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Article de revue

Une évaluation structurelle du ratio de sacrifice dans la zone euro

Pages 273 à 299

Notes

  • [*]
    Nous remercions les rapporteurs, ainsi que Sanvi Avouyi-Dovi, Laurent Clerc, Fabrice Collard, Patrick Fève, Thibault Guyon, Hubert Kempf, Julien Matheron, Robert Ophèle, et Christian Pfister pour leurs précieux commentaires. Les vues exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de leurs employeurs. ? Correspondance : Jérôme Coffinet, Banque de France, 1, rue de la Vrillière 75001 Paris. Tel : +33 1 42 92 60 18. Email : jjerome. coffinet@ banque-france. fr. ?? Université Catholique de Louvain la Neuve, ECON-IRES.
  • [1]
    Ce choix de champ d’étude peut être discuté, dans la mesure où il pose le problème de l’optimalité de la conduite de la politique monétaire. Toutefois, il s’agit d’une approximation opérée par nombre d’études proches (Fève et alii [2007,2008] ; Ascari et Ropele [2008]). De plus, notre échantillon se limitant à 1985-2004, les taux d’inflation dans les principaux pays de la zone euro suivent des profils très proches et stables. Enfin, les études offrant une analyse de la dispersion des ratios de sacrifice dans les principaux pays de la zone euro (Coffinet [2006] ; Durand et alii [2008]) concluent à une faible dispersion de ceux-ci sur la période considérée pour les principaux pays de la zone euro.
  • [2]
    Ce choix de modélisation est courant dans la littérature et motivé par notre problématique, qui vise à mesurer l’influence relative des rigidités des salaires et des prix sur la valeur du ratio de sacrifice. Pour ce faire, au prix d’hypothèses très simplificatrices, nous avons choisi de retenir la même spécification pour le modèle de prix et pour celui des salaires. Cette modélisation est commune dans la littérature (Smets et Wouters [2003] ; Christiano et alii, [2005] ; Fève et alii [2007]). En outre, notre résultat ne saurait être conditionné par la modélisation du mode de fixation des prix retenue. Par exemple, De Walque et alii [2005] montrent que les fonctions de réponse de la production (resp. de l’inflation) à un choc monétaire sont extrêmement proches, selon que l’on se place dans le cas du modèle de Calvo ou dans celui de Taylor, en particulier pour des durées de contrat de Taylor élevées (supérieures à 4 trimestres). De même, les fonctions de réponse proposées par Dotsey et alii [1999] laissent à penser qu’une règle d’ajustement dépendant de l’état plutôt que du temps conduirait à un ratio de sacrifice peu éloigné.
  • [3]
    Dans notre cadre, 1 ? ?p pourrait être considéré comme un indicateur de crédibilité de la banque centrale puisqu’il indique dans quelle mesure les firmes indexent leur prix sur la cible d’inflation plutôt que sur l’inflation passée.
  • [4]
    Du fait de la présence d’une racine unitaire dans le logarithme du progrès technique, yt, wt et ?t ne sont pas stationnaires. Pour obtenir un système dynamique stationnaire, il convient de transformer les variables de la façon suivante : y¯t = yt e? zt, w¯t = wt e? zt, ??t = ?t ezt
  • [5]
    Nous utilisons les séries trimestrielles de Fagan, Henry et Mestre [2005] qui servent à l’estimation du modèle européen AWM (Area-Wide Model). Toutes les données sont multipliées par 100.
  • [6]
    Ce résultat est compatible avec ce qui a été obtenu par Smets et Wouters [2003].
  • [7]
    Il s’agit d’un résultat usuel dans la littérature, tant sur données zone euro que sur données américaines
  • [8]
    En estimant un VAR structurel pour chacun des pays de la zone euro, Durand et alii [2008] obtiennent un ratio de sacrifice moyen pour la zone euro de 1,19 % sur la période 1994T1-2003T4. Les évaluations fondées sur la méthode de Ball [1994a] ne sont pas directement comparables car elles isolent les pays et les différents épisodes. Toutefois, les résultats de Coffinet [2006] sont très proches de ceux de la présente étude : pour le dernier épisode de désinflation, les ratios de sacrifice en Allemagne, en France et en Italie seraient de respectivement 2,05 %, 1,98 % et 0,69 %.
  • [9]
    Des exercices de robustesse des résultats (concernant la taille de l’échantillon ou l’ordre retenu des fonctions génératrices d’autocovariance) montrent que la valeur du ratio de sacrifice est peu sensible à la spécification retenue, dans le cadre de notre modèle estimé.
  • [10]
    Estimant un modèle théorique relativement similaire estimé sur les données de la zone euro, les auteurs reportent un ratio de sacrifice d’une valeur comprise entre 5 % et 8 %.
  • [11]
    Rappelons que le modèle théorique est estimé sur la période 1985T1-2004T4.
  • [12]
    Les auteurs montrent que la prise en compte théorique du choc permanent sur la cible d’inflation est nécessaire pour reproduire la forte tendance à la baisse de l’inflation européenne qui s’est déroulée au début des années 1980.
  • [13]
    Les auteurs obtiennent un ratio de sacrifice d’une valeur de 4,8 % lorsqu’ils estiment un modèle incorporant une cible d’inflation variable suivant un processus non stationnaire (Fève et alii [2007]). Dès lors qu’ils estiment un modèle similaire incorporant une cible d’inflation variable suivant un processus non stationnaire et graduel (i.e. sériellement corrélée), la valeur du ratio de sacrifice est comprise entre 5 % et 10 % (Fève et alii [2008]).
  • [14]
    On parle d’une politique de désinflation « cold turkey »
  • [15]
    D’autres facteurs peuvent expliquer le ratio de sacrifice (manque de crédibilité de la banque centrale, taux d’inflation initial élevé, par exemple). Toutefois, l’approche et le modèle retenus ici ne nous permettent pas de discuter du rôle de ces facteurs.
  • [16]
    Il est important de préciser que les exercices contrefactuels sont réalisés dans le cadre du modèle estimé. Par conséquent, ils nous offrent seulement une indication sur la contribution des paramètres à la valeur du ratio de sacrifice.
  • [17]
    Ce résultat confirme l’argument de Christiano et alii [2005] selon lequel la viscosité des salaires joue un rôle prédominant sur le degré de persistance de l’inflation.

1. Introduction

1Au cours des années quatre-vingt, les politiques monétaires des pays développés ont fait de la stabilité des prix un objectif prioritaire. En effet, celle-ci contribue à accroître le potentiel de croissance d’une économie, en améliorant la transparence sur les prix relatifs, en réduisant la prime de risque sur l’inflation et en prévenant les redistributions arbitraires de la richesse et des revenus. De nombreuses études confirment l’effet positif sur la croissance de long terme d’une inflation durablement plus faible, dans des modèles de croissance à long terme (Barro [1996]) et dans le cadre de modèles d’équilibre général avec prix visqueux (Ireland [1995]). En outre, Ascari et Ropele [2008] montrent, à l’aide d’un modèle d’équilibre général avec prix visqueux, que la baisse de l’inflation de long terme génère une hausse du bien-être des agents.

