Notes
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[1]
Les auteurs remercient les participants au colloque en l'honneur de Philippe Michel, les 8 et 9 Novembre, 2002 et notamment Pierre Pestieau pour ses commentaires éclairés. Nous remercions également deux rapporteurs anonymes de la revue.
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[2]
L représente la demande de travail de la part des firmes.
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[3]
Cette hypothèse traduit un effet de complémentarité du stock de ressource et de la consommation en terme d'utilité des agents. Autrement dit, l'utilité marginale de la consommation croît avec le stock de ressource. Une hypothèse alternative est celle de la substitution caractérisée par une dérivée croisée négative,UcX<0. Pour une discussion approfondie de ces hypothèses voir Michel et Rotillon (1995).
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[4]
Par conséquent N représente l'offre de travail dans l'économie.
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[5]
L'équation H(X)=barE possède deux solutions pour barE<H(hatX), mais seule la solution X* vérifiant H'(X*)<0 peut correspondre à un équilibre stable.
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[6]
On notera, que dans le cas particulier où la fonction de reproduction naturelle est une fonction logistique, comme dans le modèle canonique de Schaeffer (1957), soit H(X)=rX(1-XoverK
-
[7]
Quand UX=0, la relation précédente montre que l'optimum social est hatX, qui n'est donc pas décentralisable. Une condition nécessaire à la décentralisation est donc que les agents tirent une certaine utilité de l'existence de la ressource.
Introduction
1La gestion des ressources renouvelables a fait l'objet d'une abondante littérature, dont une grande partie est consacrée à l'étude de l'exploitation en commun, notamment dans le cas des ressources halieutiques. Les premiers travaux sur ce thème, introduisant explicitement les aspects biologiques et économiques dans un cadre théorique cohérent datent des années 50. Gordon (1954) et Schaefer (1954, 1957) introduisent un modèle économique simple d'exploitation d'une zone de pêche. Ils montrent que l'exploitation en accès libre conduit à un profit net instantanné nul à l'équilibre alors que la ressource est susceptible de dégager un profit positif pour des niveaux d'effort moins importants. Cependant ils raisonnent dans un cadre statique qui ne permet pas la prise en compte de la dynamique de reproduction naturelle de la ressource. S'il revient à Scott (1955) de poser le problème de la gestion intertemporelle de la ressource en monopole, celui-ci ne sera résolu qu'en 1973 par Clark. Son travail met en évidence le parallèle entre les problèmes posés par l'exploitation d'une ressource renouvelable et ceux rencontrés en théorie du capital. Un stock de ressource, capital naturel, a une valeur en raison de son potentiel productif. Les choix de prélèvement s'apparentent alors à des décisions d'investissement. En revanche, l'exploitation en accès libre néglige la productivité de la ressource : l'utilisation excessive à l'instant présent conduit alors à la perte des bénéfices futurs. Dès 1960 les pêcheries ont ainsi été l'objet de tentatives de régulation avec la mise en oeuvre de politiques visant à contrôler le libre accès à la ressource. Ces politiques sont basées sur la détermination d'une capture annuelle totale que les utilisateurs de la ressource ne doivent pas dépasser, ce que l'agence de régulation cherche à obtenir en limitant les intrants (nombre et type de bateaux, taille des filets...) et/ou la longueur de la saison d'exploitation. C'est ainsi, par exemple, qu'au début des années 90 ce type de politique appliquée à la pêche au flétan dans le Pacifique conduisait à n'autoriser la pêche que durant trois jours dans l'année.
