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Article de revue

La recherche de rente en Europe : facteurs institutionnels et politiques de la vitesse de réduction des protections nationales des marchés

Pages 119 à 144

Notes

  • [*]
    EM Strasbourg-Business School, Université de Strasbourg (LaRGE), et Sciences Po, LIEPP abel.francois@unistra.fr
  • [**]
    Sciences Po, Paris, Centre d’Études Européennes, et Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques
    nicolas.sauger@sciences-po.fr
  • [1]
    Sur cette question, voir notamment Brou et Routa [2006].
  • [2]
    Ajoutons également à ce niveau la possibilité de négocier des mesures de compensation ou des exemptions spécifiques.
  • [3]
    Pour une présentation générale de la littérature de la recherche de rente, on se réfèrera notamment à Tollison [1982, 1997], et Brooks et Heijdra [1989], ainsi que Del Rosal [2011] et Congleton et al. [2008] pour les plus récentes.
  • [4]
    Sur la question de la clarté de la responsabilité, voir Powell et Whitten [1993].
  • [5]
    Les données sont accessibles à partir du site http://www.oecd.org/eco/pmr. L’annexe 1 donne un aperçu de l’articulation des indicateurs proposés par l’OCDE. L’indicateur est calculé tous les 5 ans, et est donc disponible pour les années 1998, 2003 et 2008.
  • [6]
    Voir annexe 1.
  • [7]
    Cette réduction des rentes au niveau agrégé par pays et par secteur peut tout à fait recouvrir des situations contrastées avec à la fois des accroissements de protection (recherche de rente offensive) et des recherches de rentes défensives selon les secteurs des différents pays.
  • [8]
    Les variables sont présentées dans l’annexe 2.
  • [9]
    Il est à noter que pour les périodes de 5 ans, les trois variables sont faiblement corrélées : le coefficient de corrélation simple n’est jamais supérieur à 0,35.
  • [10]
    Les coefficients correspondant aux deux types de modes de scrutin proportionnel sont significatifs par rapport au système majoritaire, mais il n’y a pas de différences significatives entre eux.
  • [11]
    Les questions du commercial international et plus généralement de la globalisation ou de la mondialisation font régulièrement partie de l’agenda politique.
  • [12]
    Il est à noter que l’effet se maintient même lorsqu’on exclut de l’estimation le taux de chômage.

1. Introduction

1 Dans l’esprit du Traité de Rome de 1957, et plus particulièrement dans les faits depuis l’Acte unique de 1986, l’intégration européenne s’est construite par le marché, dans une logique de réduction des barrières à l’échange entre les pays et d’intégration des marchés nationaux (Jabko [2009]). L’histoire de l’Union Européenne (UE), élargie à l’Espace Économique Européen (EEE) depuis le milieu des années 80, est d’abord celle d’une libéralisation progressive des économies nationales avec l’objectif de créer un marché européen unique et intégré. L’un des instruments principaux en a été une harmonisation progressive mais aujourd’hui encore largement inachevée des réglementations des marchés nationaux. L’intégration européenne vise donc, au moins en partie, à abolir les rentes des producteurs nationaux par un accroissement de la concurrence [1].

2 Pour autant, le rythme et la capacité d’adaptation des États membres à ces modifications sont contrastés. Les études européennes se sont ainsi attachées à comprendre les mécanismes de transposition des directives et règlements européens (par exemple Falkner et al. [2005]). Le constat auxquelles elles aboutissent le plus souvent est que, même si l’absence de transposition nationale reste aujourd’hui rare, une part importante des décisions publiques, et ce notamment dans le domaine économique, reste du ressort des autorités nationales (Brouard et al. [2012]). Ainsi, les États ont conservé une autonomie de décision, variable suivant les domaines, mais persistante y compris dans l’organisation des marchés des biens et des services. La dynamique de libéralisation des marchés nationaux reste de ce fait diverse à l’intérieur de l’EEE.

3 Les théories de la recherche de rente nous ont montré, depuis les travaux pionniers de G. Tullock [1967] et A. Krueger [1974], que les acteurs des marchés sont prêts à engager des ressources dans le processus politique afin d’obtenir des interventions publiques leur assurant des positions à l’origine de détournement de surplus économique. Or ces théories ont du mal à expliquer les divergences constatées dans le succès ou l’échec des activités de recherche de rente, notamment entre pays. En effet, nous pouvons faire le constat que la littérature est profondément structurée par le cadre institutionnel états-unien, qu’il s’agisse d’ailleurs des théories de la recherche de rente qui insistent sur le détournement de ressources ou des théories de la capture (avec à l’origine les travaux de Stigler [1971] et Posner [1975]) qui insistent sur les modalités réglementaires. La variabilité des protections des marchés, c’est-à-dire les résultats tangibles des activités de recherche de rente, peut être expliquée, selon nous, par le contexte institutionnel et politique spécifique des pays.

4 L’idée défendue dans cet article est que si l’intégration européenne détermine un processus général de réduction des protections des marchés donc des rentes, il reste une part de variance inexpliquée dans le rythme des changements observés. Celle-ci résulte, selon nous, des effets de la compétition politique et à l’action des groupes d’intérêt au niveau national. En d’autres termes, nous attribuons ici à des facteurs politico-institutionnels nationaux les résultats de la recherche de rente dans les pays européens. Contrairement à une part croissante de la littérature sur l’action des groupes d’intérêt en Europe (par exemple, Mahonney [2008] et Wonka et al. [2010]), nous nous situons ainsi volontairement au niveau national pour l’étude des effets de l’action des groupes de pression.

5 Pour mener à bien notre démonstration, nous proposons d’approfondir la connaissance des modalités d’influence et de capture en mobilisant les résultats de la science politique afin d’adapter la théorie de la recherche de rente au cadre européen. Celui-ci se caractérise par au moins trois éléments principaux : une superposition des niveaux de décision entre le supranational et le national qui laisse une marge de manœuvre très importante au national ; des stratégies d’influence utilisant peu le financement politique ; et enfin, une tendance générale à la réduction des protections des marchés induisant une recherche de rente nationale principalement défensive. Ainsi, l’intégration européenne offre un cadre empirique particulièrement pertinent. D’un côté, la dynamique de libéralisation est identique pour tous les pays une fois les décisions prises au niveau européen puisqu’elle est, par définition, d’origine supranationale. D’un autre côté, il reste une marge de manœuvre appréciable au niveau national soit en raison de la souveraineté propre des États soit par la latitude d’action demeurant dans la mise en œuvre nationale de ces décisions européennes [2]. Il reste ainsi bien un espace important pour l’activité des groupes d’intérêt, au niveau national, pour influencer cette dynamique de libéralisation. C’est dans ce cadre que nous menons une analyse empirique sur 18 pays européens membre de l’OCDE et de l’EEE concernant la vitesse de réduction du niveau agrégé de protection de leurs marchés des produits entre 1998 et 2008. Le but est d’estimer le poids des éléments institutionnels et politiques sur ces vitesses, une fois contrôlées les incidences des évolutions macroéconomiques.