2Toutefois, si un large consensus se dégage sur l’absence de coût réel à long terme d’une politique désinflationniste, il peut ne pas en être de même à court terme. Dans cette optique, le ratio de sacrifice, défini comme la perte cumulée en croissance liée à une réduction permanente d’un point d’inflation, constitue un indicateur extrêmement utile. D’un point de vue méthodologique, deux approches principales ont été développées afin de le mesurer.

3L’approche initiée par Ball [1994a] consiste à identifier les épisodes de désinflation ex ante, puis à calculer le ratio de sacrifice sur chacun d’eux. Cette littérature présente plusieurs limites. En premier lieu, le calcul de ratios de sacrifice est très sensible à l’identification des dates de début et de fin des épisodes de désinflation. En deuxième lieu, les nombreuses méthodes proposées pour estimer la croissance potentielle spécifique à chaque épisode ont fait émerger des résultats contrastés. Enfin, ces méthodes ne permettent pas d’isoler les chocs monétaires. Autrement dit, l’épisode de désinflation est intégralement et arbitrairement attribué à un choc monétaire, sans tenir compte d’éventuels autres chocs d’offre et de demande.

4L’approche VAR structurel a été mise en œuvre par Cecchetti et Rich [2001] reprenant Cecchetti [1994]. Elle permet de distinguer les chocs structurels d’offre et de demande. Par ailleurs, elle autorise une ventilation de la politique monétaire entre composante systématique (fonction de réaction des autorités monétaires) et composante stochastique (chocs de politique monétaire). Toutefois, deux principales critiques lui sont généralement adressées. En premier lieu, les résultats sont instables à la spécification du modèle. Cette sensibilité des résultats provient en grande partie de la difficulté d’identification des chocs dans ce type de modèle. En second lieu, ces derniers ne permettent pas d’analyser facilement les mécanismes économiques à l’origine du ratio de sacrifice.

5Le présent papier propose d’évaluer le ratio de sacrifice de la zone euro à partir d’une petite maquette en équilibre général, caractérisée par des prix et des salaires visqueux et par des mécanismes d’indexation des prix et des salaires sur l’inflation passée. Ce modèle permet de calculer le ratio de sacrifice et d’évaluer le lien entre ce dernier et les degrés de rigidité des marchés des biens et du travail [1]. Contrairement à l’approche ad hoc, nous ne sommes pas contraints de calculer le ratio de sacrifice sur des périodes de désinflation dont l’identification peut s’avérer peu robuste. Par ailleurs, à la différence d’un modèle VAR structurel, notre modèle nous permet d’interpréter précisément l’impact des différentes rigidités nominales sur la valeur du ratio de sacrifice.

6Le modèle est estimé sur les données de la zone euro pour la période 1985T1-2004T4. Nous nous concentrons sur la période récente, négligeant ainsi la période de forte désinflation rencontrée par les pays de la zone euro au début des années 1980. L’idée est de se situer dans un environnement économique stable, en ce sens qu’il n’est pas sujet à une forte désinflation, afin de rendre compte des dynamiques macroéconomiques contemporaines de la zone euro. Dans ce cadre d’analyse, nous nous posons la question de savoir quelle serait la valeur du ratio de sacrifice si un épisode de désinflation avait lieu. Les paramètres sont sélectionnés de façon à minimiser la distance entre les covariances théoriques et empiriques des variables d’intérêt. Afin d’évaluer qualitativement les propriétés dynamiques de ce modèle, nous proposons en complément une analyse des réponses impulsionnelles ainsi qu’une décomposition de la variance des variables d’intérêt. De ce point de vue, le modèle est conforme à ce qui est généralement obtenu dans la littérature (Smets et Wouters [2003], Leith et Malley [2005]).

7La valeur estimée du ratio de sacrifice est proche de 1,30 % dans la zone euro sur la période récente. Dans le but de mieux comprendre ce résultat, nous conduisons une série d’exercices contrefactuels. Leur objectif de ces derniers est de mesurer la sensibilité de notre résultat aux degrés respectifs de rigidités sur le marché des biens et sur le marché du travail. En outre, nous examinons dans quelle mesure le ratio de sacrifice est sensible à la règle de décision de la banque centrale. Nous obtenons trois résultats principaux. En premier lieu, une baisse du degré de rigidité nominale des prix ne se traduit pas nécessairement par une baisse du ratio de sacrifice. En deuxième lieu, le ratio de sacrifice croît avec le degré de rigidité nominale des salaires. Toutefois, au voisinage des valeurs estimées, le ratio se montre relativement peu sensible à ce paramètre. En dernier lieu, la valeur du ratio de sacrifice est très sensible au degré de lissage du taux d’intérêt nominal, notamment lorsqu’il est élevé. La section 2 de cette étude présente le modèle d’équilibre général. La section 3 développe la procédure d’estimation et de calibration des paramètres, ainsi que les principaux résultats. La section 4 détaille l’évaluation du ratio de sacrifice et propose des exercices contrefactuels. La dernière section expose brièvement les principales conclusions de l’étude.

2. Le modèle d’équilibre général

8Nous considérons une petite maquette structurelle de la zone euro qui s’appuie sur les travaux de Woodford [2003] et Galí et Rabanal [2004].

2.1. Production du bien final

9Nous considérons une économie composée d’un continuum d’agents à durée de vie infinie. Le temps est discret et indicé par t. Un bien final unique yt est produit par des entreprises concurrentielles au moyen de la fonction de production à élasticité de substitution constante (CES) suivante :

equation im1

[1]

10yt? ) représente l’intrant en bien intermédiaire ? et ?p > 1 est l’élasticité de substitution entre les différents biens intermédiaires. La demande pour le bien intermédiaire ? vérifie :

equation im2

[2]

11Pt? ) est le prix nominal du bien ? et Pt, le prix nominal du bien final, vérifie

equation im3

[3]

2.2. Production du bien intermédiaire

12L’entreprise productrice du bien intermédiaire de type ? est en concurrence monopolistique. Elle utilise la fonction de production suivante :

equation im4

[4]

13nt? ) est l’intrant en travail agrégé (défini ci-après) et zt est un choc de productivité qui évolue selon le processus zt=log (a) +zt?1+?t, où ?t iid ( 0, ?? ) et a > 1 est le taux de croissance brut moyen du progrès technique.

14A la suite de Calvo [1983]  [2], nous supposons qu’à chaque date, le monopoleur produisant un bien intermédiaire peut fixer son prix avec une probabilité 1 ? ?p, indépendamment de la dernière date à laquelle il a déjà réoptimisé ce prix. Si une entreprise ne peut pas réoptimiser son prix, celui-ci est automatiquement révisé selon la règle :

equation im5

?t = Pt /Pt ? 1 ? 1 est le taux d’inflation, ? est la cible d’inflation de long terme, et ?p ? [ 0,1 ] mesure le degré d’indexation des prix à l’inflation passée. Symétriquement, 1 ? ?p mesure le degré d’indexation à la cible d’inflation [3].

