Notes
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[1]
Cet article n’engage que son auteur et en aucun cas les institutions qu’il sert ou qu’il a servies.
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[2]
Voir sur ces questions, outre les contributions proposées dans cette revue, les résultats du baromètre de la confiance politique, piloté notamment par le Cevipof (notamment la vague conduite début 2021 en France et dans plusieurs pays développés) ou Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, La Fabrique de la défiance… et comment s’en sortir, Albin Michel, 2012 ou Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen et Martial Foucault, Les Origines du populisme – Enquête sur un schisme politique et social, Seuil, 2019.
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[3]
Voir sur toutes les données proposées ci-après, sauf mention contraire : Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS), Rapport sur l’état des lieux du financement de la protection sociale, février 2021. Les prévisions proposées sont celles figurant dans les lois financières de la fin de l’année 2020. Voir également HCFIPS, Note d’étape sur les finances sociales après la crise, mars 2021.
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[4]
Ce besoin de financement était de 7,2 % en 2009 et de 6,4 % en 1993 voir HCFIPS, Rapport sur l’état des lieux… op. cit.
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[5]
Ce déficit n’avait été que de 1 % du PIB en 1993 et de 1,4 % en 2010.
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[6]
Sur ces questions, voir notamment Philippe Bezes et Alexandre Siné (dir), Gouverner (par) les finances publiques, Presses de Sciences Po, 2011 ; Alexandre Siné, L’ordre budgétaire : l’économie politique des dépenses de l’État, Economica, 2006 ; Denis Saint Martin, Les gardiens discordants de la discipline budgétaire : les ministères des Finances et les conséquences politiques de l’autonomie bureaucratique in Patrick Hassenteufel et Sabine Sarugger (dir), Les politiques publiques dans la crise – 2008 et ses suites, Presses de Sciences Po, 2021.
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[7]
Voir Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001 (traduction de Risikogesellschaft, 1ère édition, Suhrkamp Verlag, 1986).
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[8]
Voir notamment Alain Desrosières, Prouver et gouverner : Une analyse politique des statistiques publiques, La Découverte, 2014 et Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015.
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[9]
Voir par exemple Julien Duval, Le mythe du « trou de la sécu », Raisons d’agir, 2007 et 2020 (2ème édition mise à jour et complétée) ou Pierre Rosanvallon, La Crise de l’État-providence, Seuil, 1981.
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[10]
Voir Pierre-Louis Bras, Notre système de soins sera-t-il mieux gouverné ? in Droit social, Dalloz, 2004 (n°11).
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[11]
Voir notamment Colette Bec, La Sécurité sociale : une institution de la démocratie, Gallimard, 2014.
-
[12]
Voir sur ces questions les différentes propositions des organisations patronales et notamment le souhait de « refondation sociale » à la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille par exemple « Refondation sociale », Quelle alternative ? in Mouvements, La Découverte, 2001 (n°2) ou Denis Kessler, Il faut une nouvelle refondation sociale, La Tribune, 15 décembre 2012 ou encore, dans une approche plus globale, François Ewald, Histoire de l’État providence : les origines de la solidarité, Grasset, 1996.
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[13]
Voir Paul Ricœur, La crise : un phénomène spécifiquement moderne ? in Politique, économie et société – écrits et conférences (tome 4), Seuil, 2019.
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[14]
Voir notamment, Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castel, François Dedieu, Covid-19 : une crise organisationnelle, Presses de Sciences Po, 2020.
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[15]
Voir par exemple, Michel Dobry, Sociologie des crises politiques : la dynamique des mobilisations multisectorielles, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1986.
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[16]
Outre le rapport du HCFIPS cité supra, voir Insee résultats, Comptes nationaux trimestriels au quatrième trimestre 2020, 26 février 2021.
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[17]
Voir Kyle Harper, Comment l’Empire romain s’est effondré – le climat, les maladies et la chute de Rome, La Découverte, 2019 ; Jared Diamond, Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, 2005.
-
[18]
Le solde de 2 % est porté par les organismes divers d’administration centrale, voir Insee résultats, Comptes nationaux trimestriels au quatrième trimestre 2020, 26 février 2021.
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[19]
Sur ces sujets, voir Benjamin Ferras, Quelle rénovation du pilotage des finances sociales ? Reconnaître les spécificités, consolider les avancées in Revue française des finances publiques, LGDJ, mai 2018 (n°142) ; Benjamin Ferras, Actualité des finances sociales : les équilibres et conditions du pilotage financier posés par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 et la LFSS pour 2015 in Revue française des finances publiques, LGDJ, septembre 2015 (n°131).
-
[20]
Voir DREES, Compte provisoire de la protection sociale 2019 : un solde excédentaire pour la troisième année consécutive, Études et résultats, décembre 2020 (n°1174).
-
[21]
Pour une approche détaillée de la situation financière de la sécurité sociale, voir – chaque année – les rapports de juin et de septembre de la Commission des comptes de la sécurité sociale.
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[22]
Voir DREES, La protection sociale en France et en Europe en 2018 – Résultats des comptes de la protection sociale – édition 2020, Panorama, juin 2020.
-
[23]
Voir les opinions des plus jeunes notamment dans DREES, Baromètre d’opinion et en particulier Raphaël Lardeux et Claudine Pirus, Le pouvoir d’achat, la pauvreté et les inégalités de revenus préoccupent toujours aussi fortement les Français – Synthèse des résultats du Baromètre d’opinion de la DREES 2019, Les dossiers de la DREES, juillet 2020 (n°60).
-
[24]
Voir Mireille Elbaum, L’universalité dans les réformes de la protection sociale : un terme « à tout faire » qui nuit à la clarté des enjeux et des choix sociaux (2 parties) in Revue de droit sanitaire et social, Dalloz, 2020 (n°3 et 4).
-
[25]
Voir Benjamin Ferras, Le financement de la Sécurité sociale et de la protection sociale : entre autonomie et indépendance, une gouvernance particulière, des innovations constantes, En3s, Regards 2017/2 (n°52) et Benjamin Ferras, Les évolutions du financement de la protection sociale française : réforme ou contre-réforme, évolution ou révolution ? in Revue de droit sanitaire et social, Dalloz, septembre-octobre 2019 (n°5).
-
[26]
Voir Benjamin Ferras et Jean-Luc Matt, L’évolution de la sécurité sociale – la question du financement in Vie sociale, Erès, juin 2015 (n°10).
-
[27]
Voir Raphaël Lardeux et Claudine Pirus, Le pouvoir d’achat, la pauvreté et les inégalités de revenus préoccupent toujours aussi fortement les Français – Synthèse des résultats du Baromètre d’opinion de la DREES 2019, Les dossiers de la DREES, juillet 2020 (n°60).
-
[28]
Le HCFIPS ne s’est prononcé que sur une extension concernant ces deux champs ; voir HCFIPS, Les lois de financement de la sécurité sociale – Bilan et perspectives, septembre 2019.
-
[29]
Sur une approche extensive des lois de financement, voir Benjamin Ferras, Quelle rénovation du pilotage des finances sociales ? Reconnaître les spécificités, consolider les avancées in Revue française des finances publiques, LGDJ, mai 2018 (n°142) et Benjamin Ferras, Le financement de la Sécurité sociale et de la protection sociale : entre autonomie et indépendance, une gouvernance particulière, des innovations constantes, En3s, Regards 2017/2 (n°52).
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[30]
Voir sur ce sujet pour une approche – très – critique – Barbara Stiegler, De la démocratie en pandémie : Santé, recherche, éducation, Gallimard, 2021.
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[31]
Voir notamment Pierre Charbonnier, Abondance et liberté – Une histoire environnementale des idées politiques, La découverte, 2020.
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[32]
Voir HCFIPS, Note d’étape sur les finances sociales après la crise, mars 2021.
