Regards 2020/1 N° 57

Couverture de REGAR_057

Article de revue

La culture d’entreprise : boussole et système immunitaire, notamment en cas de crise

Pages 175 à 186

Notes

  • [1]
    Enquête Drees EHPA de 2011.
  • [2]
    Avis du 30 mars 2020 du Comité national consultatif d’Éthique en réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les Ehpad et les USLD.
  • [3]
    Étude publiée dans le supplément de la Revue de Gériatrie de juin 2008 et menée auprès de 111 personnes malades Alzheimer avant/après formations-actions soin Humanitude – Baisse de 83 % de leurs troubles du comportement.

1La crise sanitaire de la Covid-19 révèle les forces et faiblesses de notre système de santé au sens OMS du terme : état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.

2Ce système repose sur des politiques nationales et locales, des citoyens, des professionnels, des structures : les établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

3Ces derniers n’ont pas été la priorité sanitaire au début de la crise. Les ressources ont convergé vers l’hôpital alors que ces établissements et services prennent soin au quotidien de personnes cibles du coronavirus : personnes en situation de handicap, personnes âgées polypathologiques, fragilisées.

4Les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) ont tangué et ont été sous les feux des médias. Les premiers retours témoignent d’un degré de résistance plus affirmé quand la culture d’entreprise était solide.

I – Un « prendre soin » très complexe

5La crise sanitaire a mis en lumière la complexité du prendre soin en établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Si l’Institut national d’études démographiques (Ined) n’est pas si alarmiste sur le taux de mortalité dans ces structures, les Français ont perçu la fragilité des habitants et la nécessité d’un professionnalisme ajusté.

6Ces habitants d’Ehpad présentent près de huit pathologies en moyenne [1] et neuf sur dix souffrent d’affections neuropsychiatriques. Ces maladies provoquent des troubles plus ou moins sévères du comportement qui épuisent l’entourage, les proches aidants, comme les professionnels de la gérontologie. Ces troubles consistent en une très vive opposition, verbale (cris, insultes…) et/ou physique (coups, morsures, griffures…) aux soins quotidiens, ou à l’inverse une apathie qui empêche toute communication.

7Ces résidents, malades, agités, jugés « agressifs » sont en fait le plus souvent « défensifs ». Leurs facultés cognitives sont affaiblies. Ils ne parviennent plus à comprendre la situation de soin, à reconnaître le soignant, à supporter mentalement le soin pourtant proposé « pour leur bien ».

8Avec l’altération des facultés cognitives (facultés de compréhension, de réflexion, de reconnaissance des personnes, des lieux et des objets, etc.), des actes ou gestes réflexes naturels (la saisie “en pince”, par exemple, consistant à prendre la personne par le bras, en entourant son poignet de notre main), l’altération des actes ou gestes habituels (rester debout quand la personne est assise, donc la regarder “de haut”) et des actes ou gestes de soin classiques (une piqûre, une toilette intime, etc.), seront très souvent, faute d’être analysés et compris, ressentis comme des agressions par des personnes présentant ce type de pathologie.

9Ceci est d’autant plus marqué que ces personnes, comme quiconque souffrant de stress, de dépendance, de vulnérabilité, sont émotionnellement et relationnellement hypersensibles.

10Désemparés, démunis, les aidants comme les professionnels du prendre soin manquent de soutien, de repères, de réponses enseignées dès les formations initiales.

11De plus, au départ de la crise, les ESMS n’ont pas reçu de protections suffisantes, ni de tests pour ajuster leur prendre soin. Le réseau des labellisés Humanitude (des structures publiques, privées, associatives installées partout en France), a joué la solidarité. Les premiers concernés dans les clusters de l’Est de la France notamment ont alerté les autres régions. Ils ont échangé leurs systèmes D pour s’équiper, les ressources-clés des territoires, les plateformes d’appui et de soutien psychologique, coaching (relayés aussi sur Agevillagepro.com en accès libre pendant le confinement).

