L’accessibilité
1Participant. À propos de l’accessibilité, on parle presque exclusivement du handicap physique, moteur ou sensoriel, mais pour les personnes handicapées mentales, qu’en est-il ? On parle toujours accessibilité des locaux, aménagements matériels, et l’on oublie que l’accessibilité, c’est aussi permettre à des enfants handicapés mentaux ou psychiques d’accéder à toutes les structures périscolaires : cantine, centres de loisirs, établissements d’accueil en dehors du temps scolaire, pour faire du sport, pour se cultiver… L’accessibilité ne se réduit pas aux aménagements matériels, elle concerne aussi les moyens humains indispensables pour accompagner ces enfants. Leur intégration dans la société passe par là, on l’oublie trop souvent. Sur le calicot de présentation du colloque, placé sur la scène ou prennent place les intervenants, on voit un fauteuil roulant. Le handicap mental n’est pas un fauteuil roulant.
2Réponse d’un participant, élu municipal de la ville d’Amiens. C’est vrai, on a toujours tendance à focaliser l’accessibilité sur les problèmes matériels. La loi d’ailleurs focalise aussi là-dessus dans les obligations légales qu’elle crée. C’est le plus simple à réaliser ! Il est plus facile de remplacer une marche par une rampe que de penser à l’accessibilité des personnes déficientes mentales. Cependant, dans le cadre de nos attributions, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour l’accessibilité aux déficients mentaux. C’est un problème de solidarité, un problème de moyens humains et non plus techniques. Cela relève de la responsabilité de notre société tout entière !
3Participant. Je suis étudiante et handicapée. J’ai la chance d’aller à la faculté de droit ; le bâtiment est assez récent, il dispose d’un ascenseur, de grandes portes. Lorsque le handicap des personnes ne nécessite pas l’usage d’un fauteuil roulant, il suffit souvent de petits aménagements qui peuvent se faire au cas par cas ; c’est parfois juste une question d’adaptation et personne n’y pense jamais. Nous sommes moins d’une dizaine d’étudiants handicapés sur des milliers d’étudiants en fac de droit. C’est malheureux mais en tant que personne handicapée, on a parfois l’impression d’être débiteur de la société, comme si on avait quelque chose en moins et que c’était à nous de prouver que l’on peut avoir notre place dans la société. C’est aux autres, aussi, de nous accepter. Les personnes handicapées veulent s’intégrer, alors c’est aux autres aussi d’accepter les personnes handicapées.
4Participant. Je suis présidente d’une association de personnes handicapées physiques et sensorielles, et également vice-présidente du Conseil départemental consultatif des personnes handicapées.
5En ce qui concerne le logo du fauteuil, effectivement la loi du 11 février 2005 énonce, dans son article premier, une définition du handicap : elle distingue handicap moteur, handicap mental, handicap psychique, handicap sensoriel. Il est bien évident que l’accessibilité ne concerne pas seulement les personnes en fauteuil roulant. L’accessibilité des personnes handicapées, c’est aussi leur accueil. Ce ne sont pas seulement des questions architecturales, là n’est pas le plus difficile lorsque la volonté politique est présente, C’est toute une formation à l’accueil qui est à développer. Cela fait partie de l’accessibilité, tout comme la signalétique. De plus, penser l’accessibilité, c’est aussi penser le décloisonnement. Le parcours de la personne handicapée ne se réduit pas à l’école, il englobe tout ce qu’il y a autour, la vie culturelle, les activités citoyennes, etc. Et finalement, cela rend service à tout le monde, tout comme les rampes d’accès, c’est un confort d’usage pour tous.