15Notons P*t (?) le prix choisi à la date t par l’entreprise ?, si elle a la possibilité de le réviser. Soit alors y*t, T? ) la production du bien ? à la date T si l’entreprise ? a réoptimisé son prix pour la dernière fois à la date t. La firme ? choisit alors P *t? ) de façon à maximiser :

equation im6

en tenant compte de la fonction de demande déduite de l’expression (2). Dans l’expression ci-dessus, ?t est l’utilité marginale du ménage représentatif et Et{ ? } est l’opérateur espérance, conditionnellement à l’ensemble d’information disponible à la date t. De plus, wt est le taux de salaire réel payé par la firme. La résolution du programme de maximisation (5) permet d’obtenir la condition du premier ordre loglinéarisée :
equation im7

t représente la logdéviation de 1 + ?t par rapport à son état stationnaire et wˆtyˆt ) représente la logdéviation de wt e? ztyt e? zt ) par rapport à son état stationnaire [4].

2.3. Marché du travail et ménages

16Nous supposons qu’il existe un continuum de ménages différenciés. Comme Erceg et alii [2000], nous supposons que le ménage de type ? ? [ 0,1 ] offre du travail spécifique noté lt? ) à une entreprise concurrentielle. Cette dernière combine les différents types de travail en un agrégat noté lt au moyen de la technologie CES :

equation im8

?w > 1 est l’élasticité de substitution entre les différents types de travail. La demande de travail de type ? est alors :
equation im9

[7]

17Wt? ) est le salaire nominal versé au travail de type ? et Wt, le salaire nominal agrégé, vérifie :

equation im10

[8]

18Par ailleurs, les préférences du ménage de type ? sont décrites par :

equation im11

[9]

19? ? ( 0,1 ) est le taux d’actualisation, b ? ( 0,1 ) est le paramètre d’habitude sur la consommation, yt représente la consommation du bien final et ?t et gt sont des chocs de préférence définis ultérieurement.

20La contrainte de budget s’écrit :

equation im12

[10]

21divt est le profit redistribué par les entreprises monopolistiques et wt? ) ? Wt? )/Pt est le taux de salaire réel du ménage ?. De plus, nous notons bt ? Bt /Pt, où Bt est la quantité d’obligations nominales à 1 trimestre, rémunérées au taux d’intérêt nominal it.

22Les conditions du premier ordre loglinéarisées sont :

equation im13

b¯ = b/a, ?ˆt représente la logdéviation de ?t ezt par rapport à son état stationnaire et où g?t ? ( 1 ? b¯ ) [ gt ? ?b¯Et { gt + 1 } ] est supposé évoluer selon g?t = ?gg?t ? 1 + ?g, t, avec ?g ? ( 0,1 ) et ?g, t iid ( 0, ?g ). Dans la suite, nous interpréterons ˆ?t comme la somme des logdéviations des taux d’intérêt réels futurs par rapport à leur état stationnaire.

23Nous supposons qu’à chaque date, un ménage donné peut réoptimiser son salaire nominal avec une probabilité 1 ? ?w, quel que soit le laps de temps écoulé depuis la dernière réoptimisation. Les ménages restants révisent automatiquement leur salaire selon la règle 

equation im14

:
equation im15

Le paramètre ?w ? [ 0,1 ] mesure le degré d’indexation des salaires à l’inflation de la date précédente. Symétriquement, 1 ? ?w mesure le degré d’indexation des salaires à la cible d’inflation de long terme. Notons de plus que les ménages indexent aussi leur salaire au taux de croissance moyen du progrès technique, ce qui assure l’existence d’un état stationnaire déterministe. L’inflation salariale est notée ?wt.

24A la date t, le ménage de type ?, s’il a la possibilité de le réoptimiser, choisit le taux de salaire W*t? ) de façon à maximiser :

equation im16

sachant (7). La solution loglinéarisée du programme précédent s’écrit 
equation im17

:
equation im18

Finalement, l’inflation salariale et l’inflation sont reliées par l’identité
equation im19

2.4. Politique monétaire

25Le modèle est bouclé par la règle de taux d’intérêt :

equation im20

[14]

26où ?t est un choc monétaire qui évolue selon ?t=???t?1+??, avec t ?? ? ( 0,1 ) et ??, t iid ( 0, ?? ).

27Cette règle de Taylor [1993] augmentée stipule que les autorités monétaires fixent le taux d’intérêt nominal en réaction à l’inflation passée et à la déviation passée de la production en écart à sa tendance stochastique. Les coefficients ap et ay mesurent, respectivement, les degrés de réaction à l’inflation passée et à yˆt ? 1. Par ailleurs, nous admettons un comportement d’inertie de la politique monétaire (Clarida et alii [2001]) qui se traduit par la présence de ˆit ? 1 dans la règle. Le coefficient ?i mesure le degré de lissage. Enfin, nous supposons que les autorités monétaires font face à un choc exogène persistant qui peut être interprété, par exemple, comme un choc financier ou un changement transitoire de cible d’inflation (Rudebush [2002]).

3. Estimation du modèle

28Nous estimons les paramètres du modèle de façon à minimiser la distance entre les autocovariances des données et leurs contreparties théoriques issues du modèle.

3.1. Etalonnage des paramètres structurels

29Certains paramètres du modèle sont étalonnés car leur valeur se déduit des grands ratios ou parce que ces paramètres ne sont pas identifiables. Nous notons le vecteur des paramètres étalonnés ?c = ( ?, ?, ?w, ?p )?, dont les valeurs sont reportées dans le tableau 1. Nous avons posé ? = 0,99 impliquant un taux d’intérêt trimestriel de 1,6 %, sachant que le taux de croissance trimestriel moyen calculé à l’aide de nos données est de 0,6 %. Par ailleurs, au sein de la zone euro, la part moyenne des salaires dans le PIB est de 54 %, impliquant ? = 1,85. De plus, nous supposons que le taux de marge des producteurs de biens intermédiaires à l’état stationnaire est de 10 % (soit ?p = 11), à l’instar de Leith et Malley [2005]. Enfin, nous supposons que le taux de marge salarial à l’état stationnaire est de 20 %, ce qui signifie ?w = 6. Cette valeur est proche de celle retenue par Smets et Wouters [2003].

3.2. Estimation des paramètres structurels

30Pour estimer le modèle, nous considérons le vecteur de données [5] yt = ( ?yˆt, t, ˆit, wt )? où ?yˆt est le taux de croissance de la production, t est le taux d’inflation, ˆit est le taux d’intérêt nominal de court terme et wt est le taux d’inflation salarial. Notons ?j, la jème autocovariance de yt et posons :

equation im21

vec ( ? ) est l’opérateur qui transforme une matrice ( n × n ) en un vecteur ( n² × 1 ) par une superposition verticale des colonnes, vech ( ? ) est l’opérateur qui transforme une matrice ( n × n ) en un vecteur de dimension ( nn + 1 )/2 × 1 ), en superposant verticalement les colonnes tout en ne retenant que les valeurs qui sont en dessous de la diagonale principale. Nous estimons le vecteur de paramètres :
equation im22

de façon à minimiser une distance pondérée entre ? et sa contre-partie théorique engendrée par le modèle. En pratique, nous substituons à ? un estimateur noté ˆ?T tiré d’un modèle VAR à deux retards estimé sur la période 1985T1-2004T4. Formellement, notre estimateur T de ? est défini par :
equation im23

[15]

31? est l’ensemble des valeurs admissibles de ?. WT est une matrice diagonale comportant l’inverse des variances asymptotiques de chaque élément de ˆ?T le long de sa diagonale. Les écarts-types des paramètres estimés sont calculés par intégration numérique directe.