6 La suite de notre article est organisée de la manière suivante. La prochaine section présente rapidement la théorie de la recherche de rente et comment elle peut être reliée aux travaux de la science politique pour prendre en compte les facteurs politiques et institutionnels. Nous discutons par la suite (section 3) de la recherche de rente dans le cadre européen, ce qui nous permet de présenter notre méthodologie d’estimation empirique (section 4) dont les résultats sont commentés dans la section 5.

2. La recherche de rente : une perspective politico-économique

7 L’objet de cette section est de faire un point rapide sur les théories de la recherche de rente, puis de voir en quoi les éléments politiques et institutionnels, tels qu’ils ont été mis en évidence par la science politique, peuvent influencer les activités de recherche de rente.

2.1. Les théories de la recherche de rente

8 Les théories de la recherche de rente ont été développées depuis les années 1970, notamment à partir des travaux pionniers de Tullock [1967] et Krueger [1974]. La rente est définie comme le fait que les prix de marché s’écartent durablement des prix de concurrence (ou du prix mondial) à la suite d’une intervention publique. Elle est maximum lorsque cette décision publique octroie un monopole réglementaire à un producteur unique du marché. Cela se traduit, d’une part, par le fait que les facteurs de production sont durablement rémunérés à un niveau supérieur à leur productivité marginale, et d’autre part, par un transfert de surplus des consommateurs vers le ou les producteurs. Cette rente devient l’enjeu de la décision publique, et son anticipation incite les groupes d’intérêt à engager des ressources auprès des décideurs publics afin de la rendre effective. En ce sens, la recherche de rente correspond à « l’ensemble des activités consistant en la dépense de ressources rares dans le but de capter un transfert artificiellement créé » (Tollison [1982]) et est donc à l’origine d’un gaspillage de ressources, d’une perte sociale, comparativement aux activités de recherche de profits qui créent de la valeur (Buchanan [1980]).

9 Partant de cette définition, deux mouvements dans cette littérature peuvent être distingués [3]. Une première approche s’efforce de modéliser le jeu qui s’instaure autour de la décision publique entre les acteurs qui cherchent à bénéficier de la rente. A partir d’un modèle initial de loterie, les travaux théoriques se sont attachés à étudier les effets des dépenses engagées dans la recherche de rente sur le résultat de la compétition où la dépense est un déterminant parmi d’autres (Tullock [1980]) ou bien le facteur unique (Hillman et Samet [1987]). Ils ont débouché sur une généralisation s’appuyant sur les contest success functions (Skaperdas [1996]) qui ont fait l’objet d’une littérature de plus en plus volumineuse. Une seconde approche a tenté de mesurer le coût social engendré par les activités de recherche de rente, c’est-à-dire à la fois la perte sociale sèche due à l’instauration d’un monopole, mais également le gaspillage de ressources pour obtenir la position de monopole. Dès le départ, ces estimations se sont concentrées sur les politiques commerciales (Krueger [1974]).

10 Les théories de la recherche de rente ont donc cherché premièrement à comprendre le rendement et le coût d’acquisition ou de maintien de la rente et deuxièmement à évaluer le coût social de cette activité. L’étude présentée ici s’inscrit explicitement dans la première perspective. Dans le contexte des pays européens, la quantification des ressources affectées à la recherche de rente reste toutefois très difficile au-delà d’études monographiques. La question soulevée est alors moins celle du rendement de la recherche de rente que celle de ses effets.

2.2. Les influences institutionnelles et politiques sur la recherche de rente

11 L’idée que le contexte institutionnel et politique influence l’efficacité de la recherche de rente n’est pas une idée nouvelle (pour une syntèse, cf. par exemple Grossman et Saurugger [2012]). Par exemple, pour Rasmusen et Ramseyer [1994], le morcellement du pouvoir politique pousse le prix d’une rente à la diminution. Il y a un problème de coordination dans les parlements : lors du vote d’une loi, il existe des externalités négatives sur les autres parlementaires, via le mécontentement de l’électorat. Si la coordination est possible, l’échange de votes se fait au prix maximum pour compenser les externalités négatives. D’où un dilemme du prisonnier avec comme résultat l’absence de coordination, et au final, la rente est vendue pour un montant faible.

12 La science politique a également largement insisté sur le rôle des facteurs politiques et institutionnels pour comprendre l’efficacité de l’action des groupes de pression. On peut essayer de systématiser ces propositions comme relevant de trois domaines différents : la congruence entre objectifs de recherche de rente et contexte idéologique ; le pluralisme et l’intensité de la concurrence dans la lutte pour l’influence politique ; la complexité du système politique. Il ne s’agit pas pour nous de présenter les influences précises des différents éléments par une théorie générale des facteurs politico-institutionnels de la recherche de rente, mais de déterminer quels éléments peuvent avoir a priori une incidence sur la recherche de rente.

13 L’idée de congruence entre recherche de rente et contexte idéologique repose sur une idée simple : la recherche de rente est d’autant plus efficace qu’elle est favorisée par la convergence entre les objectifs des groupes d’intérêt et les préférences de l’électorat. S’il existe un coût social de la rente, cette rente peut néanmoins être soutenue si elle favorise une clientèle importante ou bien si elle s’aligne sur les objectifs idéologiques d’une large part de l’électorat. Les freins opposés à la libéralisation des marchés peuvent tenir aussi bien à la recherche d’une rente défensive qu’une prise de position idéologique a priori défavorable à la libéralisation, d’autant plus probable que l’on se situe à gauche en Europe (par exemple Quinn et Toyoda [2007]). De manière complémentaire, la science politique a pu également montrer la convergence des préférences entre grands acteurs économiques et gouvernement par des effets de socialisation ou par mobilité fréquente entre ces sphères jusqu’à un point où, paradoxalement, des groupes d’intérêt ont pu être caractérisés comme porteurs des intérêts de gouvernements nationaux (Woll [2008]).

14 Pluralisme et compétitivité du processus de lutte pour l’influence politique ont également été largement rapprochés de l’idée d’efficacité de recherche de rente. Lijphart [1999] notamment a montré l’existence empirique d’une corrélation entre type d’organisation des groupes d’intérêt, architecture plus majoritaire ou plus proportionnelle du système politique, et effets sur les politiques publiques. L’opposition entre organisation de type pluraliste (multiplicité des groupes, lutte sur un marché relativement ouvert de l’influence politique) ou néo-corporatiste (cooptation par le gouvernement de groupes d’intérêts dominants dans leurs secteurs au sein même du processus de décision publique) a été de ce point de vue fondatrice. Le système néo-corporatiste peut être interprété comme un système d’institutionnalisation de la rente des partenaires économiques et sociaux dominants. Dès lors que leur monopole de représentation ne leur est pas contesté, ces groupes dominants devraient donc avoir un biais conservateur observable.

