Recherche et formation : Joëlle Zask, vous êtes philosophe, et vous vous intéressez non seulement à l’éducation, mais plus précisément à l’éducation artistique. Je dis « non seulement », car le fait – l’intérêt pour l’éducation – n’est pas si courant dans la corporation des philosophes. Ce que j’aimerais connaître, ce sont les raisons personnelles et philosophiques – j’insiste sur ces deux points – qui vous guident dans cet intérêt.Ce n’est plus si courant mais, dans une certaine mesure, ce le fut ! La philosophie politique dont je suis au départ spécialiste repose traditionnellement sur une théorie de l’éducation appropriée. De La République de Platon au Contrat social de Rousseau, de la doctrine du droit de Kant à la république équitable de Rawls, la question de savoir comment former les citoyens sans lesquels les institutions et autres mécanismes seraient vains, est centrale. Ceci étant, deux attitudes sont possibles : soit vous postulez tel principe politique et vous demandez ensuite comment produire les sujets humains capables de porter, voire simplement d’apprécier, ces principes, ou alors vous partez de ce que veut dire « éduquer » et imaginez des dispositions politiques adaptées aux besoins de croissance de chacun. Je pense que le terme « éducation » ne convient qu’à la seconde attitude, tandis que la première est plus justement appelée instruction, endoctrinement, dressage, voire conditionnement, etc., selon les cas. C’est bien sûr la seconde qui m’intéresse, et ce d’autant plus que j’ai pris pour habitude, à la suite de Jefferson, Tocqueville et autres grands penseurs de la démocratie, de penser les rapports politiques sous l’angle des mœurs, des conduites ordinaires, des modes et des formes de vie, plus que sous celui des institutions et autres mécanismes « seulement légaux » comme disait Dewey…