2Un mode de gestion alternatif qui est de plus en plus utilisé est la mise en place de quotas individuels transférables. Chaque pêcheur se voit attribué un quota annuel qu'il peut augmenter ou diminuer en achetant ou vendant des unités de quota aux autres pêcheurs, le quota total étant déterminé par le régulateur. Cette politique a été mise en oeuvre pour la pêche au flétan dans le Pacifique en 1993 pour le secteur canadien et a été envisagée pour la partie nord-américaine en 1996. On a ainsi pu constater dans la partie canadienne une meilleure disponibilité de la ressource toute l'année. D'un point de vue théorique, les quotas individuels transférables sont équivalents à une taxe par unité de capture dans un monde concurrentiel et déterministe et permettent tous deux d'atteindre l'optimum social. En réalité, de nombreuses externalités liées soit à la ressource, soit au comportement de ses utilisateurs remettent en cause ce résultat. Aussi, un certain nombre d'études se sont attachées à comparer les mérites respectifs de modes de régulation alternatifs. C'est ainsi que Mahé et Ropars (2001) montrent l'inefficacité d'un rationnement des intrants et la possibilité de restaurer l'optimum avec l'introduction de quotas individuels transférables. Nous nous rattachons à cette littérature en étudiant l'efficacité des quotas individuels transférables à restaurer l'optimum social lors de l'exploitation d'une ressource renouvelable. Nous nous en différencions toutefois en envisageant la question dans un cadre d'équilibre général et non d'équilibre partiel comme c'est le cas de toute cette littérature. De plus, la littérature considère généralement le cas d'agents à durée de vie infinie, or l'une des difficultés de la gestion des ressources naturelles porte précisément sur les transferts des ressources entre générations.
3C'est pourquoi nous construisons un modèle à générations imbriquées où nous supposons que la gestion d'une ressource renouvelable correspond à l'émission de quotas d'exploitation transférables. Ainsi, chaque agent a la possibilité d'utiliser dans la production les quotas d'exploitation qu'il détient ou de ne pas les utiliser et de les vendre à la génération suivante. L'utilisation des quotas ou d'une partie d'entre eux dans le processus de production entraîne leur destruction et une diminution du niveau de la ressource, la non-utilisation des droits d'exploitation permet une revente, à la période suivante, sur un marché secondaire. Dans cet article nous nous interrogeons, d'une part, sur les conditions de l'introduction de ces quotas d'exploitation en fonction du stock de ressource renouvelable disponible dans l'économie et, d'autre part, nous étudions les possibilités de décentralisation de l'équilibre qu'ils procurent. L'utilisation du modèle à générations imbriquées pour étudier ces questions n'est pas habituelle. Une exception est Mourmouras (1993) qui montre que la possibilité d'une décentralisation de l'optimum social peut être obtenue par le recours à différentes politiques, comme la nationalisation du stock, la taxation de la ressource ou les subventions à l'investissement privé dans le capital naturel. Toutefois, il considère une dynamique de reproduction naturelle de la ressource linéaire ce qui semble peu réaliste.
4Dans notre modèle, le choix individuel d'utiliser ou non les quotas relève d'un arbitrage entre leur rendement dans la production et le prix de revente sur un marché secondaire et correspond à un jeu Nash non-coopératif. La création d'un marché de quotas d'exploitation transférables risque alors de renvoyer aux mêmes difficultés que celles rencontrées dans le cadre des équilibres de souscription, autrement dit la persistence d'une sous-optimalité liée aux comportements non-coopératifs des agents (Bergstrom, Blume et Varian (1986), Boadway, Pestieau et Wildasin (1989), Jouvet, Pestieau et Michel (2000)). De cette littérature sur les équilibres de souscriptions, il ressort que la sous-optimalité des équilibres implique généralement la mise en place de système de taxes et de subventions (Warr (1982), Andréoni et Bergstrom (1996), Flakinger (1996)).
