Notes
-
[1]
Il s’agit d’une exploitation exhaustive du flux de mono-pensionnés de 2013, à savoir effectif de 343 000 et non d’un échantillon. Elle a été réalisée par Mélina RAMOS-GORAND (Direction Statistiques, prospective et recherche, CNAV).
-
[2]
Une exploitation a été réalisée sur les poly-pensionnés ayant cotisé plus de 50 trimestres au régime général. La part des trimestres validés par l’emploi est supérieure à celle des mono-pensionnés (90 % vs 85 %). L’importance des périodes assimilées et de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) diminue en conséquence : maladie moins de 1 %, chômage 6 %, AVPF 2 %, les autres trimestres (périodes militaire ou invalidité) représentent également 2 %.
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[3]
Elle a été instituée au régime général en 1972 par la loi BOULIN du 31 décembre 1971, à ce moment au profit des seules mères de famille.
-
[4]
Le type « dispositif lié au travail » (pénibilité et amiante) ne sera pas développé dans la suite de l’article.
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[5]
Ces 600 heures correspondent à 37 % du temps de travail légal de 35 heures, avec un salaire au SMIC. Un salaire plus élevé mais avec un nombre d’heures inférieur à 600 heures de travail permet de valider également 4 trimestres. La référence antérieure à la réforme 2014 était de 800 heures de SMIC.
1Rapports, bilans, études réalisés sur les retraites mettent régulièrement en avant le niveau inférieur de la pension des femmes par rapport à celle des hommes. Ainsi, en 2014, « les femmes perçoivent un montant de retraite de droit direct net inférieur de 39,3 % à la pension des hommes, contre 45,4 % en 2004 », selon la DREES. La pension de droit directe est attribuée en contrepartie de l’activité professionnelle, donc en grande partie des cotisations versées à ce titre. Elle dépend de trois facteurs : la durée d’assurance validée, le niveau des salaires et revenus professionnels de la carrière et enfin la réglementation en vigueur au moment de la valorisation des droits à retraite.
2Il est couramment admis et démontré que cette inégalité provient majoritairement de celle sur les rémunérations professionnelles sur lesquelles sont fondées les cotisations (donc la valeur du trimestre dans le cas de régimes de retraite de base), mais aussi l’attribution des points pour les régimes complémentaires.
3L’autre paramètre, la durée d’assurance, a sensiblement augmenté pour les nouvelles retraitées de ces dernières années, grâce à l’entrée conséquente des femmes sur le marché du travail des générations d’après-guerre. À terme, cette durée serait même en mesure d’égaler, en moyenne, celle des hommes, voire de la dépasser.
4La réforme de 2003, avec le principe de la production régulière d’une information, permet aux assurés, de disposer d’un bilan de ses droits à retraite dans les différents régimes : durée d’assurance accumulée et estimation indicative du montant de leurs pensions. Mais les réformes intervenues depuis 2003 ont introduit des nuances dans les types de durées validées. C’est le cas pour l’attribution des départs anticipés ou le dispositif de la pénibilité (réforme 2010). L’unité de décompte, le trimestre, est simple, mais d’apparence seulement. En effet, malgré ces progrès en termes d’information et de pédagogie, elle recèle une complexité rendant sa compréhension par les assurés parfois peu aisée.
5Il existe en effet au minimum une quinzaine de manières de valider ces trimestres (voir encadré). Elles répondent bien évidemment à ces situations et besoins particuliers, lorsque l’assuré rencontre des « aléas » de la vie, maladie, chômage, par exemple, ou s’il souhaite bénéficier d’une mesure spécifique, comme un départ anticipé. Mais ces natures de trimestres sont le plus souvent « ciblées » dans le but d’en définir le plus précisément possible le contour, en termes démographiques et financiers.
6Les parcours professionnels, familiaux, individuels sont sans nul doute moins rectilignes qu’auparavant et les règles évoluent pour répondre à ces changements. Plus la carrière d’un assuré est heurtée, que ce soit en termes d’arrêts et de reprises d’emploi, de périodes de maladie, ou même de variations de salaires, plus il sera délicat d’arriver à « avoir ses trimestres » et plus la constitution de la durée d’assurance fera appel à ces multiples possibilités.