L’accompagnement à l’insertion professionnelle
6Participant. Je suis professeur de lycée professionnel et j’ai la chance d’enseigner et d’assurer la coordination du seul dispositif d’insertion professionnelle existant dans l’académie. Il se situe au lycée Honoré-Baradat de Pau. Tous les enseignants qui exercent dans ce dispositif sont volontaires et cela se passe très bien. Nous accueillons dix jeunes ; leur moyenne d’âge est de dix-huit ans ; nous avons six jeunes porteurs d’une trisomie et quatre qui sont affectés par une déficience mentale. L’insertion professionnelle, nous y œuvrons en permanence car, dans notre dispositif, les jeunes sont scolarisés au lycée le lundi et le mardi, le reste de la semaine ils effectuent des stages en entreprise. Nous participons activement à la construction du projet professionnel des jeunes, notamment en nouant des contacts avec les entreprises. Je constate souvent une méconnaissance des questions relatives au handicap de la part des professionnels ; néanmoins, ils réagissent souvent favorablement. J’ai, par exemple, rencontré la semaine dernière des représentants du medef (Mouvement des entreprises de France) et nous sommes convenus de constituer un réseau, d’établir un véritable partenariat. Tout cela prend du temps mais les jeunes, ils sont là ! Et nous devons leur apporter des réponses maintenant.
7Autre problème : avant-hier, je suis allée rencontrer le maire de la commune où habite une de nos élèves qui souhaite travailler dans le domaine de la petite enfance. Nous avons épluché toutes les possibilités de contrat qui s’offraient à elle et nous en avons trouvé un parfaitement adapté à sa situation, le contrat d’avenir qui est signé avec l’anpe (Agence nationale pour l’emploi). Le problème est que monsieur le maire me dit : « Moi j’ai besoin de vous pour continuer à la suivre. » Le contrat d’avenir met en présence un organisme de formation, l’anpe, et la personne qui accueille le jeune. Or il n’existe rien pour suivre les jeunes qui vont signer ce type de contrat ou d’autres. Lorsqu’ils quittent le lycée, notre mission s’arrête. Ma question est celle-ci : comment peut-on faire pour continuer à travailler vraiment à l’insertion professionnelle des jeunes que nous accueillons ?
8Réponse de Dominique Lagrange, directeur d’une mdph. L’insertion professionnelle est une dimension constitutive du projet de vie. Il existe un programme départemental d’insertion des travailleurs handicapés, c’est un réseau qu’il faut mobiliser. Cela dit, entendre que des chefs d’entreprise sont ignorants des mesures concernant les personnes en situation de handicap est un peu désarmant ; quand on voit le travail qui est fait sur le terrain pour les informer, c’est un peu douloureux, pour moi, d’entendre ce que vous venez de dire. Cela veut dire qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour que l’information « passe » réellement. Tournez-vous vers la Maison départementale pour réfléchir à ces questions, voir quelle est la meilleure stratégie à développer pour faciliter l’intégration. Malheureusement, dans l’urgence, nous ne sommes pas toujours en mesure de répondre.
Les moyens d’une politique d’inclusion
9Participant. Je souhaite, en tant que militante syndicale, réagir face à cette nouvelle loi. Elle fixe de nouveaux objectifs et de nouvelles ambitions pour l’école et, en particulier, celle d’inclure des enfants en situation de handicap. Mais, ce qui est préoccupant pour nous, c’est que cette loi s’applique à moyens constants et dans un contexte très dégradé : diminutions de postes, fonctionnaires qui vont partir à la retraite et ne seront pas remplacés. Concernant les moyens, la seule chose que la loi crée, en dehors de cette nouvelle fonction d’enseignant référent, ce sont les emplois de vie scolaire qui doivent accompagner les enfants en situation de handicap, en particulier à la maternelle. Ces contrats sont précaires, encore plus précaires que ne l’étaient ceux des avs. Ils sont créés pour des jeunes en situation de difficulté sociale, recrutés par l’anpe, et leur durée sera de 6 à 24 mois. Tout le monde ici reconnaît l’importance de la fonction des avs : elle est déterminante pour la réussite de la scolarisation des enfants. Nous demandions que leur statut soit renforcé et devienne un statut de contrat public, à durée indéterminée. Nous sommes déçus car la loi n’est pas allée dans ce sens. De plus, nous constatons la diminution des crédits affectés à la formation continue, et nous avons des inquiétudes concernant les équipes médico-sociales. Pour que l’inclusion des enfants en situation de handicap devienne une réalité, il convient de renforcer ces équipes médico-sociales et certainement pas de faire des économies là-dessus.