5En anticipant nos résultats, nous verrons qu'une politique de gestion d'une ressource naturelle renouvelable par la mise en place de quotas d'exploitation est possible si l'objectif du gouvernement en terme de ressource disponible est compatible avec un sous-ensemble précis des états du stock de ressource au moment de l'introduction des quotas. Si tel est le cas, nous montrons que les quotas d'exploitation conduisent à l'existence d'un unique équilibre stable de long terme fonction du niveau d'exploitation défini par le planificateur et que la présence d'un marché secondaire permet de compenser la sous-optimalité liée aux comportements Nash non-coopératifs des agents. La prise en compte d'une transférabilité intergénérationnelle des quotas d'exploitation des ressources conduit à l'existence d'un marché intertemporel de revente permettant de compenser l'ensemble des sources de sous-optimalité de l'économie (externalité de la ressource et comportement non-coopératif).
6Cet article est organisé de la manière suivante. La prochaine section est consacrée à la présentation du modèle. La troisième section s'intéresse à l'équilibre intertemporel de l'économie et propose une étude de sa dynamique. La section suivante concerne l'analyse de l'optimum social de long terme et montre sous quelles conditions l'émission d'un nombre optimal de quotas permet de réaliser l'optimum de manière décentralisée. Enfin, en dernière section est proposée une courte conclusion.
Le modèle
7Nous considèrons une économie à la Allais (1947)-Diamond (1965) avec une ressource naturelle renouvelable. Le gouvernement conduit une politique de gestion d'une ressource naturelle, X, par la mise en place de quotas d'exploitation transférables. À chaque instant, t, le gouvernement décide donc d'émettre une quantité barEt de quotas qu'il donne aux jeunes de la période.
Production et ressources
8Dans le cadre d'un secteur concurrentiel, les firmes utilisent une quantité, L, de travail, et une quantité, E, de ressource renouvelable pour produire une quantité, Y, de bien [2]. À chaque période, t, la production est définie par
9Nous supposons que la fonction de production F(.) est homogène de degré un, strictement concave par rapport à chaque argument et que sa dérivée seconde croisée est positive (Fii<0 pour tout i et Fij> 0 pour inej).
10L'objectif des firmes est la maximisation de leur profit :
11où wt et phit sont respectivement le salaire et le prix de la ressource.
12À l'équilibre concurentiel, les facteurs de production sont rémunérés à leur productivité marginale,
13et
14L'acroissement du stock de ressource est égal à la différence entre son renouvellement H(Xt-1) et son niveau d'utilisation Et. Nous avons alors la relation suivante :
15avec H(.) la fonction de renouvellement de la ressource naturelle qui vérifie les hypothèses standard H(0)=0, il existe hatX>0 tel que H'(hatX)=0, H'(X)>0 si X<hatX et H'(X)<0 si X>hatX et il existe K>hatX tel que H(K)=0. H(hatX) est le prélèvement soutenable maximum et K est l'équilibre stable de la ressource renouvelable en l'absence d'intervention humaine sur le stock.
Les agents
16Nous supposons que la population est constante et qu'à chaque période t naît un nombre N d'agents indentiques. Chaque agent vit deux périodes, travaille durant sa première période de vie et est à la retraite en seconde période. On suppose que les agents ne consomment qu'en seconde période de vie. C'est là une hypothèse courante des modèles à générations imbriquées (voir John et Pecchenino (1994), Jouvet, Michel et Vidal (2000), De Lacroix et Michel (2003)). Cette hypothèse permet de simplifier l'analyse en fixant l'épargne du cycle de vie et mettant ainsi l'accent sur le problème du choix d'utilisation ou non des quotas dans la production. Une hypothèse alternative consisterait à considérer que les agents consomment une partie fixe de leur revenu de première période. Introduire une épargne sous forme de capital physique ne modifie pas nos résultats mais complique l'analyse de l'équilibre (Jouvet, Michel et Vidal (2002a et 2002b)).