7Les parcours des femmes, en particulier dans leur activité professionnelle, sont nettement plus hétérogènes et heurtés que celles des hommes, avec des conséquences sur la détermination des droits à retraite. Des mesures spécifiques, par exemple pour celles qui ont eu des enfants, permettent en partie de combler les absences d’activité professionnelle, donc de cotisations directes par l’emploi. La question sur l’effet de ces dispositifs est régulièrement posée, en particulier à l’occasion des réformes régulièrement opérées en France.
8Le processus de validation des trimestres au cours de la carrière des assurés du régime général est décrit dans cet article, permettant de voir dans quelle mesure l’égalité entre femmes et hommes, qui n’est pas encore atteinte pour la durée d’assurance, pourrait se vérifier à l’avenir, et à quelles conditions.
I – Des parcours différents, des conditions de départ inégales
9675 000 personnes ont pris leur retraite en 2013 au régime général. Ces nouveaux retraités de la CNAV sont constitués à 51 % d’assurés dits « mono-pensionnés », n’ayant relevé que du seul régime général, et de 49 % de « poly-pensionnés ». Les femmes sont à 58 % mono-pensionnés (vs 44 % chez les hommes).
Flux de nouveaux pensionnés de 2013 au Régime général
Flux de nouveaux pensionnés de 2013 au Régime général
Champ : Flux exhaustif de droit propre 2013, liquidation avant le 1er janvier 2015.10Une exploitation statistique fine des carrières des assurés mono-pensionnés au sein du régime général est pour l’instant plus aisée que pour celles des poly-pensionnés. C’est pourquoi dans cette partie, le champ se restreint aux seuls mono-pensionnés [1].
11Cette restriction de champ induit une surreprésentation des femmes, ainsi que de certains motifs de départ (retraite anticipée) [2].
12Parmi cette population de mono-pensionnés, la durée moyenne d’assurance des femmes ayant liquidé leur pension en 2013 est inférieure de 13 trimestres à celle des hommes. Les assurés, en fonction de leur situation au moment de leur passage à la retraite (âge, durée d’assurance acquise, choix individuel, etc.) et de la réglementation en vigueur, optent pour un type de liquidation donné.
13Ainsi, les personnes qui n’ont pu valider une durée suffisante soit, peuvent attendre l’âge où elles obtiennent automatiquement le taux « plein » (type de liquidation nommé « Âge »), c’est-à-dire sans décote, soit elles liquident leur pension avant (mais après l’âge « légal ») en concédant un abattement, dans le régime de base (décote), mais aussi dans le ou les régimes complémentaires. Un tiers des femmes nouvellement retraitées en 2013 sont dans ces deux cas, contre 12 % chez les hommes.
14L’observation de ces catégories permet de décomposer et d’analyser plus précisément cet écart de 13 trimestres. Il tient plus dans la différence de répartition par type de départ que dans les écarts de durée dans chacune des catégories. En effet, les simples moyennes de durée selon ces types de départ vont de 1 à 2.
15Les femmes ne sont que 15 sur 100 à avoir bénéficié d’un départ en retraite anticipée, contre 38 % chez les hommes. Ce dispositif, ouvert depuis 2004, est conçu pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes (avant 16, 17 ou 20 ans) et longtemps (avec des conditions de durée de cotisation par l’emploi et de validation variant selon les cas). De fait, les femmes accèdent nettement à ce droit.
16Par ailleurs, 26 % d’entre elles sont parties au titre de l’âge (départ à 65 ans pour la génération 1948), contre 9 % chez les hommes. Enfin, 8 % des femmes voient leur pension affectée d’une décote, contre 3,4 % chez les hommes.
Durée d’assurance par type de liquidation
Durée d’assurance par type de liquidation
Champ : Flux exhaustifs de mono-pensionnés de droit propre 2013.La catégorie « Dispositif lié au travail » comprend les départs pour pénibilité et amiante.
Lecture : En moyenne, les femmes ayant liquidé leur droit à retraite au titre de l’âge ont une durée d’assurance de 89 trimestres.
Répartition des nouveaux pensionnés de 2013 au régime général par type de liquidation
Répartition des nouveaux pensionnés de 2013 au régime général par type de liquidation
Champ : Flux de mono-pensionnés de droit propre de 2013.17Les rapprochements effectués ici reposent sur des moyennes. Or, la dispersion de la durée d’assurance est très variable selon les types de liquidation : faible dans le cas des départs anticipés, à l’inverse est très forte pour la catégorie « âge » pour les hommes comme pour les femmes, cette population regroupant des parcours très différents. Il en est de même pour une même situation : l’écart de durée d’assurance reste (et restera) important entre les mères et les pères de trois enfants et plus.