12Dans une lettre ouverte au ministre de la Santé Olivier Véran le 3 avril, la directrice d’un Ehpad labellisé témoigne :

13

« Après avoir pris connaissance du souhait d’Olivier Véran de demander aux Ehpad (établissements pour personnes âgées dépendantes) d’isoler les résidents dans leur chambre, je suis effrayée des conséquences que cela va avoir au moins dans un établissement comme le nôtre qui accueille une population très désorientée qui ne comprend pas et nous considère comme des geôliers. (…) Chez nous, les résidents sont atteints d’une pathologie démentielle sévère à 95 %. Comment ferons-nous pour faire maintenir ces personnes dans leur chambre ? Faut-il les attacher ? Les sédater ? Comment faire comprendre à une personne souffrant de troubles sévères qu’il ne faut pas bouger ? »

14Ces professionnels de terrain partagent la volonté nationale de protéger les habitants comme les salariés de ces établissements. Ils savent qu’il s’agit d’éviter la contamination de chaque partie prenante et notamment des plus fragiles, d’éviter les formes graves de Covid-19 pour limiter l’engorgement des services hospitaliers et permettre à la population d’être soignée en cas de problème médical grave.

15Après avoir interpellé le Conseil national consultatif d’éthique (CCNE), ces professionnels ont salué son avis du 30 mars [2] qui souligne qu’il faut vivre en Ehpad, en unités pour personnes en situation de handicaps lourds, pour comprendre que cette demande d’isolement individuel est mission impossible pour les habitants avec troubles du comportement.

16Un stress aigu chez ces personnes âgées, fragilisées, est source de syndrome confusionnel qui peut entrainer la mort si la cause n’est pas prise en compte rapidement.

17Ce syndrome confusionnel provoque souvent de l’hyperactivité et les confiner dans leur logement, dans leur chambre, être obligé de leur apporter une contention physique ou chimique ne fait qu’aggraver leur état confusionnel, jusqu’au syndrome de glissement, jusqu’au décès.

II – Conflits de valeurs

18Impossible de strictement confiner ces habitants au risque qu’ils développent davantage de comportements pathologiques d’agitation. Leurs pathologies les empêchent de comprendre la situation au risque de situations aggravantes comme des refus de manger, de boire…

19Faut-il alors les sédater, les attacher ?

20Face à ces conflits de valeurs, ces structures se sont appuyées sur le professionnalisme expert de leurs équipes. Elles ont mis en œuvre des réflexions éthiques et des stratégies ajustées, tracées, justifiées, au jour le jour, au cas par cas. Elles ont privilégié l’accompagnement à la marche dans des zones identifiées, les sorties individualisées à l’extérieur, les rencontres en couples avec les mesures barrières, les activités physiques et culturelles adaptées, l’appui des approches non médicamenteuses comme l’Humanitude…

21Dans leur lettre ouverte au ministre des Solidarités et de la Santé, ces établissements ont mis en garde face aux recommandations strictes qui ne tiennent pas compte des besoins des personnes et qui pourraient mettre en cause la responsabilité des professionnels si elles n’étaient pas respectées.

22À côté des demandes de renforcement des moyens de protection, des tests pour ajuster les stratégies comme le demandait aussi l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), ils ont surtout réclamé un soutien de leurs stratégies d’adaptation (via des experts éthiques notamment). Ils ont surtout demandé de leur faire confiance, de faire confiance à chaque directeur, chaque équipe soignante pour prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des habitants et des professionnels.

III – Développer un professionnalisme qui donne confiance : une culture outillée

23Cette crise l’a encore démontré avec les difficultés à vivre le confinement, l’isolement : les professionnels de la santé, du prendre soin, sont des professionnels du lien. Face aux troubles sévères du comportement, quand en plus les professionnels doivent porter des équipements de protection, savoir créer le lien et entretenir la relation aux cours des soins demande un savoir-faire précis.

24C’est ce qu’enseigne la méthodologie de soin Gineste-Marescotti, dite Humanitude® avec une philosophie et des techniques opérationnelles qui pacifient les soins difficiles en professionnalisant la relation.

25Avec ces personnes hypersensibles à l’attitude du soignant, hypersensibles à tous les éléments relationnels et sensoriels (ton de la voix, manière d’être regardé, douceur du toucher, position du corps, etc.), des techniques particulières doivent être utilisées pour être perçu comme bienveillant.

26Chaque relation entre la personne soignée et le professionnel soignant va être outillée par les piliers de l’Humanitude : regard, parole, toucher, verticalité (20 minutes debout par jour pour éviter la grabatisation).

