Notes
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Nous remercions Mélika Ben Salem, Guillemette de Larquier, Jérôme Gautié, Corinne Perraudin et Hélène Zajdela, ainsi que les rapporteurs de la Revue pour leurs remarques ou suggestions sur une version antérieure de cet article. Les précautions d’usage s’appliquent ici. Correspondance avec les auteures : dang@univ-paris1.fr
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Université Paris 1, CES (CNRS) et CEE. Ai-Thu Dang était membre d’EconomiX (CNRS) au moment de la rédaction de cet article.
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CEE
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[1]
La philosophie de l’API est ambiguë. D’une part, selon B. Fragonard qui a participé à la création de l’API, cette prestation n’avait pas pour but de compenser la charge d’enfant ou l’isolement. Elle visait à « garantir un niveau de vie décent – ou tout juste décent, très faible – , à une partie des familles et pour une durée limitée » (Fragonard, 2010, p. 135). D’autre part, il y avait quand même l’idée qu’il était préférable pour les mères isolées de rester auprès de leurs jeunes enfants, mais passés les trois ans de l’enfant, elles devaient trouver un emploi. Par ailleurs, la notion d’isolement a fait l’objet de débats dans la mesure où l’isolement n’a reçu aucune définition juridique et s’apprécie donc à travers un faisceau de caractéristiques : être seul, dans l’incapacité de subvenir aux besoins des enfants qu’on élève soit du fait du décès du conjoint, soit parce que celui-ci ne verse aucune pension alimentaire, soit parce qu’il n’existe pas juridiquement (absence de reconnaissance de l’enfant par le père).
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[2]
Ainsi, au 1er janvier 2009, quelques mois avant la mise en place du rSa, le montant mensuel de l’API pour un parent isolé avec un enfant était de 778,40 5 contre 681,95 5 pour l’allocation RMI avec la même configuration familiale. Un parent isolé avec deux enfants recevait 973 5 au titre de l’API contre 818,34 5 au titre du RMI. Par ailleurs, dans le cadre de l’API, chaque enfant supplémentaire donnait droit à une majoration de 194,60 5, tandis que 181,85 5 étaient accordés à chaque enfant, à partir du 3e, dans le cas du RMI. Ces montants ne tenaient pas compte du forfait logement qui réduisait le montant de l’allocation du RMI ou de l’API versée. Par ailleurs, les droits connexes attachés au RMI et à l’API différaient : par exemple, les allocataires du RMI bénéficiaient automatiquement et gratuitement de la CMU complémentaire et de la « prime de Noël », ce qui n’était pas le cas des allocataires de l’API.
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[3]
D’après une étude de l’OCDE (2007), le coût de la garde des enfants a un impact négatif sur l’emploi maternel et l’offre de travail de certaines catégories de personne (les femmes peu qualifiées, les familles à faibles revenus, les mères de jeunes enfants et les parents isolés) est très sensible à la variation des coûts de garde. L’étude estime pour la France, sur des données de 2005, que le taux effectif moyen d’imposition, intégrant les frais de garde en plus des prélèvements fiscaux et des réductions de prestations, pour un parent isolé avec deux enfants âgés de deux et trois ans lors d’une transition de l’inactivité vers un emploi à plein temps rémunéré à 67 % du salaire moyen est de 100 %. Par ailleurs, les statistiques montrent que la proportion d’allocataires du RMI ou de l’API qui bénéficiaient de l’intéressement à la reprise d’emploi n’a pas tellement varié de 2000 à 2003 (Mathern [2010]).
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[4]
Voir les commentaires critiques de M. Dollé [2002] à propos de cet article.
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[5]
Les auteurs utilisent l’enquête Emploi 1997 et les barèmes légaux et réglementaires de 1997 dans les simulations réalisées. En raison de la non-disponibilité d’informations sur les revenus des employeurs, des travailleurs indépendants et des retraités dans l’enquête Emploi, le champ couvert est restreint aux individus âgés de 55 ans au plus et appartenant aux ménages sans retraités, employeurs ou travailleurs indépendants.
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[6]
Th. Piketty [1998] discute toutefois de la robustesse de son résultat. Voir p. 17 de son article.
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[7]
Ces deux périodes sont respectivement 1972-1976 et 1977-1981.
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[8]
La prime pour l’emploi (PPE), instaurée en France en 2001, a pour but de soutenir les personnes ayant de faibles revenus d’activité et d’encourager le retour à l’emploi en améliorant la rémunération du travail. Nous ne rendons pas compte ici des travaux d’évaluation des effets de la PPE sur l’offre de travail féminin. Certains de ces travaux s’intéressent à l’offre de travail des femmes, soit en couple, soit isolées. Mais quand ils traitent des femmes isolées, ils ne distinguent pas clairement les femmes célibataires sans enfant et les femmes célibataires avec enfant(s). Le lecteur, intéressé par cette question, peut se reporter notamment à Laroque et Salanié [2002a], [2002b], Fuguzza et al. [2003], Bargain [2004], Stancanelli [2008]. Seule la dernière évaluation est ex post, les autres étant ex ante.
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[9]
Les familles monoparentales vivant d’allocations sociales depuis au moins un an se voient verser un complément de revenu pendant au plus trois ans si elles retrouvent un emploi à temps plein dans l’année qui suit l’entrée dans le programme d’auto-suffisance. Ce supplément de revenu est important : en moyenne, le revenu du travail est doublé. Dans le cadre d’une expérience contrôlée, on répartit aléatoirement ces familles en deux groupes, un groupe de traitement (les bénéficiaires de la mesure) et un groupe de contrôle (les familles monoparentales ne bénéficiant pas de la mesure même si elles ont rempli les conditions requises).
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[10]
Créée en 1980, l’allocation veuvage, accordée sous conditions de ressources, est une allocation temporaire versée pendant deux ans au maximum. Elle s’adresse aux conjoints survivants d’assurés sociaux décédés et n’ayant pas l’âge minimum exigé pour toucher une pension de réversion. La loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 prévoit la prolongation de l’allocation veuvage après le 1er janvier 2011 et non plus sa suppression comme il était prévu initialement.
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[11]
La loi de finances no 98-1266 du 30 décembre 1998, art. 133-II et la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 no 98-1194 du 23 décembre 1998 sortent le budget de l’API du giron de la sécurité sociale pour entrer dans celui de l’État, et devenir une prestation de solidarité financée par l’État.
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[12]
Pourtant, l’ACR avait déjà été discutée dans le rapport Bourguignon-Bureau (1999) qui conclut : « Un dispositif ACR apparaît donc comme une façon efficace d’éliminer le piège de la pauvreté engendré à l’heure actuelle par le RMI, tout en renforçant très significativement la propriété de l’ensemble du système redistributif » (p. 40).
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[13]
Il s’agit du contrat d’avenir dans le secteur non marchand et du contrat insertion-revenu minimum d’activité dans le secteur marchand.
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[14]
Le dispositif d’intéressement est composé de deux périodes : une première période de trois mois au cours de laquelle l’allocataire cumule intégralement allocation et revenu d’activité ; une seconde période de neuf mois au cours de laquelle l’allocataire a soit une prime forfaitaire (150 5 par mois pour une personne seule et 225 5 pour deux personnes ou plus) si la durée mensuelle de son activité est d’au moins 78 heures, soit un intéressement proportionnel (abattement du revenu d’activité de 50 %) si la durée mensuelle de son activité est inférieure à 78 heures. Par ailleurs, une prime de retour à l’emploi de 1000 5 est versée aux allocataires exerçant une activité professionnelle d’une durée mensuelle égale ou supérieure à 78h pendant au moins quatre mois consécutifs.
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[15]
De plus, la loi de Finances de 2007 a conféré à l’API un caractère subsidiaire. L’API ne peut désormais être versée qu’aux parents isolés qui ont fait valoir leur droit aux autres prestations (allocation de soutien familial, allocation d’assurance chômage, pension de réversion, etc.) ou aux créances alimentaires. Ce n’est que lorsqu’ils n’y ont pas droit ou que ces droits n’atteignent pas le montant de l’API que cette dernière intervient.
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[16]
La dégradation du marché du travail due à la crise économique accroît les difficultés des allocataires d’API à trouver un emploi. Toutefois, avant la crise, en 2007, la proportion d’allocataires en intéressement demeure relativement faible : 8,1 %.
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[17]
Depuis 2007, il n’y a pas eu de « coup de pouce » au salaire minimum.
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[18]
On met de côté les revalorisations exceptionnelles : en 1997-1998, à la suite des manifestations liées aux mouvements des chômeurs, le RMI et l’ASS (allocation de solidarité spécifique) ont été revalorisés de 3 % avec effet rétroactif sur l’année 1998. Une « prime de Noël » est mise en place en 1998 et pérennisée depuis. En raison de l’accélération de l’inflation à la fin de 2007 et de la crise économique intervenue en 2008-2009, une prime exceptionnelle s’ajoutant à la « prime de Noël » a été versée en 2009 aux allocataires du RMI et de l’ASS.
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[19]
Le montant de l’API est le montant maximal servi à une femme isolée enceinte et celui du RMI est pour une personne seule sans enfant.
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[20]
Voir la note 14 où nous avons rappelé le dispositif d’intéressement en vigueur du 1er octobre 2006 jusqu’à la généralisation du rSa et qui s’appliquait aux bénéficiaires du RMI, de l’API et de l’ASS.
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[21]
L’enquête de 2003 a concerné les bénéficiaires du RMI, de l’API, de l’ASS et de l’AAH, tandis que celle de 2006 a porté sur l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI, de l’API et de l’ASS.
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[22]
Nous utilisons ici les expressions familles monoparentales et parents isolés comme synonymes alors qu’en réalité les familles monoparentales au sens des enquêtes ménages réalisés par l’Insee et les parents isolés au sens des Caisses d’allocation familiales ne se recouvrent pas entièrement. En effet, les enquêtes ménages de l’Insee comptabilisent uniquement les parents isolés qui sont la personne de référence du ménage. Elles excluent donc ceux qui sont hébergés ou qui partagent le même logement avec d’autres personnes, indépendamment du lien de parenté. Quant aux caisses d’allocation familiales, elles considèrent comme parents isolés les personnes assumant seules la charge effective et permanente d’un ou de plusieurs enfants, à condition qu’elles ne vivent pas maritalement. Par ailleurs, les enfants sont à charge au sens des prestations familiales de la CAF. Dans le cas du RMI, les enfants sont à charge jusqu’à l’âge de 25 ans.
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[23]
Trois états principaux ont été retenus : emploi, chômage ou inactivité (dont retour en études ou formation).
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[24]
Les trajectoires mixtes sans emploi, très peu nombreuses, ont été regroupées soit avec les trajectoires caractérisées par l’inactivité permanente, soit avec les trajectoires « chômage permanent » en fonction du nombre d’épisodes d’inactivité ou de chômage. Ainsi, lorsque la trajectoire mixte sans emploi d’un allocataire comprend, par exemple, plus de 50 % du temps passé en inactivité, elle est regroupée avec les trajectoires « toujours en inactivité » et renommée en trajectoire « principalement en inactivité ».
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[25]
Une partie de l’enquête est consacrée à l’accès aux aides et à l’accompagnement. Mais les questions ne sont posées qu’aux allocataires du RMI sans distinction d’ailleurs entre zone expérimentale et zone témoin. De plus, les questions concernent l’accompagnement existant dans le cadre du RMI.
Introduction
1 Les politiques d’activation en direction des familles monoparentales bénéficiaires de minima sociaux constituent l’une des orientations suivies par les réformes de la protection sociale dans les pays industrialisés depuis le milieu des années 1990 (voir, par exemple, Kilkey [2000], Millar et Rowlingson [2001], Millar [2005] et s’inscrivent dans le cadre de l’« État social actif ». Toutefois, en raison de la variété des systèmes institutionnels et d’écart de trajectoires, différents modèles d’activation sont traditionnellement distingués (voir, par exemple, Scharpf et Schmidt [2000], Serrano Pascual [2007]). Même si les politiques d’activation peuvent se décliner différemment, elles partagent néanmoins un présupposé commun : faire en sorte que les bénéficiaires d’indemnités de chômage ou de prestations sociales trouvent dans l’emploi rémunéré leur principale source de revenus et éviter qu’ils ne s’enferment dans les « trappes à chômage » ou dans les « trappes à inactivité ». Dans l’Union européenne, la nécessité d’accroître le taux d’emploi est aussi en phase avec la Stratégie de Lisbonne, dont un des objectifs est d’atteindre les 70 % de taux d’emploi.
2 Dans la mesure où l’adulte, chef de famille, est très souvent une femme dans les familles monoparentales, les politiques d’incitation au retour à l’emploi en direction de cette population constituent un cas d’analyse doublement intéressant. D’une part, les droits sociaux accordés aux mères isolées intéressent en réalité l’ensemble des femmes. En effet, comme l’a déjà souligné Hobson (1994, p. 176), « le type de soutien reçu par les mères isolées de la part de l’État peut être utilisé comme un baromètre des forces et des faiblesses des droits sociaux accordés aux femmes qui ont une famille » et révèle ainsi les fondements normatifs qui sous-tendent implicitement les politiques sociales en termes de genre. D’autre part, les politiques d’activation en direction des mères isolées touchent directement le dilemme emploi rémunéré – travail de « care ». Les mères isolées activées peuvent se trouver dans une position délicate : elles sont incitées à occuper un emploi rémunéré mais ne bénéficient pas d’aides nécessaires pour la garde des enfants, même quand leur niveau de salaire est insuffisant pour externaliser ce travail de « care ».
3 En France métropolitaine, jusqu’à la généralisation du rSa (revenu de solidarité active), le 1er juin 2009, les familles monoparentales pauvres bénéficiaient soit du RMI (revenu minimum d’insertion), soit de l’API (allocation pour parent isolé). Créée en 1976, l’API, qui était une prestation familiale et un minimum social accordé sous conditions de ressources, s’adressait aux personnes enceintes sans conjoint ou assumant seules la charge d’enfants. Cette allocation existait sous deux formes : l’API dite « courte », versée pour une durée d’un an au parent séparé, veuf ou divorcé depuis moins d’un an et élevant seul un ou plusieurs enfants de trois ans ou plus ; l’API dite « longue », perçue par le parent isolé élevant un ou plusieurs enfants âgés de moins de trois ans jusqu’à ce que le benjamin atteigne 3 ans. À la fin de l’année 2008, 200.400 personnes bénéficiaient de cette allocation (Mathern 2010). Dans près de huit cas sur dix, l’API concernait des parents isolés ayant un enfant de moins de trois ans. Tous les parents isolés ayant de faibles ressources ne bénéficiaient pas de cette allocation, étant donné la durée limitée de son versement. Ainsi, fin 2008, un quart des allocataires du RMI étaient des parents isolés avec un ou plusieurs enfants à charge.