18Ce premier constat chiffré illustre l’effet direct des différences de parcours professionnel, individuel et familial sur la durée d’assurance et par là même, sur l’âge de départ et la pension. Mais avant de décrypter la chronologie de ces trajectoires, deux dispositifs spécifiques doivent être décrits, ayant un poids non négligeable dans la convergence entre hommes et femmes sur le paramètre « durée ».
II – Majoration de durée d’assurance et assurance vieillesse des parents au foyer, un même objectif : compenser les interruptions pour l’éducation des enfants
II-1 – Majoration de durée d’assurance pour enfants (MDA) : 18 trimestres en moyenne
19Cette MDA [3] est attribuée au titre de la maternité (4 trimestres), de l’éducation (4 trimestres) ou de l’adoption (4 trimestres) par enfant. Elle s’ajoute à la durée d’assurance au régime général et bénéficie essentiellement aux mères : 90 % des femmes valident à ce titre, contre 0,4 % des hommes.
20Les femmes parties au titre de l’âge et de la durée ont en moyenne respectivement 2,4 et 2,3 enfants, contre 1,5 pour celles ayant liquidé au titre de la retraite anticipée. Pour ces dernières, la part de la MDA dans la durée totale est de 7 %, alors que pour les femmes ayant liquidé leur retraite au titre de l’âge elle est de 21 % et celles avec décote de 18 %.
21La réforme de 2010 a instauré un système de partage optionnel, entre la mère et le père, des 4 trimestres de la MDA au titre de l’éducation des enfants. Les parents doivent déclarer dans les 4 ans de l’enfant s’il y a partage. En cas de non réponse, les 4 trimestres au titre de l’éducation restent affectés à la mère. Il est encore trop tôt pour savoir si cette mesure amènera une baisse de la MDA chez les femmes, puisque seuls sont concernés les enfants nés à partir de 2010.
II-2 – L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) : 53 % des femmes bénéficiaires
22L’AVPF, créée en 1972, « permet à toute personne qui n’a pas d’activité professionnelle, qui l’interrompt ou la réduit pour élever ses enfants, de continuer à se constituer des droits à retraite au régime général, sous réserve que ses ressources soient inférieures à un plafond ».
23Elle est également attribuée à des parents d’enfants gravement malades ou handicapés (ou de personnes s’occupant d’un proche dans la même situation) via des prestations servies par les caisses d’allocations familiales.
24Le nombre de cotisants à l’AVPF a augmenté jusqu’au milieu des années 1980, avant de se stabiliser à deux millions par an. Les retraités du flux 2013 ayant acquis des trimestres par l’AVPF l’ont fait pour l’essentiel de la fin des années 1970 à la fin des années 1980, soit en pleine montée en charge.
25L’AVPF concerne essentiellement les mères, le nombre de pères interrompant leur activité pour élever les enfants étant minime. Ainsi, 53 % des femmes du champ étudié ont validé au cours de leur carrière au moins un trimestre d’AVPF, contre 5 % chez les hommes.
26Elle contribue chez les femmes du flux étudié pour 13 % à la durée validée (soit 18 trimestres), contre 0,2 % chez les hommes.
27Les femmes ayant liquidé avec une décote sont celles dont la part de l’AVPF dans la durée totale est la plus élevée : 23 % de la durée validée, avant celles des catégories « âge » et « Inapte-ex-invalide », 17 %.
28Par ailleurs, 40 % des femmes parties au titre de l’âge et 37 % de celles parties au titre de la durée perçoivent une bonification de 10 % appliquée au montant de leur pension au régime général ayant eu trois enfants ou plus, contre 10 % de celles ayant liquidé en retraite anticipée. Il est à noter qu’elle est attribuée à la mère et au père : elle est donc proportionnelle à la pension de droit propre de chacun, accroissant l’écart en valeur absolue de la pension entre hommes et femmes.
III – De la première cotisation à la liquidation des droits
III-1 – Une durée d’assurance composite
29La durée d’assurance comprend, d’une part, des trimestres acquis au cours de la carrière : cotisations au titre de l’emploi, de l’AVPF et de périodes assimilées (PA) à des trimestres d’assurance, principalement. D’autre part, des trimestres sont attribués lors de la liquidation, essentiellement ces majorations de durée d’assurance pour enfants qui, elles, ne sont pas affectées à des années civiles déterminées.
