Couverture de REDP_182

Article de revue

Bourse et Football

Pages 255 à 296

Notes

  • [*]
    Professeur à l’Université de Paris 10 Nanterre, EconomiX ; agliettam@ yahoo. fr
  • [**]
    Professeur à l’Université de Paris 1, Centre d’Economie de la Sorbonne (UMR 8174 CNRS) ; andreff@ univ-paris1. fr
  • [***]
    Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique ; bbastien. drut@ ensae. fr Les auteurs remercient pour leurs commentaires sur une première version du texte les participants du séminaire « Dynamique économique du sport », CES, Université de Paris 1 ainsi que les deux rapporteurs anonymes.
  • [1]
    Ces deux stratégies très voisines sont des stratégies d’arbitrage. Elles consistent à rechercher les actions d’entreprises sous-évaluées et à les acheter contre la vente à découvert d’actions d’entreprises jugées surévaluées. La différence est que la stratégie equity market neutral est en principe construite pour que le rendement net soit non corrélé avec le rendement de l’indice de marché. L’autre stratégie est plus lâche et autorise une certaine corrélation avec le marché. Dans la mesure où les performances financières des clubs de football dépendent des résultats sportifs, ce que l’on va vérifier, elles sont relatives. Il est donc possible en principe de repérer des pairs de clubs capables de faire l’objet de ces stratégies.
  • [2]
    Ne dégageant que rarement des bénéfices, les clubs ne peuvent verser des dividendes.
  • [3]
    Les méthodes d’évaluation des actions sont multiples et ne coïncident que dans un univers de concurrence parfaite où s’applique le théorème de Modigliani-Miller qui démontre l’indépendance de la valeur d’une entreprise et de sa structure financière dans ce cadre. Dans tout autre environnement la valeur calculée dépend de la méthode de calcul. La formule qui paraît la plus « naturelle » est l’actualisation des dividendes futurs, puisque les dividendes sont les revenus des actionnaires. Mais quid des entreprises qui ne distribuent pas de dividendes comme les clubs de football ? Le cash flow a l’avantage de dépendre explicitement de la structure financière. C’est le flux de ressources financières libres de l’entreprise lorsqu’elle a payé tous ses coûts.
  • [4]
    Notre ambition n’est pas d’expliquer finement l’impact de chaque victoire ou défaite, nous ne prenons par exemple qu’une variable « Place en championnat » alors qu’il y a aussi les matchs de Coupe d’Europe, de Coupe d’Angleterre, de Coupe de la Ligue et autres. En utilisant cette variable, nous voulons capturer de façon simple et grossière la valeur sportive de l’équipe afin de voir comment elle intervient dans la détermination de la valeur fondamentale du club. Pour une analyse des impacts rencontre par rencontre, le lecteur se reportera à l’analyse d’Allouche et Soulez [2005].
  • [5]
    Deux numéros – 7 (1), 2006 et 8 (6), 2007 du Journal of Sports Economics sont consacrés à cette crise.
  • [6]
    La loi sur le sport de 1999 avait explicité et confirmé l’interdit concernant la cotation des clubs sportifs français en bourse.
  • [7]
    Ces coûts de transport d’un club sont à proprement parler ceux qu’il engage pour se déplacer sur les terrains de ses adversaires, non ceux subis par les chaînes de télévision pour s’y rendre.
  • [8]
    A la suite de la défaite de l’O.L. sur son terrain contre les Glasgow Rangers en poule de la Ligue des champions, l’action de l’OL a perdu 5 % le lendemain matin dans un marché parisien globalement stable. Les analystes de Exane BNP Paribas, dans une note communiquée à leurs clients, ont fait remarquer que les chances de qualification pour les huitièmes de finale étaient compromises et qu’une élimination prématurée coûterait 1,6 millions d’euros de manque à gagner. A la fin septembre l’action avait perdu 21 % depuis son cours d’ouverture le 9 février.

1L’introduction en bourse de l’Olympique Lyonnais en février 2007, premier club français à avoir franchi le Rubicon, relance la question de l’opportunité de cette innovation. Quel peut bien en être l’intérêt, au regard des expériences largement négatives des clubs européens qui ont tenté l’aventure ?

2En effet, le football n’est pas une activité marchande concurrentielle. Le prix payé par les consommateurs (les spectateurs) est loin de représenter l’utilité du service de spectacle. Celle-ci n’est d’ailleurs pas une utilité séparable. Elle est fonction croissante de l’utilité des autres. Anticiper qu’un stade va être rempli à l’occasion d’un événement sportif et que des émotions partagées vont y être vécues accroît sensiblement la valeur de l’événement. Il s’agit d’un bien indivisible et non rival tant que la capacité du stade n’est pas saturée. Cette caractéristique de bien public est démultipliée lorsque le spectacle est retransmis par la télévision. Mais la capacité à attirer de grands nombres de spectateurs n’a que des rapports lointains avec les coûts engagés pour entretenir une équipe. Ces coûts ne produisent pas d’effet de productivité, mais ils réussissent ou ne réussissent pas à créer une marque qui produit un effet d’échelle sur les spectateurs potentiels des événements sportifs engageant ce club.

3De plus le football est un spectacle dont l’enjeu est la victoire. Il met en scène deux clubs qui sont à la fois en coopération et en conflit pour produire le spectacle. C’est le produit joint de leur activité commune dont l’enjeu est de se différencier par le résultat sportif. Sur une succession de matches, constituant une saison sportive, le destin des clubs est plus incertain que celui des entreprises dans un secteur concurrentiel. Cette incertitude est aggravée, dans le football européen, par le système de ligue ouverte avec promotion-relégation des clubs entre divisions hiérarchiques, alors que cette incertitude est faible dans le système de ligue fermée des sports professionnels nord américains, un club continuant à jouer dans cette ligue d’année en année quelque soit son classement les saisons précédentes. En ligue ouverte, l’accession à des compétitions européennes ou à l’opposé la relégation en division inférieure pour les clubs participant aux championnats nationaux constituent des discontinuités qui affectent les situations financières, bien plus que des variations de parts de marché dans les secteurs concurrentiels qui ne sont pas soumis à des innovations intenses. Quant aux start ups innovantes, elles ne sont justement pas introduites en bourse sur les marchés standard. Elles sont évaluées et financées par du venture capital.

4Il est donc difficile à première vue de saisir l’avantage d’une introduction en bourse sur des marchés publics, hormis de donner aux supporters l’illusion d’une participation au capital, alors qu’il s’agit de dons déguisés. S’il s’agit de renforcer le capital des clubs, le private equity est bien plus adapté dans un tel secteur qui souffre principalement d’une mauvaise gouvernance. Les fonds de private equity se donnent justement pour mission de restructurer des entreprises sous performantes et de les revendre avec profit. D’ailleurs Manchester United, le club le plus solide financièrement, a été retiré de la cote. On peut soutenir que la mise sur le marché boursier des entreprises, après que la réorganisation ait eu lieu, est nécessaire à la réalisation de la plus-value. C’est alors la valorisation pour introduction en bourse qui est le problème intéressant. Comment valorise-t-on une entreprise de football qui n’a pas déjà un prix de marché ? Cette question est pertinente aussi lorsque les propriétaires de l’entreprise la revendent à un autre fonds de private equity sans qu’il y ait de cotation publique.

5L’avantage de la valorisation publique de cette activité de spectacle doit aussi être considérée du point de vue des investisseurs institutionnels. On peut soutenir qu’elle élargit les opportunités de diversification, surtout si les rendements dans cette branche sont peu corrélés avec le cycle économique du fait de sa spécificité. Pour examiner la pertinence de cette question, il faut étudier le marché secondaire des cours boursiers dans la mesure où un tel marché existe depuis le début des années 1990 au Royaume Uni, étoffé ensuite par l’adjonction de quelques clubs non britanniques épars dans d’autres pays. Mais, même si l’analyse montrait que ce marché a une certaine efficience, ce qui est douteux, sa taille est lilliputienne vis-à-vis de la capitalisation boursière mondiale sur laquelle opèrent les grands investisseurs institutionnels.

6Une troisième perspective peut être celle de hedge funds poursuivant des stratégies equity market neutral ou long-short equity[1]. Ces stratégies sont de type value, en ce qu’elles cherchent à repérer dans un même secteur les entreprises qui sous performent mais pourraient sensiblement s’améliorer et les entreprises surévaluées pour prendre des positions opposées et neutres du point de vue de l’évolution des cours dans le secteur. Comme le but même de la compétition dans ce secteur est le résultat sportif et que celui-ci est un jeu à somme nulle, le football pourrait bien se prêter à des stratégies de type value. Il faut donc étudier dans quelle mesure la rentabilité des entreprises de football dépend des résultats sportifs et dans quelle mesure des prévisions sont possibles pour voir si des stratégies de type value sont rentables.

7Guidés par ces interrogations, nous allons procéder en trois parties. En premier lieu, nous examinons le marché boursier du secteur football professionnel européen en utilisant les données de l’indice Dow Jones StoXX football. Nous montrons que son principal handicap est l’illiquidité qui conduit à des volatilités excessives et à des épisodes de baisses brutales des cours sans récupération. De telles conditions conduisent les investisseurs institutionnels à rester à l’écart ; ce qui entretient une illiquidité chronique. Ajoutons que la période faste des marchés boursiers est close pour quelque temps à la suite de la crise financière qui a éclaté en juillet 2007 et que nombre de hedge funds souffrent particulièrement de cette crise. L’augmentation de l’aversion pour le risque des partenaires des hedge funds rend peu propice l’adhésion à des stratégies value agressives dans l’environnement financier actuel.

8En second lieu nous étudierons la manière dont les analystes financiers valorisent les clubs de football. Quels sont les facteurs prépondérants de la valorisation ? Peut-on raisonnablement définir des valeurs fondamentales avec une fiabilité acceptable ? Nous étudierons les méthodes des analystes pour trois clubs représentant 30 % de l’indice boursier des clubs de foot. On verra que la fiabilité des valorisations dépend avant tout de l’existence de sources de recettes indépendantes des résultats sportifs, caractéristique qui n’existe que dans très peu de clubs.

9Cette enquête largement négative nous amène à poser les questions essentielles dans la troisième partie. D’un point de vue économique, ce secteur souffre de défaillances structurelles graves : insuffisances de management professionnel sauf exception, absence totale de supervision financière par les instances de l’UEFA, conflits d’intérêts gigantesques entre une coterie de grands clubs européens et les ligues nationales, aberrations dans le marché du travail, prolifération d’intermédiaires non réglementés et pénétrés par des mafias. Tant qu’une réforme radicale n’aura pas été menée à bien, il est peu probable que ce secteur puisse intéresser des catégories d’investisseurs pour lesquels les principes de bonne gouvernance sont le premier critère d’investissement.

1. Le marché boursier des clubs de football

10Nous décrivons l’évolution de l’indice DJ Stoxx Football et observons sa performance comparée à celle de l’indice DJ Euro Stoxx 50. Puis nous analysons le marché des clubs britanniques qui est plus homogène et permet de calculer la rentabilité. On fait apparaître une sous performance systématique par rapport aux entreprises de l’indice Footsie 100 et une forte volatilité qui est un symptôme d’illiquidité du marché. Celle-ci est confirmée par l’observation des volumes de transaction. Nous montrons théoriquement qu’un marché illiquide est lié aux problèmes de valorisation qui résultent de l’incertitude sur la valeur fondamentale.

1.1. L’indice boursier du football européen

11La composition de l’indice Dow Jones StoXX Football est donnée dans le tableau 1. On remarque que la capitalisation est minuscule. Elle atteint à peine un milliard d’euros ! Cette seule constatation suffit pour comprendre que l’intérêt de cette branche d’activités pour les investisseurs institutionnels ne peut qu’être qu’extrêmement faible, sinon dérisoire. En outre, il y a à peine 30 entreprises et les 3 premières font 30 % de la capitalisation.