4 Attribuée sans obligation d’insertion professionnelle et sociale, l’API s’inscrivait, depuis sa création, dans une logique catégorielle et a été conçue comme un revenu de remplacement transitoire ou comme une ébauche de « salaire maternel » permettant aux bénéficiaires de prendre soin de leur(s) enfant(s) à plein temps [1]. Sa création, dans un contexte marqué par les lois libéralisant le divorce et l’avortement, a aussi été interprétée comme l’instrument de reconnaissance de la monoparentalité. Son montant était nettement supérieur à celui d’un autre minimum social, le RMI (revenu minimum d’insertion), accordé sous conditions de ressources aux personnes âgées d’au moins 25 ans, sauf en cas de charges de famille [2].
5 Expérimenté dans une trentaine de départements à partir de 2007, le rSa est entré en vigueur sur l’ensemble du territoire métropolitain depuis le 1er juin 2009 et depuis le 1er janvier 2011 dans les DOM-TOM. Il s’est substitué au RMI, à l’API et aux dispositifs d’aide à la reprise d’emploi qui leur sont associés (mécanismes d’intéressement, prime de retour à l’emploi de 1000 euros) et s’articule aussi avec la prime pour l’emploi (PPE). Le rSa est une allocation versée sous condition de ressources dont les bénéficiaires sont des foyers d’un ou plusieurs individus. L’allocation est dégressive en fonction du revenu d’activité et progressive avec le nombre de personnes vivant dans le foyer. Le rSa vise trois principaux objectifs : premièrement, accroître les gains financiers du retour à l’emploi, en garantissant que chaque heure supplémentaire travaillée apportera un supplément de revenus ; deuxièmement, lutter contre la pauvreté ; troisièmement, simplifier ou rendre plus lisible le système de minima sociaux. On distingue le « rSa socle » du « rSa activité » : le montant du « rSa socle », versé aux personnes qui ne travaillent pas, correspond à celui de l’ancien RMI ou à celui de l’API selon la configuration familiale ; le « rSa activité » apporte un complément de revenu pour les foyers qui ont des revenus d’activité faibles ou modérés.
6 Par ailleurs, le rSa est étendu aux jeunes de moins de 25 ans (« rSa jeune ») depuis le 1er septembre 2010 à condition d’avoir travaillé au moins deux ans à temps complet (3214 heures) au cours des trois dernières années.
7 La mise en place du rSa constitue un véritable tournant à la fois dans l’histoire des minima sociaux en France et dans le champ des politiques en direction des familles monoparentales pauvres. Elle rompt avec plusieurs logiques qui ont prévalu jusqu’à maintenant. En effet, le « rSa activité » fait partie de la catégorie des « in-work benefits » et relève de la logique de « Welfare to work » ou d’activation des dépenses sociales. De plus, les familles monoparentales bénéficiaires du rSa dont les ressources sont inférieures au montant forfaitaire applicable et qui soit ne travaillent pas, soit ont un revenu d’activité inférieur à 500 euros, sont soumis aux mêmes obligations que les autres bénéficiaires : le droit au rSa est assorti d’un devoir de recherche d’emploi ou d’actions d’insertion sociale et professionnelle. La loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion stipule néanmoins que ces obligations devront tenir compte des sujétions particulières, notamment en matière de garde d’enfants, auxquelles ces familles sont astreintes.
8 En fusionnant le RMI et l’API, le rSa unifie la catégorie de parents isolés bénéficiaires de prestations d’assistance et abandonne la logique de politique spécifique pour les parents isolés démunis ayant la charge de jeunes enfants. Certes, le rSa est majoré pour les parents isolés et son montant est identique aux anciennes allocations mais il efface la distinction entre les parents isolés allocataires du RMI et les parents isolés titulaires de l’API, dont l’âge des enfants et les profils des allocataires sont pourtant différents. De plus, dans le cas des allocataires de l’API, on assiste à un glissement progressif d’une politique d’assistance vers une politique d’incitation au travail. L’emploi est dorénavant considéré par les pouvoirs publics comme le meilleur rempart contre la pauvreté et le « modèle de l’adulte actif » (Lewis [2002]) s’applique également aux familles monoparentales allocataires de minima sociaux. Renforcer l’attrait pour les parents isolés d’un retour à l’activité plus rémunérateur et éviter leur éventuelle dépendance à l’État-providence constituent des préoccupations récentes des pouvoirs publics en France.
9 Le RMI et l’API étaient-ils susceptibles de réduire la recherche d’emploi des parents isolés en constituant des « trappes à inactivité » ? Les obstacles au retour à l’emploi de cette population ne sont-ils que financiers ? Quels sont les freins à l’emploi des parents isolés allocataires de l’API ou du RMI ?
10 Notre texte vise à répondre à ces questions à partir d’une exploitation des données de l’enquête sur les expérimentations du rSa (voir la section présentant les données). Nous avons également comme objectif de contribuer à une meilleure connaissance des familles monoparentales bénéficiaires de minima sociaux. En effet, d’après le rapport d’audit de modernisation sur l’allocation de parent isolé d’IGF et d’IGAS (2006), il s’agit d’une « population insuffisamment connue » en termes de « caractéristiques et de trajectoires socio-professionnelles » (p. 28). Pour analyser et comprendre les comportements d’activité et de recherche d’emploi des allocataires, nous proposons de partir de leurs expériences vécues et de leur ressenti à partir d’une exploitation des données de l’enquête réalisée dans le cadre des expérimentations du rSa. Cette enquête permet d’identifier les freins à l’emploi mais aussi de comprendre les raisons du retour à l’emploi de cette population. Nous adoptons ici l’une des trois postures épistémologiques possibles, décrites par A. Desrosières [1993], lorsqu’on s’intéresse aux liens entre théorie économique et observations ou données statistiques : « L’une, sur le modèle des sciences physiques, suppose a priori que des principes généraux de maximisation et d’optimisation orientent les comportements individuels, et en déduit une représentation déterministe (au moins en théorie) de la vie économique. L’autre (…) voit dans les régularités et les corrélations observées, les seules « lois » ou « causes » dont le savant peut parler valablement. Dans le premier cas, on peut, au mieux, mesurer les paramètres d’un modèle théorique supposé vrai a priori. Dans le second, les lois ne peuvent qu’émerger du foisonnement des données. Une troisième attitude est possible, celle de l’épreuve d’une théorie, soumise à la critique, et confirmée ou rejetée au vu des observations » (p. 371).
11 Notre réflexion s’organisera en deux temps. La première partie revient sur les différents rapports officiels préconisant la fusion de l’API et du RMI et sur les réformes institutionnelles qui ont précédé la création du rSa. En effet, même si le rSa innove dans le domaine des politiques sociales en permettant un cumul durable entre un revenu d’assistance et un revenu du travail même faiblement rémunéré, les politiques d’activation des familles monoparentales vivant de l’assistance se sont progressivement déployées dès la fin des années 1990 dans le but de lutter contre les « trappes à inactivité » dont seraient victimes ces familles. Comme ces rapports officiels se sont nourris des travaux des économistes sur la question des « trappes à inactivité », nous présenterons également de façon synthétique dans cette partie les résultats desdits travaux. Malgré la richesse de ces travaux, il est finalement difficile d’en déduire les comportements effectifs des allocataires. Quant aux travaux issus des expériences contrôlées menées dans les pays anglo-saxons, ils font bien ressortir les effets des incitations financières sur le taux d’emploi des parents isolés vivant de l’aide sociale. Mais ces résultats ne sont valables que dans le contexte de l’expérimentation. Par ailleurs, si une mesure d’incitation financière peut avoir des effets positifs à une petite échelle, il n’est pas évident qu’elle soit efficace à une plus grande échelle une fois que l’on prend en compte les effets d’équilibre général.
12 Dans la seconde partie, après avoir présenté les données utilisées, nous exposerons quelques résultats descriptifs et nous proposerons une typologie des trajectoires professionnelles des allocataires, obtenue par la combinaison des données de l’enquête et des calendriers mensuels d’activité. Enfin, à l’aide d’un modèle logit multinomial, nous analyserons les effets des caractéristiques individuelles et de l’appartenance à la zone test ou témoin sur la probabilité de connaître tel type de trajectoire professionnelle plutôt que tel autre type sur la période observée. Même si la focale d’analyse est centrée sur les familles monoparentales, les résultats empiriques qui ressortent de l’enquête sont aussi présentés pour les autres catégories d’allocataires.
1. L’activation des parents isolés en France : un processus récent mais continu
13 La fusion du RMI et de l’API, rendue effective par la création du rSa, est en réalité l’aboutissement de réflexions alimentées par plusieurs rapports officiels consacrés à la réforme du système de minima sociaux. L’autre grande thématique de ces rapports est l’importance d’améliorer le retour à l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux d’âge actif. Sans prétendre à l’exhaustivité, il nous a donc paru pertinent de revenir brièvement sur les préconisations contenues dans ces rapports et sur les réformes mises en place à la fin des années 1990 pour réduire les « trappes à inactivité » et rendre ainsi le travail plus payant que l’assistance. Ces rapports se sont appuyés sur les résultats d’un certain nombre de travaux d’expertise économique sur la question des « trappes à inactivité » pour justifier leurs préconisations. Il n’est donc pas inutile de rappeler, même brièvement et sans prétendre à l’exhaustivité, les résultats des études qui ont cherché à évaluer l’impact des incitations financières sur les décisions d’offre de travail des parents isolés, en particulier l’offre de travail des mères isolées. Dans la mesure où les coûts de la garde d’enfants peuvent être supérieurs au salaire potentiel de la mère, des travaux ont également cherché à évaluer la sensibilité de la décision d’activité des femmes aux coûts de la garde. Nous exposerons les principaux résultats, en nous concentrant sur une sous population, les mères célibataires.
1.1 Que nous apprennent les études empiriques sur l’offre de travail des parents isolés ?
14 L’idée selon laquelle les parents isolés, bénéficiaires de minima sociaux, pourraient être enfermés dans leur statut, faute d’un intérêt financier suffisant, notamment lorsque les emplois sont faiblement rémunérés, est à relier à la problématique des « trappes à inactivité ». Celle-ci s’appuie sur le modèle néo-classique d’offre de travail (voir Cahuc et Zylberberg 2001, p. 20-30). Dans ce cadre théorique, tout revenu obtenu par l’individu sans travailler biaise son choix en faveur du loisir, en augmentant son « salaire de réserve ». Le chômage est volontaire et lié à un problème de désincitation au travail. Dans le cas des parents isolés ayant des revenus et des qualifications faibles, la question des coûts de garde complique la reprise d’emploi.
15 Les études portant sur la sensibilité de l’offre de travail des parents isolés aux incitations financières diffèrent d’une part par la stratégie d’évaluation retenue (méthode plus ou moins élaborée de cas types ; méthode de double différence dans le cadre d’une quasi-expérience naturelle ; expérience contrôlée ou aléatoire) et d’autre part par la question traitée (repérer les zones de trappe à inactivité potentielle ; calculer le nombre de ménages effectivement concernés par les « trappes à inactivité » ; estimer les salaires potentiels pour les allocataires de minima sociaux ; estimer l’élasticité de l’offre de travail des parents isolés).
16 Le risque de trappe à inactivité a été mis en évidence à partir de l’analyse de cas types, en comparant pour différentes configurations familiales le revenu atteint dans une situation d’emploi (1/2 Smic ou 1 Smic) et dans une situation d’allocataire de minima sociaux, selon la législation fiscale et sociale en vigueur (par exemple, CSERC 1997, Paillaud et Eyssartier [1998], Pisani-Ferry [2000]). Les gains sont positifs avec un emploi équivalent à un Smic mais avec une disparité de gains selon la composition familiale. Concernant les familles monoparentales, l’écart entre le minimum social, le RMI ou l’API, et un revenu d’activité est faible voire très faible ou nul pour des temps partiels rémunérés au voisinage du Smic. Or le retour à l’emploi s’opère de plus en plus sur des postes à temps partiels et en outre peu stables. Si un emploi à temps partiel est la seule source de revenu offert, les bénéficiaires de minima sociaux se trouvent alors dans une situation de faible incitation à trouver un emploi.
17 Les études, fondées sur des cas types, n’intègrent pas les réformes mises en oeuvre pour rétablir les incitations à travailler pour les allocataires de minima sociaux (réforme des règles d’intéressement en 1998, réforme des dégrèvements de la taxe d’habitation en 2000, création de la PPE en 2001, réforme des allocations logement en 2001-2002 et modification de la décote et du barème de l’impôt sur le revenu en 2001). Selon C. Hagneré et A. Trannoy [2001], l’ensemble de ces réformes a permis de gommer les trappes d’inactivité à court terme et de réduire les taux marginaux et moyen d’imposition à plus long terme à la fois pour un emploi rémunéré au Smic, à mi-temps ou à plein temps. Par ailleurs, l’incitation financière à reprendre un emploi serait plus forte pour les allocataires de l’API (une femme avec un enfant de moins de trois ans à charge). Toutefois, ce résultat est obtenu sans la prise en compte des coûts de garde d’enfant, qui ont un impact important sur la probabilité des allocataires de l’API de participer au marché du travail [3].
18 Les analyses en termes de cas types négligent aussi dans leurs calculs les aides locales, différentes selon les villes et accordées aux titulaires de minima sociaux. Les situations de trappe à inactivité seraient encore plus importantes avec la prise en compte de ces aides : les familles avec enfants qu’elles soient monoparentales ou non doivent travailler plus de 40h hebdomadaires au Smic pour gagner davantage qu’en situation d’inactivité (Anne et L’Horty [2002]) [4].
