Notes
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[1]
Devenir cadre dirigeant – Un parcours à construire – Presses de l’EHESP
-
[2]
Les régimes de base de droit commun englobent le régime général des salariés (Cpam, Caf, Carsat, Urssaf), le régime agricole, (la Mutualité sociale Agricole pour les salariés et exploitants agricole) et le régime des travailleurs non-salariés (le RSI jusqu’au 31 décembre 2017).
-
[3]
Dépenses des régimes obligatoires de base – Tableau d’équilibre – PLFSS 2018.
-
[4]
Cahier des ressources humaines du régime général, de la Msa et du Rsi – n°11 – Juin 2017 – DSS. P3
-
[5]
Loi n°50–1045 du 22 août 1950.
-
[6]
Art L.3111-2 du code du travail.
-
[7]
La MNC est rattachée à la direction de la sécurité sociale (DSS). Elle est composée de 8 antennes régionales.
-
[8]
Décret n°60-452 du 12 mai 1960.
-
[9]
UCANSS : Union des caisses nationales de sécurité sociale. Elle exerce pour le compte des caisses nationales des tâches qui leur sont communes (gestion RH, négociation des conventions collectives, formation des personnels…).
-
[10]
Les compétences des agents de direction des organismes de sécurité sociale – Horizon 2000-2005 - Rapport Michel Bauer – 1996.
-
[11]
Art L.217-3 du code de la sécurité sociale : les directeurs et agents comptable sont salariés des organismes dans lesquels ils exercent leur mission.
-
[12]
Les compétences des agents de direction des organismes de sécurité sociale – Horizon 2000-2005 - Rapport Michel Bauer – 1996.
-
[13]
L’En3s n’a pas de corps enseignant permanent. Elle sollicite annuellement 950 intervenants pour ses activités de formation initiale et continue.
-
[14]
Accès à l’offre de formation continue : www.en3s.fr
-
[15]
Devenir cadre dirigeant, Un parcours à construire. Article de Nelly Fesseau – La mobilité interministérielle territoriale – Presses de l’EHESP – P 85 et 87
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[16]
Article 9 de l’arrêté du 10 juillet 2013 relatif aux conditions d’inscription sur la liste d’aptitude.
-
[17]
Rapports L’Horty (2016) et Rousselle (2017)
1La Sécurité Sociale est un objet à part dans le champ des services publics. Constituées en réseaux d’organismes de droit privé, les caisses de Sécurité Sociale des régimes de base obligatoire [2] gèrent un budget annuel de 477 milliards [3], supérieur d’une fois et demie à celui de l’État. Les 181 429 collaborateurs des organismes [4] sont en conséquence des salariés de droit privé. Leurs dirigeants au nombre de 2389 (1.3 %) sont recrutés et formés à l’Ecole Nationale Supérieure de la Sécurité Sociale (EN3S). L’organisation de la sécurité sociale - issue de l’ordonnance du 4 octobre 1945 et du règlement d’administration publique du 8 juin 1946 - trouve ses racines dans les principes mutualistes et du paritarisme avec une présence de l’État dès les origines.
2L’action des partenaires sociaux au sein des conseils d’administration locaux, couplée à un pilotage des réseaux par des caisses nationales à la qualité d’établissements publics soumis à la tutelle de l’État confère un caractère très particulier au métier de dirigeant d’un organisme de Sécurité Sociale de droit privé (I). Les compétences attendues du dirigeant sont celles à la fois d’un entrepreneur privé et d’un développeur de politiques sociales (II). L’EN3S constitue un point de passage obligatoire pour accéder à terme à une fonction d’agent de direction. La formation tout au long de la vie incluant formation initiale et continue s’avère déterminante pour accompagner la transformation du service public de la Sécurité Sociale que les équipes dirigeantes doivent porter (III). Si le métier de dirigeant à la sécurité sociale présente certaines spécificités, il n’en reste pas moins que les besoins en termes de mobilités et de diversité du recrutement le rapproche des autres corps de dirigeants de la fonction publique (IV).