12A première vue, l’indice du football évoluerait comme le DJ Euro Stoxx 50 (graphique 1a). Il le sur performe dans la phase de dépression boursière après le krach de 2001 et le sous performe dans la phase de reprise à partir de l’automne 2004. Vis-à-vis de l’indice Footsie 100, il y a une sous performance systématique (graphique 1b). D’ailleurs la baisse a été tellement forte au début des années 2000, qu’en juillet 2007 le cours des actions a juste retrouvé son niveau d’avril 2002. Comme les clubs de football ne versent pas de dividendes [2], cela veut dire que ce marché a offert aux investisseurs un rendement nul sur 5 ans. On conviendra que cela n’est guère attrayant à une époque où les fonds d’investissement sont sous pression pour des rendements d’au moins 8 % annuels. Néanmoins la corrélation entre l’indice du football et l’indice du marché européen n’est que de 0,36 (on représente les rendements mensuels de l’indice DJ Stoxx Football en fonction des rendements mensuels du DJ Eurostoxx 50 dans le graphique 1c). Ce coefficient relativement faible peut justifier l’introduction de l’indice football dans des portefeuilles diversifiés.

Graphique 1a.

Football et marché boursier européen

Graphique 1a.
Evolution des indices 5000 180 4500 160 4000 140 3500 120 3000 100 2500 80 2000 1500 60 1000 40 DJ Euro Stoxx 50 ( Ec helle G.) 500 20 DJ Stoxx Football ( Ec helle D.) 04/01/200204/05/200204/09/200204/01/200304/05/200304/09/200304/01/200404/05/200404/09/200404/01/200504/05/200504/09/200504/01/200604/05/200604/09/200604/01/200704/05/20070 0 Graphique 1a. Football et marché boursier européen Source : Datastream.

Football et marché boursier européen

Datastream.
Graphique 1b.

Indice du football et indices boursiers européen et britannique

Graphique 1b.
Evolution des indices 140 120 100 80 60 40 DJ STOXX FOOTBALL INDEX FTSE 100 20 DJ EURO STOXX 50 0 janvier-02mai-02septembre-02janvier-03mai-03septembre-03janvier-04mai-04septembre-04janvier-05mai-05septembre-05janvier-06mai-06septembre-06janvier-07mai-07 Graphique 1b. Indice du football et indices boursiers européen et britannique Source : Datastream.

Indice du football et indices boursiers européen et britannique

Datastream.
Graphique 1c.

Corrélation entre le DJ StoXX Football et le DJ Euro Stoxx 50

Graphique 1c.
Graphique 1c. Corrélation entre le DJ StoXX Football et le DJ Euro Stoxx 50 Source : Datastream.

Corrélation entre le DJ StoXX Football et le DJ Euro Stoxx 50

Datastream.

tableau im4

1.2. Volatilité et illiquidité

13L’analyse de l’indice boursier européen du football n’a pas révélé d’anomalies, si ce n’est la très faible rentabilité sur moyenne période. Pour aller plus loin il faut disposer des données d’un ensemble de clubs plus homogène. Le seul marché qui existe véritablement est le marché des clubs britanniques. A la fin juillet 2007,11 clubs du Royaume-Uni étaient cotés en bourse : Arsenal Holdings PLC (Premier League) ; Birmingham City FC PLC (Premier League) ; Celtic PLC (Championnat d’Ecosse) ; Manchester City FC PLC (Premier League) ; Millwall Holdings (Troisième division) ; Preston North End (Seconde division) ; Rangers Football Club (Championnat d’Ecosse) ; Sheffield United (Seconde division) ; Southampton Leisure Holding (Seconde division) ; Tottenham Hotspur (Premier League) ; Watford Leisure (Seconde division).

14Sur ces 11 clubs, 8 sont cotés sur le segment AIM du London Stock Exchange, segment des petites entreprises. Les 8 clubs cotés au LSE font partie de l’indice DJ StoXX Football. Arsenal Holdings PLC, Glasgow Rangers et Manchester City FC PLC sont cotés sur la plateforme Plus Markets PLC, une nouvelle plateforme de trading.

Volatilité des rendements et des cours

15Parmi les clubs cotés en bourse, seul Southampton a versé des dividendes depuis 2002. Tottenham l’avait fait plusieurs années auparavant mais son cours boursier s’est effondré pendant plusieurs années. Les taux de rentabilité de marché sont donc très dépendants de la variation des cours. Ils sont très irréguliers et ne sur performent l’indice Footsie 100 que très épisodiquement (graphique 2).

16Cette volatilité extrême se retrouve dans les cours boursiers. Le calcul de la volatilité hebdomadaire sur 20 semaines montre que les actions des clubs de foot sont beaucoup plus volatiles que l’indice FTSE 100, représentatif des plus grosses capitalisations au Royaume-Uni (graphique 3).

Profondeur de marché extrêmement faible

17Globalement, les volumes des transactions des actions des clubs de football sont très faibles et très irréguliers. Comme on peut le voir avec les exemples de Sheffield United et Southampton Leisure Holding, le volume mensuel d’actions échangées dépasse très rarement 1 % (graphique 4). Pour certains clubs, il est même très fréquent qu’aucune action ne soit échangée pendant plusieurs semaines (Watford Leisure, Preston North End, Arsenal Holding même si le cas d’Arsenal est particulier en raison du très faible volume d’actions émises).

Graphique 2.

Les taux de rentabilité des clubs britanniques cotés en Bourse

Graphique 2.
150,0% 100,0% 50,0% 0,0% Rentabilité 2002 Rentabilité2003 Rentabilité 2004 Rentabilité 2005 Rentabilité 2006 -50,0% -100,0% PRESTONNORTHEND MILLWALL HOLDINGS WATFORDLEISURE BIRMINGHAMCITY SHEFFIELD UNITED SOUTHAMPTONLEISUREHDG. CELTIC TOTTENHAMHOTSPUR ARSENALHOLDINGS MANCHESTER CITY FC.'A'RANGERS FOOTBALL CLUB FTSE100-PRICEINDEX Graphique 2. Les taux de rentabilité des clubs britanniques cotés en Bourse

Les taux de rentabilité des clubs britanniques cotés en Bourse

Graphique 3.

Volatilité des cours des clubs de football

Graphique 3.
Volatilité sur 20 semaines 20,00% 18,00% 16,00% 14,00% 12,00% 10,00% 8,00% 6,00% 4,00% 2,00% 0,00% 25/10/200225/01/200325/04/200325/07/200325/10/200325/01/200425/04/200425/07/200425/10/200425/01/200525/04/200525/07/200525/10/200525/01/200625/04/200625/07/200625/10/200625/01/200725/04/200725/07/2007 PRESTONNORTHEND MILLWALL HOLDINGS WATFORDLEISURE BIRMINGHAMCITY SHEFFIELDUNITED SOUTHAMPTONLEISURE HDG. CELTIC TOTTENHAMHOTSPUR ARSENAL HOLDINGS MANCHESTER CITY FC.'A' RANGERSFOOTBALL CLUB FTSE 100 - PRICE INDEX Graphique 3. Volatilité des cours des clubs de football

Volatilité des cours des clubs de football

18L’évolution du flottant montre d’ailleurs que la liquidité du marché va en s’amoindrissant, alors que normalement dans un marché récent qui se développe elle va en se renforçant. La proportion d’actions flottantes diminue pour des considérations stratégiques de contrôle. Cela montre bien que le football est une activité qui appartient au private equity, pas au marché public. Nous disposons, en effet, de l’historique du flottant pour 9 des 11 clubs étudiés (graphique 5). Alors qu’uniquement deux clubs avaient un flottant inférieur à 75 % en juillet 2002,7 clubs avaient un flottant inférieur à 50 % à la fin juillet 2007. La liquidité de ces actions en est donc fortement amoindrie.

Graphique 4.

Transactions mensuelles

Graphique 4.
Volume mensuel d'actions échangées 16,00% 14,00% 12,00% 10,00% 8,00% 6,00% 4,00% 2,00% 0,00% juil-07 an2 av2 juil-02oc2 an3 av3 juil-03oc3 an4 av4 juil-04oc4 an5 av5 juil-05oc5 an6 av6 juil-06oc6 an7 av7 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 - - - - - - - - - - - - - - - - - v r t v r t v r t v r t v r t v r j j j j j j Southampton Sheffield United Graphique 4. Transactions mensuelles Source : Datastream.

Transactions mensuelles

Datastream.
Graphique 5.

Amoindrissement du flottant

Graphique 5.
Evolution du nombre d'actions flottantes 120 100 PRESTONNORTHEND MILLWALL HOLDINGS 80 WATFORDLEISURE BIRMINGHAMCITY 60 SHEFFIELDUNITED SOUTHAMPTONLEISURE HDG. 40 CELTIC TOTTENHAMHOTSPUR 20 ARSENAL HOLDINGS 0 18/04/200218/08/200218/12/200218/04/200318/08/200318/12/200318/04/200418/08/200418/12/200418/04/200518/08/200518/12/200518/04/200618/08/200618/12/200618/04/2007 Graphique 5. Amoindrissement du flottant Source : Datastream.

Amoindrissement du flottant

Datastream.

Illiquidité et dysfonctionnement du marché

19L’illiquidité peut résulter de plusieurs causes. L’une se trouve dans la difficulté de financement des teneurs de marché. Supposons des spéculateurs professionnels (hedge funds) qui font l’analyse qu’un marché en baisse va remonter. Ils ont donc intérêt à prendre position à l’encontre du mouvement des cours. Cependant s’ils font face à un puissant courant vendeur, ils ont besoin d’un financement garanti. Si la situation des marchés du crédit est telle que les banques sont réticentes à leur prêter dans des conditions avantageuses, ils ne prendront pas les positions opposées au courant vendeur et les cours continueront à baisser. Dans cette configuration le marché devient illiquide parce que le funding des spéculateurs qui ont un comportement « contrarian » est insuffisant. Une bifurcation se produit et le marché devient stressé.

20On peut interpréter cette situation par une bifurcation dans le marché. Lorsque le seuil de bifurcation est passé, le marché est entraîné de plus en plus loin à la baisse jusqu’à ce qu’il atteigne un niveau de cours suffisamment bas pour qu’il apparaisse communément sous-évalué et pour que des opérateurs munis de suffisamment de liquidités se décident à acheter (Orléan [1999], Morris et Shin [2000], Danielsson et Shin [2002]).

21Une formalisation simple de cette configuration est présentée dans l’encadré.

Supposons que la loi de probabilité du prix soit normale si le marché est liquide :
equation im9

Appelons ? la sensibilité du prix à l’offre excédentaire nette :
Si le marché est liquide, ? = 0
Si le marché est stressé, ? > 0
Soit ?* le seuil de bifurcation.
s = pression vendeuse = ordres nets de vente / volume des transactions.
La défaillance des spéculateurs équilibrants s’exprime par la détermination suivante du prix sous condition de contrainte de financement restreignant le courant acheteur d’actions :
p = ? ? ?s
s = 0 si p > ?*
s = f?* ? p ) si p < ?*
f est une fonction croissante de son argument.
Il s’ensuit que si un choc sur le prix en t entraîne que :
pt < ?*, alors st+1 = f?* ? pt ) > 0 et pt+1 < pt
Le prix est aspiré dans une spirale descendante.
Les simulations effectuées par les auteurs précités sur les valeurs croissantes de ? font apparaître le résultat suivant. Pour ? = 0 la densité de probabilité du prix est la courbe de Gauss. Lorsque ? augmente, la courbe se déforme vers des queues de distribution de plus en plus épaisses. Lorsqu’on continue à faire augmenter ?, une discontinuité radicale se produit. La densité de probabilité devient une courbe à deux modes, conduisant à une forte augmentation de la volatilité (graphique 6).