19 Les études reposant sur des cas types présentent deux limites importantes. La première limite est qu’elles permettent de repérer les zones de trappe à inactivité potentielle, mais ne permettent pas d’évaluer le nombre de ménages effectivement concernés par ces trappes. Pour remédier à cette limite, on peut appliquer le système socio-fiscal à un échantillon représentatif de la population française pour étudier la distribution des taux de prélèvement marginaux ou des gains nets après impôts et transferts sociaux dans cette population. G. Laroque et B. Salanié [1999] ont montré que 20 % de la population subissent un taux marginal de prélèvement supérieur à 90 %, les ménages concernés étant essentiellement des bénéficiaires du RMI ou de l’API [5]. Par ailleurs, les incitations financières à la reprise d’un emploi, à plein temps ou à mi-temps, rémunéré au Smic, sont faibles pour une partie importante des chômeurs et inactifs. La seconde limite des études de cas types tient au fait qu’elles donnent les valeurs des gains financiers potentiels à la reprise d’emploi qui sont cependant hypothétiques dans la mesure où les revenus d’activité, un Smic ou un demi-Smic, sont affectés arbitrairement à des ménages de composition familiale différente. Or le montant des gains potentiels à l’emploi dépend d’une part du niveau des minima sociaux et d’autre part de l’état du marché du travail et des caractéristiques individuelles des personnes concernées. Il faudrait calculer les salaires auxquels peuvent prétendre les allocataires de minima sociaux. Dans cette optique, M. Gurgand et D. Margolis [2002] ont simulé les gains financiers d’un retour à l’emploi pour les bénéficiaires du RMI, en affectant un salaire potentiel à un échantillon représentatif de bénéficiaires du RMI issus de l’enquête réalisée par l’Insee en 1998 sur le devenir des personnes sorties du RMI. Les auteurs montrent que les trois quarts des ménages gagneraient financièrement lors de la reprise d’un emploi, mais la médiane d’accroissement du revenu disponible est de 202 euros et ce gain ne tient pas compte des coûts liés à la reprise d’un emploi tels que les frais de garde d’enfants ou de transport, etc. Par ailleurs, les gains simulés pour les personnes seules avec un ou plusieurs enfants sont positifs et faibles pour une minorité d’entre elles.
20 Cette méthode permet de quantifier de façon plus précise les gains financiers potentiels à l’emploi, mais ne renseigne pas sur les comportements effectifs des individus concernés par la question des trappes. En effet, il est nécessaire de comparer les gains potentiels obtenus aux salaires de réserve des allocataires de minima sociaux. Pour cela, G. Laroque et B. Salanié [2000] ont estimé des équations de participation pour différentes catégories de population à partir d’un modèle d’offre de travail. Il ressort de leur étude que les femmes en couple seraient particulièrement sensibles aux incitations financières à l’emploi, tandis que les femmes seules avec de jeunes enfants en seraient relativement moins sensibles Toutefois, les auteurs reconnaissent que « les résultats des estimations (…) sont malheureusement moins satisfaisants » (p. 57) pour les sous-populations telles que les femmes seules sans enfant, les femmes seules avec enfant(s), les hommes seuls et les hommes en couple, de sorte que « la participation au marché du travail dépend en grande partie de facteurs inexpliqués » (p. 54).
21 Le salaire de réserve fait souvent l’objet d’estimations car il est difficile de l’observer directement. Toutefois, certaines enquêtes permettent d’avoir cette information. Pour connaître le salaire de réserve des titulaires de minima sociaux, L. Rioux [2001b] utilise l’enquête « sortants du RMI » menée par l’Insee en 1998 et la version française du Panel européen des ménages réalisée par l’Insee de 1994 à 1996. Ces enquêtes renseignent sur le nombre d’heures de travail par semaine souhaité par les chômeurs et le salaire minimal demandé pour ce nombre d’heures, ce qui permet de calculer un salaire de réserve horaire. Il ressort de cette étude que les « deux-tiers des chômeurs au RMI ont un salaire de réserve inférieur ou égal au Smic horaire, alors que près des deux-tiers des autres chômeurs demandent un salaire supérieur au Smic horaire » (p. 143). En outre, la comparaison des salaires de réserve horaires déclarés par les chômeurs au RMI et les salaires horaires acceptés par les anciens allocataires du RMI montrent qu’ils ne sont guère différents.
22 Afin de mesurer la sensibilité de l’offre de travail des parents isolés aux incitations financières, une autre stratégie empirique consiste à utiliser des réformes, qui ont modifié les incitations financières à l’emploi, pour estimer l’élasticité de l’offre de travail sur sa marge extensive. Ainsi, Th. Piketty [1998] utilise la création du RMI en décembre 1988 et son entrée en vigueur au 1er janvier 1989 comme une expérience quasi-naturelle. Pour les familles monoparentales n’exerçant aucune activité, le revenu disponible à la suite de la création du RMI en 1989 s’est fortement accru pour les parents isolés avec un ou deux enfants à charge (dont aucun de moins de 3 ans) relativement aux parents isolés avec trois enfants ou plus à charge (dont aucun de moins de 3 ans). L’auteur compare l’évolution du taux d’emploi des parents isolés avec un ou deux enfants à charge avec celui des parents isolés avec trois enfants à charge avant et après la création du RMI. Le différentiel d’évolution est environ de 4 points de pourcentage. L’élasticité de l’offre de travail des parents isolés avec un seul enfant de plus de trois ans serait de l’ordre de 0,8. L’instauration du RMI semble avoir réduit l’offre de travail de ces parents isolés [6].
23 A l’instar de la précédente étude, Y. de Curraize et H. Périvier [2010] ont utilisé la création de l’API en 1976 comme une quasi-expérience naturelle pour évaluer l’effet d’une politique publique sur l’offre de travail des mères isolées ayant au moins un enfant âgé de moins de 3 ans. La méthode consiste à comparer les évolutions de taux d’emploi de deux groupes, le groupe de traitement (groupe affecté par la mise en place de l’API) et le groupe de contrôle (groupe non affecté mais présentant des caractéristiques similaires observables), avant et après l’introduction de l’API (longue) [7]. La différence des évolutions entre groupe de traitement et groupe de contrôle est attribuée à l’API. Cette différence serait de 8,72 points de pourcentage sans aucun contrôle de l’état du marché du travail. Or la période étudiée est marquée par la crise économique consécutive aux deux chocs pétroliers. En prenant en compte la montée du chômage de masse, l’impact de l’API sur l’offre de travail des mères isolées de jeunes enfants serait plus limité et s’élèverait à 2,24 points de pourcentage. L’essentiel de la chute du taux d’emploi des mères isolées ayant de jeunes enfants s’explique donc essentiellement par la dégradation du marché du travail sur cette période.
24 L’introduction de l’API ou du RMI est assimilée à une expérience quasi-naturelle, afin d’évaluer la sensibilité de l’offre de travail des mères isolées aux incitations financières. Ces prestations ont certes affecté les incitations financières à l’emploi, mais plutôt dans le sens d’une réduction de ces incitations.
25 Les pays anglo-saxons ont une longue tradition en matière de crédit d’impôt, prestation subordonnée à l’exercice d’un emploi. Ces dispositifs vont dans le sens d’une augmentation des incitations financières à l’emploi. En effet, ils visent à lutter contre la pauvreté infantile en incitant les familles à bas revenus à occuper un emploi. Aux États-Unis, l’EITC (Earned Income Tax Credit) existe depuis 1975 et son barème a été augmenté à plusieurs reprises dans les années 1990. Quant au Royaume-Uni, il a vu se succéder différents dispositifs de crédit d’impôt aux familles modestes en activité : le FIS (Family Income Supplement) mis en place en 1971, le Family Credit en 1988, puis le Working Family Tax Credit (WFTC) en 1999 et enfin le WTC (Working Tax Credit) qui a remplacé le WFTC depuis 2003. Comme l’EITC, le WFTC et le WTC sont plus généreux pour les familles avec enfants, mais à la différence de l’EITC, ils intègrent une majoration pour les frais de garde d’enfants [8].
26 Beaucoup de travaux ont cherché à évaluer l’impact de ces crédits d’impôt sur la participation des femmes au marché du travail, en particulier celle des femmes seules avec enfant(s). On peut distinguer schématiquement deux types de travaux selon la méthode d’évaluation utilisée pour mesurer l’impact des différentes réformes de l’EITC et du WFTC sur le taux d’emploi des mères isolées : premièrement, les travaux qui utilisent la méthode de double différence. On compare l’évolution de l’activité des femmes qui ont vu leurs incitations financières augmenter, des femmes seules avec enfant(s) à charge (groupe de traitement), avec celle des femmes célibataires sans enfant (groupe de contrôle), qui ne sont pas concernées par la mesure. Deuxièmement, les travaux qui cherchent à estimer un modèle structurel d’offre de travail. Quelle que soit la méthode d’évaluation retenue, les études empiriques concluent que l’EITC et le WFTC ont eu un impact positif sur le taux d’emploi des mères isolées (pour une revue de la littérature sur ce sujet, voir Blundell et Walker [2002], Hotz et Scholz [2003] et Mikol et Rémy [2010]). Dans le cas du WFTC, Brewer et al. [2006] ont montré que l’impact serait plus important sur l’offre de travail des mères isolées dont le plus jeune est âgé entre trois et dix ans.
27 Enfin, au Canada, dans le cadre d’une expérience contrôlée, le programme d’auto-suffisance (Self-Sufficiency Project) a été mis en place en 1992 et s’est achevé en 1999. Il est destiné aux familles monoparentales vivant de prestations d’assistance dans deux provinces du pays (la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick), dans le but de réduire la pauvreté et d’inciter au retour à l’emploi [9]. Le programme a permis d’accroître rapidement le taux d’emploi des parents isolés du groupe de traitement par rapport à celui du groupe de contrôle. Toutefois, le taux d’emploi du groupe de contrôle a également progressé, mais plus lentement, et l’écart entre le taux d’emploi du groupe de traitement et du groupe de contrôle est de 3,6 points de pourcentage à la fin de la période de suivi (voir Michalopoulos et al. [2002], p. 69-70).
28 Il convient cependant de souligner que les effets des politiques de valorisation du travail sont très dépendants des institutions, du contexte macroéconomique, du fonctionnement du marché du travail et de son état (Bassanini et al. [1999], Cahuc [2002]).
29 La majorité des études relatives à l’influence des incitations financières sur le retour à l’emploi néglige les coûts de garde des enfants. Or, pour les mères de jeunes enfants, et surtout pour les mères isolées, les frais de garde ont un impact sur la décision de travailler, et le choix des heures travaillées le cas échéant, au regard de leur salaire potentiel. En effet, si elles décident de travailler, elles doivent recourir à un mode de garde, le plus souvent payant. Les choix d’offre de travail et de modes de garde sont donc interdépendants.
30 Depuis l’article séminal de J. Heckman [1974], une littérature foisonnante, essentiellement anglo-saxonne, s’est développée pour mesurer les effets du coût de la garde sur l’offre de travail des mères. Dans cet article, J. Heckman montre qu’une hausse du coût des services de garde réduit d’une part la probabilité que les mères, âgées de 30 à 44 ans et ayant au moins un enfant âgé de moins de 10 ans, travaillent et d’autre part le nombre d’heures travaillées si elles occupent un emploi. Les travaux sur la participation des mères au marché du travail en fonction du coût de la garde se distinguent par la modélisation retenue (estimation de la forme réduite d’un modèle d’offre de travail, estimation d’un modèle structurel de participation), les données utilisées, le champ de l’étude (mères mariées, mères vivant en couple ou non, femmes célibataires avec enfant, niveau de qualification des mères, âge des enfants, …), la mesure du coût de la garde, la prise en compte de manière fine ou non des différents modes de garde existants (nourrice, crèche, garde informelle, …) et de la qualité des modes de garde relativement à la qualité de la garde maternelle. Il est donc difficile de comparer les valeurs des élasticités de l’offre de travail au coût de la garde obtenues dans ces travaux (pour une revue très détaillée de cette littérature empirique, voir Blau [2003]). Toutefois, les résultats empiriques confirment le signe négatif attendu du coût de la garde sur l’offre de travail des mères (voir le tableau synoptique de Blau [2003], p. 483-485). Concernant les mères célibataires, les valeurs des élasticités estimées s’étendent de -0,22 à - 1,03 suivant les spécifications, les champs et la mesure du coût de la garde. Pour les études qui distinguent dans leur échantillon les mères mariées et les mères célibataires, les mères selon leur niveau d’éducation, l’âge des enfants, il semble que l’élasticité (en valeur absolue) soit plus élevée pour les mères célibataires que pour les mères mariées, pour les femmes à faible niveau d’éducation que pour les femmes à fort niveau d’éducation, et quand les enfants sont plus jeunes que les mères soient mariées ou célibataires. Si l’on distingue les emplois à temps complet et à temps partiel, l’offre de travail des mères mariées et des mères célibataires semble plus sensible au coût de la garde pour le temps complet. Toutefois, l’ampleur des élasticités semble indiquer que le coût de la garde est un déterminant important de l’emploi à temps plein et à temps partiel des mères célibataires, tandis que pour les mères mariées il a très peu d’effet sur l’emploi à temps partiel.
31 Dans le cas français, à notre connaissance, un seul travail relatif à l’impact des dispositifs de garde sur l’offre de travail des mères en couple et des mères célibataires a été réalisé (Goux et Maurin [2010]). En France, les enfants de 2 ans ont la possibilité d’accéder à l’école maternelle. Cette scolarisation précoce peut être assimilée à un mode de garde gratuit, diminuant le coût d’opportunité de l’emploi et favorisant l’activité des mères. D. Goux et E. Maurin [2010] montrent qu’il existe un effet significativement positif de la scolarisation à deux ans sur la participation des mères isolées au marché du travail, en particulier pour celles ayant un faible niveau d’éducation ou dans les régions où l’accès à d’autres modes de garde est limité. En revanche, elle n’affecte pas l’offre de travail des femmes en couple.
32 Les travaux que nous avons passés brièvement en revue forment un cadre cognitif global, c’est-à-dire un ensemble de représentations et de principes d’action sur la question des « trappes à inactivité », dans lequel vont s’inscrire les différents rapports officiels et les réformes de la fin des années 1990 jusqu’à la création du rSa. Certains résultats de ces travaux sont d’ailleurs explicitement mobilisés dans les rapports officiels pour légitimer les préconisations en termes de politiques publiques.
1.2 Deux préconisations récurrentes dans les rapports officiels : la fusion du RMI et de l’API et la lutte contre les « trappes à inactivité »
33 Dès 1992, un rapport du Commissariat du plan (Fragonard [1992]) posait déjà la question de la fusion de trois minima sociaux, le RMI, l’API et l’allocation veuvage [10]. Elle est reprise dans le rapport Join-Lambert [1998], qui proposait l’harmonisation de la prise en compte des charges familiales dans les allocations RMI et API et, afin de favoriser leur insertion professionnelle, l’extension du mécanisme d’intéressement à la reprise d’activité et de la signature d’un contrat d’insertion réservés jusque-là aux allocataires du RMI aux bénéficiaires de l’API. Il est intéressant de souligner qu’un changement d’orientation de la politique publique à l’égard des allocataires de l’API s’opérait déjà à ce moment-là puisque deux catégories d’allocataires sont clairement distinguées : les « personnes définitivement éloignées de l’emploi (handicapés, invalides, personnes âgées) » et « celles qui peuvent y accéder (RMI, API, assurance veuvage, régime d’assistance chômage) » (Join-Lambert, [1998], p. 32). D’ailleurs, sur la période récente et jusqu’à son remplacement par le rSa, l’API était rattachée au groupe des minima sociaux dits d’insertion ou d’âge actif. Pourtant, à sa création, l’API était clairement inscrite dans une logique de sécurité sociale afin de rompre avec l’aide sociale dont bénéficiaient les parents isolés et démunis, et on n’attendait pas des bénéficiaires qu’ils retournent rapidement sur le marché du travail [11].
