Notes
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Université Paris 8, Vincennes-Saint-Denis, 2 Rue de la Liberté 93200 Saint-Denis, (Email : hmaafi@univ-paris8.fr)
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[1]
« The inconsistency is deeper than the mere lack of transitivity or even stochastic transitivity. It suggests that no optimization principles of any sort lie behind even the simplest of human choices and that the uniformities in human choice behavior which lie behind market behavior may result from principles which are of a completely different sort from those generally accepted » (Grether et Plott, 1979, page 623).
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[2]
Bien que la notion de « contexte » soit beaucoup plus générale que la notion de « formulation », les termes effet de formulation et effet de contexte sont interchangeables dans la littérature.
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[3]
Cette méthode est devenue en peu de temps la méthode standard pour mesurer le degré d’aversion au risque en laboratoire.
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[4]
La défaillance du principe d’invariance à la procédure en situation d’ambiguïté est également étudiée par Trautmann et al. [2011] et Pogrebna [2010]. Contrairement à Maafi [2011], ces deux articles ne s’intéressent pas au phénomène classique d’inversion des préférences.
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[5]
Dans la même veine qu’Ellsberg, l’attitude vis-à-vis de l’ambiguité est généralement examinée avec une paire d’option du type : { PariR = (10 €, 50 %) ; PariA = (10 €, [0 %, 100 %])}. Les deux options, risquée (PariR) et ambigüe (PariA) ont le même gain (10 €) et la même probabilité subjective (50 %). Les résultats expérimentaux montrent que les sujets préfèrent généralement l’option risquée à l’option ambigüe, dévoilant ainsi de l’aversion à l’ambiguité.
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[6]
La méthode de Holt et Laury [2002] préconise que les sujets doivent être cohérents. Plus Précisément, ils doivent avoir un seul point de retournement de l’option sûre vers l’option risquée. Un sujet cohérent peut avoir comme séquence de choix SSSRRRRRRR ou encore SSSSSSSSRR. Par conséquent, l’incohérence signifie qu’un sujet a plusieurs points de retournement de l’option sûre vers l’option risquée. Par exemple, un sujet incohérent aura la séquence de choix suivante : SSRSRSRRRR.
1. Introduction
1 Quasiment chaque décision prise par un agent économique se fait dans un contexte dont certains éléments sont imparfaitement connus. Qu’il s’agisse de préparer sa retraite, de placer son épargne, ou de choisir un métier ou une formation, il s’agît de prendre des décisions sans en connaître les conséquences avec certitude. Dès lors, toutes les branches de la science économique sont concernées. Ces branches ayant en commun un modèle de comportement individuel fondé sur des principes de rationalité, elles ont donc toutes importées le modèle canonique de comportement dans l’incertain, à savoir la théorie dite de l’utilité espérée. Or, ce modèle pose de nombreux problèmes. Autant il est possible de considérer que la théorie du consommateur est une vision stylisée, décrivant un comportement moyen, autant la théorie de l’utilité espérée n’a reçu que très peu de soutien empirique. Si l’on ajoute à cela les développements récents autour de l’économie comportementale qui ont conduit à tester systématiquement ce modèle en laboratoire, il apparaît que la théorie de l’espérance d’utilité a un faible pouvoir descriptif.
2 Cet article se focalise sur la validité empirique du principe d’invariance, qui représente le socle de toutes les analyses du choix rationnel. Le principe d’invariance exige que la description d’un problème de choix n’affecte pas les choix effectifs (c.-à-d., les décisions ne doivent pas dépendre du contexte de choix). Ainsi, un individu rationnel doit avoir des préférences cohérentes quelque soit la façon avec laquelle le choix a été décrit (i.e. s’il préfère une option A à option B dans une situation donnée, il doit préférer A à B dans une situation mathématiquement équivalente mais présentée différemment). Or, il a été observé que la manière dont une décision est présentée affecte les actions individuelles au point que les préférences peuvent être complètement inversées suite à des modifications apparemment mineures de la description d’une situation de choix (voir, par exemple Kahneman et Tversky [2000]). C’est ce qu’on appelle l’effet de contexte ou framing effect. Ainsi, l’effet de contexte représente l’un des résultats les plus problématiques pour la théorie économique standard, puisqu’il soulève la question suivante : quelles sont les vraies préférences ? Celles qui sont révélées dans un contexte donnée ou celles qui sont révélées dans un contexte différent mais mathématiquement équivalent ?
3 L’omniprésence des effets de contexte conduit à poser trois types de questions : (1) quelles sont les situations de choix les plus susceptibles de géréner des inversions des préférences ? (2) quels sont les déterminents des inversions des préférences ? (3) comment rendre compte des inversions des préférences au plan théorique ? L’objectif de cet article est de revisiter les inversions des préférences en discriminant entre les différents types de sensibilité au contexte. Si on se met dans le cadre de la théorie de l’utilité espérée, les inversions des préférences peuvent qualifier toutes les préférences qui ne sont pas conformes aux postulats de la rationalité détaillés plus loin (par exemple, le paradoxe d’Allais [1953] est une inversion des préférences due à la violation de l’axiome d’indépendance). Notre approche concerne les inversions des préférences comme une conséquence de la violation du principe d’invariance. En remettant à plat la définition de la sensibilité au contexte, et en distinguant entre différents types de sensibilité au contexte, cet article propose une taxonomie du principe d’invariance qui permet une catégorisation des inversions des préférences. Sur la base de cette taxonomie, cet article présente un survol historique des violations du principe d’invariance et discute quelques problématiques récentes. Comme souvent dans ce qui va suivre, nous procéderons en confrontant le principe d’invariance à des résultats empiriques, issus le plus souvent d’expériences contrôlées en laboratoire. Cette étude emprunte donc largement les techniques et les apports de l’économie expérimentale pour discuter de la pertinence des modèles de décision.
4 L’article est organisé comme suit. Section 2 revoie les principes de la rationalité normative et met l’accent sur l’importance du principe d’invariance. Section 3 expose et discute quelques exemples de la violation du principe d’invariance. Section 4 propose une taxonomie du principe d’invariance et de sa défaillance empirique. Sur la base de cette taxonomie, Section 5 discute des nouvelles problématiques de la violation du principe d’invariance.