22Ce modèle représente bien formellement la relation entre illiquidité et volatilité qui est caractéristique des valeurs boursières des clubs de football. Toutefois il est peu plausible que ce soit la bonne explication. On a vu plus haut, en effet, que la volatilité n’est pas liée à un courant vendeur massif qui ne rencontre pas de contrepartie. Elle est due, au contraire, à de très faibles montants de transactions, de sorte qu’un mouvement faible dans un sens ou dans l’autre suffit à déstabiliser le marché.

23La raison d’un tel phénomène peut se trouver dans l’incertitude qui est attachée à la valeur fondamentale des clubs de football. Car la présence dans le marché de spéculateurs stabilisants implique une capacité de ce groupe d’intervenants à détecter si un marché est surévalué ou sous-évalué. Leur action crée alors une force de retour vers la moyenne (mean-reverting) qui est stabilisante. Mais que se passe-t-il si la valeur des clubs est dépendante de conditions de valorisation aussi hasardeuses que des résultats sportifs ou que les plus ou moins values qui peuvent être réalisées dans un marché aussi irrationnel que le marché des transferts des joueurs de football ? Il n’y aura pas d’investisseurs fondamentalistes. Dans ce cas les spéculateurs ne seront pas stabilisants. Au lieu de prendre des positions en fonction de l’écart entre la valeur de marché des actions et une valeur fondamentale supposée, ils prendront position en fonction de leur perception de l’attitude présente du marché. Si une baisse des prix s’amorce, les spéculateurs stratégistes vendent à découvert en espérant acheter plus tard à un prix inférieur. Ils alimentent donc le mouvement de baisse des prix.

Graphique 6.

Déformation de la probabilité du prix sous l’effet des modifications de la liquidité

Graphique 6.
Densité de probabilité _ ? Prix Graphique 6. Déformation de la probabilité du prix sous l’effet des modifications de la liquidité

Déformation de la probabilité du prix sous l’effet des modifications de la liquidité

24Le modèle de Gennotte et Leland [1990] est bien adapté pour formaliser cette configuration de marché. La caractéristique essentielle de ce modèle est que la fonction de demande agrégée est croissante relativement aux prix, au moins sur une plage de ses variations. Il en résulte la possibilité d’équilibres multiples (graphique 7).

25Soit un choc initial sévère, par exemple une succession de mauvaises performances sportives. Dans la position initiale l’offre de titres est O1 et l’équilibre A1 correspond à un prix élevé. Lorsqu’une pression vendeuse se manifeste, l’équilibre se déplace continûment par baisse du prix de A1 à A? 1. Mais deux autres équilibres sont possibles. L’un B est instable, l’autre A? est 2 stable. Si la pression vendeuse est plus forte ( O2 ), l’équilibre est en A2. Le prix saute sur un équilibre bas dans un schéma qui rend possible l’existence d’équilibres multiples. Cet effondrement du cours ne se serait pas produit s’il existait des fondamentalistes interprétant la cause de la baisse initiale comme une perturbation transitoire. Ils auraient jugé que le mouvement était une déviation temporaire par rapport à une valeur fondamentale inchangée. Ils se seraient portés acheteurs de titres et auraient fourni la liquidité demandée. Au contraire, dans un marché illiquide, lorsque le prix se trouve dans la zone des équilibres bas de type A2, il n’est possible d’en sortir que s’il se produit des chocs haussiers suffisamment amples pour augmenter fortement la demande nette de titres des investisseurs. Un choc de ce type peut être une annonce de rachat par un magnat de la finance, un cheik moyen oriental, un oligarque russe ou un fonds de private equity. C’est ainsi que Tottenham, dont le cours s’était effondré puis avait longuement stagné, a vu son cours remonter d’une manière spectaculaire à l’annonce du rachat progressif de ses actions par ENIC Ltd qui a acquis 70 % du capital sans retirer le club de la cote.

Graphique 7.

Equilibres multiples sur le marché boursier

Graphique 7.
Prix de l’actif A 1 A’1 B A’2 A 2 Offre et demande O 1 O’1 O 2 de titres Graphique 7. Equilibres multiples sur le marché boursier

Equilibres multiples sur le marché boursier

26La conclusion est que les marchés illiquides sont vulnérables à une volatilité variable dans le temps avec des épisodes très agités où se produisent des changements d’équilibre. La plupart des clubs ont subi à différents moments une chute des cours par rapport à leur cours d’introduction en bourse. La résolution de ces crises consiste dans une recapitalisation qui éloigne toujours plus ce secteur du modèle standard de l’actionnariat dispersé pour lequel le marché boursier est une logique d’évaluation et par là de contrôle. Même s’ils ne sont pas retirés de la cote, les clubs recapitalisés avec des actionnariats de référence dont la gouvernance est quelquefois plus que douteuse deviennent des entités pour lesquelles la détermination de la valeur fondamentale est entachée d’une forte incertitude.

2. La valorisation des clubs de football

27Le tableau 1 sur la composition de l’indice DJ StoXX Football a montré que les trois premiers groupes, OL Groupe, Parken Sport and Entertainment et Juventus, font 30 % du total de la capitalisation boursière. Il se trouve que ces trois entités ont fait récemment l’objet d’évaluations par les analystes pour des changements structurels impliquant un réexamen d’ensemble : une première introduction pour l’OL, l’acquisition majeure d’une entreprise hors du football pour Parken, une complète réorganisation de la gouvernance et de la structure financière après la descente en division inférieure suivie de la remontée dans l’élite pour la Juventus. Nous allons examiner les analyses de valorisation par les brokers et les cabinets spécialisés dont nous avons pu disposer pour en tirer des conclusions sur la difficulté de déterminer la valeur fondamentale d’entreprises de football.

2.1. Analyses de valorisation

28Toutes les évaluations recourent à la méthode du cash flow actualisé [3]. Le schéma d’analyse comporte une étude fine des recettes et des dépenses et une batterie d’hypothèses pour aboutir à une perspective à moyen terme. A ce profil de revenus sont appliquées des hypothèses standard sur la croissance de long terme et sur le coût du capital et des hypothèses spécifiques sur la structure financière pour appliquer la formule du cash flow actualisé. Il est ainsi déterminé une valeur de la capitalisation boursière et un prix par action.

Juventus

29On dispose des recherches par le cabinet Cheuvreux et par le broker Banca IMI appartenant à Intesa Sanpaolo Group.

30La Juventus est un condensé de gouvernance désastreuse (dopage, corruption, fraude à grande échelle) qui a abouti à la relégation en 2006-2007. Les recettes ont baissé de moitié amputées dans tous les compartiments : contrats de sponsoring, droits TV et billetterie. Mais la vente nette de joueurs vedette a presque compensé le manque à gagner, de sorte que les revenus n’ont diminué que de 6,9 %. De plus la baisse massive des coûts salariaux et de l’amortissement des droits d’image des joueurs a conduit paradoxalement à un résultat net d’exploitation positif.

31Le retour en série A pour la saison 2007-2008 a conduit à un plan stratégique assorti d’un objectif d’augmentation du capital pour consolider la structure financière et financer de nouveaux investissements. Mais une incertitude majeure a surgi sur les moyens financiers pour construire un nouveau stade en remplacement du stade vétuste et de capacité insuffisante (Stadio Communale de 20000 places) où se déroulent les matches. Car l’Italie n’a pas obtenu l’organisation du championnat d’Europe de 2012, de sorte qu’il n’y aura pas de contribution financière de l’Etat.

32L’incertitude stratégique conduit à deux scénarios selon que la Juventus décide ou non de construire un stade entièrement nouveau. Si elle le fait à un coût de € 120 m à payer en 2008-09 et 2009-10, l’analyste italien anticipe une augmentation des revenus futurs de € 20 m annuels, ce qui est optimiste. Si elle ne le fait pas, elle devra au minimum aménager le stade Delle Alpi pour se mettre en conformité avec les normes de sécurité européennes. Mais l’éloignement du centre ville, la mauvaise visibilité et l’absence d’espace commercial ne permet pas d’envisager de recettes supplémentaires. Hormis cette incertitude, la Juventus va se trouver devant un autre dilemme. La compatibilité de l’investissement dans les structures et de l’investissement dans le capital joueur pour retrouver une équipe au sommet de la hiérarchie européenne n’est viable que si la Juventus retrouve la Ligue des Champions dès la saison 2008-09. La dépendance de la rentabilité financière aux résultats sportifs anticipés est donc forte.

33Certes la Juventus a des ressources à mettre en balance avec ces enjeux. C’est d’abord sa marque. La Juventus est le club le plus populaire avec 14 millions de supporters dans toute l’Italie. L’exploitation de sa marque passe par la reconstruction d’une équipe de très haut niveau pour exploiter sa marque dans plus de sponsoring et plus de partenariats. D’ores et déjà elle a réussi à signer un nouvel accord de sponsoring sur trois ans avec Fiat pour € 11 m par an. C’est pourquoi l’investissement dans le « capital joueurs » est sans doute prioritaire. En contrepartie, la Juventus avait une masse salariale excessive avant les malversations qui l’ont conduite en série B (coûts salariaux > 50 % des recettes). Enfin et surtout la Juventus a annoncé une augmentation de capital de € 105 m pour consolider sa situation financière et pour financer les nouveaux investissements sans recourir à de nouvelles dettes nettes.

34En appliquant les mêmes hypothèses financières (un coût moyen pondéré du capital de 8 %), la fourchette du cours de l’action estimé se situe entre € 1,22 dans l’hypothèse pessimiste et € 1,44 dans le cas où le projet du nouveau stade est mené à son terme sans incident.

35Mais les risques non pris en compte dans la valorisation ne sont pas négligeables. C’est d’abord l’éventualité de performances sportives insuffisantes pour regagner la Ligue des Champions. C’est ensuite l’effet sur les partenaires de ce que l’entreprise ne pourra pas être profitable avant 2009 au plus tôt. C’est enfin l’absence d’historique sur les qualités du nouveau management. Il est vrai qu’il ne pourra pas être pire que l’ancien !

Parken

36Ce groupe danois incorporant une équipe de football est intéressant parce que c’est un business model diamétralement opposé à celui de la Juventus. L’objectif est de déconnecter le plus possible les revenus du groupe à la fois des aléas du football et du cycle économique. La stratégie pour ce faire est d’investir dans les loisirs de haut de gamme et dans le fitness. L’industrie des centres de santé est un secteur de croissance en Scandinavie, déjà développé en Norvège et en Suède, mais encore largement en devenir au Danemark et en Finlande. C’est pourquoi le groupe Parken Sport and Environment a acquis 75 % du montant de DKK 300 m d’actions de Fitnessdk. Cette entreprise est déjà bien implantée au Danemark et en expansion rapide. Les actionnaires de Parken pourront bénéficier d’une réduction sensible de la volatilité des revenus du football. L’acquisition est financée pour 127 m par les actions de Parken et pour 98 m par dettes. Ce montage financier permet de diminuer la surcapitalisation de Parken. Cette acquisition va faire bondir le profit par action : croissance de 8 % en 2006-07 à une estimation de 12 % en 2007-08. La valorisation des analystes postule un PER élevé de 22,5 en 2007-08. Un PER élevé signifie un risque limité vers le bas et un fort potentiel de profit vers le haut.

37Parce que les revenus de Parken sont stables, l’approche du cash flow actualisé est justifiée. Les analystes ont choisi un coût des fonds propres de 8,5 %, soit 4 % en taux d’intérêt et 4,5 % en prime de risque action. Le coût de la dette est 3 % après impôt (un coût contracté avant la remontée des taux d’intérêt). Il en résulte un coût moyen pondéré du capital de 5,2 %. L’hypothèse choisie pour la croissance à long terme du cash flow est 5 %.