15 La troisième grande perspective ouverte sur les déterminants politico-institutionnels de la recherche de rente est celle de la « complexité » du système politique. La complexité est d’abord celle du nombre d’acteurs impliqués dans le processus de décision. Un plus grand nombre de joueurs de veto, associé à des modes de désignation différents, augmente très fortement la stabilité du statut quo (Tsebelis [2000]). Tout changement de politique publique est de ce fait moins probable, ou tout du moins plus difficile à obtenir. Ce nombre de joueurs de veto peut tenir tant à l’architecture territoriale du système (fédéralisme), à l’organisation des pouvoirs législatifs et exécutifs (régimes parlementaires, semi-présidentiels ou présidentiels, bicaméralisme) qu’à la propension à former de larges coalitions, ou chacun des partenaires détient dès lors un veto effectif sur les décisions. La perspective ouverte par cette question de la complexité du système est néanmoins contrebalancée pour partie par la démonstration de la plus grande difficulté à faire jouer la question de la responsabilité politique dans ce contexte [4]. L’idée est ici que la complexité du système politique diminue la possibilité de mise en œuvre d’une logique d’évaluation rétrospective de l’action gouvernementale des partis. Dès lors, la complexité du système peut diminuer de fait la pression électorale sur la décision publique.

16 Dans ce cadre, l’influence des éléments politiques et institutionnels peut donc se faire à au moins trois niveaux. Premier niveau, les modalités et stratégies de l’influence des groupes de pression peuvent être directement modifiées par ces éléments. Par exemple, une réglementation interdisant le financement privé de la politique limite considérablement les choix stratégiques de pression pour les groupes d’intérêt et les oblige à se concentrer sur la production et la diffusion d’information. A un deuxième niveau, l’efficacité de l’activité de pression peut également être influencée par les éléments politiques et institutionnels. Par exemple, la dispersion du pouvoir, soit entre l’exécutif le législatif et l’administratif, soit entre les membres d’une coalition au pouvoir peut modifier le succès de l’activité des groupes. A un troisième niveau, l’ampleur des réactions des décideurs publics aux sollicitations des groupes est également affectée par des contraintes politiques ou institutionnelles. Par exemple, les préférences politiques de l’électorat ou le calendrier électoral peuvent réduire l’amplitude des réponses des décideurs publics aux pressions des groupes.

17 Il nous faut maintenant envisager la recherche de rente, et l’influence des éléments politiques et institutionnels sur les recherches de rentes nationales, dans le cadre européen.

3. La recherche de rente nationale dans le cadre européen

18 La décision publique en matière économique dans le contexte de l’UE, et plus largement de l’EEE, se caractérise par trois éléments fondamentaux : le premier porte sur les niveaux de compétence, le deuxième sur les objectifs de la recherche de rente dans le cadre européen, et le dernier sur les modalités d’influence.

19 Le système de décision en matière de réglementation économique au sein de l’UE enchevêtre au moins deux niveaux : le niveau européen et le niveau national. Du fait de la hiérarchie des sources juridiques, il y a une prédominance du niveau supranational sur le niveau national. Cette caractéristique est renforcée par le fait que les décisions européennes en matière économique se prennent à la majorité depuis l’Acte Unique Européen de 1986, constituant ainsi une vraie structure de type fédéral. Pour autant, les institutions européennes n’ont pas compétence pour toutes les composantes de la réglementation économique et n’interviennent pas sur l’ensemble des sujets économiques. De plus, les autorités nationales agissent d’une part sur les délais de transposition des décisions européennes dans les législations nationales et d’autre part sur leurs modalités d’application. C’est notamment le cas autour des questions de normes et de standards de produit (Casella [2001]). Ces éléments font qu’en définitive l’européanisation des décisions nationales publiques est plus un « mythe qu’une réalité » (Brouard et al. [2012]). Dans un ouvrage récent (Brouard et al. [2012]) portant sur les législations de huit états membres de 1986 à 2008, les auteurs ont montré qu’en fonction du pays, l’européanisation de la législation nationale est de l’ordre de 10 à 30 %. Ce résultat est d’autant plus étonnant que la littérature scientifique, souvent dans une perspective de comparaison avec les USA, s’est énormément focalisée sur l’action des groupes d’intérêt au niveau des institutions européennes (voir notamment Klüver [2011 et 2012]), le niveau national étant nettement moins traité, et ce notamment dans une perspective comparative.

20 Le deuxième élément porte sur les objectifs de la recherche de rente menée par les groupes d’intérêt en Europe. La dynamique réglementaire européenne est caractérisée, dans sa globalité, par une tendance à la réduction des protections et donc au final à la disparition des situations octroyant des rentes. Cette tendance peut s’expliquer par deux phénomènes. Premièrement, les avancées en matière d’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires dans le cadre des négociations du GATT puis de l’OMC jouent un important rôle dans l’ouverture des marchés domestiques à la concurrence étrangère, notamment intra-européenne. Deuxièmement, le processus d’intégration régionale européen, dès le Traité de Rome et relancé par l’Acte unique européen dans le cadre de l’Espace Économique Européen, poursuit un objectif d’intégration des marchés qui s’appuie sur une politique de réduction des barrières à la circulation des marchandises et des facteurs de production, quel que soit leur type, ainsi que sur une libéralisation des marchés intérieurs (Parsons [2003]). La conséquence de ce processus est que la recherche de rente nationale dans le cadre européen est principalement une recherche de rente défensive, c’est-à-dire dont l’objectif est la préservation des positions réglementaires nationales favorables à l’origine de la rente. Dit autrement, la majeure activité des groupes d’intérêt est d’obtenir une modification des règles au niveau national qui permette de conserver leur position sur les marchés nationaux ou européens ou tout du moins de limiter les effets de la perte de la position réglementaire impulsée par la décision européenne. Dans ce cas, on ne peut pas parler de recherche de rente offensive. La préexistence de la rente permet aux producteurs, de manière individuelle dans le cas extrême du monopole ou au travers de groupes de pression, d’avoir des ressources à engager afin de maintenir la rente. Ceci peut être considéré comme une recherche de rente défensive.

21 Le dernier élément porte sur les modalités de la pression exercée par les groupes d’intérêt sur les décideurs publics. Deux observations peuvent être faites. L’une concerne le niveau européen, la seconde le niveau national. Au niveau européen, l’activité des groupes de pression est institutionnalisée ; des modalités explicites organisent leur participation au processus de la décision publique. De plus, les groupes de pression ne font pas face à des décideurs publics élus directement. Au niveau national, le financement des campagnes électorales n’est pas l’une des modalités privilégiées de la pression, notamment en raison des réglementations contraignantes en termes de financement des partis et des campagnes (Grossman et Sauger [2007], Gunlicks [2000] ; Ewing et al. [2011]). Il en résulte que, quel que soit le niveau considéré, l’activité des groupes d’intérêt en Europe passe peu par le financement politique. Elle passe donc plus par la production d’information à destination du grand public ou des décideurs publics. Cette caractéristique démarque la zone européenne des USA tant au niveau fédéral que national, mais également des modèles théoriques de pression qui s’appuient généralement sur un financement direct des campagnes électorales ou des partis (Grossman et Helpman [2001]).