2. Revue des règles normatives
5 La théorie de l’utilité espérée est un élément clé de la théorie économique puisqu’elle est utilisée dans la quasi totalité des modèles économiques qui cherchent à prendre en compte l’incertitude. La théorie de l’utilité espérée est basée sur les quatre principes fondamentaux, de simplification (« cancellation principle »), de transitivité, de dominance, et d’invariance, ainsi que les principes de comparabilité et de continuité. Un individu dont les préférences satisfont simultanément ces principes choisira, parmi différentes options risquées ou incertaines, celle qui a l’utilité espérée la plus élevée.
6 Les quatre principes fondamentaux de la rationalité peuvent être classés en fonction de leurs attraits normatifs : le principe de simplification est le principe le plus contestable (voir Machina [1987] ; Starmer [2000]), tandis que le principe d’invariance est le principe le plus élémentaire et il est donc essentiel pour toute théorie de choix rationnel. Dans ce qui suit, nous discutons ces quatre principes.
7 Principe de simplification. Le principe de simplification, formalisé comme l’axiome de substitution par Von Neumann et Morgenstern [1947], le principe de la chose sûre par Savage [1954], et l’axiome d’indépendance par Luce et Krantz [1971], est un ingrédient nécessaire de la théorie de l’utilité espérée. Ce principe affirme que le choix entre deux options ne dépend que des états dans lesquels ces options donnent des résultats différents. Par exemple, si A est préféré à B, alors l’option de gagner A s’il pleut demain, et rien sinon, doit être préférée à l’option de gagner B s’il pleut demain, et rien sinon, parce que l’essence de ce principe est de se défaire des composantes qui sont partagées par les options offertes, et dans ce cas les deux options donnent le même résultat, c’est-à-dire « ne rien gagner si il ne pleut pas demain ». Le principe de simplification a été remis en cause au plan empirique dans des situations risquées (Allais [1953]) et dans des situations incertaines (Ellsberg [1961]). La remise en cause de ces principes a été largement validée par de nombreux résultats expérimentaux (pour une revue de littérature, voir Starmer [2000]). Ainsi, nous avons assisté au développement de plusieurs modèles alternatifs à la théorie de l’utilité espérée qui ont relaxé le principe de simplification dans le risque (par exemple, Allais [1979] ; Machina [1982] ; Quiggin [1982] ; Chew et al. [1991…]) et dans l’incertitude (par exemple, Schmeidler [1989]) afin de rendre la théorie plus valable d’un point de vue descriptif.
8 Principe de transitivité. Ce principe affirme qu’un décideur, avec des préférences transitives, qui préfère une option A à B, et B à C doit également préférer A à C. La transitivité est essentielle pour l’existence d’une d’utilité ordinale, v, tel que pour tout A et B, v (A) ? v (B) si et seulement si A ? B. Pour les deux options A et B, le principe implique que (i) il existe une valeur « d’avoir une option A », qui est indépendante de la valeur « d’avoir une option B », et (ii) si, « avoir une option A » donne plus de valeur que « avoir une option B », alors A est préféré à B. En d’autres termes, la transitivité implique que la valeur attribuée à une option est indépendante des autres options disponibles. En dépit de l’attrait normatif considérable de ce principe, de nombreuses expériences ont montré qu’un décideur agit souvent d’une manière qui n’est pas compatible avec le fait de posséder des préférences transitives (par exemple, Tversky [1969] ; Loomes et al. [1991]). Pour tenir compte de l’intransitivité des préférences, des modèles alternatifs à l’utilité espérée ont proposé de s’affranchir du principe de transitivité afin de renforcer leur validité descriptive (voir Fishburn [1991] pour une revue de littérature).
9 Principe de dominance. Ce principe élémentaire est la clé de voûte de tout modèle du choix rationnel. Le principe de dominance exige que si une option A est meilleure qu’une option B à tous égards, alors l’option dominante devrait être choisie (c.-à-d. A doit être préféré à B). Le rôle essentiel du principe de dominance dans les théories rationnelles découle de sa nécessité pour la construction d’une relation de préférence. Ainsi, si le principe de dominance n’est pas satisfait, les comportements observés ne peuvent être captés par aucun modèle de choix rationnel. Le principe de dominance a été invalidé par Tversky et Kahneman [1981].
10 Principe d’invariance. L’invariance est un principe essentiel pour la théorie du choix rationnel car elle garantit la cohérence des préférences. Le principe d’invariance affirme que les choix entre les options sont indépendants de leur représentation ou de leur description. En effet, deux versions d’un problème de décision qui sont mathématiquement équivalentes devraient traduire les mêmes préférences. En particulier, deux versions d’un problème de décision qui sont manifestement équivalentes lorsqu’elles sont présentées ensemble devraient aboutir au même ordre de préférence même quand elles sont présentées séparément. Contrairement aux principes de simplification, de transitivité, et de domination, l’invariance n’est pas explicitement considérée comme un axiome de choix, mais est implicitement supposée comme une exigence fondamentale de la rationalité. Bien que l’invariance soit normativement essentielle, sa violation est maintenant bien documentée (par exemple, Kahneman et Tversky [1979] ; Tversky et Kahneman [1981] ; Kahneman et Tversky [1984] ; Lichtenstein et Slovic [1971]).
11 Les implications de ces quatre principes pour les théories du choix montrent que leur échec peut être plus ou moins grave. Le principe de simplification est le plus contestable. Il a été rejeté par plusieurs modèles de choix, alternatifs au modèle de l’utilité espérée, qui l’ont relaxé (voir Starmer [2000] pour une revue de littérature). Dans une moindre mesure, la transitivité a aussi été questionnée et a été relaxée par quelques modèles de choix développés par exemple par Bell [1982], Fishburn [1982], Loomes et Sugden [1982]. Au contraire, les principes de dominance et d’invariance sont essentiels et nous pouvons difficilement difficilement imaginer une théorie qui s’en affranchisse totalement. Il est donc important d’enquêter sur l’échec de ces deux principes afin de comprendre les conditions dans lesquelles ils ne sont pas satisfaits. La compréhension de l’échec des ces deux principes est pertinente dans le sens où elle fournit le matériel nécessaire pour établir un modèle plus réaliste de choix. Les travaux de Kahneman et Tversky, entre autres, constituent une avancée considérable dans ce sens et ont éclairé notre compréhension de la façon dont les individus prennent des décisions. L’objectif de cet article est de contribuer à la littérature actuelle en classifiant différentes violations du principe d’invariance sur la base de « sous-principes d’invariances » qui ont été jusqu’à présent confondus. Nous décrivons dans ce qui suit quelques violations de ce principe observées dans la littérature.