38Sous ces hypothèses la valeur fondamentale de l’action passe d’une bande de 750 à 850 couronnes danoises par action avant l’acquisition à une estimation de 943 couronnes danoises. Le marché est loin d’avoir incorporé cette estimation des analystes dans ses anticipations puisque le cours de l’action était de 900 couronnes en juillet 2007 avant la plongée des marchés boursiers européens. Illiquidité encore par manque d’attirance des investisseurs, bien que dans cette valeur l’incertitude du football soit largement neutralisée. Quoiqu’il en soit, l’exemple de Parken illustre à quel point le marché est inefficient dans un cas particulièrement favorable à l’incorporation de la valeur fondamentale dans le cours.

Olympique Lyonnais

39C’est le dernier grand club entré en bourse. Il n’y a donc aucune référence historique. Par la nature des objectifs, le business model se rapproche de la Juventus. Mais la gouvernance est bien meilleure et la situation financière est sans doute plus solide. Deux fiches d’analyse sont disponibles : l’une par le cabinet Cheuvreux, l’autre par le broker Exane qui appartient à BNP Paribas.

40L’exercice 2006-2007 a vu une augmentation importante du chiffre d’affaires de 13 % hors produits de cession des contrats joueurs et de 18,4 % avec les cessions. En effet la balance des transferts a été positive, engendrant un cash flow de € 28 millions. Les analystes envisagent un résultat net d’exploitation de € 20 à 25 m annuels contre 26,3 m en 2006-07. Comme pour la Juventus, ce revenu pourrait être accru par l’exploitation d’un nouveau stade (OL Land) à partir de 2010-2011. Le financement du stade serait de € 300 m. Il aurait une capacité de 60 000 places et contiendrait en installations annexes un centre de loisirs et une zone commerciale. Le gain en chiffre d’affaires pourrait être de € 17 m et en résultat net de € 6 m par an.

41Quels sont les risques ? Le premier est le renouvellement de la négociation des droits TV de la Ligue 1. Pour l’OL les revenus tirés de ces droits ont été de € 47 men 2006-07. Si le club ne gagne pas le championnat une fois de plus, ils retomberaient à € 41 m, soit une baisse limitée, à condition que l’enveloppe globale actuellement payée par Canal + demeure € 600 m. Or le risque est certainement à la baisse. Un second risque se trouve dans les revenus de la vente des joueurs. La balance des transferts très positive de 2006-07 a soulevé le profit par action de 1,01 à 1,82, soit une hausse de 80 % ! La dépendance des résultats à un facteur aussi incertain de valorisation présente un risque important, sachant que l’OL devra certainement investir massivement en capital joueur pour maintenir et éventuellement améliorer son standing sportif au niveau européen. Le troisième risque est d’ailleurs lié à la tension entre les investissements en capital joueurs et l’investissement dans l’infrastructure du nouveau stade. Pour y faire face l’OL doit augmenter son capital et renégocier à son avantage les contrats avec ses partenaires Accord et Umbro.

42Les analystes ont calculé une valeur en écartant les risques baissiers, mais en n’intégrant pas non plus les gains d’exploitation du nouveau stade. Ils ont toutefois pris des hypothèses plutôt conservatrices de valorisation. Le PER qui en ressort est de 17 à 18,5 selon les analystes. Ils aboutissent à une valorisation de € 346 m, soit une valeur fondamentale estimée à € 26 par action. Le prix de marché en juillet 2007 était de € 21,2, ce qui donne une appréciation anticipée de 23 %, cela avant la répercussion sur les bourses de la crise financière.

2.2. Incidences des résultats sportifs sur les cours boursiers

43Les analyses de valorisation ont montré la multiplicité des facteurs qui s’attachent à la détermination d’une valeur fondamentale des cours boursiers et l’incertitude sur leur évolution. En outre, les informations sur ces facteurs ne sont recherchées par les analystes qu’à l’occasion d’introduction en bourse où d’augmentations de capital. Les clubs de football ne font pas l’objet de notations régulières. Il est donc impossible aux investisseurs de suivre en continu les éléments de la valorisation. Il en serait de même pour tous ceux qui voudraient faire un travail économétrique sur l’évolution des cours de marché. De plus, on a montré que la liquidité du marché est fortement variable dans le temps ; ce qui introduit une source de variabilité qui rend illusoire une explication économétrique de l’évolution des cours des clubs de football. Enfin un marché rassemblant un nombre de clubs suffisamment important pour justifier une étude économétrique n’existe qu’au Royaume-Uni.

44C’est pourquoi notre ambition est plus limitée. L’analyse de la valorisation a montré que le résultat sportif joue un rôle pivot dans les comptes d’exploitation des clubs de football, hormis des stratégies atypiques comme celles de Parken qui visent à découpler les revenus de l’entité économique de ceux du club de football appartenant à cette entité. Nous voulons donc vérifier sur le marché des clubs anglais que le résultat sportif est bien une variable significative dans les cours boursiers des clubs.

45Pour cela on prend pour champ les clubs anglais encore cotés fin juin 2007 et ayant été en Première et/ou Seconde Division lors des deux saisons 2005/2006 et 2006/2007. Il y en a huit (annexe, tableau A). On homogénéise les cours au 1er septembre qui représente grosso modo le début de saison, le 1er juin étant à peu près la date de fin de championnat. On relève les positions en championnat au début de chaque mois (annexe, tableau B).

46La variable à expliquer est construite à partir des cours des clubs au début de chaque mois en empilant les données pour une saison ; ce qui aboutit à 72 points. On cherche à expliquer cette variable à l’aide d’une équation économétrique comportant deux variables : la première « FTSE » est la valeur de l’indice Footsie 100 d’octobre à juin. La seconde « Place en championnat » est un empilement des places de chaque club pour les mois d’octobre à juin. Les résultats rapportés ci-dessous concernent la saison 2006-07. Ils sont comparés à ceux de la saison 2005-06 pour vérifier la stabilité de la variable Place. Le tableau 2 présente les résultats des régressions [4].

Tableau 2.

Estimation de l’incidence des résultats sportifs dans les cours de bourse des clubs de football anglais

Tableau 2.
Tableau 2. Estimation de l’incidence des résultats sportifs dans les cours de bourse des clubs de football anglais Saison 2005-06 Saison 2006-07 Deux saisons Constante 10,03-240,40 *** -69,13 FTSE 1,12 3,86 *** 1,9 *** Place en championnat-2,11 *** -2,04 *** -2,01 *** R² 15,6 % 31 % 19 % *** significativité à 1 %, ** significativité à 5 %, * significativité à 10 %.

Estimation de l’incidence des résultats sportifs dans les cours de bourse des clubs de football anglais

47Les variables explicatives sont non corrélées entre elles. La variable « Place en championnat » est toujours significative. La variable FTSE est significative pour la saison 2006-07 mais pas pour la saison 2005-06. On retrouve l’observation faite plus haut. La volatilité des cours des clubs de football est beaucoup plus grande que celle de l’indice FTSE. La corrélation des deux variables est très volatile. Au contraire, la variable « Place » est très significative et son coefficient dans l’équation est stable dans le temps. Ce coefficient confirme l’importance des résultats sportifs dans la valorisation. Plus le club a un mauvais classement en championnat (plus la place est élevée, moins le classement est bon), plus sa valorisation est faible.

48Il est assez remarquable qu’une équation aussi fruste, qui n’a pas introduit de variable de revenu et n’a donc que le résultat sportif pour caractériser le club, donne une estimation assez satisfaisante de l’évolution des cours de plusieurs clubs, du moins sur l’ensemble de la saison, si ce n’est mois par mois. Ces clubs sont Arsenal, Birmingham City et Southampton (graphique 8a). A un degré moindre on a une prédiction honnête pour Manchester City, Sheffield United et Preston North End (graphique 8b). En revanche, le cours de Tottenham est beaucoup plus haut que la prédiction, ce qu’on peut expliquer par les rumeurs d’achat persistantes toute la seconde partie de la saison, ce qui a gonflé le cours. Le cours de Watford est très en deçà de la prédiction, ce qu’on peut expliquer par le fait que Watford était dernier de la Premier League toute la seconde partie de championnat et donc condamné très vite à la relégation, le promettant ainsi à une baisse conséquente de ses futurs revenus (graphique 8c).

Graphique 8a

Birmingham City

figure im13
Birmingham City 200 180 160 140 120 Cours 100 80 Prédiction 60 40 20 0 Octobre Novembre DécembreJanvierFévrierMarsAvrilMaiJuin Graphique 8a.

Birmingham City

Graphique 8b

Manchester City

figure im14
Manchester City 180 160 140 120 100 Cours 80 Prédiction 60 40 20 0 Octobre Novembre DécembreJanvierFévrierMarsAvrilMaiJuin Graphique 8b.

Manchester City

Graphique 8c

Watford

figure im15
Watford 180 160 140 120 100 Cours 80 Prédiction 60 40 20 0 Octobre Novembre DécembreJanvierFévrierMarsAvrilMaiJuin Graphique 8c.

Watford

2.3. A propos de la valeur fondamentale d’un club de football

49Le dernier résultat mis en évidence soulève la question des déterminants de la valeur fondamentale d’un club de football. L’importance de cette question appelle une recherche ultérieure approfondie. On note cependant que les actifs intangibles représentent en moyenne une part élevée dans les immobilisations totales des clubs, toujours supérieure aux deux tiers de la valeur de celles-ci en Ligue 1 - et jusqu’à 90 % en 2000-2001 (tableau 3). Ces immobilisations incorporelles correspondent aux indemnités de mutation qui ont été payées par le club pour acquérir des joueurs. C’est le capital joueurs passé en comptabilité du club. D’autres actifs intangibles participent à la valorisation fondamentale du club, notamment un goodwill imputé à la valeur des contrats signés avec des sponsors ou d’autres contrats utilisant l’image et la marque du club. Le problème est qu’il y a une forte endogénéité de la valeur des actifs intangibles par rapport aux résultats sportifs. Des victoires répétées en championnat tendent à augmenter la valeur des joueurs et le montant des contrats que le club est en mesure de négocier avec des sponsors ou des médias. En revanche, de mauvais résultats sportifs, a fortiori une relégation en division inférieure, vont dévaloriser le capital joueurs et la valeur des contrats de sponsoring négociables dans l’avenir immédiat.

Tableau 3.

Part des actifs intangibles dans les immobilisations totales (total ligue)

Tableau 3.
Tableau 3. Part des actifs intangibles dans les immobilisations totales (total ligue) Indemnités de mutation /Immobilisations 1998-99 1999-00 2000-01 2001-02 2002-03 2003-04 2004-05 2005-06 totales Ligue 1 87,9 % 89,1 % 90,6 % 85,2 % 76,9 % 68,9 % 68,3 % 72.0 % Ligue 2 39,1 % 59,7 % 41,3 % 38,4 % 25,4 % 15,8 % 7,5 % 26,2 % Source : LFP

Part des actifs intangibles dans les immobilisations totales (total ligue)

LFP

50Il y a donc une volatilité certaine de la valeur fondamentale d’un club (et pas seulement de sa valorisation boursière) en réaction à la variabilité des performances sportives. Les grands clubs cherchent à stabiliser cette valeur fondamentale en s’assurant une qualification permanente au sommet des compétitions (le projet de ligue de football européenne fermée qui a avorté en 1999) ou en diversifiant leurs actifs hors du football (le cas de Parken) ou encore en faisant l’acquisition d’actifs physiques tangibles, tels un stade et/ou un centre commercial (Lyon). Dans le football français, peu de clubs sont propriétaires de leur stade (seuls Auxerre et Ajaccio le sont, Lens a un bail emphytéotique) ou d’actifs commerciaux importants. Leurs immobilisations corporelles sont le plus souvent formées de locaux occupés par l’administration du club et quelques installations sportives d’entraînement ou annexes. C’est pourquoi la loi autorisant la cotation boursière des clubs sportifs depuis janvier 2007 exige de ces derniers « l’acquisition d’actifs destinés à renforcer leur stabilité et leur pérennité, tels que la détention d’un droit réel sur les équipements sportifs utilisés pour l’organisation des manifestations ou compétitions sportives auxquelles elles participent ». Les clubs entrant en bourse sont incités à acquérir des actifs tangibles, dont le stade où ils produisent leur spectacle sportif.

