Notes
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[*]
GEAPE (Université d’Angers) et Erudite (Université Paris XII Val-de-Marne). eeric. chancellier@ free. fr. Je remercie Philippe Le Gall et Philippe Adair ainsi que les deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques et commentaires instructifs.
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[1]
1878-1937, statisticien et économiste. Il étudie à l’université du Wisconsin. Consultant économique, il est considéré comme le précurseur de la méthode des baromètres économiques (Morgan, [1990]).
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Le cycle est par conséquent un phénomène résiduel et s’obtient de la façon suivante : Cycle économique = [(observations - série ajustée des variations saisonnières et du trend) / variance de la série] *100.
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[3]
Le support graphique est important chez Persons en tant que première approche – avant de recourir aux calculs des cœfficients de corrélation – pour la recherche de la causalité. Persons (1919b, 121) superpose sur un support lumineux les cycles des différentes variables afin de constater visuellement les synchronisations temporelles optimales. On peut se référer à l’article de Morgan [1997] pour comprendre de quelle manière, au début du XXe siècle, l’utilisation des graphiques et la comparaison des courbes seront utilisées à des fins de recherche de causalité. Chancellier [2006] pointe l’importance du support graphique pour la recherche des causalités dans l’élaboration des premiers baromètres économiques américains.
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[4]
Notre traduction.
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[5]
Plus précisément, Hooker est confronté aux problèmes de la covariation. Il constate que les corrélations deviennent caduques dès lors que les séries temporelles présentent des tendances inverses alors que les mouvements cycliques sont synchrones entre eux. Ainsi, les phénomènes de tendances peuvent générer des perturbations concernant le coefficient de corrélation. Un des moyens de préserver l’efficacité du coefficient de corrélation est de procéder à une séparation entre le cycle et la tendance. Armatte précise que le souci de préserver l’efficacité de la corrélation a engendré au début du XXe des nouvelles procédures statistiques de filtrage – moyenne mobile, tendance linéaire – de façon à obtenir le phénomène cyclique qui est en fait l’écart entre les observations et le filtre utilisé.
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[6]
Notre traduction.
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[7]
Le Gall [1994] met en perspective ces controverses avec la question du déterminisme. Plus précisément, il explique que cette période est un tournant méthodologique dans la mesure où on assiste à une lente érosion du déterminisme en économie et que celle-ci s’accompagne de l’éclosion de nouvelles façons de se représenter le monde. En particulier, Le Gall constate que la montée en puissance de l’indéterminisme a donné la priorité à l’induction statistique basée sur des probabilités fréquentistes.
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[8]
Cette période comprend l’essor du baromètre de Harvard qui s’est produit en 1919.
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[9]
On peut avoir deux conceptions des probabilités. La première est qualifiée de subjective. Elle considère la probabilité comme un degré de croyance et peut porter sur un élément unique. La seconde – la probabilité fréquentiste – considère la probabilité comme un état de nature. Elle s’obtient par des calculs issus de tirages répétés d’un même événement.
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[10]
En utilisant l’inférence statistique fréquentiste, conformément à la loi Normale, le coefficient de corrélation r est significatif s’il est six fois supérieur à son erreur probable définie par la formule suivante : 0,674 × ( 1 ? r2 ) / = n. Avec n représentant le nombre de variables (Persons, [1919b, 126]).
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[11]
Notre traduction.
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La méthode des moindres carrés est utilisée pour déterminer la tendance linéaire de la série temporelle.
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La principale critique de Keynes envers l’inférence statistique fréquentiste porte sur le problème de l’homogénéité des événements économiques dans le temps. Plus précisément, la méthode de la corrélation est valide uniquement dans ce cas de figure. Keynes réfute ce point de vue et adopte une analyse probabiliste en terme de degré de croyance (Klein, [1997, 204]).
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[14]
Notre traduction.
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[15]
Notre traduction.
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[16]
Il est intéressant de remarquer que les articles concernant le baromètre de Harvard (Persons, [1927,1931] ; Bullock et Crum, [1932] ; Bullock, Crum, Persons, 1927 ; Crum, [1927]) apparus après l’article de Persons [1924] ne mentionnent plus les coefficients de corrélation et leur degré de significativité conformément à la loi Normale. La démarche d’analyse conjoncturelle est plus tournée vers la description des mouvements économiques.
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[17]
Notre traduction.
