que la méthode monétaire est au mieux une solution de second rang » (notre traduction).
4Cependant, si la contribution théorique des approches directes semble claire, les difficultés soulevées par leur opérationnalisation empirique nous amènent à nous interroger sur leur utilité pratique (Thorbecke, 2008). L’apport conceptuel des approches directes de la pauvreté se matérialise-t-il, comparativement à l’approche monétaire traditionnelle, par des différences en termes d’identification des populations pauvres ? Cette question est d’importance dès lors que l’on prend conscience que, d’une part, le choix de l’une ou l’autre de ces approches va déterminer un espace informationnel différent pour la mesure du concept de pauvreté et, d’autre part, que l’information nécessaire à l’évaluation directe de la pauvreté, en prime d’être difficile à collecter, peut s’avérer coûteuse en termes de temps et de ressources (Klasen, 2000 ; Kuklys, 2005). La question de savoir si les résultats issus de ces deux approches sont, ou non, substantiellement différents se révèle dès lors pertinente (Lachaud, 1999). S’il s’avère que l’identification des populations en situation de pauvreté est identique sur la base de ces deux approches, alors celles-ci peuvent être considérées comme substituables. Dans ce cas, l’utilisation de l’information monétaire comme approximation de la pauvreté directe est justifiée (Dekkers, 2003). Si, en revanche, il est établi que les résultats sont significativement différents, il en résulte alors que ces deux approches sont complémentaires dans l’explication du concept de pauvreté (Costa, 2003).
5Diverses contributions ont tenté de répondre à cette question. La conclusion mise en exergue par la littérature, et que Perry (2002 : 104) considère comme étant le résultat le plus important de ces dernières années dans le cadre de la recherche sur la pauvreté, est qu’il existe « une divergence significative entre la pauvreté mesurée en utilisant une approche monétaire et la pauvreté mesurée, de façon directe, en termes de privation observée [..] » (notre traduction). L’aboutissement essentiel est, en effet, que les groupes d’individus identifiés comme pauvres sur la base du revenu ou des conditions de vie ne se recoupent que partiellement (Dickes, 1989 ; Nolan et Whelan, 1996). Les indicateurs non monétaires sont d’ordinaire corrélés avec les mesures monétaires, mais pas suffisamment pour que les approches basées sur les ressources et celles basées sur les conditions de vie soient considérées comme équivalentes.
6Notre article a pour objectif de contribuer à ce débat, par le biais de l’utilisation d’une extension de la méthodologie couramment utilisée dans l’analyse du degré de recoupement des mesures monétaires et directes de pauvreté. L’application de la méthode de la courbe du Receiver Operating Characteristic (ROC) sur les données du Panel Communautaire des Ménages (PCM) de l’année 1995 va nous permettre de confirmer les résultats obtenus dans la littérature, et ce, indépendamment du seuil de privation utilisé. Cet article s’articule de la manière suivante. Après une brève revue de la littérature portant sur l’étude du degré de recoupement entre pauvreté monétaire et pauvreté directe (section 2), la méthodologie de la courbe du ROC sera présentée (section 3), suivie des résultats de notre application empirique au PCM (section 4) et des conclusions de cette contribution (section 5).
2 – Le recoupement entre approches monétaires et directes de la pauvreté
7Plusieurs méthodes ont été utilisées dans le but d’évaluer le degré de recoupement entre les résultats issus des approches monétaires et directes de la pauvreté. Lachaud (1999, 2000) utilise une méthode économétrique pour vérifier si la discordance entre les résultats issus de ces deux approches est significative [6]. Ainsi, à partir de données portant sur le Burkina-Faso (1994-1995), Lachaud (2000) tente de déterminer si l’approche par les capabilités de Sen, opérationnalisée à partir de la mesure d’un ensemble de réalisations effectives (approche directe), et celle basée sur l’utilité (approche monétaire) doivent être considérées comme complémentaires ou substituables. Son analyse le pousse à conclure que l’espace des fonctionnements ne se substitue pas nécessairement à l’espace de l’utilité, et que la coexistence des deux approches introduit une information supplémentaire non négligeable. Dès lors, les deux approches peuvent être considérées comme complémentaires et non antagonistes.
8Une autre procédure, souvent utilisée pour comparer les approches monétaires et directes de la pauvreté, consiste, dans un premier temps, à identifier les pauvres sur la base de chacune de ces deux méthodes, puis, dans un second temps, à étudier le degré de recoupement entre les deux populations ainsi distinguées. La difficulté consiste alors à déterminer un point de césure (seuil) sur les différents indicateurs. Dans le cadre de l’approche monétaire de la pauvreté, de nombreux débats ont eu lieu quant à la ligne de pauvreté à adopter. Au niveau européen, le choix généralement retenu est celui d’utiliser un seuil de pauvreté relatif correspondant à 60 % du revenu médian équivalent. Malgré son caractère arbitraire, ce seuil a gagné en légitimité à travers son adoption officielle par les institutions européennes (Atkinson et alii, 2002 et Marlier et alii, 2007).
9En revanche, aucun seuil particulier ne retient l’adhésion quant à l’identification des pauvres sur la base d’une approche directe de la pauvreté. Aussi, pour pouvoir étudier le degré de recoupement des deux approches, plusieurs pratiques communes ont été utilisées pour distinguer les individus en situation de privation matérielle des autres [7]. L’une d’entre elle fait l’objet d’un usage fréquent et consiste simplement à fixer le seuil de privation de telle sorte que l’on obtienne une proportion égale de personnes en situation de privation matérielle et d’individus en situation de pauvreté monétaire. C’est le choix effectué par Layte et alii (2001) pour déterminer la population d’individus en situation de « pauvreté consistante », c’est-à-dire à la fois dans une situation de privation et de pauvreté monétaire, à partir de données se rapportant à onze pays de la première vague du PCM. Dans le cadre de l’approche monétaire de la pauvreté, ces auteurs utilisent des seuils de 40 %, 50 % et 60 % du revenu équivalent médian. Leur mesure de privation, appelée current lifestyle deprivation, est un indice agrégé de 13 items de privation au sein duquel chaque item est pondéré par la proportion des ménages possédant l’item dans le pays étudié. Dans chaque pays, on égalise la proportion d’individus en situation de pauvreté de conditions d’existence avec celle des individus en situation de pauvreté monétaire. Les résultats de ces auteurs montrent que, au seuil de 60 % du revenu équivalent médian, le degré de recoupement pour les différents pays se situe dans un intervalle allant de 39 % à 46 %, à l’exception du Danemark (17 %) et du Portugal (52,2 %). On peut expliquer la manière dont ce chiffre est obtenu à partir du cas de la France où 15 % des individus vivaient, en 1994, en dessous du seuil de 60 % du revenu équivalent médian ; si l’on fixe le seuil de privation afin d’obtenir la même proportion de 15 % d’individus en situation de privation, on peut déterminer que seuls 5,9 % des individus étaient considérés comme pauvre par les deux définitions. Aussi, le degré de recoupement est de 39,3 % (5,9 % / 15 %).