I – Le caractère spécifique du métier de dirigeant de la Sécurité sociale
3Sont traditionnellement désignés agents de direction les collaborateurs des organismes de Sécurité sociale qui assument des fonctions dirigeantes : directeur, agent-comparable, directeur adjoint, secrétaire général, sous-directeur en charge d’un secteur déterminé…La taille des équipes dirigeantes varie bien naturellement en fonction de celle des organismes, mais toute caisse compte au moins à sa tête un directeur et un agent comptable [5]. L’un et l’autre ont le statut de cadre dirigeant au sens des critères du code du travail : indépendance dans l’organisation de leur temps de travail, pouvoir autonome de décision, niveau de rémunération parmi les plus élevés [6]. Les autres agents de direction relèvent le plus fréquemment du dispositif de cadre au forfait mais ils peuvent aussi se voir reconnaître le cas échéant le statut de cadre dirigeant du fait des modalités d’exercice de leurs missions.
4Les agents de direction disposent d’une convention collective propre qui précise entre autres les niveaux de rémunération selon une classification croisant fonction occupée et taille de l’organisme. L’accès à un poste d’agent de direction est encadré. Il est conditionné par une inscription préalable sur une liste d’aptitude, elle-même divisée en trois classes selon la nature du poste occupé : L1 pour les postes de directeur de très grands organismes ou chefs de projets stratégiques, L2 pour tous les postes de directeurs autres que L1 et L3 pour l’ensemble des postes d’agent comptable, directeur-adjoint et sous-directeur.
5L’inscription en L3 est automatique pour les élèves et stagiaires en sortie de l’En3s. Le passage d’une classe à l’autre obéit à des critères de mobilité (passage dans une autre branche ou régime de sécurité sociale) et d’exercice minimal. Il est soumis à l’avis d’une commission qui se prononce à partir d’une analyse croisée sur les compétences de la personne. L’évaluation est portée à la fois par la caisse nationale du réseau dont relève l’agent de direction, le représentant de l’État (la mission nationale de contrôle) [7] et un centre d’évaluation extérieur spécialisé. L’inscription dans une classe est valable six ans.
6Le développement de la fonction dirigeante est étroitement lié à sa professionnalisation engagée dans les années 60 et à la sanctuarisation de prérogatives propres au directeur [8] au détriment du conseil d’administration et des partenaires sociaux.
7Le directeur et l’agent comptable occupent une place bien particulière parmi les agents de direction. Le directeur endosse la pleine responsabilité d’un employeur avec tout ce que cela signifie en termes de responsabilités civiles et pénales : il a seul autorité sur le personnel de sa caisse, préside le comité d’entreprise et le CHSCT, représente l’organisme de plein droit dans tous les actes de la vie civile, soumet chaque année les projets de budget au conseil. La fonction d’agent comptable ressortit à la séparation ordonnateur-comptable qui constitue l’une des marques de type régalien dans un environnement de droit privé. La dénomination d’agent comptable n’est pas en soi très lisible pour des non-initiés. Pour autant, l’agent comptable placé sous l’autorité administrative du directeur établit le compte financier de l’organisme. Il se rapproche en un sens d’un directeur financier mais il reste personnellement et pécuniairement responsable des opérations effectuées. Son rôle dépasse le champ de la comptabilité et s’étend aujourd’hui à la certification des comptes, à la maîtrise des risques et aux politiques de contrôle.