Tableau 1.

Résultats de l’estimation

Tableau 1.
Tableau 1. Résultats de l’estimation Paramètres structurels étalonnés ? Coefficient subjectif d’actualisation 0,99 ? Inverse de l’élasticité du produit au travail 1,85 ?w/ (?w?1) ?1 Taux de marge salarial 0,20 ?p/ (?p?1) ?1 Taux de marge 0,10

Résultats de l’estimation

tableau im25
Paramètres structurels estimés ?p Degré de rigidité nominale des prix 0,840 (0,005) ?w Degré de rigidité nominale des salaires 0,670 (0,005) ?p Indexation des prix 0,467 (0,032) ?w Indexation des salaires 1,000 (*) ?w Élasticité de la désutilité marginale du travail 3,000 (*) b¯ Persistance des habitudes 0,860 (0,010) ay Élasticité de ˆit par rapport yˆt 0,098 (0,011) ap Élasticité de ˆit par rapport à ?t 1,444 (0,090) ?i Degré de lissage du taux d’intérêt nominal 0,068 (0,080) Chocs ?? Autocorrélation des chocs monétaires 0,872 (0,010) ?? Écart-type des chocs monétaires 0,107 (0,013) ?g Autocorrélation des chocs de demande 0,700 (0,016) ?g Écart-type des chocs de demande 0,087 (0,001) ?? Autocorrélation des chocs d’offre de travail 0,000 (*) ?? Écart-type des chocs d’offre de travail 0,399 (0,009) ?? Écart-type des chocs de productivité 0,428 (0,008) Note : Les nombres entre parenthèses sont les écarts-types des estimations ; une étoile signifie que nous avons imposé une contrainte sur la valeur estimée.

3.3. Résultats de l’estimation

32Le graphique 1 présente les autocovariances théoriques et empiriques au terme de l’estimation. Les autocovariances empiriques de l’ordre 0 à 6 sont en lignes pleines et leurs contreparties théoriques en lignes cerclées. La zone grisée représente l’intervalle de confiance asymptotique à 95 % des autocovariances empiriques. Les autocovariances théoriques sont comprises à l’intérieur de l’intervalle de confiance de leurs contreparties empiriques. De plus, l’allure générale de ces dernières est bien reproduite, en particulier en ce qui concerne le taux d’intérêt et l’inflation salariale.

Figure 1.

Fonctions d’autocovariance

Figure 1.
Notes : Fonctions d’autocovariance empiriques (lignes pleines) et théoriques (lignes avec cercles) de l’ordre 0 à 6. La zone grisée représente l’intervalle de confiance à 95 % de la fonction génératrice d’autocovariance empirique. Figure 1. Fonctions d’autocovariance

Fonctions d’autocovariance

33Le tableau 1 présente les résultats de l’estimation. Les écarts-types des différents chocs sont significatifs ; les coefficients d’autocorrélation des chocs de préférence et monétaires sont élevés (autour de 0,8) et significatifs. En revanche, les données semblent privilégier un ?? faible et non significatif, ce qui nous conduit à imposer la contrainte ?? = 0. Le degré de lissage du taux d’intérêt est très faible et non significatif, tandis que les poids de l’inflation et de la production dans la règle (1,44 et 0,1 respectivement) correspondent globalement aux valeurs usuelles estimées dans la littérature (Smets et Wouters [2003] ; Gerlach et Schnabel [2000]) et sont significatives. Nous avons rencontré des problèmes de convergence en estimant ?w. En effet, l’estimation de ce paramètre nous a conduit à des valeurs très élevées. Pour éliminer ce problème, nous étalonnons ce paramètre en suivant Prescott [2004], et fixons ?w = 3. Enfin, le paramètre de persistance des habitudes présente une valeur plus élevée que celle obtenue par Smets et Wouters [2003], mais proche de celle de Leith et Malley [2005].

34Les paramètres régissant les rigidités sur le marché des biens et le marché du travail s’avèrent des paramètres clefs pour la suite de notre analyse. La probabilité de non-réoptimisation des salaires est de 0,67, ce qui signifie qu’en moyenne, un ménage ne réoptimise pas son salaire pendant environ trois trimestres. Le degré de rigidité des prix est plus élevé ( ?p = 0,84 ), puisqu’en moyenne, les entreprises ne réoptimisent pas leur prix pendant environ un an et demi [6]. Par ailleurs, les salaires sont intégralement indexés à l’inflation passée ( ?w = 1 ). Une fois de plus, l’estimation libre de ce paramètre nous conduit à sa borne supérieure, ce qui nous a contraints à imposer cette valeur. Enfin, le degré d’indexation des prix sur l’inflation passée est de 46,7 %, ce qui correspond globalement au résultat de Smets et Wouters [2003].

3.4. Évaluation des propriétés dynamiques du modèle

35Le graphique 2 reporte les fonctions de réponse des variables d’intérêt aux différents chocs du modèle. Ces réponses sont caractérisées par des profils en dôme pour la plupart des chocs, ce qui souligne les fortes propriétés de propagation dynamique du modèle. Le graphique 3 reporte la part de la variance des variables d’intérêt attribuable à chaque choc. A un horizon court, le choc monétaire explique la quasi-totalité de la variance du taux d’intérêt nominal mais contribue par ailleurs peu à la variance des autres variables [7]. Le choc de productivité explique une part non négligeable de la variance des variables d’intérêt, même si cette contribution reste modeste par rapport au choc de préférence. Ce dernier explique l’essentiel de la variance de ?yˆt, t et ˆit, suggérant qu’au cours de la période d’estimation, la zone euro a été dominée par des chocs de demande. Enfin, le choc d’offre de travail explique la majeure partie de la variance de l’inflation salariale (entre 90 % et 60 %) sans contribuer de façon importante à la variance des autres variables.

Figure 2.

Fonctions de Réponse

Figure 2.
Notes : Fonctions de réponse théoriques (multipliée par 100) calculées à partir du modèle estimé. Figure 2. Fonctions de Réponse

Fonctions de Réponse

Figure 3.

Contribution relative de chaque choc à la variance des variables

Figure 3.
Figure 3. Contribution relative de chaque choc à la variance des variables

Contribution relative de chaque choc à la variance des variables

4. Calcul du ratio de sacrifice

36A l’aide du modèle estimé, nous pouvons calculer la valeur du ratio de sacrifice, qui se définit comme la perte cumulée de production liée à une réduction permanente d’un point d’inflation.

4.1. Méthode de calcul et résultat

37Nous calculons la dynamique de transition engendrée par un changement de cible d’inflation. A la date t = 0, nous supposons que la cible d’inflation passe de ?1 à ?2 < ?1. Il en découle qu’en t = 0, par rapport au nouvel état stationnaire, la déviation relative de l’inflation est ? 1 ? ?1? ?2 > 0. Il s’ensuit qu’après un changement de cible d’inflation, nous vérifions les relations w? 1 = ˆi? 1 = ? 1. Les valeurs initiales des logdéviations des autres variables sont alors fixées à 0. La solution loglinéaire du modèle est alors utilisée pour calculer le ratio de sacrifice Rt, défini par la relation :

equation im29

yˆt est la logdéviation de la production. Dans la suite, nous étudions un épisode de désinflation d’un point, de sorte que |?2? ?1| = 1. Une valeur négative de Rt traduit une perte en production.