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[18]
Russie 1920, Suède 1922, Angleterre 1923 (London School of Economics), France 1923 (Paris), Allemagne 1925 (Institut für Konjunkturforschung de Berlin), Italie 1926 (Rome), Autriche, Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie (début des années 30).
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[19]
Kohn critique par exemple le baromètre économique de Harvard : « La cause [du manque de fiabilité du baromètre de Persons] la plus importante en est l’instabilité des connexions ou corrélations que nous pourrions établir entre les différents éléments du marché par voie d’une analyse statistique. » (Kohn in Bowley, Breisky Gini, March, Persons, Wagemann, [1930,106]).
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[20]
Armatte [1992] montre en particulier de quelle façon l’adoption d’un principe biologique définit un système auto-régulé et permet alors de se passer de la notion de causalité pour aborder le phénomène cyclique. Cela se vérifie dans les travaux de Wagemann dans la mesure où il privilégie l’étude du système interne. Ce sont les liaisons basées sur des éléments de théorie économique qui sont sujettes à la plus grande attention des chercheurs pour comprendre le mouvement cyclique. Quant à la recherche causale, elle n’est pas déterminante puisque c’est la structure interne qui définit le mouvement économique. « C’est pourquoi la recherche des causes est en quelque sorte à la limite de la science du rythme économique. » (Wagemann, [1932,51])
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[21]
Il en est de même pour les courbes B et C de Persons. Wagemann tient compte des mêmes séries mais il ne les regroupe pas sous des indices uniques.
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[22]
Wagemann utilise un double circuit : un circuit monétaire et un circuit de la production. L’intersection de ces deux circuits se porte sur le marché des marchandises.
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Circular flow of income sur le graphique n o 3.
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On remarque sur le graphique que les investissements correspondent aux montants de l’épargne. Précisément, « en règle générale, les épargnes sont ’investies’ à un certain taux d’intérêt » (Wagemann, 1930,47) notre traduction.
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[25]
Marché monétaire et marché des capitaux.
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Movement of Finance Capital sur le graphique n o 3.
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[27]
Pour être encore plus précis, Wagemann donne une importance prépondérante à la « création de l’argent » dans son système économique. Ce sont les décisions gouvernementales sur la politique des devises, des prix, des salaires, des impôts qui vont servir de système de financement et de régulation à l’ensemble de l’économie.
1Le concept de baromètre économique est apparu à la fin du XIXe siècle en Europe. Il s’est progressivement imposé au niveau international jusque dans les années 1930 comme l’instrument le plus efficace pour aborder l’étude des mouvements de l’économie. Pendant près de 50 ans, il a revêtu des formes différentes (Deblock, [2000]) et ses utilisations furent diverses. Aussi, sa polyvalence en a fait un instrument privilégié des différents gouvernements (van den Bogaard, [1999]). Si Armatte [1992,2003] nous offre une histoire des statistiques à travers l’instrument qu’est le baromètre économique, il nous donne la possibilité de nous interroger sur la manière dont l’instrument peut être utilisé à des fins particulières. Précisément, Morgan et Morrison [1999] développent l’idée selon laquelle l’instrument (le modèle) participe à l’élaboration de savoir dans la mesure où il est utilisé comme un « médiateur » entre les observations et la théorie. Aussi, on peut considérer le baromètre économique en tant que modèle au sens de Morgan et Morrison puisqu’il permet de représenter le mouvement cyclique. Plus précisément, comme l’explique Le Gall (2005) en s’interrogeant sur la définition d’un modèle économique, nous pouvons identifier le baromètre économique à un modèle dans la mesure où il sert de « cadre expérimental » dans lequel les économistes privilégient un aspect particulier de leurs recherches.
2Sa polyvalence d’utilisation et sa capacité à générer une forme de connaissance des mécanismes explicatifs des mouvements cycliques nous permettent alors de considérer le baromètre économique comme un processus de modélisation à part entière. A ce titre, nous pouvons nous interroger sur les fondements de ces baromètres. Dans cet article, nous proposons une lecture nouvelle de l’histoire des baromètres économiques qui fera apparaître et expliquera les particularités propres de chaque baromètre. Notre objectif est d’analyser les conditions dans lesquelles sont apparus les baromètres économiques. Aussi, il est nécessaire de replacer les baromètres dans un contexte global – celui de l’histoire des sciences et des techniques, du paysage institutionnel, de la situation économique des différents pays – et d’en analyser les particularités structurantes. Même si cela permettra des descriptions comparatives, l’objet de l’étude est moins de les mettre en rapport que d’en faire ressortir les caractéristiques intrinsèques qui les constituent.