8Les directeurs-adjoints ou sous-directeurs sont recrutés sur la base d’un appel à candidature publié dans une bourse des emplois ad hoc. Comme pour toute embauche d’un collaborateur, le choix est effectué par le directeur de la caisse qui a déclaré le poste vacant. Concernant les directeurs et agents comptables, le processus de recrutement est différent et illustre au fil des décennies la prééminence de la caisse nationale dans un champ réservé jadis aux conseils d’administration et fortement marqué par les influences syndicales. Les candidatures sont analysées par un comité - le comité des carrières - présidé par un inspecteur général des affaires sociales et composé des directeurs de caisse nationale, du directeur de l’En3s, du directeur l’Ucanss [9] et de la cheffe de la Mission Nationale de Contrôle [10] représentant le Ministère des solidarités et de la santé. Le comité vérifie l’adéquation du profil des candidats au contexte du poste et prononce un avis sur la base d’une évaluation par un cabinet extérieur et par la caisse nationale de leur réseau d’appartenance. Seule la mise en adéquation totale ou partielle d’un candidat autorise sa nomination. C’est ensuite le directeur de la caisse nationale qui choisit parmi les candidats le ou la futur(e) directeur (trice) ou agent comptable et procède à sa désignation après consultation du conseil d’administration de la caisse au sein de laquelle le dirigeant prendra ses fonctions. Autrefois habilité à choisir parmi trois noms, le conseil d’administration n’a plus que la possibilité de rejeter le candidat proposé à la majorité des deux tiers. Le directeur et l’agent comptable nouvellement désignés sont soumis à une procédure d’agrément mise en œuvre sur les six premiers mois par la mission nationale de contrôle (rattachée à la direction de la sécurité sociale) et représentante de l’État.
9Le code de la sécurité sociale précise que les directeurs et agents comptables sont salariés de l’organisme [11] dans lequel ils officient alors même qu’ils sont nommés par le directeur de la caisse nationale et que celui-ci est seul habilité à mettre fin à leur fonction. Il s’agit là d’une ambiguïté qui a pu amener la Cour des comptes à préconiser un rattachement direct des directeurs à leur caisse nationale. Une évolution de ce type ne serait pas sans incidences nonobstant les effets juridiques. Elle n’aurait pas nécessairement de vertu « responsabilisante » alors que l’efficacité dirigeante réside dans une action décentralisée et une articulation bien comprise entre le local et le national. Elle pourrait potentiellement déposséder pour partie les dirigeants de ce qui constitue l’intérêt de leur métier, à savoir leur rôle d’employeur de plein exercice et de régulateur des relations sociales au plus près du terrain. Il n’en reste pas moins que le directeur jouit d’une autonomie relative dont le cadre se construit à travers un processus de contractualisation négocié avec la caisse nationale. Le paradoxe d’un positionnement à la fois autonome et encadré par une stratégie définie au plan national donne toute sa spécificité à la fonction de directeur qui ne peut faire au final de sa caisse sa petite entreprise au mépris d’une logique de réseau impliquant une part d’homogénéisation pilotée par le national.
10A ce titre, d’aucuns y décèlent dans ce mode de relation local – national une forme virtuelle de co-employeur à l’instar des relations entre une maison-mère et ses filiales.
II – Vers un nouveau référentiel de compétences ?
11Les compétences attendues d’un agent de direction participent de la vision que l’on se fait de ses missions.
12Elles ont été structurées pour la première fois en 1996 à partir d’une analyse réalisée par Michel Bauer, directeur de recherche au CNRS [12]. Ce dernier avait identifié quatre composantes principales constitutives du métier de dirigeant : une composante entrepreneuriale, métier, managériale et partenariale. La dimension entrepreneuriale renvoyait à la capacité du dirigeant de porter des stratégies de développement et d’innovation par l’expérimentation et l’écoute de son environnement (logique de marketing social et de segmentation des publics). La composante « métier », jadis très juridique, visait l’émergence d’une fonction de régulateur d’une production de plus en plus automatisée et partagée avec l’usager (logique de servuction). La composante managériale s’intéressait à l’action du dirigeant en faveur du développement des compétences de ses collaborateurs dans une dynamique du changement de plus en plus fréquent et rapide. Enfin, la composante partenariale relevait l’exigence pour le dirigeant d’un travail en réseaux et en coopération avec des acteurs tant internes (ex : son conseil d’administration) qu’externes (élus, pouvoirs publics, associations,…). Dès 1996, l’analyse de Michel Bauer mettait en évidence un double mouvement de fond qui s’est confirmé au fil des ans : d’une part, une pression croissante des usagers, des pouvoirs publics et des caisses nationales et d’autre part, le passage pour les dirigeants d’une légitimité technique fondée sur la norme juridique à une légitimité de type managérial et stratège, fondée davantage sur le résultat et le leadership.