Le regard

27Grâce à l’observation des regards reçus lors de ces interactions et à l’analyse de la manière dont certains d’entre eux sont ressentis par les personnes atteintes de troubles cognitifs, les auteurs de l’Humanitude, Yves Gineste et Rosette Marescotti, ont distingué quatre caractéristiques permettant au regard de déclencher des ressentis émotionnels positifs : axial, horizontal, long et proche.

28À l’inverse, d’autres caractéristiques seront susceptibles d’être très mal vécues par la personne dont on prend soin : des regards verticaux, de travers, fuyants, distants.

29L’environnement même du soin présente des pièges à cette qualité de relation.

30Prenons un soignant qui entre dans une chambre pour accompagner à la toilette : il arrive par le côté du lit où le résident est allongé. Les regards du soignant risquent donc d’être verticaux, de travers, rapides, voire totalement absents.

31La personne âgée hypersensible se sent alors en danger, menacée, voire agressée.

32Professionnaliser le regard consiste donc à repenser les situations habituelles de prendre soin pour multiplier les regards axiaux, horizontaux, longs et proches. Arriver ainsi face au regard de la personne malade (en général par le pied de lit et non le côté) ; se positionner à la hauteur de la personne ; se rapprocher, etc. Avec les masques, les blouses, les gants… tous les professionnels ont pu témoigner de l’importance de l’entrée en relation par ces regards professionnalisés.

La parole

33La communication humaine obéit à certaines règles, parmi lesquelles celle du feedback. Lorsqu’un émetteur (ici un soignant) envoie un message verbal (par exemple “bonjour”), vers un récepteur (ici un résident), il reçoit une réponse (verbale ou non-verbale), un retour (le feedback), qui nourrit l’énergie lui permettant de continuer à communiquer.

34Lorsqu’il n’y a pas de feedback, cette énergie s’épuise vite et l’émetteur arrête d’émettre son message. Naturellement, nous devenons donc rapidement silencieux quand nous sommes avec une personne qui ne nous renvoie pas de feedback.

35Pour éviter la raréfaction de ce lien relationnel et éviter que le silence du soignant soit interprété par la personne comme un signe d’indifférence, voire de malveillance, les auteurs de l’Humanitude proposent une méthode de communication : l’auto-feedback.

36Avec ces personnes ne renvoyant pas de feedback verbal, les soignants sont invités à laisser “leurs mains parler”, c’est-à-dire annoncer puis décrire tous les gestes : “Madame, je vais vous laver le bras (prédictif). Je vous soulève le bras, c’est le bras gauche, je vous savonne le dessus de la main, la paume, je vous lave l’avant-bras, je vous le lève (descriptif), etc.

Le toucher

37Le toucher vient conclure l’entrée en relation, et joue durant le soin un rôle fondamental. Aussi les auteurs de l’Humanitude ont-ils développé différentes techniques de touchers, de manutention et de mobilisation, permettant d’éviter que la personne fragilisée ne ressente les aidants, les professionnels comme des agresseurs. Ces touchers favorisent au contraire un ressenti de bien-être pour la personne aidée comme son aidant.

38Parmi ces touchers : la saisie en berceau permet d’éviter la saisie en pince (qui déclenche une réaction d’opposition), des soins progressifs commençant par des zones neutres avant les plus intimes, des touchers doux, vastes, enveloppants.

39En situation de crise tout particulièrement, ces techniques connues et partagées ont aidé à évaluer la santé de chaque personne pour chercher à ne pas lui nuire et lui proposer le juste niveau de soin selon la philosophie de l’Humanitude.

IV – Une culture d’entreprise ancrée et partagée

40Pour pérenniser la mise en pratique quotidienne des techniques enseignées lors des formations-actions Humanitude, les structures pilotes ont créé le label Humanitude.