10Les résultats de Perry (2002), sur la base de données néozélandaises (New Zealand Living Standard Survey), sont de la même nature. L’auteur utilise le même seuil de pauvreté monétaire que Layte et alii (2001) et une échelle de privation représentant une moyenne pondérée de 40 items. Après avoir égalisé la proportion d’individus en situation de privation matérielle à celle des individus en situation de pauvreté monétaire (17 %), l’auteur trouve que 7 % de la population est considérée comme pauvre sur la base des deux définitions. Le degré de recoupement est alors de 40 %, ce qui amène l’auteur à conclure que la « discordance [entre ces deux approches] est substantielle et se situe typiquement dans un intervalle entre 50 % et 60 %. Cela signifie qu’environ la moitié de ceux dont le niveau de vie est jugé comme étant faible de manière inacceptable ont un revenu supérieur au seuil de pauvreté monétaire choisi. De même, environ la moitié de ceux dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté monétaire ont des conditions de vie et une consommation qui les placent au dessus du seuil de privation » (Perry, 2002 : 104 ; notre traduction).
11Une autre manière de procéder pour déterminer le seuil de privation est de travailler explicitement sur la base d’un seuil arbitraire constitué par une proportion préalablement définie du bas de la distribution des deux mesures et de comparer les populations ainsi identifiées. Comme le notent Delhausse et Sluse (2004), cela nécessite simplement, pour chaque mesure, de classer les individus dans un ordre croissant de bien-être et de sélectionner une proportion de personnes désavantagées. L’utilisation de la même proportion se justifie afin d’obtenir une intersection claire des populations. A partir de données belges (Panel Study on Belgian Households), ces auteurs isolent des proportions de 15 % d’individus dans le bas de la distribution des mesures de pauvreté monétaire relative, de pauvreté monétaire subjective et de privation relative. Ils trouvent que pour les années 1992, 1997 et 2002, la proportion de la population totale souffrant à la fois de privation matérielle et de pauvreté monétaire relative se situe entre 6 % et 7 % (recoupement de 40-45 %). Fall et Verger (2005) ont utilisé cette méthode sur la partie française du PCM pour l’année 2001 afin de comparer la structure de la population définie comme pauvre à partir des définitions monétaire, subjective et basée sur les conditions de vie. Ils isolent sur la distribution de leurs indices de pauvreté subjective et de conditions d’existence, une proportion de pauvres similaire (respectivement 12,4 % et 9,8 %) à celle issue des résultats de l’analyse monétaire à partir d’un seuil égal à la moitié du revenu équivalent médian (11,7 %). Seulement 1,1 % de la population est confrontée aux trois aspects de la pauvreté et 2,0 % sont à la fois en situation de pauvreté monétaire et de pauvreté de conditions de vie [8].
12Ainsi, il existe différentes manières de définir implicitement ou explicitement un seuil de privation afin d’étudier le degré de recoupement entre les individus en situation de pauvreté monétaire et ceux en situation de pauvreté de conditions d’existence. Cependant, on peut remarquer que, quel que soit le choix effectué, l’évaluation du degré de recoupement se fait à partir d’un seul et unique cas, celui déterminé par les seuils choisis pour les deux mesures. En conséquence, le résultat est conditionnel aux seuils choisis pour chaque mesure. Ceci constitue une limite évidente dès lors que l’on connaît la sensibilité des analyses sur la pauvreté au seuil retenu. Aussi, nous proposons de nous affranchir de cette contrainte par le biais de l’utilisation de la méthode de la courbe du Receiver Operating Characteristic (ROC) qui permet d’évaluer ce degré de recoupement, indépendamment du seuil choisi pour définir la situation de privation.
3 – La courbe du Receiver Operating Characteristic
13La méthode de la courbe du Receiver Operating Characteristic (ROC) est une procédure issue de la théorie de détection du signal introduite durant la seconde guerre mondiale afin de parvenir à identifier de manière correcte les signaux radars ou sonars affectés par du bruit. Cette technique a été ensuite transposée dans de nombreux autres domaines tels que l’évaluation des performances visuelles, les prévisions météorologiques, la radiographie dans le cadre des soins dentaires, la prise de décision médicale, etc. (Wodon, 1997 ; Hsieh et Turnbull, 1996). Comme le souligne Baulch (2002), la courbe du ROC est une méthode graphique qui permet de juger de la capacité d’un test diagnostic à correctement identifier un résultat binaire. L’exemple de la prise de décision médicale, au sein de laquelle la méthode du ROC fait l’objet d’un usage intensif, illustre parfaitement son utilisation. Afin de détecter la présence ou l’absence d’une maladie (résultat binaire), il est nécessaire d’effectuer un test diagnostic (variable continue). Sur la base du choix d’une valeur seuil, on peut conclure quant à la présence ou non de la maladie : les valeurs du test supérieures à ce seuil révèlent la présence de la maladie tandis que celles qui lui sont inférieures témoignent de son absence. Les difficultés d’avoir un test parfaitement fiable, ainsi que l’incertitude liée à la fixation d’un seuil adéquat, font que cette manière de procéder peut engendrer des erreurs de diagnostic lorsque la présence de la maladie est diagnostiquée à tort ou bien lorsque le test ne permet pas d’identifier des individus malades. La courbe du ROC est une méthode qui a pour but d’évaluer la fiabilité du test, c’est-à-dire la précision avec laquelle il permet de distinguer correctement entre les individus qui ont la maladie et ceux qui ne l’ont pas, et ce indépendamment du seuil utilisé. Cette logique est à la base de notre contribution au sein de laquelle l’indice de privation va être utilisé comme un test diagnostic (variable continue) dont le but sera de détecter la situation de pauvreté monétaire (résultat binaire). En conséquence, l’utilisation de la courbe du ROC nous permettra d’évaluer dans quelle mesure l’indice de privation permet de confirmer ou non le classement entre pauvreté monétaire et non pauvreté monétaire obtenu à un seuil de pauvreté monétaire donné, indépendamment du seuil de privation [9].