13La réflexion (travaux de la mission Morel) lancée en 2013 et relative à la dynamisation de la carrière des agents de direction a débouché sur un ajustement partiel du cadre initial. A présent, les compétences des agents de direction sont appréciées dans cinq domaines : les compétences stratégiques, les compétences liées à l’entrepreneuriat et à l’innovation, les compétences liées à la maîtrise de l’environnement de la sécurité sociale, les compétences managériales et les compétences liées aux synergies partenariales et institutionnelles. Ce cadre de référence est systématiquement utilisé pour l’évaluation des dirigeants dans l’exercice de leur fonction, pour leur inscription sur l’une des classes de la liste d’aptitude et à l’occasion d’une candidature sur un poste de directeur ou d’agent comptable. À chaque fois, le dirigeant est invité à illustrer par des actions probantes la maîtrise des compétences requises.
14Sur les 25 dernières années, le sujet du financement de notre modèle de Sécurité Sociale est devenu toujours plus prégnant. Les tensions sur les ressources et la pression relative à l’absorption des charges de production ont accentué considérablement la dimension de « gestionnaire » du dirigeant. L’importance des objectifs et des résultats s’est traduite par le développement d’indicateurs de performance autorisant des classements individuels entre caisses. Cela étant, le point d’équilibre est censé se jouer entre un cœur de métier toujours centré sur la régulation d’une production et le principe de conformité (distribuer des droits ou opérer des prélèvements conformément à la norme en vigueur) et une fonction d’investisseur social en situation de décliner une politique publique nationale sur un territoire donné et de créer les conditions d’une efficacité accrue d’une dépense sociale (exemple : comment mieux consommer et mieux distribuer les soins ?).
15Compte tenu de la pression sur le service rendu à l’usager, la propension est d’évaluer prioritairement la performance du dirigeant d’une caisse à l’aune de l’atteinte d’objectifs quantitatifs de production et de relation-client. Le tout renforcé et encouragé par un intéressement collectif et une logique de prime variable adossés aux résultats de l’organisme. Au-delà de ces compétences de gestionnaire, il est aussi attendu d’un dirigeant qu’il soit en capacité à la fois de contribuer à l’adaptation continue du service public de la sécurité sociale en faisant preuve d’innovation dans un environnement sous fortes contraintes (cela peut passer par le développement de nouveaux services à des segments d’assurés) et de promouvoir le sens et les valeurs de notre système de protection sociale dans une démarche de responsabilité citoyenne de l’agent de direction.
16En 2013, la réflexion engagée sur la dynamisation de la carrière des agents de direction (travaux de la mission Annick Morel) a débouché sur un ajustement partiel du cadre initial. Cinq domaines de compétences furent identifiés en appui de l’évaluation des cadres dirigeants : compétences stratégiques, compétences liées à l’entrepreneuriat et à l’innovation, compétences liées à la maîtrise de l’environnement de la sécurité sociale, compétences managériales et compétences liées aux synergies partenariales et institutionnelles. Pour la première fois, la dimension innovation faisait son apparition.
17Début 2018, l’Ucanss a lancé un nouveau chantier relatif à la rénovation des attendus de la fonction d’agent direction pour tenir compte des transformations de l’environnement métier : transition digitale, évolutions des réseaux des caisses, développement de nouvelles pratiques collaboratives, prégnance et intérêt marqué pour les dimensions liées à l’innovation. La réflexion engagée a mobilisé une centaine d’acteurs et elle s’est appuyée sur des regards extérieurs et un questionnaire auquel 61 % du public des agents de direction ont répondu.
