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Article de revue

Comment fixer les cours de change?

Annonces et correspondances maastrichtiennes

Pages 39 à 71

Notes

  • [*]
    CERESUR, Université de la Réunion, 15, Avenue René Cassin, B.P. 7151, 97715 Saint-Denis Messag, Cedex 9, La Réunion, FRANCE
    par E-mail : ppentecot@ univ-reunion. fr
  • [1]
    Parmi les travaux pionniers sur cette question, consulter Flood et Garber (1983), Obstfeld et Stockman (1985) et Djaji'c (1989).
  • [2]
    Pour le cas anglais, la règle d'état fait référence, selon l'interprétation de Miller et Sutherland (1992), à un niveau seuil des fondamentaux qui correspondrait au respect de la parité des pouvoirs d'achat pour un cours fixé à 4,86$ pour une livre (soit la configuration de l'étalon-or d'avant-guerre). Déjà en 1925, Keynes avait souligné les conséquences déflationnistes de ce retour à l'ancien pair, clairement surévalué à ses yeux au regard des fondamentaux à cette date. L'anticipation par le marché de l'imminence d'un nouvel ancrage à l'or en a même été, selon lui, un facteur aggravant. En effet, il aurait été responsable de l'appréciation excessive de la devise anglaise au cours de la transition. Cela étant, il est difficile de rattacher les observations du maître de Cambridge aux modèles des années quatre-vingt, fondés sur l'approche monétaire et, avec elle, sur la validité permanente de la parité des pouvoirs d'achat. Dès lors, on ne peut pas se prononcer sur le degré de sous- ou surévaluation de la livre qui serait induite par l'anticipation de son ancrage futur (mais seulement par rapport à une situation théorique de flottement pur). En ce qui concerne la règle temporelle, la date de fixation correspondrait à l'expiration (et donc au renouvellement éventuel) du Gold and Silver Export Act fin 1925.
  • [3]
    De Grauwe et al (1998) étudient notamment le cas où le marché est incertain sur le type de stratégie temporelle effectivement adoptée et annoncée par les autorités monétaires (voir aussi Djaji'c (1989)).
  • [4]
    Pour s'en convaincre, il suffit de voir comment Miller et Sutherland (1992, 1994) s'opposent radicalement à l'interprétation donnée par Smith et Smith (1990) du retour de la livre à l'étalon-or en 1925 en prenant appui sur l'alternative supposée entre règle temporelle et règle d'état.
  • [5]
    Nos résultats renforcent et complètent sur ce point l'argumentaire de De Grauwe et al (1999).
  • [6]
    Cf le travail fondateur de Flood et Garber (1983), Froot et Obstfeld (1991a,b) pour une synthèse, ainsi que Smith (1991) et Bertola (1994) pour les détails techniques.
  • [7]
    Coté à l'incertain, il exprime le nombre d'unités de monnaie nationale pour acquérir une unité de la devise.
  • [8]
    Le choix de la composante déterministe dans le processus tient à l'unicité supposée du régime de politique monétaire durant la période qui précède le gel de la parité. Une telle spécification, certes discutable, permet de mieux saisir l'origine de la correspondance entre les stratégies de fixation. Pour réfuter les conclusions tirées par Smith et Smith (1990) sur l'expérience de la livre anglaise avant le retour à l'étalon-or en avril 1925, Miller et Sutherland (1994) considèrent l'influence des ajustements de politique monétaire sur la tendance suivie par les fondamentaux via un pont brownien ou un processus d'Ornstein-Uhlenbeck.
  • [9]
    Une annexe contient les développements analytiques qui sous-tendent les principaux résultats obtenus et présentés dans le corps du texte, voir infra.
  • [10]
    En effet, (3) n'est pas l'unique solution de (1), mais elle seule assure que le change ne se déconnecte pas de ses fondamentaux (solution en point selle ou fondamentale, voir Bertola (1994)).
  • [11]
    Sutherland (1995) présente certes les deux règles dans un cadre homogène avant de combiner ces dernières, mais il n'exploite pas leur parenté commune comme on s'y attache ici.
  • [12]
    Froot et Obstfeld (1991a,b) offrent un traitement complet des solutions stationnaires du change, tandis que la dimension temporelle est détaillée par Ichikawa et al (1992) comme Miller et Sutherland (1992).
  • [13]
    On pourrait également spécifier cette règle comme une fixation fondée sur l'atteinte par le cours de change de
    Equation 6
    sachant que ce niveau correspond, de par la relation bijective entre kt et et et l'équation (1), à
    Equation 7
    . Il faut alors préciser le type de contrôle (ou d'intervention) sur les fondamentaux lors du saut aux changes fixes. En effet, la trajectoire du change sous le régime intérimaire ne peut être déterminée de manière unique que si l'annonce spécifie (explicitement ou implicitement) la cible de parité d'ancrage et l'intervention alors entreprise sur les fondamentaux (Froot et Obstfeld (1991a)). Un saut de ces derniers se produit à la date de fixation en cas d'intervention discrète, mais cette configuration n'est pas retenue ici pour la règle d'état. En revanche et si aucune incertitude ne prévaut sur les conditions de la fixation, le cours de change effectue une transition continue entre ses deux régimes de détermination pour éviter toute opportunité de gain d'arbitrage au moment du gel de la parité.
  • [14]
    Equation 18
    indique l'instant juste avant (après) le passage aux changes fixes.
  • [15]
    Par la suite, l'examen porte toujours sur la période intérimaire, ie entre le moment de l'annonce et celui du passage en changes fixes. En ce sens, les effets immédiats de l'annonce ne sont pas étudiés, ni les sauts du cours de change que ceux-ci peuvent impliquer.
  • [16]
    Tous les résultats dérivés infra sont explicités dans l'annexe correspondante.
  • [17]
    Ce résultat est dérivé en posant :
    Equation 36
    . Par hypothèse, les agents privés forment des anticipations rationnelles, greffées sur la structure du modèle et les propriétés dynamiques du fondamental. D'autres schémas de prévision pourraient être choisis, sans lien avec le modèle et qui déboucheraient alors sur des configurations de taches solaires. En d'autres termes, l'absence d'une valeur d'ancrage exogène fournie par les autorités au marché ouvre la voie à l'indétermination (ie la multiplicité) bien connue des trajectoires du change ; seule la solution « fondamentale » est retenue ici (cf De Grauwe et al (1999)).
  • [18]
    Voir aussi Sutherland (1995, note 6, p. 367).
  • [19]
    Cette double détermination sous la règle temporelle est étudiée par De Grauwe et al (1998).
  • [20]
    Roncalli (1995).
  • [21]
    Sous la règle temporelle, le change se situe, à chaque date t, en un seul point sur la droite isochrone associée dans le plan (kt,et). La valeur de ce cours correspond à celle de la réalisation du processus des fondamentaux à la date considérée. Le lieu regroupant l'ensemble de ces points peut alors être directement comparé avec celui induit par la règle d'état en K dans le plan (kt,et). Seule cette représentation offre une comparaison directe avec celle de la trajectoire cambiaire associée à la règle d'état.
  • [22]
    Smith (1991) et Wasan (1969).
  • [23]
    Roncalli (1995).
  • [24]
    L'analyse traditionnelle de la règle temporelle suppose la crédibilité totale de l'annonce qui garantit la convergence progressive et continue de et vers
    Equation 64
    .
  • [25]
    L'appréciation de l'état de la convergence ne dépend pas uniquement de l'évolution spontanée des fondamentaux, mais s'inscrit aussi dans un cadre temporel bien défini. L'opportunité du passage à la monnaie unique pour un pays donné est évaluée tous les deux ans à partir d'un rapport remis par l'Institut Monétaire Européen (devenu la BCE depuis).
  • [26]
    La combinaison suggérée ici pour saisir la stratégie maastrichtienne diffère de celle étudiée par Sutherland (1995). Cet auteur ne songe pas à la succession d'une règle d'état par une règle temporelle, mais à une configuration sous laquelle la transition est régie par l'une ou l'autre de ces modalités suivant la position de la date de premier passage par rapport au moment de fixation choisi sous la stratégie temporelle.
  • [27]
    Elles relevaient surtout de l'article 109l(4) du Traité et des décisions du Conseil de Madrid.
  • [28]
    Cette propriété de la réforme monétaire pour l'adoption de l'euro a été mise très tôt en évidence par Giovannini (1991).
  • [29]
    Le scénario d'annonce préalable des modalités de calcul des parités bilatérales de conversion dans l'euro a été adopté au Conseil de Mondorf en février 1997. De fait, les autorités monétaires européennes ont fait part de cette décision le 2 mai 1998, concomitamment à la publication de la liste des pays qualifiés.
  • [30]
    La livre irlandaise constituait une exception à cette configuration ; le réalignement de mars 1998 permit d'y remédier en partie et de réduire une appréciation préjudiciable à l'entrée du punt dans l'euro. Plus généralement et comme le suggère un rapporteur, l'adéquation mentionnée peut être nuancée dans la mesure où l'on pouvait constater (en particulier pour le mark allemand) une certaine surévaluation des monnaies considérées. Cependant, le cadre d'analyse dans lequel nous nous situons ne permet pas d'appréhender réellement les implications d'une telle configuration sur les formes que pourrait revêtir alors la convergence vers les parités ciblées (dans le cadre d'une règle d'état) et, partant, sur la crédibilité du processus.
  • [**]
    GRAPE, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Avenue Léon Duguit, 33608 Pessac Cedex, FRANCE
    par E-mail : ssenegas@ montesquieu. u-bordeaux. fr

Introduction

1 Quelles influences exercent les règles choisies en matière de fixation du cours de change sur sa dynamique pendant la période qui précède ce changement de régime ?