34 En 1998 et 1999, deux rapports du CAE (Bourguignon [1998] ; Bourguignon et Bureau [1999]) ont cherché à évaluer le pouvoir redistributif du système socio-fiscal en France et ont réfléchi à une meilleure intégration des transferts sociaux et de la fiscalité. Ils montrent que les taux marginaux effectifs d’imposition décrivent, à la fin des années 1990, une courbe en U aplati : les taux sont élevés aux deux extrémités de la distribution des revenus. Or le niveau élevé et confiscatoire des taux marginaux effectifs d’imposition dans le bas de l’échelle des revenus est susceptible de générer des « trappes à inactivité ». Les auteurs préconisent alors la mise en place d’un système d’impôt négatif, un transfert forfaitaire versé à tous, modulé selon la composition familiale, et couplé à un impôt proportionnel sur la totalité des revenus perçus. Enfin, le rapport Belorgey [2000] va dans le même sens que le rapport Join-Lambert, en recommandant l’intégration de l’API et de l’allocation veuvage dans le RMI, tout en conservant une majoration financière aux personnes assurant seules la charge d’éducation de jeune(s) enfant(s). Il préconise également de favoriser l’incitation au travail par la suppression de certains effets de seuil, notamment dans les allocations logement, et par un mécanisme d’intéressement plus performant pour les bénéficiaires du RMI qui reprennent un emploi, qui passe par la mise en place d’une allocation compensatrice de revenu d’activité (ACRA), à l’image de l’allocation compensatrice de revenu (ACR) défendue par R. Godino à la fin des années 1990 : « Il s’agirait de diminuer le RMI non de la totalité des gains, mais d’une fraction en sifflet, et ce jusqu’à un gain de 1,2 SMIC » (Belorgey [2000], p. 199). L’idée d’instaurer un mécanisme de cumul pérenne entre les revenus d’activité et le RMI et de transformer ainsi ce minimum social en une allocation dégressive n’a pas été retenue par les pouvoirs publics [12]. Néanmoins, selon Ph. Mongin ([2008], p. 440), l’ACR a ouvert la voie au revenu de solidarité active.
35 L’année 2005 voit la publication de trois rapports, Hirsch [2005], Létard [2005], Mercier et de Raincourt [2005], qui reprennent les thématiques déjà abordées dans les précédents rapports : la question de la fusion de certains minima sociaux, celle des « trappes à inactivité » ainsi que les moyens pour faciliter le retour à l’emploi des allocataires de minima sociaux.
36 Concernant la question de la fusion de l’API et du RMI, le rapport Mercier et de Raincourt [2005] préconise la fusion de l’API longue et du RMI en une allocation unique dont le montant serait aligné sur celui du RMI avec un supplément pour situation d’isolement. Le rapport Létard [2005] aborde également cette question et met en avant la possibilité de fusionner le RMI et l’API. Le montant de la nouvelle allocation serait celui du RMI. Mais, pour tenir compte des surcoûts liés à l’isolement du parent, il est proposé de créer, sous condition de ressources, une majoration d’allocations familiales ou de réformer l’allocation de soutien familial.
37 Ces deux rapports soulignent aussi la nécessité de mettre en oeuvre un accompagnement professionnel et social formalisé et obligatoire pour tous les bénéficiaires de minima sociaux, afin de rendre effectif le retour à l’emploi. Le rapport Létard [2005] qualifie même l’accompagnement de « droit connexe essentiel » (p. 30). Il conviendrait de confier aux Conseils régionaux le rôle de pilote de l’insertion des allocataires d’autres minima sociaux que ceux du RMI.
38 Par ailleurs, les rapports Létard [2005] et Hirsch [2005] traitent de la question de la garde des jeunes enfants, qui constitue en particulier pour les familles monoparentales un frein important au retour à l’emploi. Prenant l’exemple du Danemark, les auteurs proposent l’affirmation d’un droit à un mode d’accueil pour les ménages pauvres et les familles monoparentales.
39 Enfin, le rapport Létard [2005] discute aussi des systèmes d’allocation dégressive, l’ACR et le revenu de solidarité active dans la version proposée par la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté », présidée par M. Hirsch. Dans le rapport Hirsch (2005), le revenu de solidarité active est un complément de revenu familialisé dont le mode de calcul est le suivant : tout revenu tiré du travail déclencherait une diminution du montant de l’allocation versée, mais sans que le taux marginal d’imposition ne puisse jamais dépasser 50 % des gains provenant du travail. Pour les salaires jusqu’à 0,7 SMIC, le taux marginal serait plus réduit et, au-delà de ce seuil, il serait légèrement augmenté. L’effet du revenu de solidarité active s’éteindrait pour un revenu d’activité équivalent à 1,4 SMIC pour une personne seule et à 2 SMIC pour un couple. Selon le rapport Létard [2005], l’ACR et le RSA encouragent implicitement les emplois à temps très partiel avec le risque de voir les salaires baisser et les formes d’emploi atypiques se multiplier. Deux pistes de réflexion ont alors été avancées pour limiter les effets pervers de ces dispositifs : d’une part, exiger une durée minimale de travail pour être éligible à l’allocation et, d’autre part, maintenir constante l’allocation entre l’emploi à mi-temps et celui à temps plein ou encore moduler à la baisse les taux d’intéressement pour les premières heures travaillées.
40 Le rapport de l’IGF et de l’IGAS, paru en 2006 et centré uniquement sur l’API, estime que la logique de salaire maternel qui sous-tendait la création de cette allocation n’est plus pertinente de nos jours et souligne que « le montant et la durée de versement de l’API suscite un risque d’éloignement durable de l’emploi et d’installation dans l’inactivité » (p. 34). De plus, environ la moitié des allocataires de l’API, qui vont jusqu’au terme de leurs droits, bascule ensuite dans le dispositif RMI. Les auteurs du rapport préconisent l’alignement du montant de l’API sur celui du RMI au bout d’un an. Cette dégressivité aurait un effet incitatif à l’insertion et permettrait à l’État de réaliser des économies. En contrepartie, il serait proposé systématiquement au bout d’un an aux bénéficiaires qui s’engagent dans un dispositif d’insertion et de recherche d’emploi une prise en charge intégrale des frais de garde et des frais de transport ainsi que des mesures d’accompagnement nécessaires.
41 En conclusion, il se dégage de ces rapports un relatif consensus pour simplifier le système des minima sociaux, notamment par la fusion du RMI et de l’API, et pour renforcer les incitations financières au travail dans le but de creuser l’écart entre les revenus d’assistance et les revenus d’activité.
1.3 Les réformes institutionnelles mises en place avant la création du rSa pour rendre le travail payant
42 A la fin des années 1990, les politiques d’incitation financière au retour à l’emploi, agissant sur l’offre de travail, se sont progressivement déployées en France, dans un contexte de reprise de la croissance et de crainte de pénurie de main-d’oeuvre. C’est ainsi que le rapport de Pisani-Ferry [2000] préconise, entre autres, la lutte contre les « trappes à inactivité » et la création d’un impôt négatif. Les pouvoirs publics ont donc mis en place une série de mesures visant à pallier les risques de « trappes à inactivité » et les effets de seuil provoquant des variations brutales de revenu des allocataires de minima sociaux lorsqu’ils (re)prennent un emploi : réforme du mécanisme d’intéressement en 1998, rendant plus attractif l’exercice d’un emploi, réforme de la taxe d’habitation en 2000, modification du barème des aides au logement appliquée à partir de 2001, création de la prime pour l’emploi en 2001, modification de la décote et du barème de l’impôt sur le revenu intervenue dans la loi de Finances pour 2001.
43 On assiste aussi progressivement à un changement très sensible de politique publique à l’égard des allocataires de l’API : le rôle des parents isolés n’est plus de s’occuper à temps plein de leurs enfants. Les pouvoirs publics ont cherché à renforcer les incitations financières au travail des bénéficiaires de l’API et ont mis en place des mesures pour faciliter leur retour à l’emploi. Ainsi, la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l’exclusion a étendu le dispositif d’intéressement à la reprise d’activité, c’est-à-dire la possibilité de cumuler une partie du revenu d’activité avec le minimum social, pour les bénéficiaires du RMI aux allocataires de l’API. Initialement, aucun mécanisme d’intéressement n’était prévu dans le dispositif de l’API. Cette allocation fonctionne donc comme une allocation différentielle pure. Tout revenu tiré d’une reprise d’activité se traduit par une baisse symétrique du montant de l’allocation versée. Ensuite, la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a simplifié le champ des contrats aidés en créant quatre contrats, dont deux ciblés sur un certain nombre de bénéficiaires de minima sociaux [13], y compris les bénéficiaires de l’API. Enfin, la loi relative au retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires des minima sociaux du 23 mars 2006 a réformé le système d’intéressement pour le rendre plus simple et plus lisible [14]. La même loi a aussi institué un dispositif de « places disponibles garanties » dans les structures collectives de garde des jeunes enfants pour les bénéficiaires de minima sociaux, en particulier pour les allocataires de l’API qui accèdent à un emploi [15]. L’impact des réformes des mécanismes d’intéressement demeure néanmoins limité : en décembre 2008, 6,4 % des allocataires de l’API sont en intéressement et cumulent donc revenus d’activité et allocation sur une période donnée [16] (Mathern [2010]).
44 Les parents isolés, allocataires de minima sociaux, constituent désormais une des cibles de la politique de l’emploi en France. Augmenter les gains liés à la reprise d’activité, lutter contre la pauvreté par l’emploi sont au coeur des stratégies des pouvoirs publics pour remettre au travail les bénéficiaires de l’API. La loi en faveur du Travail, de l’Emploi et du Pouvoir d’Achat (TEPA) d’août 2007 a d’ailleurs étendu l’expérimentation du rSa aux allocataires de l’API.
45 Les réformes engagées par les pouvoirs publics ont visé à rendre l’emploi plus attractif financièrement par rapport à l’inactivité. Il convient de souligner également que le mode de revalorisation de l’API et du RMI fait que l’écart s’est creusé entre le montant de ces prestations d’assistance et le SMIC, régulièrement sujet aux « coups de pouce » [17]. En effet, la revalorisation du RMI est indexée sur l’indice des prix à la consommation [18] tandis que le pouvoir d’achat de l’API suit l’évolution de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF). Rappelons que la progression de la BMAF est fixée compte tenu de l’évolution des prix à la consommation (hors tabac) prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la Loi de finances pour l’année à venir. Un ajustement est prévu lorsque l’évolution constatée des prix (hors tabac) au cours de l’année précédente s’est révélée différente de celle initialement prévue. Sur la période 1998-2008, les allocataires du RMI ont connu une légère hausse de leur pouvoir d’achat (+ 1,5 %) alors que les titulaires de l’API ont enregistré une diminution de leur pouvoir d’achat (-2,5 %). Ces évolutions impliquent une dégradation relative du RMI et de l’API par rapport au salaire minimum : en 1990, le montant du RMI et de l’API représente respectivement 48,7 % et 64,9 % du SMIC net mensuel, 45,6 % et 60 % en 1998, et 43,7 % et 55,3 % en 2008 (ONPES 2009-2010, p. 74) [19].
2. Trajectoires professionnelles des parents isolés bénéficiaires du RMI ou de l’API et trappes à inactivité
46 Pour étudier les déterminants des comportements de recherche et de reprise d’emploi des allocataires ainsi que les obstacles rencontrés par ceux qui recherchent activement un emploi, nous partirons d’une exploitation des données de l’enquête de la Drees sur les expérimentations du rSa. Nous procéderons en trois temps. Tout d’abord, nous présenterons les données utilisées. Ensuite, après avoir souligné l’hétérogénéité de la population étudiée à la fois en termes de caractéristiques socio-démographiques, de parcours antérieurs et de rapport au marché du travail, nous distinguerons les familles monoparentales en situation d’emploi, de recherche d’emploi et d’inactivité. Enfin, nous proposerons une typologie des trajectoires professionnelles. Le concept de trajectoire professionnelle nous paraît intéressant dans la mesure où il permet de faire le lien entre les parcours socioéconomiques des individus et les traits structuraux du marché du travail. En effet, les trajectoires sont modelées par les activités et notamment par la distribution des professions qui leur correspond. Nous compléterons l’analyse en termes de typologies par un modèle logit multinomial.
2.1 Présentation des données
47 Les données proviennent d’une enquête statistique réalisée par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) en mai-juin 2008, dans le cadre des travaux du Comité d’évaluation des expérimentations du rSa, auprès de 3515 bénéficiaires du RMI ou de l’API au 31 octobre 2007 (dont 763 parents isolés allocataires du RMI ou de l’API), soit peu avant le démarrage des expérimentations dans les 16 départements sélectionnés, qui ont expérimenté le rSa avant février 2008 (Aisne, Bouches-du-Rhône, Charente, Charente-Maritime, Côte d’Or, Côte d’Amor, Hérault, Ille-et-Vilaine, Loir-et-Cher, Marne, Haute-Marne, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Vienne, Val d’Oise). Les enquêtés résident dans les zones tests et témoins de ces départements et ont été interrogés en mai ou en juin 2008, quelle que soit leur situation à cette date, le rSa expérimental étant alors en vigueur dans les zones tests.
48 Rappelons que les populations d’allocataires dans les zones tests et témoins n’ont pas fait l’objet d’une assignation aléatoire. En effet, les zones tests ainsi que leur taille ont été choisis par les conseils généraux. Les critères présidant aux choix des zones tests sont variables selon les départements si l’on se fonde sur des monographies réalisées dans cinq départements sur la mise en oeuvre du rSa (cf. annexe 3 du rapport final sur les expérimentations). Elles ont été retenues soit pour leur représentativité, soit pour leur « exemplarité positive » (territoires dynamiques d’un point de vue économique) ou pour leur « exemplarité négative » (territoires cumulant de nombreuses difficultés). Quant aux zones témoins, elles ont été sélectionnées par le comité d’évaluation et validées in fine par les départements, en veillant à ce qu’elles présentent des caractéristiques proches du point de vue du marché du travail et de l’insertion professionnelle des allocataires (cf. annexe 1 du rapport final sur les expérimentations).