14De manière formalisée, on peut désigner yi comme étant le revenu d’un agent i, di l’indice de privation de l’agent i calculé à partir d’un ensemble d’indicateurs non monétaires et P un indicateur binaire de pauvreté avec P=1 pour les individus en situation de pauvreté monétaire et 0 sinon. La définition d’un seuil c sur l’indice de revenu permet de définir le statut de pauvreté monétaire ; un individu sera considéré comme étant en situation de pauvreté monétaire (Pi = 1) si yi ? c. La valeur de l’indice de privation di pour une personne qui n’est pas en situation de pauvreté monétaire peut être représentée par une variable aléatoire avec fonction de distribution cumulative F. Ainsi, pour un seuil de privation Z, F(Z) correspond à la probabilité qu’un individu qui n’est pas en situation de pauvreté monétaire soit correctement identifié comme tel par l’indice de privation ; à l’inverse, 1 – F(Z) correspond à la probabilité qu’un individu qui n’est pas en situation de pauvreté monétaire soit considéré comme pauvre à partir de l’indice de privation. Les proportions de personnes identifiées par F(Z) et (1-F(Z)) sont celles des Vrais Négatifs (VN) et des Faux Positifs (FP) [10].
15De même, la valeur de l’indice de privation di pour une personne qui est en situation de pauvreté monétaire a une fonction de distribution cumulative G. Pour un seuil de privation Z, (1 - G(Z)) correspond à la probabilité qu’un individu en situation de pauvreté monétaire soit correctement identifié par l’indice de privation, c’est-à-dire à la proportion de Vrais Positifs (VP). G(Z) correspond à la probabilité qu’un individu en situation de pauvreté monétaire ne soit pas correctement identifié par l’indice de privation ; G(Z) se rapporte à la proportion de Faux Négatifs (FN) [11].
16Les termes de « sensibilité » et de « spécificité » sont utilisés pour qualifier les fractions de VP (SE(Z) = 1 – G(Z)) et de VN (SP(Z)=F(Z)) [12]. Pour chaque seuil de privation Z, allant de 0 à la valeur maximum de l’indice de privation quatre populations peuvent être identifiées (voir 1).
Le recoupement des populations pour un seuil de privation donné Z
Le recoupement des populations pour un seuil de privation donné Z
17A des seuils de pauvreté monétaire et de privation donnés, il y a une analogie entre ce et le concept de pauvreté consistante introduit par les chercheurs irlandais du centre ESRI (Nolan et Whelan, 1996). On peut illustrer ce point en prenant le cas de la France en 1995. Les détails sur les calculs sont donnés dans la section 4 :
Pauvreté Consistante en France en 1995 au seuil de 60 % de la médiane
Pauvreté Consistante en France en 1995 au seuil de 60 % de la médiane
18Le taux de pauvreté monétaire à un seuil de pauvreté de 60 % du revenu équivalent médian en 1995 est de 14,27 %. Par construction, on égalise, à cette valeur, la proportion d’individus en situation de pauvreté de conditions d’existence. On étudie ensuite dans quelle mesure ces deux populations se recoupent. Seulement 4,44% de la population totale est considérée comme pauvre par les deux critères de pauvreté. C’est le taux de pauvreté consistante. A partir de ces chiffres, on peut calculer les fractions de VP (sensibilité) et de VN (spécificité) :
19L’interprétation du 3 est la suivante : la proportion de personnes en situation de pauvreté monétaire correctement identifiée par l’indice de privation, c’est-à-dire la sensibilité, est de 31 % (= 0,0444 / 0,1427). La proportion de personnes qui n’est pas en situation de pauvreté monétaire correctement identifiée par l’indice de privation, c’est-à-dire la spécificité, est de 89 % (= 0,759 / 0,8573). En suivant l’exemple de Perry (2002), ce cas de figure pourrait être utilisé à lui seul pour donner une réponse à la question de l’étendue du recoupement entre les deux approches qui serait alors de 31 %. Cependant, ce résultat est conditionnel à la validité des seuils de pauvreté monétaire et de privation.
Sensibilité et spécificité en France au seuil de 60 % de la médiane
Sensibilité et spécificité en France au seuil de 60 % de la médiane
20La méthode de la courbe du ROC permet de dépasser ce problème. En effet, afin de vérifier le degré de recoupement entre les deux mesures, la courbe du ROC consiste à mettre en relation sur le même graphique la fraction des faux positifs (FP = 1 – VN) sur l’axe des abscisses et la fraction des vrais positifs (VP) sur l’axe des ordonnées pour tous les seuils possibles de l’indice de privation (voir graphique 1). De manière équivalente, la courbe du ROC correspond à la mise en relation de ROC(t)=1-G(F-1(1-t)) et t, avec t ? [0, 1]. Par définition, la courbe du ROC est une fonction croissante monotone de [0, 1] à [0, 1].
21Les différents points de la courbe peuvent se comprendre de la manière suivante. Pour Z = maxSi, on se situe à l’origine. En effet, pour cette valeur du seuil, les scores de tous les individus sont inférieurs au seuil Z ; il en découle que personne n’est considéré comme étant en situation de privation matérielle si bien qu’aucun individu en situation de pauvreté monétaire n’est correctement identifié par l’indice de privation (VP = 0), tandis que tous les individus qui ne sont pas en situation de pauvreté monétaire sont correctement identifiés (VN = 1). Sur la courbe du ROC, ce cas de figure correspond au point (VP = 0, FP = 1 – VN = 0). On fait ensuite baisser le seuil, si bien que certains individus sont maintenant considérés comme en situation de pauvreté de conditions d’existence par l’indice de privation. Si ces individus sont effectivement en situation de pauvreté monétaire, la proportion de VP augmente et la courbe s’élève. En revanche, si ces individus ne sont pas en situation de pauvreté monétaire, la proportion de VP ne change pas et la proportion de FP (FP = 1 - VN) augmente de telle sorte que la courbe du ROC va vers la droite. Cet algorithme est répété jusqu’à ce qu’on atteigne la valeur minimale du seuil Z = 0. A ce seuil, les scores de tous les individus sont supérieurs à Z, si bien que toute la population est considérée comme étant en situation de privation matérielle. Cela implique que tous les individus en situation de pauvreté monétaire sont correctement identifiés (VP = 1), et, simultanément que tous les individus qui ne sont pas en situation de pauvreté monétaire ne sont pas correctement identifiés (FP = 1). Aussi, nous nous situons dans ce cas au point de coordonnées (1, 1).