41Il est délivré si la structure est devenue un vrai milieu de vie substitut du domicile qui respecte les cinq principes de l’Humanitude 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

42La crise sanitaire les a poussés à réfléchir aux stratégies d’adaptation, principe par principe, jour après jour :

  • Zéro soin de force, sans abandon de soin : reports de soin en cas de refus de soin, vers zéro contention, comportements d’agitation pathologiques évités par l’évaluation, le déploiement tous azimuts des techniques d’entrée en relation renforcées avec les équipements de protection, le déploiement des « actes gratuits », des stratégies de diversion, des activités par des équipes renforcées et décloisonnées…
  • Respect de la singularité : respect du domicile, des rythmes, des choix, des projets des habitants, des proches, des professionnels particulièrement investis et inventifs, malgré le retour des blouses et protections, alors que la tenue civile professionnelle est recommandée dans le label Humanitude.
  • Vivre et mourir debout : 20 minutes de verticalité sur 24 heures pour éviter la grabatisation, en priorité dans les jardins et sinon quelques pas dans les couloirs ou dans les domiciles quand la situation l’impose.
  • Ouverture sur l’extérieur : impossible pendant le confinement mais rendue possible par l’inventivité, la réactivité des équipes, les technologies (et les dons de tablettes), les retours des proches, des voisins, des amis, des ressources des territoires.
  • Lieux de vie, lieux d’envie : renforcement de tous les liens entre tous les humains des établissements :
    • Liens entre habitants : « actes gratuits Humanitude » (rencontres, rendez-vous, discussion) programmés chaque jour, mobilisation au respect des mesures barrières, « animations solidaires » entre habitants, ateliers, jeux, activités (y compris sur outils numériques) le plus possible en extérieur (fabrication de masques), sorties dans les jardins personnalisées, répétitions d’un flash mob avec les personnels…
    • Liens avec les proches avec des appels téléphoniques réguliers, des visio-conférences, des messages personnels avec photos diffusés sur les portables des membres de la famille, la mise en ligne sur les blogs, sites et réseaux sociaux des images et vidéos de la vie dans la maison, des échanges (photos, vidéos) des proches vers les habitants, via une cagnotte pour le ravitaillement en produits d’hygiène, liens avec les voisins, les enfants des écoles (échanges épistolaires)…
    • Liens entre professionnels des différents services (soins, vie sociale, restauration, administration, entretien, psychologue) malgré les réunions régulières par visio-conférence, avec le redéploiement des personnels de l’accueil de jour, le renforcement sur volontariat des équipes lors des repas, des activités renforcées le soir, des repas offerts ou des petits-déjeuners collectifs aux équipes, des bons carburants, une organisation solidaire de la garde des enfants, la négociation de passages prioritaires aux drives des supermarchés, des cadeaux des proches, des citoyens, des élus, des commerçants du territoire, une permanence de l’encadrement pour soutenir, répondre aux questions, la mise à disposition d’une veille d’écoute et de soutien psychologique, des temps d’analyses de pratiques, des cours de sport, De yoga, des paniers de fruits…
    • Liens avec les médias : comme ces reportages TV dont le Magazine de la Santé en immersion dans l’Ehpad le Séquoia labellisé à Illzach près de Mulhouse.

V – Une culture à défendre

43Toutes les recommandations de bonnes pratiques affirment les valeurs sans suffisamment aider à les traduire dans le prendre soin quotidien. La branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) s’est alarmée de l’explosion des TMS (troubles musculosquelettiques), RPS (risques psycho-sociaux) au point que le secteur des Ehpad est devenu un des plus à risques de France.

44La crise sanitaire a mis en lumière ces « métiers du lien », partie intégrante des soins. Il n’empêche que le lien, l’entrée en relation, le maintien de la relation ne sont pas suffisamment outillés dès les formations initiales.

45La culture soignante comporte des pièges impensés comme la pression de l’organisation et des équipes au détriment d’un prendre soin individualisé, la primauté de l’hygiène, de la sécurité et des soins sur la liberté et l’autonomie. Le risque est la prise de pouvoir sur les personnes fragilisées, vulnérables.

46L’environnement normatif insiste sur la sécurité au risque d’incompréhensions, d’interprétations abusives écrasant les valeurs éthiques : contentions physiques (pour ne pas chuter, s’agiter), contentions chimiques (agitation) qui dégradent l’image de ces institutions. Plus les établissements structurent leur démarche, affirment leurs valeurs et leurs engagements, plus la confiance se tisse.

47Un autre impensé : le financement public des Ehpad. Il se centre essentiellement sur la dépendance (GMP) et les besoins en soins requis (pathos). Il ne valorise pas les stratégies de prévention, centrées sur les capacités restantes des personnes fragilisées, au risque de créer une forme de « prime à la grabatisation ».