3. Exemples de violation du principe d’invariance
3.1. Exemple 1
12 Imaginez que les États-Unis se préparent à faire face à l’épidémie d’une maladie asiatique qui, selon les prévisions, devrait tuer 600 personnes. Deux programmes de lutte contre cette maladie ont été proposés. Admettons qu’une estimation scientifique exacte nous indique que :
13 Si le programme A est appliqué, 200 personnes seront sauvées.
14 Si le programme B est appliqué, il y a 1 chance sur 3 que 600 personnes soient sauvées et 2 chances sur 3 pour que personne ne soit sauvé.
15 Lequel des deux programmes préconisez-vous ?
16 Si vous préférez le « programme A », vous trouvez que l’option de sauver 200 personnes avec certitude plus attrayante que l’option risquée ayant la même valeur espérée, c’est-à-dire une chance sur trois de sauver 600 personnes. Dans ce cas, vous préférez une chose certaine à une chose risquée. On dira que vous êtes averse au risque. Au contraire, si vous préférez le « Programme B », vous trouvez que l’option risquée (sauver 600 personnes avec une chance sur trois) est plus attrayante que l’option certaine (sauver 200 personnes avec certitude). Dans ce cas, vous avez du goût pour le risque. En questionnant 152 individus, Tversky et Kahneman [1981] constatent que 72 % des individus choisissent l’option sûre, c.-à-d. le « programme A ».
17 Maintenant, imaginez que pour le même problème vous devez choisir entre les deux programmes suivants :
18 Si le programme C est appliqué, 400 personnes mourront.
19 Si programme D est appliqué, il y a 1 chance sur 3 pour que personne ne meure, et 2 chances sur 3 pour que 600 personnes meurent.
20 Lequel des deux programmes préconisez-vous ?
21 Si vous préférez le « Programme C », vous êtes averse au risque puisque vous trouvez que la mort certaine de 400 personnes est plus attrayante que l’option risquée ayant la même valeur attendue, soit deux chances sur trois que 600 personnes meurent. Si vous préférez le « Programme D », vous avez du goût pour le risque puisque vous trouverez la mort de 600 personnes avec 1 chance sur 3 plus acceptable que la mort certaine de 400 personnes. En questionnant à nouveau 152 individus, Tversky et Kahneman [1981] constatent qu’une grande majorité (78 %) révèle un goût pour le risque en choisissant le « Programme D ».
22 Placés côte à côte, il est facile de voir que les options (programme A, programme B) et (Programme C, Programme D) sont identiques du point de vue formel : les probabilités et les pertes sont les mêmes. La seule différence entre eux est que les programmes A et B sont décrits par le nombre de vies sauvées, alors que ceux dans les programmes C et D par le nombre de vies perdues. Cette simple différence de description est importante puisque les enquêtés inversent leurs préférences de manière systématique selon la description du programme. Précisément, les choix impliquant des gains produisent de l’aversion au risque (programme A), alors que des choix impliquant des pertes produisent du goût pour le risque (programme D).
23 Cet exemple met en évidence ce qu’on appellera l’effet de formulation, i.e. un changement dans la description du problème peut entraîner des changements importants dans les préférences révélées par le choix.
3.2. Exemple 2
24 Imaginez que vous ayez à choisir entre l’une de ces deux options :
25 Option A : vous gagnez 5 € avec 80 % de chances, et 0 € sinon.
26 Option B : vous gagnez 20 € avec 20 % de chances, et 0 € sinon.
27 Quelle option préférez-vous ?
28 Ces deux options ont la même espérance de gain, mais l’option A offre une grande probabilité de gagner une petite somme d’argent, alors que l’option B offre une petite probabilité de gagner un grande somme d’argent. De ce fait, on peut qualifier l’option A de « sûre » et l’option B de « risquée ». Il a été démontré que lorsque des individus sont invités à faire un choix entre ces deux options, ils préfèrent généralement l’option avec la grande probabilité de gagner, c’est-à-dire l’option A à l’option B.
29 Maintenant, imaginez qu’on vous offre les deux options ci-dessus, et qu’on vous donne la possibilité de les vendre. Quel est votre prix minimum pour vendre :
30 L’option A : ___ Euros.
31 L’option B : ___ Euros.
32 Lorsque des individus sont invités à donner une valeur à ces deux options, ils donnent généralement un prix plus élevé pour l’option offrant le grand gain par rapport à l’option offrant le petit gain, c’est-à-dire qu’ils déclarent préférer l’option B à l’option A.
33 Si l’on considère conjointement ces deux problèmes de décision, il apparaît qu’une large majorité d’individus inverse souvent leurs préférences en préférant l’option « sûre » (option A) dans un contexte de choix et en préférant l’option « risquée » (option B) dans un contexte d’évaluation. Ce type de comportement est appelée le « Phénomène d’inversion des préférences » (Preference Reversals Phenomenon). Les préférences élicitées par un choix binaire diffèrent substantiellement de celles élicitées par une évaluation. Les réplications de ce phénomène ont montré que les inversions des préférences sont substantielles et que leurs taux peut atteindre jusqu’à 80 %. Les préférences ne sont donc pas indépendantes du mécanisme d’élicitation.
34 Ce résultat constitue une violation du principe d’invariance, et soulève la question de savoir quelles sont les véritables préférences. Grether et Plott [1979] notent que l’incohérence est plus profonde que la simple absence de transitivité. Ils notent aussi que l’incohérence suggère qu’il devient difficile de concevoir que les choix résultent d’un principe d’optimisation. Ils ajoutent que les régularités observées sur les marchés peuvent résulter de comportements individuels très différents de ceux décrits par les modèles de décision [1].
3.3. Discussion
35 Le point commun entre les exemples 1 et 2 réside dans le fait que les préférences ne sont pas indépendantes du contexte dans lequel elles sont élicitées. L’exemple 1 montre que la formulation des options en termes de gains ou en termes de perte résulte en des choix contradictoires. L’exemple 2 montre que deux mécanismes différents d’élicitation des préférences mènent à des réponses incohérentes.