30La durée validée par les femmes mono-pensionnées au cours de la carrière est en moyenne de 128 trimestres, inférieure de 30 trimestres à celle des hommes. La différence n’est « plus que » de 13 trimestres une fois ajoutées les majorations.
31Les données de carrière de la CNAV permettent d’étudier finement les trajectoires individuelles [4].
32Les composantes de la durée accumulée au cours de la carrière donnent un premier aperçu des contrastes. Ainsi, chez les femmes, la part des trimestres venant de l’emploi est de 15 points inférieure à celle des hommes. Pour les assurés partis au titre de l’âge, la part du chômage est inférieure chez les femmes (7 % contre 13 %), les périodes assimilées chômage étant conditionnées à des périodes de cotisations préalables, moins fréquentes pour ces dernières.
Contribution de l’emploi, de l’AVPF et des périodes assimilées (en %)
Contribution de l’emploi, de l’AVPF et des périodes assimilées (en %)
Champ : Flux de mono-pensionnés de droit propre 2013.Lecture : 70,4 % des 70 trimestres acquis en cours de carrière par les femmes partis au titre de l’âge correspondent à des trimestres d’emploi. La contribution à la durée d’assurance retient l’ordre suivant : emploi, puis maladie, chômage, invalidité, AVPF, autres reports.
III-2 – Chronologie des carrières : des trajectoires individuelles contrastées
33Les chronogrammes suivants ont été élaborés avec les données de carrières enregistrées à la CNAV, contenant pour chaque assuré la chronique annuelles des validations. La chronologie d’acquisition des durées d’assurance illustrée ainsi permet les comparaisons des parcours.
Les départs anticipés
34Les carrières des femmes et des hommes ayant liquidé leurs droits au titre de la retraite anticipée sont relativement similaires, les conditions de durée cotisée par l’emploi étant restrictives : peu d’absences de validation au-delà de 18 ans, validation par l’emploi élevée (de fait, 98,5 %).
35La principale différence entre femmes et hommes tient dans les années au cours desquelles les assurées valident au titre de l’emploi et de la maladie. Ces périodes, principalement entre 20 et 35 ans, sont liées à la maternité. Pendant cette période elles valident néanmoins 80 % des trimestres par l’emploi (les absences pour maternité sont le plus souvent de moins d’un an ou à cheval entre deux années, permettant ainsi la validation de 4 trimestres par l’emploi). Les hommes partis au titre de la retraite anticipée valident pour la quasi- totalité d’entre eux des trimestres tous les ans, essentiellement par leur emploi, à partir de 20 ans et jusqu’à 58 ans environ.
36Les situations autres que l’emploi croissent après 55 ans, mais sans jamais dépasser 25 % des assurés. Il s’agit le plus souvent de périodes de travail alternant avec du chômage ou de la maladie.
37Source : CNAV.
Les départs avec une durée d’assurance suffisante
38Quel que soit l’âge, une partie des femmes de cette catégorie, toujours supérieure à 2 %, ne valide aucun trimestre, même si la part de l’emploi est élevée. Différence sensible avec les hommes, entre 25 et 40 ans, 15 % des femmes en moyenne valident des trimestres uniquement au titre de l’AVPF, compensant en partie les moments où les femmes quittent leur emploi pour l’éducation des enfants.
39On distingue deux « pics » de validation par l’emploi : entre 20 et 22 ans, puis entre 42 et 55 ans. Tous les ans, au cours de ces deux tranches d’âge, au moins 70 % des assurées valident au titre de l’emploi uniquement. Entre 22 et 42 ans, la diminution au titre de l’emploi est en lien avec la maternité et l’éducation des enfants. En effet, en considérant ensemble l’emploi, combiné ou non avec des trimestres de maladie, et l’AVPF, la part de l’effectif défini est stable, supérieure à 80 %, le « creux » entre 20 et 40 ans disparaissant.
40Les hommes ayant liquidé leurs droits au titre de la durée ont en revanche des parcours relativement proches de ceux des départs anticipés : l’emploi est la situation dominante et les absences de validation sont rares après 25 ans. Les assurés de ces générations ont eu 20 ans avant les premières crises économiques mais ont suivi des études plus longues. L’entrée dans le monde du travail est plus tardive que pour les départs anticipés : il leur faut attendre 25 ans environ pour que plus de 95 % de l’effectif valide au moins un trimestre tous les ans.
