Reliance 2008/3 n° 29

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Article de revue

La formation en assistance sexuelle : toute innovation implique des risques !

Pages 46 à 52

Notes

  • [1]
    sehp : www. sehp-suisse. ch
  • [2]
    Pour approfondir, on pourra se référer à l’ouvrage de C. Agthe Diserens et F. Vatré, Accompagnement érotique et handicaps : au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur, Lyon, Chronique sociale, 2006.
  • [3]
    P. Rodrick, extrait d’un article de la Tribune de Genève, 10-11 septembre 2003.
  • [4]
    Selon une méthode proche de celle de Jean-Yves Desjardins, professeur de sexologie à Montréal.
  • [5]
    Hautes écoles sociales, équivalent suisse des instituts de formation en travail social.
  • [6]
    Y. Boulet, Quelques mots pour ne pas se tromper, Paris, février 2006.
  • [7]
    Organisation faîtière des centres de consultation en planning familial, grossesse, sexualité et éducation sexuelle, planes s’engage pour que le droit et l’accès aux prestations de santé sexuelle et reproductive soient assurés à toute personne : www. plan-s. ch. planes est membre de l’ippf (International Planned Parenthood Federation).
  • [8]
    Extrait de la lettre de recommandation de planes adressée au sehp, août 2007.
  • [9]
    « La prudence est une attitude tissée à la fois de bienveillance et de réserve, une attitude critique qui cherche à discerner et non à discréditer ni à canoniser. »
  • [10]
    Jean-François Malherbe, professeur titulaire à l’université de Sherbrooke : « Finitude, réciprocité et incertitude », postface du livre de C. Agthe Diserens et F. Vatré, Accompagnement érotique et handicaps : au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur, Lyon, Chronique sociale, 2006.

1L’originalité du concept d’assistance sexuelle tel que l’a conçu le sehp[1] tient à la nécessité d’adapter les réponses apportées aux besoins sensuels et sexuels des personnes en situation de handicap en prenant en compte leurs multiples spécificités. Davantage qu’un catalogue de prestations définies, il permet de concevoir un accompagnement en phase avec les émotions et les attentes sensorielles et érotiques des bénéficiaires. Le cadre éthique qui le sous-tend prend appui sur l’exigence d’un respect réciproque (bénéficiaires/prestataires), la prise de conscience du rôle subtil des tiers dans la mise en place de ces prestations, et le respect absolu de l’intimité du moment partagé.

2Les objectifs de l’assistance sexuelle, fondés sur des valeurs humanistes, s’inscrivent dans une perspective d’autonomisation des personnes. Ces soins érotiques se réfèrent aux normes de qualité de vie et d’intégration de la personne en situation de handicap.

3Acquérir et entraîner ces compétences rend indispensable une formation spécifique afin de comprendre en profondeur ces situations humaines et de mettre du sens sur les gestes d’accompagnement érotique.

L’inscription dans un temps historique

4La formation en assistance sexuelle est héritière de nombreux mouvements sociaux [2]. Retenons, entre autres, dans le champ de la sexualité, la courte révolution des années 1970, l’accès libre à la contraception, la mobilisation autour du sida et, dans celui des handicaps, les nombreux mouvements d’intégration, d’autodétermination et d’émancipation des personnes. Ces mouvements se fondent sur l’égalité des droits entre tous les citoyens, valides et porteurs de handicaps, et valorisent les nouvelles normes individualisées dans tous les domaines, y compris en matière de comportement sexuel. C’est ainsi que la Déclaration du Parlement européen (1992) stipule dans sa résolution A3-231/92 que « l’éducation affective et sexuelle des handicapés mentaux soit renforcée par une meilleure prise en compte de la particularité de leur situation et qu’ils doivent, comme tous les autres êtres humains, avoir la possibilité de satisfaire leurs besoins sexuels ».

5Par ailleurs, la place de la sexualité a évolué au cours de l’histoire humaine : d’abord axée sur la seule procréation, puis encadrée par l’organisation sociale et religieuse, elle est désormais davantage centrée sur les besoins individuels d’identité sexuée et d’affirmation de soi. Cela se traduit, par exemple, par des finalités telles que : ne pas être seul, communiquer ses sentiments amoureux, rechercher le plaisir par la sensualité et la sexualité, s’apaiser, être touché et toucher. En bref, se développer… Et aussi lutter contre les pulsions de mort ! C’est ainsi que nous disposons aujourd’hui de programmes d’éducation ou de réadaptation en matière de sexualité qui aident à en surmonter les obstacles physiques, psychologiques et sociologiques. De plus, les progrès médicaux et technologiques spectaculaires (implants péniens, injections intracaverneuses, etc.), les découvertes pharmaceutiques (Viagra, etc.), le développement de la recherche clinique en sexologie, qui a enrichi la compréhension générale de la sexualité humaine, ont contribué à lever des tabous et à valoriser la sensualité. Dans le même temps, des programmes de sexualité virtuelle se développent : rencontres sexuelles par Internet qui, avec l’aide d’un vêtement ad hoc muni de capteurs (27 pour les hommes, et 36 pour les femmes) et connecté à l’ordinateur, permettent l’accès à cinq sensations différentes pour stimuler les zones érogènes ! Toutefois, la difficulté liée au manque de satisfactions concrètes avec un partenaire réel reste très présente.