36 La robustesse des inversions des préférences observée dans les exemples cités ci-dessus montre que l’incohérence est plus profonde qu’une simple « erreur de calcul » ou une « erreur aléatoire ». En particulier, les incohérences sont prédictibles, c’est-à-dire que les individus inversent leurs préférences de façon systématique : (1) Dans des situations similaires à l’exemple 1, ils préfèrent l’option sûre dans un contexte « positif » et l’option risquée dans un contexte « négatif », et (2) ils préfèrent l’option avec la plus grande probabilité de gagner dans un choix binaire, mais préfèrent l’option avec le plus grand gain dans une évaluation quand ils sont confrontés à des situations similaires à celles de l’exemple 2. De plus, les incohérences sont robustes aux répétitions et aux variations du protocole expérimental (voir Seidl [2002] pour le phénomène d’inversion des préférences, et Kahneman et Tversky [2000], et Levin et al. [1998] pour l’effet de formulation). En outre, les individus semblent être réticents à modifier leurs comportements, même quand ils sont confrontés à leurs contradictions. Par exemple, Kahneman et Tversky [1984] montrent que les incohérences ne sont pas éliminées, même lorsque les mêmes individus répondent aux deux questions successivement et qu’ils sont confrontés à leurs réponses contradictoires. Ils notent que les individus, même quand ils sont surpris par leur incohérence, continuent à être averses au risque dans un « contexte positif » (à savoir la formulation en termes de nombre de vies sauvées) et montrer du goût pour le risque dans un contexte « négatif » (à savoir la formulation en termes de vies perdues). Enfin, Lichtenstein et Slovic [1971] notent que, après leur avoir expliqué les incohérences, seulement 54 % des individus modifient leurs choix.
4. Les inversions des préférences comme une violation du principe d’invariance
37 Les exemples ci-dessus montrent à quel point les incohérences dûes à l’échec du principe d’invariance sont problématiques pour les théories de la décision. Ces exemples posent la question de quelles sont les vraies préférences. Pour souligner l’importance de telles incohérences, Tversky et Kahneman [1986] affirment que les déviations du comportement observé du modèle normatif sont trop répandues pour être ignorées, trop systématiques pour être considérées comme une erreur aléatoire, et trop fondamentales pour être captées par l’assouplissement du système normatif (page S252).
38 Les inversions des préférences discutées plus haut ne semblent pas être toutes causées par la même manipulation du contexte. On peut donc penser que le principe d’invariance englobe différents types d’invariance qui s’appliquent chacun à une manipulation de contexte bien déterminée.
4.1. Taxonomie du principe d’invariance et de son échec empirique
39 Nous présentons dans ce qui suit une taxonomie de trois déclinaisons du principe d’invariance. Chaque déclinaison de ce principe conduit à un type particulier d’inversion de préférence. Cette taxonomie montre nos différentes approches dans l’examen des inversions de préférence associées à l’échec du principe d’invariance.
40 Invariance à la formulation : Les choix entre les options sont indépendants de la façon avec laquelle ces options ont été formulées.
41 Ce principe affirme que l’ordre de préférence entre les options ne doit pas dépendre de la manière avec laquelle elles sont formulées. Les problèmes présentés dans l’exemple 1 montrent comment des formulations différentes d’options équivalentes, c’est-à-dire une modification de la formulation de « vies sauvées » en « vies perdues », influencent systématiquement les préférences en pratique. A l’instar de Kahneman et Tversky [1984], nous qualifions le passage de l’aversion au risque dans la formulation positive au goût pour le risque dans la formulation négative, comme un effet de formulation [2].
42 Invariance à la procédure : Les préférences sont indépendantes de la méthode (ou de la procédure) utilisée pour les éliciter.
43 Ce principe exige que l’ordre des préférences entre les options obtenu par une procédure d’élicitation ne doive pas changer avec une procédure d’élicitation alternative. Les problèmes énoncés dans l’exemple 2 montrent que l’ordre des préférences obtenu en utilisant une procédure d’élicitation donnée (choix binaire) ne coïncide pas nécessairement avec l’ordre des préférences obtenu en utilisant une autre procédure normativement équivalente (évaluation). Nous qualifions ce type d’inversion des préférences comme un effet de procédure.
44 Invariance à la présentation : Les choix entre les options sont indépendants de leur mode de présentation.
45 Le principe d’invariance à la présentation est beaucoup plus simple que les principes d’invariance à la formulation et d’invariance à la procédure. Ce principe exige que différentes présentations du même choix révèlent les mêmes préférences. Par exemple, imaginez que des individus sont invités à prendre des décisions pour une série de choix. L’invariance à la présentation exige que les préférences obtenues lorsque, par exemple, les choix sont présentés ensemble doivent être les mêmes que celles obtenues lorsque les choix sont présentés séparément. Si les individus violent systématiquement cette exigence, ils sont sujets à ce que nous appelons un effet de présentation.
4.2. Violations du principe d’invariance : spicilège et questions ouvertes
46 Dans ce qui suit, nous discutons brièvement les résultats concernant les violations du principe d’invariance et nous les classons à l’aide de la taxonomie établie dans la section précédente. Nous discutons ensuite les points qui n’ont pas encore été examinés par la littérature.
4.2.1. Spicilège
47 L’abondante littérature initiée par Kahneman et Tversky sur l’effet de formulation (Kahneman et Tversky [2000]) a fourni une quantité importante de matériel, nécessaire pour comprendre la sensibilité des individus à la formulation des problèmes de décision. Le cas particulier des inversions des préférences en présence de formulations en termes de gain et de perte a été capté par leur prospect theory (Kahneman et Tversky [1979]). Cette théorie suggère que les individus évaluent de façon asymétrique leurs options de perte et de gain. Selon la prospect theory, les individus sont averses au risque dans le cas des gains et ont un goût pour le risque dans le cas des pertes. La prospect theory prédit aussi que les individus sont averses à la perte, c.-à-d. ils sont plus sensibles à une perte qu’à un gain équivalent. En utilisant une expérience de terrain, Hossain et List [2009] ont montré que l’effet de formulation, et les prédictions de la prospect theory, ne sont pas propres aux expériences en laboratoire. Hossain et List [2009] ont examiné, dans une usine chinoise, l’effet de formulation du bonus salarial – en termes de gains et en termes de pertes – sur la productivité. Ils ont observé une nette augmentation de la productivité lorsque les bonus sont formulés comme des pertes plutôt que comme des gains. Ce résultat accrédite davantage la défaillance empirique du principe d’invariance à la formulation.