10J’aimerais savoir comment les associations de parents d’enfants handicapés comptent peser pour que la mise en œuvre de cette loi, qui est ambitieuse dans le texte, soit une réussite dans la pratique.
11Réponse de Jean-Pierre Delbouys, proviseur de lycée. Que la militante ne s’offusque pas, mais concernant les moyens, j’ai une position assez catégorique : il faut arrêter de demander toujours plus de moyens. Ce que j’attends avec impatience depuis que j’ai une conscience politique, c’est-à-dire depuis quarante ans, c’est qu’un ministre courageux, à partir des moyens dont nous disposons, décide de les utiliser plus intelligemment. Plus de moyens ? Il faut arrêter. On se « gave » tous avec la fameuse phrase d’un président américain : « Si vous croyez que l’Éducation coûte cher, essayez donc l’ignorance. » Cela a permis à beaucoup de gens de penser que l’Éducation nationale était un gouffre sans fond, qu’il fallait toujours ajouter des moyens aux moyens. Non, mettons-y de l’intelligence et fixons-nous des objectifs. Malheureusement, pour le moment, je ne vois pas beaucoup de monde performant au ministère de l’Éducation nationale. Monsieur l’inspecteur d’académie me pardonnera d’être un peu iconoclaste, mais ce dont nous avons besoin, c’est d’intelligence et de courage.
Informer les parents, former les intervenants, changer les pratiques, prendre en compte les spécificités
Informer
12Participant. L’Éducation nationale va-t-elle avoir une démarche informative auprès des parents pour les inciter à maintenir leur enfant handicapé dans le système de la scolarisation ? Va-t-elle leur expliquer que l’école peut s’adapter à leur enfant ? Très peu de parents le savent, c’est regrettable.
13Réponse de Jean-Louis Lobstein, inspecteur d’académie. C’est une question de communication. Nous devons faire en sorte que l’information passe auprès de l’ensemble des personnels (de nos écoles, de nos collèges, de nos lycées) pour qu’ils puissent eux-mêmes relayer l’information aux familles. En ce début d’année scolaire, nous avions mis en place, pour faire suite à une demande ministérielle, un numéro vert qui permettait d’apporter aux familles les réponses aux questions qu’elles se posaient. Mais c’est insuffisant ; si l’on veut que les choses passent, il faut multiplier les démarches de cette sorte et en inventer d’autres. Il nous appartient, dans les groupes de pilotage Handiscol par exemple, de réfléchir à cela pour nous assurer que l’information passe effectivement.
14Participant. Je suis maman d’un enfant déficient visuel et je tiens à exprimer ma colère à l’endroit de la mdph. Nous n’avons pas été informés de sa création, jamais les membres de la cdes ne nous ont dit qu’un jour elle cesserait d’exister pour se transformer en mdph, jamais personne ne nous a dit que les dossiers de nos enfants passeraient d’une main à une autre. J’ai découvert l’existence de la mdph par hasard, à propos d’un problème de transport pour mon enfant. Quand j’ai contacté la cdes, on m’a dit de m’adresser dorénavant à la mdph. Je suis choquée et outrée. Pourquoi les parents d’enfants handicapés n’ont-ils pas été informés et par qui auraient-ils dû l’être ?