17Dès lors, un agent né en t retire une utilité de sa consommation de seconde période, ct+1, et du stock de ressource de cette même période, Xt+1. L'introduction du stock de ressource dans la fonction d'utilité, traduit l'idée que les agents ne tirent pas seulement de l'utilité du flux de services fournis par la ressource, mais aussi de son existence même, comme c'est le cas avec la forêt, qui n'est pas seulement productrice de bois, mais aussi porteuse d'aménités (tourisme) et participant au cycle du carbone. C'est aussi le cas de toutes les ressources naturelles qui ont une valeur en tant que support de vie, comme l'air, l'eau ou les ressources réservoir de biodiversité. Les préférences des agents sont représentées par une fonction d'utilité, U(ct+1,Xt+1), supposée strictement concave avec Uc>0 et UX>0. La dérivé croisée de la fonction d'utilité est supposée non négative, UcXge 0 [3].
18Les agents en t offrent, de manière inélastique, une unité de travail en première période de vie [4] et reçoivent en échange le salaire concurrentiel, wt. Ils épargnent ce salaire sous la forme de ressources et acquièrent donc sur le marché une quantité et de ressource à un prix qt,
19Par ailleurs, chaque agent reçoit une quantité, baret, de ressource de la part du gouvernement.
20Le stock de ressource disponible pour un individu né en t est donc
21En seconde période de vie, les agents consomment ct+1, en choisissant soit de ne pas utiliser leur stock de ressource et alors de le vendre à la génération future à un prix qt+1, soit de l'utiliser dans le processus de production avec un rendement phit+1 en sachant que dans ce cas le stock de ressource disponible va diminuer. La contrainte de budget de seconde période de vie pour un agent né en t est alors :
22où αt+1in[0,1] représente la part de ressource que l'agent consacre à la production.
23De plus, l'agent étant sensible au stock de ressource naturelle, il connaît l'effet de sa décision d'exploitation de la ressource sur le stock restant de ressource. Cet agent prend donc en compte l'externalité correspondant à sa décision d'utilisation de la ressource en considérant le comportement des autres agents comme donné :
24avec St+1 la somme des offres des autres agents.
25Chaque agent doit donc résoudre le problème suivant :
26Pour une solution intérieure, nous obtenons alors la condition de premier ordre suivante :
27On en déduit immédiatement,
28L'écart de prix, phit+1-qt+1>0, résulte de la prise en compte de l'effet de l'exploitation de la ressource sur le stock disponible et compense la désutilité liée à la diminution de ce stock. Si UX(ct+1,Xt+1)=0, les prix sont égaux car l'individu est indifférent entre vendre son quota ou exploiter la ressource (par la suite, nous reviendrons sur ce point).
Équilibre intertemporel
Équilibre
29À l'équilibre symétrique, à chaque date t, chaque agent reçoit une quantité de quotas du gouvernement telle que baret=barEt/N. À chaque date t, sous l'hypothèse d'une offre de travail inélastique, le nombre de salariés est égal au nombre d'individus jeunes dans l'économie, Lt=N. Par ailleurs, à chaque date, la quantité de ressource utilisée par les firmes doit être égale à la quantité totale de ressource offerte par les agents, tildeEt+1=Nα t+1(et+baret) et la quantité de ressource échangée sur le marché secondaire, N(1-αt+1)(et+baret), doit être égale à la demande sur ce même marché, N(wt+1/qt+1)=Net+1. Des équilibres sur le marché de la ressource utilisée par les firmes et du marché de revente des droits d'exploitation, nous pouvons déduire la relation suivante entre ces deux marchés :
30La quantité de ressource utilisée par les firmes peut s'écrire comme la différence entre l'ensemble des quotas d'exploitation et la quantité de ressources échangée sur le marché secondaire
31En t+1, le salaire et le rendement de la ressource utilisée par les firmes sont respectivement :
32et
33Concernant le prix sur le marché secondaire, nous déduisons respectivement des relations (11) et (15) d'une part, et des relations (6) et (14) d'autre part,
34et
35Enfin, sur le marché des biens, l'égalité entre la demande et l'offre et l'homogénéité de degré 1 de la fonction de production impliquent à l'équilibre,
36Nous obtenons alors, le système dynamique suivant en et, Xt :
37et
38Nous pouvons à présent passer à l'étude de la dynamique de ce système.