48Cela peut également engendrer des surcoûts comme trop d’hospitalisations, médication excessive, ou encore accidents et arrêts du travail (épuisements professionnels par perte de sens et de repères). Des coûts de la non-qualité qui dévalorisent aussi l’image de ces établissements, l’image de ces métiers, l’image des personnes fragilisées.

VI – Affirmer que l’on peut vieillir debout et être fier de son « prendre soin »

49La crise sanitaire de la Covid-19 nous a appris qu’il fallait contextualiser les principes éthiques afin de respecter les valeurs dans une situation exceptionnelle. Dans les établissements labellisés Humanitude, les techniques apprises ont été ajustées. Les évaluations ont été continues. Les différentes parties prenantes (personnes concernées, familles, proches, élus, professionnels) ont été sollicitées.

50En effet, la labellisation est une étape sans être une fin en soi. Obtenir le label est la récompense d’un travail de longue haleine.

51Il faut plusieurs années pour transformer et ancrer une culture, pour renforcer les compétences des équipes via les formations-actions Humanitude Soin, Vie sociale, Restauration.

52Il faut du temps pour infuser les valeurs, les principes, réviser les techniques, les apprendre aux nouveaux venus.

figure im2

53La crise sanitaire a montré l’importance de :

  • l’ajustement quotidien des informations tracées lors de la minute Humanitude, au moment de la relève, des transmissions ;
  • l’implication de chaque professionnel lors des Ateliers Humanitude d’analyse de pratiques, de révision des techniques ;
  • l’engagement de la direction dans le pilotage de la démarche lors des groupes de pilotage qui se réunissent au moins une fois par mois pour évaluer l’avancée des plans d’action et la programmation des suivants ;
  • l’engagement de toutes les parties prenantes pour apporter les éléments de preuve au cœur du référentiel Humanitude pour l’auto-évaluation annuelle.

54Le pilotage et la vigilance bienveillante sont au cœur de cette démarche d’amélioration continue de la qualité. Une auto-évaluation est analysée chaque année avec une visite de suivi sur site au cours des 5 années que dure le label.

VII – Des impacts positifs

55Les établissements labellisés témoignent d’organisations qui s’ajustent aux projets des résidents et aux urgences, aux crises, comme cette pandémie.

56Le personnel mieux formé, motivé et accompagné est fier de son prendre soin. Les équipes sont des ambassadeurs vers les centres de formation. La démarche Humanitude et son label deviennent des marques employeur.

57La démarche d’amélioration continue implique une évaluation quotidienne des pratiques, avec des équipes qui savent s’observer, repérer les erreurs pour y remédier via des ateliers, un compagnonnage rassurant.

58Chaque prise en soin, chaque projet, chaque ajustement est suivi, tracé, pour permettre à tout professionnel d’être bien informé et proposer le bon niveau de soin, sans nuire à la santé de la personne fragilisée.

59La traçabilité et les systèmes d’information s’interfacent avec le référentiel Humanitude en ligne.

60Les structures labellisées attestent d’une diminution des accidents du travail, des hospitalisations et aussi des budgets médicaments, produits liés à l’incontinence, compléments nutritionnels oraux, matériels médicaux (escarres)…

61Le suivi régulier des indicateurs Humanitude s’aligne avec la politique RSE, responsabilité sociale et environnementale (moins de dénutrition, de déchets, plus de relations avec le tissu local) et avec les enjeux SQVT (santé et qualité de vie au travail).

62Le label Humanitude montre que des solutions pratiques et évaluées sur le terrain existent mais qu’elles sont complexes à mettre en œuvre, s’accompagnent sur la durée et s’évaluent sur la satisfaction de ceux qui ont la chance d’en bénéficier : tant les personnes fragilisées, malades que les professionnels qui prennent soin d’elles.

63C’est un véritable accompagnement professionnel de la bientraitance qui redonne du sens au travail des professionnels, et qui réconcilie les objectifs individuels et collectifs d’intérêt général au regard des nombreux impacts médico-économiques positifs.

VIII – Et demain ?