38Le ratio de sacrifice Rt est une fonction des paramètres estimés ?. Il est donc possible de déterminer un intervalle de confiance pour Rt. En pratique, ces calculs sont effectués numériquement.

39Le graphique 4 illustre l’évolution, dans le cadre de notre modèle estimé, du ratio de sacrifice consécutif à une réduction d’un point d’inflation sur un horizon de 70 trimestres. La zone grisée correspond à l’intervalle de confiance de Rt à 95 %. Le graphique montre que la perte cumulée de production croît pendant une trentaine de trimestres avant de rejoindre une valeur proche de celle son état stationnaire. Une fois le choc de désinflation résorbé, la valeur du ratio de sacrifice se stabilise à 1,30 %, ce qui signifie que la perte cumulée de production, par rapport à la situation où il n’y aurait pas eu de désinflation, est de 1,30 point [8]. Enfin, il convient de remarquer que cette valeur est significativement différente de zéro [9].

Figure 4.

Évolution dynamique du ratio de sacrifice

Figure 4.
Notes : Évolution dynamique du ratio de sacrifice après une réduction d’un point d’inflation. La zone grisée correspond à l’intervalle de confiance à 95 % du ratio de sacrifice. Figure 4. Évolution dynamique du ratio de sacrifice

Évolution dynamique du ratio de sacrifice

40La valeur estimée du ratio de sacrifice pour la zone euro est plus faible que celle proposée par Fève et alii [2007,2008]  [10]. Dans le cadre de notre exercice, nous nous concentrons sur l’estimation d’un modèle capable de reproduire les dynamiques des agrégats macroéconomiques sur la période récente. Par conséquent, l’épisode de désinflation observé dans la zone euro au début des années 1980 est exclu de notre analyse [11]. Du point de vue théorique, le modèle incorpore donc des chocs « traditionnels » d’offre et de demande. A l’inverse, Fève et alii [2007,2008] prennent en compte dans leur analyse les épisodes historiques de désinflation dans la zone euro. Précisément, leur modèle théorique, estimé sur la période 1970-2004, incorpore explicitement un choc exogène non stationnaire sur la cible d’inflation de la banque centrale afin de rendre compte des dynamiques engendrées par la désinflation observée au début des années 1980 [12]. Le modèle estimé est capable de générer la récession observée au début des années 1980 dans la zone euro, ce qui induit mécaniquement un ratio de sacrifice plus élevé [13]. Par conséquent, pour expliquer l’écart entre notre résultat et ceux avancés par Fève et alii [2007,2008], il convient de souligner que, contrairement à ces auteurs, nous avons extrait de notre analyse cet épisode de désinflation subi par la zone euro afin de déterminer la valeur du ratio de sacrifice dans le cadre d’un environnement économique « stable ».

4.2. La mécanique de la récession induite par une désinflation

41Le modèle estimé est donc capable de produire une désinflation coûteuse en termes de production, dont les ordres de grandeur correspondent aux estimations obtenues par des méthodes moins structurelles. Il convient maintenant de comprendre les caractéristiques de la récession engendrée par cette désinflation. Pour ce faire, nous étudions les dynamiques transitionnelles des déviations relatives de la production ( yˆt ), des salaires réels ( wˆt ), de l’inflation salariale ( wt ), de l’inflation ( t ), du taux d’intérêt nominal ( ˆit ) et la somme des taux d’intérêt réel futurs ( ˆ?t ) en réponse à un choc permanent de désinflation. Ces dernières sont reportées sur le graphique 5.

42Puisque nous étudions un épisode de désinflation d’un point, les déviations relatives de l’inflation, de l’inflation salariale et du taux d’intérêt nominal, sont égales à 1 % avant le début de l’épisode de désinflation. Compte tenu de la fonction de réaction des autorités monétaires, relativement agressive en réponse à l’inflation ( ap = 1,44 ), le taux d’intérêt nominal croît d’un montant plus élevé que l’inflation. Par ailleurs, la politique monétaire est faiblement réactive aux déviations de la production ( ay = 0,098 ). Il en découle, au moins à court terme, que le taux d’intérêt réel croît. Sous réserve que cet accroissement soit persistant, les agents anticipent également une hausse de la somme des taux d’intérêt réels futurs. Via la pseudo courbe IS (équations 11 et 12), cette interaction provoque une baisse de la production à l’impact. Par conséquent, le modèle théorique considéré est capable d’engendrer une récession à court terme en réponse à un choc de désinflation.

Figure 5.

Dynamiques transitionnelles

Figure 5.
Notes : Dynamiques transitionnelles de la production ( yˆt ), des salaires réels ( wˆt ), de l’inflation salariale ( ?ˆwt ), de l’inflation ( ?ˆt ), du taux d’intérêt nominal ( ˆit ) et du taux d’intérêt réel de long terme ( ˆ?t ) en réponse à un choc permanent de désinflation, aux valeurs estimées du modèle. Figure 5. Dynamiques transitionnelles

Dynamiques transitionnelles

43L’ampleur et la persistance de cette récession dépendent alors de la dynamique plus ou moins persistante de ?ˆt. Cette dernière, à son tour, est déterminée par les degrés de rigidités nominales et réelles des prix et des salaires. Compte tenu des valeurs estimées de ?p et de ?w, les prix s’ajustent plus rapidement à la cible d’inflation de long terme que les salaires nominaux ( ?p < ?w ). Pour une probabilité de fixité des prix élevée ( ?p = 0,84 ), l’ajustement de l’inflation est freiné, impliquant un retour persistant du salaire réel à son équilibre de long terme. Ceci se traduit alors par un lent retour du taux d’intérêt nominal à sa cible de long terme. Il convient ici de remarquer que la dynamique de ce dernier est essentiellement due à celle de l’inflation, puisque le degré de lissage du taux nominal est faible ( ?i = 0,068 ). Il découle de cette configuration un accroissement persistant du taux d’intérêt réel qui se traduit mécaniquement par un accroissement de la somme des taux d’intérêt réels futurs, et par voie de conséquence une récession marquée.

5. Les déterminants du ratio de sacrifice

44La section précédente a mis en évidence la possible contraction de l’économie à court terme suite à un épisode de désinflation en raison de la hausse des taux d’intérêt réels. Dans cette section, nous évaluons différents facteurs structurels pouvant affecter l’ampleur du coût réel de la désinflation.

45Tout d’abord, un fort degré de rigidités nominales et réelles peut freiner l’ajustement rapide du taux d’inflation à son nouvel équilibre (Ball et Romer [1990]). En particulier, on s’attend à ce que les rigidités sur les prix et les salaires aient un impact non négligeable sur le ratio de sacrifice. En effet, des prix peu flexibles seront à court terme peu sensibles à un changement de cible d’inflation et peuvent ainsi contribuer à ralentir l’ajustement de l’économie en réponse à une politique de désinflation (Ball [1994b] ; Mankiw et Reis [2002]). De la même façon, des salaires visqueux peuvent contribuer à prolonger les effets récessionnistes d’une telle politique (Layard et alii [2003]).