22 Au final, il apparaît donc que la structure et le fonctionnement institutionnel européens laissent une large part aux activités de recherche de rente au niveau national, c’est-à-dire vis-à-vis des décideurs publics nationaux. Il apparaît également que ces activités sont principalement une recherche de rente défensive face aux décisions prises au niveau européen. Enfin, cette pression ne prend pas la forme d’un financement politique direct. Dès lors, ces caractéristiques renforcent la nécessité de prendre en compte les spécificités politiques et institutionnelles des pays européens dans les mécanismes de recherche de rente nationale.

4. Présentation de l’analyse empirique

23 Afin d’étudier empiriquement les effets des contraintes politiques et institutionnelles sur la recherche de rente, nous menons une analyse de la protection des marchés de produits dans 18 pays européens. La mesure de la protection est celle proposée par l’OCDE et est détaillée dans un premier temps avant de nous attarder sur les variables explicatives rendant compte de ces contraintes.

4.1. Mesures de la recherche de rente nationale

24 La mesure directe de la recherche de rente, c’est-à-dire la quantification des ressources engagées par les groupes de pression, est quasiment impossible dans une optique comparatiste. En effet, cela suppose de distinguer et mesurer toutes les modalités et les stratégies développées par les groupes à destination des hommes politiques et de l’opinion publique. Par exemple, il est nécessaire de connaître les dépenses des groupes de pression afin de produire de l’information d’influence. Cela suppose également, à des fins de comparaisons internationales, que les modalités soient identiques entre les pays.

25 Face à cette difficulté à mesurer directement la recherche de rente, nous utilisons une mesure en termes de résultats, c’est-à-dire directement les dispositions réglementaires à l’origine des rentes obtenues grâce aux pressions des groupes. Cette mesure nous est donnée par l’OCDE qui propose depuis 1998 un indicateur de protection des marchés de produit [5]. Il s’agit d’un indicateur composite résumant un large éventail de différentes dispositions réglementaires des pays étudiés à la fois par type de politique publique, par modalité d’intervention et par secteur d’activité. L’information est obtenue par l’OCDE à travers une collecte minutieuse des données administratives et réglementaires. Nicoletti et al. [2000], Conway et al. [2005] et Wölfl et al. [2009] présentent de manière détaillée la construction des indicateurs. La logique de sa construction fait que l’augmentation de l’indicateur traduit une plus grande part d’intervention sur le marché des produits, et par là-même une rente plus importante pour les acteurs nationaux en bénéficiant. Parmi les indicateurs proposés, nous en avons sélectionné trois. Le premier correspond à l’indicateur le plus global fourni par l’OCDE. Les deux autres correspondent à la décomposition entre les réglementations à visées internes, c’est-à-dire dirigé vers l’économie domestique, et les réglementations à visées externes, c’est-à-dire orientées vers les flux économiques avec le reste du monde. Dans l’arborescence des indicateurs établie par l’organisation, le premier indicateur regroupe les deux sous-catégories : « contrôle étatique » et « barrières à l’entrepreneuriat » alors que le second correspond à la sous-catégorie « barrières au commerce et à l’investissement » [6].

26 Pour des raisons de disponibilités de données, à la fois concernant l’étude de l’OCDE sur la protection des marchés et les données institutionnelles et politiques, nous travaillons sur 18 pays européens pour trois dates qui correspondent aux trois dates de mesure de l’indicateur : 1998, 2003 et 2008. Il s’agit de l’Autriche, de la Belgique, de la République Tchèque, du Danemark, de la Finlande, de la France, de l’Allemagne, de la Grèce, de la Hongrie, de l’Irlande, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Pologne, du Portugal, de l’Espagne, de la Suède et de la Suisse. Nous pouvons remarquer que le panel de pays est varié puisqu’on y trouve les pays à l’initiative de la construction européenne, des pays qui n’appartiennent pas à l’UE, des pays l’ayant rejoint récemment, des pays anciennement communistes, etc. Mais tous font partie de l’EEE, à l’exception de la Suisse qui a un statut particulier vis-à-vis de l’accord européen. L’ensemble de ces pays sont donc placés sous l’obligation des décisions communautaires en ce qui concerne la réalisation du marché unique européen.

Figure 1

Indicateurs de protection des marches de produits pour les 18 pays de l’étude

figure im1

Indicateurs de protection des marches de produits pour les 18 pays de l’étude

OCDE, compilé par les auteurs

27 En moyenne pour les 18 pays de notre étude, il apparaît assez nettement (figure 1) que le niveau global de protection des marchés a largement diminué sur les 10 ans de la période d’étude puisqu’il est passé de 2,3 à 1,4. Mais la diminution a été plus forte entre 1998 et 2003 qu’entre 2003 et 2008.

28 De la même manière, les indicateurs interne et externe ont également diminué sur la période avec une diminution moins marquée au cours du deuxième intervalle de temps. On peut également noter, qu’en moyenne, les niveaux de protection sont nettement plus élevés pour la protection interne que pour la protection externe.

29 Par pays, nous constatons des situations contrastées, particulièrement en ce qui concerne les variations des trois indicateurs entre les trois dates d’étude (figure 2). Ainsi, beaucoup de pays ont connu une diminution des niveaux de réglementation, tant interne qu’externe, comme la France ou l’Espagne. D’autres pays ont connu des évolutions moins nettes comme le Danemark dont c’est la protection externe qui a augmenté entre 1998 et 2003.

30 Le niveau de protection des marchés des produits dans un pays est le résultat d’une accumulation de réglementations et d’interventions publiques passées. En ce sens, sa mesure à un moment donné est le résultat d’un processus historique, d’une accumulation de décisions publiques et de l’activité passée des groupes de pression. Partant de ce constat, il paraît difficile d’expliquer les niveaux absolus atteints par les pays. C’est pourquoi, malgré la perte d’information induite, nous analysons la variation de la protection entre les trois dates de mesures de l’OCDE, à savoir entre 1998 et 2003 et entre 2003 et 2008. En d’autres termes, nous allons étudier la vitesse d’évolution de la protection des marchés de produits et non son niveau. Cela correspond alors au fait que plus cette réduction est faible, et plus la recherche de rente défensive est efficace puisqu’elle permet de limiter les pertes de positions réglementaires favorables.