2Si cette interrogation a fait l'objet d'une discussion nourrie au tournant des années quatre-vingt-dix, elle aura suscité un regain d'intérêt avec la mise en place de l'union économique et monétaire européenne (UEM) à la fin de cette même décennie.

3Les premiers débats se sont inscrits dans le contexte d'un renouvellement du cadre d'analyse des problèmes cambiaires sous l'impulsion des travaux de Krugman (1991). Dans ces modèles, le niveau et la dynamique du cours de change sont dérivés du processus de diffusion suivi par ses fondamentaux [2]. Des contributions s'attachent alors à mettre en valeur la manière dont les anticipations formulées sur les conditions du passage aux changes fixes peuvent infléchir la trajectoire de la variable cambiaire sous le régime intérimaire. Deux types de transition sont en général pris en compte : l'adoption de la fixité peut être contingente à l'atteinte d'une valeur particulière par les fondamentaux du change – règle d'état – ou elle peut être décidée à une date fixée sans tenir compte des données fondamentales – règle temporelle.

4Ces investigations ont souvent pris appui sur des expériences historiques. Ce fut le cas du retour de la livre anglaise à l'étalon-or en 1925 (cf Smith et Smith (1990), Smith (1992), Miller et Sutherland (1992, 1994) et Sutherland (1995)) [3] comme celui de la conversion annoncée des Greenbacks en or en 1879 aux Etats-Unis (cf Calomiris (1994), Guinnane et al (1995) et Smith (1997)).

5Récemment, les questions soulevées par le choix des parités d'entrée bilatérales dans l'euro des monnaies des pays qualifiés pour la troisième étape de l'UEM ont suscité une attention nouvelle pour cette problématique. Au-delà du débat portant sur le caractère adéquat à court terme des niveaux de ces parités eu égard aux mécanismes d'ajustement dans une union monétaire (Begg et al (1997)), on pouvait en effet douter de la stabilité de la dernière phase de transition cambiaire après les profondes crises de 1992-1993 subies par les devises participant au Mécanisme de Change du Système Monétaire Européen. De fait, les contraintes institutionnelles sur le calcul des parités de conversion des monnaies des futurs Ins au soir du 31 décembre 1998 conféraient aux forces de marché un rôle moteur dans le processus, ce qui inquiétait les autorités monétaires. L'efficacité des annonces que ces dernières pouvaient formuler était, dès lors, sujette à caution.

6Ces dernières caractéristiques invitaient précisément à relire l'expérience de la transition européenne vers la monnaie unique à la lumière des modèles étudiant l'influence des modalités de fixation du change sur la dynamique cambiaire. Dans cette perspective, et avant même l'annonce effectuée le 2 mai 1998 par les responsables européens d'un schéma précis de conversion des devises en euro, plusieurs scénarios d'entrée dans l'union monétaire avaient déjà été recensés et leurs répercussions sur la trajectoire et la volatilité du cours de change comparées (cf De Grauwe et al (1998)). Tous les procédés retenus dans ces études s'apparentent à des règles de fixation temporelles (i.e. au 31 décembre 1998) qui diffèrent cependant par la nature des conditions terminales imposées à la variable cambiaire [4].

7Pour appréhender la stratégie maastrichtienne, la démarche adoptée ici s'inscrit dans la lignée de ces analyses consacrées à l'impact des règles de fixation sur le cours de change, mais elle vise surtout à souligner les ambiguïtés de l'approche traditonnellement retenue. Elle envisage en effet le scénario européen comme un couplage original des deux modalités de passage aux changes fixes susmentionnées. Ceci confère à la transition vers l'euro une optique plus large que celle relevant d'une règle temporelle pure à laquelle le processus analysé ne s'est vraiment apparenté qu'à partir de mai 1998. En ce sens, nous rejoignons l'interprétation suivant laquelle le processus de transition défini dans le Traité de Maastricht « spécifie une règle dépendante du temps couplée à une règle d'état » (Bean (1992), p. 44).

8Si l'épisode européen gagne à être replacé dans une telle perspective, cette entreprise ne saurait cependant être totalement convaincante en l'état. Elle doit passer au préalable par une réflexion critique sur la distinction entre les deux types de règles, souvent opérée de manière trop tranchée dans la littérature [5]. Alors que, sur cette base, certains envisagent des combinaisons de ces deux modalités de fixation (Sutherland (1995)), la question de leurs correspondances éventuelles reste ouverte. En effet, elle n'a pas été traitée en tant que telle, aussi bien sur le plan des trajectoires induites pour la variable cambiaire au cours de la transition que sur celui de la volatilité instantanée du change en régime intérimaire.

9Or, cet examen peut s'avérer instructif pour au moins deux raisons. Tout d'abord, sur le plan théorique, l'élaboration d'un cadre d'analyse unifié pour appréhender conjointement les deux modalités de fixation de la variable cambiaire conduit à en faire ressortir plus nettement les points de rapprochement, mais aussi les divergences véritables. Le parallèle qui se dégage entre les deux règles permet, ensuite, de jeter un regard original sur le comportement des monnaies européennes au cours des mois précédant le passage à l'euro et d'avancer, en particulier, certains éléments explicatifs de la stabilité finalement observée sur le marché des changes [6]. À la lumière de cette tentative de relecture, il apparaît en effet que le scénario maastrichtien pourrait avoir tiré en partie sa crédibilité sur le plan cambiaire de la jonction particulière qu'il a instituée entre les deux règles de fixation évoquées.

10Compte tenu de ces considérations, nous procédons en trois temps. Dans une première section, un retour critique est opéré sur le cadre d'analyse des stratégies de passage aux changes fixes traditionnellement adopté : ce dernier ne saurait strictement déboucher sur une indépendance totale des deux règles l'une envers l'autre comme on a voulu parfois le laisser croire (section 2). Sur la base de cette réflexion, les correspondances qui peuvent être établies entre les deux modalités de fixation sont alors mises en évidence (section 3). La section 4 tente enfin de tirer les enseignements de cette analyse comparative pour saisir la nature exacte du scénario qui a présidé au déroulement de la dernière phase de transition vers l'UEM et ses implications sur les cours des devises concernées. Elle conclut également cette contribution.

Un cadre d'analyse unifié pour appréhender les deux règles de fixation du change

11 Afin de mettre en évidence les liens existant entre les deux modalités de fixation, il nous faut aborder au préalable la démarche méthodologique qui sous-tend leur exposition traditionnelle. Ce survol critique permet de suggérer une autre voie d'approche qui illustre plus clairement les points de rapprochement entre ces deux règles.

La présentation traditionnelle du cadre d'analyse

12 L'influence des modalités de fixation de la variable cambiaire sur sa dynamique avant le passage à la fixité est souvent appréhendée dans le cadre d'une modélisation du cours de change en termes d'actifs en temps continu [7]. Selon cette représentation, la valeur courante du logarithme du change [8] à la date t (et) dépend de celle des fondamentaux (résumée par kt) et de la variation instantanée anticipée de la variable cambiaire à cet instant

Equation 1
. On aboutit alors à l'expression suivante :

Equation 2

13

14Sur le marché, les participants forment des anticipations rationnelles sur l'évolution future du change. It intègre l'ensemble d'information disponible à la date t. Il comprend la valeur courante des fondamentaux et toute information publique concernant leur évolution présente et/ou future.

15Le modèle monétaire à deux pays sert habituellement de sous-jacent à l'analyse. L'équation (1) reflète alors la forme semi-réduite du cours de change qui découle de ce cadre (cf Froot et Obstfeld (1991), Miller et Sutherland (1992)). Dans ce cas, α représente la semi-élasticité de la demande de monnaie au taux d'intérêt, posée identique dans les deux pays (par convention, tous les paramètres de (1) sont positifs). La variable composite kt regroupe, d'une part, l'instrument mesurant les politiques monétaires dans les deux économies, à savoir la différence (logarithmique) des masses monétaires ≤ft(mt-mt*) et, d'autre part, des chocs sur la demande qui en constituent la composante stochastique.

16Lorsque les autorités monétaires ne cherchent pas à contrôler le cours de change (par une intervention sur kt viaft(mt-mt*)), un régime de détermination spécifique prévaut pour les fondamentaux. Leur dynamique peut être en effet appréhendée par un processus de diffusion de la forme :

Equation 3

17

18η mesure la tendance des fondamentaux [9] ; zt est un processus de Wiener standard (d'espérance nulle et de variance unitaire) ; σ2 représente la variance instantanée de kt. De par (1), l'évolution du change dépend conjointement des modifications de l'état du fondamental et du passage du temps.

19La forme réduite de la variable cambiaire dans le modèle s'obtient alors en plusieurs étapes. Sur la base des deux équations précédentes et à l'instar de tout prix d'actif, une formule générique pour le cours de change est tout d'abord donnée par [10] :

Equation 4

20

21L'équation (3) décrit la solution d'équilibre du cours de change, valable quel que soit le régime de change (ou des fondamentaux) considéré en l'absence de bulle spéculative [11] (cf Froot et Obstfeld (1991a,b)). La dérivation d'une formulation explicite pour (3) est contingente à la spécification de la procédure de contrôle retenue sur les fondamentaux (viaft(mt-mt*)) et aux changements susceptibles de se produire en la matière. La connaissance du régime de détermination (présent et à venir) du change (et, avec lui, des interventions qu'il induit sur kt) est en effet nécessaire pour caractériser complètement la trajectoire de cette variable.