22Le graphique 1 fournit un exemple de courbe du ROC appliqué à la partie française du PCM sur la base d’un seuil de pauvreté monétaire de 60 % de la médiane de la distribution des revenus équivalents et d’un indice de privation Si (voir équation 3). Sur le graphique 1, l’exemple tiré du 3 est représenté par le point A de coordonnées (0,11 ; 0,31). Les autres points correspondent aux couples de fractions (FP, VP) pour tous les autres seuils possibles Z.
Courbe du Receiver Operating Characteristic : le cas de la France
Courbe du Receiver Operating Characteristic : le cas de la France
23On peut avoir une idée visuelle de la qualité du recoupement, par la simple comparaison de la courbe du ROC avec la diagonale allant de l’origine au point de coordonnées (1, 1). Si la courbe du ROC se superpose à la diagonale, cela signifie que l’indice de privation n’est pas un bon signal de la pauvreté monétaire, c’est-à-dire qu’il n’a pas de pouvoir discriminant. En effet, dans ce cas, lorsque le seuil de privation varie de sa valeur maximale à sa valeur minimale, la probabilité de trouver un vrai positif (d’aller vers le haut) ou un faux positif (d’aller vers la droite) est la même. A l’opposée, quand la courbe croît fortement dans un premier temps, puis commence à s’aplatir, le degré de recoupement entre les deux approches est meilleur. La variation décroissante du seuil de privation permet, dans un premier temps, une identification correcte des VP, tandis que pour les valeurs les plus faibles du seuil de privation, pour lesquelles il y a de moins en moins de VP et de plus en plus de FN, la courbe s’aplatit. En résumé, plus la courbe est proche de la diagonale, moins l’indice de privation est efficace pour distinguer les individus en situation de pauvreté monétaire de ceux qui ne le sont pas. D’un autre côté, plus la courbe est proche du point de coordonnées (0, 1), meilleur est le recoupement.
24La traduction quantitative de ce critère graphique est obtenue en calculant l’aire sous la courbe du ROC qui correspond à la probabilité que l’indice de privation d’un individu en situation de pauvreté monétaire, choisi de manière aléatoire, soit plus élevé que l’indice de privation d’un individu qui n’est pas en situation de pauvreté monétaire, lui aussi choisi de manière aléatoire (Hanley et McNeil, 1982 ; Pepe, 2000) [13]. Cette aire correspond ainsi à la capacité de l’indice de privation de classer correctement les individus considérés comme pauvres à partir du critère du revenu. Plus la valeur de cette aire est proche de 1, et plus l’indice de déprivation peut être considéré comme confirmant les résultats issus de l’approche monétaire. Une valeur égale à 1 signifie que pour deux individus choisis de manière aléatoire, un en situation de pauvreté monétaire et l’autre non, l’indice de privation de la personne en situation de pauvreté monétaire sera toujours plus élevé que l’indice de privation de la personne qui ne l’est pas. Une valeur de l’aire proche de 0,5 indique que l’association entre les deux indices est faible (cas pour lequel la courbe du ROC est confondue avec la diagonale). En effet, dans ce cas, l’indice de privation a une chance sur deux d’être plus élevé pour l’individu en situation de pauvreté monétaire que pour l’individu qui ne l’est pas. Enfin, si cette valeur est inférieure à 0,5, cela signifie que l’indice de privation n’est pas du tout un bon signal de la pauvreté monétaire ; au contraire, il tend à présenter des valeurs supérieures pour les personnes qui ne sont pas en situation de pauvreté monétaire que pour celles qui le sont.
25Les valeurs de référence suivantes sont parfois retenues : une aire en dessous de la courbe du ROC entre 0,9 et 1 témoigne d’une excellente association, entre 0,8 et 0,9 d’une bonne association, entre 0,7 et 0,8 d’une association moyenne, entre 0,6 et 0,7 d’une association faible et entre 0,5 et 0,6 d’une association insuffisante (Tape, 1999 ; Fischer et alii, 2003).
4 – Application empirique au PCM
26Dans cette section nous présentons les résultats de notre application de la méthode du ROC aux données du PCM. Après avoir présenté la base de données (4.1) et la mesure monétaire de pauvreté (4.2), nous introduirons la construction de la mesure directe de pauvreté (4.3) avant de comparer les deux approches par l’application de la méthode de la courbe du ROC (4.4).
4.1 – Le Panel Communautaire des Ménages
27La base de données utilisée est le Panel Communautaire des Ménages (Eurostat, 1996 ; Peracchi, 2002) qui est la première base de données comparative au sein de l’Union Européenne. Cette enquête a été conduite pendant huit années de 1994 à 2001 et a maintenant été remplacée par EU-Statistics on Income and Living Conditions (EU-SILC). Le PCM est une enquête longitudinale dont l’objet est de récolter des données concernant les revenus et les conditions de vie des ménages au sein de l’Union Européenne. Elle contient également des informations concernant la santé, l’éducation, le logement, la migration et les caractéristiques démographiques et d’emploi des ménages. Plus particulièrement, comme le souligne Eurostat (1996), les trois caractéristiques qui font du PCM une source d’information privilégiée sont l’utilisation de questionnaires standardisés permettant d’obtenir des résultats comparables d’un pays à l’autre, le schéma longitudinal de l’enquête au sein de laquelle l’information sur le même ensemble de ménages et de personnes est collectée à chaque vague et la couverture multidimensionnelle et simultanée d’un ensemble de domaines tels que celui des revenus, des conditions de logement, de la possession de biens durables, des relations sociales, etc. Cette dernière propriété nous intéresse particulièrement, étant donné que la mise en relation directe de l’information issue de plusieurs domaines de l’existence, et se rapportant aux mêmes individus et ménages, rend possible le calcul de mesures directes de pauvreté et l’étude de l’accumulation des désavantages.