Figure 2

Variations des indicateurs de protection par pays

figure im2

Variations des indicateurs de protection par pays

OCDE, compilé par les auteurs

31 En plus de la description des taux d’évolution donnée par le graphique 2, le tableau 1 détaille statistiquement les variables. On observe bien que, en moyenne, les protections diminuent sur les deux périodes avec une réduction plus marquée pour la première. De même, les diminutions sont équivalentes entre protection interne et externe pour la première période mais le ralentissement est plus net pour la protection interne. Enfin, la variance entre pays est plus élevée dans le cas de la protection externe lors de la période 1993/1998, la différence se réduisant pour la seconde.

32 Ces deux observations, à savoir une tendance à la diminution des protections et un différentiel de protection entre marché interne et flux externe, valident nos deux constats généraux présentés précédemment. D’une part il existe une variance importante entre les états membres quant au niveau de protection des marchés domestiques. D’autre part, la tendance est à la diminution de ces protections. Cette tendance très claire à la diminution de la protection des marchés telle que mesurée par l’OCDE a une conséquence empirique. Cela confirme bien, qu’au moins au niveau agrégé, la recherche de rente dans les pays européens étudiés est une recherche de rente défensive [7].

4.2. Les variables explicatives

33 A partir des développements précédents, quatre ensembles de variables [8] peuvent être mis en avant pour expliquer la variation des protections des marchés nationaux que nous venons de décrire.

34 Le premier ensemble regroupe trois variables portant sur la structure étatique et administrative. Il s’agit de l’opposition entre état unitaire et état fédéral (ou confédéral), de la qualité de l’administration, mesurée par son impartialité, et enfin de l’ancienneté d’adhésion à l’Union Européenne. A l’exception de la dernière variable qui est mesurée au début de chaque période, les deux autres variables sont constantes dans le temps. Ces variables cherchent à retranscrire les effets structurels de l’appareil politico-administratif sur les activités de recherche de rente. De plus, la variable sur l’ancienneté contient deux informations : le fait d’appartenir à l’UE (la variable est non nulle) et l’ancienneté de l’appartenance.

Tableau 1

Variations des protections des marchés nationaux

1993/1998 1998/2003 Ensemble
Variation de l’indicateur de la moy e.t. min max moy e.t. min max moy e.t. min max
protection interne – 23,93 6,98 – 41,01 – 8,94 – 16,14 11,56 – 42,98 0,83 – 20,03 10,20 – 42,98 0,83
protection externe – 23,19 31,87 – 65,25 60,64 – 19,67 26,86 – 75,25 35,07 – 21,43 29,10 – 75,25 60,64
protection totale – 25,67 6,46 – 37,58 – 13,88 – 20,03 9,29 – 38,53 – 7,89 – 22,85 8,39 – 38,53 – 7,89
figure im3

Variations des protections des marchés nationaux

35 Le deuxième ensemble de variables retrace le contexte politique et électoral. Les deux premières variables nous informent sur les préférences politiques des électeurs. Elles concernent leur placement sur l’échelle gauche-droite d’une part, leurs préférences idéologiques en matière économique, mesurée par leur évaluation de la concurrence, d’autre part. Ces deux variables sont invariantes dans le temps. Cette invariance résulte du fait que ces mesures ont lieu au milieu des deux périodes. Elle limite les risques d’endogénéité, et se justifie d’autant plus qu’il s’agit de variables dont les évolutions sont lentes. Elles sont issues des enquêtes World Value Survey pour lesquelles ces questions sont posées de manière totalement décontextualisée. La variable suivante mesure le nombre d’années de la période durant lesquelles le chef de l’exécutif appartient à un parti de droite. Le pouvoir du parlement dans le système de décision politique est également pris en compte par une variable invariante dans le temps. Le calendrier électoral est intégré à l’estimation au travers du nombre d’élections législatives ou exécutives se déroulant durant la période. La dernière variable, invariante, correspond au niveau de proportionnalité du mode de scrutin pour la chambre basse du Parlement national (en trois catégories).

36 Le troisième groupe de variable traite des éléments structurant l’activité des groupes de pression. Il s’agit, premièrement, des modalités de financement des campagnes électorales. Il s’agit ici notamment de distinguer les pays où les contributions des entreprises et des syndicats sont interdites ou non. Deuxième canal d’influence des groupes, la production d’information est prise en compte par, d’une part, le nombre de think tank par habitant dans le pays et, d’autre part, les niveaux d’influence des acteurs économiques sur les producteurs d’information. Cette dernière variable, proposée par l’institut Freedom House, donne une indication de la liberté des médias vis-à-vis des pouvoirs économiques. L’idée est de savoir si les médias peuvent être considérés comme des relais des groupes de pression ou s’ils en sont totalement indépendants.

37 Enfin, le dernier ensemble de variables explicatives correspond aux contraintes économiques qui peuvent peser sur les décideurs publics. Nous avons retenu cinq variables macroéconomiques. La part des recettes publiques dans le PIB cherche à mesurer un effet éventuel de substitution pour le décideur public entre l’usage de l’outil réglementaire et l’usage de l’outil redistributif pour intervenir dans l’économie. Le degré d’ouverture de l’économie au commerce international, mesuré par la somme des importations et des exportations sur le PIB, doit nous renseigner sur la contrainte externe qui peut peser sur les décisions publiques nationales. De même, nous introduisons les trois variables macroéconomiques classiques du soutien politico-économique aux gouvernements : le taux de croissance du PIB, le taux de chômage et le taux d’inflation [9].

38 Au-delà de leur signification, ces variables économiques soulèvent deux difficultés méthodologiques. La première difficulté est que la causalité de leur relation avec les niveaux de protection des marchés n’est pas univoque. Si nous supposons qu’elles influencent les décisions publiques en matière de réglementation des marchés, il est également évident que le niveau de réglementation des marchés influence les résultats macroéconomiques d’un pays (voir notamment Acemoglu et al. [2005]). La seconde difficulté est le fait que nous travaillons sur l’évolution de la réglementation des marchés sur une période de temps de cinq ans. Or on ne sait pas a priori à quel moment les contraintes économiques influencent la décision publique. Pour résoudre ces deux difficultés, nous avons décidé d’une part de prendre en compte les résultats économiques durant la période précédant la période de la variation de la réglementation (la temporalité permet alors de lever la question du sens de la causalité), et, d’autre part, nous avons pris en compte la moyenne de la variable pour les cinq années considérées.

39 Au final, nous étudions donc les évolutions des protections internes et externes au niveau national de 18 économies européennes sur deux périodes qui se suivent : de 1998 à 2003 et de 2003 à 2008. Nous avons donc un panel de 18 pays et deux dates. Nous estimons la variation (en %) de la protection des marchés (ΔPRMi, t), au travers des trois mesures présentées précédemment, par des variables sur la structure étatique et institutionnelle (Etati, t), par des variables politiques (Polii, t), par des variables sur l’activité des groupes de pression (GPi, t), et enfin par des variables économiques (Ecoi, t − 1).

equation im4
ΔPRMi, t = Etati, t + Polii, t + GPi, t + Ecoi, t − 1 + ∊i, t

40 Compte tenu du fait que les caractéristiques des pays peuvent varier dans le temps ou non, nous ne pouvons intégrer des effets fixes dans notre estimation au risque de perdre cette information. C’est pourquoi nous supposons la présence d’effets aléatoires associés aux pays. Cela revient à poser l’hypothèse que ces effets aléatoires ne sont pas corrélés avec le terme des erreurs de l’estimation.