51La valeur du club correspondant à la part de ses actifs intangibles est très variable parce qu’elle est endogène par rapport à ses résultats sportifs. Il resterait à expliquer, dans un travail ultérieur, le niveau autour duquel varie la valeur fondamentale des actifs intangibles du club. Ceci revient à proposer une analyse du montant des indemnités de transfert ou, dans la mesure où les deux variables sont très liées, des salaires des joueurs, en particulier ceux des joueurs superstars. Leurs salaires ne sont insensibles ni au niveau de compétition, ni aux résultats sportifs et à l’image (effet de réputation) du club où opèrent les joueurs. En ce sens, une hypothèse à tester ultérieurement serait de vérifier si l’influence des résultats sportifs joue de la même manière sur la valeur fondamentale que sur les cours boursiers des clubs cotés. Les données qui seraient nécessaires pour un tel test (montant exact de tous les salaires individuels et de toutes les indemnités de transfert) ne sont pas encore systématiquement divulguées.

3. L’introduction en bourse et la gouvernance des clubs

52Dans une vision anglo-américaine du capitalisme, l’une des vertus supposées de l’introduction en bourse est de soumettre les dirigeants des sociétés cotées à la discipline des marchés financiers en les exposant, en cas de mauvaise gestion, au risque de prise de contrôle ou de ramassage des actions de l’entreprise en bourse. La discipline du marché financier est considérée comme l’instrument le plus puissant au service d’une bonne gouvernance et ses partisans (Barros [2006]) y voient un moyen pour éradiquer la crise financière des clubs de football européens. Cependant, si M. Aulas, dirigeant de l’O.L., avait souhaité se soumettre à une telle discipline financière, il n’aurait pas pris le soin de conserver une majorité de contrôle (de 50,01 %) dans le capital du club lors de son entrée en bourse.

53En outre, soutenir que l’on peut améliorer la gouvernance des clubs de football par la pression de la bourse ne franchit pas l’épreuve des faits avec succès. S’agissant des clubs anglais, on observe que leur cotation a été suivie de meilleures performances sportives mais aussi d’un creusement de leurs pertes financières – ou d’une réduction de leurs profits pour ceux qui sont profitables (Hall et al. [2003]). La principale raison en est que, bien que le prétexte à l’entrée en bourse ait régulièrement été la construction d’un nouveau stade ou d’un centre commercial à proximité, les clubs anglais ont surtout utilisé leurs revenus boursiers pour recruter de nouveaux joueurs et pour augmenter la masse salariale. L’étude susmentionnée montre que les dépenses salariales sont toujours nettement plus élevées après qu’avant l’entrée en bourse. Cette dernière ne semble pas, dans le contexte du football professionnel, être en mesure de transformer une mauvaise gouvernance en une meilleure, prouvant que le contrôle des dirigeants de clubs par les supporters actionnaires est pour l’heure un doux rêve. Plusieurs clubs anglais ont été retirés de la cote (Nottingham Forest, Queens Park Rangers, Leicester City) après des performances boursières calamiteuses tandis que ceux dont le cours de l’action s’est le mieux tenu ont également quitté la cote après une prise de contrôle par un fonds d’investissement ou un oligarque financier (Manchester United par Glaser, Chelsea par Abramovitch, Arsenal dont 14 % du capital a été acquis par Alisher Usmanov, patron de Metalloinvest).

3.1. Contrainte budgétaire « molle » des clubs et crise financière

54Une vision alternative est de considérer qu’une bonne gouvernance est la condition préalable à une entrée en bourse réussie. La bonne gouvernance se traduit par des indicateurs de gestion satisfaisants, des résultats financiers équilibrés ou excédentaires et, en tout cas, jamais par une accumulation de déficits année après année, laquelle mettrait en échec le projet d’entrée en bourse puis effondrerait le cours de l’action après celle-ci. Le problème est alors de créer les conditions d’une bonne gouvernance, sanctionnée par des résultats financiers positifs avant l’introduction en Bourse. La solution de ce problème revient à durcir la « contrainte budgétaire » au sens de Kornaï [1980] de l’entreprise (du club) avant qu’elle (il) n’affronte la contrainte monétaire et financière de l’évaluation par les marchés financiers. Une entreprise est soumise à une contrainte budgétaire « molle » si elle peut continûment survivre et rester en activité malgré son incapacité à couvrir ses dépenses par ses revenus et continuer à accumuler des déficits financiers et des dettes. Et ceci grâce au renflouement financier (bailing out) sans cesse renouvelé de l’Etat propriétaire des entreprises dans une économie centralement planifiée.

55Bien que formulée initialement pour les entreprises opérant en économie planifiée, cette notion de contrainte budgétaire « molle » trouve à s’appliquer en de nombreuses circonstances en économie capitaliste (Kornaï et al., [2003]). Telle que la situation d’un certain nombre de clubs de football professionnel. C’est bien ce à quoi se réfèrent Ascari et Gagnepain [2006] au sujet des grands clubs de football espagnol : « Clubs’ owners know that Catalonian or Castilian banks will always assist important losses in Barcelona or Real Madrid, because these clubs are national institutions. In these cases, bankruptcy is simply not an option » (p. 77). L’impossibilité de mise en faillite est précisément associée par Kornaï à une contrainte budgétaire molle. De même, dans le cas du football italien, Baroncelli et Lago [2006] indiquent que : « the popularity of the game may even lie behind possible slippage between authorities’ tolerance of financial misconduct on the part of football clubs and ‘ordinary’ firms operating in other fields and businesses » (note 1, p. 27). On a là des arguments comparables au « too big (or too notorious) to fail » qui est précisément l’une des origines de la contrainte budgétaire molle. La mauvaise conduite financière d’un club traduit à la fois sa mauvaise gouvernance et le fait que sa contrainte budgétaire est en permanence adoucie par des bailleurs à fonds perdus, que ceux-ci soient des autorités locales, des mécènes, des banquiers moins regardants ou des supporters actionnaires.

56Il n’est donc pas surprenant que la plupart des ligues nationales du football européen et un nombre non négligeable de clubs soient aujourd’hui en crise financière [5]. Ainsi, le Calcio italien a dégagé un déficit d’exploitation de 982 millions d’euros en 2001-2002, alors que ses revenus totaux étaient la même année de 1 148 millions d’euros ; la dette de la Série A a atteint 1 742 millions d’euros en 2002. Bien que réduit grâce à un plan de sauvetage du gouvernement italien, le déficit de la Série A était encore de 414 millions d’euros en 2003 et 13 clubs sur 18 étaient en déficit, trois avaient un solde équilibré et deux dégageaient un léger excédent d’exploitation. Les déficits de certains clubs italiens pointent un gros problème de gouvernance ayant culminé à 313 millions d’euros au Lazio Rome, 247 millions d’euros à l’AC Milan, 224 millions d’euros à l’AS Rome. Il n’y a rien d’étonnant à ce que les cours de l’action Lazio Rome (cotée depuis mai 1998) et de l’action AS Rome (cotée depuis mai 2000) se soient effondrés. Même si de mauvaises performances sportives font chuter les cours boursiers des clubs (2.2 supra), facteur dissuadant les supporters et les investisseurs institutionnels à devenir actionnaires, la permanence de leurs déficits financiers et de leurs dettes, et donc finalement le problème de leur gouvernance, constituent des facteurs aggravants. Lazio Rome et AS Rome ont été introduits en bourse prématurément ou peut-être n’auraient-ils simplement pas dû l’être, en vertu de l’analyse précédente. Une fois entrés en bourse, leur mauvaise gouvernance a été sanctionnée par le marché financier mais – contrairement à la vision anglo-américaine – sans que ceci ne discipline la gestion des dirigeants et ne réduise les déficits et, encore moins, n’attire des investisseurs.

57Le Calcio est un cas extrême de crise financière qui a fini dans des dérives financières et sportives (malversations, achats d’arbitres, etc., voir Andreff [2007a]) retardant le démarrage de la saison de football en 2004, puis entraînant des sanctions sportives contre certains clubs en 2006. La Liga de Futbol espagnole affiche chaque année un léger excédent d’exploitation, grâce à l’aide de bailleurs à fonds perdus. Malgré cela quelques grands clubs sont dans le rouge : en 2003 de 220 millions d’euros au FC Barcelone et de 150 millions d’euros au FC Valence. Quant au Real Madrid, il a réussi à annuler 300 millions d’euros de dettes en persuadant le Conseil municipal et la Communauté autonome de Madrid d’évaluer son terrain Ciudad Deportivo, de façon qu’il puisse le vendre 480 millions d’euros (Garcia et Rodriguez [2006]). La dette totale des clubs espagnols, de 1 625 millions d’euros en 2002 (contre 1 257 millions d’euros de revenus totaux), augmente continûment mais les clubs la compensent dans leurs comptes en y inscrivant des actifs intangibles, i.e. la valeur de leurs joueurs à leur prix de transfert (Garcia et Rodriguez [2003]). Aucun club espagnol n’est coté en bourse : signe de prudence ou volonté des dirigeants de garder le contrôle de leurs clubs et de maintenir une contrainte budgétaire molle grâce à l’appui des autorités et des banques ?

58Dans plusieurs autres ligues de football, en Angleterre, en Belgique, en Ecosse, au Portugal, la crise financière touche plutôt les petits clubs (Lago et al. [2006]), financièrement plus fragiles – liquidation de KV Mechelen et SK Lommel, sauvetage financier du SC Charleroi par le premier ministre de Wallonie en Belgique –, que les grands clubs, sans épargner certains d’entre eux tels Leeds United, Celtic Glasgow, Glasgow Rangers, Benfica et FC Porto. La dette de la ligue anglaise (4 divisions professionnelles) atteignait néanmoins 1 milliard d’euros en 2003 et 22 clubs ont été mis en administration provisoire entre 1999 et 2004 (Buraimo et al. [2006]). La Bundesliga allemande est évaluée, en première instance, comme étant moins affectée par la crise (Frick et Prinz [2006]), bien que 5 clubs sur 18 étaient en déficit en 2003 et que la dette de la ligue s’élevait à 550 millions d’euros, dont 231 millions d’euros dus par deux clubs seulement, Borussia Dortmund et Schalke 04. Ces deux clubs ont procédé à la titrisation de leurs dettes en 2004. Cependant, la faillite du groupe Kirch en 2002, principal financeur de la Bundesliga par les droits de télévision qu’il versait, a accru les difficultés financières des clubs allemands (Frick [2006]), mais en raison d’un contrôle assez strict de la ligue sur les dépenses des clubs, la crise financière s’est vite traduite en Allemagne par une réduction des recrutements et un déclin de la performance sportive. Habituellement classée par l’UEFA quatrième ligue en Europe pour les résultats sportifs de ses clubs, la Bundesliga est passée en cinquième position, derrière la France, depuis 2004.

3.2. Performances financières et endettement des clubs : le cas français

59Avant d’évaluer à quel point il est opportun d’introduire en bourse des clubs de football français sous l’angle de la gouvernance, il convient de voir comment la Ligue du Football Professionnel (LFP) et ses clubs traversent la crise financière du football européen. Sa situation n’est pas éloignée de celle de la Bundesliga, résultats financiers honorables, performances sportives de second rang (loin derrière l’Espagne, l’Angleterre et l’Italie), y compris en raison d’une régulation encore plus affirmée qu’en Allemagne. La LFP cherche à promouvoir, sur cette base, son image de ligue de football la mieux gouvernée et gérée en Europe, dont les instruments de régulation devraient être étendus à tout le football professionnel européen. Un rapport sénatorial (Collin [2004]) a officiellement défendu cette position. Des économistes ont soutenu que la ligue française de football était une exception à la crise financière (Gouguet et Primault [2006]). Si ce diagnostic était retenu au pied de la lettre de deux choses l’une : ou bien les clubs de football français sont les mieux gouvernés d’Europe et seraient ainsi les mieux préparés à entrer en bourse, seule la loi Buffet [6] ayant retardé l’échéance, ou bien ils n’ont rien à gagner à entrer en bourse du point de vue de la gouvernance, seule la levée de capitaux pouvant motiver leur introduction à la cote. Il faut donc examiner un tel diagnostic en profondeur.