6Toutes ces transformations ont, dans des mouvements parallèles et continus, considérablement transformé et enrichi le statut de la personne en situation de handicap et celui de la sexualité. Il y a vingt ans, proposer une formation en assistance sexuelle en Suisse francophone aurait été inconcevable. C’était l’apanage des pays nordiques, la Hollande et l’Allemagne. Aujourd’hui, elle s’inscrit dans une logique historique en prolongement des deux formations déjà réalisées en Suisse alémanique. Qu’en sera-t-il dans vingt ans ?

Au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur

7Les assistants sexuels sont spécifiquement sollicités pour l’intime de l’intime. Ils sont formés à pratiquer des approches respectueuses des personnes, lentes, prudentes, progressives, délicates, fines et humbles, sans attente de performance spectaculaire, destinées à révéler la personne à elle-même et à développer son sentiment d’être en vie en tant que femme ou homme.

8Si la personne vivant avec l’autisme ne peut regarder dans les yeux, si celle vivant avec un polyhandicap bave, si celle née avec une infirmité motrice cérébrale s’exprime avec des gestes chaotiques et ne parle pas, l’assistant sexuel à l’écoute de son propre ressenti attendra, sans rien induire, la demande propre du bénéficiaire. Il saisira un signe, glanera tel ou tel indice pour guider les comportements de l’un et de l’autre. Pour cela, l’assistant sexuel qui se forme va développer la capacité à percevoir et à comprendre ce qui se passe en lui, à se mettre en phase avec ses propres sensations, pensées, limites, réserves, peurs, courages et joies, condition sine qua non pour écouter, sentir, accueillir, comprendre (au sens plein du mot : prendre avec) les besoins, attentes, peurs, désirs, paniques et espoirs de l’autre, en situation d’approche de sa condition d’être humain total.

La sélection

9Ce point étant développé par ailleurs dans le dossier, nous n’en dirons que quelques mots.

10L’appel à candidature concernait toute personne se reconnaissant des compétences potentielles pour cette délicate relation d’aide : qualités humaines, capacité d’écoute de l’autre, maîtrise du toucher, sens aigu de ses propres limites, personnalité équilibrée, aisance dans sa sexualité, bénéfice d’une bonne santé.

11La sélection comprenait des entretiens approfondis avec les candidats. Ils étaient conduits par une sexo-pédagogue et un homme concerné par le handicap (physique) dans l’objectif de vérifier la congruence entre la représentation de l’assistance sexuelle du candidat d’une part, la conception et l’éthique de la formation de l’autre.

12Les participants devaient faire preuve de réelle capacité à se remettre en question et être dotés d’une grande sensibilité humaine. Ils étaient sollicités à clarifier rigoureusement leurs motivations. Nous attendions des personnes sélectionnées qu’elles soient, entre autres, « courageuses, tendres et solidaires [3] ».

Un processus d’apprentissage intégratif

13La démarche de formation est centrée sur l’acquisition d’habiletés cognitives, psychologiques et corporelles confrontées à un questionnement permanent concernant sa personne, son projet en assistance sexuelle et son inscription sociale. Ces trois dimensions constituent des objets de réflexion, de formalisation et de modification. De plus, au-delà des savoirs et des connaissances que la formation délivre, l’aptitude à contextualiser les savoirs et à produire les compétences qu’exige une situation professionnelle complexe est recherchée. Pour cela, loin d’être exclusivement académique, la formation est interactive et mobilise les capacités d’introspection de chacun, car nous travaillons en permanence sur les limites et les ouvertures, dans des zones frontières et intimes qui sollicitent les participants au plus profond d’eux-mêmes. Une large part de la formation prend en compte la gestion des émotions personnelles de ces professionnels face aux particularités parfois complexes de leurs futurs bénéficiaires.