Les départs au titre de l’« âge »
41La carrière des femmes ayant liquidé leur retraite au titre de l’âge (65 ans pour le flux 2013, 67 à terme) se distingue de toutes les autres, féminines ou masculines. L’emploi est nettement plus faible, puisqu’à un âge donné, au maximum 55 % d’entre elles ont validé un trimestre à ce titre. Les non-validations sont très fréquentes : au moins la moitié de l’effectif, sauf entre 19 et 22 ans. Elles sont de 65 % à 45 ans, soit près de 20 ans avant la liquidation de la pension, et de 70 % à 60 ans. Les périodes assimilées ne permettent pas de stabiliser la part de femmes validant au moins un trimestre chaque année, à l’inverse des hommes de cette catégorie : dès 30 ans, le pourcentage de femmes ne validant pas de trimestre est inférieur de 20 points à celui des hommes de cette catégorie.
42Pour les hommes, les débuts de carrière sont plus lents que pour ceux partis au titre de la durée, ou même que les femmes parties au titre de l’âge. Le nombre de nés à l’étranger, important dans cette catégorie, qui ont généralement peu validé au titre de la retraite dans leur pays d’origine, influe en moyenne sur le début de carrière.
43Le nombre important d’années sans aucune validation est également élevé. C’est à 26 ans que la part des hommes ayant validé uniquement des trimestres d’emploi est maximale, à savoir la moitié. Elle baisse à partir de 27 ans (inférieure à 40 % dès 38 ans, proche du tiers à partir de 46 ans), compensée par des périodes assimilées, en particulier au titre du chômage. Ainsi, à mesure que l’âge avance, les validations restent toujours proches de 50 %, taux très supérieur à celui des femmes.
Les départs avec décote sur la pension
44Pour les femmes parties avec décote, la part de l’emploi est supérieure à celle constatée chez celles parties au titre de l’âge. Mais les périodes assimilées ne compensent pas la baisse sensible de l’emploi se traduit, après 40 ans, par une augmentation des périodes sans validation. En revanche, la présence d’AVPF est la plus importante, plus du quart de l’effectif entre 30 et 39 ans. L’absence de validation est nettement plus élevée que celui des hommes et cela dès 24 ans, allant de 18 % à 30 ans jusqu’à 75 % à 59 ans, soit un écart de 20 à 30 points.
45Les hommes ayant liquidé avec décote se caractérisent par un pic d’emploi plus tardif : il faut attendre 25 ans pour que 70 % de l’effectif valide au titre de l’emploi uniquement, contre 21 pour les hommes partis au titre de la durée. Contrairement aux autres hommes, l’absence de validation est croissante à partir de 30 ans.
Les départs au titre de la catégorie « inapte, ex-invalide »
46Les femmes ayant liquidé au motif de la catégorie inapte / ex-invalide ont un parcours relativement comparables à celui des hommes, à l’exception de l’importance de l’AVPF entre 20 et 40 ans. Comme pour les types « durée », « âge » ou « catégorie », les validations par l’emploi augmentent au cours de la quarantaine. Les périodes assimilées permettent de compenser la diminution des validations de trimestres par l’emploi. La part de l’invalidité de 10 % à 49 ans, passe à 30 % et plus à partir de 57 ans.
47Les hommes partis au titre de cette catégorie ont des parcours professionnels marqués par une diminution rapide des périodes validées par l’emploi : de 70 % de l’effectif à 30 ans, à 37 % à 50 ans et seulement 5 % à 60 ans. L’invalidité génère également des périodes assimilées (61 % de l’effectif carrière), qui stabilisent ainsi les absences de validation (inférieures à 25 % de l’effectif quel que soit l’âge).
IV – Et pour les générations futures venant à la retraite ?
48Pour ce flux de mono-pensionnés du régime général de 2013, l’écart entre hommes et femmes de durée totale d’assurance est de 13 trimestres, malgré l’apport substantiel de deux dispositifs, l’AVPF et la MDA, compensant de manière efficace mais partielle, les interruptions de carrière pour l’éducation des enfants. A l’heure actuelle, le nombre de bénéficiaires de cotisations à l’AVPF est près de 2 millions, essentiellement des femmes, dont le départ en retraite se situera majoritairement dans plus de 25 ans. À l’évidence l’apport de tels dispositifs, à la diminution des inégalités entre femmes et hommes en matière de retraite, restera très élevé et sur une longue période encore. Qu’en sera-t-il en effet pour les générations ultérieures ?