22À ce stade de l'analyse, les deux modes de fixation cambiaire sont souvent pris en compte de manière distincte bien que l'équation (3) suggère une origine commune à leur dérivation [12]. Une des raisons de cette dichotomie apparente dans le traitement des deux règles tient à la particularité de la démarche adoptée par les auteurs concernés pour étudier l'impact des changements de régime monétaire sur le comportement du change, provoqué par ces deux voies de fixation. Cette approche repose en effet sur la résolution d'équations différentielles stochastiques fondées sur le lemme d'Itô (cf Bertola (1994) et Froot et Obstfeld (1991a)).

23Dans ce cadre, les arguments de la relation fonctionnelle entre la variable cambiaire et ses fondamentaux doivent être tout d'abord spécifiés. On peut alors dériver l'expression analytique de la trajectoire du cours de change correspondant au changement de régime étudié.

24Si la dynamique du fondamental composite est gouvernée par un processus stochastique, la première étape de la démarche est associée à une alternative simple quant à la prise en compte de la dimension temporelle dans la relation concernée.

25D'un côté, si une règle d'état est adoptée, la fixation peut être appréhendée par une relation directe entre et et kt. En effet, dans ce cas, la procédure de gel de la parité repose seulement sur l'atteinte d'un état particulier par le fondamental qui déclenche la fixation [13]. Le lien entre et et kt apparaît donc invariant avec le temps. Son passage agit sur le change uniquement par l'intermédiaire des variations du fondamental composite. La solution de (3) peut alors être écrite comme etft(kt).

26De l'autre côté, si la fixation repose uniquement sur des critères chronologiques (règle temporelle), sans référence à l'état des fondamentaux, une solution non stationnaire s'impose puisque des éléments purement temporels font partie intégrante du comportement du cours de change. Dans cette situation, l'expression du change est de la forme et*ft(kt,t).

27Compte tenu des relations (1) et (2) et de l'application du lemme d'Itô, Gft(kt) (ou G*ft(kt,t)) est la solution générale d'une équation différentielle. La solution particulière est obtenue en appliquant les conditions terminales propres à la règle étudiée.

28À la lumière de ce bref aperçu méthodologique sur les contributions consacrées à cette question, la démarche qui sous-tend la dérivation des trajectoires du cours de change sous les deux modalités de fixation ne nous paraît pas la plus adéquate pour mettre à jour leurs éléments de correspondance et de divergence. En effet, l'attention exclusive portée sur un état seuil du fondamental ou sur une date arbitraire de passage aux changes fixes fait perdre de vue la présence conjointe des dimensions chronologique et d'état du fondamental sous chacune des deux stratégies. En réalité, sous la règle d'état, l'atteinte par kt d'une valeur qui déclenche la fixation se produit à une date particulière, déduite du processus de diffusion à l'origine des variations du fondamental. Dans ces conditions, il paraît plus judicieux de placer l'accent sur le statut du moment auquel la fixation est effectuée sous les deux règles. Une comparaison explicite de ces dernières peut être alors entreprise en dérivant les trajectoires correspondantes du change dans un cadre homogène.

Le statut de la date de fixation comme fondement de la distinction entre les deux règles

29 La nature distincte des deux stratégies de fixation réside, en fait, dans le statut, exogène ou endogène, de la date à laquelle le gel de la parité survient. Pour s'en convaincre, il faut revenir sur la spécification du mode de régulation des fondamentaux caractéristique de chaque règle.
1- Le premier changement de régime considéré représente une règle de passage aux changes fixes, conditionné par l'atteinte d'un seuil, noté

Equation 5
, par les fondamentaux (règle d'état)[14]. L'arrivée en ce seuil déclenche alors la réaction suivante chez les autorités : elles fixent le cours de change à
Equation 8
avec
Equation 9
. La politique monétaire devient endogène et contrecarre de manière infinitésimale les chocs qui feraient dévier kt de
Equation 10
. Le fondamental composite n'effectue pas de saut lors de la fixation. Cette stratégie est donc une règle d'absorption naturelle du processus suivi par kt en

Equation 11

30(Froot et Obstfeld (1991b)). Compte tenu de l'intervention des autorités monétaires lorsque kt rejoint

Equation 12
, la dynamique d'ensemble des fondamentaux peut être formulée comme suit :
Equation 13

2- Sous le second changement de régime, la règle conditionne le passage aux changes fixes à une date

Equation 14

31, choisie arbitrairement par les autorités monétaires. Celles-ci annoncent également qu'à cette date (et à

Equation 15
seulement) la politique monétaire sera ajustée pour assurer durablement la fixation du change à

Equation 16

32, parité identique à la précédente à seule fin de comparaison avec la règle d'état (règle temporelle de type I). Lors du gel, une intervention discrète sur le fondamental d'un montant

Equation 17
est donc prévisible [15], à moins que le hasard ne fasse que
Equation 19
soit une date à laquelle kt se situe en
Equation 20
. En raison de cette discontinuité, la dynamique du fondamental composite induite par une règle temporelle de ce type peut être mise sous la forme :

Equation 21

33Un autre scénario temporel peut aussi être envisagé selon lequel les autorités annoncent qu'elles se conformeront totalement au choix du marché en

Equation 22
(règle temporelle de type II). Elles n'interviendront alors que de manière infinitésimale pour maintenir le fondamental au niveau qu'il aura atteint à cette date. Aucun saut de kt ne survient lors de ce changement de régime. À l'instar du montant d'intervention sous la variante précédente, c'est ici la valeur du change au moment de sa fixation qui devient une variable aléatoire. La dynamique du fondamental composite est alors décrite par :

Equation 23

34

35Les deux types de règles envisagés (d'état ou temporelle) sont supposés faire l'objet d'une annonce jugée crédible par les participants du marché. Cette hypothèse cruciale interdit tout saut du cours de change au moment de la fixation. En effet, les modalités du basculement de régime ne sont pas entâchées d'incertitude. Aussi, après l'annonce, le change doit-il se placer, immédiatement et pour toute la durée de la période intérimaire, sur sa trajectoire d'équilibre qui le mènera continûment vers sa parité future (connue ou inconnue à la date courante) [16].

36Ces précisions analytiques font clairement apparaître que la date de fixation relève d'une décision a priori totalement arbitraire dans le cas de la règle temporelle, alors qu'elle est manifestement induite par le seuil d'absorption des fondamentaux sous la règle d'état (cf Flood et Garber (1983), Smith (1991)). Telle qu'elle est effectivement spécifiée sous cette dernière stratégie, la date de fixation de la parité n'est autre que celle du premier passage de kt en

Equation 24

37, soit :

Equation 25

38Par conséquent, cette date est certaine sous une règle temporelle. En revanche, elle est aléatoire sous une règle d'état : sa valeur effective dépend de la réalisation particulière du sentier suivi par kt durant la transition.

39Ce constat suggère alors une autre approche pour obtenir les trajectoires du cours de change sous les deux règles de fixation. Dans cette nouvelle optique, l'équation (3) constitue le point de départ commun à la dérivation des deux solutions, mais sa résolution s'organise différemment suivant le statut, endogène ou exogène, de la date de fixation (notée T par la suite) [17].

40
1- Considérons tout d'abord la règle d'état pour laquelle T est endogène (T=Tp). En utilisant les travaux de Smith (1991) et de Harrison (1985) on peut établir que :

Equation 26
avec
Equation 27
désignant la valeur du cours de change durant la période intérimaire sous une règle d'état. r1 est la racine positive de l'équation :
Equation 28

41Cette expression montre que le change s'écarte d'autant plus de sa trajectoire en flottement pur (donnée par kt+αη) que le fondamental est proche de sa barrière absorbante. L'explication réside dans le caractère prospectif de la détermination du cours de change, révélé dans l'équation (3). Sur sa trajectoire d'équilibre, il équivaut, en effet, à la somme des valeurs attendues et actualisées des fondamentaux. Les variations futures anticipées de kt sont gouvernées à la fois par une tendance déterministe et par d'éventuels changements déclarés de régime. En l'absence de ces derniers, seule la première composante est intégrée dans la valorisation courante du change, dont le taux de variation espérée est donné par η.

42Tel n'est plus le cas lorsque les agents s'attendent au gel définitif de la parité dès que les fondamentaux auront atteint

Equation 29
. Dans ces circonstances, la probabilité que le change demeure flexible à l'avenir diminue avec le rapprochement des fondamentaux de leur barrière absorbante. Comme la variation anticipée du cours de change est nulle en régime de fixité, la monnaie nationale subit un taux de dépréciation d'autant plus réduit que la convergence vers
Equation 30
progresse. Le déplacement vers
Equation 31
se traduit donc par une appréciation de plus en plus forte de la monnaie interne par rapport à sa valeur en flottement permanent.
2- Si T est exogène (règle temporelle,

Equation 32

43), la formulation de la trajectoire du change est tributaire de la condition terminale portant sur le fondamental lorsque la variable cambiaire est gelée.