49 Si les départements diffèrent par la taille et le nombre de zones d’expérimentation, elles se différencient aussi par les dispositifs expérimentés. Concernant les allocataires de l’API, les conditions d’expérimentation du rSa ont été fixées par le décret du 5 octobre 2007. Pendant la durée de l’expérimentation, tout allocataire de l’API, qui reprend ou exerce une activité professionnelle (salariée ou non salariée), quels que soient le type de contrat (CDD, CDI ou contrats aidés) et la durée du travail, perçoit le rSa expérimental à condition de résider dans le département ou le territoire d’expérimentation depuis au moins six mois. Ce dispositif s’étend aussi aux allocataires qui débutent une action de formation rémunérée. Après les trois premiers mois de cumul intégral, l’allocataire cumule 70 % des revenus tirés de l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une formation avec son allocation. En revanche, les départements ont été libres de déterminer les conditions d’éligibilité pour les allocataires du RMI (prestation réservée aux allocataires du RMI en emploi ou en reprise d’emploi, soit aux seuls allocataires reprenant un emploi durant la période d’expérimentation ou à ceux qui augmentent leur quotité de travail) et le taux de cumul de l’allocation avec les revenus d’activité (entre 60 % et 70 % après les trois premiers mois de cumul intégral). Des départements n’ont pas choisi cette forme de barème et ont préféré retenir un barème non linéaire, combinant deux taux de cumul différents de part et d’autre d’un seuil défini par une quotité de temps de travail. Par ailleurs, certains départements ont appliqué une « clause de sauvegarde anticipée » : l’intéressement de droit commun [20] après les trois premiers mois d’activité est maintenu s’il s’avère plus intéressant financièrement que le rSa expérimental. Dans les zones témoins, un allocataire, qui reprend un emploi, continue à bénéficier des dispositifs d’aide financière à la reprise d’emploi (mécanisme d’intéressement, prime de retour à l’emploi) en vigueur à l’époque.
50 L’échantillon des enquêtés a été obtenu par la méthode de l’échantillonnage stratifié avec le concours de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à partir des fichiers statistiques exhaustifs d’allocataires du RMI et de l’API au 31 octobre 2007 relevant du régime général (les allocataires dépendant de la Mutualité sociale agricole ne sont pas pris en compte).
51 L’échantillon obtenu est très proche de la composition nationale des allocataires du RMI et de l’API. En effet, dans l’échantillon, on compte 21 % de parents isolés allocataires du RMI contre 22 % au niveau national en 2008. Les autres allocataires du RMI représentent 62 % dans l’échantillon contre 63 % au niveau national. Concernant les allocataires de l’API, on compte 11 % d’allocataires de l’API longue et 6 % de l’API courte dans l’échantillon contre respectivement 12 % et 3 % sur le plan national. Finalement, seul l’écart de 3 points relatif à la proportion d’allocataires de l’API courte est significatif.
52 Par ailleurs, les données ont été redressées pour assurer la comparabilité des zones tests et témoins. Les comparaisons des caractéristiques de la population des allocataires dans les zones tests et témoins montrent qu’elles sont relativement similaires (cf. ci-dessous tableau sur les caractéristiques des allocataires dans les zones tests et témoins).
53 La méthodologie et le questionnaire de l’enquête ont été élaborés dans le cadre d’un groupe de travail du comité d’évaluation des expérimentations du rSa. Cette enquête a été réalisée en face à face, au cours d’un entretien d’une durée moyenne de 45 minutes. Elle fournit des informations sur les caractéristiques individuelles des allocataires et de leur foyer, leur parcours professionnel antérieur, leur situation au moment de l’enquête. Le questionnaire aborde aussi d’autres aspects, notamment l’accès aux aides et à l’accompagnement, la connaissance qu’ont les allocataires des incitations financières au retour à l’emploi (mécanisme d’intéressement dans le cadre du RMI et de l’API ; prime au retour à l’emploi) et du rSa, leurs opinions sur ces différents dispositifs, ainsi que leurs conditions de vie.
54 Cette enquête quantitative auprès des bénéficiaires du RMI et de l’API a déjà fait l’objet de deux exploitations (Fabre et Sautory [2009] ; Fabre et Vicard [2009]), mais à chaque fois la population d’allocataires de l’API a été enlevée des effectifs puisque les auteurs ne s’intéressent qu’aux allocataires du RMI. Fabre et Sautory [2009] ont utilisé les données de l’enquête pour quantifier les écarts de taux d’accès à l’emploi ou de maintien en emploi entre les zones tests et témoins d’une part et pour étudier les caractéristiques des emplois occupés par des allocataires du RMI potentiellement éligibles au rSa en zones tests et témoins d’autre part. Quant à Fabre et Vicard [2009], ils ont surtout exploité la seconde partie de l’enquête pour mesurer le degré de connaissance qu’ont les allocataires du RMI du rSa expérimental (principes et règles de calcul du rSa) et des dispositifs d’aide financière à la reprise d’emploi avant la généralisation du rSa.
55 Par commodité, l’expression parents isolés allocataires du RMI ou de l’API, en référence à leur situation au 31 octobre 2007, désignera dans le texte les personnes interrogées qu’elles soient ou non sorties du minimum social considéré au moment de l’enquête.
Comparaison entre les zones tests et témoins (en %)
Zones tests | Zones témoins | |
Situation familiale au 31 octobre 2007
Famille monoparentale Autres |
21 79 |
22 78 |
Détail des familles monoparentales :
Parents isolés RMI API courte API longue |
15 2 4 |
16 2 4 |
Détail des autres familles
Homme seul Femme seule Couple |
27 18 33 |
28 18 32 |
Age Moins de 30 ans 30-39 ans 40 ans et plus |
22 33 45 |
21 29 50 |
Sexe Homme Femme |
43 57 |
44 56 |
Niveau de diplôme
Au plus BEPC CAP-BEP Bac ou plus |
47 20 23 |
49 29 22 |
Nombre d’enfants
0 1 2 et plus |
54 18 28 |
54 19 27 |
Situation vis-à-vis de l’emploi au 31 octobre 2007
En emploi Hors de l’emploi |
27 73 |
29 71 |
Comparaison entre les zones tests et témoins (en %)
Champ : allocataires du RMI ou de l’API au 31 octobre 2007Zones tests : N=1966 et zones témoins : N=1549
2.2 La population des allocataires du RMI ou de l’API : une population hétérogène
56 Cette section vise à souligner l’hétérogénéité de la population étudiée à la fois en termes de caractéristiques socio-démographiques, de parcours antérieurs et de rapport au marché du travail. Par ailleurs, dans la mesure du possible, nous confronterons nos résultats aux travaux qui ont exploité d’autres enquêtes, l’enquête « sortants du RMI » de 1998 de l’Insee et les enquêtes menées par la Drees en 2003 et 2006 auprès des bénéficiaires de minima sociaux [21]. Ces travaux ne distinguent ni les parents isolés titulaires du RMI des autres allocataires ni les allocataires de l’API longue des allocataires de l’API courte. Les questions posées dans les différentes enquêtes ne sont pas forcément identiques.
57 Les familles monoparentales bénéficiaires du RMI ou de l’API, au 31 octobre 2007, dans la population enquêtée sont dans une très large majorité des femmes relativement jeunes. Toutefois, du fait des conditions d’ouverture des droits propres à chaque minimum social (RMI, API longue ou courte), les caractéristiques des bénéficiaires en termes d’âge sont différentes : 65 % des bénéficiaires de l’API longue ont moins de 30 ans car ce sont en général des parents isolés de jeunes enfants, tandis que 40 % des bénéficiaires de l’API courte et 53 % des parents isolés titulaires du RMI ont 40 ans et plus. Concernant la taille de la famille, 55 % des bénéficiaires de l’API courte ont deux enfants et plus à charge alors que les autres parents isolés ont seulement un enfant à charge pour plus de la moitié d’entre eux [22].
58 Une très grande partie des parents isolés allocataires du RMI ou de l’API est faiblement diplômée voire pas du tout diplômée. C’est chez les allocataires de l’API longue qu’on trouve plus de personnes ayant un niveau de diplôme égal ou supérieur au baccalauréat (24 % contre 19 % pour les allocataires de l’API courte et 15 % pour les familles monoparentales titulaires du RMI). Par ailleurs, les parents isolés bénéficiaires du RMI déclarent davantage qu’ils ont un état de santé assez mauvais ou mauvais (25 % des cas contre 12 % et 16 %, respectivement pour les titulaires de l’API longue ou courte), ce qui n’est pas surprenant, étant donné que cette population de parents isolés est relativement plus âgée (cf. tableau no 2).
Données en mai-juin 2008 | Catégories d’allocataires au 31 octobre 2007 |
RMIParents API API RMI isolés longue courte autres | |
Age Moins de 30 ans 30-39 ans 40 ans et plus Sexe Homme Femme Niveau de diplôme Au plus BEPC CAP-BEP Bac ou plus Nombre d’enfants 0 1 2 et plus Parcours professionnel antérieur Travail régulier puis chômage Travail régulier puis inactivité Travail régulier puis alternance entre emploi et chômage Uniquement alternance entre emploi et chômage A connu de longues périodes d’inactivité N’a jamais travaillé État de santé Très bon Bon Assez mauvais et mauvais Contraintes dans l’accès à l’emploi Difficultés à lire, écrire et à compter Pas d’accès à internet Pas de permis à conduire Pas de véhicule motorisé |
12 65 22 21 35 30 38 30 53 5 40 49 13 12 16 52 87 88 84 48 55 42 47 48 30 34 34 28 15 24 19 24 0 6* 0 68 54 49 45 10 46 45 55 22 17 12 16 18 9 11 10 10 16 13 21 20 4 22 27 26 21 12 13 12 12 28 11 11 46 69 63 46 29 19 21 26 25 12 16 28 24 24 15 30 60 63 64 63 48 62 32 42 57 63 45 47 |
59 Lorsqu’on examine les motifs d’entrée dans l’API ou dans le RMI, on s’aperçoit que l’entrée dans l’API longue s’explique essentiellement soit par un changement familial à la suite notamment d’une séparation (4 allocataires sur 10 de l’API longue), soit par la survenue d’une grossesse (4 allocataires sur 10 également). La séparation est aussi l’événement principal à l’origine de la demande de l’API courte (66 % des allocataires). Les motifs d’entrée dans le RMI pour les parents isolés sont en revanche plus variés : la séparation comme motif d’entrée dans le dispositif ne concerne que 30 % des cas. Ils sont aussi plus nombreux à citer la perte d’emploi, d’allocations chômage ou d’autres allocations (33 % des cas) et l’absence de ressources (25 % des cas).
60 Quatre types de parcours professionnel des parents isolés allocataires du RMI ou de l’API avant leur entrée dans l’un des minima sociaux (API ou RMI) ont été distingués et leur analyse montre que beaucoup de familles monoparentales allocataires de l’API longue et du RMI sont durablement éloignés du marché du travail, respectivement 51 % et 42 % (cf. tableau no 2). Les chiffres ci-dessus sont obtenus en regroupant les parcours professionnels 2, 5 et 6. Le retrait du marché du travail est en revanche moins fréquent pour les bénéficiaires de l’API courte puisque cette situation ne concerne que 34 % d’entre eux.
2.3 Comportements d’offre de travail effectifs des allocataires du RMI ou de l’API et trappes à inactivité
61 En mai-juin 2008, à la date de l’enquête, les parents isolés allocataires de l’API ou du RMI en octobre 2007 sont dans des situations diverses au regard du marché du travail (cf. tableau no 3). Seulement une minorité d’entre eux est en emploi et c’est parmi les allocataires de l’API courte qu’on trouve le plus d’actifs occupés : presque 3 sur 10 pour les parents isolés bénéficiaires du RMI, un peu moins de 2 sur 10 pour les allocataires de l’API longue et un peu moins de 5 sur 10 pour ceux qui perçoivent une API courte. Ce sont aussi les allocataires de l’API courte qui ont relativement moins de difficultés à lire, écrire et à compter et sont plus mobiles, puisque 68 % d’entre eux possèdent un permis à conduire et 55 % ont un véhicule motorisé (cf. tableau no 2).
Situation au moment de l’enquête (mai-juin 2008) (en %)
RMI parents isolés | API longue | API courte | RMI autres | |
Emploi | 29 | 19 | 46 | 29 |
Chômage | 39 | 21 | 23 | 40 |
Reprise d’études | 4 | 8 | 2 | 3 |
Inactivité | 28 | 52 | 29 | 28 |
Situation au moment de l’enquête (mai-juin 2008) (en %)
Champ : ensemble des allocataires du RMI ou de l’API (N=3515).62 Les emplois occupés par les parents isolés titulaires de minima sociaux sont en très grande majorité des postes de travail d’ouvrier ou d’employé. De surcroît, beaucoup d’entre eux sont confrontés à des horaires de travail atypiques (37 % des parents isolés titulaires du RMI, 51 % des allocataires de l’API longue et 44 % des allocataires de l’API courte). La très grande majorité des emplois occupés par les parents isolés allocataires du RMI ou de l’API courte relève de secteurs d’activité tels que les services aux particuliers ou aux entreprises, le commerce, l’éducation, les services collectifs, la santé et l’action sociale (88 % pour les familles monoparentales bénéficiaires du RMI, 70 % et 74 % respectivement pour les allocataires de l’API longue et courte).
63 Les contrats aidés jouent un certain rôle dans le retour à l’emploi des familles monoparentales allocataires du RMI ou de l’API longue (26 % et 14 %). Un peu plus de 4 parents isolés bénéficiaires du RMI ou de l’API longue sur 10 et un peu plus de 5 allocataires de l’API courte sur 10 ont un contrat précaire hors contrat aidé (CDD, intérim ou contrat saisonnier). Toutefois, environ 4 allocataires sur 10 ont un contrat à durée indéterminée classique et semblent engagés durablement dans l’emploi. La part des emplois à temps partiel est prépondérante dans les emplois occupés, avec toutefois une différence entre les titulaires de l’API longue et les autres parents isolés : les premiers sont relativement plus à temps complet même si leur participation au marché du travail, comme on l’a déjà souligné, est moins importante. Le temps partiel est très souvent contraint : les personnes concernées déclarent dans l’enquête vouloir travailler davantage (50 % pour les allocataires de l’API courte, 60 % pour les allocataires de l’API longue et 69 % pour les parents isolés bénéficiaires du RMI). Par rapport aux résultats des enquêtes auprès des bénéficiaires de minima sociaux de 2003 et de 2006, les contrats aidés jouent un rôle moins important dans l’accès à l’emploi des allocataires de l’API de notre échantillon. Par ailleurs, ces derniers sont aussi dans une proportion moins importante, même si le chiffre en absolu demeure élevé, à déclarer vouloir travailler plus longtemps (Belleville-Pla 2004a et Pla 2008).