18Aux cinq domaines de compétences issus de la « grille Bauer » s’est substituée une vision circonscrite à trois enjeux : l’agent de direction, porteur de la performance opérationnelle, économique et sociale, l’agent de direction porteur des transformations, et l’agent de direction porteur de l’ouverture sur l’extérieur.
19Cette nouvelle vision ne se sépare pas naturellement des composantes majeures du dirigeant : les dimensions managériales et partenariales y demeurent largement, mais le poids relatif des compétences se modifie au profit du leadership et des capacités à anticiper des évolutions, à mesurer leurs impacts, à conduire des projets de transformations, à mettre en œuvre des pratiques professionnelles innovantes, à construire des coopérations internes et externes, et à être un ambassadeur du service public de la sécurité sociale et de ses valeurs.
20Ce dernier item fait écho au 70e anniversaire des ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, lequel a révélé l’intérêt de développer une culture citoyenne et républicaine de la sécurité sociale auprès notamment des jeunes. En effet, il appartient au dirigeant de s’impliquer dans des programmes de vulgarisation et de promotion de la sécurité sociale comme élément de la cohésion sociale. Faire comprendre la sécurité sociale, l’expliquer auprès des jeunes comme du grand public sans en réduire le fonctionnement à des truismes simplistes, voire même l’enseigner, c’est pour le dirigeant le moyen de donner sens à son action et de créer par une pédagogie active les conditions d’une adhésion à un système où la confiance compte autant que la performance du service rendu.
III – L’exigence de la formation tout au long de la vie
21Un nouveau regard sur le métier d’agent de direction ne sera pas sans conséquences sur le processus de formation de la ressource dirigeante. L’En3s, en charge de la sélection et de la formation, a déjà intégré dans son offre de formation des éléments en phase avec les exigences de l’innovation et de la promotion de la sécurité sociale.
22En moyenne, chaque année, selon des voies d’accès différenciées, l’En3s recrute et forme [13] sur une période de 15 à 18 mois 84 personnes pour exercer les fonctions d’agent de direction. Le nombre de places ouvertes aux concours et sélection est fonction d’une estimation des besoins en agent de direction calculée selon les départs potentiels à la retraite et le taux de remplacement envisagé par chaque caisse Nationale. La formation initiale de l’En3s est étroitement corrélée aux compétences attendues d’un agent de direction. Elle épouse à plein le cadre de référence des compétences. Alternant stages pratiques et enseignements théoriques, elle s’articule autour de trois axes : déployer les politiques publiques sanitaires et sociales, assurer la performance de gestion d’un organisme en interface partenariale avec des organisations extérieures, et acquérir la posture de dirigeant au plan personnel et éthique. Au titre de ce dernier objectif, chaque élève bénéficie, tout au long de son cycle, d’un accompagnement personnalisé par un référent institutionnel. La formation des élèves aux enjeux du bien-être au travail complète à dessein ce travail sur la posture individuelle, tout particulièrement dans la perspective d’une fonction managériale.
23Conformément à l’objectif de ne pas faire seulement des élèves de brillants gestionnaires agissant en conformité d’orientations stratégiques nationales, l’école organise un temps dédié à l’innovation avec les trophées de l’innovation. Sur une semaine, les élèves doivent développer un projet selon une approche de type design thinking. L’exercice vise à démontrer qu’il est possible d’innover dans un contexte à priori jalonné de contraintes de toute nature. Le schéma pédagogique de l’exercice est construit avec la coopération de designers et l’appui de jeunes Start-up. Autre élément de la scolarité en appui de la vision stratégique du dirigeant : les recherches-actions. Les élèves se voient confier par groupe un thème de réflexion sur une politique sociale ou managériale. Là aussi l’exercice vise à pousser les élèves à penser la matière qui sera demain le terrain de leur action. La recherche menée se veut pragmatique et doit déboucher sur des préconisations pouvant nourrir la réflexion de l’action publique.