64Face à notre âgisme individuel et collectif, ces établissements labellisés Humanitude rassurent. « Ce que je vois ici me rassure : je n’ai plus peur pour les vieux jours de mes proches, ni mes vieux jours » témoigne le journaliste de France 5 qui est allé filmer en pleine crise sanitaire dans l’Ehpad le Sequoia à Illzach.

65Ces établissements sont comme des plateformes gérontologiques de référence sur leur territoire qui rayonnent, attirent, rassurent… au prix de grands efforts récompensés par la fierté dans les regards des professionnels qui défendent leur label Humanitude.

66Les citoyens les perçoivent comme des lieux de vie où l’on a plus à gagner qu’à perdre d’y entrer !

67Les labellisés Humanitude attendent une reconnaissance de ces approches non-médicamenteuses dans les politiques publiques, et notamment une reconnaissance du label, de son référentiel en équivalence des évaluations internes et externes.

68Ils attendent une affirmation officielle de l’alignement des valeurs affichées (liberté, citoyenneté, autonomie) avec le prendre soin proposé au quotidien : pas de contention, des structures ouvertes avec suffisamment de professionnels formés (0,8 ETP par personne aidée).

69Le coût de la transformation, des formations, de la structuration et du suivi de la démarche qualité mérite d’être financé comme un investissement rentable au regard des impacts médico-économiques dont les indicateurs évoluent favorablement notamment sur le volet qualité de vie au travail. Les établissements et services qui s’y engagent méritent d’être accompagnés notamment via leur Cpom (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens).

70La gériatrie, la gérontologie sont de vraies spécialités à affirmer, renforcer, financer. Parmi les approches non-médicamenteuses, la philosophie de l’Humanitude centrée sur les capacités des personnes aidées avec ses techniques opérationnelles qui abaissent plus de 80 % des soins difficiles [3], se propose de renforcer les formations initiales des métiers du lien, du soin, du prendre soin. Les auteurs de l’Humanitude, Yves Gineste et Rosette Marescotti, ont protégé leurs concepts pour garantir la qualité de l’enseignement en formations professionnelles continues. Ils les mettent à la disposition des pouvoirs publics pour l’enseignement initial, gracieusement.


Annexe

71

  • Le Référentiel du Label Humanitude : 500 critères qui objectivent le respect des 5 principes de l’Humanitude 24H sur 24, 7 jours sur 7 dans tous les services
  • www.lelabelhumanitude.fr

72

  1. Engagement de la Direction
    • Volonté affichée
    • Volonté partagée
    • Projet d’accompagnement personnalisé : 100 % à 6 mois
    • Pilotage du projet Humanitude, analyse des pratiques, temps dédiés
  2. Principe Humanitude : Zéro soin de force
    • Connaissance de la personne
    • Techniques d’entrée en relation
    • Techniques de manutention relationnelle
    • Pas de contrainte
    • Vers une contention zéro
    • Organisation des services
    • Organisation souple et adaptée aux rythmes de chacun (plan d’accompagnement personnalisé)
    • Qualité des soins et du prendre soin
    • Ne pas nuire
  3. Principe Humanitude : Respect de la singularité
    • Respect de la citoyenneté, du domicile
    • Respect de l’intimité, de la sexualité
    • Respect du sommeil
  4. Principe Humanitude : Vivre et mourir debout
    • Verticalisation : 20 minutes par jour
  5. Principe Humanitude : Ouverture vers l’extérieur (perméabilité)
    • Présence de regards extérieurs
    • Entretien des liens familiaux
    • Entretien des liens sociaux, culturels
  6. Principe Humanitude : Lieu de vie, lieu d’envies
    • Ambiance
    • Cadre de vie
    • Repas personnalisés au rythme des personnes
    • Liberté d’aller et venir, de recevoir

tableau im3

Date de mise en ligne : 06/10/2020

https://doi.org/10.3917/regar.057.0175

Notes

  • [1]
    Enquête Drees EHPA de 2011.
  • [2]
    Avis du 30 mars 2020 du Comité national consultatif d’Éthique en réponse à la saisine du ministère des Solidarités et de la Santé sur le renforcement des mesures de protection dans les Ehpad et les USLD.
  • [3]
    Étude publiée dans le supplément de la Revue de Gériatrie de juin 2008 et menée auprès de 111 personnes malades Alzheimer avant/après formations-actions soin Humanitude – Baisse de 83 % de leurs troubles du comportement.

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