44Sous la règle temporelle de type I (avec intervention pour atteindre

Equation 33
), on obtient :

Equation 34

45

46Par contre, dans l'hypothèse où les autorités ne feraient que valider le choix du marché en

Equation 35
sans annoncer une parité cible (règle temporelle de type II), on aboutirait à [18][19] :
Equation 37
soit finalement :

Equation 38

47

48Sous une règle temporelle et tout au long de la période intérimaire, la valeur courante du change est donnée, à chaque instant, par une moyenne pondérée du niveau qu'il aurait en cas de flottement pur et de l'écart attendu à la parité cible. Les pondérations varient avec le temps : plus la date prévue de fixation approche, plus la force d'attraction de la parité est vigoureuse (i.e. plus la condition terminale agit sur le change courant) et plus on s'éloigne de la trajectoire du change flottant. Alors que la marche vers la fixité s'intensifie, l'influence des fondamentaux courants sur la dynamique cambiaire tend à s'estomper au profit d'éléments exogènes relevant des conditions du passage futur en changes fixes, précisées dans l'annonce officielle initiale [20].

49Par conséquent et pour résumer, la solution d'équilibre du cours de change pendant la période intérimaire (3) peut être exprimée sur la seule base des fondamentaux dans le cas d'une règle d'état et sur celle conjointe des fondamentaux et du temps dans le cas d'une règle temporelle. Cependant, cette représentation est clairement liée à la nature (endogène ou exogène) de la date de fixation du change. C'est pourquoi, l'alternative entre les deux stratégies de fixation ne semble pas aussi tranchée que les travaux antérieurs ont bien voulu parfois le laisser penser. Même si elle y apparaît à des titres distincts, la dimension temporelle est bel et bien présente sous les deux configurations. De ce fait, elle fournit un point de comparaison entre les deux règles qu'il convient d'exploiter.

Règle d'état versus règle temporelle : les correspondances

50 La démarche exposée précédemment laisse entrevoir la possibilité d'un rapprochement entre les deux modalités de fixation. C'est pourquoi un examen attentif de la dynamique transitoire du change est entrepris avant d'apprécier l'impact de chaque stratégie sur la volatilité de cette variable au cours de la période intérimaire. On s'attache d'abord et principalement à mettre en parallèle la règle d'état et celle temporelle avec annonce de la parité d'ancrage (type I), conformément à la plupart des travaux précités. Le scénario temporel avec pur aval du choix du marché (type II) sera intégré plus tard dans l'analyse.

L'équivalence des sentiers de transition du change

51 Une première manière d'appréhender la question des correspondances entre les deux règles est de s'attacher au processus suivi par kt. Les variations du fondamental composite sont, en effet, de par (2), liées au passage du temps et à la réalisation de chocs via le processus de Wiener zt . Du fait de cette double dépendance, conditionner le passage aux changes fixes à une date donnée ou à l'atteinte d'un état particulier pour les fondamentaux ne sont pas deux stratégies parfaitement identiques en matière de dynamique du cours de change. Sont-elles pour autant totalement distinctes ?

Le cas déterministe et l'équivalence stricte

52 L'identité totale entre les deux règles peut être établie si le processus suivi par kt est non aléatoire (σ=0). Dans ce cas, si, sous la règle d'état, le fondamental composite atteint sa valeur seuil à une date T de premier passage – connue ici avec certitude –, on retrouve exactement la solution obtenue sous une règle temporelle (de type I) de fixation de la parité à la date

Equation 39
(compte tenu de la correspondance parfaite entre variation des fondamentaux et changement de dates ≤ft(ks-kt=η≤ft(s-t))). Par conséquent, l'équivalence entre les deux stratégies de passage aux changes fixes est totale. Les trajectoires du change pendant la transition, induites par les deux règles, sont rigoureusement identiques : leur expression en termes de variables d'état ou du temps relève purement et simplement d'un choix arbitraire de représentation.

53Cette correspondance parfaite des dynamiques du change associées aux règles temporelle et d'état peut d'ailleurs être à l'origine d'un problème d'équivalence observationnelle pour tout spectateur qui, au moment de la fixation, jetterait un regard en arrière sur la transition qui vient de se dérouler (position d'ailleurs fréquente de l'économètre) et qui s'appuierait donc sur une réalisation du processus de diffusion (2).

54Pour illustrer cette situation particulière, la dynamique des fondamentaux est dotée des caractéristiques suivantes :

Equation 40

55

56Dans le cas de la règle d'état, ce processus est soumis à une barrière absorbante dont la valeur est

Equation 41
(k sur les graphiques). Par hypothèse, k0=0. En retenant le schéma de discrétisation d'Euler-Maruyama (avec un pas de 0,1), une simulation [21] du processus (12) est effectuée et représentée par une ligne continue sur le graphique 1.
Equation 42

57Pour cette réalisation du processus, l'absorption naturelle des fondamentaux en

Equation 43
se produit à la date tp=13.

58Par ailleurs, plusieurs règles temporelles (de type I) sont considérées telles que la parité est respectivement gelée aux dates

Equation 44

59. Les lignes en pointillés et/ou en tirets sur le graphique 1 (supra) représentent les trajectoires correspondantes des fondamentaux.

60Dans le plan ≤ft(kt,et), le graphique 2 illustre, d'une part, les relations entre le cours du change et ses fondamentaux associées aux règles temporelles précédentes [22] et, d'autre part, la trajectoire issue de la règle d'état (en trait continu).

Equation 45

61On constate que l'allure générale des solutions obtenues sous chacune des règles temporelles est intimement liée à la valeur atteinte par les fondamentaux immédiatement avant le changement de régime. Mais surtout, dans le cas très singulier où la date annoncée de fixation correspond à celle (réalisée) du premier passage des fondamentaux à

Equation 46
, on observe bien que les lieux géométriques correspondants se confondent dans le plan ≤ft(kt,et). De ce point de vue, une présentation des résultats des diverses stratégies à partir de droites isochrones (cf Sutherland (1995)) pourrait occulter la parfaite équivalence qui pourrait alors prévaloir entre les deux modalités de fixation. De plus, dans une telle situation, l'examen empirique ex post de la dynamique de transition du change ne semble pas permettre l'identification du type de règle effectivement suivie par les autorités, et ce, plus généralement, dès lors que la date réalisée de premier passage et celle adoptée dans le cas d'une règle temporelle sont proches.

Une correspondance probabiliste dans un contexte stochastique

62 Dans un environnement aléatoire, la relation entre les deux règles n'est plus univoque. Ancrer le cours de change à

Equation 47
quand les fondamentaux atteignent le seuil choisi par les autorités revient finalement à fixer et à la date de premier passage de kt en
Equation 48
. Cependant, cette date (Tp) ne peut pas être annoncée à l'avance par les autorités avec certitude car sa valeur dépend de la réalisation du processus de kt : Tp est, rappelons-le, une variable aléatoire.

63Pour autant, la comparaison entre une règle de fixation de et quand kt atteint

Equation 49
et une règle de passage aux changes fixes à 

Equation 50

64n'est pas exclue. En effet, il suffit de mesurer la proximité probabiliste entre

Equation 51
et tp via la fonction de densité [23] de Tp :
Equation 52

65Même dans un cadre stochastique, un parallèle peut donc être établi entre les deux règles :

66Les trajectoires suivies par le cours du change pendant la période de transition sous deux règles différentes – l'une temporelle de type I, l'autre d'état – seront d'autant plus proches que la coïncidence entre la date retenue par les autorités

Equation 53
et celle du premier passage ≤ft(Tp) des fondamentaux en leur seuil
Equation 54
sera plus probable.

67Dans le cadre d'une règle temporelle, il n'est donc pas indifférent de choisir une date de changement de régime plutôt qu'une autre au regard de la distribution de la date d'absorption des fondamentaux en la barrière qui correspond à la parité adoptée. Ce choix déterminera en particulier le montant de l'intervention officielle sur le fondamental composite pour garantir le passage aux changes fixes sous la règle temporelle.

68Afin d'illustrer cette propriété, la fonction de densité de la date de premier passage des fondamentaux à leur valeur critique (0,2 dans l'exemple) est déduite de l'expression (13), sachant que la dynamique de kt est décrite par (12). Les réalisations des dates de premier passage à

Equation 55
, issues de 10000 simulations du processus (12), permettent alors d'estimer cette fonction de densité par la méthode du noyau gaussien [24]. Le graphique 3 illustre les résultats obtenus.
Equation 56

69La date moyenne d'aborption en

Equation 57

70peut être calculée exactement à partir de la formule (13). Pour le processus (12), cette dernière vaut Eft[Tp]=20 (supérieure au mode de la distribution asymétrique). La probabilité que la date de premier passage soit égale à une date de fixation donnée peut être évaluée à partir de cette fonction de densité. D'après le graphique 3 et le principe de correspondance probabiliste énoncé plus haut, la dynamique du cours de change associée à une règle temporelle de fixation à

Equation 58

71se rapprochera davantage de la trajectoire suivie sous la règle d'état que celle associée à une règle de fixation à

Equation 59

72. Simultanément, la perspective d'une ultime intervention massive par les autorités, dont la mise en œuvre et/ou le bien fondé pourraient être mis en doute par le marché, s'éloigne alors d'autant.

Un impact distinct en termes de volatilité

73 Les règles de fixation peuvent donc avoir des effets similaires au niveau de la trajectoire de la variable cambiaire durant la phase de transition. Qu'en est-il cependant de la capacité des diverses annonces à infléchir la volatilité du change par rapport à celle constatée sous un régime de flottement pur ? On s'intéresse ici à la volatilité cambiaire conditionnelle (ou instantanée).