14L’outil, la méthode et le matériel utilisés ne sont rien sans un savoir-être authentique, aussi le programme est conçu comme une formation de développement personnel enrichie d’apports pédagogiques. Il mobilise des outils didactiques divers tels que : apports théoriques ; jeux de rôles, mises en situation, expériences d’échanges relationnels par le corps, exercices sexo-corporels [4] et sensibilisation au langage non verbal ; réflexion sur son propre parcours sexuel, ses représentations, croyances et expériences, analyse de situations ; témoignages et transmissions de savoir-faire, lectures et visionnement de films, visites-observations d’institutions, de foyers de vie, de lieux d’accueil.

15Il se complète par la création d’un portfolio personnalisé et par la pratique d’évaluations individuelles régulières ; une certification reconnaît la formation.

Les objectifs spécifiques

16Ils doivent former à la conscience indispensable de ces actes intimes :

  • garantir un programme théorique adéquat au développement de compétences adaptées aux besoins individuels et différenciés des personnes en situation de handicap ;
  • développer des connaissances spécifiques liées aux divers handicaps et favoriser une action préventive contre les violences sexuelles et les infections sexuellement transmissibles ;
  • activer une dynamique de formation qui initie aux habiletés pratiques de l’accompagnement sexuel dans un climat de sécurité pour les participants ;
  • apprendre à clarifier les attentes singulières des bénéficiaires, et les dissocier de ses propres projections ;
  • augmenter des compétences d’écoute de soi et de l’autre, de remise en question, d’analyse de sa motivation et de son histoire sexuelle, ainsi qu’une capacité à définir avec finesse ses propres limites ;
  • transmettre une posture sécurisante et confiante légitime pour l’exercice de cette fonction ;
  • offrir un cadre de formation renforçant l’identité professionnelle ainsi que le développement personnel ;
  • construire la cohésion et la solidarité du groupe de pionniers au travers de supervisions, interconseils et soutien.

Les champs de compétences

17Le fil rouge de la formation s’appuie sur deux questionnements fondamentaux :

  1. Pourquoi et pour qui je m’engage dans l’assistance sexuelle ?
  2. À qui bénéficie l’assistance sexuelle ?
La formation s’articule autour de six domaines d’acquisitions.

1 – Connaissances spécifiques des divers handicaps

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  • Analyser ses représentations des personnes en situation de handicap ainsi que l’évolution des représentations au sein de la société ;
  • développer une connaissance de base des déficiences et incapacités associées à différents handicaps (motrices, sensorielles, psychiques, cognitives, etc.) et mesurer leurs conséquences sur les habitudes de vie des personnes concernées (plus particulièrement celles en lien avec leur affectivité et leur sexualité) ;
  • questionner ouvertement ses savoir-être et savoir-faire face aux difficultés physiques, sensorielles, mentales, psychiques vécues par le ou la bénéficiaire ;
  • identifier les zones d’intégrité et les capacités des personnes, en dépit de leur handicap ;
  • favoriser des compétences tant dans l’agir que dans la sphère relationnelle pour accompagner les personnes en situation de handicap dans les domaines de la vie affective et sexuelle ;
  • travailler de manière didactique à partir des contextes observés dans les stages en institutions.

2 – Connaissances juridiques

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  • Connaître les lois concernées et les responsabilités individuelles et collectives ;
  • statuer autour de l’inscription légale des assistants sexuels et en reconnaître la sécurité ;
  • savoir estimer les risques et responsabilités encourus.

3 – Connaissance et initiation aux approches corporelles : langage du corps et érotisme

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  • Affiner l’observation du langage non verbal (le sien et celui des autres), la lecture des corps, les connaissances et les habiletés pratiques à gérer les gestes exprimés ;
  • clarifier et verbaliser les intentions accompagnantes, sur le plan relationnel, sensoriel, sensuel et sexuel ;
  • répéter des exercices d’intégration ;
  • s’ouvrir aux approches sexo-corporelles.

4 – Sexualité et sexologie en lien avec les handicaps

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  • Acquérir des connaissances sur la sexologie et la sexualité humaine en général ;
  • connaître les variantes des expressions de la sexualité, les orientations, les pratiques, les fantasmes et savoir les transposer dans le contexte des handicaps.

5 – Éthique

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  • Prendre conscience et comprendre les limites déontologiques ;
  • percevoir et ajuster ses conduites tant au niveau verbal que physique ;
  • savoir clarifier les attentes des bénéficiaires, en interaction avec ce que l’assistant sexuel peut/veut offrir ;
  • développer une capacité d’adaptation aux diverses situations de handicap, en fonction de la singularité de la demande réelle du bénéficiaire ;
  • garantir la confidentialité des situations individuelles.