28Notre analyse se concentre sur les données de la seconde vague du PCM qui contient les informations relatives à 13 pays et fait référence à l’année 1995 [14]. L’avantage de cette année est qu’elle présente un faible degré d’attrition. L’unité d’analyse est l’individu de plus de 16 ans.
4.2 – Pauvreté monétaire
29Sur la base de la définition européenne de la pauvreté, les individus sont considérés comme étant à risque de pauvreté monétaire si le revenu équivalent du ménage auquel ils appartiennent est inférieur à 60 % du revenu équivalent médian (Atkinson et alii, 2002). Le concept de revenu utilisé est celui du revenu annuel disponible au niveau du ménage. Une des caractéristiques du PCM est que le revenu net disponible de la vague t correspond au revenu de la vague t-1. Au contraire, les autres variables telles que les caractéristiques démographiques des ménages ou la position sur le marché du travail font référence à l’individu ou au ménage au moment de l’enquête. Afin d’obtenir une correspondance entre les caractéristiques de l’individu et la période à laquelle le revenu fait référence, nous avons fusionné l’information concernant les caractéristiques du ménage à l’année t, à savoir dans notre cas 1995, avec le revenu de l’année t + 1, i.e. 1996 [15]. De plus, afin de prendre en compte les différences en termes de taille et de composition des ménages, nous avons utilisé l’échelle d’équivalence dite modifiée OCDE pour laquelle le premier adulte compte pour 1 unité de consommation équivalente (u.c.e), les autres membres du ménage âgés de plus de 14 ans pour 0.5 u.c.e. et chaque enfant de moins de 14 ans pour 0.3 u.c.e. Faisant l’hypothèse d’un niveau de vie commun entre tous les membres d’un ménage, nous avons ensuite distribué le revenu équivalent de chaque ménage à tous ses membres. Enfin, les premier et dernier centiles en haut et en bas de la distribution du revenu équivalent ont été éliminés afin de supprimer les valeurs aberrantes liées aux erreurs de codage ou à d’autres problèmes (Cowell et Victoria-Feser, 2006).
30En partant de la distribution des revenus équivalents, et étant donné la ligne de pauvreté mentionnée ci-dessus, plusieurs indices de pauvreté peuvent être calculés selon que l’on souhaite mesurer l’incidence, l’intensité ou la sévérité de ce phénomène (Ravallion, 1992). Pour l’application de la méthode du ROC, nous avons besoin d’un résultat binaire qui atteste de la situation de pauvreté monétaire ou non. Pour cette raison, nous avons simplement utilisé la partition réalisée par le seuil de pauvreté en assignant aux individus dont le revenu équivalent est inférieur au seuil de pauvreté une valeur de 1, et une valeur de 0 aux autres. Dans le cadre de la méthodologie du ROC, cette partition est considérée comme juste et nous vérifierons dans quelle mesure elle est confirmée par l’indice de privation.
4.3 – Pauvreté directe
31Les différentes étapes du calcul des indices non monétaires de pauvreté sont le choix des dimensions/domaines pertinents et des indicateurs élémentaires censés mesurer chacun d’entre eux, l’évaluation du degré de privation sur chacun de ces items/dimensions, l’agrégation des indices élémentaires dans un indice composite par dimension et, si cela est jugé nécessaire, l’agrégation des différentes dimensions dans un indice global de privation (Chiappero Martinetti, 2000 ; Nolan et Whelan, 1996).
4.3.1 – Les dimensions et les indicateurs élémentaires
32Les dimensions ou domaines choisis correspondent pour une grande partie à ceux utilisés par Layte et alii (2001) ou Eurostat (2002). Lorsque cela a été possible nous avons utilisé la même terminologie que ces auteurs. Six domaines ont été retenus. Les deux premiers font référence aux conditions financières des ménages. Il s’agit de « l’incapacité financière à satisfaire des besoins élémentaires » et de « l’incapacité à régler des paiements planifiés durant les douze derniers mois (difficultés de paiement) ». Deux domaines ont trait aux conditions de logement, à savoir « l’absence d’équipement de base du logement » et « les inconvénients du logement ». Enfin, les deux autres domaines font référence aux « problèmes d’environnement » et à « l’absence involontaire de biens durables largement répandus ». Cet ensemble de domaines peut donner une bonne image du concept de privation matérielle (Townsend, 1979) [16].
33Pour permettre une évaluation de la privation sur chacune de ces dimensions, une liste de 26 items a été sélectionnée ( 4). Deux remarques doivent être faites concernant ces items. Tout d’abord, toutes les variables se rapportant au ménage ont été distribuées aux individus étant donné que notre unité d’analyse est l’individu de plus de 16 ans. Ici aussi, l’hypothèse faite est que les ménages partagent un niveau de vie commun, si bien que l’allocation de ressources intra-ménage est négligée et tous les individus sont traités de la même manière. Ensuite, toutes les variables ont été recodées en ordre croissant de privation, les valeurs les plus les plus élevées indiquant un degré de privation plus fort.
Liste des items
Liste des items
34Ces 26 indicateurs répartis en six domaines/dimensions constituent la base à partir de laquelle nous allons travailler. Les observations présentant des valeurs manquantes ont été omises si bien que la base de données finale comporte 108880 individus de plus de 16 ans répartis à travers les 13 pays étudiés.
4.3.2 – L’agrégation par dimensions
35Afin d’appliquer la méthode du ROC, un indice de pauvreté directe a été calculé à partir des variables mentionnées ci dessus. Pour chaque pays, le point de départ pour le calcul de cet indice est la matrice des attributs X (n x m) contenant les réponses xij des i = 1..n individus de la population aux j = 1..26 indicateurs de conditions de vie appartenant aux q = 1..6 dimensions. Afin de respecter la structure en dimension de notre ensemble d’items, la procédure que nous avons utilisée consiste, dans un premier temps, à agréger les items se rapportant à la même dimension, puis, dans un second temps, à agréger les indices obtenus sur chaque dimension dans un indice global de privation.