74Compte tenu des formulations obtenues sous chacune des règles de fixation, l'application du lemme d'Itô induit des expressions distinctes pour la volatilité instantanée du cours de change durant la transition (mesurée par l'écart-type conditionnel de et) :

Equation 60

75Pour illustrer les enseignements tirés de l'examen des formules ainsi dérivées, on se focalise, dans un premier temps, sur l'analyse de l'écart-type instantané du change bilatéral pendant la phase transitoire, compte tenu d'une réalisation particulière de la trajectoire de son fondamental synthétique. Le graphique 4 illustre ainsi le profil de la volatilité du change au cours de la période transitoire sous les différentes règles temporelles et d'état analysées dans le paragraphe précédent. Différents résultats peuvent être alors mis en évidence.

Equation 61

76
1- Suivant la nature de la condition terminale portant sur la parité (et, de manière équivalente, sur son fondamental composite), l'annonce d'une règle temporelle modère ou non la volatilité du change par rapport à celle de ses fondamentaux.

77Dans le cas où les autorités avalisent totalement le choix du marché (et déclarent en conséquence qu'elles figeront le change comme son fondamental composite à leurs valeurs respectives atteintes à la date de fixation annoncée,

Equation 62
) – règle temporelle de type II –, l'impact de cette annonce sur la volatilité de la variable cambiaire est nul puisqu'elle reste confondue avec celle des fondamentaux jusqu'au moment du passage aux changes fixes. La variabilité instantanée du change effectuera seulement un saut discontinu au moment de la fixation. Ce gel de parité s'apparente alors à un arrêt naturel (i.e. sans intervention des autorités), mais brutal, du processus suivi par kt.

78En revanche, si une valeur cible pour le cours de change est annoncée (et avec elle, implicitement, un seuil pour son fondamental) – règle temporelle de type I –, la volatilité de ce dernier décroît régulièrement (de manière exponentielle) au fur et à mesure que la date de fixation approche et que la variable cambiaire converge vers. Ce profil reflète le caractère continu de la transition qu'une règle de type I induit entre les deux régimes de détermination du change : d'abord le flottement, caractérisé par une volatilité constante ; puis la fixité avec une variabilité nulle de et.

79Les résultats distincts en termes de volatilité obtenus pour les deux types de règle temporelle sont porteurs d'un premier enseignement quant au contenu de l'annonce que les autorités peuvent formuler lorsqu'elles envisagent de fixer le cours de change de leur monnaie. Si elles comptent procéder selon une modalité de fixation contingente à l'annonce d'une date d'échéance, cette mesure n'aura un impact significatif sur la volatilité du change que si elles désignent simultanément au marché la valeur de la parité cible qu'elles ont choisie. Par ce biais, elles lèvent l'indétermination sur la trajectoire du change en l'absence d'ancrage publiquement annoncé et produisent un amortissement de sa volatilité qui va grandissant jusqu'au changement de régime. Cet apaisement de la dynamique du change n'est cependant tangible que si l'annonce faite est crédible au sens où les agents sont convaincus de ce que la parité révélée par les autorités sera finalement celle choisie en

Equation 63
[25]. De ce fait, la modération de la variabilité du change pendant la phase transitoire dépend de l'aptitude des autorités à modifier les anticipations du marché au moyen d'une annonce appropriée.

80De l'observation du graphique 4, il ressort également que l'annonce des autorités monétaires produit un apaisement immédiat sur le change à condition que le moment de fixation soit suffisamment proche de la date de l'annonce. Plus l'échéance est lointaine, plus la réduction escomptée de la volatilité est tardive. La dilution de cet effet dans le temps est causée par une influence moindre de la composante anticipative sur la détermination du change courant au comptant. D'ailleurs, le gain attendu en termes de réduction de variabilité du change tend à disparaître quand la sensibilité de la demande d'encaisses au taux d'intérêt (α ) diminue.

81Il convient enfin de souligner l'absence d'influence de la composante déterministe du fondamental (η dans l'exemple) sur la volatilité du change si une règle temporelle est mise en place. En particulier, l'adoption – par les autorités – d'une attitude « active » qui corrigerait seulement les divergences du fondamental par rapport au niveau ciblé (et déboucherait sur un mécanisme de retour à la moyenne du type Ornstein-Uhlenbeck) serait sans effet sur la variabilité du change. Pour être efficace, ce type de correction devrait être directement apporté sur la variabilité de kt (tel que le processus de pont brownien considéré par Miller et Sutherland (1994)).

82
2- Sous la règle d'état, la volatilité du change diminue aussi eu égard à celle qui aurait prévalu en régime de flottement. Cependant, et en raison de la contingence à l'état du fondamental, cet effet (et la décroissance qui se produit par la suite) dépend seulement de l'écart entre le niveau courant de kt et sa barrière absorbante

Equation 65
. En d'autres termes, la variance instantanée du change ne répond à aucun profil temporel particulier sous cette configuration. Contrairement à la règle temporelle I, la volatilité du change n'est pas déconnectée du comportement des fondamentaux durant la transition. Au contraire, celle-ci suit de manière non linéaire la trajectoire empruntée par kt jusqu'à l'atteinte de
Equation 66
.

83
3- Les résultats illustrés sur le graphique 4 révèlent aussi que repousser le gel des parités à une échéance (arbitrairement) lointaine, sous une règle temporelle de type I, fait supporter une volatilité du change excessive par rapport à celle induite par la convergence naturelle des fondamentaux vers le seuil prédéfini (sous une règle d'état). À titre d'exemple, sous la règle temporelle

Equation 67
, le cours de change affiche un écart-type instantané cumulé qui dépasse d'un tiers celle de la variable cambiaire sous la règle d'état. À l'opposé, l'annonce d'un gel précoce (avant la date d'absorption naturelle, tp=13 pour la réalisation considérée) de la parité permet à la règle temporelle (supposée crédible) de dominer clairement la règle d'état en termes de volatilité cambiaire intermédiaire cumulée.

84Ces différents résultats nous permettent finalement d'éclairer, à titre prospectif, les critères de choix d'une règle temporelle optimale. Il semble que les autorités devraient considérer dans ce cas à la fois les gains à attendre de la réduction de la volatilité et les coûts associés à l'intervention discrète résultant d'une convergence incomplète des fondamentaux vers leur cible au moment de la fixation.

Les leçons cambiaires de Maastricht

85 L'évolution cambiaire au cours des derniers mois précédant le passage à l'euro constitue un champ d'application adéquat pour les enseignements qui viennent d'être tirés de la comparaison entre les deux modalités de fixation du change. Les clauses institutionnelles attenantes au lancement de la monnaie unique ne laissaient pas en effet présager de la stabilité finalement observée dans ce domaine. Le risque d'occurrence de tensions fortes sur le marché des changes à la veille du basculement dans l'euro avait d'ailleurs été souligné (cf Obstfeld (1998), De Grauwe (1996, 1998), De Grauwe et Spaventa (1997)). Le décalage entre le constat empirique et l'argumentaire théorique ex ante incite par conséquent à un réexamen des spécificités de la transition cambiaire européenne. Dans ce but, le cadre d'analyse proposé supra permet d'apprécier la contribution de ces caractéristiques à l'état de faits observé.

86La stratégie du passage à la monnaie unique – esquissée à Maastricht et précisée aux Conseils de Madrid en 1995 et de Mondorf en 1997 – peut être interprétée comme un couplage original des deux règles de fixation étudiées.

87Tout d'abord, la deuxième phase de l'UEM devait aboutir à la sélection préalable des pays candidats sur la base de critères de convergence édictés dans le Traité de Maastricht. L'instauration de cette étape éliminatoire semblait refléter la volonté des responsables monétaires européens de ne pas dissocier la fixation des cours de change de l'évolution des fondamentaux. Seules, en effet, les économies dont le degré de convergence était avéré suffisant pouvaient envisager d'unifier de manière irrévocable leurs monnaies.

88Eu égard au cadre théorique retenu, la dynamique cambiaire qui a prévalu lors de cette première étape serait à rapprocher de celle associée à une règle d'état. Néanmoins, ce parallèle revêt deux limites dont il convient d'apprécier la portée.

89D'une part, au seuil sur le fondamental composite posé dans le modèle s'est substitué, dans le cas européen, un majorant pour les indicateurs de taux d'inflation, de taux d'intérêt, d'endettement public et d'amplitude des variations de change, objets des fameux critères.

90Ensuite, outre qu'elle était réglementairement inscrite dans le temps [26] et ne pouvait donc pas être totalement appréhendée au travers d'une règle d'état pure, cette phase éliminatoire n'a pas abouti à une fixation définitive des cours de change des monnaies concernées. Elle devait déboucher sur une dernière ligne droite – qui constitue le deuxième volet du scénario maastrichtien – dont la conclusion reposait, quant à elle, uniquement sur des critères temporels. La dynamique cambiaire, qui s'est alors faite jour au cours de cette ultime marche vers la monnaie unique entre mai et décembre 1998, peut être à son tour apparentée, pour les devises concernées, à celle induite par une règle de fixation temporelle. La date butoir imposée au passage à l'euro (le 31 décembre 1998) et les annonces formulées au printemps 1998 sur les modalités qui seraient retenues pour déterminer les cours de conversion bilatéraux au sein de la future monnaie européenne suggèrent en effet un tel parallèle.

91En dépit des deux restrictions invoquées, l'analogie établie entre la première étape précédemment identifiée et la règle d'état mérite d'être retenue. Son intérêt principal réside dans ce qu'elle permet alors d'appréhender la stratégie maastrichtienne comme la juxtaposition de deux modalités de fixation. Partant, elle invite à voir, dans cette association, l'un des gages de stabilité de la dynamique cambiaire observée au cours des derniers mois qui ont précédé la mise en place de la monnaie unique [27].