Dynamique et équilibre stationnaire
39On considère comme donnée la politique d'émission des quotas d'exploitation du gouvernement, barE=Nbare et on suppose que barE<H(hatX). Dans le cas contraire, le quota global serait trop élevé et conduirait la ressource à l'extinction s'il était entièrement utilisé. À l'équilibre stationnaire, chaque agent reçoit une dotation en quotas bare qui détermine de manière unique la consommation de long terme c* par la relation (18).
40La relation (20) permet de déterminer le niveau du stock de ressource à long terme X* par [5]
41Le prix, à l'équilibre stationnaire, de la ressource se déduit de la relation (15) en fonction de la dotation individuelle bare. Connaissant la consommation de long terme c* et barE donc X*, on en déduit le prix du quota par la relation (16).
42et
43Cette condition d'arbitrage des agents à long terme implique que les écarts de rendements entre utilisation des quotas dans le système productif et revente des quotas restent inchangés.
44La quantité de quotas e* mise sur le marché de la revente à l'équilibre stationnaire est alors déterminée par la relation (19) :
45On peut enfin calculer la part de ressource α* que l'agent consacre à la production à long terme, grâce à la contrainte de budget de seconde période de vie (8)
46Nous pouvons noter qu'à l'équilibre de long terme, les agents mettent à la disposition des firmes le montant de quotas qui leur a été attribué par le gouvernement, bare=N/barE et que le nombre total de permis d'exploitation disponibles dans l'économie est Nbare/α *.
47On a ainsi déterminé, de manière unique, toutes les variables à l'équilibre stationnaire en fonction de la dotation individuelle de quotas bare.
48Nous avons alors la proposition suivante :
49Proposition 1 Pour tout bare, il existe un seuil de ressource naturelle tildeX, tel que si barEinleft]H(tildeX),H(hatX)right[, il existe un unique équilibre stable X* appartenant à l'intervalle ]hatX,tildeX[. Cet équilibre est caractérisé par
50Proof. En linéarisant le système dynamique (19) et (20), autour de l'état stationnaire (e*,X*), en fonction de et,et+1,Xt
51où chaque dérivée est évaluée à l'état stationnaire.
52On obtient ainsi un système d'équations différentielles linéaires à coefficients constants dont le polynôme caractéristique est donné par
53où Delta et Sigma sont respectivement le produit et la somme des valeurs propres. Soit,
54Nous pouvons alors étudier les conditions de stabilité de l'équilibre.
55Premièrement, nous devons avoir
56Delta est positif dès que H'(X*)>-1 et Delta<1 si H'(X*)<q*-NBoverA. Comme q*-NBoverA>0 et H'(X*)<0, cette dernière condition est toujours réalisée
57Deuxièmement, nous avons
58La condition de positivité est vérifiée et la seconde est équivalente à H'(X*)>-1-A-NBoverq* qui est automatiquement vérifiée dès que H'(X*)>-1
59Soit barbarE tel que H'(barbarE)=-1. Les conditions de stabilité se réduisent donc à -1<H'(X*)<0, ce qui est équivalent à H'(barbarE)<H'(X*)<H'(hatX).
60A priori, il y a deux cas possibles.
61Si H'(K)<-1, il existe un unique équilibre stable X*in]hatX,barbarE[ pour tout niveau de quota bare tel que Nbareinleft]H(barbarE),H(hatX)right[.