IV-1 – Les durées d’assurance des cotisants actuels
49L’exploitation de l’Échantillon Inter-régimes de Cotisants (EIC) de 2009 par la DREES, alimenté des données de carrières des régimes de retraite, produit, par générations et âge, les durées d’assurance cumulées entre la première validation et l’année 2009.
50Le cumul des trimestres validés à l’âge de trente ans a augmenté de la génération 1942 à la génération 1950, puis a diminué à partir de la génération 1954. L’obligation de la scolarité jusqu’à 16 ans à partir de la génération 1953, l’allongement des études, en particulier à partir de la génération 1960, ont contribué à cette baisse. La situation économique du moment où les jeunes entrent sur le marché du travail est également important. Elle a contribué à la baisse de la validation de durée pour les générations nées à partir de la fin des années 1950, avec la montée du chômage de la fin des années 1970. Mais à l’inverse, si à la recherche du premier emploi la conjoncture est meilleure, les chances de pouvoir cotiser pour la retraite le sont également, comme pour la génération 1978, qui a connu l’embellie économique de la fin des années 1990.
51L’écart de durée entre hommes et femmes s’est en effet fortement réduit : ainsi, pour la génération 1978, il n’est que d’un trimestre, après avoir été de neuf trimestres pour la génération 1942, conséquence, en particulier, de la participation croissante des femmes au marché du travail.
52Mais il est probable qu’une référence statique, celle de l’âge de 30 ans, soit en partie biaisée par un déport des premières interruptions d’activité professionnelle des femmes, qui ont leur premier enfant nettement plus tardivement que leurs aînées. En 1967, 91 % des femmes qui ont eu leur premier enfant avaient 30 ans ou moins, alors qu’en 2010 elles ne sont plus que 70 %.
53Ensuite, selon l’EIC de 2009, « entre 31 et 50 ans, c’est-à-dire en milieu de carrière, la durée d’assurance validée par les hommes est restée stable au fil des générations, autour de 67 trimestres en moyenne. Elle a crû pour les femmes, tout en restant inférieure à la durée validée par les hommes : 61,1 trimestres en moyenne pour les femmes nées en 1958, contre 52,7 trimestres pour celles nées en 1942 ». Enfin, entre 51 et 59 ans (nées entre 1950 et 1958), les femmes valident 3 à 4 trimestres de moins que les hommes.
54Ainsi, l’augmentation sensible de l’activité professionnelle des femmes a permis un rapprochement sensible de la moyenne de la durée d’assurance, mais d’autres phénomènes jouent en sens inverse, comme l’entrée dans la vie active plus tardive, avec l’allongement de la durée des études, la conjoncture économique au moment du début de carrière (et après), et enfin les réformes des retraites dont la tendance est à l’augmentation de la durée d’assurance requise.
IV-2 – Et en projection ?
55Depuis la création du Conseil d’Orientation des retraites en 2000, les outils de simulation et de projection sur les retraites se sont nettement améliorés, afin d’éclairer les pouvoirs publics et les régimes sur l’avenir du système de retraite, tant sur le plan démographique que financier. Le modèle de micro-simulation « Prisme » de la CNAV permet entre autres de fournir une projection de long terme, dans le champ du régime général, de la durée d’assurance, en simulant les parties de carrières et les conditions de départ en retraite à venir.
56La projection de long terme réalisée pour la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2015 repose sur des hypothèses en termes d’emploi, que l’on peut considérer comme favorables, et sur une réglementation constante (mais intégrant les effets des réformes antérieures : recul des bornes d’âges, allongement de la durée d’assurance, etc.).
57De cette projection (mais ici mono et poly-pensionnés compris), il ressort principalement que l’écart entre la durée moyenne d’assurance validée en cours de carrière des hommes et des femmes continuerait de se réduire fortement au fil des générations passant de 30 trimestres à la faveur des hommes pour la génération 1945 à 18 pour la génération 1980 (hors MDA). Avec la MDA, cet écart passerait de 14 à 4 trimestres. Pour les générations 1945 à 1960 la convergence tient essentiellement à l’amélioration des carrières féminines, puis, à partir des générations suivantes, « la baisse de la durée validée à 30 ans serait plus marquée pour les hommes, davantage touchés par la dégradation de la conjoncture économique, que les femmes ».