46Les rigidités de prix et de salaires ne sont pas les seuls facteurs pouvant altérer l’amplitude de la récession consécutive à une période de désinflation. En effet, la règle de décision de la banque centrale influence la dynamique du taux d’intérêt nominal et par voie de conséquence celle du taux d’intérêt réel. Par exemple, un faible degré de gradualisme de la politique monétaire peut correspondre à une désinflation brusque [14]. Dès lors que les prix et les salaires sont parfaitement flexibles, on peut s’attendre à un ajustement rapide de l’économie à son état de long terme. Cependant, une politique de désinflation gradualiste peut être moins coûteuse si les prix et salaires sont visqueux. En effet, ces derniers ont alors le temps de s’ajuster progressivement à la hausse du taux d’intérêt nominal limitant ainsi la hausse du taux d’intérêt réel (Taylor [1983])  [15].

5.1. Rigidités réelles de prix et salaires

47Certains auteurs ont mis l’accent sur le rôle essentiel des rigidités réelles sur les salaires dans un modèle structurel pour engendrer des coûts réels consécutifs à une désinflation (Blanchard et Galí [2007] ; Fève et alii [2008]). Par conséquent, nous évaluons la valeur du ratio de sacrifice selon le degré d’indexation des prix et des salaires (?p et ?w), étant donné le degré de rigidités nominales précédemment estimé. Le tableau 2 synthétise les valeurs du ratio de sacrifice pour différents couples ( ?w, ?p )  [16].

48Il apparaît sans ambiguïté qu’une augmentation de ?p ou de ?w conduit à un accroissement du ratio de sacrifice. Ce résultat reflète le fait qu’un accroissement du degré de persistance intrinsèque de l’inflation et de l’inflation salariale diminue la capacité d’ajustement de l’économie, contribuant ainsi à aggraver la récession induite par la désinflation. A l’inverse, dans le cas d’une absence de rigidité réelle sur les prix et les salaires ( ?p = ?w = 0 ), la valeur du ratio de sacrifice est de 0,17 % au lieu de 1,30 %, valeur obtenue dans le cadre de notre estimation.

Tableau 2.

Valeur du ratio de sacrifice selon de degré d’indexation des prix ( ?p ) et des salaires ( ?w )

Tableau 2.
Tableau 2. Valeur du ratio de sacrifice selon de degré d’indexation des prix ( ?p ) et des salaires ( ?w ) ?w 0,00 0,50 1,00 ?p 0,00–0,167–0,367–0,613 0,50–0,226–0,716–1,373 1,00–2,366–5,291–9,232

Valeur du ratio de sacrifice selon de degré d’indexation des prix ( ?p ) et des salaires ( ?w )

5.2. Rigidités nominales de prix et salaires

49Dans un second temps, nous analysons l’impact des probabilités de fixité des prix et des salaires (?p et ?w) sur le ratio de sacrifice. Comme nous l’avons mentionné précédemment, ces degrés de rigidité nominale contribuent à déterminer la profondeur et la persistance de la récession déclenchée par la politique de désinflation, via leur impact sur la dynamique de la somme des taux courts futurs. Cependant, il n’est pas évident a priori de déterminer laquelle des deux rigidités nominales (de prix et de salaires) pèse le plus sur l’économie. En effet, si les deux rigidités concourent à renforcer leurs effets respectifs sur la persistance de l’inflation, leurs conséquences sur la dynamique de la production peuvent être très différentes. En effet, s’il n’y a aucune rigidité nominale sur les salaires ( ?w = 0 ), le coût marginal réel s’ajuste rapidement et, par voie de conséquence, l’inflation est moins persistante, pour un couple ( ?p, ?p ) donné. Ainsi, on peut penser que la production diminuera faiblement et de façon non durable. Christiano et alii [2005] montrent que l’inflation reste persistante pour de petites valeurs de ?p lorsque ?w est suffisamment élevé. Ces arguments suggèrent que le coût réel de la désinflation est d’autant plus prononcé que les rigidités sur le marché du travail sont fortes.

50Afin de mieux comprendre ces interactions, nous examinons précisément la contribution des rigidités nominales à la valeur du ratio de sacrifice. Le graphique 6 reporte les courbes de niveau du ratio de sacrifice pour différentes valeurs de ?p et de ?w, en maintenant ?p et ?w à leur valeur estimée. Ce graphique montre que pour un ?p donné, une augmentation de ?w accroît le ratio de sacrifice, de façon d’autant plus marquée que ?w est élevé. En revanche, une diminution de ?w de sa valeur de référence ( ?w = 0,67 ) à 0,4 ne diminue le ratio de sacrifice que par deux. Autrement dit, au voisinage immédiat de la valeur estimée de ?w, le ratio de sacrifice est peu sensible à ce paramètre. Cette conclusion est relativement robuste à la valeur de ?p. Par conséquent, le coût réel de la désinflation croît avec le degré de rigidités (tant nominale que réelle) des salaires.

51Concernant le degré de rigidité nominale des prix ( ?p ), il apparaît qu’une hausse de ce paramètre induit une baisse de la valeur du ratio de sacrifice pour une valeur de ?w donnée. Par conséquent, une réduction du degré de rigidité nominale sur les prix n’est pas nécessairement bénéfique pour l’économie en période de désinflation.

52Afin de comprendre ce résultat apparemment paradoxal, il convient de rappeler que la persistance de l’inflation est guidée par le degré de rigidité nominale sur les prix mais aussi par la persistance du coût marginal réel (équation 6). Cette dernière est d’autant plus forte que les salaires sont visqueux (?w élevé). La forte rigidité des salaires pèse donc fortement sur la dynamique de l’inflation au travers du coût marginal réel, ralentissant à son tour le retour de la somme des taux d’intérêt réels futurs ( ?ˆt ) à sa valeur de long terme [17]. Le graphique 6 met en évidence une valeur seuil de ?w?w > 0,45 ) au-dessus de laquelle une hausse de ?p réduit suffisamment la sensibilité de l’inflation au coût marginal réel, pour freiner ainsi l’effet dominant de ?w sur la persistance de l’inflation et diminuant ainsi la valeur du ratio de sacrifice.

53En vue d’approfondir les résultats précédents concernant la contribution des rigidités nominales à la valeur du ratio de sacrifice, nous analysons les dynamiques transitionnelles des variables dans des configurations extrêmes autour des valeurs estimées de ?p et ?w. Il est important de noter que ces exercices contrefactuels sont effectués dans le cadre du modèle estimé, toutes choses égales par ailleurs. Le graphique 7 illustre l’évolution des déviations relatives de la production, des salaires réels, de l’inflation salariale, de l’inflation, du taux d’intérêt nominal et de la somme des taux d’intérêt réels futurs en réponse à un choc permanent de désinflation, dans les différentes configurations. Le cadran A reporte ces dynamiques dans le cas d’une faible rigidité des prix (?p faible). Le cadran B analyse la configuration de faible rigidité salariale (?w faible). Enfin, le cadran C présente les effets de la désinflation sous l’hypothèse d’une très forte rigidité nominale des salaires (?w élevé). Dans les trois cas de figure, les autres paramètres sont fixés à leur valeur estimée.