36A toute réponse xij, on attribue une note ?Dj(i) représentant le degré de privation de l’individu i à l’indicateur j. Dans notre cas, les 26 items étant dichotomiques, le degré peut prendre les valeurs de 0, dans le cas d’une absence de désavantage, ou 1, dans le cas d’une privation. Pour chaque individu, on peut calculer un score pondéré Siq pour chaque dimension q = 1..6 :
38mq fait référence au nombre d’items appartenant à la dimension q, et Wj représente le poids accordé à l’item j avec et . Les poids pour chaque item sont différents d’un pays à l’autre et, dans le contexte comparatif du PCM, correspondent à l’importance relative des items dans chaque pays. On a choisi d’utiliser la structure de poids normalisée proposée par Cerioli et Zani (1990) ou Cheli et Lemmi (1995) :
40 représente la proportion de personnes présentant un désavantage au niveau de la variable j. Cette structure de poids, qui est une fonction inverse de la proportion d’individus en situation de privation dans la population, se justifie par référence à une approche relative de la pauvreté et, plus particulièrement au sentiment subjectif de privation relative (Runciman, 1966) : plus un item est répandu dans la population, plus les individus ne le possédant pas ressentiront un sentiment de privation élevé.
41Les scores sur chaque dimension sont compris dans l’intervalle [0, 1]. Pour un individu, un score de 0 indique l’absence de désavantage sur tous les items de la dimension ; un score de 1, un désavantage sur tous les items de la dimension. Si l’individu présente certains désavantages, il aura un score compris entre 0 et 1 dans la dimension considérée. Ainsi, l’indice Siq correspond au degré moyen de privation sur l’ensemble des items de la dimension (Guio, 2005).
42Pour chaque dimension, la moyenne des scores individuels de privation nous permet d’obtenir une évaluation de la privation au niveau de chacun des pays. Les résultats moyens par dimension et par pays sont présentés dans le 5.
Indices composites par dimension et par pays (Siq)
Indices composites par dimension et par pays (Siq)
43Comme le soulignent Brandolini et D’Alessio (1998), plus que la valeur absolue de ces indices, ce sont les performances relatives des différents pays qui peuvent s’avérer riche en enseignements. Le 5 montre ainsi que le Luxembourg est, en moyenne, la nation qui présente le degré de privation moyen le plus faible en termes de possession de biens durables et de conditions financières, tandis que le Danemark est le pays le moins privé en termes de conditions de logement et d’environnement. A l’opposée, la Grèce est le pays le plus en difficulté dans les domaines des conditions financières tandis que le Portugal occupe la dernière position dans les autres dimensions à l’exception de la dimension environnementale pour laquelle cette place est occupée par l’Espagne. On ne rentrera pas dans une analyse détaillée de ces résultats qui est au-delà des objectifs de cet article.
4.3.3 – Le score global de privation
44L’étape suivante consiste à agréger les scores Siq obtenus sur chaque dimension dans un indice global de privation. Différentes méthodes faisant usage d’opérateurs d’agrégation variés existent afin de remplir cet objectif (Deutsch et Silber, 2005 ; Kakwani et Silber, 2008b). Dans cet article, nous avons choisi de calculer pour chaque individu un indice composite Si, simple moyenne des scores Siq sur chaque dimension :
Indice de pauvreté directe Si
Indice de pauvreté directe Si
46Aux niveaux nationaux, ces résultats correspondent à ceux obtenus à travers l’analyse de la privation par dimensions ( 5). Ainsi, le Danemark et le Luxembourg sont les pays qui présentent les indices de privation les moins élevés, tandis que les pays du Sud de l’Europe, en particulier le Portugal et la Grèce, occupent les dernières positions. Ces deux pays, ainsi que l’Espagne et l’Italie présentent des indices moyens de privation plus élevés que la moyenne européenne, le Royaume-Uni et la France se situant aux alentours de cette moyenne.
4.4 – Application de la méthode de la courbe du ROC
47L’application de la méthode de la courbe du ROC à l’indice Si et à la mesure de pauvreté monétaire va nous permettre de déterminer dans quelle mesure cet indice confirme les résultats issus de l’approche monétaire. Pour le seuil de 60 % du revenu équivalent médian, les résultats sont présentés dans les deux premières colonnes du 7.
Aire en dessous de la courbe du ROC (AUC) pour différents seuils de pauvreté monétaire
Aire en dessous de la courbe du ROC (AUC) pour différents seuils de pauvreté monétaire
48D’après les valeurs de référence que l’on a citées précédemment, nos résultats suggèrent un niveau de recoupement moyen. En effet, à l’exception du Danemark pour lequel l’aire en dessous de la courbe du ROC se situe à un niveau faible de 0,57, les valeurs varient entre 0,65 en Autriche, en Allemagne et en Espagne et 0,74 au Luxembourg. Cela signifie que sur la base de notre calcul de l’indice Si pour les 13 pays sur lesquels nous avons travaillé, lorsqu’on tire au sort de manière aléatoire un individu en situation de pauvreté monétaire et un individu qui ne l’est pas, la probabilité pour que l’indice de privation Si soit plus élevé pour l’individu en situation de pauvreté monétaire que pour l’autre varie entre 0,57 au Danemark et 0,74 au Luxembourg. Au regard de l’erreur standard de cette statistique, il est cependant difficile d’établir des différences entre les différents pays. Le graphique 2 fournit une illustration des courbes du ROC correspondant au 7 (seuil de pauvreté monétaire de 60 %) pour les treize pays étudiés.
Courbes du ROC par pays (seuil de pauvreté monétaire : 60 % du revenu équivalent médian et indice composite Si)
Courbes du ROC par pays (seuil de pauvreté monétaire : 60 % du revenu équivalent médian et indice composite Si)
49Les résultats précédents sont relatifs à l’utilisation d’un seuil de 60 % du revenu équivalent médian. Ils permettent donc de vérifier la relation entre l’indice de privation et la partition réalisée par ce seuil spécifique. L’hypothèse implicite est donc que le seuil de pauvreté de 60 % de la médiane est adéquat. Les limites d’une telle hypothèse sont bien connues. Pour les dépasser, nous avons appliqué la même procédure en utilisant des seuils de pauvreté monétaire de 50 % et 70 % du revenu équivalent médian. Les résultats sont présentés dans la seconde partie du 7.
50Pour ces deux autres seuils de pauvreté monétaire, les résultats sont de la même nature que pour le seuil de 60 %, si bien que les conclusions sont confirmées. Au seuil de 50 %, la probabilité pour que l’indice de privation Si soit un bon signal de la pauvreté monétaire n’est pas supérieure à 0,72 (Italie et Portugal), tandis qu’au seuil de pauvreté monétaire de 70 %, elle est, au plus, égale à 0,70 (Grèce et Portugal). Cela nous amène à la conclusion que s’il y a un recoupement, celui-ci n’est pas assez fort pour que l’on puisse assimiler les deux phénomènes. Aussi, on peut conclure, sur la base de notre étude empirique, que les approches monétaires et directes de la pauvreté ne sont pas substituables.