48 En ce qui concerne l’invariance à la procédure, l’incohérence des préférences découverte par les psychologues (Lichtenstein et Slovic [1971] ; Lindman [1971]) – le phénomène d’inversion des préférences – a donné lieu à un grand nombre de recherches. En effet, après une phase d’attaque systématique tentant de montrer que le phénomène d’inversion des préférences n’était pas robuste ou ne survivait pas dans des environnements économiques, il semble qu’une majorité de chercheurs s’est résignée à l’accepter comme une régularité empirique robuste. L’accent a ensuite été mis plutôt sur la recherche des causes de l’incohérence (voir par exemple Seidl [2002]). Les premières explications du phénomène par les économistes l’ont attribué à la violations de la transitivité (Loomes et Sugden [1983] ; Fishburn [1985] ; Loomes et al. [1989] ; Loomes et al. [1991]), la violation de l’axiome d’indépendance (Holt [1986] ; Karni et Safra [1987]), et la violation de l’axiome de réduction des loteries composées (Segal [1988] ; Keller et al. [1993]). Ces explications ont ensuite été critiquées par Cox et Epstein [1989] et Tversky et al. [1990]. Cox et Epstein [1989] et Tversky et al. [1990] ont démontré que le phénomène d’inversions des préférences se produit même quand on utilise un système de paiement (ordinal payoff mechanism), qui ne nécessite pas l’axiome d’indépendance ou l’axiome de réduction des loteries composées. De plus, Tversky et al. [1990] en utilisant un protocole qui filtre les préférences intransitives, ont montré que l’intransitivité ne joue aucun rôle dans les inversions des préférences (10 % seulement des inversions des préférences seraient dues à l’intransitivité des préférences), mais que la principale cause résulterait plutôt d’une violation du principe d’invariance à la procédure. Cette violation de l’invariance à la procédure, également défendue par Slovic et Lichtenstein [1983], Goldstein et Einhorn [1987] et Tversky et al. [1988], est attribuée à l’utilisation d’heuristiques différentes selon la tâche de décision : les individus semblent placer un plus grand poids sur la probabilité de gagner dans un contexte de choix binaire (ce qui augmente l’attractivité de l’option offrant la grande probabilité de gagner, c.-à-d. l’option A), mais un plus grand poids sur le montant à gagner dans un contexte d’évaluation (ce qui augmente l’attractivité de l’option offrant le grand gain, c.-à-d. l’option B). Cette explication est rapidement devenue l’explication dominante dans la littérature. Plus récemment, le phénomène d’inversion des préférences a aussi été analysé comme résultant de préférences stochastiques (Schmidt et Hey [2004] ; Blavatskyy [2009]) ou de l’imprécision des préférences (Butler et Loomes [2007]).
49 En ce qui concerne l’invariance à la présentation, Bosch-Domènech et Silvestre [2006], par exemple, ont observé un effet de présentation dans la méthode d’elicitation développée par Holt et Laury [2002] [3]. Cette méthode utilise dix paires de loteries de la forme : Si= (xS, pi ; yS, 1?pi) et Ri = (xR, pi ; yR, 1 ? pi), avec xR > xS > yS > yR et pi variant entre 1/10 et 1 avec un pas de 1/10 (voir tableau 1). Pour la première paire du tableau, l’espérance de gain de la loterie S est supérieure à celle de la loterie R. Plus la probabilité de gagner augmente, plus la loterie R devient attractive. Selon cette méthode, un individu choisit d’abord l’option « sûre », S, et ensuite choisit l’option « risquée », R, à partir d’une certaine probabilité. Le point de retournement de l’option S vers l’option R mesure l’attitude face au risque. En particulier, un individu neutre au risque devrait choisir la loterie S tant que son espérance de gain est supérieur à celle de R, puis choisir R. Ainsi, sa séquence de choix est SSSS/RRRRRR. Un individu qui choisit SSSSSSS/RRR est averse au risque puisqu’il continue à choisir S, dans les lignes 5-7 du tableau, alors que son espérance de gain est inférieure à celle de la loterie R. Un individu qui choisit SSS/RRRRRRR a du goût pour le risque. Bosch-Domènech et Silvestre [2006] ont examiné l’effet de présentation dans cette méthode en élicitant l’attitude face au risque à l’aide de « sous-séquences » des dix séquences originales. Les individus sont présentés avec quatre variations de sept paires de loteries au lieu des dix originales : la probabilité de gagner varie entre 1/10 et 7/10 dans le traitement 2 ; 3/10 et 9/10 dans le traitement 3 ; 4/10 et 1 dans le traitement 4 ; et 2/10 et 8/10 dans le traitement 5. Dans le traitement de référence (traitement 1), la probabilité de gagner est comprise entre 1/10 et 1. Bosch-Domènech et Silvestre [2006] constatent que les sujets ont tendance à basculer rapidement vers l’option risquée, affichant ainsi moins d’aversion au risque, lorsque les dernières paires de la série originale (c.-à-d., les paires avec une grande probabilité de gagner le grand gain) sont éliminées de la séquence. Ce résultat montre que les préférences ne sont pas indépendantes du mode de présentation, même lorsqu’exactement les mêmes options sont en jeu.
50 Les données empiriques discutées ci-dessus attestent du fait que les individus sont indubitablement sujets aussi bien à des effets de formulation que des effets de procédure ou des effets de présentation. Ces résultats renforcent l’idée de Tversky et Kahneman [1986] qu’un modèle adéquat de choix ne peut pas ignorer les effets de contexte même s’ils ne sont ni normativement attractifs ni mathématiquement manipulables.
Méthode de HoLt et Laury [2002]
Paire |
Loterie « sûre » (S) Loterie « risquée » (R) pS xS 1?pS yS pR xR 1?pR yR | EG (S) ? EG (R) |
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 |
10 % 2 90 % 1,6 10 % 3,85 90 % 0,1 20 % 2 80 % 1,6 20 % 3,85 80 % 0,1 30 % 2 70 % 1,6 30 % 3,85 70 % 0,1 40 % 2 60 % 1,6 40 % 3,85 60 % 0,1 50 % 2 50 % 1,6 50 % 3,85 50 % 0,1 60 % 2 40 % 1,6 60 ? % 3,85 40 % 0,1 70 % 2 30 % 1,6 70 % 3,85 30 % 0,1 80 % 2 20 % 1,6 80 % 3,85 20 % 0,1 90 % 2 10 % 1,6 90 % 3,85 10 % 0,1 100 % 2 0 % 1,6 100 % 3,85 0 % 0,1 |
1,17 0,83 0,5 0,16 – 0,18 – 0,51 – 0,85 – 1,18 – 1,52 – 1,85 |
Méthode de HoLt et Laury [2002]
Notes : EG (L) représente l’espérance de gain d’une loterie L.4.2.2. Questions ouvertes
51 Malgré l’abondante littérature portant sur les trois incohérences discutées ci-dessus, plusieurs questions importantes demeurent sans réponse. Nous discutons ici trois d’entre elles.