Figure 6.

Courbe de niveau du ratio de sacrifice

Figure 6.
Notes : Courbe de niveau du ratio de sacrifice dans le plan ( ?w, ?p ) aux valeurs estimées du couple ( ?p, ?w ). Le point correspond à l’estimation de référence. Figure 6. Courbe de niveau du ratio de sacrifice

Courbe de niveau du ratio de sacrifice

54Dans le cadran A, les prix sont fortement indexés sur la cible d’inflation de long terme ( ?p = 0,47 ) et fortement sensibles au coût marginal réel, ( ?p = 0,01 ). Dans le même temps, l’inflation salariale est intégralement indexée à l’inflation passée et relativement persistante ( ?w = 0,67 ). L’objectif est donc de supprimer la présence de rigidité sur les prix afin de mettre en évidence la façon dont la dynamique du coût marginal réel joue sur celle de l’inflation et donc sur le ratio de sacrifice. Comme prévu, la forte persistance du salaire réel imprime sa dynamique à celle de l’inflation au travers du coût marginal réel, ce qui contrebalance l’ajustement de l’inflation à sa cible de long terme. Il en résulte que l’accroissement du taux d’intérêt nominal de court terme, via la fonction de réaction, se résorbe moins rapidement que dans notre configuration de référence, impliquant un fort accroissement du taux d’intérêt réel de long terme, à l’origine d’une récession relativement marquée. Ces mécanismes expliquent le résultat apparemment paradoxal d’une récession plus marquée que dans la configuration de référence. Par conséquent, la persistance du salaire réel semble jouer un rôle déterminant sur la valeur du ratio de sacrifice, notamment en l’absence de rigidités nominales de prix.

55Dans le cadran B, l’inflation salariale est faiblement persistante ( ?w = 0,01 ). De ce fait, cette dernière absorbe rapidement le choc de désinflation, ce qui permet une forte réactivité à la baisse du salaire réel. Dans le même temps, l’inflation s’ajuste rapidement à sa cible de long terme et la baisse du coût marginal réel renforce cet ajustement. La somme des taux d’intérêt réels futurs ( ?ˆt ) augmente donc, mais retourne rapidement à sa valeur de régime permanent. La récession qui découle de ces interactions est donc de faible ampleur.

Figure 7.

Analyse contrefactuelle

Figure 7.
Notes : Analyse contrefactuelle des dynamiques transitionnelles en réponse à une désinflation d’un point. Figure 7. Analyse contrefactuelle

Analyse contrefactuelle

56Dans le cadran C, en revanche, la forte rigidité nominale des salaires ( ?w = 0,95 ) et leur forte indexation à l’inflation passée ( ?w = 1 ) entraînent une réponse positive et graduelle de l’inflation salariale, ce qui contribue à une dynamique persistante du salaire réel. Cette dynamique ralentit l’ajustement de l’inflation à sa cible de long terme. Mécaniquement, il en découle un fort accroissement de la somme des taux d’intérêt réels futur, d’autant plus persistant que l’inflation est elle même persistante. Il s’ensuit une récession marquée et durable.

57Cette analyse des dynamiques traditionnelles suggère que le degré de rigidité nominale sur les salaires joue un rôle primordial sur la persistance du coût marginal réel et donc sur la somme des taux d’intérêt réels futurs à travers la dynamique de l’inflation. L’ampleur de la récession en réponse à une désinflation est donc très sensible à ce type de rigidités nominales. Par ailleurs, le degré de rigidité sur les prix semble contribuer dans une moindre mesure à la valeur du ratio de sacrifice. Lorsque les salaires sont bien plus visqueux que les prix, il est possible d’obtenir le résultat selon lequel une hausse du degré de rigidité nominale sur les prix diminue le ratio de sacrifice. En effet, dans cette configuration, la persistance de l’inflation est moins pesante si elle provient de la rigidité des prix plutôt que celle des salaires. Ces résultats sont cohérents avec ce qui a été obtenu par Fève et alii [2008].

5.3. Réactivité de la politique monétaire

58Un autre déterminant du ratio de sacrifice est lié à la règle de décision de la banque centrale. Par exemple, il peut être intéressant d’examiner le rôle du degré de lissage du taux d’intérêt nominal sur le ratio de sacrifice. En effet, ce dernier joue sur la dynamique du taux d’intérêt réel et donc sur l’ampleur de la récession : un taux d’intérêt nominal lissé dans la règle modifiée ralentit le processus de désinflation. Le graphique 8 représente la valeur du ratio de sacrifice en fonction du degré de lissage du taux d’intérêt nominal ( ?i ). Au voisinage de nos estimations ( ?i = 0,07 ), une hausse de ce degré de lissage augmente dans une faible mesure la valeur du ratio de sacrifice. Cependant, le coût en production de la désinflation sera d’autant plus sensible au degré de lissage du taux d’intérêt que celui-ci sera élevé. Par conséquent, un fort lissage du taux d’intérêt nominal affecte la dynamique du taux d’intérêt réel, lequel devient lui aussi persistant, ce qui a pour effet d’amplifier la récession consécutive à la désinflation.

59La valeur du ratio de sacrifice dépend de la dynamique des taux d’intérêt réels, laquelle est déterminée par le degré de persistance de l’inflation et le degré de lissage du taux d’intérêt nominal. Par conséquent, nous complétons notre analyse en examinant l’interaction entre ces deux variables dans la règle de politique monétaire. Le graphique 9 reporte les courbes de niveau du ratio de sacrifice pour différentes valeurs de ap et de ?i. L’objectif de cet exercice est de déterminer dans quelle mesure le ratio de sacrifice est sensible à l’une ou l’autre de ces sources de persistance nominale. Il s’avère qu’au voisinage des valeurs estimées, une augmentation de ap ou ?i aura pour conséquence d’augmenter le ratio de sacrifice. Ce résultat conforte l’idée selon laquelle la désinflation est d’autant plus coûteuse en termes de production que les variables nominales s’ajustent lentement à leur nouvel équilibre de long terme. Cependant, lorsque le taux d’intérêt nominal est très fortement persistant, la contribution de l’inflation sur sa dynamique n’a aucun impact sur la valeur du ratio de sacrifice. En effet, pour une forte valeur de ?i, une variation de ap n’affecte pas le coût réel de la désinflation. Par conséquent, la très forte persistance du taux d’intérêt nominal inscrit sa dynamique sur celle du taux d’intérêt réel, de sorte que toute action monétaire en réponse à une variation de l’inflation n’a pas d’impact sur le ratio de sacrifice

Figure 8.

Ratio de sacrifice et lissage du taux d’intérêt

Figure 7.
Notes : Valeur du ratio de sacrifice en fonction du degré de lissage du taux d’intérêt nominal. Le point correspond à l’estimation de référence.

Ratio de sacrifice et lissage du taux d’intérêt

Figure 9.