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[33]
Sur la mobilisation en sciences sociales de ce concept, voir en particulier Paul Pierson, Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of Politics in American Political Science Review, June 2000 (vol. 94, n°2).
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[34]
Voir en particulier Pierre-Louis Bras, Comment le Covid transforme le débat sur les dépenses de santé, Notes, Terra nova, mars 2021.
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[35]
Voir David Graeber, Dette – 5000 ans d’histoire, Les Liens qui Libèrent, 2013.
-
[36]
Voir Stephanie Kelton, Le mythe du déficit, Les Liens qui Libèrent, 2021 ou Les Économistes atterrés, La Dette publique – Précis d’économie citoyenne, Seuil, 2021.
-
[37]
Voir par exemple sur ce point les travaux de l’OCDE sur la croissance inclusive ou « inclusive growth », www.oecd.org.
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[38]
Sur ce point voir notamment Frédéric Viguier, La cause des pauvres en France, Presses de Sciences po, 2020.
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[39]
Voir Marine Boisson-Cohen, Cyprien Avenel, Sandrine Dauphin, Nicolas Duvoux, Christophe Fourel, Manon Jullien, Bruno Palier, L’investissement social : quelle stratégie pour la France ?, rapport, La documentation française, 2017.
-
[40]
Voir Pierre-Louis Bras, Comment le Covid transforme le débat sur les dépenses de santé, Notes, Terra nova, mars 2021.
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[41]
Voir HCFIPS, Note d’étape sur les finances sociales après la crise, mars 2021.
-
[42]
Voir loi organique n°2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie et loi n°2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.
-
[43]
Voir HCFIPS, Les périmètres des dépenses de protection sociale en comparaison internationale, 2017.
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[44]
Voir Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, 1958.
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[45]
Voir William Genieys, Gouverner à l’abri des regards – La réussite de l’Obamacare, Presses de Sciences po, 2020.
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[46]
Voir Michaël Walzer, Sphères de justice – une défense du pluralisme et de l’égalité, Seuil, 2013.
-
[47]
Voir Anne Lambert et Joanie Coyouette-Remblière (dir), L’explosion des inégalités : classes, genre et générations face à la crise sanitaire, L’Aube, 2021.
1La confiance est délicate à apprécier en France qui, en comparaison internationale, se caractérise plutôt par une certaine défiance des citoyens dans l’avenir et l’action publique. Cette difficulté est renforcée si l’on s’intéresse à la protection sociale ou, pis encore, à son financement – sujet technique voire réputé réservé à une poignée d’experts. Cette réflexion est cependant incontournable, du fait de la crise de la Covid-19, qui a remis en cause le financement d’une protection sociale revenue à l’équilibre et générant des excédents au cours des dernières années. Il convient donc d’identifier les crises – réelles ou supposées- du financement de la sphère sociale avant et après la pandémie, pour mieux identifier des pistes de nature à permettre un plus grand consentement au financement et l’adhésion au système de protection sociale à l’issue de celle-ci, alors même que notre système de solidarités collectives aura été durablement ébranlé. Un changement d’approche est nécessaire. Il doit constituer une rupture sans être par trop radical. Il ne peut avoir les effets escomptés que s’il intervient au bénéfice d’un débat démocratique et citoyen dont il nous revient de créer les conditions.
2En France, garantir la confiance dans une politique publique relèverait de la gageure. Par rapport aux citoyens des autres pays développés, les Français sont considérés comme plus méfiants ou atteints de défiance. Cette « spécificité française » serait un mélange paradoxal – présenté ici de manière schématique donc pour partie inexacte- de volonté d’intervention publique, d’individualisme, de méfiance entre les individus et de rejet de la politique ou des politiques [2] … Apprécier le niveau de confiance dans une période de crise inédite, aux impacts variés et profonds, peut paraître encore plus délicat et contingent. Par nature, la crise n’est pas un moment au cours duquel on peut être confiant. Dans ce même contexte, déterminer dans quelle mesure la problématique du financement de l’action publique – et, en particulier, celui de la protection sociale – est susceptible d’être abordée avec confiance, tant dans l’effort contributif attendu que dans la soutenabilité globale du système de solidarité collective peut, là encore, apparaître comme un éventuel vœu pieux.
3Du fait de la pandémie, les perspectives financières sont particulièrement sombres [3]. Le besoin de financement de l’ensemble des administrations publiques devrait représenter 11,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020 et 6,7 % en 2021, soit des valeurs largement supérieures à celles constatées lors des précédentes crises [4]. L’État en porterait l’essentiel (7,6 % du PIB), son déficit doublant entre 2019 et 2020 et représentant près de la moitié de ses dépenses de l’année. Mais les équilibres financiers de la protection sociale seront aussi très fortement fragilisés par la crise : en 2020, le déficit atteindrait 72 Mds€ (58 Mds€ en prenant en compte la Caisse d’amortissement de la dette sociale – Cades – soit 3,3 % du PIB donc plus du double des déficits constatés lors des précédents retournements de la situation économique) [5].
4La confiance dans le système de financement d’une action publique, si elle est à rechercher, revêt un caractère hautement paradoxal [6]. Les questions financières sont, trop souvent et presque par nature, d’une très – voire trop – grande technicité : au sein même de la représentation nationale, elles sont l’apanage de commissions spécifiques et, en leur sein, d’un nombre très réduit de parlementaires. La technicité et la complexité de la matière semblent empêcher toute possibilité d’adhésion citoyenne. Pour autant, les consentements à la recette et à la dépense publiques sont aux sources mêmes de nos démocraties modernes : la confiance dans le système démocratique est pour partie fonction, d’une part, de l’accord sur la nature et le niveau des prélèvements obligatoires et, d’autre part, sur le type et l’ampleur des interventions publiques.
5Par ailleurs, la confiance dans le système de protection sociale dépend notamment des objectifs qu’on lui assigne et de sa capacité à les relever : ce système de sécurités collectives a pour objet de protéger contre des risques, notion plastique et évolutive qui nécessite un « travail social ». La notion même de risque n’est pas un donné objectif mais un construit social et démocratique, relevant d’une conception commune. Le terme même d’État providence renvoie à un objectif potentiellement inatteignable. Il s’agit, pour l’institution publique, de pallier l’incertitude ou l’injustice dans un cadre certes séculier mais en aspirant à restaurer la justice et la bienveillance que l’on peut escompter d’une force transcendantale. Comprendre qu’avec l’État providence, on assigne à l’action publique un objectif qui n’a pu qu’être imparfaitement rempli par des croyances et interventions religieuses sinon divines, c’est réaliser l’ampleur de la tâche assignée à l’État moderne et au système de protection sociale. D’autant plus que notre société serait marquée par une transformation profonde de l’avenir, l’affirmation du « principe de précaution » renvoyant à une volonté de juguler et de maitriser tous les risques alors mêmes que ceux-ci se multiplient et se diversifient. Comme l’a souligné Ulrich Beck, c’est « la transformation du rapport collectif à l’avenir [qui est] en train de se jouer » [7].
6La crise mondiale actuelle est inédite en ce qu’elle présente des volets sanitaires, sociaux et économiques importants. Elle va déstabiliser profondément les systèmes de protection sociale et en particulier le système français : son équilibre financier va être durablement fragilisé, sa soutenabilité va de ce fait être interrogée, et son bien-fondé va donc être à nouveau questionné. Dans une époque où le chiffre est la mesure de toutes choses [8], ces débats sont-ils si nouveaux et liés uniquement à la crise ? En considérant le cas français, un nouveau paradoxe apparaît : la crise remet certes en cause – durablement – le système de protection sociale, notamment du fait des déséquilibres financiers qu’elle induit… mais cette crise n’est pas que conjoncturelle car la dénonciation et/ou la remise en cause du système social français ne peuvent se résumer à la seule approche financière, quand bien même celle-ci serait mise en avant ou présentée comme déterminante [9].