58De même que la MDA, l’instauration de l’AVPF en 1972 (et son élargissement en 1985) a un effet important : la durée d’assurance validée à 40 ans devrait moins reculer pour les femmes que pour les hommes entre les générations 1965 et 1975.
Écart entre le nombre moyen de trimestres validés à chaque âge par les femmes et par les hommes d’une même génération
Écart entre le nombre moyen de trimestres validés à chaque âge par les femmes et par les hommes d’une même génération
Mode de lecture : Pour la génération 1950 et à l’âge de 40 ans, la durée d’assurance des femmes est inférieure de 13 trimestres à celle des hommes.Conclusion
59Si cette projection, avec ses hypothèses, se vérifie, la convergence de la durée moyenne d’assurance des femmes aura ainsi pris plusieurs dizaines d’années et ne commencera à devenir réalité que lorsque les générations 1965-1970 arriveront à l’âge de la retraite. Cette évolution positive est à mettre au crédit de l’entrée des femmes dans la vie professionnelle. Par ailleurs, les deux principaux dispositifs, l’AVPF et la MDA, continueront de jouer un rôle amortisseur important, pour les femmes qui ont des enfants et en particulier celles avec des carrières courtes ou avec interruptions.
60Les réformes antérieures ont pour effet d’allonger la durée d’assurance requise. L’entrée dans la vie active est structurellement plus tardive et l’économie n’assure pas, pour l’instant, des carrières continues. Cela entraînera mécaniquement plus de pensions avec décote ou de départs plus tardifs pour éviter cet abattement. Cela touchera d’ailleurs les femmes comme les hommes.
61Mais le niveau inégal des rémunérations professionnelles reste le facteur majeur à l’origine de la différence de pension entre femmes et hommes. Cet écart de salaires ne semble plus se réduire depuis une vingtaine d’années, après ce début de rapprochement pourtant encourageant après 1968. Simple exemple, au régime général, le calcul du salaire annuel moyen est fondé sur les 25 meilleurs salaires annuels : même après un alignement immédiat et total des salaires des femmes à ceux des hommes, bien évidemment purement théorique, celui sur le niveau des pensions mettrait plusieurs dizaines d’années à se concrétiser.
62Il en est de même pour la durée d’assurance. Les évolutions juridiques sur la manière de valider des trimestres ne sont souvent visibles, pour les assurés, qu’au moment fatidique de la valorisation des droits à retraite, soit vingt ou trente ans plus tard.
63D’autres réformes ou refontes de dispositifs de retraite verront le jour. Pour prolonger cette convergence entre femmes et hommes, au moins sur la durée d’assurance, elles devront au minimum être conçues de manière différenciée, selon les situations et les parcours. Ce peut être au prix d’une réglementation restant complexe. Car il est toujours illusoire de vouloir restituer le parcours d’une vie, devant concilier vie familiale, professionnelle, personnelle en une simple unité de compte, indifférenciée, le trimestre…
La durée d’assurance (présentation simplifiée)
1) « À avoir ses trimestres », selon l’expression commune.
Elle correspond à la durée d’assurance cumulée chaque année dans tous les régimes de base, après éventuel écrêtement 4 trimestres les années où le cumul dépasse ce niveau, puis totalisation sur l’ensemble de la carrière. Elle sert à déterminer le taux de liquidation.
Si la durée d’assurance tous régimes atteint celle requise par génération pour obtenir le « taux plein », aucune décote n’est appliquée. Dans le cas contraire, elle est fonction du nombre de trimestres manquant ou de la différence d’âge entre celui du départ et celui où le taux plein est acquis automatiquement (67 ans pour la génération 1955).
À l’inverse, une surcote est appliquée (par le régime de base) à partir du moment où l’assuré a atteint cette durée minimum après l’ « âge légal » (62 ans à partir de la génération 1955) et s’il a continué à travailler après.
Cette référence au « taux plein » est utilisée par certains régimes complémentaires (AGIRC-ARRCO, IRCANTEC, etc.) pour introduire un éventuel abattement.
2) À fixer le montant de la retraite du régime, selon ses propres règles.
Chaque régime cumule le nombre de trimestres que l’assuré y a validés puis le multiplie par le « prix » du trimestre (salaire annuel moyen pour le régime général, indice des six derniers mois pour la fonction publique, par exemple) pour valoriser la pension, après avoir appliqué le taux de liquidation (intégrant une éventuelle décote) puis celui d’une surcote. Des majorations peuvent être opérées (présence d’enfants, minimum contributif, etc.).