15Réponse d’Antoine Aubry, directeur d’une mdph. Il y a effectivement, en Moselle, un déficit de communication en direction des personnes handicapées et de leurs familles. Nous n’avons pas, à ce jour, d’outil de communication. Il y a une raison technique à cela, la difficulté du traitement des textes légaux et réglementaires. Construire un outil de communication suppose d’en avoir la maîtrise. Le texte légal n’est pas un problème, il fixe un cadre général, des grandes lignes ; par contre, le cadre réglementaire pose de nombreux problèmes : il est excessivement difficile de rendre les décrets abordables et lisibles pour le public concerné. Nous-mêmes, techniciens, nous ne sommes pas du tout sûrs, aujourd’hui, d’être au clair sur tous les éléments législatifs et réglementaires. Nous ne souhaitons pas prendre le risque de semer la confusion et de générer, entre les familles et nous, des malentendus et des tensions. Cela dit, je ne vous demande pas de l’indulgence, la loi impose de l’exigence en termes d’objectifs, de méthode, de résultats, je vous demande du temps.
Former les intervenants, changer les pratiques
16Participant. Je suis parent d’un enfant handicapé, je voudrais savoir ce que l’Éducation nationale met en œuvre pour éviter la situation que nous avons connue : notre enfant était en maternelle lorsque nous avons été convoqués à la cdes. Nous nous sommes retrouvés devant une vingtaine de personnes, inconnues de nous. Elles nous ont informés du fait que notre enfant ne pourrait plus suivre une scolarisation, tout cela sans aucune préparation psychologique, sans aucune méthode. Cela a duré cinq minutes, nous sommes rentrés chez nous et vous avez fait, ce jour-là, de deux parents, deux légumes pendant un certain nombre d’années. Comment accompagner ces parents ?
17Réponse de Jean-Louis Lobstein, inspecteur d’académie. Convoquer des parents à la cdes sans préparation est catastrophique, je le concède. Il appartient aux professionnels de la commission de changer de posture, de ne pas placer des gens devant un « tribunal », mais de les mettre à l’aise pour engager un dialogue. C’est aussi cela l’esprit de la loi et nous devons être vigilants car ce que vous décrivez est proprement intolérable. Cela fait plusieurs années que je préside la cdes dans trois départements successifs : la problématique est la même partout. La réponse doit être une réponse d’hommes. Nous devons nous placer dans un dialogue ouvert et empathique au regard des questions posées et qui sont si difficiles à traiter.
18Participant. Dire les choses, c’est une chose, les vivre, c’est autre chose. Je milite pour l’intégration des personnes handicapés depuis vingt-cinq ans. Et je peux témoigner de la souffrance des parents à propos de ce qu’ils peuvent entendre à l’école. On entend bien souvent, pour justifier un refus d’intégration, « nous ne sommes pas formés ». Je pose la question : nous, parents d’enfants handicapés, nous n’avons jamais eu de formation et depuis des années nous luttons pour l’intégration.
19Réponse de Jean-Marc Louis, inspecteur de l’éducation nationale pour l’adaptation et l’intégration scolaire. Je suis d’accord avec vous Madame, le manque de formation ne doit pas être un paravent. Il devrait exister un médiateur entre l’école et les parents qui puisse nous aider à réfléchir, ensemble, sur la réalité de la scolarisation. Très souvent en effet, chez l’enseignant comme chez les parents, il y a des paramètres qui, bien que non conscients, vont être à l’origine de ces maladresses. Je suis le premier à les regretter. Nous avons beaucoup à apprendre les uns les autres, les uns des autres, nous avons à révolutionner nos mentalités. Cependant, n’oublions pas que les enseignants sont avant tout des êtres humains. Ils sont ouverts à la critique, à la remise en cause mais je voudrais attirer l’attention sur le fait qu’il ne faudrait pas les décourager en leur disant sans arrêt qu’ils ne font pas bien, qu’ils font mal, parce qu’un jour ils feront mal.
20Réponse de Marie-Christine Philbert, présidente de la fnaseph. L’avenir de nos enfants sera catastrophique si, sur le terrain, les gens s’opposent, si les parents et les enseignants s’opposent. C’est ensemble que nous devons faire avancer les choses. Il est vrai qu’il y a des situations conflictuelles et on en connaît tous. Nous avons une loi dont il faut se saisir les uns et les autres, ne nous trompons pas de combat sinon nous n’y arriverons pas. On va détériorer les choses positives qui sont dans cette loi.