7L’approche financière est partielle. Elle ne permet pas d’embrasser l’ensemble du système de protection sociale, même si elle peut constituer un bon moyen de l’appréhender et de l’interroger. Elle est technique : maîtriser les subtilités et les arcanes des finances sociales est un défi hors de portée pour le commun des citoyens et des experts, en ce que cela nécessite des compétences multiples et composites (administratives, juridiques, économiques, financières…). Appréhender le financement de la protection sociale, c’est prendre le risque d’une double confiscation : résumer les solidarités collectives aux seules données financières et aux prélèvements obligatoires ; mettre en avant une masse d’arguments techniques que le citoyen peine à s’approprier, voire dont il se sent exclu à dessein.
8L’approche financière est pourtant essentielle. À la source de nos démocraties libérales modernes, se trouvent les consentements aux prélèvements obligatoires, à l’intervention et à la dépense publiques. Interroger la confiance dans le système de protection sociale conduit nécessairement à apprécier sa soutenabilité financière dans deux perspectives, in(ter)dépendantes : les citoyens – cotisants – redevables consentent-ils au prélèvement ; le financement permet-il au système de perdurer et de s’adapter aux besoins de la population ? Bref, selon une expression retenue précédemment [10], notre système de protection sociale est-il à la fois financé et gouverné ? Ce système conduit-il les citoyens à avoir confiance dans la protection sociale et sa soutenabilité, notamment financière ?
9Il est à la fois difficile et nécessaire de chercher à ce que le financement de la protection sociale suscite confiance et adhésion des citoyens d’autant, plus dans le contexte d’une crise majeure telle que celle de la Covid-19. Plusieurs pistes et axes de réflexion peuvent cependant être avancés. Outre une réflexion sur la crise et la rupture qu’elle induit dans la confiance concernant la capacité de la protection sociale à préserver son équilibre financier (I), il est nécessaire de rappeler combien la confiance et le consentement sont nécessaires à la pérennité et à la soutenabilité du système (II). Le choc actuel conduit à rappeler la nécessité de la protection sociale (III) donc à définir les conditions d’une confiance renouvelée (IV).
I – Quelle est cette crise et dans quel contexte se déploie-t-elle ? La rupture de confiance est-elle incontournable et durable ?
10En France, depuis les années 1980, les débats sur la protection sociale ont trop souvent conduit à considérer que celle-ci est en crise : elle s’éloignerait des idéaux (types ?) initiaux souhaités avant et après 1945 [11] ; le nouveau contexte économique et la mondialisation nécessiteraient de revoir intégralement le modèle de protection sociale et de l’adapter [12]. La crise de la protection sociale se résumerait en une approche simple : elle serait confrontée à une impasse financière ; à l’âge initial de la protection aurait succédé l’ère des déficits constants ; même dévoreuse de prélèvements obligatoires préjudiciables à l’emploi, elle ne serait synonyme que de dette accumulée et les excédents des premiers exercices ne constitueraient qu’un lointain souvenir mythique.
11La protection sociale n’est pas, loin s’en faut, le seul terrain d’élection de ce paradigme de la crise ; paradigme qui s’applique à des pans entiers et variés de la vie sociale et pourrait constituer une dimension essentielle et évidente de nos sociétés (post)modernes [13]. Pour autant, toute situation de crise profonde conduit à une perte de sens [14], à une remise en question, à une période d’accélération tant des réflexions que des décisions publiques et au souhait d’un renouvellement ou d’un nouveau départ [15] : plus souvent une renaissance ou une refondation et pas toujours une simple résilience – terme très en vogue mais dont on peine souvent à comprendre la portée (terme compris ici comme la « capacité psychologique à surmonter les chocs traumatiques » ou la « résistance au choc d’un métal »).
12La crise de la Covid-19 est sanitaire, sociale et économique : ses impacts financiers sont puissants. Ainsi, les besoins de financement auxquels sont confrontées les administrations publiques et la violence du retournement économique apparaissent inédits dans l’histoire de la statistique publique [16]. Pour autant, ce caractère inédit doit être également tempéré en ce que des crises passées [17] ont été notablement plus profondes : elles pourraient augurer de crises plus vastes susceptibles d’affecter nos sociétés dans les années et décennies à venir.
13Au-delà, si l’idée de « crise (financière) permanente » du système français de protection sociale s’est imposée dans le débat et dans certains esprits, la crise de la Covid-19 conduit logiquement à remettre en cause cette approche erronée de la période récente. Loin d’être condamné à la dette, le secteur de la protection sociale ne contribue qu’à une très faible part de la dette publique : ainsi, au troisième trimestre de l’année 2020, les administrations de sécurité sociale ne représentaient que 8 % de la dette publique nette, derrière les administrations publiques locales (9 %) et très loin derrière l’État (81 %) [18]. Il est totalement erroné de considérer que les finances publiques de la France sont avant tout obérées par la protection sociale : alors que celle-ci porte la masse la plus importante de dépenses, elle ne représente qu’une part très faible des déficits et de la dette [19].
14Loin de constituer un boulet économique et un poids grevant nos finances publiques, la protection sociale a permis l’amélioration des comptes publics : après des dérapages de plus en plus limités – et sans commune mesure avec ceux de l’État –, depuis 2017, elle a constamment été en excédent [20]. Ce rétablissement est lié, au premier chef, au redressement des comptes de la sécurité sociale : à titre d’exemple, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) voté en loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) a continuellement été respecté depuis 2010 [21]. Certes, la France est un des pays développés qui consacre le plus aux dépenses de protection sociale. Mais, outre que les effets du système sont indéniables en termes de bien-être et de qualité de vie, rien ne serait plus faux que de considérer que la protection sociale publique ne se limite qu’à des « charges » qu’un pays en déclin ne pourrait plus assumer [22]. Au demeurant, seule la dette sociale présentait, avant la crise de la Covid-19, la perspective d’une résorption totale. La fin de la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) était envisagée à l’horizon 2024.
15La crise de la Covid-19 va profondément remettre en cause cette trajectoire de rétablissement des comptes que seule la protection sociale a connu, dans cette ampleur, au cours des dernières années. Il est cependant nécessaire de s’interroger : avant la crise de la Covid-19, pouvait-on avoir confiance dans le financement de la sphère sociale ? Le système de financement conciliait-il consentement du redevable – bénéficiaire et soutenabilité de nos solidarités collectives ?
16Si l’on se base uniquement sur les perceptions des Français, notamment celles des plus jeunes, force est de constater que le paradigme de la crise a gagné les esprits : on peine à identifier une majorité de personnes ayant confiance dans la pérennité financière de la protection sociale dans toutes ses dimensions [23]. En 2019, plus d’un Français sur deux considère que la sécurité sociale représente un coût excessif pour la société française.
17Pour autant, depuis les années 1990, les réformes – en particulier des retraites et de l’assurance maladie – se sont succédé. Le système de protection sociale a profondément évolué : les protections se sont universalisées pour partie, comme le financement [24] ; les couvertures socio professionnelles qui demeurent ont progressivement convergé [25]. La gouvernance financière de la sphère sociale a été profondément renforcée : du fait de la montée en puissance des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), introduites en 1996 et profondément remaniées en 2005 [26] ; du fait de la prise en compte de la sphère sociale dans le cadre du pilotage global des finances publiques tant au niveau européen que national (lois de programmation des finances publiques depuis 2009).