• Q1 : Qu’en est-il de la violation de l’invariance à la procédure dans l’incertitude ?
52 Considérons la violation du principe d’invariance à la procédure dans le cas particulier du phénomène d’inversion des préférences. À ce jour, les nombreux travaux qui ont examiné ce phénomène ont considéré soit des options risquées, (le décideur connaît de façon objective les probabilités associées aux résultats possibles), soit des options sans risque (par exemple Delquié [1993]). On peut alors se demander ce qu’il advient de ce phénomène lorsque le choix à faire concerne des loteries avec des probabilités qui ne sont pas objectivement connues, c’est-à-dire en situation dite d’ambiguïté. Cela semble empiriquement pertinent, puisque la plupart des probabilités dans des situations réelles sont inconnues. Ellsberg [1961] a démontré, avec l’exemple des urnes à deux couleurs, que le comportement en situation de risque est différent de celui en situation d’ambiguité. Précisémment, considérons deux urnes contenant chacune 100 boules rouges et/ou noires. Alors que dans l’urne dite « connue » on sait qu’il y a exactement 50 boules rouges et 50 boules noires, les proportions de boules rouges et noires ne sont pas connues dans l’urne dite « ambiguë » (le nombre de boules rouges peut aller de 0 jusqu’à 100). Lorsqu’on demande aux sujets de parier sur une couleur (par exemple, « gagner 10 € s’ils tirent une boule rouge ») et de choisir l’urne dans laquelle ils veulent effectuer le tirage, on observe qu’ils préfèrent généralement parier sur l’urne connue plutôt que sur l’urne ambigüe, exhibant ainsi de l’aversion à l’ambiguité.
• Q2 : Quelle est l’ampleur de la violation de l’invariance à la présentation ?
53 Imaginez que votre banquier vous propose un package de services, et imaginez que vous achètez ce package. Accepteriez-vous l’ensemble de ces services si on vous les présentait séparément ? Probablement pas. Si tel est le cas, vous auriez des attitudes différentes face au risque selon que les options sont présentées simultanément ou successivement. Maintenant, imaginez que votre banquier change sa stratégie de présentation des services : au lieu de présenter les services du plus intéréssant au moins intéressant, il vous les présente du moins intéréssant au plus intéressant. Accepteriez-vous les mêmes services quel que soit le mode de présentation ? Probablement non. Ces exemples illustrent ce que nous avons appelé un effet de présentation, et qui peut rendre un individu susceptible d’être manipulé par son banquier ou son assureur, qui pourraient opter pour des modes de présentation engendrant une plus grande prise de risque. Ainsi, l’analyse des effets de présentation sur l’attitude envers le risque, et également sur l’incohérence des préférences semble très pertinente. L’étude de ces effets dans la méthode de Holt et Laury [2002], par exemple, permet non seulement de répondre à ces questions, mais fournit également aux futures recherches qui utiliseront cette méthode une idée de l’effet de la présentation sur l’attitude face au risque et sur la cohérence des préférences.
• Q3 : La sensibilité au contexte est-elle une caractéristique individuelle ?
54 Nous avons vu que l’incohérence des préférences a été beaucoup documentée. Il est maintenant largement reconnu que la majorité des individus violent systématiquement les différentes formes d’invariance. Il est intéressant de noter qu’aussi générales soient-elles, les inversions des préférences n’affectent pas tous les individus avec autant d’intensité. Il existe en effet une considérable hétérogénéité individuelle. Certains individus n’inversent que rarement leurs préférences, tandis que d’autres le font presque systématiquement. À ce jour, beaucoup d’efforts ont été consacrés à la compréhension des causes de ces incohérences, mais jusqu’ici, personne n’a posé la question : Qui est incohérent ? En d’autres termes, la fréquence des incohérences peut-elle être expliquée à partir de caractéristiques individuelles observables ? Ou encore, les individus les plus incohérents dans une situation donnée (par exemple ceux qui sont sensibles à la formulation) sont-ils aussi les plus incohérents dans d’autres situations (par exemple, sont-ils également sensibles à la procédure) ? Cette question revêt une importance particulière dans le sens où si les individus révèlent leurs préférences de manière stable (c’est-à-dire si la sensibilité au contexte est une caractéristique individuelle), alors ils sont susceptibles de détenir des préférences stables dans la « vraie vie » et leur comportement devrait être plus facile à prédire et à comprendre. Dans le cas opposé, les choses sont plus compliquées puisqu’il sera difficile de prédire le comportement des individus les plus instables.
5. Nouvelles preuves de la défaillance des « sous » principes d’invariance
55 Pour répondre aux questions de la Section 4.2.2, nous retenons quatre études pour explorer les inversions des préférences dans le risque et dans l’ambiguïté et pour apporter des explications possibles à ces incohérences. Nous allons exposer brièvement dans ce qui suit, les résultats les plus importants de chaque étude.
5.1. L’invariance à la procédure en ambiguïté
56 Maafi [2011] examine le phénomène classique d’inversion des préférences (discuté dans l’exemple 2) en ambiguïté [4]. Pour ce faire, les sujets en laboratoire devaient reporter leurs préférences entre six paires de loteries dans le risque et dans l’ambiguité, à travers un choix binaire et une évaluation (prix de vente minimum). Les paires de loteries risquées ont été fréquemment utilisées dans l’étude du phénomène d’inversion des préférences dans le risque. Pour permettre la comparaison entre le risque et l’ambiguité, les loteries ambiguës ont été construites en introduisant de l’ambiguité autour des probabilités de gagner des loteries risquées. Précisémment, pour une loterie risquée (x, p) qui offre le gain x avec une probabilité p, la loterie ambigue correspondante (x, [p ; p?]) offre le même gain x avec une probabilité comprise entre p? et p?, avec p = (p + p?)/2. Pour illustrer, considérons la paire de loteries risquées : {PR= (5 €, 80 %) ; $R= (20 €, 20 %)}, où la loterie P-risquée offre une grande probabilité (80 %) de gagner un petit gain (5 €) alors que la loterie $-risquée offre une petite probabilité (20 %) de gagner un plus gros (20 €). La paire de loteries ambiguës correspondante est : { PA = (5 €, [60 %, 100 %]) ; $A= (20 €, [0,40 %])}, où la loterie P-ambigüe offre 5 € avec une probabilité comprise entre 60 % et 100 %, et la loterie $-ambigüe offre 20 € avec une probabilité comprise entre 0 et 40 %. L’expérience est composée en quatre parties : (1) évaluations des loteries ambigües, (2) choix binaire entre loteries ambigües, (3) évaluations des loteries risquées, et (4) choix binaire entre loteries risquées.