6 – Contextes institutionnels et rôle des tiers accompagnants

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  • Découvrir les divers contextes institutionnels, famille, fratrie et tuteurs ;
  • comprendre l’implication des tiers liée à l’intimité d’autrui ;
  • percevoir les statuts respectifs des tiers ;
  • définir les démarches à établir avec les partenaires ;
  • aménager le cadre et les modalités pratiques nécessaires aux prestations, afin de garantir la discrétion et le respect de l’intimité (transport, accessibilité, finances, etc.).
Enfin, nous recommandons une première immersion dans la réalité de l’assistance sexuelle sous forme de quelques aides directes auprès de personnes disponibles à cet égard. Ces pratiques débutantes se dérouleront sous supervision individuelle.

L’équipe de formation

24La conceptualisation et la coordination de la formation sont assurées par deux sexo-pédagogues et deux hommes concernés par un handicap physique, qui seront présents alternativement comme personnes-ressources et formateurs.

figure im1
Spectacle Papier ou les contre-écritures, groupe Signes, photographie Claude Chalaguier.

25Les autres intervenants sont sexologues, médecin-psychiatre, assistants sexuels, responsables de formation en hes[5], spécialistes des approches corporelles et sexo-corporelles, psychologues, juristes, éthiciens, ainsi que spécialistes des divers handicaps.

La supervision

26Reconnaître la personne vivant avec un handicap dans ses désirs les plus intimes suppose de reconnaître l’autre comme un sujet qui nous interpelle dans nos propres désirs.

27On comprendra aisément que s’interroger d’abord soi-même par rapport aux diverses facettes de la sexualité humaine, avant de juger, de réagir et d’agir pour les autres, apparaît comme fondamental.

28Par ailleurs, ne pas rester isolé est capital, parce que ce travail implique un investissement affectif réciproque propice aux projections fantasmatiques. Dès lors, le risque d’être investi comme objet de projection nécessite des prises de conscience approfondies : la supervision s’impose donc de fait !

29De plus, la supervision augmente les compétences humaines et professionnelles par une meilleure maîtrise de son désir égocentrique et la résistance à un contre-transfert possible. Participer à ces temps privilégiés d’introspection dans un cadre sécurisant, c’est résolument donner la chance à cette suppléance d’être une réponse moins subjective, davantage réfléchie.

30La supervision sera un espace d’analyse et de solidarité, face aux incertitudes inévitables et humaines, mais aussi face aux certitudes trop ancrées qui méritent d’être revisitées.

31« L’aide sexuelle implique un engagement relationnel profondément humain et souvent intense qui fait référence au principe de réalité, mais également aux manifestations inconscientes, aux affects, à l’imaginaire, aux pulsions et aux fantasmes. Cette profession est un métier à risque où chacun est exposé aux insuffisances probables et évidentes ou aux excès possibles, et aux risques inhérents aux “liaisons dangereuses” [6]. »

La reconnaissance officielle

32Courir le risque de l’assistance sexuelle relève d’une approche positive de la sexualité. Celle-ci tient compte des différences et des spécificités affectives et sexuelles relatives à chaque femme ou homme, ainsi que des compétences que chacun, et l’ensemble, peut mettre en œuvre, pour déboucher sur des mieux-être individuels et solidaires.

33C’est dans cet esprit que la formation en assistance sexuelle a été reconnue et qu’elle est soutenue par planes[7], Fondation suisse pour la santé sexuelle et reproductive.

34planes défend un travail compétent d’information et de conseil en matière de grossesse, contraception et sexualité, et s’engage pour que tous – femmes et hommes, couples, jeunes, migrants – disposent d’un accès assuré à ces prestations. Une attention particulière est consacrée aux groupes de la population les plus vulnérables.

35La définition des termes « santé sexuelle et reproductive » dans le programme de l’icpd (Conférence internationale sur la population et le développement, art. 7,2) est la suivante : « Par santé sexuelle et reproductive, on entend le bien-être général, tant physique que mental et social, de la personne humaine, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement, et non pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités. » Cela suppose donc qu’une personne peut conduire une vie sexuelle satisfaisante en toute sécurité, qu’elle est capable de procréer et libre de le faire aussi souvent ou aussi peu souvent qu’elle le désire.