92Mais pour se prononcer sur les mérites d'une telle combinaison, il faut tout d'abord examiner les implications attendues du choix d'une règle temporelle pure comme mécanique finale d'entrée dans l'union monétaire.

93Stricto sensu, les clauses institutionnelles régissant le passage à l'UEM sur le plan cambiaire [28] induisaient des conditions très particulières de détermination des parités de conversion bilatérales entre les monnaies des pays qualifiés au sein de l'euro. En effet, ces dispositions légales impliquaient que la fixation de ces dernières se fasse, au soir du 31 décembre 1998, sur la base d'une coïncidence parfaite avec les cours bilatéraux de marché entre les monnaies des futurs Ins observés à cette même date [29].

94Dans un tel contexte et en l'absence d'annonces sur les valeurs désirées des parités de conversion au soir du 31 décembre 1998, les trajectoires des cours de change concernés n'auraient reposé sur aucun ancrage explicite et auraient pu faire preuve, en conséquence, d'une instabilité manifeste [30].

95La comparaison des deux types de règles temporelles (cf. équations (9) et (10)) permet d'apprécier à cet égard la portée toute relative qu'il convient d'accorder au message qu'ont délivré les responsables monétaires lorsqu'ils ont voulu s'affranchir d'un tel scénario (primauté au marché) et désigné, pour ce faire, à l'avance les parités de conversion qu'ils souhaitent voir retenues au moment de la fixation. Bien que l'octroi d'un tel ancrage permît d'éviter – dans la mesure où il fut crédible – une instabilité cambiaire générée, en son absence, par le comportement potentiellement erratique des anticipations de change, il n'allait pas a priori sans exclure, au moment du passage en changes fixes, la mise en œuvre d'interventions sur les fondamentaux dont le montant est aléatoire. En d'autres termes, même sous l'hypothèse d'annonces parfaitement crédibles sur les parités futures de conversion, le gain (certain) qu'en obtiennent les autorités monétaires sous la forme d'une réduction de la volatilité cambiaire doit être évalué à l'aune de l'effort qu'elles devront consentir en termes d'interventions quand la fixation interviendra.

96Quelles conclusions en tirer pour la stratégie maastrichtienne ? D'un côté, la formulation d'annonces précises sur les valeurs que devaient prendre, aux yeux des autorités, les futurs cours de conversion bilatéraux dans l'euro paraissait inévitable pour déterminer de manière univoque (ex ante) la trajectoire suivie par les cours de change durant la période intérimaire. Cependant, cette propriété ne pouvait réellement prévaloir que si le marché percevait de manière crédible le message qui lui était adressé publiquement par les autorités. De plus, et compte tenu du principe de coïncidence légalement imposé entre les valeurs de marché au soir du 31 décembre 1998 et celles des cours de conversion irrévocablement fixés, la règle temporelle choisie se heurtait quoiqu'il arrive à la mise en place d'interventions sur les fondamentaux pour assurer une transition continue vers l'euro.

97Sur ce point, les faits observés au cours de la période antérieure à la création de l'UEM livrent deux enseignements. Tout d'abord, l'annonce, le 2 mai 1998, du choix des parités centrales bilatérales en vigueur dans le Système Monétaire Européen comme bases de référence pour l'établissement des cours de conversion entre les monnaies Ins a visiblement reçu l'aval du marché puisqu'une convergence progressive des cours au comptant vers les valeurs annoncées a pu être par la suite observée. Par ailleurs, il ne semble pas que le passage à la monnaie unique ait induit des opérations massives sur les masses monétaires ou sur d'autres fondamentaux quand la transition a eu lieu. D'une manière générale, il semble donc que l'évolution des cours de change concernés par la mise en place de l'euro ait été conforme aux prédictions théoriques d'un scénario avec une règle temporelle de type I. En particulier, la dynamique cambiaire entre mai et décembre 1998 a été guidée en grande partie par la force d'attraction de la parité d'ancrage dans l'euro choisie pour les monnaies Ins (voir De Grauwe et al (1999)).

98Ces résultats invitent par conséquent à s'interroger sur les facteurs qui ont pu, d'une part, conférer une telle crédibilité aux annonces du 2 mai 1998 et, d'autre part, concourir à la quasi-absence d'interventions le 31 décembre 1998. En d'autres termes, quel mécanisme particulier a pu doter le scénario européen de qualités dont il ne pouvait pas se prévaloir a priori ?

99L'explication de la stabilité observée tient, selon nous, au fait que la règle temporelle en vigueur entre mai et décembre 1998 s'est appuyée sur une dynamique cambiaire largement gouvernée par une quasi-règle d'état jusqu'à l'annonce du 2 mai. Deux éléments participent de cette interprétation.

100En premier lieu, le choix des parités centrales bilatérales comme bases de conversion au sein de l'euro paraissait économiquement fondé. Bien avant que le schéma définitif du passage à la monnaie unique ne soit connu, les parités centrales en vigueur étaient en ligne avec les données fondamentales (au moins à moyen terme) des économies les plus susceptibles de franchir le cap de la monnaie unique [31] (cf, notamment, Begg et al (1997)). Cette adéquation a, sans nul doute, constitué un des ferments de la crédibilité de l'annonce du 2 mai 1998.

101Ensuite, même si le choix des parités centrales ne fut rendu public que tardivement, celles-ci ont certainement pu guider dès le départ les autorités monétaires dans la perspective du passage à la monnaie unique. Si les cours de change se positionnaient près de tels niveaux, les responsables économiques européens pouvaient espérer que l'entrée dans l'union monétaire s'effectuerait dans des conditions favorables. Une telle configuration pouvait en effet signifier que les fondamentaux se trouveraient aux abords de valeurs garantissant une certaine viabilité (sur le moyen terme) à une fixation choisie sur cette base.

102En ce sens, tout laisse supposer que la logique du déroulement de la convergence au cours de la phase de la transition vers l'UEM était très proche de celle sous-tendue par une règle d'état pour laquelle l'assise fondamentale de la cible de change (la parité centrale en vigueur) était avérée.

103Certes, la fixation des changes bilatéraux n'a pas couronné dans les faits le processus de convergence ainsi engagé. Néanmoins, le scénario temporel qui lui a succédé a pu tirer parti de la configuration sur laquelle le premier a débouché en mai 1998. En amenant les fondamentaux à un niveau proche de celui qui correspondait à un gel de la variable cambiaire considérée en sa parité centrale (barrière absorbante d'une règle d'état pure), le succès de cette quasi-règle d'état augurait, en effet, quelques mois plus tard, d'un passage aux changes fixes sans recourir à des interventions massives.

104Cette propriété peut être illustrée à l'aide du principe de correspondance probabiliste entre les deux modalités de fixation énoncé dans la section 3.

105Posons, pour ce faire, une règle temporelle de type I stipulant que le cours de change sera fixé à

Equation 68
à la date
Equation 69
. Le seuil du fondamental composite associé à
Equation 70
vaut
Equation 71
. Le montant de l'intervention
Equation 72
au moment du passage en changes fixes est aléatoire et se comporte comme une variable gaussienne ; son ampleur effective dépend de la réalisation du processus gouvernant les fondamentaux.
Equation 73

106En procédant comme pour l'exemple initial (cf paragraphe 3.1), on peut alors construire les distributions de probabilité de Omega pour les dates

Equation 74

107.

108Le graphique 5 montre que la probabilité d'une intervention de grande ampleur pour amener les fondamentaux à leur valeur cible sera élevée si la date retenue par les autorités pour adopter les changes fixes a peu de chances de coïncider avec celle du premier passage en

Equation 75
(cf aussi graphique 3). A contrario, si les autorités monétaires fixent une date crédible – i.e. une date à laquelle les fondamentaux auraient une forte probabilité de faire leur premier passage en

Equation 76

109 –, elles peuvent s'attendre à engager des interventions de faible ampleur au moment de la fixation du cours de change.

110Le scénario européen a répondu peu ou prou à la configuration susmentionnée. Les fondamentaux étaient relativement proches des valeurs rendant une fixation viable au niveau des parités centrales lorsque celles-ci ont été publiquement retenues comme bases de conversion. Ce choix a par ailleurs permis aux autorités monétaires d'éviter une alternative pernicieuse dans le cas où le message adressé au marché n'aurait pas été suivi des effets escomptés : soit elles auraient été obligées d'intervenir massivement pour ramener les changes près des parités centrales avec le risque que ces opérations échouent ; soit elles auraient dû renoncer aux valeurs cibles déclarées. En d'autres termes, l'assise fondamentale des parités centrales, construite pendant la phase préliminaire de convergence qui a précédé la mise en place d'un scénario d'ordre purement temporel, a sans nul doute contribué à minimiser, lors du passage à l'euro, les interventions sur les fondamentaux associées à ce dernier.

111La stratégie maastrichtienne a donc tiré doublement avantage de la succession ainsi opérée entre une quasi-règle d'état et la règle temporelle de type I. Elle combinait ainsi les qualités propres à chacune des deux modalités de fixation, à savoir une réduction progressive de la volatilité cambiaire au cours de la période intérimaire et des interventions de faible ampleur lors de l'introduction de l'euro.

112Tout en reconnaissant les enseignements que nous livre une approche en termes de règles de fixation sur les caractéristiques de la transition vers l'euro, on ne saurait cependant en faire l'unique cadre d'analyse des modalités du passage aux changes fixes. Il nous faut ainsi remarquer en conclusion qu'une autre manière d'évaluer ce type de changement de régime consisterait à identifier et à mesurer les coûts que ce dernier peut occasionner. Clairement, la problématique associée à la transition des économies européennes vers l'union monétaire y a aussi fait référence via la controverse sur le bien fondé d'une phase de convergence.