18Cette préoccupation constante d’ajuster et de réévaluer les politiques sociales et leur financement a eu des effets puissants : elle devrait être à elle seule un gage de confiance ; cependant ces réformes ne se sont pas faites sans susciter hostilités et oppositions. En effet, les évolutions récentes du système de protection sociale et de son financement ont souvent donné lieu à des mouvements sociaux très forts : la réforme de la protection sociale peut souvent faire consensus contre elle et susciter un front du refus ou du rejet, symbole de la défiance de tout ou partie de la population. Ainsi, les réformes successives des retraites ont donné lieu à des manifestations très importantes, le dernier projet suscitant des mobilisations fortes avant la crise de la Covid-19. Le mouvement des « gilets jaunes » initié à la fin 2018 repose notamment sur une contestation des prélèvements obligatoires et, au premier chef, de la hausse envisagée de la contribution sociale généralisée sur les revenus de remplacement, réforme qui sera en partie remise en cause du fait de ces mobilisations. Tant la réforme des régimes sociaux – toujours justifiée par des considérations financières, d’adéquation aux besoins, d’efficacité et de soutenabilité – que le niveau des prélèvements obligatoires retiennent l’attention. En France, ils sont sources régulières de crispations très fortes.
19Là encore, l’analyse conduit à constater un paradoxe entre amélioration de la situation financière et confiance incertaine. La situation des finances sociales avant la Covid-19 s’est significativement améliorée. Ce redressement était sans précédent et sans équivalent, par rapport aux autres secteurs financiers publics (État, collectivités territoriales et autres organismes divers). Loin de constituer un boulet, les finances sociales devenaient une chance pour nos équilibres publics. Pour autant, les réformes menées ont aussi installé l’idée d’un déclin inexorable et d’un modèle social en question et potentiellement insoutenable. Ainsi, depuis 2009, la part des Français considérant que notre pays consacre une part excessive de sa richesse au financement de la protection sociale est passé de 12 à 22 %. Selon l’année considérée, plus d’un Français ou près de deux Français sur dix manifestent leur défiance à l’égard du système de protection sociale. Cette défiance doit d’autant plus retenir l’attention que les Français sont globalement plus optimistes pour eux-mêmes (55 %) que pour leurs enfants ou les générations futures (34 %) [27]. La confiance dans le système n’est donc pas unanime et la soutenabilité du système n’est pas avérée.
II – Confiance et adhésion dans le système de financement sont des conditions de possibilité et de pérennité de la protection sociale
20La mise en place des démocraties libérales modernes et l’affirmation du rôle du Parlement sont directement liées au respect des principes de consentement à l’impôt et à la dépense publique et de juste répartition des « charges » entre les citoyens-redevables. Dès la fin du XVIIIème siècle, la France a veillé à l’affirmation de ces principes qui sont tant des garanties juridiques que des valeurs démocratiques. Ainsi, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, énonce – dans son article 13 – que « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d›administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » et – dans son article 14 – que « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l›emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
21La spécificité de gestion de la protection sociale n’a pas conduit à lui appliquer les mêmes principes financiers que l’État : contrairement aux lois de finances, les LFSS n’autorisent ni la perception des recettes ni ne limitent les montants de dépenses. Elles ne constituent qu’un outil de pilotage pluriannuel et des lois permettant de formaliser des prévisions et des objectifs arrêtés par le Parlement et engageant la responsabilité politique de l’exécutif. Cette normativité incertaine ne les a pas empêchées de jouer un rôle majeur dans le pilotage financier de la sphère sociale : elles ont permis de concilier les interventions du Parlement et des partenaires sociaux, de procéder au redressement des comptes sociaux et d’instaurer enfin un débat – annuel et nécessaire, de grande ampleur – sur la protection sociale et son financement. Si ce débat n’est à ce stade limité qu’à la seule Sécurité sociale, force est de constater que l’apport des LFSS est indéniable, ce qui justifierait leur extension à de nouveaux champs : les LFSS devraient devenir des lois de financement de la protection sociale étendues à l’ensemble des régimes obligatoires de protection sociale (assurance chômage et retraites complémentaires [28] voire complémentaires santé obligatoires) mais aussi aux champs des politiques de solidarité portées tant par l’État que par les collectivités territoriales [29].
22La protection sociale a pour objet de protéger contre des risques sociaux, dans une approche de mutualisation solidaire : ce projet ne peut exister que dans la durée ; il nécessite donc adhésion au système et confiance dans son avenir. La question de la soutenabilité financière est un élément essentiel. Tant pour les citoyens, bien sûr, que pour les investisseurs qui sont amenés à financer les emprunts de la sphère sociale et, enfin, pour les élites politiques et administratives. Si l’adhésion et la confiance des citoyens peuvent donner lieu à des analyses contrastées (voir supra), tel n’est pas le cas des investisseurs : les conditions financières offertes à la sphère sociale en France sont des plus avantageuses et parmi les meilleures proposées aux acteurs publics. Tous comme les autres acteurs, la sphère sociale a ainsi bénéficié, ces dernières années, et bénéficie encore, de conditions d’emprunt particulièrement avantageuses. Sur un autre plan, le contraste est frappant entre cette confiance des investisseurs privés et les analyses couramment avancées par les élites politiques et administratives. Pour ces dernières, la générosité et l’ampleur du système de protection sociale sont régulièrement mis en avant, que ce soit pour justifier sa réforme voire sa réduction, ou encore pour prôner un status quo, alors même que le propre de la protection sociale est de s’adapter aux contextes nouveaux et aux besoins sociaux. Si l’on analyse les programmes de stabilité de la France transmis aux autorités européennes par les majorités successives au cours des dernières décennies, un constat s’impose : au plan financier, la sphère sociale est présentée comme devant constamment se réformer et étant condamnée à produire des efforts du fait de son poids important, d’une part, par rapport aux systèmes de protection constatés ailleurs en Europe et, d’autre part, au sein de finances publiques françaises considérées comme révélant une intervention publique trop prononcée et dépourvue de toute marges de manœuvre.
23Le risque de la période suivant la crise de la Covid-19 est donc évident : la remise en cause de la protection sociale, du fait d’une impasse financière réelle ou supposée, organisée ou imposée. Si le retour du « trou de la sécu » est une certitude, du fait des déséquilibres conjoncturels liés à la crise sanitaire, sociale et économique, deux questions doivent impérieusement être abordées : le déficit sera-t-il encouragé au risque de l’instrumentaliser pour mener des réformes considérées comme incontournables… ou bien les finances sociales seront-elles préservées, compte tenu de leur importance pour la cohésion sociale ? Se souviendra-t-on que les finances sociales étaient revenues à l’équilibre puis excédentaires, ou bien ne mettra-t-on en avant que les déficits enregistrés au cours des années 1990 et 2000 ? Au-delà, alors même que le fonctionnement des institutions démocratiques a été interrogé et aménagé en temps de crise [30], reviendra-t-on à un cadre normal de débat et de délibération ?
24Poser ces questions revient à mettre en avant un risque évident, celui de la confiscation de débats financiers considérés comme ne relevant que d’approches techniques et de la compétence des seuls experts. Ce risque existe pour toutes les finances publiques, mais il est particulier pour les interventions de la sphère sociale : elles sont le premier facteur de lutte contre les inégalités, en France comme dans les autres pays développés. Il ne peut être question d’organiser la défiance. Il est indispensable de créer les conditions d’une confiance renouvelée. D’autant plus que les années à venir ne paraissent plus comme des années d’abondance, facilitées par un modèle productiviste dont on perçoit – chaque jour un peu plus – les limites [31].
III – Prendre la mesure de la situation financière, rappeler la nécessité de la protection sociale
25Les déséquilibres financiers liés à la crise de la Covid-19 auront des effets prononcés : les travaux récents du HCFIPS soulignent que cette crise aura des impacts importants, sur plusieurs années [32]. Ainsi, si les simulations proposées doivent être prises avec recul, elles mettent en évidence trois dimensions incontournables : le retour à l’équilibre et l’amortissement de la dette exigent des efforts sur plusieurs années ; ils nécessitent logiquement que les recettes excèdent durablement les dépenses ; partant, les ajustements en recettes comme en dépenses doivent être profonds et prolongés.