Comment cette durée est-elle calculée, de quoi est-elle composée ?
1) De durée cotisée à partir du salaire ou revenu d’activité
Pour les régimes de base du régime général, du régime salarié agricole et du Régime social des indépendants, c’est la référence à un montant de salaire fixé, plus exactement un montant de cotisation, correspondant à 150 heures de SMIC (pour la pension) qui permet de valider un trimestre. Ainsi un assuré dont le salaire est au minimum d’un montant de salaire de 600 heures de SMIC validera 4 trimestres de durée d’assurance cette année-là au titre de l’emploi [5].
Pour les titulaires de la fonction publique, elle est mesurée en vraie durée, à savoir en nombre de jours calendaires, et ramenée en trimestres ou fraction de trimestre. Elle peut être ensuite proratisée selon la durée de travail en cas de temps partiel pour le calcul du montant de la pension.
2) D’autres durées à partir
- de l’Allocation vieillesse des parents au foyer (AVPF), cotisations versées par la branche Famille,
- de cotisations volontaires,
- de « rachats » de trimestres par les assurés (Versement pour la retraite), dispositif de la réforme 2003. Entre 2004 et 2015, il a été utilisé seulement 43 900 fois, la part des femmes ne constituant que 13 % des acheteurs.
- de « périodes assimilées » (à des trimestres) au titre de la maladie, d’un accident du travail, du chômage indemnisé (et, dans certains cas, non indemnisé), au titre de la maternité, du service militaire, de l’invalidité. Il s’agit le plus souvent de décomptes à partir des périodes indemnisées.
Bibliographie
Bibliographie
- BONNET C. et HOURRIEZ J-M. « Inégalités entre hommes et femmes au moment de la retraite en France », « Femmes et Hommes, Regards sur la parité », INSEE, 2012.
- Conseil d’Orientations des retraites. « La prise en compte pour la retraite des périodes d’interruption d’emploi involontaire » 12e rapport du COR, pp. 105-121, 2013.
- Conseil d’Orientations des retraites. « Retraites, droits familiaux et conjugaux », 6e Rapport du COR, 2008.
- Direction de la sécurité sociale. « Les Comptes de la sécurité sociale - Juin 2015 », L’assurance vieillesse des parents au foyer, pp 136-139, 2015.
- Direction de la sécurité sociale. « Les Comptes de la sécurité sociale - septembre 2015 », « Les durées d’assurance validées par les actifs pour leur retraite au régime général », pp 136-139, 2015.
- DREES. « Les retraités et les retraites » Édition 2016 - Panorama de la DREES, 2016.
- INSEE. « INSEE Première » N°1419, 2012 - « Un premier enfant à 28 ans », INSEE, 2012.
- PAILHÉ A., SOLAZ A. « Durée et conditions de retour à l’emploi des mères après une naissance », « Retraite et Société », 2012/2 (n° 63).
Notes
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[1]
Il s’agit d’une exploitation exhaustive du flux de mono-pensionnés de 2013, à savoir effectif de 343 000 et non d’un échantillon. Elle a été réalisée par Mélina RAMOS-GORAND (Direction Statistiques, prospective et recherche, CNAV).
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[2]
Une exploitation a été réalisée sur les poly-pensionnés ayant cotisé plus de 50 trimestres au régime général. La part des trimestres validés par l’emploi est supérieure à celle des mono-pensionnés (90 % vs 85 %). L’importance des périodes assimilées et de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) diminue en conséquence : maladie moins de 1 %, chômage 6 %, AVPF 2 %, les autres trimestres (périodes militaire ou invalidité) représentent également 2 %.
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[3]
Elle a été instituée au régime général en 1972 par la loi BOULIN du 31 décembre 1971, à ce moment au profit des seules mères de famille.
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[4]
Le type « dispositif lié au travail » (pénibilité et amiante) ne sera pas développé dans la suite de l’article.
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[5]
Ces 600 heures correspondent à 37 % du temps de travail légal de 35 heures, avec un salaire au SMIC. Un salaire plus élevé mais avec un nombre d’heures inférieur à 600 heures de travail permet de valider également 4 trimestres. La référence antérieure à la réforme 2014 était de 800 heures de SMIC.