113Cette voie de recherche (évaluation par les coûts) mériterait d'être poursuivie dans le cadre de la modélisation retenue ici, pour deux raisons au moins. Premièrement, il conviendrait de réfléchir à la nature des coûts associés à la fixation. Dans la majeure partie des études citées, le modèle monétaire avec flexibilité des prix et parité des taux d'intérêt non couverte sert de soubassement à l'analyse. Or, il est manifeste que certaines des expériences de fixation analysées par cette littérature (comme celle de la livre anglaise en 1925) ont été associées à des problèmes d'appréciation réelle du change qui empêchent a priori d'envisager une neutralité des modes de fixation en matière de bien-être. Deuxièmement, il serait intéressant de relier évaluation du passage en changes fixes et nature du processus stochastique gouvernant les fondamentaux.

ANNEXE

114Cadre d'analyse % On rappelle que la valeur courante du logarithme du change à la date t (et) dépend de celle des fondamentaux (résumée par kt) et de la variation instantanée anticipée de la variable cambiaire à cet instant

Equation 77

115. On aboutit alors à l'expression suivante :

Equation 78

116Par ailleurs, en l'absence de contrôle sur le cours de change, la dynamique des fondamentaux est régie par le processus de diffusion :

Equation 79

1- En pré-multipliant chaque membre de l'équation (1) par

Equation 80

117, on met en évidence que la solution du change est égale à la somme des valeurs futures, attendues et actualisées, de ses fondamentaux, à l'instar de tout prix d'actif. En effet, d'après l'expression de la dérivée première de

Equation 81

118par rapport à s, l'intégration de l'équation (1) donne :

Equation 82

1192- Une trajectoire familière décrit le comportement de la variable cambiaire en régime de flottement pur sous lequel aucune intervention (présente ou future) n'est envisagée sur les fondamentaux. Dès lors, le processus suivi par ≤ft(mt-mt*) ne subit pas de changement de régime. D'après l'hypothèse sur la dynamique du différentiel de politique monétaire, l'équation (2) régit le comportement de kt de manière permanente et dans ces conditions :

Equation 83

120

121L'application du théorème de Fubini permet alors d'aboutir à :

Equation 84

122

123Les mouvements cambiaires suivent ceux de ses fondamentaux à due proportion, conformément aux modèles de changes flexibles où le fondamental composite obéit à une marche aléatoire avec dérive en temps continu. Ce référentiel permet d'apprécier les propriétés des trajectoires associées aux règles de fixation étudiées infra. Le degré d'appréciation ou de dépréciation induite sur la monnaie nationale peut être notamment comparé avec celui impliqué par l'absence d'annonce d'un gel futur de parité.
3- Dans le cadre de l'évaluation des règles de fixation, la dynamique du change décrite par (3) peut être reformulée en faisant apparaître explicitement la date de fixation (T) dont le statut diffère suivant la modalité considérée, soit :

Equation 85

124 avec

Equation 86

125et

Equation 87

126Dérivation de la dynamique du cours de change associée à la règle d'état. Sous la règle d'état, la date de fixation est celle du premier passage de kt en

Equation 88

127et également celle de et en

Equation 89

128, soit T=Tp (pour la mise en évidence de cette équivalence, cf. Flood et Garber (1983, p. 541)). C'est donc une variable aléatoire dont les propriétés statistiques dépendent des caractéristiques du processus de diffusion suivi par les fondamentaux. Sa fonction de densité de probabilité est celle d'une inverse gaussienne dont l'expression est donnée par :

Equation 90

129La transformée de Laplace de cette dernière fonction s'exprime alors comme :

Equation 91

130avec

Equation 92
(cf. Smith (1991, p. 238)).

131D'après l'analyse des mouvements browniens (Harrison (1985, chapitre 3)), l'expression de

Equation 93

132, s'apparente alors à la somme anticipée de coûts actualisés et perçus entre la date t et celle où ft(kt) atteint sa barrière absorbante

Equation 94

133. Harrison (proposition 11, p. 47) montre que :

Equation 95
avec (Harrison, p. 44) :

Equation 96

134Cette dernière équation correspond ici à la valorisation du cours de change lorsque sa date de fixation est infiniment lointaine (régime de flexibilité permanente).

135En ce qui concerne hft(kt), le fondamental composite est figé en

Equation 97

136à partir de Tp. On peut alors écrire :

Equation 98

137soit

Equation 99

138En observant que :

Equation 100
et en tenant compte du statut aléatoire de Tp, la dernière expression peut être reformulée comme :
Equation 101

139Or ceci n'est autre que la transformée de Laplace de

Equation 102

140évaluée en

Equation 103
. Donc :

Equation 104

141

142avec

Equation 105
. Finalement, en regroupant les termes, l'expression du change en phase de transition s'écrit :

Equation 106

143

144Dérivation de la dynamique du cours de change associée aux règles temporelles de types I et II %. Comme dans le cas de la règle d'état, la démarche de résolution prend appui sur la décomposition donnée par l'équation (5). La date de fixation est cependant ici exogène, T=bar T.

145Dans un premier temps, l'application du théorème de Fubini permet d'écrire :

Equation 107

146

147D'après la dynamique suivie par kt avant que la fixation ne se produise (et décrite par (2)), il vient :

Equation 108

148

149Par ailleurs :

Equation 109

150L'expression de hft(kt) est tributaire de la condition terminale portant sur le fondamental lorsque le change est gelé.
Sous la règle temporelle de type I (avec intervention pour atteindre

Equation 110

151), on a :

Equation 111

152

153
Dans l'hypothèse où les autorités ne feraient que valider le choix du marché en T sans annoncer une parité cible, cette règle temporelle de type II conduirait à :

Equation 112

154sachant que

Equation 113

155

156La valeur du change sous la première modalité temporelle de fixation s'écrit alors :

Equation 114

157

158Celle qui prévaut sous le second scénario temporel est donnée par :

Equation 115

159

160soit finalement :

Equation 116

161

162Expression des volatilités instantanées sous chacune des règles étudiées % L'application du lemme d'Itô diffère suivant la nature de la relation invoquée entre le cours de change et son fondamental.

163Dans le cas d'une règle temporelle, l'expression de la solution du change peut être formulée comme et*ft(kt,t). Dans ces conditions, et compte tenu des caractéristiques du processus de diffusion suivi par kt, il vient :

Equation 117

164

165Pour la stratégie de fixation temporelle de type I, on obtient alors :

Equation 118

166

167Sous la règle temporelle de type II on a :

Equation 119

168De Grauwe et alii (1998) obtiennent une expression différente pour la volatilité instantanée du change dans ce dernier cas. Ces auteurs supposent en effet que l'anticipation des participants sur la valeur du cours de change lors de sa date de fixation (et donc, implicitement, sur celle du fondamental composite à cet instant) est constante sur toute la période intérimaire et indépendante de la valeur courante des fondamentaux. Ils conviennent d'ailleurs du caractère restrictif de cette hypothèse (De Grauwe et alii (1998), note 10, p. 18). À l'inverse, ici, l'anticipation est supposée être formée rationnellement sur la base des propriétés du processus suivi par kt. C'est pourquoi,

Equation 120
 ; la révision de la prédiction tient donc compte des modifications du fondamental au cours du temps de sorte que
Equation 121
.

169Dans le cas de la règle d'état, la relation postulée entre le cours de change et son fondamental est du type etft(kt). L'application du lemme d'Itô implique alors (pour

Equation 122

170) :

Equation 123

171

172On obtient alors par identification :

Equation 124

173

174Les expressions des volatilités instantanées du change se déduisent des formules dérivées supra en retenant la composante stochastique du processus gouvernant les variations de et.

175Comparaison des règles temporelles % La nature du rôle joué par les anticipations de change sous un scénario temporel où le marché est totalement meneur peut être mise plus nettement en lumière si l'on compare la dynamique cambiaire qui lui est associée avec celle induite par une règle temporelle pour laquelle la valeur de fixation future du cours de change est connue et annoncée à l'avance (et, avec elle, le niveau auquel le fondamental sera gelé). On débouche alors sur l'expression suivante (cf. équations (12) et (13)) :

Equation 125

176Cette différence de valorisation entre les deux cours de change dépend, à toute date t, de l'écart entre, d'une part, le niveau seuil du fondamental composite associé à la fixation de la variable cambiaire sous une règle temporelle avec annonce de la parité d'ancrage et, d'autre part, l'anticipation de la valeur atteinte par kt au moment du passage aux changes fixes sous un scénario de pure validation des vœux du marché.

177Fonction de densité du montant d'intervention requis sous une règle temporelle de type I % Par symétrie avec la densité de la date de premier passage en

Equation 126
sous la règle d'état, une distribution analogue peut être obtenue pour le niveau des fondamentaux atteint à la date du changement de régime sous la règle temporelle (de type I), et donc celle du montant d'intervention à cette date. Pour
Equation 127
arbitraire,

Equation 128

178est une variable aléatoire de loi gaussienne

Equation 129

179. La fonction de densité du montant d'intervention à

Equation 130

180est alors donnée par :

Equation 131

Bibliographie

Bibliographie

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  • Wasan M. (1969), First passage time distribution of a Brownian motion with positive drift (inverse gaussian distribution), Queen's Papers in Pure and Applied Mathematics, no19, Queen's University.