Ratio de sacrifice et politique monétaire

Figure 7.
Notes : Courbe de niveau du ratio de sacrifice dans le plan ( ap, qi ). Le point correspond à l’estimation de référence

Ratio de sacrifice et politique monétaire

6. Conclusion

60L’objectif de ce papier était de fournir une estimation structurelle du ratio de sacrifice dans la zone euro, basée sur un modèle d’équilibre général, stochastique et dynamique caractérisé par des rigidités nominales sur les prix et les salaires. La valeur estimée du ratio de sacrifice que nous obtenons est d’environ 1,30 % et comparable aux estimations ad hoc fournies dans la littérature (Durand et alii [2008], Coffinet [2006]). Afin de mieux comprendre le rôle des rigidités nominales dans l’explication du ratio de sacrifice, nous avons proposé une série d’exercices contrefactuels. Nous obtenons deux résultats principaux. En premier lieu, une baisse du degré de rigidité nominale des prix ne se traduit pas nécessairement par une baisse du ratio de sacrifice. En second lieu, le ratio de sacrifice croît avec le degré de rigidité nominale des salaires. Toutefois, au voisinage des valeurs estimées, le ratio se montre relativement peu sensible à une diminution de ce paramètre.

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Mots-clés éditeurs : prix et salaires visqueux, modèle DSGE, ratio de sacrifice

Date de mise en ligne : 01/10/2009

https://doi.org/10.3917/redp.192.0273

Notes

  • [*]
    Nous remercions les rapporteurs, ainsi que Sanvi Avouyi-Dovi, Laurent Clerc, Fabrice Collard, Patrick Fève, Thibault Guyon, Hubert Kempf, Julien Matheron, Robert Ophèle, et Christian Pfister pour leurs précieux commentaires. Les vues exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de leurs employeurs. ? Correspondance : Jérôme Coffinet, Banque de France, 1, rue de la Vrillière 75001 Paris. Tel : +33 1 42 92 60 18. Email : jjerome. coffinet@ banque-france. fr. ?? Université Catholique de Louvain la Neuve, ECON-IRES.
  • [1]
    Ce choix de champ d’étude peut être discuté, dans la mesure où il pose le problème de l’optimalité de la conduite de la politique monétaire. Toutefois, il s’agit d’une approximation opérée par nombre d’études proches (Fève et alii [2007,2008] ; Ascari et Ropele [2008]). De plus, notre échantillon se limitant à 1985-2004, les taux d’inflation dans les principaux pays de la zone euro suivent des profils très proches et stables. Enfin, les études offrant une analyse de la dispersion des ratios de sacrifice dans les principaux pays de la zone euro (Coffinet [2006] ; Durand et alii [2008]) concluent à une faible dispersion de ceux-ci sur la période considérée pour les principaux pays de la zone euro.
  • [2]
    Ce choix de modélisation est courant dans la littérature et motivé par notre problématique, qui vise à mesurer l’influence relative des rigidités des salaires et des prix sur la valeur du ratio de sacrifice. Pour ce faire, au prix d’hypothèses très simplificatrices, nous avons choisi de retenir la même spécification pour le modèle de prix et pour celui des salaires. Cette modélisation est commune dans la littérature (Smets et Wouters [2003] ; Christiano et alii, [2005] ; Fève et alii [2007]). En outre, notre résultat ne saurait être conditionné par la modélisation du mode de fixation des prix retenue. Par exemple, De Walque et alii [2005] montrent que les fonctions de réponse de la production (resp. de l’inflation) à un choc monétaire sont extrêmement proches, selon que l’on se place dans le cas du modèle de Calvo ou dans celui de Taylor, en particulier pour des durées de contrat de Taylor élevées (supérieures à 4 trimestres). De même, les fonctions de réponse proposées par Dotsey et alii [1999] laissent à penser qu’une règle d’ajustement dépendant de l’état plutôt que du temps conduirait à un ratio de sacrifice peu éloigné.
  • [3]
    Dans notre cadre, 1 ? ?p pourrait être considéré comme un indicateur de crédibilité de la banque centrale puisqu’il indique dans quelle mesure les firmes indexent leur prix sur la cible d’inflation plutôt que sur l’inflation passée.
  • [4]
    Du fait de la présence d’une racine unitaire dans le logarithme du progrès technique, yt, wt et ?t ne sont pas stationnaires. Pour obtenir un système dynamique stationnaire, il convient de transformer les variables de la façon suivante : y¯t = yt e? zt, w¯t = wt e? zt, ??t = ?t ezt
  • [5]
    Nous utilisons les séries trimestrielles de Fagan, Henry et Mestre [2005] qui servent à l’estimation du modèle européen AWM (Area-Wide Model). Toutes les données sont multipliées par 100.
  • [6]
    Ce résultat est compatible avec ce qui a été obtenu par Smets et Wouters [2003].
  • [7]
    Il s’agit d’un résultat usuel dans la littérature, tant sur données zone euro que sur données américaines
  • [8]
    En estimant un VAR structurel pour chacun des pays de la zone euro, Durand et alii [2008] obtiennent un ratio de sacrifice moyen pour la zone euro de 1,19 % sur la période 1994T1-2003T4. Les évaluations fondées sur la méthode de Ball [1994a] ne sont pas directement comparables car elles isolent les pays et les différents épisodes. Toutefois, les résultats de Coffinet [2006] sont très proches de ceux de la présente étude : pour le dernier épisode de désinflation, les ratios de sacrifice en Allemagne, en France et en Italie seraient de respectivement 2,05 %, 1,98 % et 0,69 %.
  • [9]
    Des exercices de robustesse des résultats (concernant la taille de l’échantillon ou l’ordre retenu des fonctions génératrices d’autocovariance) montrent que la valeur du ratio de sacrifice est peu sensible à la spécification retenue, dans le cadre de notre modèle estimé.
  • [10]
    Estimant un modèle théorique relativement similaire estimé sur les données de la zone euro, les auteurs reportent un ratio de sacrifice d’une valeur comprise entre 5 % et 8 %.
  • [11]
    Rappelons que le modèle théorique est estimé sur la période 1985T1-2004T4.
  • [12]
    Les auteurs montrent que la prise en compte théorique du choc permanent sur la cible d’inflation est nécessaire pour reproduire la forte tendance à la baisse de l’inflation européenne qui s’est déroulée au début des années 1980.
  • [13]
    Les auteurs obtiennent un ratio de sacrifice d’une valeur de 4,8 % lorsqu’ils estiment un modèle incorporant une cible d’inflation variable suivant un processus non stationnaire (Fève et alii [2007]). Dès lors qu’ils estiment un modèle similaire incorporant une cible d’inflation variable suivant un processus non stationnaire et graduel (i.e. sériellement corrélée), la valeur du ratio de sacrifice est comprise entre 5 % et 10 % (Fève et alii [2008]).
  • [14]
    On parle d’une politique de désinflation « cold turkey »
  • [15]
    D’autres facteurs peuvent expliquer le ratio de sacrifice (manque de crédibilité de la banque centrale, taux d’inflation initial élevé, par exemple). Toutefois, l’approche et le modèle retenus ici ne nous permettent pas de discuter du rôle de ces facteurs.
  • [16]
    Il est important de préciser que les exercices contrefactuels sont réalisés dans le cadre du modèle estimé. Par conséquent, ils nous offrent seulement une indication sur la contribution des paramètres à la valeur du ratio de sacrifice.
  • [17]
    Ce résultat confirme l’argument de Christiano et alii [2005] selon lequel la viscosité des salaires joue un rôle prédominant sur le degré de persistance de l’inflation.

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