1À l’heure où l’école tente de se dégager à grand-peine des mythes défaitistes qui la hantent, Jean-Jacques Guillarmé, inspecteur de l’Éducation nationale et responsable de l’adaptation et de l’intégration scolaire, fait le point sur les réponses que cette institution plus que séculaire est en mesure d’apporter aujourd’hui face au Minotaure de l’échec. Une théorisation de l’adaptation scolaire s’impose ; « l’aide à l’école existe, reste à l’opérationnaliser », affirme en substance l’auteur à ceux qui se sentiraient dubitatifs ou démunis.
2Cet ouvrage fait suite à un précédent travail centré sur l’évaluation des compétences de l’écolier et s’y réfère. Très ancré dans la réalité quotidienne de l’école, il est destiné à ses acteurs pour qu’ils réussissent à identifier qualitativement les différentes situations d’échec et parviennent ainsi à construire des projets d’aide réellement individualisés, clef de voûte de l’intention démocratique.
3« Pour que l’enfant s’approprie la culture, encore faut-il que les valeurs qu’on lui enseigne soient suffisamment familières… », rappelle l’auteur – le « suffisamment » marquant bien sûr la juste mesure à trouver. La plupart du temps, dans le malaise social actuel, la construction de cette familiarité, ne va pas de soi ; aussi est-ce elle qui retient toute l’attention du chercheur.
4Pour ce professeur de psychopathologie, les traditionnelles classifications diagnostiques ne suffisent pas pour rendre compte de la réalité complexe de l’échec scolaire. L’originalité de sa démarche tient justement en ce qu’elle focalise moins l’attention sur l’élève que sur l’interaction de celui-ci avec l’école et ses objets. Cette interaction construit l’écolier mais impose des franchissements identitaires, à l’instar du processus anthro- pologique de l’affiliation. Cette réalité est d’autant plus essentielle qu’y est subordonnée l’édification des processus cognitifs conduisant à la symbolisation. À partir d’une analyse claire et rigoureuse, Jean-Jacques Guillarmé schématise ainsi un modèle psychogénétique d’appartenance par trois cercles concentriques de plus en plus grands. Chacun symbolise une étape identitaire, de la personne privée à la personne scolaire via l’expérience sociale.
5De l’appartenance psychobiologique, où la relation fonctionne dans le narcissisme primaire, à l’appartenance culturelle de l’individu social, bien des aléas peuvent se produire dans lesquels l’enfant peut rester piégé, le laissant plus ou moins capable d’assumer son identité d’écolier et d’entrer dans les apprentissages avec la disponibilité psychique requise. Du problème le plus superficiel au plus enkysté, six publics de l’aide spécialisée sont identifiables à partir de cette modélisation. L’échec devient dès lors une pathologie de la distance et c’est cette distance qui s’offre comme espace d’évaluation de la singularité de l’enfant d’une part et de remédiation d’autre part.
6Jean-Jacques Guillarmé formule l’hypothèse générale de sa recherche : « L’examen des interactions spécifiques et complexes qui s’établissent entre les trois “personnes” – scolaire, sociale, privée –, lesquelles concourent à l’organisation du sujet, et la prééminence toxique de l’une d’entre elles à un moment donné de l’histoire individuelle permettent de déterminer la forme de l’aide spécialisée qui doit être proposée. »
7Pragmatique, cohérent, pertinent, Jean-Jacques Guillarmé réfléchit enfin à l’organisation et à la construction du projet individualisé. Les formes d’aide spécialisée à dominante fonctionnelle – dite E dans le jargon des textes officiels – et d’aide spécialisée à dominante relationnelle – G – sont explicitées avec précision, chacune se trouvant adaptée à tout écolier bloqué dans l’exercice de son métier d’élève à quelque niveau que ce soit. Ce théoricien de la pratique appuie son travail sur des expériences créatives de professionnels compétents, et propose des outils de lecture et d’actions actualisés et concrets. Des exemples cliniques apportent à la rigueur analytique la force de vérité qui donne envie de remettre à nouveau sur le métier l’impossible tâche d’éduquer. Sans dogmatisme ni réductionnisme, ce livre peut être considéré comme un guide pratique. Tableaux et synthèses permettront au lecteur d’y recourir avec aisance, tel un mémento des savoir-faire de l’aide spécialisée toujours ouvert à l’inventivité.