64 Les parents isolés, lorsqu’ils exercent un emploi, peuvent être confrontés à des difficultés d’ordre financier ou pratique. La principale difficulté évoquée est la garde des enfants, plus fréquente chez les bénéficiaires de l’API longue (54 %), parents de jeunes enfants. Cette difficulté est aussi mise en avant par les allocataires de l’API courte, mais dans une moindre mesure (cf. tableau no 4). Ces parents déclarent également plus souvent avoir des difficultés liées aux transports, qui renvoient à la fois à l’absence de moyens de transport et aux coûts du transport. D’une manière générale, les caractéristiques des emplois occupés, principalement à temps partiel ou temporaires avec des horaires atypiques, conjuguées avec les difficultés d’accès à un mode de garde ou de son coût potentiel d’une part et avec les difficultés de transport d’autre part, contribuent sans doute à expliquer en grande partie le retrait du marché du travail des parents isolés ayant de jeunes enfants à charge : 52 % des allocataires de l’API longue se déclarent inactives au moment de l’enquête. Le coût d’opportunité de travailler pour les parents isolés allocataires du RMI ou de l’API peut s’avérer trop élevé au regard des conditions de rémunération offertes.
RMI Parents isolés | API longue | API courte | RMI autres | |
Aucune difficulté rencontrée | 40 | 21 | 29 | 48 |
Difficultés liées à la garde des enfants | 22 | 54 | 37 | 6 |
Difficultés liées aux transports | 19 | 23 | 21 | 27 |
Difficultés liées aux problèmes de santé | 9 | 1 | 5 | 7 |
Difficultés liées aux coûts vestimentaires ou aux coûts alimentaires | 6 | 1 | 4 | 4 |
Autres difficultés | 4 | 0 | 4 | 8 |
65 Pour les familles monoparentales bénéficiaires du RMI ou de l’API en emploi, les raisons expliquant la reprise ou l’exercice d’un emploi sont assez variées. 29 % à 45 % d’entre elles déclarent avoir pris ou repris un emploi pour « gagner plus d’argent ». L’emploi apparaît donc pour ces personnes comme un moyen essentiel pour sortir de la pauvreté monétaire. Les parents isolés bénéficiaires du RMI ou de l’API courte évoquent aussi l’intérêt du travail effectué alors que les allocataires de l’API longue sont les seuls à mettre en avant, juste après les gains monétaires, le fait que l’emploi occupé permet de garder un « lien avec le monde du travail » (cf. tableau no 5). On retrouve en filigrane à travers cette réponse le profil spécifique des allocataires de l’API longue : ils vivent une période d’inactivité transitoire et certains d’entre eux sont conscients que cette période risque de les écarter durablement du marché du travail et préfèrent donc être en emploi afin de maintenir voire d’accroître leur employabilité.
Raisons principales expliquant l’exercice d’un emploi (en %)
RMI Parents isolés | API longue | API courte | RMI autres | |
Gagner plus d’argent | 29 | 45 | 38 | 33 |
Tremplin vers des emplois meilleurs | 11 | 11 | 7 | 11 |
Garder un lien avec le monde du travail | 24 | 26 | 18 | 18 |
Travail jugé intéressant | 28 | 14 | 29 | 31 |
Autres raisons | 8 | 4 | 8 | 7 |
Raisons principales expliquant l’exercice d’un emploi (en %)
Champ : allocataires du RMI ou de l’API et en emploi (N=1307).66 Les parents isolés allocataires du RMI ou de l’API ont-ils trouvé des gains financiers significatifs à la reprise d’un emploi ? Une question de l’enquête permet d’appréhender l’évolution de leur situation financière à la suite de la reprise d’un emploi. 50 % à 61 % d’entre eux déclarent que leur situation s’est améliorée. Mais 23 % à 35 % trouvent que leur reprise d’emploi ne leur a apporté aucune amélioration sur le plan financier. 13 % à 16 % constatent même une dégradation de leur situation financière (tableau no 6). Ces résultats sont convergents avec ceux obtenus par Guillemot, Pétour et Zajdela [2002], à partir de l’enquête de l’Insee « sortants du RMI » de 1998.
67 On peut dire que les personnes pour lesquelles la reprise d’activité n’a généré aucun gain monétaire significatif ou a même entraîné une perte ne sont pas victimes des trappes à inactivité. Plusieurs arguments peuvent être avancés pour comprendre leur comportement : le gain monétaire net (salaire net perçu moins la réduction des prestations et transferts sociaux) peut jouer un rôle mais à plus long terme. En effet, la reprise d’activité contribue à renforcer le capital humain, ouvre des droits à la retraite ; en outre, l’emploi actuel peut servir de tremplin pour un meilleur emploi dans le futur. Mais, au-delà du simple aspect monétaire, le fait de travailler permet aussi d’avoir un statut social, un meilleur respect de soi. Pour Rawls le « respect de soi-même (…) a une place centrale » [1987, p. 93] car il fait partie des biens premiers sociaux, c’est-à-dire des moyens généraux requis pour se forger une conception de la vie bonne et en poursuivre la réalisation, quel qu’en soit le contenu exact. Dans l’optique de Sen [2002], les « fonctionnements », tels que participer à la vie économique et sociale, apparaître sans honte en public, sont des « fonctionnements » importants, valorisés par les individus. Par ailleurs, l’« économie du bonheur » montre que le chômage a un impact négatif important sur le bien-être subjectif. Les chômeurs se déclarent moins heureux que les personnes ayant un emploi, même si l’on élimine la baisse de revenu (Clark et Oswald [1994]. Cela suggère l’existence de coûts non pécuniaires du chômage.
Opinion des allocataires du RMI ou de l’API en emploi au moment de l’enquête sur leur situation financière (question posée : « Au final, diriez-vous qu’en prenant cet emploi votre situation financière… ») (en %)
RMI Parents isolés |
API longue |
API courte |
RMI autres | |
… s’est améliorée | 50 | 54 | 61 | 56 |
… est restée identique | 35 | 33 | 23 | 19 |
… s’est dégradée | 15 | 13 | 16 | 15 |
Opinion des allocataires du RMI ou de l’API en emploi au moment de l’enquête sur leur situation financière (question posée : « Au final, diriez-vous qu’en prenant cet emploi votre situation financière… ») (en %)
Champ : allocataires du RMI ou de l’API et en emploi (N=1307).68 Les familles monoparentales bénéficiaires du RMI ou de l’API qui ne travaillent pas sont-elles victimes des trappes à inactivité ? En raison de l’existence d’un probable décalage entre le statut d’activité spontanément déclaré (en emploi, au chômage, inactif) et les réponses sur la recherche effective d’un emploi car les frontières entre inactivité et chômage sont sûrement floues pour ces allocataires, nous avons scindé les parents isolés allocataires qui ne travaillent pas au moment de l’enquête en deux catégories : ceux qui sont sans emploi et à la recherche d’un emploi ; ceux qui sont sans emploi et n’en recherchent pas.
69 À la date de l’enquête, 65 % des parents isolés allocataires du RMI sans emploi indiquent qu’ils recherchent un emploi contre 55 % pour les allocataires de l’API courte. L’absence de recherche d’emploi s’observe surtout pour les allocataires de l’API longue, puisque seulement 39 % d’entre eux recherchent un emploi. Les parents isolés allocataires du RMI et les allocataires de l’API courte sont aussi relativement plus actifs dans leur recherche d’emploi. L’intensité de la recherche est appréhendée dans le questionnaire par le nombre de CV envoyés entre janvier 2008 et mai 2008 : plus de 40 % d’entre eux ont envoyé, en moyenne, plus de quatre CV (réponse à une offre d’emploi et/ou candidature spontanée) contre 29 % pour les allocataires de l’API longue. Malgré une recherche active d’emploi, 55 % d’entre eux n’obtiennent aucun entretien d’embauche. D’une manière générale, beaucoup d’allocataires recherchent un emploi depuis plus d’un an (deux tiers des allocataires du RMI contre un tiers des allocataires de l’API). Ces résultats confirment ceux de L. Rioux [2001a]. A partir des données de l’enquête « sortants du RMI », réalisée par l’Insee en 1998, il a été montré que les trois quarts des chômeurs au RMI recherchent activement un emploi et que leur comportement de recherche d’emploi ne se distingue pas de celui des autres chômeurs.
70 Dans leur recherche d’emploi, les difficultés rencontrées le plus fréquemment concernent le transport (cité par près d’1 allocataire sur 5), le manque de formation ou d’expérience professionnelle (cité par 18 % de l’ensemble des parents isolés en recherche d’emploi), les problèmes d’ordre personnel ou familial (cités par 16 % d’entre eux) et l’âge mis en avant par 1 allocataire sur 10. Ces mêmes difficultés sont aussi citées dans les enquêtes de 2003 et de 2006 auprès des bénéficiaires de minima sociaux (Belleville-Pla [2004a] et Pla [2008]).
71 Les aides demandées et jugées importantes pour la reprise d’une activité par les parents isolés à la recherche d’un emploi sont très cohérentes avec les difficultés qu’ils disent rencontrer dans leur recherche d’emploi : le financement d’une formation (plus d’1 allocataire sur 4), l’aide aux transports pour rechercher un emploi (plus d’1 allocataire sur 4), l’aide à la garde d’enfants (plus d’1 allocataire sur dix) et l’aide pour trouver un logement (plus d’1 allocataire sur 10). Pour ces allocataires, le comportement d’offre de travail observé montre qu’ils ne semblent pas être concernés par les trappes à non-emploi. Ils sont plutôt confrontés à une insuffisance de la demande de travail. Le RMI ou l’API joue pour eux le rôle de substitut aux allocations chômage.
72 Quant aux parents isolés qui se sont retirés du marché du travail, les raisons de non recherche d’emploi invoquées sont essentiellement le découragement, les problèmes de santé ou l’indisponibilité pour raisons familiales. Les allocataires de l’API ont davantage tendance à déclarer qu’ils ne cherchent pas pour le moment mais entreprendront des démarches ultérieurement. Ce sont a priori des inactifs involontaires. Toutefois, on ne peut exclure l’existence de mécanismes de trappes à inactivité notamment dans le cas de l’API longue et qui prendraient la forme d’un retrait du marché du travail. Le RMI est pour les parents isolés bénéficiaires du RMI un revenu d’existence alors que l’API (surtout longue) permet aux autres parents isolés d’assurer leur identité parentale. On retrouve ici la logique de « salaire maternel » qui a présidé à la création de l’API. Pour certains allocataires de l’API, cette allocation est une reconnaissance de la fonction parentale et contribue à restaurer une image positive de soi en tant que parent (Aillet [1998]). Cet élément suggère que ces mères isolées investissent prioritairement dans la sphère domestique et que l’utilité retirée du temps passé avec les enfants est supérieure à celle retirée de la consommation de biens acquis par des revenus d’activité. Les allocataires de l’API font d’ailleurs une différence entre l’API et le RMI. Mais le statut dévalorisant de personne dépendant d’une aide est souvent réactivé lorsque le parent isolé perçoit le RMI après la fin de droits à l’API. Le RMI génère un sentiment de honte et de culpabilité. D’après une enquête réalisée par la Drees en 2003, 40 % des allocataires du RMI considèrent leur situation dévalorisante au point qu’un allocataire du RMI sur quatre a caché sa situation à sa famille (Belleville-Pla [2004b]).
73 La problématique des « trappes à inactivité » repose sur l’idée que les allocataires de minima sociaux arbitrent rationnellement entre le revenu net en emploi et celui obtenu hors emploi. Ce comportement d’arbitrage suppose de leur part une certaine connaissance des aides financières à la reprise d’emploi. Des questions dans l’enquête permettent d’évaluer le degré de connaissance du rSa dans les zones tests et du mécanisme d’intéressement en vigueur à l’époque ainsi que de la prime au retour à l’emploi dans les zones témoins.
74 Dans les zones tests, environ 53 % des allocataires du RMI ou de l’API ont déclaré, au moment de l’enquête, avoir déjà entendu parler du rSa. Parmi les répondants en zones tests qui connaissent l’existence du rSa, 60 % savent qu’il faut travailler pour avoir droit au rSa. Mais la durée du versement de l’allocation et ses modalités de calcul restent largement méconnues de la plupart des allocataires interrogés : 7 % seulement des répondants ont donné la bonne réponse pour la durée de versement du rSa après la reprise d’emploi et 32 % d’entre eux savent que le montant du rSa dépend uniquement des revenus (cf. tableau 7).
75 Dans les zones témoins, les réponses des allocataires du RMI ou de l’API témoignent d’une certaine méconnaissance des dispositifs d’incitation financière à la reprise d’une activité. Seuls un peu plus de 37 % des allocataires connaissent l’existence d’une aide financière au retour à l’emploi. Parmi les répondants qui déclarent connaître une aide financière au retour à l’emploi, le mécanisme d’intéressement alors en vigueur est particulièrement mal connu. En revanche, la prime de retour à l’emploi de 1000 euros ainsi que ses règles d’attribution sont bien identifiées par les allocataires (cf. tableau 8).
Avez-vous déjà entendu parler du Revenu de Solidarité Active ? | (en %) |
Oui, c’est vous qui vous êtes renseigné(e) | 4,4 |
Oui, on vous en a informé(e) | 25,7 |
Oui, vous en avez simplement entendu parler | 23,2 |
Non | 46,7 |
Faut-il travailler pour avoir droit au rSa ? (1) | |
Oui | 60 |
Non | 11,3 |
Ne sait pas | 28,7 |
Le droit au rSa dépend-il ? (2) | |
Des revenus et du temps de travail | 49,7 |
Uniquement des revenus | 32,4 |
Uniquement du temps de travail | 13,2 |
D’aucun de ces critères | 4,5 |
Ne sait pas | 20,4 |
Pendant combien de temps après la reprise d’emploi est versé le rSa ? (2) | |
Trois mois | 21,7 |
Six mois | 14,9 |
Un an | 12,8 |
Trois ans | 6,9* |
Sans limite de durée | 6,9 |
Ne sait pas | 36,5 |
Si le salaire d’une personne au rSa augmente de 100 7, le montant de son allocation va…… (2) | |
Baisser de 100 5 | 14,8 |
Baisser mais moins de 100 5 | 25,8 |
Rester inchangé | 26,5 |
Augmenter | 4,7 |
Ne sait pas | 28 |
Connaissance du rSa dans les zones tests
(1) Question posée aux personnes qui ont entendu parler du rSa(2) Question posée aux personnes qui répondent qu’il faut travailler pour percevoir le rSa
* La durée du rSa expérimental est de trois ans. Le rSa généralisé n’a aucune limite de durée
Les bonnes réponses sont dans les parties grisées
Champ : Allocataires du RMI ou de l’API dans les zones tests (n=1966)
Connaissez-vous l’existence d’une aide financière au retour à l’emploi ? | (en %) |
Oui Non Ne sait pas L’allocataire qui reprend un emploi, continue-t-il à percevoir intégralement son allocation initiale pendant les trois premiers mois d’activité ? (1) Oui, dans tous les cas Cela dépend de son temps de travail Cela dépend de son salaire Cela dépend d’autres critères Non Ne sait pas Passés ces trois premiers mois, à quoi l’allocataire a-t-il droit ? (1) À une partie de son allocation en plus de son salaire À une prime en plus de son salaire Cela dépend À aucun complément de revenus Ne sait pas À votre avis, pendant combien de temps après la reprise d’emploi ce dispositif dure-t-il ? (2) Trois mois Six mois Un an Trois ans Sans limite de durée Ne sait pas Connaissez-vous l’existence d’une prime de 1000 7 versée à certains allocataires qui reprennent un emploi ? Oui Non Il existe une prime de retour à l’emploi de 1000 euros. D’après vous, cette prime est versée : (3) Si l’allocataire travaille moins d’un mi-temps Si l’allocataire travaille au moins à mi-temps Peu importe son temps de travail Ne sait pas |
37,6 60,9 1,5 37,4 7 19,6 4,4 12,1 19,5 21,6 14 17,8 20,2 26,1 22,2 26,5 20,9 1,2 5,2 24 73 27 3,4 58,1 23,7 14,8 |
Connaissance des aides financières au retour à l’emploi dans les zones témoins
(1) Question posée aux personnes qui connaissent l’existence d’une aide financière au retour à l’emploi(2) Question posée aux personnes qui ont répondu qu’une aide est versée passés les trois premiers mois suivant la reprise d’emploi
(3) Question posée aux personnes qui ont répondu oui à l’existence d’une prime
Les bonnes réponses sont dans les parties grisées
Champ : Allocataires du RMI ou de l’API dans les zones témoins (n=1549)
76 Afin d’approfondir les relations entre minima sociaux et retour à l’emploi, nous analysons la situation professionnelle des parents isolés allocataires de minima sociaux, mois par mois, d’octobre 2007 à mai 2008 et nous cherchons à repérer les différents types de trajectoires professionnelles.