21Participant. En tant que parent, j’ai beaucoup de craintes quant au pouvoir de la Maison départementale des personnes handicapées. Dans son comité exécutif, composé de vingt-huit membres, sept seront des représentants d’associations de personnes handicapées. Je ne suis pas certain que l’on y trouve des personnes directement concernées, elles-mêmes handicapées par exemple, qui pourraient faire entendre un point de vue vécu de « l’intérieur ». J’ai peur qu’une fois de plus, face à nous, nous ayons des services plus unis pour opposer à nos requêtes des arguments budgétaires, des manques de places dans l’école etc., que des interlocuteurs conscients de nos besoins et difficultés.
22Réponse de Guy Mary, directeur d’une mdph. La Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a effectivement le pouvoir, comme l’avaient la cdes et la cotorep, de décider de l’attribution des aides. Le risque « d’administratisation » que vous évoquez est réel, il est illusoire de prétendre que les choses vont désormais être parfaites. Cependant, ce qui est profondément nouveau de par la loi, c’est que, pour chaque situation, il y aura une évaluation conduite par une équipe pluridisciplinaire, au domicile de la personne et qui dialoguera avec les membres de sa famille. Cette équipe est composée de professionnels (médecins, ergothérapeutes, psychologues, assistants sociaux, infirmières et experts pour des handicaps spéciaux), pas seulement d’agents administratifs. Nous avons là la possibilité d’éviter les malentendus qui ont pu exister jusqu’à aujourd’hui. La future commission ne prendra pas sa décision au vu d’un dossier, sans avoir à justifier ses choix. Elle devra installer un véritable dialogue.
Prendre en compte les spécificités
23Participant. Je suis présidente de l’Association des familles de traumatisés crâniens ; ce handicap est absolument oublié. Pourtant, quand les jeunes traumatisés crâniens reviennent dans leur lycée, il se pose énormément de problèmes et les professeurs ne sont absolument pas aptes à faire face à ces problèmes. De plus, les parents sont « sonnés » par le traumatisme qu’a subi leur enfant et bien souvent dans l’incapacité d’être un recours pour lui. On ne se rend pas compte qu’ils sont devenus lents, qu’ils assimilent très mal, qu’ils n’ont pas, lorsqu’ils reviennent, les mêmes capacités qu’autrefois. C’étaient des hommes en formation, leur traumatisme est une cassure, ce sont des hommes démolis qui reviennent. Et je m’étonne qu’il n’y ait aucune relation entre le lycée et ceux qui les ont suivis, et qui connaissent parfaitement leurs possibilités et leurs difficultés. Tous ces traumatisés crâniens ont bénéficié, pendant des mois, d’une rééducation ; ils ont été pris en charge par une équipe médico-sociale, et on ne fait jamais appel à elle.
24Participant. Je suis sourd, ma femme aussi et nous avons un enfant qui est également sourd. Nous vivons tous trois en harmonie, nous sommes heureux, nous vivons parfaitement dans notre famille avec notre langue, nous n’avons pas de problème particulier. Ils arrivent dès qu’il est question de s’adresser aux services publics, administratifs et scolaires. Nous vivons dans une non-accessibilité à tous ces services. Je ne vois que très rarement des interprètes dans les services publics. Je voudrais savoir si la mdph y a prévu la présence d’un interprète professionnel de manière à en faciliter l’accès pour les personnes sourdes, de manière à ce que nous soyons traités comme de réels citoyens. Car actuellement nous sommes des sous-citoyens ; nous n’avons ni les mêmes droits ni les mêmes chances que les autres et nous sommes sans cesse heurtés par l’indifférence des pouvoirs publics. Est-il prévu dans la loi que la langue des signes devienne soit une option au bac, soit une langue à part entière enseignée comme l’anglais par exemple ?