57 Les résultats montrent que lorsque les deux options en jeu sont ambiguës, les individus sont aussi sensibles à la procédure et inversent leurs préférences. Comme dans le risque, les inversions des préférences en présence d’ambigüité sont importantes et systématiques (les sujets préfèrent la loterie P dans le choix binaire mais préfèrent la loterie $ dans l’évaluation). Par ailleurs, les inversions des préférences sont notamment plus fortes dans l’ambiguïté que dans le risque (le taux d’inversion des préférences est de 53 % dans l’ambiguité et 44 % dans le risque). Le plus grand taux d’inversion des préférences en ambiguïté résulte de l’effet de l’ambigüité sur l’évaluation. Les individus affichent une aversion à l’ambigüité dans l’évaluation des loteries très favorables (c.-à-d. avec une grande probabilité de gagner, appelées P-bet) et du goût pour l’ambigüité dans l’évaluation des loteries peu favorables (c.-à-d. avec une petite probabilité de gagner, appelées $-bet). Par contre, l’ambigüité n’affecte pas significativement les préférences dans le choix binaire. Ces résultats sont cohérents avec la prospect theory qui prédit que les sujets sont averses à l’ambigüité pour les événements favorables mais ont un goût pour l’ambigüité pour les événements défavorables (voir par exemple, Abdellaoui et al. [2005]). Ces résultats montrent également que ce phénomène est plus marqué dans l’évaluation que dans le choix binaire.
58 Les résultats de cette étude laissent penser que dans des situations impliquant des options similaires à celles examinées ici, les préférences élicitées par un choix binaire sont plus incompatibles avec les préférences élicitées par l’évaluation en ambiguïté qu’en risque.
5.2. L’invariance à la procédure dans des situations mixant risque et ambiguïté
59 Alors que jusqu’ici le phénomène classique d’inversion des préférences a souvent été étudié en utilisant des paires de loteries risquées ou des paires de loteries ambiguës, Maafi [2010] examine le phénomène d’inversion des préférences dans le cas du célèbre paradoxe d’Ellsberg : lorsqu’une option est risquée et l’autre est ambigüe. Pour ce faire, cette étude compare les préférences élicitées à travers un choix binaire et une évaluation dans trois traitements : (1) le traitement de base avec des paires de loteries risquées du type { PR = (5 €, 80 %) ; $R = (20 €, 20 %)} (2) un traitement où la loterie très favorable est ambigüe et la loterie peu favorable est risquée, { PA = (5 €, [60 %, 100 %]) ; $R = (20 €, 20 %)}, et (3) un traitement où la loterie très favorable est risquée et la loterie peu favorable est ambigüe, { PR = (5 €, 80 %) ; $A = (20 €, [0,40 %])}.
60 Cette étude montre que lorsque l’ambiguïté concerne l’option avec une grande probabilité de gagner un petit gain (traitement 2) ou l’option avec une petite probabilité de gagner un plus gros gain (traitement 3), les inversions des préférences sont considérables et systématiques. Néanmoins, l’effet de l’ambiguïté sur le taux d’incohérence, par rapport au risque, dépend du type de l’option ambigüe. Lorsque l’ambiguïté concerne l’option peu favorable ($-bet) les individus sont plus incohérents que dans le risque. Ceci résulte d’un goût pour l’ambigüité pour les événements défavorables enregistré dans le contexte d’évaluation. Lorsque l’ambiguïté concerne l’option très favorable (P-bet) les inversions des préférences sont encore plus notables que dans le risque. Cela est principalement dû à une aversion à l’ambiguïté pour les événements défavorables dans le choix binaire mais aussi dans l’évaluation.
61 L’une des nouveautés du précédent travail consistait à étudier l’attitude envers l’ambiguïté lorsque l’option risquée et l’option ambigüe n’ont ni le même montant à gagner, ni la même probabilité subjective [5]. Les résultats observés dans le choix binaire montrent que l’attitude vis-à-vis de l’ambiguité n’est pas la même selon que l’ambiguité concerne l’option peu favorable ou l’option très favorable. Ces résultats suggèrent que les sujets n’optent pas « aveuglement » pour l’option risquée sans prendre en considération les probabilités subjectives des deux options en jeu.
5.3. L’invariance à la présentation dans le risque
62 Lévy-Garboua et al. [2012] examinent l’effet de la présentation dans le cas de la procédure Holt et Laury [2002]. Pour ce faire, l’ensemble des choix binaires a été présenté aux individus, soit de manière simultanée, soit de manière séquentielle. De plus, les probabilités de gagner ont été présentées, soit dans un ordre croissant, soit dans un ordre décroissant, soit dans un ordre aléatoire. Trois conclusions principales peuvent être tirées de cette étude. Tout d’abord, nous constatons que l’incohérence est significativement plus importante dans un contexte séquentiel que dans un contexte simultané [6]. Elle est également plus importante lorsque les probabilités sont présentées dans un ordre croissant que lorsqu’elles sont présentées dans un ordre décroissant. L’une des conséquences méthodologiques de ce travail est que la combinaison d’une présentation simultanée des dix loteries où les probabilités apparaissent dans un ordre décroissant améliore la cohérence de la méthode en diminuant les inversions des préférences. Deuxièmement, l’expérience implicite acquise par les individus, associée à de fortes incitations monétaires, induit une diminution spectaculaire des comportements incohérents. Enfin, la présentation a aussi une forte incidence sur le degré d’aversion au risque. En effet le degré d’aversion au risque est nettement plus élevé (1) dans un contexte séquentiel que dans un contexte simultané, et (2) avec des probabilités décroissantes ou aléatoire qu’avec des probabilités croissantes.
63 Plusieurs explications de la sensibilité des préférences à la présentation peuvent être avancées. Une explication possible repose sur le rôle des erreurs aléatoires sur le comportement observé. Cependant l’erreur aléatoire ne semble pas être suffisante pour prédire les incohérences systématiques et leur élimination progressive par l’expérience. Une autre explication possible de ces résultats est que les contextes se distinguent par leur contenu informationnel. Un « bon » contexte (par exemple, un contexte où les options sont présentées simultanément) transmet davantage d’informations ou rend les choix plus évidents pour les individus qu’un « mauvais » contexte (par exemple, un contexte où les options sont présentées séquentiellement), et permet d’économiser en termes d’expérience et d’incitation monétaire.