51Plusieurs raisons peuvent expliquer cette discordance. A un niveau pratique, les erreurs de mesure du revenu et de la pauvreté de conditions d’existence jouent certainement un rôle (Whelan et Maître, 2006). A un niveau théorique, plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer que les ressources ne se traduisent pas automatiquement en résultat (Sen, 1985 ; Layte et alii, 2001 ; Perry, 2002). Par exemple, les différences en termes de préférences, liées aux caractéristiques personnelles des individus, peuvent influencer la relation entre revenu et niveau de vie, dès lors que des individus non pauvres en termes de revenu n’allouent pas forcément celui-ci à leurs besoins essentiels.
52Enfin, ce faible degré de recoupement peut également s’expliquer à un niveau conceptuel. En effet, la possibilité que pauvreté monétaire et directe de la pauvreté soient deux phénomènes distincts ou deux dimensions différentes du même phénomène est une autre explication possible qui ne peut être ignorée (Nolan et Whelan, 1996 ou Perry, 2002). En effet, comme le souligne Sen (1979 : 291), « la méthode directe et l’approche monétaire ne sont pas, en fait, deux façons alternatives de mesurer la même chose mais représentent deux conceptions alternatives de la pauvreté. [..] Ces deux concepts ont une pertinence propre dès lors qu’il s’agit d’évaluer la pauvreté au sein d’une communauté [..] » (notre traduction).
53De plus, comme le remarque Perry (2002), ce résultat constitue un encouragement pour le développement ultérieur de l’instrument analytique et conceptuel du traitement de la pauvreté, c’est-à-dire améliorer l’identification des individus en situation de pauvreté et comprendre les facteurs qui y mènent. Dans cette optique, on peut penser que les approches monétaires et directes de la pauvreté doivent être utilisées de manière complémentaire plutôt que concurrente ou substituable pour le traitement de ce phénomène (Lachaud, 1999). Ainsi, cette conclusion plaide pour l’utilisation de plusieurs mesures de pauvreté afin de capturer de manière adéquate la complexité de ce phénomène et préconise de cibler les politiques de réduction de la pauvreté vers les tranches de la population sujettes à plusieurs types de pauvreté (Perry, 2002 ; Bradshaw et Finch, 2003).
5 – Conclusion
54L’objectif de cet article était d’introduire une méthode originale, la courbe du ROC (Receiver Operating Characteristic), pour étudier le degré de recoupement entre les mesures monétaires et directes de la pauvreté. Cette méthode permet de déterminer si l’indice de privation utilisé est un bon signal de la pauvreté monétaire, indépendamment du seuil de privation utilisé. L’application de cette méthode aux données du Panel Communautaire des Ménages confirme l’aboutissement de nombreux travaux, à savoir que les résultats issus de ces deux approches se recoupent, mais de manière imparfaite. En effet, si on sélectionne de manière aléatoire un individu en situation de pauvreté monétaire et un autre qui ne l’est pas, par rapport à un seuil de 60 % du revenu équivalent médian, la probabilité pour que l’indice de privation Si soit plus élevé pour l’individu pauvre, que pour celui qui ne l’est pas, se situe entre 0,57 au Danemark et 0,74 au Luxembourg. D’après les valeurs de référence relatives à l’aire en dessous de la courbe du ROC, ce résultat correspond à un degré de recoupement moyen. L’utilisation d’autres indices de pauvreté multidimensionnelle ainsi que de différents seuils de pauvreté monétaire (50 % et 70 %) met en évidence des valeurs de recoupement encore plus faibles.
55Dès lors, on peut en déduire que l’indice de privation matérielle est corrélé avec la mesure monétaire, mais pas assez pour considérer que les approches basées sur les ressources et celles basées sur les conditions de vie sont équivalentes, ni même pour dire que l’une puisse être utilisée comme approximation de l’autre. Par conséquent c’est le caractère complémentaire, plutôt que celui substituable de ces deux approches qui prévaut. Un tel résultat plaide donc pour un approfondissement de la recherche sur les méthodes directes de mesure de la pauvreté, et ce en vue de compléter l’approche monétaire largement utilisée. Il souligne également la nécessité de l’adoption de stratégies différenciées de réduction de la pauvreté par rapport aux résultats respectifs des deux approches.
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- Tsakloglou, P. et F. Papadopoulos (2002). “Aggregate level and determining factors of social exclusion in twelve European countries”, Journal of European Social Policy, Vol. 12, n°3, p. 211-225.
- Van Kerm, P. (2003). “An anatomy of household income volatility in European countries”, CHER Working Paper n°16, Luxembourg : CEPS/INSTEAD.
- Van Praag, B et A. Ferrer-I-Carbonell (2008). “The Subjective Approach to Multidimensional Poverty Measurement”, in : Kakwani N. et J. Silber (eds), Quantitative Approaches To Multidimensional Poverty Measurement, Houndmills : Palgrave Macmillan.
- Whelan, C.T., R. Layte et B. Maître (2004). “Understanding the mismatch between income poverty and deprivation: a dynamic comparative analysis”, European Sociological Review, Vol. 20, n°4, p. 287-302.
- Whelan, C.T. et B. Maître (2006). “Comparing Poverty and deprivation dynamics: issues of reliability and validity”, Journal of Economic Inequality, Vol. 4, n°3, p. 303-323.
- Wodon, Q.T. (1997). “Targeting the poor using ROC curves”, World Development, Vol. 25, n°12, p. 2083-2092.
Mots-clés éditeurs : receiver operating characteristic, privation matérielle, pauvreté monétaire
Date de mise en ligne : 22/07/2009
https://doi.org/10.3917/rel.753.0369Notes
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[1]
Je souhaite remercier Philippe Van Kerm, Claude Berthomieu, Vincent Dautel, Enrica Chiappero-Martinetti, Sally Bould et deux rapporteurs anonymes pour leurs commentaires et suggestions ainsi que les participants à la conférence EPUNet 2006 et aux 10èmes rencontres euro-méditerranéennes pour leurs remarques concernant une version anglaise de cet article. Je conserve bien entendu la responsabilité des erreurs ou lacunes de cette contribution.