25Réponse de Marie-Christine Philbert. Il n’est pas prévu dans la loi qu’elle doit être enseignée à l’école. En revanche, la loi est très claire sur un autre point : le choix des familles, pour leur enfant sourd, de la langue des signes ou de la langue oralisée devra être respecté. Un arrêté doit passer en Conseil d’État pour voir comment l’Éducation nationale mettra en place cette obligation.
Inquiétudes sur le sort des auxiliaires de vie scolaire
26Participant. Je suis directeur d’une association de parents d’enfants trisomiques à Niort et administrateur de l’Association départementale des auxiliaires d’intégration scolaire. Monsieur le recteur de l’académie de Poitiers a sollicité différents services et associations pour organiser la formation des avs. Nous avons répondu. Deux sessions ont eu lieu. Maintenant, on nous informe que, faute de moyens, seulement deux sessions auront lieu sur les cinq prévues initialement. D’autre part, on substitue aux avs des aseh (Accompagnant scolaire de l’élève handicapé), personnel recruté de manière précaire et qui ne bénéficie d’aucune formation. Je me demande s’il n’est pas déraisonnable de faire appel à de l’amateurisme pour accompagner l’intégration des enfants handicapés.
27Réponse de Marie-Christine Philbert, présidente de la fnaseph. Ces « pannes » dans la formation m’étonnent puisqu’en 2004, sous la pression des associations, un budget spécifique a été débloqué pour la formation des auxiliaires de vie scolaire, qu’il a été reconduit pour l’année 2005 et que le ministère nous a annoncé qu’il l’était aussi en 2006. Ce que vous dites est intéressant et montre que, sur le terrain, les informations ne sont pas relayées. Il est important que nous, associations nationales, nous soyons informées de ces situations afin de vous aider plus efficacement dans vos négociations.
28Vous avez raison de soulever cette question, les avs sont absents de la loi. Elle ne leur reconnaît pas de statut professionnel alors que tout le travail des associations mettait en évidence le caractère essentiel de leur fonction et l’urgence de leur professionnalisation. Cela n’est pas passé, nous y travaillons toujours, le tissu associatif est toujours présent au ministère pour le réclamer.
29La question des aseh nous fâche un peu. Nous avons appris leur existence fin août 2005, sortis d’on se sait trop quel chapeau, mais il est vrai, que travaillant avec le ministère de l’Éducation nationale, on a l’habitude de voir sortir des choses des chapeaux ! L’ensemble des associations a été reçu par M. de Robien le 31 août 2005. J’ai posé personnellement la question au ministre en lui demandant ce qu’étaient ces aseh, pourquoi ils étaient là et en quoi ils se substituaient aux avs (puisqu’on nous les présentait comme cela). La réponse a été très claire, l’aseh est là pour aider une équipe pédagogique dans une école ; en aucun cas, ce ne sont des avs. Or, sur le terrain, il y a confusion entre aseh et avs, et l’on place indifféremment l’un ou l’autre. Le pire étant que les parents rentrent très contents d’une commission en disant « ça y est, j’ai une avs », alors qu’en fait il s’agit d’un aseh.
30Il faut savoir que l’aseh est un contrat précaire de six mois renouvelable ou non. Ce qui amène, dans certains départements, à changer de personne tous les six mois. Leur contrat n’impose aucune obligation de formation. C’est un nouveau combat à mener et nous sommes très inquiets : les avs n’auront aucune professionnalisation nationale, et l’on voit poindre des personnes encore plus « jetables », pardonnez-moi l’expression.
31Participant. Je suis professeure de lettres modernes dans un collège et également maman de deux enfants dont un de 4 ans atteint d’une maladie orpheline rare.