26Les impacts majeurs de la crise ne font rappeler qu’une évidence, que la doctrine actuelle – globale et tous secteurs de finances publiques confondus – du « quoi qu’il en coûte » ne permet pas directement de mettre en valeur : en période de retournement conjoncturel, la vocation première de la sphère sociale est d’être en situation de déséquilibre. Les recettes sociales demeurent très largement assises sur les revenus d’activité : en cas de retournement de l’activité, les revenus d’activité sont les premiers à croître de manière moins importante voire, dans des situations exceptionnelles, à diminuer ; les finances sociales sont, de ce fait, totalement déstabilisées en recettes. Par ailleurs, côté dépenses, elles sont amenées à conserver leur dynamique voire, pour nombre d’entre elles, à accroître de manière significative (cas des dépenses de santé actuellement ou des dépenses d’assurance chômage ou de minima sociaux). La sphère sociale est ainsi affectée, dans des proportions qu’elle seule connaît en France, par l’effet de ciseau : des recettes qui s’effondrent et des dépenses qui augmentent très fortement. Les finances sociales ne peuvent donc être traitées de la même manière que les autres secteurs financiers publics.
27Toute crise, mais encore plus une crise multidimensionnelle comme celle de la Covid-19, ne fait que rappeler le besoin de protections et de sécurité sociales. Dès le début de la crise, la sphère sociale a été fortement mobilisée pour « quoi qu’il en coûte » apporter les soutiens nécessaires : en recettes, en accordant aux entreprises et aux travailleurs indépendants des exonérations ou des délais de paiement nombreux ; en dépenses, en couvrant des besoins de prestations en nature (soins et prise en charge à l’hôpital par exemple) et en soutenant les revenus par des prestations en espèces (indemnités journalières, minima sociaux).
28Aussi la crise a-t-elle changé intégralement le contexte politique et la perception des politiques sociales. L’on peut raisonnablement s’interroger sur les effets durables qu’aura ce changement sur les approches, convictions et souhaits des Français. Jugeons-en plutôt. Avant la crise, certains (sinon tous les) secteurs de dépenses sociales devaient impérativement être réexaminés. Les indemnités journalières maladie paraissaient trop généreuses et susceptibles d’encourager les arrêts de travail. Les allocations au titre du chômage présentaient des montants trop importants et une durée d’indemnisation perfectible : le système pouvait mieux couvrir les besoins tout en encourageant les chômeurs à retrouver un emploi le plus rapidement possible. De même, les minima sociaux devaient être revus et fondus dans un revenu universel d’activité permettant notamment de soutenir la reprise d’activité professionnelle… Toutes ces approches ont été mises de côté, du fait de la crise, mettant en valeur leur caractère schématique et inadapté. Certaines réformes ont été purement et simplement ajournées, à l’instar de celle des retraites. Enfin, le système de santé, et au premier chef l’hôpital, qui avaient donné lieu à des approches renforcées de régulation et d’encadrement financiers, se sont vu reconnaître des moyens renouvelés dans le cadre du Ségur de la santé de 2020, aux résultats à la fois salués en ce qu’ils constituaient un changement très fort de doctrine mais contestés en ce qu’ils demeureraient en deçà des besoins – réels ou supposés.
29La doctrine du « quoi qu’il en coûte » pourrait marquer une rupture encore plus profonde. Les dépenses qui étaient insoutenables hier sont devenues essentielles, aujourd’hui et demain. Les marges de manœuvre financières et budgétaires étaient réputées inexistantes, du fait de l’importance des interventions publiques en France et de nos engagements européens. La crise a levé toutes ces préventions. Hier, la politique économique revendiquée par les pouvoirs publics – majorité après majorité – consistait à prêter une attention très forte à l’offre et aux attentes des employeurs, cette stratégie apparaissant la seule à même de permettre la création d’emplois et le retour d’une croissance soutenue. Aujourd’hui, les actions de soutien de la demande apparaissent au moins aussi nécessaires : alors que de nombreux ménages vont tomber dans la précarité et que beaucoup d’actifs sont sans emploi ou susceptibles de le perdre, le soutien à la consommation par des revenus de remplacement est un levier essentiel d’intervention. Parce que tout a changé, il est légitime de s’interroger sur la capacité qui existera concrètement, de revenir à une plus grande rigueur et orthodoxie budgétaires et de privilégier une économie de l’offre et non de la demande. Le nouveau président des États-Unis d’Amérique ne s’y trompe pas : il met en avant systématiquement les soutiens apportés aux ménages les plus modestes et son attachement à soutenir la consommation et la demande.
30Revenir à l’orthodoxie financière et budgétaire dans une approche aussi exigeante que celle pratiquée avant la crise semble donc incertain. Ce retour pourrait assurément être souhaité par les avocats de l’orthodoxie. Mais il pourrait ne refléter qu’un phénomène de « sentier de dépendance » ou « path dependence » de tout ou partie des élites politiques et administratives françaises ou européennes [33]. Comme le souligne Paul Pierson « une fois établis, les modèles de mobilisation politique, les règles du jeu institutionnel et même les façons de voir le monde politique vont souvent auto-générer des dynamiques auto-renforçantes. ». La sortie de crise posera directement une question démocratique majeure : la crise existait-elle avant ou est-elle intervenue du fait de la Covid-19 ? La justification de la réforme par la seule invocation de la crise demeurera-t-elle recevable ou sera-t-elle perçue comme un argument éculé et ayant déjà trop servi par le passé ? Tant en ce qui concerne la sphère sociale que s’agissant de l’ensemble de la sphère publique, ce débat revêtira une importance première. Il ne peut en aucun cas être technique : il doit être politique et servi par des analyses qui connaissent une actualité nouvelle, tout particulièrement dans le champ des politiques sociales [34]. Au final, la conception même de l’obligation, notamment en matière de finances publiques, revêt un caractère conventionnel. Elle est un objet politique, social et culturel [35]. Par exemple, des approches hier minoritaires ou peu considérées en ce qui concerne le recours nécessaire à la dette publique et à des interventions publiques renforcées sont désormais réexaminées [36].
31La crise et ses suites, loin de justifier une remise en cause des interventions sociales, sont susceptibles de permettre de souligner à nouveau les apports de nos sécurités collectives. Loin de constituer un fardeau ou des charges, les dépenses et recettes sociales servent un objectif : celui de protéger chacun contre les risques de l’existence. Cette évidence a été rappelée avec force par la crise de la Covid-19. Les fragilités rencontrées pendant la crise et suite à celle-ci, du fait de la précarité forte de certains ménages, vont conduire à un débat incontournable, celui du niveau d’(in)égalité souhaité au sein de nos sociétés, du degré de solidarité et de la stratégie économique gagnante. À cet égard, ce qui constituait l’orthodoxie hier n’est plus nécessairement celle d’aujourd’hui : les institutions internationales s’accordent désormais à reconnaître qu’une croissance économique doit être soutenable donc inclusive ou ne générant pas un niveau trop important d’inégalités. Pour redistribuer les richesses de manière adaptée et garantir la santé des actifs et le bien-être de la population, un système de protection sociale constitue un atout nécessaire voire incontournable [37].