62Et si H'(K)ge-1, il existe un unique équilibre stable X*in]hatX,K[ pour tout niveau de quota bare tel que Nbareinleft]H(K),H(hatX)right[
63On obtient alors la proposition en posant tildeX=minleft{K,barbarEright} [6]), on a H'(K)=-r>-1 et barbarE=K(1+r)over2r>K. Il en résulte que l'intervalle pertinent pour le quota total est left]H(K),H(hatX)right[=left]0,rK/4right[.. square
64Il est intéressant de comparer ce résultat avec le cas particulier où l'utilité ne dépend pas du stock de ressource. Dans ces conditions, le niveau d'équilibre du stock de ressource à l'état stationnaire X* est inchangé car déterminé par la relation (20), de même que la consommation c* et le prix de la ressource phi*. De plus, puisque UX=UXX=UcX=UXc=0, le prix du quota est supérieur au prix d'équilibre précédent, en revanche la quantité de quotas mise sur le marché de la revente est plus faible à l'équilibre stationnaire d'après la relation (22). L'intuition de ce résultat est claire. La dépendance de l'utilité par rapport au stock de ressource traduit l'existence d'un arbitrage entre deux usages concurrents de la ressource : sa consommation ou sa conservation. Cette dépendance de l'utilité par rapport au stock correspond à une valeur d'existence accordée à la ressource pour elle-même. À l'opposé le quota est un droit d'usage de la ressource. Son prix sera donc d'autant plus élevé que la valeur d'existence de la ressource est faible traduisant ainsi l'arbitrage entre les deux usages.
65Les conditions de stabilité sont les mêmes que précédemment et la proposition reste inchangée.
66Les seules modifications sont donc celles du nombre de quotas mis sur le marché secondaire et du prix du quota. L'intuition sous-jacente est claire. Quand l'agent ne tire aucune utilité du stock de ressource, il n'est pas touché, en utilisant son quota pour la production, par la diminution du stock de ressource, qui ne modifie donc pas le prix d'un quota supplémentaire. Il s'agit simplement ici d'un arbitrage entre deux usages complètement équivalents qui conduisent au même prix. En revanche, quand l'agent est sensible au stock, la vente d'un quota sur le marché secondaire n'est plus équivalente à l'utilisation du quota dans la production. Dans le premier cas, le stock de ressource reste inchangé alors qu'il diminue dans le second. L'arbitrage entre les deux usages du quota se traduit maintenant par l'égalité entre le prix de la ressource et le prix du quota augmenté du gain d'utilité provenant de la constance du stock. Comme le prix de la ressource est déterminé par la technologie et la politique de régulation et ne dépend donc pas de l'utilité de l'agent, ceci implique une diminution du prix du quota quand l'agent tire une utilité de l'existence du stock. Il s'en suit évidemment une offre de quotas accrue de la part de l'agent dont l'utilité ne dépend pas du stock de la ressource.
Optimum social de long terme
67Nous cherchons, ici, le niveau maximum d'utilité réalisable dans cette économie en présence de quotas transférables d'exploitation d'une ressource naturelle renouvelable. L'objectif du planificateur central est de maximiser le bien-être des agents, sous la contrainte de ressources de l'économie et la contrainte de renouvellement de la ressource en choisissant la quantité de ressource qu'il souhaite disponible. Son programme est alors le suivant :
68Le niveau optimal de ressource exploitable, X#, est alors caractérisé par :
69Ce niveau de ressource exploitable prend en compte l'ensemble des conditions technologiques de l'économie. Le choix de ce niveau peut être décentralisé par une politique d'émission de quotas d'exploitation si cet objectif est compris entre hatX et barbarE [7]. Autrement dit, une politique de régulation d'une ressource naturelle par l'émission de quotas transférables peut être mise en place et conduire à un unique équilibre stable de long terme si et seulement si l'objectif du gouvernement est compris dans le sous ensemble des stocks de ressource compatible avec l'existence de l'équilibre. Si tel est le cas, alors l'optimum social peut être décentralisé avec une émission de quotas et ceci bien que les agents agissent de manière non-coopérative et ne tiennent pas compte des effets intergénérationnels de l'utilisation de la ressource. Généralement, ce type de comportement non-coopératif réclame l'utilisation d'un autre instrument (taxe ou subvention). Ici, il est important de noter qu'aucun autre instrument n'est nécessaire à la décentralisation puisque le choix optimal d'utilisation de la ressource induit l'ajustement du prix sur le marché de revente. En effet, nous obtenons :
70Ce prix traduit l'internalisation du comportement non-coopératif des agents et la prise en compte de l'utilisation de la ressource naturelle par les firmes. Intuitivement, sur le marché secondaire vont être confrontés l'ensemble des offres et demandes des agents. Le prix du marché va refléter à la fois les aspects non-coopératifs des décisions des agents et le lien intergénérationnel établi par la ressource. Par conséquent, il apparaît que malgré l'aspect non-coopératif de l'usage des quotas, la solution décentralisée est obtenue par la seule décision de leur émission par le planificateur central. Les quotas permettent donc la réalisation de l'optimum social de long terme sans qu'il soit nécessaire d'agir sur les prix par l'introduction de taxes ou de subventions.