60La ligue française de football a une spécificité qui tient à son système de régulation et de supervision des clubs reposant sur trois piliers. Le premier pilier est une redistribution entre tous les clubs professionnels (Ligues 1 et 2) des revenus tirés de la vente des droits de télévision. Cependant dans 46 ligues sur 51 en Europe, il existe une telle redistribution, et l’une des cinq ligues différentes, à savoir la Lega Calcio italienne, a abandonné la vente individuelle des droits de télévision par chaque club pour revenir à la vente par la ligue avec redistribution des revenus à partir de la saison 2007-2008. Le deuxième pilier est un système spécifique d’éducation et de formation des jeunes joueurs de football de haut niveau, que nous ne discuterons pas ici. C’est le troisième pilier qui est important pour ce qui est de la gouvernance des clubs comme condition préalable à leur éventuelle entrée en bourse : il s’agit de la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) auprès de la LFP qui, depuis 1990, contrôle et audite les comptes des clubs. Quand un club est en déficit, elle lui adresse des avis et des recommandations de bonne gestion. Si le déficit persiste, elle peut expertiser dans le détail les composantes de la masse salariale, interdire au club de recruter de nouveaux joueurs pour quelque temps ou infliger une amende au club. Son pouvoir de sanction – et la DNCG l’a exercé à plusieurs reprises – va jusqu’à prononcer la relégation d’un club financièrement défaillant dans une division inférieure ou interdire une promotion en division supérieure ne présentant pas les garanties financières requises. Cette discipline imposée par la ligue – et non par un marché boursier – a certainement évité au football français les gouffres financiers de la ligue italienne et de certains clubs espagnols. Pour autant, elle ne semble pas avoir encore converti les clubs français aux pratiques d’une bonne gouvernance.

61La DNCG a été constituée en tant qu’organe d’audit indépendant dont les 18 experts sont en majorité des experts comptables, des juristes et des commissaires aux comptes. Cependant, 5 de ces experts sont nommés par la Fédération Française de Football, 5 par la Ligue du Football Professionnel, 2 par le syndicat des joueurs de football professionnels, 2 par l’association des présidents de clubs de football professionnel, 2 par le syndicat des entraîneurs de football professionnel et 2 par le syndicat des personnels de gestion des clubs de football professionnel. Beaucoup de ces experts tirent donc des revenus du football professionnel. Les conflits d’intérêt sont plus que probables. Grâce à ce dispositif, les clubs français sont-ils bien gouvernés au point d’avoir une contrainte budgétaire dure (aucun déficit toléré) ? Un doute est permis à ce sujet.

62En effet, sur les dix dernières années où l’on dispose de comptes publiés par la DNCG, la Ligue 1 a accumulé un déficit comptable agrégé (somme des résultats nets comptables de tous les clubs pendant dix ans) de 298 millions d’euros (tableau 4). Un tel déficit durant sept années sur dix n’illustre en rien une contrainte budgétaire dure en ce qui concerne les clubs de football responsables de ce déficit agrégé de la ligue. En Ligue 2, les déficits sont moins importants (43 millions d’euros cumulés) et ne durent que cinq ans sur dix. De tels déficits sont-ils vraiment un indice de bonne gouvernance ? De préparation à l’entrée en bourse ? On notera aussi que l’une des causes de ce déficit est le solde négatif des transferts de joueurs. Pendant, les trois saisons 2000-2001,2001-2002 et 2002-2003, les clubs de Ligue 1 ont dépensé beaucoup plus en acquérant de nouveaux joueurs qu’ils n’ont perçu en vendant des joueurs. Il y a là une dimension particulière du problème de gouvernance (la même que pour les clubs espagnols) qui a été qualifiée de « perte de contrôle » du solde des transferts pendant quelques « années de folie » dans la politique de recrutement des clubs (Bolotny [2006]) – liées on le verra à l’obtention d’une importante manne financière provenant de la télévision. L’évolution de la masse salariale et la politique de transfert des joueurs sont, en effet, par leur poids prépondérant dans le compte d’exploitation, les deux grandeurs permettant d’apprécier la gouvernance d’un club. Tout comme dans d’autres ligues de football en Europe, le déficit de la LFP n’est pas dû à tous les clubs, mais à certains d’entre eux, ceux dont on peut raisonnablement supputer que la gouvernance est problématique.

63Le calcul d’indicateurs de rentabilité tels que le rendement des capitaux propres (return on equity : ROE) ou le ratio solde d’exploitation / capitaux propres pour l’ensemble de la LFP souligne clairement que le football français n’échappe pas à la crise financière de 1998-99 à 2004-05 pour la Ligue 1 et pratiquement de 1996-97 à 2003-04 en Ligue 2 (tableau 5a). Les deux indicateurs affichent sur l’ensemble des clubs des valeurs négatives alors qu’avant (Ligue 1) et après la crise, le ROE, souvent supérieur à 15 % est de nature à attirer des capitaux vers le football. La DNCG, son potentiel de sanctions et son dispositif de régulation n’ont pas été en mesure d’éviter totalement la crise financière, ni d’assurer une bonne gouvernance au niveau des clubs.

tableau im17

tableau im18

64L’indicateur de rentabilité calculé en moyenne pour tous les clubs de chaque ligue au tableau 5a masque en partie deux autres aspects de la crise. Le premier est une extrême dispersion de la valeur des indicateurs entre les clubs. Le tableau 5b, qui affiche une moyenne non pondérée des ROE calculée sur les comptes publiés, club par club, et non sur les comptes agrégés par la DNCG pour chaque ligue, donne une image encore plus volatile, et surtout dispersée, du ROE. L’écart-type est entre 5 et 24 fois plus grand que la moyenne. Si l’on retient 2002-03 comme point culminant de la crise financière en Ligue 1, le ROE varie cette année-là de – 209 % pour Montpellier et – 54,8 % pour Nice (et sans doute pire pour certains des clubs ayant refusé de publier leurs résultats mais qui sont pris en compte par la DNG et donc par nous dans le calcul de la moyenne du ROE) à 38,4 % pour Bastia et 149,7 % pour Le Havre. En Ligue 2, la même année, les deux valeurs extrêmes du ROE sont – 357 %pour Saint Etienne et 95,1 %pour Lorient. Les ROE calculés sur les données de clubs publiées les années suivantes présentent des dispersions encore plus étendues.

Tableau 5b.

Dispersion de la rentabilité de la Ligue de Football Professionnel

Tableau 5b.
Tableau 5b. Dispersion de la rentabilité de la Ligue de Football Professionnel Ligue 1 + Ligue 2 2002-03 2003-04 2004-05 2005-06 ROE : return on equity* -60,9-959,5 3582,4 5,4 Coefficient de variation** 4,9 7,1 6,2 24.0 * moyenne des rendements des fonds propres (résultat net comptable / capitaux propres) ** écart-type / moyenne (en valeur absolue) Source : LFP, calcul à partir des comptes individuels des clubs.

Dispersion de la rentabilité de la Ligue de Football Professionnel

LFP, calcul à partir des comptes individuels des clubs.

65Le deuxième aspect à souligner est que cette dispersion des rentabilités, chaque année, s’explique bien sûr par des variations fortes du résultat net comptable d’un club à l’autre, mais plus encore par des variations de la valeur des capitaux propres. En particulier, un certain nombre de clubs (surtout en Ligue 2, mais pas seulement) ont une valeur si faible de leurs capitaux propres qu’une détérioration même modérée du résultat net comptable se traduit par une chute violente du ROE dans des valeurs négatives. La sous-capitalisation d’une partie des clubs de football français les expose aux difficultés financières. Cette interprétation paraît plus vraisemblable que celle qui leur attribuerait une stratégie financière sophistiquée consistant à maintenir des fonds propres faibles pour faire jouer un important effet de levier.

66Premier club à envisager dès cette époque une entrée en bourse, l’O.L. n’était pas à l’abri de la crise. Ses comptes le confirment jusqu’à la saison 2003-04, suivie d’un redressement du résultat net comptable. Celui-ci a évolué comme suit : – 6,4 millions d’euros en 2002-03, – 6,5 millions d’euros en 2003-04,11,7 millions d’euros en 2004-05 et 16,1 millions d’euros en 2005-06, tandis que le ROE prenait respectivement les valeurs suivantes : – 25,9 %, – 25,9 %, 41,8 % et 37,0 %.

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Tableau 7.

L’endettement des clubs de football français et sa dispersion

Tableau 7.
Tableau 7. L’endettement des clubs de football français et sa dispersion Ligue 1 + Ligue 2 2002-03 2003-04 2004-05 2005-06 Ratio d’endettement* 7,5-9,9 31,2 9,4 Ecart-type 27,9 114,3 104,9 32,5 Coefficient de variation** 3,7 11,6 3,4 3,5 * Dettes totales / Fonds propres ** écart-type / moyenne (en valeur absolue) Source : LFP, calcul à partir des comptes individuels des clubs.

L’endettement des clubs de football français et sa dispersion

LFP, calcul à partir des comptes individuels des clubs.

67Le rapport du sénateur Collin [2004] soulignait que la dette des clubs de football français était telle qu’elle avait obligé, de 1997 à 2002, leurs actionnaires à y investir 203 millions d’euros et d’autres bailleurs de fonds à leur accorder 255 millions d’euros sous forme d’avances en comptes courants. La dette globale des clubs de Ligue 1 était de 384,5 millions d’euros au début de la crise en 1998-99 ; elle est montée jusqu’à 744,3 millions d’euros en 2000-01 pour retomber à 424,3 millions d’euros en 2003-04 et grimper à 607,2 millions d’euros en 2005-06. Bien que fluctuant, l’endettement du football français est important et chronique. Le seul ratio d’endettement qu’il est possible de calculer avec les données publiées est Dettes totales / Fonds propres. Le tableau 7 présente la valeur moyenne des ratios d’endettement, calculés pour chaque club. La dette des clubs se situe entre sept et trente fois la valeur de leurs fonds propres en moyenne. En 2003-2004, la moyenne des ratios d’endettement est négative car une proportion non négligeable de clubs affiche des fonds propres négatifs. L’écart-type du ratio d’endettement est entre trois et quatre fois supérieur à la moyenne, sauf en 2003-2004. La dispersion de l’endettement entre les clubs est importante mais moindre que celle de la rentabilité des clubs. Les clubs de football français présentent une grande instabilité au niveau de la rentabilité et le risque d’un endettement certainement élevé, soit une activité pas très attractive pour des investisseurs.

68La structure de la dette s’est modifiée au cours des années de crise, comme on le voit au tableau 6. La part de la dette vis-à-vis des banques et des institutions financières est assez stable aux alentours de 10-13 % du total, mais connaît un pic à 20 % en 2002-03. La part des autres dettes se tient autour de 60 % jusqu’en 2002-03 grimpe à 77,7 % en 2004-05 et 76,0 % en 2005-06. La crise a donc provoqué un transfert de la dette vers d’autres sources d’endettement. Or ces dernières se composent d’arriérés de paiement aux fournisseurs, d’arriérés d’impôts et d’arriérés de cotisations sociales. Le non paiement des fournisseurs, des impôts et des cotisations sociales est un indice particulièrement avéré de mauvaise gouvernance. Celle des clubs de football s’est donc détériorée pendant la crise financière, sur ce point il n’y a pas d’exception française. Les clubs français flirtent avec le risque de défaillance financière. Il suffirait que les fournisseurs, le fisc et la sécurité sociale en viennent à durcir la contrainte budgétaire des clubs en exigeant d’eux le versement à l’échéance des sommes dues. Les mêmes résultats appellent les mêmes commentaires pour la Ligue 2. Malgré la régulation et le contrôle de la DNCG, il apparaît dans les résultats financiers que, sinon la LFP elle-même, du moins un certain nombre de clubs sont mal gouvernés.