77 Les trajectoires individuelles appréhendées par la succession des états occupés au cours des huit mois d’observation (d’octobre 2007 à mai 2008) sont très stables [23] et donc en cohérence avec les résultats précédents. En effet, trois principales trajectoires types apparaissent dans lesquelles il n’y a aucune transition (cf. tableau no 9). Elles représentent près des trois quarts des allocataires : l’inactivité tout au long de la période (28 % des allocataires), le chômage (27 % des allocataires) et l’emploi (18 % des allocataires). Les bénéficiaires de l’API longue sont les plus éloignés de ces moyennes : 54 % d’entre eux restent en inactivité toute la période (contre 28 % en moyenne) et 10 % seulement restent en emploi sur toute la période. Quant aux allocataires de l’API courte, 26 % d’entre eux ont une trajectoire marquée par l’inactivité permanente, tandis que 29 % restent en emploi sur toute la période contre 18 % en moyenne.
78 Les trajectoires dans lesquelles alternent deux ou trois états concernent plus du quart des allocataires (27 %) ; dans certaines de ces trajectoires il y a alternance avec des périodes d’emploi (21 %) mais dans d’autres il n’y a aucune période d’emploi (6 % des trajectoires avec alternance inactivité et chômage).
Principaux types de trajectoires professionnelles selon les allocataires (en %)
Ensemble des allocataires | RMI parents isolés | API longue | API courte |
Ensemble des familles monoparentales (RMI ou API) | RMI autres | |
Toujours en inactivité | 28 | 25 | 54 | 26 | 31 | 28 |
Toujours au chômage | 27 | 28 | 14 | 16 | 25 | 28 |
Toujours en emploi | 18 | 19 | 10 | 29 | 18 | 18 |
Trajectoires mixtes avec emploi | 21 | 20 | 14 | 26 | 19 | 22 |
Trajectoires mixtes sans emploi | 6 | 8 | 8 | 3 | 7 | 4 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Principaux types de trajectoires professionnelles selon les allocataires (en %)
Champ : ensemble des allocataires du RMI ou de l’API (N=3515).79 Ces statistiques descriptives soulignent l’hétérogénéité de la population étudiée en termes de caractéristiques socio-démographiques, la diversité de leur parcours antérieur, de leur trajectoire professionnelle durant la période d’observation et donc de leur situation vis-à-vis du marché du travail. Dans ce qui suit, nous cherchons, par un modèle logit multinomial, à rendre compte de manière synthétique ce qui distingue les différentes trajectoires mises en évidence précédemment. L’objectif est donc de rechercher les traits distinctifs de chaque parcours, une fois pris en compte l’ensemble des caractéristiques individuelles et de contexte. Les quatre trajectoires étudiées sont : la trajectoire « emploi permanent », la trajectoire mixte avec emploi, la trajectoire « principalement en inactivité » (sans aucun épisode d’emploi) et la trajectoire « principalement au chômage » (sans aucun épisode d’emploi) [24].
80 Dans le modèle (tableau no 10), on choisit comme trajectoire de référence celle de l’emploi permanent qui constitue une norme et l’on estime la probabilité d’appartenance à un type de trajectoire plutôt qu’à cette dernière, en contrôlant les variables telles que le sexe, l’âge, le diplôme, la santé déclarée, le nombre d’enfants, l’éloignement de l’emploi mesuré par de longues périodes d’inactivité. On cherche, en outre, à savoir si l’appartenance à un type de zone (test ou témoin) ou à une catégorie d’allocataires (parents isolés allocataires du RMI, de l’API courte ou de l’API longue, et autres allocataires du RMI) augmente ou non la probabilité d’appartenir à un type de trajectoire plutôt qu’à la trajectoire « emploi permanent », en contrôlant l’appartenance à un département.
81 L’appartenance à la zone test ne diminue que la probabilité d’appartenir à la trajectoire « principalement au chômage » plutôt qu’à la trajectoire « emploi permanent », toutes choses égales par ailleurs. On peut penser à un effet incitatif de la mesure par un retour à l’emploi plutôt qu’au chômage dans les zones expérimentales. En effet, on compte 30 % de trajectoires « principalement au chômage » et 19 % de trajectoires « emploi permanent » dans les zones tests contre respectivement 33,5 % et 17 % dans les zones témoins, les autres trajectoires étant comparables.
82 Etre allocataire de l’API longue augmente fortement la probabilité de connaître sur la période la trajectoire « principalement en inactivité », plutôt que la trajectoire « emploi permanent », toutes choses égales par ailleurs. De surcroît, être allocataire de l’API courte diminue la probabilité d’appartenir à la trajectoire caractérisée principalement par l’inactivité ou par le chômage plutôt qu’à la trajectoire « emploi permanent », toutes choses égales par ailleurs. Ces deux résultats confirment les différences de profils des allocataires de l’API longue ou courte.
83 Les caractéristiques individuelles jouent un rôle majeur. Ainsi, le fait d’être sans diplôme, d’avoir une mauvaise santé, d’avoir deux enfants ou plus augmentent la probabilité d’appartenir aux trajectoires « principalement au chômage ou en inactivité » plutôt qu’à la trajectoire « emploi permanent », toutes choses égales par ailleurs. Inversement une bonne santé diminue cette probabilité. Ces résultats renvoient aux difficultés d’accès à l’emploi que rencontrent les allocataires du RMI ou de l’API. Avoir deux enfants ou plus accroît les difficultés de concilier vie familiale et vie professionnelle pour les mères, en particulier les mères isolées. Les problèmes liés à la garde de jeunes enfants ont également été mentionnés auxquels peuvent se cumuler des problèmes de transport. Les coûts d’opportunité associés rendent alors souvent la reprise d’un emploi peu incitative sur le plan financier d’autant plus que les emplois (re)trouvés risquent d’être mal rémunérés en raison du faible niveau d’études et du manque d’expériences professionnelles des allocataires. Près de la moitié des allocataires du RMI ou de l’API de l’échantillon n’ont pas un diplôme supérieur au BEPC.
84 Etre âgé de 40 ans et plus se cumule très souvent avec une ancienneté importante dans les dispositifs de minima sociaux, ce qui se traduit par une probabilité plus grande d’appartenir à la trajectoire « principalement en inactivité » plutôt qu’à celle d’« emploi permanent », toutes choses égales par ailleurs. Les allocataires peuvent alors être découragés et recherchent moins activement un emploi.
85 La trajectoire antérieure caractérisée par un éloignement plus ou moins important de l’emploi, comme « avoir connu de longues périodes d’inactivité », augmente également la probabilité d’appartenir aux trajectoires hors de l’emploi plutôt qu’à la trajectoire d’« emploi permanent », toutes choses égales par ailleurs.
86 Etre un homme plutôt qu’une femme rend plus probable l’appartenance à la « trajectoire mixte avec emploi », plutôt qu’à celle d’« emploi permanent », mais être âgé de plus de 40 ans (comparé à la classe 30-39 ans) ou « avoir connu de nombreuses périodes d’inactivité » diminue cette probabilité. Plus précisément, les hommes sont plus souvent dans des « trajectoires mixtes » que les femmes (23 % contre 20 %) tout en étant aussi souvent dans la trajectoire d’« emploi permanent ». Ceci indique que les hommes, plus souvent que les femmes, connaissent plus de transitions d’un état à l’autre. L’âge diminue la probabilité d’être dans une « trajectoire mixte » et augmente celle d’être « principalement en inactivité », toutes choses égales par ailleurs. Là encore, ce résultat peut s’expliquer par une relative inertie du statut d’activité des personnes plus âgées sur la période. En effet, 37 % des personnes âgées de 40 ans et plus sont dans la trajectoire « principalement en inactivité », 31 % dans la trajectoire « principalement au chômage », 17 % en « emploi permanent » et 15 % dans une « trajectoire mixte avec emploi » alors que les personnes âgées de 30 à 39 ans sont respectivement, 26 %, 30 %, 19 % et 25 %. Le manque de transitions sur le marché du travail des personnes ayant connu de nombreuses périodes d’inactivité explique également leur probabilité plus faible d’appartenir à la trajectoire « mixte avec emploi ».
87 La variable « département », introduite dans le modèle, capture plusieurs choses : les différentes variantes du rSa expérimental selon les départements (voir section sur les données de l’enquête), le contexte d’emploi local, la forte concentration territoriale des allocataires du RMI ou de l’API. Les départements qui comptent la plus forte proportion d’allocataires du RMI sont aussi ceux qui enregistrent le plus de chômeurs. Quant aux allocataires de l’API, ils sont proportionnellement moins nombreux dans l’Ouest et dans le Centre de la France, ainsi que dans les Pyrénées. Ils sont en revanche concentrés dans le Sud de la France et plus particulièrement dans le Nord et le Nord-Pas-de-Calais. De plus, la durée de perception de l’API est influencée d’une part par le taux de chômage local et d’autre part par la taille de l’agglomération (Afsa 1999). En référence au Val d’Oise, et toutes choses égales par ailleurs, les trajectoires « mixtes avec emploi », les trajectoires « principalement au chômage ou en inactivité » sont moins fréquentes en Côte-d’Or que la trajectoire « emploi permanent ». La trajectoire « principalement au chômage » est nettement moins fréquente en Ile-et-Vilaine, dans les Côtes-d’Armor et dans la Vienne. Dans ce dernier département, les allocataires du RMI ou de l’API ont une probabilité moins élevée d’être dans la trajectoire « principalement en inactivité » que dans la trajectoire d’emploi permanent par rapport à ceux du Val d’Oise, toutes choses égales par ailleurs. En revanche, en Haute Marne et dans le Nord, la trajectoire « principalement en inactivité » est nettement plus probable que la trajectoire « emploi permanent ».
88 Nos résultats ont bien sûr des limites liées à la période d’observation de l’enquête et à la non prise en compte de l’accompagnement des allocataires dans les zones expérimentales en raison de la mise en place dans les départements de modalités différentes d’accompagnement lors des expérimentations du rSa [25]. En outre, il est important de souligner que le rSa expérimental a été mis en place dans un contexte de croissance ralentie.
Probabilité d’appartenir à une trajectoire donnée relativement à la trajectoire « emploi permanent » Mixte Principalement Principalement avec emploi au chômage en inactivité Coef. Ecart-type Coef. Ecart-type Coef. Ecart-type | |
Constante Classe d’âge (réf. : 30-39 ans) Moins de 30 ans 40 ans et plus Nombre d’enfants (réf. : 1 enfant) Pas d’enfants 2 enfants ou plus Sexe (réf. : Femme) Homme Diplôme (réf. : CAP-BEP) Au plus BEPC Bac ou plus Santé (réf. : moyenne) Bonne Mauvaise ou très mauvaise Inactivité (réf. : pas de périodes) Longues périodes d’inactivité Zone (réf. : Témoin) Test Type allocataires (réf. : RMI autres) RMI parents isolés API courte API longue Départements (réf. : 95)1 Côte-d’Or Côtes-d’Armor Ille-et-Vilaine Loir-et-Cher Haute-Marne Nord Vienne Nombre d’observations - 2 Log L R2 Mac Fadden Pseudo R2 (Cox et Snell) |
0.4023 (0.3252) 0.6971 (0.3045)** -0.6716 (0.3368)**
0.2290 (0.1496) 0.00523 (0.1489) -0.0786 (0.1669)
- 0.3646 (0.1342)*** -0.0214 (0.1250) 0.2527 (0.1357)*
- 0.1666 (0.1801) 0.1635 (0.1736) -0.2929 (0.1822)
0.2331 (0.1762) 0.2846 (0.1684)* 0.6104 (0.1736)***
0.2421 (0.1226)** 0.1674 (0.1147) 0.0476 (0.1237)
0.1962 (0.1341) 0.3453 (0.1252)*** 0.6263 (0.1349)***
- 0.1237 (0.1434) -0.1998 (0.1395) -0.0302 (0.1578)
0.0159 (0.1283) -0.3051 (0.1216)** -0.3454 (0.1367)***
0.0542 (0.1967) 0.6627 (0.1679)*** 1.6916 (0.1712)***
- 0.4340 (0.1308)*** 0.2209 (0.1154)** 1.1435 (0.1192)***
- 0.0227 (0.1141) -0.2381 (0.1064)** -0.1141 (0.1141)
- 0.2315 (0.1894) -0.0194 (0.1778) -0.5807 (0.1865)***
- 0.4455 (0.3693) -0.8117 (0.4083)** -0.6539 (0.3913)*
- 0.1081 (0.3661) 0.3566 (0.3521) 1.4764 (0.3255)***
- 0.6694 (0.2954) ** -1.2897 (0.2784)*** -0.6917 (0.2983)**
- 0.0853 (0.2973) -0.7077 (0.2832)*** -0.0242 (0.3092)
- 0.3671 (0.2951) -1.2238 (0.2882)*** -0.2317 (0.3001)
0.7571 (0.3341) ** 0.2466 (0.3166) 0.3803 (0.3441)
0.6045 (0.3551)* 0.3422 (0.3329) 1.0389 (0.3545)***
- 0.2046 (0.3625) 0.3056 (0.3112) 0.9190 (0.3319)***
- 0.1636 (0.2872) -1.0025 (0.2778)*** -0.7350 (0.3136)** 3515 8428.9 0.1186 0.2756 (remis à l’échelle : 0.2951) |
Conclusion
89 En France, depuis la fin des années 1990, les politiques d’incitation au retour à l’emploi des allocataires de minima sociaux se sont centrées sur la question des « trappes à inactivité ». Dans cette problématique, le critère financier joue un rôle important dans la recherche et reprise d’un emploi par les allocataires. Nos résultats, obtenus à partir d’une exploitation des données de l’enquête menée par la Drees auprès des allocataires du RMI ou de l’API dans le cadre des expérimentations du rSa, tendent à relativiser le rôle des incitations financières. Pour que les incitations financières aient un impact sur les comportements des allocataires, encore faut-il que ces derniers les connaissent bien. Or nous avons souligné leur faible connaissance du dispositif d’intéressement en vigueur jusqu’à la généralisation du rSa ainsi que des règles de fonctionnement du rSa. La faiblesse des gains financiers à l’emploi du fait des caractéristiques des emplois auxquels accèdent les allocataires n’empêche pas certains d’entre eux de reprendre un emploi. Par ailleurs, le retour à l’emploi ne s’accompagne pas toujours d’un sentiment d’amélioration de la situation financière. D’autres facteurs, tels que le sentiment d’utilité, l’estime de soi, etc., entrent en jeu et ne se réduisent pas uniquement aux gains monétaires. Les problèmes de santé, de transport, de garde d’enfant et le manque de qualification sont mentionnés par les allocataires comme autant d’obstacles à leur recherche d’emploi. La levée de ces obstacles appelle la mise en oeuvre d’autres types de politiques publiques complémentaires même s’ils ont une dimension financière. Les incitations financières ne peuvent à elles seules produire les effets escomptés.