Conclusion
71Ce papier était motivé par la question récurrente de la surexploitation des ressources renouvelables dans un cadre concurrentiel et la mise en place d'un mode de régulation permettant la restauration de l'optimum social. Pour mener à bien cette étude, nous nous sommes intéressés au système des quotas individuels transférables que nous avons considéré dans un modèle à générations imbriquées. La littérature sur ce sujet montre généralement l'équivalence de ce mode de régulation et d'un système de taxation dans une économie concurrentielle en information parfaite et discute ensuite des difficultés pratiques d'implémentation en rapport avec l'information réellement disponible. Toutefois, si cette littérature prend bien en compte l'externalité due à la ressource et explique la sous-optimalité de l'équilibre concurrentiel, elle néglige l'externalité induite par l'existence d'un marché des quotas où les acheteurs ont un comportement non-coopératif. Nous montrons que ces deux externalités peuvent être internalisées à l'aide du seul marché de revente des quotas individuels transférables. Toutefois nous montrons aussi que cet instrument n'est utilisable par un régulateur que si l'équilibre de long terme visé appartient à un sous-ensemble du stock de la ressource. On définit ainsi les conditions sous lesquelles une telle politique est efficace. De plus, nous montrons que quand c'est le cas, c'est la plus efficace possible.
Bibliographie
Références
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- Warr, P. G. (1982), ``Pareto optimal redistribution and private charity", Journal of Public Economics, 19, pp. 131-138.
Notes
-
[1]
Les auteurs remercient les participants au colloque en l'honneur de Philippe Michel, les 8 et 9 Novembre, 2002 et notamment Pierre Pestieau pour ses commentaires éclairés. Nous remercions également deux rapporteurs anonymes de la revue.
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[2]
L représente la demande de travail de la part des firmes.
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[3]
Cette hypothèse traduit un effet de complémentarité du stock de ressource et de la consommation en terme d'utilité des agents. Autrement dit, l'utilité marginale de la consommation croît avec le stock de ressource. Une hypothèse alternative est celle de la substitution caractérisée par une dérivée croisée négative,UcX<0. Pour une discussion approfondie de ces hypothèses voir Michel et Rotillon (1995).
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[4]
Par conséquent N représente l'offre de travail dans l'économie.
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[5]
L'équation H(X)=barE possède deux solutions pour barE<H(hatX), mais seule la solution X* vérifiant H'(X*)<0 peut correspondre à un équilibre stable.
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[6]
On notera, que dans le cas particulier où la fonction de reproduction naturelle est une fonction logistique, comme dans le modèle canonique de Schaeffer (1957), soit H(X)=rX(1-XoverK
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[7]
Quand UX=0, la relation précédente montre que l'optimum social est hatX, qui n'est donc pas décentralisable. Une condition nécessaire à la décentralisation est donc que les agents tirent une certaine utilité de l'existence de la ressource.