5.4. Les individus sont-ils cohérents dans leur incohérence ?
64 Hollard et al. [2010] examinent si différents types d’incohérence sont liés, c’est-à-dire si les sujets les plus sensibles au contexte dans une situation donnée le sont aussi dans une autre situation. Pour chaque individu, Hollard et al. [2010] ont défini et mesuré trois types d’incohérence : un effet de formulation, un effet de procédure, et l’instabilité temporelle. L’effet de formulation consiste à mesurer la différence de comportement dans un contexte de gain et dans un contexte de perte, en répliquant l’expérience de DeMartino et al. [2006]. Précisemment, les sujets reçoivent une dotation initiale, X €, puis font un choix entre un montant certain, c, et une loterie L = (X, p) dont l’espérance de gain est égale à c. Le montant certain est formulé, soit en terme de gain, soit en terme de perte. Pour illustrer, considérons une dotation initiale de 10 €. Dans le contexte de gain, on demande aux sujets de choisir entre « garder 2 € de la dotation » et « une loterie qui donne 20 % de chances de gagner 10 €. Dans le contexte de perte, on demande aux sujets de choisir entre « perdre 8 € de la dotation » et « une loterie qui donne 20 % de chances de gagner 10 € ». Selon la prospect theory, un sujet sensible à la formulation choisira l’option certaine dans le contexte de gain, mais retourne ses préférences et choisit l’option risquée dans le contexte négatif.
65 L’effet de procédure mesure la différence de comportement dans un choix binaire et dans une évaluation comme dans l’exemple 2 (Section 3.2). Pour mesurer l’instabilité temporelle, les sujets ont répondu à une série de choix (ceux utilisés pour mesurer l’effet de formulation) deux fois.
66 Bien que le degré de chaque type d’incohérence varie considérablement selon les individus, aucune corrélation significative entre les trois mesures n’a été observée. Ceci exclut la possibilité que certains individus sont plus ou moins cohérents que d’autres d’une manière générale. Si quelque chose comme les capacités cognitives expliquent partiellement l’incohérence, c.-à-d. si les individus avec de fortes capacités cognitives sont plus rationnels que ceux avec de faibles capacités cognitives (voir par exemple, Burks et al. [2009] ; Kahneman et Frederick [2007] ; Frederick [2005]), nous devrions observer une certaine corrélation entre les trois mesures d’incohérence. Curieusement ce n’est pas le cas.
6. Conclusion
67 L’effet de contexte représente l’un des résultats les plus problématiques pour la théorie économique standard, puisqu’il a été démontré que la manière dont une décision est présentée affecte considérablement les actions individuelles. L’effet de contexte est ainsi devenu l’un des sujets les plus importants de l’économie comportementale. Or, la sensibilité au contexte est un concept très vague qui englobe n’importe quelle situation violant le principe d’invariance. En remettant à plat la définition de la sensibilité au contexte, et en distinguant entre différents types de sensibilité au contexte, ce travail propose une catégorisation plus claire des phénomènes d’inversion des préférences. Cette discrimination entre les différents types de sensibilité au contexte apporte une compréhension plus claire des inversions des préférences qui pourrait aboutir à une réflexion théorique sur chaque type d’incohérence. Sur la base de cette discrimination, ce travail présente de nouvelles preuves expérimentales qui viennent accréditer la défaillance empirique du principe d’invariance. Alors que les résultats concernant la violation de l’invariance à la procédure et ceux concernant la violation de l’invariance à la formulation sont compatibles avec la prospect theory, les résultats violant l’invariance à la présentation ne peuvent être expliqués ni par cette théorie ni par des modèles de choix probabilistes (Blavatskyy [2011]). De plus, le résultat montrant qu’on ne peut pas catégoriser les individus en fonction de leurs sensibilités au contexte suggère que ni la prospect theory, ni les modèles d’erreur ne peuvent englober toutes les formes de la sensibilités aux contexte.
68 Bien qu’ayant fait l’objet de nombreuses contributions, l’analyse des comportements en situation d’incertitude contient encore de nombreuses zones d’ombres et plusieurs questions restent sans réponses. Notre compréhension de la sensibilité individuelle au contexte n’est pas encore établie.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : Inversion des préférences, prospect theory, principe d'invariance, risque / ambigüité, sensibilité au contexte
Mise en ligne 15/04/2013
https://doi.org/10.3917/redp.231.0029Notes
-
[*]
Université Paris 8, Vincennes-Saint-Denis, 2 Rue de la Liberté 93200 Saint-Denis, (Email : hmaafi@univ-paris8.fr)
-
[1]
« The inconsistency is deeper than the mere lack of transitivity or even stochastic transitivity. It suggests that no optimization principles of any sort lie behind even the simplest of human choices and that the uniformities in human choice behavior which lie behind market behavior may result from principles which are of a completely different sort from those generally accepted » (Grether et Plott, 1979, page 623).
-
[2]
Bien que la notion de « contexte » soit beaucoup plus générale que la notion de « formulation », les termes effet de formulation et effet de contexte sont interchangeables dans la littérature.
-
[3]
Cette méthode est devenue en peu de temps la méthode standard pour mesurer le degré d’aversion au risque en laboratoire.
-
[4]
La défaillance du principe d’invariance à la procédure en situation d’ambiguïté est également étudiée par Trautmann et al. [2011] et Pogrebna [2010]. Contrairement à Maafi [2011], ces deux articles ne s’intéressent pas au phénomène classique d’inversion des préférences.
-
[5]
Dans la même veine qu’Ellsberg, l’attitude vis-à-vis de l’ambiguité est généralement examinée avec une paire d’option du type : { PariR = (10 €, 50 %) ; PariA = (10 €, [0 %, 100 %])}. Les deux options, risquée (PariR) et ambigüe (PariA) ont le même gain (10 €) et la même probabilité subjective (50 %). Les résultats expérimentaux montrent que les sujets préfèrent généralement l’option risquée à l’option ambigüe, dévoilant ainsi de l’aversion à l’ambiguité.
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[6]
La méthode de Holt et Laury [2002] préconise que les sujets doivent être cohérents. Plus Précisément, ils doivent avoir un seul point de retournement de l’option sûre vers l’option risquée. Un sujet cohérent peut avoir comme séquence de choix SSSRRRRRRR ou encore SSSSSSSSRR. Par conséquent, l’incohérence signifie qu’un sujet a plusieurs points de retournement de l’option sûre vers l’option risquée. Par exemple, un sujet incohérent aura la séquence de choix suivante : SSRSRSRRRR.