32Loin de constituer une charge, un système de protection sociale est donc avant tout un atout. Cette approche constituait une évidence il y a de cela plusieurs décennies. Elle a été progressivement oubliée ou mise de côté, du fait de la montée en puissance des interventions sociales et du retour de la – vieille – critique de l’assistance [38] et des appels constants à la responsabilité – trop souvent individuelle avant d’être collective, relevant des choix personnels et non des obligations communes. Au final, la dépense sociale constitue de manière évidente un investissement en capital humain. Certes, le retour sur investissement est délicat à évaluer directement : cela distingue logiquement la dépense sociale d’autres dépenses d’investissement public plus classiques (infrastructures par exemple) dont le bien-fondé peut être démontré du fait du surcroît direct de croissance économique qu’elles engendrent. L’approche doit ici nécessairement être adaptée : la nature de la dépense sociale souligne que le bien fondé d’un investissement n’est pas que fonction de son rapport économique ou de sa rentabilité chiffrée et objectivée. À cet égard, les débats récents sur la notion d’« investissement social » visant alternativement à souligner la nécessité de nouvelles actions (gardes d’enfants par exemple) ou à encourager des acteurs privés à mener des initiatives susceptibles d’être couvertes par des fonds publics à terme (bons à impact social ou social impact bonds) ou encore à mobiliser des dépenses courantes par effet de levier supposé vertueux (territoire zéro chômeur) n’ont pas forcément contribué à une approche, globale, de la nécessité de l’ensemble des dépenses sociales [39].
33Continuer à investir dans notre système de protection sociale est nécessaire pour libérer du risque, pour éviter des coûts et des charges induites, pour prévenir des dommages importants. Si le pilotage de l’équilibre financier est une nécessité, une approche purement budgétaire visant à faire correspondre les dépenses aux recettes chaque année n’a pas de sens, voire comme le souligne les limites actuelles de l’Ondam [40], être potentiellement contreproductives. En tout état de cause, l’attention portée aux dimensions financières ne doit pas conduire à faire preuve de raisonnements de court terme, par exemple en encadrant voire en rabotant des dépenses nécessaires à moyen et long termes telles que les dépenses de prévention : imagine-t-on demain ne pas rembourser des vaccins nous prémunissant de virus respiratoires ? Ne doit-on pas s’assurer que les équipements de protection disponibles correspondent aux besoins en cas de crise majeure ? La crise de la Covid-19 est riche d’enseignements, non seulement sur ces points particuliers mais aussi – plus généralement – sur une approche par trop réparatrice et pas assez préventive des interventions sociales. Le raisonnement vaut naturellement pour les dépenses de santé, pour la prise en charge anticipée des personnes âgées en perte d’autonomie à la fois pour leur apporter bien être mais aussi afin d’éviter de trop solliciter les aidants ; pour prévenir l’exclusion des enfants des ménages modestes ou des jeunes décrocheurs… Ces nouveaux besoins doivent être satisfaits et ils sont croissants. Ils sont légitimes. Ils sont nécessaires et justifiés, même dans une approche utilitariste ou économique en ce qu’ils permettent d’éviter des dépenses ou des charges excessives. Le cadre démocratique rénové doit donc permettre de financer ces besoins et de les prioriser, de garantir le financement de ces approches préventives nouvelles.
IV – Créer les conditions d’une confiance renouvelée : vers un nouveau débat citoyen ?
34La question de l’arbitrage entre amortissement de la dette, financement des dépenses prioritaires et rapidité du retour à l’équilibre des comptes sociaux doit nécessairement être tranchée. La note récente du HCFIPS [41] souligne que les déficits sociaux seraient potentiellement durables. Cette situation durablement dégradée conduirait à générer une dette nouvelle au cours des prochaines années. Or, en ce qui concerne la sécurité sociale, de premiers choix ont été effectués : il a été décidé de procéder à de nouveaux transferts à la Cades et d’amortir rapidement la dette de la sécurité sociale au titre de la crise de la Covid-19 [42]. Ce choix doit logiquement être interrogé : l’approche retenue ne permet pas de couvrir l’ensemble de la dette – actuelle et future – liée à la crise actuelle ; elle ne permet pas de régler la question d’une partie substantielle de la dette sociale – celle de l’assurance chômage qui ne relève pas de la sphère sécurité sociale ; elle consiste à faire peser sur les régimes sociaux un double objectif peu atteignable – amortir la dette dans des délais resserrés et en même temps revenir rapidement à l’équilibre.
35Cet arbitrage ne peut être rendu pour la seule sphère sociale mais doit concerner l’ensemble des secteurs d’intervention publique. Le débat actuel consiste à apprécier les situations, secteur par secteur, sans privilégier une vision d’ensemble. Ainsi, les annonces gouvernementales récentes conduiraient à envisager de cantonner la dette de l’État liée à la crise et de la « faire rouler » pour ne pas peser sur la reprise économique. De même, l’idée de prélèvements supplémentaires serait à ce stade écartée, là encore pour favoriser la reprise. Le décalage entre cette stratégie et l’approche retenue il y a quelques mois en matière de finances sociales est frappant : la nature et le rythme des ajustements diffèrent largement. Les contraintes liées à la crise ont pu empêcher d’appréhender les problématiques dans toutes leurs dimensions. La différence de traitement entre l’État et la sphère sociale paraît manifeste : elle devrait être réexaminée ou, a minima, expliquée et justifiée, en ce qu’on peine à en comprendre la logique, sauf à imaginer que les ajustements rapides des finances publiques ne devraient être supportés que par la sphère sociale. Quelle que soit l’option retenue, elle devrait être présentée et débattue.
36La dette publique – tous secteurs confondus – liée à la Covid-19 revêt assurément un caractère très particulier, de par son ampleur, sa nature, ses déterminants et du fait qu’elle a conduit à écarter l’application des engagements européens et à encourager des interventions nouvelles de la banque centrale européenne. Cette dette est donc exceptionnelle. Elle donne d’ores et déjà lieu à un traitement inédit. Une approche pourrait consister à identifier, pour chaque secteur des finances publiques, les impacts, en recettes et en dépenses, immédiats et différés, de cette crise. La dette de chaque secteur serait strictement identifiée et transférée à une structure ad hoc qui en assurerait la gestion globale et le financement, selon les arbitrages politiques rendus par ailleurs (rythme de remboursement, annulation ou maintien, faire « rouler » la dette sur une période plus ou moins longue…).
37Si la gestion de la dette doit être particulière, le débat sur les finances publiques ne peut conduire à affirmer l’existence d’« argent magique » au regard du niveau des prélèvements obligatoires en France et de la faiblesse des marges de manœuvre en ces matières. L’usage même de ces marges de manœuvre (redéploiement de la fiscalité pour mieux répartir les charges contributives, mobilisation de nouvelles assiettes, fiscalité environnementale…) peut apparaître nécessaire mais ne pourrait constituer une solution miracle permettant d’équilibrer les comptes publics. À cet égard, l’analyse technique doit permettre d’éclairer l’horizon qui s’offre en termes de choix politiques, à cadre institutionnel inchangé et en demeurant au sein de la zone euro.
38De plus, la préservation d’une sphère sociale autonome justifie de réaffirmer le principe d’affectation de recettes dédiées à des dépenses identifiées. Ce principe est la condition sine qua non de l’autonomie nécessaire des finances sociales et de la responsabilisation financière de ses acteurs. Il ne peut exister pour et par lui-même. Comme le souligne régulièrement le HCFIPS, un travail constant doit être assuré en matière de clarté et de lisibilité du système de prélèvement : il faut chercher à ce que la nature du prélèvement corresponde à la finalité du risque dont il assure le financement ; au-delà, le système doit être lisible pour les cotisants-redevables, l’enjeu de confiance est ici maximum car l’intelligibilité du système et son caractère juste et équitable entre les catégories sont indispensables pour assurer le consentement au prélèvement. Au regard de la complexité actuelle du système de prélèvements et de la diversité des situations des redevables, des efforts réguliers doivent être menés pour garantir une structure de financement répartissant les contributions selon les facultés contributives de chacun et garantissant que chaque citoyen mesure l’effort qui lui est demandé et la destination des fonds recouvrés. Un système clair et juste, combiné à une pédagogie du financement, sont nécessaires pour recueillir la confiance des citoyens, leur adhésion et leur consentement.