32Je voudrais parler ce soir de mon expérience personnelle, celle de la scolarisation de mon petit garçon en maternelle. Sur le papier, il nous a été accordé une avs à 25 % du temps scolaire. Une avs qui n’est jamais venue parce que mon petit garçon, qui a 4 ans, n’est pas en obligation de scolarité. Par conséquent, nous aurions dû la payer nous-mêmes, ce dont nous n’avons pas les moyens. Nous avons fait une démarche auprès du maire de notre commune qui a accepté de prendre en charge le financement de l’avs. Très rapidement, en moins d’un mois, il a embauché quelqu’un, mais je viens d’apprendre que le contrat ne sera pas renouvelé. Nous avons pu bénéficier de quelqu’un pendant six mois. Qu’en est-il de l’avenir de ces enfants qui ne peuvent apprendre les bases à la maternelle, quand on sait que tout commence là ? Qu’en est-il d’eux s’il vous plaît ?
33Réponse de Marie-Christine Philbert, présidente de la fnaseph. Le nombre d’avs n’augmentera pas à la rentrée de septembre. Mais ce n’est pas l’inspecteur d’académie qui en est responsable, c’est le ministère qui n’ouvre pas de crédit. Il y a mille postes supplémentaires prévus pour la rentrée 2007, mais aucun pour la rentrée 2006. Rien n’est solutionné.
34Pour ce qui concerne le principe d’inscription. On dit, çà et là, que tant que l’enfant n’a pas 6 ans, il ne s’impose pas ; c’est faux. La loi du 11 février dit très clairement qu’à partir du moment où les parents en font la demande, le processus d’inscription est déclenché, avec tout ce qu’il comporte : accueil, évaluation en milieu scolaire, projet personnalisé, y compris si l’enfant a moins de 6 ans.
Le milieu associatif
35Participant. On parle beaucoup des parents et de l’école mais le secteur médico-social est directement concerné par la loi de février 2005. Il a fait sa révolution culturelle il y a plusieurs années de cela, en créant notamment des sessad. Il est déjà dans la culture du projet personnalisé : il y a un lien entre l’esprit de la loi de 2005 et celle de 2002 qui concerne l’action sociale et médico-sociale. Cette loi met au centre du dispositif les usagers, les parents et leurs enfants.
36Réponse de Marie-Christine Philbert, présidente de la fnaseph. Je reçois tout à fait ce que vous dites. Les textes portent très fortement une empreinte « Éducation nationale » et l’ensemble des associations nationales attendent des textes qu’ils tiennent davantage compte du caractère « interministériel » des questions relatives au handicap. Nous attendons des textes qui impliquent l’Éducation nationale certes, mais aussi la santé et le secteur médico-social. Un groupe de travail se met en place (le 14 juin 2006), intitulé « le secteur médico-social acteur de la réforme ». Il devra sortir des textes dans un délai de quatre mois. Cela arrive après la bataille, mais il n’empêche que cela arrive. Nous pouvons espérer que dans les textes qui vont paraître, il y aura davantage d’articulations et peut-être davantage de place pour le secteur médico-social.
37Serge Ebersold, sociologue à l’ocde. Deux réflexions si vous le permettez.
38La première : après avoir analysé, dans tous les pays, ce qui fait qu’une scolarisation en milieu ordinaire marche, on en arrive à conclure que ce n’est pas l’enfant qu’il faut mettre au centre mais le projet autour duquel les différents acteurs s’accordent, l’enfant étant un acteur parmi les autres. Si vous mettez l’enfant au centre, il continue à rester l’enjeu des uns et des autres, et tous les acteurs, pour conserver leur légitimité, parleront bien plus de l’enfant que de ce qu’ils font. Lorsque l’on met l’enfant au centre, on est dans l’impossibilité de penser le collectif et l’action collective.
39La deuxième : pour construire « l’interinstitutionnalité » du parcours, il faut penser les liens et les échanges avec les acteurs du médico-social comme des rites de passage. Ce qui se joue entre les différentes institutions, ce sont de véritables rites, quelque chose autour duquel se joue le sens. La légitimité se construit autour du sens. Il me paraît essentiel, au regard des analyses comparatives que l’on a pu mener, de penser la notion de transition et la notion de parcours comme étant des rites de passage à partir desquels on va construire collectivement le sens de l’action collective.