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[2]
Centre d’Etudes de Populations, de Pauvreté et de Politiques Socio-Economiques/International Networks for Studies in Technology, Environment, Alternatives, Development (CEPS/INSTEAD), B.P. 48, L-4501 Differdange, Luxembourg. E-mail : alessio. fusco@ ceps. lu
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[3]
“Capabilities, in turn, should not be seen as a means towards achieving the ends of well-being, for capabilities are the constituents of well-being – they are the ends!”
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[4]
Cette distinction entre approche directe et indirecte de la pauvreté n’épuise pas toutes les possibilités de définition de ce concept. Ainsi, à côté de l’espace informationnel des ressources (approche monétaire de la pauvreté) et de celui des fonctionnements (approche directe de la pauvreté) il existe d’autres espaces d’évaluation possibles. Amartya Sen (1985) propose ainsi d’utiliser l’espace des capabilités ou des potentialités au sein duquel on se concentre sur ce que les gens ont le choix, ou n’ont pas le choix de faire. Une autre option consiste à faire usage de l’information subjective liée à la satisfaction des individus pour déterminer qui est pauvre ou qui ne l’est pas (Van Praag et Ferrer-I-Carbonnel, 2008). Ces espaces ne seront pas traités dans cet article au sein duquel, nous nous concentrons sur les liens entre l’approche monétaire de la pauvreté et les approches de Townsend ou Dickes qui traitent de la privation matérielle ou de la pauvreté de conditions d’existence. Voir Kakwani et Silber (2008a) pour une revue des différentes approches de la pauvreté.
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[5]
Il existe cependant une exception. L’approche basée sur la consommation est une approche directe du niveau de vie des individus en ce qu’elle renseigne sur les besoins effectivement satisfaits ou non. Du fait qu’elle se base sur une variable unique de mesure elle peut également être qualifiée d’unidimensionnelle (Ringen, 1987 ou Fusco, 2007).
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[6]
Lachaud (1999) procède par une estimation probit des déterminants du ratio de pauvreté monétaire et une estimation probit des facteurs de la profondeur de la pauvreté.
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[7]
On se place ici au niveau des méthodes qui, sur la base d’un indice de privation, doivent établir un seuil pour discriminer entre pauvres et non pauvres. Certaines méthodes, comme l’analyse en regroupements (Dekkers, 2003) ou les modèles à classes latentes (Dewilde, 2004) permettent d’éviter la spécification d’un tel seuil.
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[8]
Voir Lollivier et Verger (1997) ou Bradshaw et Finch (2003) pour d’autres applications de cette procédure.
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[9]
A notre connaissance, la méthode du ROC a été appliquée à la pauvreté par les seuls Wodon (1997) et Baulch (2002). Wodon (1997) l’applique à des données portant sur le Bangladesh afin de comparer la performance de certains indicateurs de ciblage pour identifier les pauvres. De même, Baulch (2002) l’utilise pour évaluer la précision d’indicateurs de ciblage sur des données vietnamiennes.
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[10]
Les fractions de VN et de FP somment à 1 car les individus qui ne sont pas en situation de pauvreté monétaire peuvent être soit correctement identifiés comme des vrais négatifs (VN), c’est-à-dire être correctement identifiés comme des non pauvres par l’indice de privation, soit comme des faux positifs (FP), c’est à dire être identifiés de manière incorrecte comme pauvre par l’indice de privation.
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[11]
Les fractions de VP et de FN somment également à 1.
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[12]
En termes économétriques, la probabilité d’une erreur de type I correspond à 1-SP(Z) et la probabilité d’une erreur de type II à 1-SE(Z).
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[13]
Des méthodes paramétriques et non paramétriques ont été suggérées afin de générer des courbes du ROC et de calculer l’aire en dessous de la courbe du ROC (Hsieh et Turnbull, 1996). Dans cet article, nous faisons usage d’une méthode non paramétrique au sein de laquelle chaque point de la courbe est généré en calculant pour chaque seuil possible de l’indice de privation la sensibilité et la spécificité du test. Ces points sont ensuite reliés pour former la courbe du ROC et l’aire en dessous de la courbe du ROC est calculée à partir de la règle d’intégration trapézoidale.
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[14]
Il s’agit des 12 pays qui étaient présents dès la première vague du PCM (1994), à savoir l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la France, le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Italie, la Grèce, l’Espagne, le Portugal et de l’Autriche qui a rejoint le PCM en 1995.
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[15]
Ce choix est aussi celui de fait par Tsakloglou et Papadopoulos (2002), qui ont également procédé à une reconstruction de la variable de revenu des ménages ou par Van Kerm (2003) sur les données de CHER.
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[16]
Il est important de noter que le choix des domaines pertinents pour l’analyse de la pauvreté de conditions d’existence découle directement de la théorie qu’une mesure de pauvreté non monétaire vise à rendre opératoire. De même, une fois que les dimensions pertinentes ont été définies, certains critères doivent être mis en œuvre au niveau du choix des indicateurs élémentaires censés mesurés ces différents domaines afin, d’une part, de s’assurer de la validité de contenu des items, c’est à dire s’ils peuvent être considérés comme des items de privation (contrôle par la fréquence ou par le consensus), et, d’autre part, pour vérifier qu’ils se rapportent bien à une entité commune (alpha de Cronbach ou principe d’interrelation). Pour une analyse détaillée de ces questions, ainsi que pour consulter les résultats de l’application de ces critères dans notre application, voir Fusco (2005).
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La méthode du bootstrap est une méthode d’inférence statistique qui consiste à rééchantilloner avec remise un grand nombre de fois l’échantillon initial. A chaque rééchantillonage, les statistiques d’intérêt sont calculées et stockées. On utilise alors la variabilité de la distribution des estimateurs bootstrap ainsi obtenus pour évaluer l’erreur standard de la statistique d’intérêt (Efron et Tibshirani 1993). Dans notre cas, nous avons appliqué cette méthode en prenant en compte le caractère stratifié de l’échantillonnage du PCM et le trimming de nos données.
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[18]
D’autres indices de privation ont également été utilisés, notamment des indices axiomatiques de pauvreté multidimensionnelle (voir Chakravarty et alii, 1998 ou Bourguignon et Chakravarty, 2003). Ces indices ont permis d’obtenir des résultats similaires.