39Sur un autre plan, les règles et normes édictées au niveau européen devraient évoluer, la spécificité des interventions sociales doit être mieux reconnue tout comme la pertinence de certains investissements. La France a, au cours des dernières années, plaidé à plusieurs reprises, pour une évolution des critères applicables au sein de la zone euro. Elle s’est heurtée à des refus jusqu’ici. La crise actuelle et la perspective de sortie de crise doivent contribuer à créer un nouveau cadre européen. À ce titre, les limites des comparaisons actuelles des dépenses et recettes sociales entre les État membres devraient être reconsidérées [43]. De même, comme on l’a indiqué précédemment, la prise en compte de certaines dépenses sociales comme des investissements – productifs ou non – devrait être défendue au même titre que la volonté de neutraliser certaines dépenses (militaires par exemple) ou le souhait de voir traiter différemment certains investissements à caractère productif.
40Il apparaît hautement souhaitable de rompre avec certains « sentiers de dépendance » qui correspondent à autant de biais cognitifs. Au bénéfice de la crise actuelle, des enseignements devraient être tirés s’agissant des effets du pilotage limitatif et budgétaire potentiellement aveugle de certaines dépenses : l’approche doit être profondément renouvelée pour identifier les dépenses nécessaires et devant être protégées et priorisées (pour les dépenses de santé, certaines dépenses hospitalières par exemple) tout comme mesurer les secteurs soumis à une moindre régulation (médecine de ville en particulier ici). Les débats parlementaires ne devraient plus se limiter à une approche budgétaire mais être mieux documentés : les effets de la régulation ou de la non régulation pourraient être mieux appréciés. Le raisonnement ici vaut logiquement pour les dépenses de santé mais aussi pour l’ensemble des dépenses sociales. Sur un autre plan, dans la continuité de propositions récentes, une erreur consisterait à penser que la centralisation du pilotage – par exemple en supprimant les LFSS et les finances locales et en intégrant l’ensemble dans des lois de finances rénovées – constituerait le deus ex machina du pilotage budgétaire. Or, la supériorité de ce scénario centralisateur – qui peut avoir les faveurs de certaines administrations – n’a jamais été démontrée tant par les expériences d’autres pays qu’au niveau de la France. Bien au contraire, en France, la reconnaissance de la singularité des finances sociales a été la condition sine qua non d’une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux, donc des comptes publics. Pour autant, il semblerait nécessaire d’articuler les modes de pilotage interne et les engagements souscrits au niveau européen. Dans cette optique, regrouper – au sein de lois de financement de la protection sociale – l’ensemble des dépenses sociales en leur affectant des recettes dédiées et correspondant au dynamisme des dépenses constituerait un apport précieux : cette action ne remettrait pas en cause l’autonomie des acteurs (État, collectivités locales et régimes sociaux) mais permettrait de donner à voir l’ensemble des efforts consentis en France au titre des assurances sociales, de l’assistance ou des interventions minimales et de certaines actions complémentaires. La loi de financement de la protection sociale (LFPS) correspondrait ainsi aux soldes votés en loi de programmation des finances publiques et aux éléments transmis aux autorités européennes : cette approche pro forma serait logique, cohérente et créerait de la visibilité.
41Au terme de ces réflexions, rechercher la confiance dans le financement – donc dans le système de protection sociale français – à l’issue de la crise de la Covid-19 justifierait de s’écarter à tout prix du principe affirmé par Tancredi Falconieri, « Il faut que tout change pour que rien ne change » [44].
42Il est sans nul doute nécessaire, face à cette crise inédite, de faire preuve de créativité et d’inventivité, voire de disruption : la seule incantation à la résilience, dont on peine à mesurer la nature, ne suffira pas. Pour autant, une révolution ou un grand soir ne sont pas les options, sinon les plus souhaitables, les plus probables.
43Reste que des choix structurants sont à effectuer. Alors que le risque de confiscation technique est immanent à tout débat sur les finances publiques, un risque de même nature consisterait à chercher à « gouverner à l’abri des regards » [45] sans que les choix soient assurés par les citoyens et dans un cadre démocratique.
44Alors que les Français présentent, parmi les pays développés, un des niveaux les plus bas de confiance en l’avenir et dans leurs institutions politiques, rien ne serait pire que de conforter l’idée de décisions arbitraires de l’Europe ou d’autres organes ou corps décisionnaires, subies par les citoyens et prises en leur nom. Débattre de manière ouverte des questions financières n’est pas chose aisée. Relever ce défi citoyen est essentiel. Compte tenu de l’attachement des Français à leur système de protection sociale, il est incontournable en matière de finances sociales. Telle est la première – et peut être la seule – condition de la confiance dans le système de financement de la sphère sociale : parvenir à mener un débat citoyen et éclairé sur un domaine certes technique mais éminemment politique. Ce débat est nécessaire.
45Déterminer ce que nous attendons de notre système de couvertures sociales, sa soutenabilité, son financement revient à définir une idée simple mais essentielle pour faire société : la notion partagée, en France et en Europe, de la justice, de la solidarité et de la redistribution [46]. Pour assurer ce débat, nous pouvons formuler un vœu, celui que représentants de la démocratie politique et de la démocratie sociale, aidés par les experts et administrations compétents, puissent créer les conditions pour que les prochaines échéances électorales et citoyennes permettent ce débat nécessaire sur les finances sociales. La crise de la Covid-19 le rend plus nécessaire que jamais : elle a rappelé certaines fragilités sociales et en a révélé de nouvelles [47]. Quel que soit le financement retenu, ces besoins sociaux devront nécessairement trouver une réponse.
Notes
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[1]
Cet article n’engage que son auteur et en aucun cas les institutions qu’il sert ou qu’il a servies.
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[2]
Voir sur ces questions, outre les contributions proposées dans cette revue, les résultats du baromètre de la confiance politique, piloté notamment par le Cevipof (notamment la vague conduite début 2021 en France et dans plusieurs pays développés) ou Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, La Fabrique de la défiance… et comment s’en sortir, Albin Michel, 2012 ou Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen et Martial Foucault, Les Origines du populisme – Enquête sur un schisme politique et social, Seuil, 2019.
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[3]
Voir sur toutes les données proposées ci-après, sauf mention contraire : Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS), Rapport sur l’état des lieux du financement de la protection sociale, février 2021. Les prévisions proposées sont celles figurant dans les lois financières de la fin de l’année 2020. Voir également HCFIPS, Note d’étape sur les finances sociales après la crise, mars 2021.
-
[4]
Ce besoin de financement était de 7,2 % en 2009 et de 6,4 % en 1993 voir HCFIPS, Rapport sur l’état des lieux… op. cit.
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[5]
Ce déficit n’avait été que de 1 % du PIB en 1993 et de 1,4 % en 2010.
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[6]
Sur ces questions, voir notamment Philippe Bezes et Alexandre Siné (dir), Gouverner (par) les finances publiques, Presses de Sciences Po, 2011 ; Alexandre Siné, L’ordre budgétaire : l’économie politique des dépenses de l’État, Economica, 2006 ; Denis Saint Martin, Les gardiens discordants de la discipline budgétaire : les ministères des Finances et les conséquences politiques de l’autonomie bureaucratique in Patrick Hassenteufel et Sabine Sarugger (dir), Les politiques publiques dans la crise – 2008 et ses suites, Presses de Sciences Po, 2021.
-
[7]
Voir Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001 (traduction de Risikogesellschaft, 1ère édition, Suhrkamp Verlag, 1986).
-
[8]
Voir notamment Alain Desrosières, Prouver et gouverner : Une analyse politique des statistiques publiques, La Découverte, 2014 et Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015.