90 Nos résultats ont aussi mis en évidence l’hétérogénéité de la population des allocataires et le fait que trois trajectoires professionnelles regroupent pratiquement les trois-quarts des allocataires : l’inactivité, le chômage, l’emploi tout au long de la période observée. Le RMI et l’API, envisagés du point de vue des allocataires et selon leur situation, peuvent jouer le rôle d’allocation d’insertion au marché du travail, d’allocation chômage, de revenu d’existence ou de « salaire maternel ».
91 Les trajectoires professionnelles des allocataires résultent des interactions entre les caractéristiques individuelles, les parcours antérieurs et le fonctionnement du marché du travail. Les résultats des estimations d’un modèle logit multinomial font notamment ressortir que le faible niveau d’études, le fait d’avoir connu de longues périodes d’inactivité et une mauvaise santé qui reflètent l’employabilité immédiate d’un allocataire sur le marché du travail augmentent significativement sa probabilité de connaître les trajectoires « principalement au chômage ou en inactivité » plutôt que la trajectoire d’« emploi permanent ».
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : minima sociaux, rSa, parents isolés, trappe à inactivité, prestation subordonnée à l'exercice d'un emploi
Mise en ligne 10/12/2012
https://doi.org/10.3917/redp.225.0685Notes
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[*]
Nous remercions Mélika Ben Salem, Guillemette de Larquier, Jérôme Gautié, Corinne Perraudin et Hélène Zajdela, ainsi que les rapporteurs de la Revue pour leurs remarques ou suggestions sur une version antérieure de cet article. Les précautions d’usage s’appliquent ici. Correspondance avec les auteures : dang@univ-paris1.fr
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[**]
Université Paris 1, CES (CNRS) et CEE. Ai-Thu Dang était membre d’EconomiX (CNRS) au moment de la rédaction de cet article.
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[***]
CEE
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[1]
La philosophie de l’API est ambiguë. D’une part, selon B. Fragonard qui a participé à la création de l’API, cette prestation n’avait pas pour but de compenser la charge d’enfant ou l’isolement. Elle visait à « garantir un niveau de vie décent – ou tout juste décent, très faible – , à une partie des familles et pour une durée limitée » (Fragonard, 2010, p. 135). D’autre part, il y avait quand même l’idée qu’il était préférable pour les mères isolées de rester auprès de leurs jeunes enfants, mais passés les trois ans de l’enfant, elles devaient trouver un emploi. Par ailleurs, la notion d’isolement a fait l’objet de débats dans la mesure où l’isolement n’a reçu aucune définition juridique et s’apprécie donc à travers un faisceau de caractéristiques : être seul, dans l’incapacité de subvenir aux besoins des enfants qu’on élève soit du fait du décès du conjoint, soit parce que celui-ci ne verse aucune pension alimentaire, soit parce qu’il n’existe pas juridiquement (absence de reconnaissance de l’enfant par le père).
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[2]
Ainsi, au 1er janvier 2009, quelques mois avant la mise en place du rSa, le montant mensuel de l’API pour un parent isolé avec un enfant était de 778,40 5 contre 681,95 5 pour l’allocation RMI avec la même configuration familiale. Un parent isolé avec deux enfants recevait 973 5 au titre de l’API contre 818,34 5 au titre du RMI. Par ailleurs, dans le cadre de l’API, chaque enfant supplémentaire donnait droit à une majoration de 194,60 5, tandis que 181,85 5 étaient accordés à chaque enfant, à partir du 3e, dans le cas du RMI. Ces montants ne tenaient pas compte du forfait logement qui réduisait le montant de l’allocation du RMI ou de l’API versée. Par ailleurs, les droits connexes attachés au RMI et à l’API différaient : par exemple, les allocataires du RMI bénéficiaient automatiquement et gratuitement de la CMU complémentaire et de la « prime de Noël », ce qui n’était pas le cas des allocataires de l’API.
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[3]
D’après une étude de l’OCDE (2007), le coût de la garde des enfants a un impact négatif sur l’emploi maternel et l’offre de travail de certaines catégories de personne (les femmes peu qualifiées, les familles à faibles revenus, les mères de jeunes enfants et les parents isolés) est très sensible à la variation des coûts de garde. L’étude estime pour la France, sur des données de 2005, que le taux effectif moyen d’imposition, intégrant les frais de garde en plus des prélèvements fiscaux et des réductions de prestations, pour un parent isolé avec deux enfants âgés de deux et trois ans lors d’une transition de l’inactivité vers un emploi à plein temps rémunéré à 67 % du salaire moyen est de 100 %. Par ailleurs, les statistiques montrent que la proportion d’allocataires du RMI ou de l’API qui bénéficiaient de l’intéressement à la reprise d’emploi n’a pas tellement varié de 2000 à 2003 (Mathern [2010]).
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[4]
Voir les commentaires critiques de M. Dollé [2002] à propos de cet article.
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[5]
Les auteurs utilisent l’enquête Emploi 1997 et les barèmes légaux et réglementaires de 1997 dans les simulations réalisées. En raison de la non-disponibilité d’informations sur les revenus des employeurs, des travailleurs indépendants et des retraités dans l’enquête Emploi, le champ couvert est restreint aux individus âgés de 55 ans au plus et appartenant aux ménages sans retraités, employeurs ou travailleurs indépendants.
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[6]
Th. Piketty [1998] discute toutefois de la robustesse de son résultat. Voir p. 17 de son article.
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[7]
Ces deux périodes sont respectivement 1972-1976 et 1977-1981.
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[8]
La prime pour l’emploi (PPE), instaurée en France en 2001, a pour but de soutenir les personnes ayant de faibles revenus d’activité et d’encourager le retour à l’emploi en améliorant la rémunération du travail. Nous ne rendons pas compte ici des travaux d’évaluation des effets de la PPE sur l’offre de travail féminin. Certains de ces travaux s’intéressent à l’offre de travail des femmes, soit en couple, soit isolées. Mais quand ils traitent des femmes isolées, ils ne distinguent pas clairement les femmes célibataires sans enfant et les femmes célibataires avec enfant(s). Le lecteur, intéressé par cette question, peut se reporter notamment à Laroque et Salanié [2002a], [2002b], Fuguzza et al. [2003], Bargain [2004], Stancanelli [2008]. Seule la dernière évaluation est ex post, les autres étant ex ante.
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[9]
Les familles monoparentales vivant d’allocations sociales depuis au moins un an se voient verser un complément de revenu pendant au plus trois ans si elles retrouvent un emploi à temps plein dans l’année qui suit l’entrée dans le programme d’auto-suffisance. Ce supplément de revenu est important : en moyenne, le revenu du travail est doublé. Dans le cadre d’une expérience contrôlée, on répartit aléatoirement ces familles en deux groupes, un groupe de traitement (les bénéficiaires de la mesure) et un groupe de contrôle (les familles monoparentales ne bénéficiant pas de la mesure même si elles ont rempli les conditions requises).
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[10]
Créée en 1980, l’allocation veuvage, accordée sous conditions de ressources, est une allocation temporaire versée pendant deux ans au maximum. Elle s’adresse aux conjoints survivants d’assurés sociaux décédés et n’ayant pas l’âge minimum exigé pour toucher une pension de réversion. La loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 prévoit la prolongation de l’allocation veuvage après le 1er janvier 2011 et non plus sa suppression comme il était prévu initialement.
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[11]
La loi de finances no 98-1266 du 30 décembre 1998, art. 133-II et la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 no 98-1194 du 23 décembre 1998 sortent le budget de l’API du giron de la sécurité sociale pour entrer dans celui de l’État, et devenir une prestation de solidarité financée par l’État.
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[12]
Pourtant, l’ACR avait déjà été discutée dans le rapport Bourguignon-Bureau (1999) qui conclut : « Un dispositif ACR apparaît donc comme une façon efficace d’éliminer le piège de la pauvreté engendré à l’heure actuelle par le RMI, tout en renforçant très significativement la propriété de l’ensemble du système redistributif » (p. 40).
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[13]
Il s’agit du contrat d’avenir dans le secteur non marchand et du contrat insertion-revenu minimum d’activité dans le secteur marchand.
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[14]
Le dispositif d’intéressement est composé de deux périodes : une première période de trois mois au cours de laquelle l’allocataire cumule intégralement allocation et revenu d’activité ; une seconde période de neuf mois au cours de laquelle l’allocataire a soit une prime forfaitaire (150 5 par mois pour une personne seule et 225 5 pour deux personnes ou plus) si la durée mensuelle de son activité est d’au moins 78 heures, soit un intéressement proportionnel (abattement du revenu d’activité de 50 %) si la durée mensuelle de son activité est inférieure à 78 heures. Par ailleurs, une prime de retour à l’emploi de 1000 5 est versée aux allocataires exerçant une activité professionnelle d’une durée mensuelle égale ou supérieure à 78h pendant au moins quatre mois consécutifs.
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[15]
De plus, la loi de Finances de 2007 a conféré à l’API un caractère subsidiaire. L’API ne peut désormais être versée qu’aux parents isolés qui ont fait valoir leur droit aux autres prestations (allocation de soutien familial, allocation d’assurance chômage, pension de réversion, etc.) ou aux créances alimentaires. Ce n’est que lorsqu’ils n’y ont pas droit ou que ces droits n’atteignent pas le montant de l’API que cette dernière intervient.
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[16]
La dégradation du marché du travail due à la crise économique accroît les difficultés des allocataires d’API à trouver un emploi. Toutefois, avant la crise, en 2007, la proportion d’allocataires en intéressement demeure relativement faible : 8,1 %.
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[17]
Depuis 2007, il n’y a pas eu de « coup de pouce » au salaire minimum.
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[18]
On met de côté les revalorisations exceptionnelles : en 1997-1998, à la suite des manifestations liées aux mouvements des chômeurs, le RMI et l’ASS (allocation de solidarité spécifique) ont été revalorisés de 3 % avec effet rétroactif sur l’année 1998. Une « prime de Noël » est mise en place en 1998 et pérennisée depuis. En raison de l’accélération de l’inflation à la fin de 2007 et de la crise économique intervenue en 2008-2009, une prime exceptionnelle s’ajoutant à la « prime de Noël » a été versée en 2009 aux allocataires du RMI et de l’ASS.
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[19]
Le montant de l’API est le montant maximal servi à une femme isolée enceinte et celui du RMI est pour une personne seule sans enfant.
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[20]
Voir la note 14 où nous avons rappelé le dispositif d’intéressement en vigueur du 1er octobre 2006 jusqu’à la généralisation du rSa et qui s’appliquait aux bénéficiaires du RMI, de l’API et de l’ASS.
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[21]
L’enquête de 2003 a concerné les bénéficiaires du RMI, de l’API, de l’ASS et de l’AAH, tandis que celle de 2006 a porté sur l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI, de l’API et de l’ASS.
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[22]
Nous utilisons ici les expressions familles monoparentales et parents isolés comme synonymes alors qu’en réalité les familles monoparentales au sens des enquêtes ménages réalisés par l’Insee et les parents isolés au sens des Caisses d’allocation familiales ne se recouvrent pas entièrement. En effet, les enquêtes ménages de l’Insee comptabilisent uniquement les parents isolés qui sont la personne de référence du ménage. Elles excluent donc ceux qui sont hébergés ou qui partagent le même logement avec d’autres personnes, indépendamment du lien de parenté. Quant aux caisses d’allocation familiales, elles considèrent comme parents isolés les personnes assumant seules la charge effective et permanente d’un ou de plusieurs enfants, à condition qu’elles ne vivent pas maritalement. Par ailleurs, les enfants sont à charge au sens des prestations familiales de la CAF. Dans le cas du RMI, les enfants sont à charge jusqu’à l’âge de 25 ans.
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[23]
Trois états principaux ont été retenus : emploi, chômage ou inactivité (dont retour en études ou formation).
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[24]
Les trajectoires mixtes sans emploi, très peu nombreuses, ont été regroupées soit avec les trajectoires caractérisées par l’inactivité permanente, soit avec les trajectoires « chômage permanent » en fonction du nombre d’épisodes d’inactivité ou de chômage. Ainsi, lorsque la trajectoire mixte sans emploi d’un allocataire comprend, par exemple, plus de 50 % du temps passé en inactivité, elle est regroupée avec les trajectoires « toujours en inactivité » et renommée en trajectoire « principalement en inactivité ».
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[25]
Une partie de l’enquête est consacrée à l’accès aux aides et à l’accompagnement. Mais les questions ne sont posées qu’aux allocataires du RMI sans distinction d’ailleurs entre zone expérimentale et zone témoin. De plus, les questions concernent l’accompagnement existant dans le cadre du RMI.