36planes s’est engagée dans la formation en assistance sexuelle parce qu’elle « favorise, de plus, une meilleure reconnaissance de la santé sexuelle des personnes vivant avec un handicap. La formation contribue ainsi à promouvoir dans la société une meilleure santé sexuelle pour tous [8]. »

Conclusion

37Force est de constater que, si notre société est en marche, l’assistance sexuelle rencontre des obstacles et a des détracteurs. L’assistance sexuelle s’inscrit dans une époque contrastée : à la fois très « libérée », mais envahie par des principes d’excellence et de performance dans un contexte très restrictif qui exige une prise de risque « zéro » ! Elle provoque des réactions d’autant plus fortes qu’elle relie handicap et sexualité et privilégie, dans son approche, sensualité et érotisme.

38Démarche risquée que de mettre sa confiance « éclairée » en ces assistants sexuels qui travailleront de manière indépendante et qui partageront l’intime de l’intime.

39Démarche singulière que de promouvoir la formation d’hommes et de femmes qui mettront leur corps en jeu dans la relation à d’autres hommes, à d’autres femmes en situation de handicap.

40Démarche obligée que d’accueillir cette évidence : il est indispensable de former ces acteurs en misant à la fois sur leurs compétences et en les ouvrant à des nouveaux savoirs, à des savoir-faire ciblés et surtout… à des savoir-être conscientisés, bienveillants et respectueux.

41Nous avons choisi d’avancer avec mesure ; nous évoquons le sujet depuis bientôt dix ans dans les institutions, les associations de personnes vivant un handicap, les associations de parents, les hautes écoles sociales, etc.

42Nous avons choisi d’avancer avec délicatesse ; nous veillons, dans toutes nos collaborations avec les médias, à conserver l’anonymat des personnes en formation jusqu’à leur certification, etc.

43Nous avons choisi d’avancer avec prudence [9] : nous assurons le décryptage complexe des besoins des bénéficiaires avant de les guider vers cette suppléance, en particulier dans le large champ des handicaps mentaux et psychiques.

44Dans le contexte actuel, l’accompagnement érotique des personnes vivant avec un handicap reste à nos yeux un champ de recherche à la fois particulièrement pertinent et singulièrement périlleux. C’est pourquoi il est heureux qu’il se soumette de sa propre initiative au risque de la discussion critique de ceux qui voudront bien l’accompagner dans la réalisation de son désir d’innovation comme dans son devoir de prudence [10].

45Cette suppléance extra-ordinaire nous impose de mettre en œuvre une attitude critique quant à nos engagements. Elle implique que nous nous ajustions en permanence en fonction des représentations et des déterminants sociaux qui orientent nos positions éthiques et les objectifs de la formation. Elle est une plate-forme permanente de réflexion qui interroge fondamentalement les identités des personnes en formation, ainsi que les convictions de ses responsables.

46Pour les premières, que penser du fait qu’en dépit de la formation reçue, une fois la porte de la chambre refermée sur le bénéficiaire et l’accompagnant… ce dernier sera seul face à sa responsabilité ? Pour les seconds, que penser du fait que nous avons conceptualisé une formation pour laquelle nous-mêmes ne nous formerons jamais ?


Date de mise en ligne : 01/01/2010

https://doi.org/10.3917/reli.029.0046

Notes

  • [1]
    sehp : www. sehp-suisse. ch
  • [2]
    Pour approfondir, on pourra se référer à l’ouvrage de C. Agthe Diserens et F. Vatré, Accompagnement érotique et handicaps : au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur, Lyon, Chronique sociale, 2006.
  • [3]
    P. Rodrick, extrait d’un article de la Tribune de Genève, 10-11 septembre 2003.
  • [4]
    Selon une méthode proche de celle de Jean-Yves Desjardins, professeur de sexologie à Montréal.
  • [5]
    Hautes écoles sociales, équivalent suisse des instituts de formation en travail social.
  • [6]
    Y. Boulet, Quelques mots pour ne pas se tromper, Paris, février 2006.
  • [7]
    Organisation faîtière des centres de consultation en planning familial, grossesse, sexualité et éducation sexuelle, planes s’engage pour que le droit et l’accès aux prestations de santé sexuelle et reproductive soient assurés à toute personne : www. plan-s. ch. planes est membre de l’ippf (International Planned Parenthood Federation).
  • [8]
    Extrait de la lettre de recommandation de planes adressée au sehp, août 2007.
  • [9]
    « La prudence est une attitude tissée à la fois de bienveillance et de réserve, une attitude critique qui cherche à discerner et non à discréditer ni à canoniser. »
  • [10]
    Jean-François Malherbe, professeur titulaire à l’université de Sherbrooke : « Finitude, réciprocité et incertitude », postface du livre de C. Agthe Diserens et F. Vatré, Accompagnement érotique et handicaps : au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur, Lyon, Chronique sociale, 2006.

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