5. Résultats des estimations : une influence différenciée des facteurs politiques

41 Les résultats des estimations sont donnés par le tableau 2, qui présente les trois mesures : la mesure globale, la mesure sur la protection interne et la mesure sur la protection externe. Nous commentons ici tour à tour les trois grands blocs de variables explicatives dégagés précédemment.

Tableau 2

Estimations des évolutions des mesures de protection des marchés de produits

Variation en % de indicateur global protection interne protection externe
var. indép. Coeff. s.e. Coeff. s.e. Coeff. s.e.
Variables étatiques
Ancienneté dans l’UE 0,63 ** 0,182 0,35 0,218 1,74 *** 0,458
État unitaire ou (con) fédéral 14,41 * 7,522 2,44 6,791 49,02 ** 14,747
Qualité de l’administration – 4,55 7,894 – 16,94 * 9,452 16,48 14,36
Variables politiques
Préférences politiques 23,11 ** 8,8 15,05 ** 7,642 69,9 *** 14,438
Préférences idéologiques 2,65 6,683 7,75 6,952 7,87 13,461
Gouv. de droite – 0,09 1,259 2,24 1,594 – 4,55 3,273
Pouvoir du parlement – 75,31 59,753 39,85 64,004 – 450,84 *** 123,978
Nb d’élections – 3,72 4,906 – 3,79 6,607 – 16,4 ** 8,072
Proportionalité du parlement :
majoritaire ou préférentiel ref ref ref ref ref ref
majoritaire mixte ou par bloc 4,54 12,746 – 9,19 11,972 58,36 * 32,361
scrutin de liste 9,02 7,307 – 2,92 9,313 59,41 ** 20,847
Variables sur les groupes
Interdictions des dons des PM 4,41 5,182 8,85 * 4,912 – 15,42 9,906
Nb think tanks 30,6 ** 14,98 46,93 ** 16,012 16,09 21,896
Pression éco sur la presse – 1,29 2,398 – 4,58 3,145 8,59 5,938
Variables économiques
% Rec publique PIB 0,03 0,24 – 0,22 0,367 0,91 0,927
figure im5
Variation en % de indicateur global protection interne protection externe
Taux de croissance
PIB
3,24 * 1,714 5,14 *** 1,473 6,3 5,531
Taux de chômage – 2,21 * 1,243 – 1,75 ** 0,825 – 6,93 ** 2,057
Taux d’inflation 3,52 * 1,986 2,67 2,404 1,42 5,409
% ouverture internationale – 0,21 ** 0,086 – 0,26 *** 0,074 – 0,4 ** 0,145
Constante – 112,1 ** 37,934 – 126,9 *** 31,427 – 204,47 ** 87,838
R2 between 0,75 0,76 0,89
N=36, n= 18, t =2
figure im6

Estimations des évolutions des mesures de protection des marchés de produits

***, **, * signifie que le coefficient est significativement différent de zéro au seuil de, respectivement, 1 %, 5 % et 10 %. Estimations avec effets aléatoires associés aux 18 pays étudiés. Les erreurs standard des coefficients sont corrigées par la méthode des clusters afin de prendre en compte la présence d’effets inobservés par pays.

42 Pour les variables portant sur la structure de l’état, on peut remarquer que l’ancienneté de l’adhésion à l’UE a une influence positive sur l’évolution de l’indicateur global de protection des marchés de produit. En d’autres termes, plus un pays est depuis longtemps partie prenante de la construction européenne et plus la réduction des protections est lente. Ce résultat peut s’expliquer de la manière suivante : les pays ont mis en œuvre depuis longtemps des politiques de réduction des protections des marchés, la réduction récente de ces protections doit donc être moindre et ce, malgré la nécessité d’intégration de « l’acquis communautaire » demandé avant adhésion. L’explication est étayée par le fait que c’est l’indicateur de protection externe, les barrières tarifaires dont l’abolition est la plus ancienne au sein de la construction européenne, qui est sensible à cette variable et non la protection interne. Le deuxième résultat est le fait que les états fédéraux (par rapport aux états unitaires) connaissent une réduction plus faible des protections des marchés, qui s’explique uniquement par une incidence sur la protection extérieure. Il semble donc que la coexistence de plusieurs niveaux politiques accroisse les opportunités d’obtenir des décisions publiques favorables à une protection du marché, particulièrement vis-à-vis des concurrents étrangers. On peut également noter que la qualité de l’administration a une influence, négative, sur l’indicateur de protection interne. Lorsque l’impartialité de l’administration est plus grande, le taux d’évolution de la protection diminue. Dit autrement, la réduction des protections est plus forte lorsque l’administration est indépendante. Cet élément administratif n’est validé que pour l’indicateur de protection interne et non pour la protection externe. Il est possible que cette différence s’explique par le transfert de la politique commerciale au niveau européen et donc la plus faible intervention des administrations nationales sur cette question. Par conséquent, l’impartialité de l’administration semble limiter la capture des agences par les groupes de pression.

43 Concernant les variables politiques, plusieurs enseignements sont à retirer. Premièrement, c’est la protection externe qui semble la plus affectée par ces contraintes. En effet, les préférences politiques des électorats sont la seule variable politique qui influence la protection quelle que soit sa mesure. Plus précisément, plus l’électorat se positionne à droite dans l’espace politique et plus la réduction des protections est faible. L’effet semble plus important pour la protection vis-à-vis des concurrents étrangers que pour la réglementation du marché intérieur. Il est à noter que cet effet ne se retrouve ni au niveau de l’idéologie des électorats ni au niveau de la couleur des gouvernements puisque la couleur politique de l’exécutif n’a pas d’incidence sur l’évolution des protections. Le résultat est ainsi strictement inversé par rapport à celui trouvé au niveau de la libéralisation des marchés de capitaux par Quinn et Toyoda [2007]. Ce résultat peut avoir plusieurs interprétations et des recherches ultérieures seront nécessaires pour le confirmer et l’expliquer plus précisément. On peut supposer, à ce stade, que le positionnement moyen de l’électorat sur l’échelle gauche droite est fortement influencé, sur la période d’étude, par l’existence d’un pôle fortement affirmé à l’extrême droite de l’échiquier politique, et lié à l’émergence, depuis les années 1980, d’une « nouvelle extrême droite ». Sans avoir eux-mêmes souvent un accès direct au pouvoir, ces partis se caractérisent notamment par un refus de l’immigration et un protectionnisme économique affirmé. Comme cela a été montré pour l’immigration (Ignazi [2006]), on retrouverait ici donc un effet indirect de la montée des partis d’extrême droite en Europe.