-
[9]
Voir par exemple Julien Duval, Le mythe du « trou de la sécu », Raisons d’agir, 2007 et 2020 (2ème édition mise à jour et complétée) ou Pierre Rosanvallon, La Crise de l’État-providence, Seuil, 1981.
-
[10]
Voir Pierre-Louis Bras, Notre système de soins sera-t-il mieux gouverné ? in Droit social, Dalloz, 2004 (n°11).
-
[11]
Voir notamment Colette Bec, La Sécurité sociale : une institution de la démocratie, Gallimard, 2014.
-
[12]
Voir sur ces questions les différentes propositions des organisations patronales et notamment le souhait de « refondation sociale » à la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille par exemple « Refondation sociale », Quelle alternative ? in Mouvements, La Découverte, 2001 (n°2) ou Denis Kessler, Il faut une nouvelle refondation sociale, La Tribune, 15 décembre 2012 ou encore, dans une approche plus globale, François Ewald, Histoire de l’État providence : les origines de la solidarité, Grasset, 1996.
-
[13]
Voir Paul Ricœur, La crise : un phénomène spécifiquement moderne ? in Politique, économie et société – écrits et conférences (tome 4), Seuil, 2019.
-
[14]
Voir notamment, Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castel, François Dedieu, Covid-19 : une crise organisationnelle, Presses de Sciences Po, 2020.
-
[15]
Voir par exemple, Michel Dobry, Sociologie des crises politiques : la dynamique des mobilisations multisectorielles, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1986.
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[16]
Outre le rapport du HCFIPS cité supra, voir Insee résultats, Comptes nationaux trimestriels au quatrième trimestre 2020, 26 février 2021.
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[17]
Voir Kyle Harper, Comment l’Empire romain s’est effondré – le climat, les maladies et la chute de Rome, La Découverte, 2019 ; Jared Diamond, Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, 2005.
-
[18]
Le solde de 2 % est porté par les organismes divers d’administration centrale, voir Insee résultats, Comptes nationaux trimestriels au quatrième trimestre 2020, 26 février 2021.
-
[19]
Sur ces sujets, voir Benjamin Ferras, Quelle rénovation du pilotage des finances sociales ? Reconnaître les spécificités, consolider les avancées in Revue française des finances publiques, LGDJ, mai 2018 (n°142) ; Benjamin Ferras, Actualité des finances sociales : les équilibres et conditions du pilotage financier posés par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 et la LFSS pour 2015 in Revue française des finances publiques, LGDJ, septembre 2015 (n°131).
-
[20]
Voir DREES, Compte provisoire de la protection sociale 2019 : un solde excédentaire pour la troisième année consécutive, Études et résultats, décembre 2020 (n°1174).
-
[21]
Pour une approche détaillée de la situation financière de la sécurité sociale, voir – chaque année – les rapports de juin et de septembre de la Commission des comptes de la sécurité sociale.
-
[22]
Voir DREES, La protection sociale en France et en Europe en 2018 – Résultats des comptes de la protection sociale – édition 2020, Panorama, juin 2020.
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[23]
Voir les opinions des plus jeunes notamment dans DREES, Baromètre d’opinion et en particulier Raphaël Lardeux et Claudine Pirus, Le pouvoir d’achat, la pauvreté et les inégalités de revenus préoccupent toujours aussi fortement les Français – Synthèse des résultats du Baromètre d’opinion de la DREES 2019, Les dossiers de la DREES, juillet 2020 (n°60).
-
[24]
Voir Mireille Elbaum, L’universalité dans les réformes de la protection sociale : un terme « à tout faire » qui nuit à la clarté des enjeux et des choix sociaux (2 parties) in Revue de droit sanitaire et social, Dalloz, 2020 (n°3 et 4).
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[25]
Voir Benjamin Ferras, Le financement de la Sécurité sociale et de la protection sociale : entre autonomie et indépendance, une gouvernance particulière, des innovations constantes, En3s, Regards 2017/2 (n°52) et Benjamin Ferras, Les évolutions du financement de la protection sociale française : réforme ou contre-réforme, évolution ou révolution ? in Revue de droit sanitaire et social, Dalloz, septembre-octobre 2019 (n°5).
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[26]
Voir Benjamin Ferras et Jean-Luc Matt, L’évolution de la sécurité sociale – la question du financement in Vie sociale, Erès, juin 2015 (n°10).
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[27]
Voir Raphaël Lardeux et Claudine Pirus, Le pouvoir d’achat, la pauvreté et les inégalités de revenus préoccupent toujours aussi fortement les Français – Synthèse des résultats du Baromètre d’opinion de la DREES 2019, Les dossiers de la DREES, juillet 2020 (n°60).
-
[28]
Le HCFIPS ne s’est prononcé que sur une extension concernant ces deux champs ; voir HCFIPS, Les lois de financement de la sécurité sociale – Bilan et perspectives, septembre 2019.
-
[29]
Sur une approche extensive des lois de financement, voir Benjamin Ferras, Quelle rénovation du pilotage des finances sociales ? Reconnaître les spécificités, consolider les avancées in Revue française des finances publiques, LGDJ, mai 2018 (n°142) et Benjamin Ferras, Le financement de la Sécurité sociale et de la protection sociale : entre autonomie et indépendance, une gouvernance particulière, des innovations constantes, En3s, Regards 2017/2 (n°52).
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[30]
Voir sur ce sujet pour une approche – très – critique – Barbara Stiegler, De la démocratie en pandémie : Santé, recherche, éducation, Gallimard, 2021.
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[31]
Voir notamment Pierre Charbonnier, Abondance et liberté – Une histoire environnementale des idées politiques, La découverte, 2020.
-
[32]
Voir HCFIPS, Note d’étape sur les finances sociales après la crise, mars 2021.
-
[33]
Sur la mobilisation en sciences sociales de ce concept, voir en particulier Paul Pierson, Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of Politics in American Political Science Review, June 2000 (vol. 94, n°2).
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[34]
Voir en particulier Pierre-Louis Bras, Comment le Covid transforme le débat sur les dépenses de santé, Notes, Terra nova, mars 2021.
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[35]
Voir David Graeber, Dette – 5000 ans d’histoire, Les Liens qui Libèrent, 2013.
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[36]
Voir Stephanie Kelton, Le mythe du déficit, Les Liens qui Libèrent, 2021 ou Les Économistes atterrés, La Dette publique – Précis d’économie citoyenne, Seuil, 2021.
-
[37]
Voir par exemple sur ce point les travaux de l’OCDE sur la croissance inclusive ou « inclusive growth », www.oecd.org.
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[38]
Sur ce point voir notamment Frédéric Viguier, La cause des pauvres en France, Presses de Sciences po, 2020.
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[39]
Voir Marine Boisson-Cohen, Cyprien Avenel, Sandrine Dauphin, Nicolas Duvoux, Christophe Fourel, Manon Jullien, Bruno Palier, L’investissement social : quelle stratégie pour la France ?, rapport, La documentation française, 2017.
-
[40]
Voir Pierre-Louis Bras, Comment le Covid transforme le débat sur les dépenses de santé, Notes, Terra nova, mars 2021.
-
[41]
Voir HCFIPS, Note d’étape sur les finances sociales après la crise, mars 2021.
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[42]
Voir loi organique n°2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie et loi n°2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.
-
[43]
Voir HCFIPS, Les périmètres des dépenses de protection sociale en comparaison internationale, 2017.
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[44]
Voir Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, 1958.
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[45]
Voir William Genieys, Gouverner à l’abri des regards – La réussite de l’Obamacare, Presses de Sciences po, 2020.
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[46]
Voir Michaël Walzer, Sphères de justice – une défense du pluralisme et de l’égalité, Seuil, 2013.
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[47]
Voir Anne Lambert et Joanie Coyouette-Remblière (dir), L’explosion des inégalités : classes, genre et générations face à la crise sanitaire, L’Aube, 2021.