24Dernier élément de la scolarité en phase avec le dirigeant promoteur de la sécurité sociale : la participation des élèves à des Journées Portes Ouvertes (JPO). Depuis six ans, les élèves contribuent à l’animation des journées portes ouvertes préparées avec les onze organismes ligériens de sécurité sociale et les caisses nationales (en 2018). Cet événement accueille plus de 1200 personnes dont 700 lycéens au sein d’un village-sécu. Il est un moment de pédagogie citoyenne. Il est destiné à leur montrer de façon ludique voire décalée comment la sécurité sociale accompagne chacun d’entre nous tout au long de la vie et se révèle un service public moderne et innovant.
25La formation continue des agents de direction reste un défi à part entière. L’activité de la formation continue enregistre 6000 à 8000 participations annuelles dont 50 % sont des cadres supérieurs. Le constat reste que les agents de direction se forment trop peu. La contrainte du temps est assez souvent évoquée. À l’occasion de la signature de sa deuxième convention d’objectifs et de gestion (COG 2017-2020), l’école s’est donné pour objectif de porter une obligation de formation pour les agents de direction. A titre d’exemple, toute personne qui viserait un poste de directeur ou d’agent comptable ou demanderait son inscription ou sa réinscription sur l’une des classes de la liste d’aptitude devrait justifier le suivi de cinq jours de formation au cours des trois dernières années. Le principe de l’obligation ne saurait néanmoins constituer la seule réponse à l’exigence de formation. Le contenu de l’offre de formation [14] est tout aussi déterminant. L’Ecole a fait le choix depuis quelque temps de proposer des cycles dédiés au bénéfice de publics spécifiques. Elle propose ainsi le cercle des directeurs qui sur un format court d’une journée et demie permet à des dirigeants de caisses de partager entre pairs des préoccupations communes (le leadership, les négociations complexes…). Autre exemple de formations dédiées : le cycle SNDR (Stratégie Nationale de Dynamisation des Réseaux). Créé il y a une dizaine d’années, ce cycle s’adresse à des agents de direction confirmés que les réseaux des caisses nationales identifient avec un potentiel d’évolution important. Ce cycle de 23 jours propose des clés de compréhension de l’environnement politique, économique et institutionnel ainsi qu’une vision prospective des impacts des mutations organisationnelles sur le rôle de dirigeant. Interbranches et inter-régimes, le dispositif est un lieu unique de réflexion et d’échanges. Plus des deux tiers des stagiaires connaissent une évolution professionnelle à l’issue du cycle et un tiers d’entre eux accède à un premier poste de directeur.
26Les résultats du questionnaire adressé début 2018 aux agents de direction ont révélé plusieurs attentes concernant : tout d’abord les modalités de la formation avec des souhaits en termes de coaching, d’échanges entre pairs, de tutorat et de co-développement, et ensuite la structure même de l’offre qui pourrait prendre davantage la forme de parcours à la main de l’intéressé et conçus sous forme de briques de compétences.
IV – Mobilité et diversité : une exigence partagée avec d’autres corps de dirigeants
27Nonobstant des conditions spécifiques d’exercice évoquées plus haut, les dirigeants de la sécurité sociale partagent des préoccupations semblables à leurs homologues du secteur de la fonction publique.
28Les attendus repérés dans les référentiels de directeur général de service d’une grande collectivité ou de directeur d’hôpital illustrent les mêmes exigences en termes de valeurs, d’engagements, d’innovation, de performances et d’exemplarité propres à la gestion d’un service public.