44 Le troisième constat est que l’évolution de la protection externe est, elle, plus sensible aux facteurs institutionnels, notamment aux caractéristiques du parlement. Ainsi, un pouvoir plus grand du parlement se traduit par une diminution du taux d’évolution de l’indice de protection. Cela signifie qu’un système politique dans lequel le Parlement détient plus de prérogative vis-à-vis de l’exécutif, notamment par rapport aux régimes présidentiels, connaît une décroissance plus forte des niveaux de protection externe. De la même manière, le mode de scrutin législatif agit aussi sur l’évolution. Un mode de scrutin se rapprochant du système majoritaire a, au contraire, une incidence négative, et tend donc à réduire la protection, alors que les systèmes plus proportionnels tendent à limiter la réduction des protections [10]. Enfin, le nombre d’élection durant la période a également une influence : l’augmentation de la fréquence des élections tend à accélérer la réduction des barrières. D’ailleurs, lorsque l’on distingue les élections législatives des élections exécutives, ce sont uniquement les premières qui ont un effet sur l’évolution de la protection externe.

45 A l’inverse des éléments politiques, les variables portant sur l’activité des groupes d’intérêt ne semblent avoir un effet que pour l’évolution de la protection des marchés intérieurs. Plus précisément, deux variables sur trois ont un coefficient significativement différent de zéro. Il s’agit de l’interdiction du financement par les personnes morales et du nombre de think tank dans le pays qui ont tous les deux un effet positif sur les protections. Si le signe du coefficient de la variable du nombre de think tank correspond à celui attendu, à savoir que la multiplication de la production d’information par les groupes d’intérêt accroit les protections internes, le signe du coefficient portant sur l’autre variable est plus étonnant. L’interdiction du financement politique par des entreprises et syndicats tend à limiter la diminution des protections internes. En premier lieu, il faut noter que ce résultat est stable et ne s’explique pas par de la multicolinéarité avec les deux autres variables d’activité des groupes. En second lieu, une explication possible réside dans l’information contenue dans la variable. Les mesures d’interdiction du financement politique par les personnes morales ont été souvent le résultat de scandales liés à une trop grande proximité entre monde politique et économique et une tentative de répondre à ce problème. Dans ce cas, il est possible que notre variable indique les pays où cette proximité est la plus grande.

46 Le fait que les variables associées à l’activité des groupes d’intérêt soient significatives pour la protection interne et non pour la protection externe, alors que dans le même temps les variables politiques ont plus d’influence sur la protection externe que la protection interne apporte un éclairage intéressant à la discussion précédente sur l’explication des différences entre les deux types de protection. En effet, nous pouvons interpréter cela comme un résultat en faveur de l’explication selon laquelle les questions liées aux protections internes sont trop ciblées et trop techniques comparativement à la protection externe [11], ce qui la rend moins perméables aux contraintes politiques.

47 Enfin, les variables économiques jouent également un rôle dans l’évolution des protections. Le niveau d’intervention publique par la redistribution n’a pas d’incidence. Il y a bien en revanche un effet du degré d’ouverture internationale des économies ; effet qui tend à accélérer la réduction des protections, tant internes qu’externes. De la même manière, un taux de chômage élevé semble inciter à une diminution des protections. Ce résultat va dans le sens des résultats obtenus par l’économie politique de la réforme, où la dégradation des conditions économiques peut être envisagée comme un déclencheur de réformes (voir par exemple Drazen et Grilli, 1993). En revanche, le taux de croissance a un effet positif sur l’évolution des protections [12], ce qui signifie qu’une croissance plus élevée du PIB durant la période précédente va se traduire par un maintien plus important des protections, essentiellement internes. Ce résultat peut trouver son explication dans le symétrique de l’effet du chômage. Un taux de croissance plus élevé n’incite pas les gouvernements à mettre en œuvre des politiques de réduction des protections des marchés, et donc les stratégies de recherche de rente défensives y sont plus efficaces. En d’autres termes, les marges de manœuvre offertes par la croissance ne sont pas utilisées pour réduire les niveaux de protection des marchés notamment au travers d’un dédommagement de la perte de leur rente pour les acteurs concernés (Delpla et Wyplosz [2007]).

6. Remarques conclusives

48 Notre étude avait pour objectif de montrer que la recherche de rente est influencée par des éléments politiques et institutionnels rarement pris en compte dans la littérature. L’analyse empirique de la vitesse de réduction des protections des marchés nationaux des produits de 18 pays d’Europe montre clairement que le résultat de l’activité des groupes de pression dépend bien de ces éléments avec des différences notables entre la protection interne et la protection externe des marchés.

49 Cette influence des variables politico-institutionnelles sur la recherche de rente en Europe présente donc un paysage contrasté. D’un côté, ces variables apparaissent à plusieurs reprises fortement significatives pour comprendre l’efficacité de la recherche de rente défensive. Pour autant, les résultats mis en évidence ne confirment que partiellement les résultats antérieurs. Si la complexité du système politique mesurée par le degré de fédéralisme ralentit effectivement le rythme de la libéralisation, deux résultats apparaissent surprenants : le ralentissement de la libéralisation des marchés dans les pays marqués par des préférences idéologiques marquées à droite et l’effet au contraire positif des pouvoirs accrus pour le parlement. Dans les deux cas, c’est à l’effet contraire que les résultats antérieurs de la littérature auraient dû conduire. Nous avons proposé plusieurs interprétations à ces observations, liées à la transformation du paysage idéologique et des formes de la compétition politique à droite, en Europe. On peut supposer ainsi que la droite est, depuis les années 1990, devenue plus conservatrice en matière économique et que la montée des extrêmes droites a conduit à une revalorisation des thématiques du « patriotisme économique » (Clif et Woll [2012] ; Kriesi et al. [2008]).

50 Ce travail, portant sur un nombre restreint de pays et de période, du fait de la disponibilité des données, demande à être étendu de manière à affiner les effets des facteurs institutionnels et politiques sur la recherche de rente. Il serait également nécessaire d’inclure de manière systématique des indicateurs sur les stratégies, les buts et les ressources effectivement engagés dans les pays étudiés de façon à pouvoir présenter une théorie politico-institutionnelle complète de la recherche de rente à l’instar des études récentes sur le lobbying à Washington (Baumgartner et al. [2009]).