3.3. La « mauvaise » gouvernance de (certains) clubs de football …

69Une bonne gouvernance suppose que le club de football soit totalement transparent en publiant toute l’information comptable et financière concernant son activité. Jusqu’à la saison 2001-02, la règle était au contraire l’opacité totale. Aucun club ne publiait ses comptes, la DNCG ne publiait que les comptes agrégés pour la Ligue 1 et la Ligue 2. Malgré l’obligation légale, datant de 2002, de publier désormais leurs comptes, le rapport du sénateur Collin dénonçait le fait que les clubs ne publiaient toujours pas tous leurs données financières en 2003-04, contournant la nouvelle obligation légale, les données agrégées publiées par la ligue n’offrant pas la transparence requise pour chaque club. En cherchant à collecter les données club par club sur le site de la DNCG, pour la saison 2002-03 (Andreff [2005]), il est apparu que seulement 29 clubs sur 40 (Ligue 1 + Ligue 2) avaient accepté de se plier à l’obligation de publication des comptes. Onze clubs ont préféré payer une amende plutôt que de voir la DNCG afficher leurs comptes sur son site public. Ainsi, alors que la DNCG affichait en 2002-03 un déficit agrégé de 151,2 millions d’euros, l’addition des résultats nets comptables des clubs qui en avaient accepté la publication dégageait un excédent de 936.000 euros (Andreff [2007b]). Il est clair que les clubs qui ne publiaient pas leurs comptes avaient des déficits comptables à cacher. La transparence a eu du mal à s’imposer, même si le nombre des non déclarants a diminué depuis lors et est tombé à zéro en 2005-06.

70Une fois parvenu à plus de transparence, d’autres indices de bonne gouvernance sont à prendre en considération. L’indiscipline de paiement, mise en évidence pour la dette « sociale » (impôts, cotisations sociales), est une négligence coupable, habituellement sanctionnée dans les autres secteurs commerciaux de l’économie. Notons que les arriérés d’impôts et de cotisations sociales de l’O.L. s’élevaient à 34,9 millions d’euros au 30.6.2006, ses dettes aux fournisseurs à 14,6 millions d’euros, sur un passif total de 178,2 millions d’euros. Il n’est pas concevable qu’une pratique consistant à retarder le paiement des impôts et des cotisations sociales perdure pour des clubs français qui envisagent d’entrer en bourse. D’autant moins que ce non paiement ne peut s’expliquer autrement que par la passivité, voire la connivence, d’autorités complaisantes à ne pas durcir la contrainte budgétaire des clubs en difficulté financière. Il en va de même tant que les clubs trouvent des bailleurs de fonds privés prêts à les financer, pratiquement à fonds perdus, alors que leurs comptes n’inspirent confiance ni en matière de gouvernance, ni en matière de solvabilité.

71Les deux indices les plus éloquents d’une mauvaise gouvernance se situent au niveau des transferts de joueurs et de la gestion de la masse salariale, i.e. des salaires des joueurs. Les clubs français se sont lancés, comme la plupart des clubs européens, dans une « course aux armements » afin d’embaucher des joueurs vedettes ou simplement de bon niveau, ceci en particulier depuis la libéralisation totale et la globalisation du marché des transferts, suite à l’arrêt Bosman de 1995. Ceci a deux effets. L’un est permanent qui est d’entretenir l’inflation de la masse salariale des clubs. L’autre est plus versatile, en ce que le contrôle (par la DNCG) du solde financier des transferts devient plus complexe, certains clubs profitant de la course aux armements pour se financer en vendant sur le marché des transferts les jeunes talents qu’ils ont formés (la formation pour vendre de jeunes joueurs est devenue l’une des sources de fonds dans le nouveau modèle européen de financement des clubs professionnels qui s’est mis en place dans les années 1990, voir Andreff et Staudohar [2000]) tandis que quelques autres tentent de bâtir à coup de millions d’euros des équipes prestigieuses. Ce solde doit normalement être positif pour le football français puisque sa régulation impose à tous les clubs professionnels d’avoir un centre de formation, système dont l’efficacité est démontrée, entre autres, par les bons résultats de l’équipe de France (Gouguet et Primault [2006]). Le football français est donc structurellement offreur net sur le marché des talents. Cependant, au gré de la course aux armements et de l’importance de la manne financière tirée des droits de télévision, des clubs peuvent se lancer, certaines « années de folie » dans des politiques de recrutement inconsidérées, dénotant leur mauvaise gouvernance.

3.4. …est entretenue par un cercle vicieux salaires – droits de télévision

72Toutes les études portant sur les ligues professionnelles de football en Europe aboutissent au constat d’une très forte corrélation entre la masse salariale et les revenus tirés de la vente des droits de retransmission télévisée (dans le cas de la France : Andreff [2005] ; Bolotny [2005]). Cette corrélation est encore renforcée pour les grands (et riches) clubs qui se qualifient pour la Ligue des Champions (Andreff et Bourg [2006]). Les droits de télévision influencent eux-mêmes très fortement le chiffre d’affaires total des clubs, ces deux variables étant à leur tour corrélées avec le classement en fin de championnat. Une interprétation optimiste de ces corrélations est de considérer qu’il s’est formé des relations favorables entre les revenus télévisuels des clubs et leurs dépenses salariales (Baroncelli et Lago [2006]) : l’abondance de la manne télévisuelle permet au club de payer de hauts salaires pour composer une équipe très performante, laquelle remporte beaucoup de victoires, ce qui, en un cercle vertueux, accroît ses revenus, télévisuels en particulier, et ainsi de suite. A la limite, les recrutements de prestige sont justifiés parce que la télévision est prête à payer (la contrainte budgétaire des clubs s’en trouve desserrée). Le problème est que dans la plupart des pays européens les chaînes de télévision sont de moins en moins prêtes à payer les mêmes montants qu’il y a quelques années pour retransmettre du football – en France, Canal Plus a déjà annoncé qu’il veut désormais payer moins que 600 millions d’euros par an, montant concédé en 2004 pour retransmettre la Ligue 1. En outre, l’ampleur de la crise financière du Calcio italien, analysée par les deux auteurs mentionnés, est loin de confirmer l’existence d’un tel cercle vertueux.

73Il est plus probable que, en adoucissant la contrainte budgétaire des clubs, la manne télévisuelle incite nombre d’entre eux à une gestion laxiste, peu représentative d’une bonne gouvernance. Il y aurait alors plutôt un cercle vicieux dans lequel la ligue (au nom des clubs) négocie en situation de monopole les droits de télévision les plus élevés possibles pour financer l’inflation salariale (et le recrutement de vedettes), ce qui ne se traduit pas, dans le cas du football français, par une hausse de productivité (en termes de victoires sportives) correspondante, ni donc par des succès en compétition européenne qui accroîtraient fortement les revenus, d’où la nécessité de négocier à nouveau des droits de télévision en hausse, et ainsi de suite. Il serait intéressant de tester la relation centrale de ce cercle vicieux, à savoir que plus les clubs sont capables de tirer des revenus de la télévision, et plus ils ont une politique salariale laxiste, ce qui désigne une mauvaise gouvernance. Pour pouvoir tester sérieusement cette relation, il faudrait disposer de séries chronologiques assez longues pour ce qui concerne les données individuelles de chaque club. Ce n’est pas le cas puisque la publication des comptes de club a commencé en 2002-03.

74Cependant, si on considère (comme dans l’hypothèse du cercle vicieux ci-dessus) que la variable droits de télévision est endogène, on peut utiliser la méthode des doubles moindres carrés avec des variables instrumentales. On explique d’abord les montants des droits de télévision TV par trois variables instrumentales exogènes : POP1999, la population en 1999 de la ville où le club est basé (approximant la taille de son marché), DIST la distance à parcourir par les chaînes de télévision pour atteindre le stade du club en vue de retransmettre ses matchs, approximée par les coûts de transport dans les dépenses du club [7] et NOT une variable représentative de la notoriété du club qui est le classement de chaque club par la LFP utilisé pour redistribuer 20 % des revenus de la télévision entre les clubs selon leurs (inégales) performances médiatiques. Nous testons quatre modèles sur les 137 observations disponibles (publiées) par les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 pour les saisons 2002-03 à 2005-06 :

equation im22

Dans un second modèle, on introduit une variable indicatrice pour tester si la relation étudiée est très sensible à l’année d’observation, soit :
equation im23

Dans un troisième modèle, une variable indicatrice permet de tester si le niveau de compétition, Ligue 1 ou Ligue 2, intervient significativement dans la détermination des revenus tirés des droits de télévision, la Ligue 1 étant prise comme catégorie de référence ( LIGUE = 1 si Ligue 2 et LIGUE = 0 si Ligue 1) :
equation im24

Dans un dernier modèle, on ne retient que les variables instrumentales et l’indicatrice de ligue :
equation im25

On étudie ensuite la relation entre les salaires (la masse salariale) bruts W et le régresseur endogène TV tel qu’il est expliqué par les variables des quatre modèles précédents.

75Une variable instrumentale est faible quand elle est faiblement corrélée avec les régresseurs endogènes. Staiger et Stock [1997] ont montré que, quand les variables instrumentales sont faiblement corrélées avec les régresseurs endogènes, les résultats asymptotiques conventionnels ne tiennent pas dès lors que l’échantillon est de grande taille. Si la statistique-F est inférieure à 10 et qu’il n’y a qu’un seul régresseur endogène, on est potentiellement en présence d’un problème de variable instrumentale faible. Par conséquent, pour être pertinents, nos tests doivent obtenir F > 10.

76Dans les quatre modèles, la relation entre la variable TV et les variables instrumentales est significative. L’appartenance à la ligue supérieure l’est aussi. L’année d’observation ne l’est pas, sauf l’année 2005-06, ce qui indique que la négociation des droits de TV devient intense l’année qui précède le futur appel d’offres pour quatre ans de la ligue de football.

77Le principal problème de gouvernance du football français n’est pas seulement lié à son incapacité de contrôler l’inflation salariale des joueurs vedettes de façon à maintenir les dépenses totales dans le cadre de la contrainte budgétaire posée par les revenus totaux du club. Le problème est aussi d’éviter d’utiliser les revenus des droits de télévision comme un moyen systématique d’adoucir la contrainte budgétaire des clubs, une option qui sera de moins en moins réalisable dans la mesure où les chaînes de télévision n’accepteront pas de voir le montant des droits de retransmission augmenter à l’infini. C’est probablement ce que veulent dire Ascari et Gagnepain ([2006], p. 79) quand ils soutiennent que la télévision est une source possible de déséquilibres financiers de plus en plus importants dans les comptes des clubs espagnols. Cette remarque s’applique vraisemblablement aussi au football français. Derrière la manne financière de la télévision, on perçoit la stratégie de monopole de la ligue française de football sur le marché des retransmissions télévisées de football, mais l’édifice financier ainsi mis en place s’avère très fragile car le moindre affaiblissement du pouvoir de monopole de la ligue (d’ailleurs contesté par des grands clubs tels l’O.M., l’O.L., etc.) rétrécirait la principale ressource financière du football français. C’est l’un des enjeux, rarement discuté, de l’entrée en bourse des clubs français, puisque l’évaluation de chaque club et la sanction de sa gouvernance par la bourse ne sont pas compatibles, sur la durée, avec le maintien du cartel (monopole de négociation des droits de télévision et redistribution entre les clubs) de la ligue de football professionnel.

tableau im26

tableau im27

78Faute d’une rapide amélioration de leur gouvernance, qui réduirait d’ailleurs le risque de crise financière, les clubs de football français n’auraient aucune chance de réussir leur entrée en bourse, si tant est qu’elle est souhaitable. L’alternative est, en effet, que la discipline financière finisse par leur être imposée, comme à certains clubs anglais, non par la bourse, mais par des fonds d’investissement dont l’objectif est la valeur actionnariale (en achetant et revendant les clubs au gré de leur rentabilité) sans considération pour les éventuels objectifs sportifs des clubs et de leurs supporters. Une telle mésaventure est d’autant moins improbable, dans le football français, que Fedcom (contrôlée par l’oligarque russe-hongrois Alexeï Fedorichev) a tenté de prendre le contrôle de l’A.S. Monaco en 2002 et que le Paris S.G. a été vendu par Canal Plus, en avril 2006, à un prix nettement sous-évalué, à deux fonds d’investissement, l’américain Colony Capital et le français Butler Capital Partners.