29Les aspirations à des mobilités hors de son corps ou de sa communauté d’origine sont aussi largement partagées. Si en moyenne 50 % des agents de direction ont changé une fois de poste dans les dix dernières années, les mobilités hors sécu sont beaucoup plus rares. Le champ des ARS est potentiellement un terrain de mobilités pour des agents de direction sécu mais il reste sans doute insuffisamment exploité et valorisé. Les mobilités ailleurs qu’en ARS sont très souvent le fait de trajectoires personnelles gérées dans le cadre d’un détachement prévu par l’article 7 de la convention collective des agents de direction. Faut-il en déduire que la sécurité sociale enferme ? Pas plus qu’ailleurs en tous les cas. Par comparaison, les mobilités inter-fonctions publiques ne semblent guère plus dynamiques malgré le dénominateur commun de la fonction publique. Dans le rapport annuel de l’état de la fonction publique de 2017, il est indiqué que le taux de mobilité entre fonctions publiques reste inférieur à 1 %. La proportion des directeurs d’hôpitaux en position de détachement est estimée à 10 %. « Mais cette mobilité reste très faible entre fonctions publiques et rares sont les directeurs d’hôpitaux en position de détachement au sein des autres fonctions publiques. » [15]
30Les différences de statut au sein même de la fonction publique constituent autant de freins à cette mobilité. Il n’en reste pas moins que la mobilité des agents de direction hors de la sphère sécu demeure un enjeu, tant du point de vue de la motivation que de l’intérêt d’organiser des allers-retours entre secteurs professionnels dans une logique d’employabilité durable et d’enrichissement continu. Le dialogue entre dirigeants d’horizons différents représente un gage de performance des services publics obligés de coopérer de plus en plus au titre de la mise en place de stratégies de parcours pour les usagers-citoyens. L’évolution des réseaux de sécurité sociale a réduit le nombre de directeurs de plein exercice et le développement de fonctions transverses et matricielles va se poursuivre. Ces changements nécessitent une adaptation des formations pour répondre à des besoins en termes d’expertises de haut niveau dans des structures de grande taille comme elles obligeront à multiplier les mobilités entre des univers différents et décloisonnés.
31Des mobilités dynamiques inter secteurs contribueraient d’une certaine manière à la diversité de la ressource dirigeante présentée comme l’antidote au risque d’endogamie auquel sont confrontés tous les corps constitués autour d’un statut, qu’il soit public ou privé.
32Chacun s’accordera pourtant à reconnaître que la richesse de la ressource dirigeante est étroitement liée à la variété des profils recrutés. Il est déjà possible pour des fonctionnaires de la catégorie A de demander leur inscription sur la liste d’aptitude des agents de direction dans la limite de 10 % du nombre de places ouvertes aux concours d’entrée de l’En3s [16]. Cette faculté se traduit néanmoins par très peu de recrutements effectifs. En effet, elle n’est assortie d’aucun dispositif d’accompagnement alors qu’une formation ad hoc pourrait sans doute favoriser le passage réel d’un univers professionnel à un autre et renforcer l’employabilité de cadres de haut niveau venus d’ailleurs au sein de la sécurité sociale. L’En3s s’est donné d’ailleurs pour objectif de mener une réflexion sur les passerelles entre les trois fonctions publiques et la Sécurité Sociale de droit privé freinées aujourd’hui en partie par des logiques de statut. De même, l’ouverture d’un 3e concours ouvert à des cadres ayant huit ans d’expérience professionnelle dans le secteur privé ou public est en débat toute comme la question d’une Validation des Acquis et de l’Expérience (VAE) dont la mise en œuvre se heurte au cadre très normé du principe des concours et de l’inscription sur liste d’aptitude. En tout état de cause, l’ouverture du métier de dirigeant à d’autres profils nécessitera à son tour une révision du processus de formation initiale et continue pour prendre en compte l’individualisation des parcours et leur intégration à l’univers spécifique de la sécurité sociale.