7. Annexes

Annexe 1 : Structure des indicateurs de protection des marchés de l’OCDE

51 Le graphique ci-dessous présente l’architecture de l’indicateur de protection des marchés proposé par l’OCDE. Il indique les niveaux, du plus agrégé au plus détaillés, ainsi que les pondérations utilisées (entre parenthèses) dans l’agrégation. Ainsi l’indicateur le plus agrégé (product market regulation) est la somme simple (pondérations identiques) de trois indicateurs inférieurs : « state control », « barriers to entrepreneurship » et « barriers to trade and investment », qui sont eux-mêmes l’agrégation de sous-indicateurs.

figure im7

52 Dans notre étude, nous utilisons 3 indicateurs : le plus agrégé, l’indicateur de protection externe qui correspond à « barriers to trade and investment » and l’indicateur de protection interne qui correspond à

53 Pour plus de détails, se référer à Wölfl, A., I. Wanner, T. Kozluk, et G. Nicoletti [2009].

Annexe 2 : Descriptions des variables

Variable Signification Source
Structure de l’état 0 s’il s’agit d’un état unitaire, et 1 un état confédéral ou fédéral. Mesure invariante dans le temps. « Institutions and Elections Project » (Regan and Clark [2010]), http://www2.binghamton.edu/political-science/institutions-and-elections-project.html
Qualité de l’administration Mesure d’impartialité de l’administration (croissante avec la mesure) mesurée en 2008. Mesure invariante dans le temps. « QoG Survey » (Dahlström, Lapuente and Teorell [2010]), http://www.qog.pol.gu.se
Ancienneté UE Nombre d’année, mesurée au début de la période, depuis l’adhésion à l’Union Européenne. La variable est nulle si le pays ne fait pas partie de l’UE.
Préférences politiques de l’électorat Auto-positionnement sur l’échelle politique de 1 (gauche) à 10 (droite) ; moyenne par pays lors du sondage de 2003. Mesure invariante dans le temps. « World Values Survey » http://www.worldvaluessurvey.org
Préférences idéologiques de l’électorat Perception de la concurrence de 1 (une bonne chose) à 10 (une mauvaise chose) ; moyenne par pays lors du sondage de 2003. Mesure invariante dans le temps. « World Values Survey » http://www.worldvaluessurvey.org
Gouvernement de droite Nombre d’année au cours des 5 années précédents où le chef de l’exécutif appartenait à un parti de droite « Database of Political Institutions » (Beck
et al.
[2001]) http://go.worldbank.org/2EAGGLRZ40
Nb elections Nombre d’élections législative ou exécutive au cours des 5 années. « Database of Political Institutions » (Beck
et al.
[2001]) http://go.worldbank.org/2EAGGLRZ40
Pouvoir du parlement Indice de pouvoir du parlement national, croissant avec le pouvoir. Mesure invariante dans le temps. « The Parliamentary Powers Index » (Fish and Kroenig [2009]) http://polisci.berkeley.edu/faculty/bio/ permanent/Fish, M
figure im8
Variable Signification Source
Proportionnalité du parlement Niveau de proportionnalité de la représentation nationale : (1) majoritaire ou vote préférentiel (2) majorité mixte ou vote de bloc (3) scrutin de liste.
Mesure invariante dans le temps.
Gerring
et al. [2005], http://www.bu.edu/sthacker/ data.htm
Financement des campagnes 1 si les financements des campagnes électorales par les entreprises ou les syndicats sont interdits. Mesurée en 2002. Mesure invariante dans le temps. IDEA « Political Finance Laws and Regulations Database » (Austin and Tjernström [2003]) http://www.idea.int/parties/finance/db/index.cfm
Think tanks Nombre de think tanks pour 100 000 habitants. Mesurée en 2008. Mesure invariante dans le temps. « The think tanks and civil societies program » James G. McGann University of Pennsylvania http://www.gotothinktank.com/
Pression économique sur les médias Moyenne de l’indice pour chaque période de l’influence économique sur les médias. La pression diminue avec la mesure. Freedom House. http://www.freedomhouse.org
% Recettes publiques Part des recettes publiques dans le PIB. Moyenne sur la période précédente. Eurostat. http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/ page/portal/eurostat/home/
Degré d’ouverture Part des exportations et des importations dans le PIB.
Moyenne sur la période précédente.
World Development Indicators.
http://data.worldbank.org/data-catalog
Taux de croissance du PIB Taux de croissance annuel. Moyenne sur la période précédente. World Development Indicators.
http://data.worldbank.org/data-catalog
Taux de chômage Taux de chômage annuel moyen. Moyenne sur la période précédente. World Development Indicators.
http://data.worldbank.org/data-catalog
Taux d’inflation Taux d’inflation annuel. Moyenne sur la période précédente. World Development Indicators.
http://data.worldbank.org/data-catalog
figure im9

Bibliographie

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  • TOLLISON R. D. [1997], « Rent seeking ». In D.C. Mueller (ed.), Perspectives on Public Choice (p. 506-525). Cambridge : Cambridge University Press.
  • TULLOCK G. [1967], « The Welfare Costs of Tariffs, Monopolies and Theft » Western Economic Journal, 5, p. 224-232.
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Mots-clés éditeurs : Recherche de rentes, protection des marchés, libéralisation

Mise en ligne 04/05/2015

https://doi.org/10.3917/redp.251.0119

Notes

  • [*]
    EM Strasbourg-Business School, Université de Strasbourg (LaRGE), et Sciences Po, LIEPP abel.francois@unistra.fr
  • [**]
    Sciences Po, Paris, Centre d’Études Européennes, et Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques
    nicolas.sauger@sciences-po.fr
  • [1]
    Sur cette question, voir notamment Brou et Routa [2006].
  • [2]
    Ajoutons également à ce niveau la possibilité de négocier des mesures de compensation ou des exemptions spécifiques.
  • [3]
    Pour une présentation générale de la littérature de la recherche de rente, on se réfèrera notamment à Tollison [1982, 1997], et Brooks et Heijdra [1989], ainsi que Del Rosal [2011] et Congleton et al. [2008] pour les plus récentes.
  • [4]
    Sur la question de la clarté de la responsabilité, voir Powell et Whitten [1993].
  • [5]
    Les données sont accessibles à partir du site http://www.oecd.org/eco/pmr. L’annexe 1 donne un aperçu de l’articulation des indicateurs proposés par l’OCDE. L’indicateur est calculé tous les 5 ans, et est donc disponible pour les années 1998, 2003 et 2008.
  • [6]
    Voir annexe 1.
  • [7]
    Cette réduction des rentes au niveau agrégé par pays et par secteur peut tout à fait recouvrir des situations contrastées avec à la fois des accroissements de protection (recherche de rente offensive) et des recherches de rentes défensives selon les secteurs des différents pays.
  • [8]
    Les variables sont présentées dans l’annexe 2.
  • [9]
    Il est à noter que pour les périodes de 5 ans, les trois variables sont faiblement corrélées : le coefficient de corrélation simple n’est jamais supérieur à 0,35.
  • [10]
    Les coefficients correspondant aux deux types de modes de scrutin proportionnel sont significatifs par rapport au système majoritaire, mais il n’y a pas de différences significatives entre eux.
  • [11]
    Les questions du commercial international et plus généralement de la globalisation ou de la mondialisation font régulièrement partie de l’agenda politique.
  • [12]
    Il est à noter que l’effet se maintient même lorsqu’on exclut de l’estimation le taux de chômage.
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