3.5. Les préalables à une « européisation » du modèle français de gouvernance

79Jusqu’en 2004, les partisans du modèle français de supervision (DNCG) des clubs de football ont rencontré une forte résistance à leur proposition d’étendre cette régulation aux autres ligues de football européennes membres de l’UEFA. Système sans doute perçu comme trop rigoureux dans certaines ligues du Sud et de l’Est de l’Europe. Régulation peu crédible dans les ligues d’influence anglo-saxonne puisqu’elle n’a évité ni les déficits, ni l’endettement des clubs et n’a fait que très récemment la preuve d’une transparence accrue, sans parvenir à une gouvernance maîtrisant l’envolée des salaires et des transferts.

80Pourtant, l’UEFA est attentive au modèle français. Après des années sans aucune supervision financière des clubs participant à ses compétitions (Ligue des Champions, Coupe de l’UEFA), l’UEFA a pris des mesures stipulant que, à partir de la saison 2004-2005, ceux-ci n’y seraient admis que s’ils remplissaient trois critères :

  • présenter des états financiers certifiés par un audit,
  • fournir la preuve que le club n’a aucun arriéré de paiement sur ses transferts de joueurs,
  • fournir la preuve que le club n’a aucun arriéré de salaires, aucun arriéré fiscal ou de cotisations sociales.

81A partir de la saison 2006-2007, l’UEFA a imposé trois critères supplémentaires aux clubs qualifiés pour ses compétitions :

  • présenter un plan de liquidité démontrant la capacité du club à faire face à ses besoins de liquidité pendant la durée de la compétition,
  • faire une déclaration des manques de liquidité par rapport à leur plan d’action « dès qu’ils apparaissent », sous la supervision régulière de l’UEFA,
  • notifier les déviations négatives par rapport au compte de pertes et profits préalablement budgété.

82Ces dispositifs ont été commentés comme un début d’évolution vers une régulation ressemblant au modèle français (Lago et al. [2006]). Le problème est que cette régulation n’est pas appliquée, on l’a vu par exemple avec les comptes des clubs participant aux compétitions de l’UEFA, tel l’O.L. Elle a peu de chance de « s’européiser » tant que tous les clubs, même le Real Madrid ou la Juventus Turin, ne s’y soumettent pas, ce qui est le cas pour l’heure, l’UEFA n’envisageant pas de se priver des clubs attirant le plus les droits de télévision vers ses compétitions. C’est ici que l’idée d’une DNCG européenne prend tout son sens, pour imposer à tous les clubs de bonnes pratiques de gouvernance. Mais plus encore au niveau de l’UEFA que du football français, le risque de conflits d’intérêt et d’insuffisante indépendance des audits des clubs est très palpable. L’amélioration de la gouvernance des clubs français fournirait une exemplarité rendant l’européisation d’un dispositif de type DNCG plus crédible. Du même coup, elle remplirait mieux les conditions d’une entrée en bourse réussie.

4. Conclusions et recommandations

83L’étude empirique proposée aboutit à des conclusions nuançant l’intérêt d’une introduction en bourse des clubs de football tant que le marché boursier les concernant présente les caractéristiques que nous avons mises en lumière et tant que la gouvernance des clubs n’est pas améliorée préalablement à l’entrée en bourse. De cette analyse, on peut dériver les recommandations suivantes :

  1. L’illiquidité du marché, la volatilité des rendements et des cours boursiers, ainsi que la profondeur insuffisante du marché concerné ne garantissent nullement le succès d’une entrée en bourse. L’Olympique Lyonnais l’apprend aujourd’hui à ses dépens, avec un cours instable et baissier : « La Bourse, c’est le point qui nous embête le plus », déclarait son président au journal L’Equipe, le 26 septembre 2007 [8]. La recommandation en découle : il n’y a aucune nécessité, ni urgence, à faire entrer les clubs de football en bourse, en dépit des avis favorables à cette évolution provenant de la Commission européenne.
  2. La valorisation des clubs repose en grande partie sur des actifs intangibles. La valeur fondamentale d’un club, assise sur celle de son capital joueurs, est très volatile car elle fluctue avec les résultats sportifs, la forme et les humeurs des joueurs, leur relation avec l’entraîneur et le président, et l’image instantanée du club qui en découle. Elle ne peut constituer un point d’ancrage stable de la valorisation du club sur le marché boursier.
  3. La valorisation boursière d’un club étant très fortement liée à ses résultats sportifs au cours d’une saison donnée, l’introduction en bourse ne peut constituer ni une source de financement stable, ni une source d’attraction des investisseurs, notamment des institutionnels.
  4. La volatilité des résultats comptables des clubs, souvent liée à une insuffisance de capitaux propres, n’est pas davantage attractive pour les investisseurs. Elle conduit les clubs à faire appel à des bailleurs à fonds perdus. Une gestion qui stabiliserait le résultat comptable et le maintiendrait équilibré ou positif s’impose.
  5. Même si la crise financière s’estompe ces dernières années, l’endettement des clubs français reste préoccupant. Il nuit à leur crédibilité financière et joue comme facteur de mauvaise gouvernance. On ne saurait trop recommander un désendettement des clubs.
  6. La bourse n’apparaît pas, au vu des expériences étrangères, comme un moyen radicalement efficace pour améliorer la gouvernance des clubs. Il convient plutôt d’inverser la séquence : améliorer d’abord la gouvernance du club et ses résultats financiers avant d’envisager une éventuelle entrée en bourse.
  7. Le football français (européen) aurait intérêt à anticiper une possible baisse de sa principale source de revenus, les droits de télévision, qui a permis ces dernières années d’adoucir la contrainte budgétaire des clubs. Faute d’une telle anticipation dans leur gestion, une baisse des droits télévisuels obligerait les clubs à se soumettre à une contrainte budgétaire dure, mais dans l’urgence et la douleur d’une nouvelle crise financière.
  8. Pour diminuer les risques de conflits d’intérêt, pouvant réduire la portée des interventions de la DNCG, la composition de celle-ci devrait évoluer de façon à comporter au moins une majorité absolue d’experts totalement indépendants du football (nommés par d’autres instances que celles du football).
  9. Moyennant ces divers préalables, en particulier l’audit des clubs par des experts extérieurs aux milieux du football, le modèle français de supervision des clubs pourrait avantageusement être étendu aux ligues professionnelles européennes relevant de l’UEFA et y rencontrerait moins de réticence qu’aujourd’hui.
  10. Une régulation plus stricte des salaires et des primes de transfert des joueurs, même en période de manne télévisuelle abondante, serait de nature à réduire les difficultés financières des clubs, les soumettrait à une meilleure gouvernance et pourrait, pour ceux qui le souhaitent, préparer une entrée en bourse avec plus d’espoir de succès qu’aujourd’hui.


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Bibliographie

Références bibliographiques

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Mots-clés éditeurs : régulation, bourse des valeurs, gouvernance, football, économie du sport, crise financière

Mise en ligne 01/12/2008

https://doi.org/10.3917/redp.182.0255

Notes

  • [*]
    Professeur à l’Université de Paris 10 Nanterre, EconomiX ; agliettam@ yahoo. fr
  • [**]
    Professeur à l’Université de Paris 1, Centre d’Economie de la Sorbonne (UMR 8174 CNRS) ; andreff@ univ-paris1. fr
  • [***]
    Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique ; bbastien. drut@ ensae. fr Les auteurs remercient pour leurs commentaires sur une première version du texte les participants du séminaire « Dynamique économique du sport », CES, Université de Paris 1 ainsi que les deux rapporteurs anonymes.
  • [1]
    Ces deux stratégies très voisines sont des stratégies d’arbitrage. Elles consistent à rechercher les actions d’entreprises sous-évaluées et à les acheter contre la vente à découvert d’actions d’entreprises jugées surévaluées. La différence est que la stratégie equity market neutral est en principe construite pour que le rendement net soit non corrélé avec le rendement de l’indice de marché. L’autre stratégie est plus lâche et autorise une certaine corrélation avec le marché. Dans la mesure où les performances financières des clubs de football dépendent des résultats sportifs, ce que l’on va vérifier, elles sont relatives. Il est donc possible en principe de repérer des pairs de clubs capables de faire l’objet de ces stratégies.
  • [2]
    Ne dégageant que rarement des bénéfices, les clubs ne peuvent verser des dividendes.
  • [3]
    Les méthodes d’évaluation des actions sont multiples et ne coïncident que dans un univers de concurrence parfaite où s’applique le théorème de Modigliani-Miller qui démontre l’indépendance de la valeur d’une entreprise et de sa structure financière dans ce cadre. Dans tout autre environnement la valeur calculée dépend de la méthode de calcul. La formule qui paraît la plus « naturelle » est l’actualisation des dividendes futurs, puisque les dividendes sont les revenus des actionnaires. Mais quid des entreprises qui ne distribuent pas de dividendes comme les clubs de football ? Le cash flow a l’avantage de dépendre explicitement de la structure financière. C’est le flux de ressources financières libres de l’entreprise lorsqu’elle a payé tous ses coûts.
  • [4]
    Notre ambition n’est pas d’expliquer finement l’impact de chaque victoire ou défaite, nous ne prenons par exemple qu’une variable « Place en championnat » alors qu’il y a aussi les matchs de Coupe d’Europe, de Coupe d’Angleterre, de Coupe de la Ligue et autres. En utilisant cette variable, nous voulons capturer de façon simple et grossière la valeur sportive de l’équipe afin de voir comment elle intervient dans la détermination de la valeur fondamentale du club. Pour une analyse des impacts rencontre par rencontre, le lecteur se reportera à l’analyse d’Allouche et Soulez [2005].
  • [5]
    Deux numéros – 7 (1), 2006 et 8 (6), 2007 du Journal of Sports Economics sont consacrés à cette crise.
  • [6]
    La loi sur le sport de 1999 avait explicité et confirmé l’interdit concernant la cotation des clubs sportifs français en bourse.
  • [7]
    Ces coûts de transport d’un club sont à proprement parler ceux qu’il engage pour se déplacer sur les terrains de ses adversaires, non ceux subis par les chaînes de télévision pour s’y rendre.
  • [8]
    A la suite de la défaite de l’O.L. sur son terrain contre les Glasgow Rangers en poule de la Ligue des champions, l’action de l’OL a perdu 5 % le lendemain matin dans un marché parisien globalement stable. Les analystes de Exane BNP Paribas, dans une note communiquée à leurs clients, ont fait remarquer que les chances de qualification pour les huitièmes de finale étaient compromises et qu’une élimination prématurée coûterait 1,6 millions d’euros de manque à gagner. A la fin septembre l’action avait perdu 21 % depuis son cours d’ouverture le 9 février.
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