33Enfin, faut-il rappeler que la diversité se prépare dès le recrutement initial ? Différents rapports [17] se sont intéressés ces dernières années à cette question. Dans le prolongement des conclusions du rapport d’Olivier Rousselle, l’En3s a mis en place un suivi annuel de la diversité au sein des promotions. Il en ressort globalement une diversité sociale plus marquée à l’En3s que dans les autres grandes écoles. 32 % des élèves de la 57e promotion et des stagiaires des cycles Capdir 4 et 5 ont au moins un parent ouvrier ou employé. 57 % ont leurs deux parents qui travaillent hors de la fonction publique et de la sécurité sociale. 43 % ont au moins un parent exerçant dans le champ public. Seuls 3 % ont un parent exerçant à la sécurité sociale. Autre élément à relever : la promotion interne constitue un levier significatif de diversité. On en voudra pour preuve le fait que 40 % des élèves de la formation initiale et des stagiaires Capdir sont entrés sur un niveau d’employés à la sécurité sociale (niveau 2 à 4). Un résultat variable d’une promotion à l’autre mais qui témoigne de l’intérêt de préserver des voies d’accès internes à des fonctions de dirigeant compatibles avec l’ouverture sur l’extérieur.
34Au-delà de ces constats, l’attractivité des métiers de dirigeants à la sécurité sociale demeure un objectif fragile malgré des efforts importants de promotion. Le nombre de candidats externes oscille autour de 550 pour 29 places. Là aussi la sphère sécu n’est visiblement pas la seule à faire le constat d’un fléchissement du nombre de candidats aux concours. C’est dire que le devenir du métier de dirigeant appelle des réflexions partagées entre écoles de service public et la recherche de coopérations pouvant aller jusqu’à une grande école des services publics structurée autour d’axes communs et de secteurs dédiés tels que des élèves de la 57e promotion ont pu l’imaginer de manière prospective à l’occasion des 40 ans de l’Ecole fêtée le 10 septembre à Saint-Etienne.
Notes
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[1]
Devenir cadre dirigeant – Un parcours à construire – Presses de l’EHESP
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[2]
Les régimes de base de droit commun englobent le régime général des salariés (Cpam, Caf, Carsat, Urssaf), le régime agricole, (la Mutualité sociale Agricole pour les salariés et exploitants agricole) et le régime des travailleurs non-salariés (le RSI jusqu’au 31 décembre 2017).
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[3]
Dépenses des régimes obligatoires de base – Tableau d’équilibre – PLFSS 2018.
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[4]
Cahier des ressources humaines du régime général, de la Msa et du Rsi – n°11 – Juin 2017 – DSS. P3
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[5]
Loi n°50–1045 du 22 août 1950.
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[6]
Art L.3111-2 du code du travail.
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[7]
La MNC est rattachée à la direction de la sécurité sociale (DSS). Elle est composée de 8 antennes régionales.
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[8]
Décret n°60-452 du 12 mai 1960.
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[9]
UCANSS : Union des caisses nationales de sécurité sociale. Elle exerce pour le compte des caisses nationales des tâches qui leur sont communes (gestion RH, négociation des conventions collectives, formation des personnels…).
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[10]
Les compétences des agents de direction des organismes de sécurité sociale – Horizon 2000-2005 - Rapport Michel Bauer – 1996.
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[11]
Art L.217-3 du code de la sécurité sociale : les directeurs et agents comptable sont salariés des organismes dans lesquels ils exercent leur mission.
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[12]
Les compétences des agents de direction des organismes de sécurité sociale – Horizon 2000-2005 - Rapport Michel Bauer – 1996.
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[13]
L’En3s n’a pas de corps enseignant permanent. Elle sollicite annuellement 950 intervenants pour ses activités de formation initiale et continue.
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[14]
Accès à l’offre de formation continue : www.en3s.fr
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[15]
Devenir cadre dirigeant, Un parcours à construire. Article de Nelly Fesseau – La mobilité interministérielle territoriale – Presses de l’EHESP – P 85 et 87
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[16]
Article 9 de l’arrêté du 10 juillet 2013 relatif aux conditions d’inscription sur la liste d’aptitude.
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[17]
Rapports L’Horty (2016) et Rousselle (2017)