Notes

  • [*]
    CERESUR, Université de la Réunion, 15, Avenue René Cassin, B.P. 7151, 97715 Saint-Denis Messag, Cedex 9, La Réunion, FRANCE
    par E-mail : ppentecot@ univ-reunion. fr
  • [1]
    Parmi les travaux pionniers sur cette question, consulter Flood et Garber (1983), Obstfeld et Stockman (1985) et Djaji'c (1989).
  • [2]
    Pour le cas anglais, la règle d'état fait référence, selon l'interprétation de Miller et Sutherland (1992), à un niveau seuil des fondamentaux qui correspondrait au respect de la parité des pouvoirs d'achat pour un cours fixé à 4,86$ pour une livre (soit la configuration de l'étalon-or d'avant-guerre). Déjà en 1925, Keynes avait souligné les conséquences déflationnistes de ce retour à l'ancien pair, clairement surévalué à ses yeux au regard des fondamentaux à cette date. L'anticipation par le marché de l'imminence d'un nouvel ancrage à l'or en a même été, selon lui, un facteur aggravant. En effet, il aurait été responsable de l'appréciation excessive de la devise anglaise au cours de la transition. Cela étant, il est difficile de rattacher les observations du maître de Cambridge aux modèles des années quatre-vingt, fondés sur l'approche monétaire et, avec elle, sur la validité permanente de la parité des pouvoirs d'achat. Dès lors, on ne peut pas se prononcer sur le degré de sous- ou surévaluation de la livre qui serait induite par l'anticipation de son ancrage futur (mais seulement par rapport à une situation théorique de flottement pur). En ce qui concerne la règle temporelle, la date de fixation correspondrait à l'expiration (et donc au renouvellement éventuel) du Gold and Silver Export Act fin 1925.
  • [3]
    De Grauwe et al (1998) étudient notamment le cas où le marché est incertain sur le type de stratégie temporelle effectivement adoptée et annoncée par les autorités monétaires (voir aussi Djaji'c (1989)).
  • [4]
    Pour s'en convaincre, il suffit de voir comment Miller et Sutherland (1992, 1994) s'opposent radicalement à l'interprétation donnée par Smith et Smith (1990) du retour de la livre à l'étalon-or en 1925 en prenant appui sur l'alternative supposée entre règle temporelle et règle d'état.
  • [5]
    Nos résultats renforcent et complètent sur ce point l'argumentaire de De Grauwe et al (1999).
  • [6]
    Cf le travail fondateur de Flood et Garber (1983), Froot et Obstfeld (1991a,b) pour une synthèse, ainsi que Smith (1991) et Bertola (1994) pour les détails techniques.
  • [7]
    Coté à l'incertain, il exprime le nombre d'unités de monnaie nationale pour acquérir une unité de la devise.
  • [8]
    Le choix de la composante déterministe dans le processus tient à l'unicité supposée du régime de politique monétaire durant la période qui précède le gel de la parité. Une telle spécification, certes discutable, permet de mieux saisir l'origine de la correspondance entre les stratégies de fixation. Pour réfuter les conclusions tirées par Smith et Smith (1990) sur l'expérience de la livre anglaise avant le retour à l'étalon-or en avril 1925, Miller et Sutherland (1994) considèrent l'influence des ajustements de politique monétaire sur la tendance suivie par les fondamentaux via un pont brownien ou un processus d'Ornstein-Uhlenbeck.
  • [9]
    Une annexe contient les développements analytiques qui sous-tendent les principaux résultats obtenus et présentés dans le corps du texte, voir infra.
  • [10]
    En effet, (3) n'est pas l'unique solution de (1), mais elle seule assure que le change ne se déconnecte pas de ses fondamentaux (solution en point selle ou fondamentale, voir Bertola (1994)).
  • [11]
    Sutherland (1995) présente certes les deux règles dans un cadre homogène avant de combiner ces dernières, mais il n'exploite pas leur parenté commune comme on s'y attache ici.
  • [12]
    Froot et Obstfeld (1991a,b) offrent un traitement complet des solutions stationnaires du change, tandis que la dimension temporelle est détaillée par Ichikawa et al (1992) comme Miller et Sutherland (1992).
  • [13]
    On pourrait également spécifier cette règle comme une fixation fondée sur l'atteinte par le cours de change de
    Equation 6
    sachant que ce niveau correspond, de par la relation bijective entre kt et et et l'équation (1), à
    Equation 7
    . Il faut alors préciser le type de contrôle (ou d'intervention) sur les fondamentaux lors du saut aux changes fixes. En effet, la trajectoire du change sous le régime intérimaire ne peut être déterminée de manière unique que si l'annonce spécifie (explicitement ou implicitement) la cible de parité d'ancrage et l'intervention alors entreprise sur les fondamentaux (Froot et Obstfeld (1991a)). Un saut de ces derniers se produit à la date de fixation en cas d'intervention discrète, mais cette configuration n'est pas retenue ici pour la règle d'état. En revanche et si aucune incertitude ne prévaut sur les conditions de la fixation, le cours de change effectue une transition continue entre ses deux régimes de détermination pour éviter toute opportunité de gain d'arbitrage au moment du gel de la parité.
  • [14]
    Equation 18
    indique l'instant juste avant (après) le passage aux changes fixes.
  • [15]
    Par la suite, l'examen porte toujours sur la période intérimaire, ie entre le moment de l'annonce et celui du passage en changes fixes. En ce sens, les effets immédiats de l'annonce ne sont pas étudiés, ni les sauts du cours de change que ceux-ci peuvent impliquer.
  • [16]
    Tous les résultats dérivés infra sont explicités dans l'annexe correspondante.
  • [17]
    Ce résultat est dérivé en posant :
    Equation 36
    . Par hypothèse, les agents privés forment des anticipations rationnelles, greffées sur la structure du modèle et les propriétés dynamiques du fondamental. D'autres schémas de prévision pourraient être choisis, sans lien avec le modèle et qui déboucheraient alors sur des configurations de taches solaires. En d'autres termes, l'absence d'une valeur d'ancrage exogène fournie par les autorités au marché ouvre la voie à l'indétermination (ie la multiplicité) bien connue des trajectoires du change ; seule la solution « fondamentale » est retenue ici (cf De Grauwe et al (1999)).
  • [18]
    Voir aussi Sutherland (1995, note 6, p. 367).
  • [19]
    Cette double détermination sous la règle temporelle est étudiée par De Grauwe et al (1998).
  • [20]
    Roncalli (1995).
  • [21]
    Sous la règle temporelle, le change se situe, à chaque date t, en un seul point sur la droite isochrone associée dans le plan (kt,et). La valeur de ce cours correspond à celle de la réalisation du processus des fondamentaux à la date considérée. Le lieu regroupant l'ensemble de ces points peut alors être directement comparé avec celui induit par la règle d'état en K dans le plan (kt,et). Seule cette représentation offre une comparaison directe avec celle de la trajectoire cambiaire associée à la règle d'état.
  • [22]
    Smith (1991) et Wasan (1969).
  • [23]
    Roncalli (1995).
  • [24]
    L'analyse traditionnelle de la règle temporelle suppose la crédibilité totale de l'annonce qui garantit la convergence progressive et continue de et vers
    Equation 64
    .
  • [25]
    L'appréciation de l'état de la convergence ne dépend pas uniquement de l'évolution spontanée des fondamentaux, mais s'inscrit aussi dans un cadre temporel bien défini. L'opportunité du passage à la monnaie unique pour un pays donné est évaluée tous les deux ans à partir d'un rapport remis par l'Institut Monétaire Européen (devenu la BCE depuis).
  • [26]
    La combinaison suggérée ici pour saisir la stratégie maastrichtienne diffère de celle étudiée par Sutherland (1995). Cet auteur ne songe pas à la succession d'une règle d'état par une règle temporelle, mais à une configuration sous laquelle la transition est régie par l'une ou l'autre de ces modalités suivant la position de la date de premier passage par rapport au moment de fixation choisi sous la stratégie temporelle.
  • [27]
    Elles relevaient surtout de l'article 109l(4) du Traité et des décisions du Conseil de Madrid.
  • [28]
    Cette propriété de la réforme monétaire pour l'adoption de l'euro a été mise très tôt en évidence par Giovannini (1991).
  • [29]
    Le scénario d'annonce préalable des modalités de calcul des parités bilatérales de conversion dans l'euro a été adopté au Conseil de Mondorf en février 1997. De fait, les autorités monétaires européennes ont fait part de cette décision le 2 mai 1998, concomitamment à la publication de la liste des pays qualifiés.
  • [30]
    La livre irlandaise constituait une exception à cette configuration ; le réalignement de mars 1998 permit d'y remédier en partie et de réduire une appréciation préjudiciable à l'entrée du punt dans l'euro. Plus généralement et comme le suggère un rapporteur, l'adéquation mentionnée peut être nuancée dans la mesure où l'on pouvait constater (en particulier pour le mark allemand) une certaine surévaluation des monnaies considérées. Cependant, le cadre d'analyse dans lequel nous nous situons ne permet pas d'appréhender réellement les implications d'une telle configuration sur les formes que pourrait revêtir alors la convergence vers les parités ciblées (dans le cadre d'une règle d'état) et, partant, sur la crédibilité du processus.
  • [**]
    GRAPE, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Avenue Léon Duguit, 33608 Pessac Cedex, FRANCE
    par E-mail : ssenegas@ montesquieu. u-bordeaux. fr
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