3Notre première partie analyse le célèbre baromètre de Harvard [1919-1930] dont l’usage sera exclusivement prédictif. Le baromètre de Harvard aura une influence très forte dans les autres pays industriels (en Europe en particulier) qui créeront alors leur propre institut de conjoncture. Notre seconde partie analyse la façon dont les instituts de conjoncture européens se sont inspirés des travaux de Persons pour mieux s’en détacher. Les Européens ont gardé leur particularité de recherche qui consiste à utiliser les baromètres en tant que support à l’analyse théorique des cycles. A titre d’illustration, nous développerons les travaux de Wagemann qui, avec l’aide de l’analogie « organo-biologique », lui permettront une caractérisation particulière du cycle économique. Il sera alors en mesure de l’utiliser en tant que support à l’analyse théorique du cycle économique.
1. Le Baromètre de Harvard [1919-1930]
4Après la première Guerre Mondiale, on assiste à l’émergence d’un nouveau domaine de recherche qui consiste à analyser exclusivement le cycle économique (Schumpeter, 1954,534-541). L’attention des chercheurs en analyse des cycles économiques se porte sur le développement d’une nouvelle représentation de l’économie : la macrodynamique. Associée à l’outil statistique, la macrodynamique fournit un support méthodologique singulier pour analyser les structures des cycles économiques. Ainsi, nous assistons à un phénomène nouveau dans la pratique de l’analyse économique puisque les études sur les phénomènes cycliques deviennent une source d’informations importantes pour l’économie en général. En d’autres termes, l’analyse macroéconomique passe nécessairement par une étude statistique des cycles économiques. La finalité de recherche de W. Persons [1] consiste à mesurer et à représenter le cycle économique (Morgan, [1990]). Sa formation de statisticien et d’économiste lui permet de développer une nouvelle procédure d’investigation cyclique principalement descriptive. Les années 1920 représentent un tournant dans les techniques relatives aux séries temporelles. En effet, la pratique courante au début du siècle en matière d’analyse des séries temporelles est de travailler avec des indices et de les exprimer sous forme graphique de façon à représenter le phénomène à partir duquel l’économiste analyse la conjoncture. Dans une première section, nous présenterons le baromètre économique. Nous constaterons alors l’usage prévisionnel qui en découle dans une seconde section. Enfin, nous mettrons en évidence la volonté manifeste de Persons de s’émanciper de la théorie économique – section 3.
1.1. La construction du baromètre
5Tout d’abord, Persons choisit un référent en matière de phénomène cyclique. Les prix des matières premières caractériseront le mouvement des prix. Ensuite, il élimine la tendance et les variations saisonnières de la série temporelle pour identifier le phénomène cyclique [2]. Celui-ci est par conséquent la résultante de l’écart entre les observations et la série ajustée. Il procède alors au calcul du maximum de corrélation (coefficient de K. Pearson), sur une plage temporelle coïncidente, retardée, avancée, entre le cycle de référence (prix des matières premières) et d’autres séries [3]. Il regroupe ensuite des séries ayant un coefficient de corrélation maximal pour un retard donné par rapport à la série de référence. L’ensemble de son travail statistique donnera lieu à la création du baromètre économique du bureau de Harvard (graphique 1). Il retient trois courbes. La courbe de la spéculation : crédits et débits des banques à New York, cours des actions industrielles ; la courbe de la production et des échanges : débits des banques de 140 villes hors New York, indices des prix ; la courbe du marché monétaire : taux d’intérêt de l’escompte de 4 à 6 mois, taux d’intérêt de l’escompte de 60 à 90 jours. Il trouve ensuite les régularités suivantes : le retournement dans l’évolution cyclique de la courbe A devance de 6 à 9 mois l’évolution dans le même sens de la courbe B et le retournement de la courbe B devance de 2 à 8 mois celui de la courbe C.
Le Baromètre de Harvard
Le Baromètre de Harvard
6Le baromètre économique met en place des concordances temporelles de plusieurs séries par rapport à un cycle de référence. Quant à la prévision, elle se fait avec l’aide des indicateurs avancés. L’article de Persons aura un impact considérable et connaîtra un développement intense avec la création d’une revue en 1919 : The Review of Economic Statistics. Cette dernière permet alors à de nombreux auteurs de développer l’économie statistique. Leur objectif est de décrire et de mesurer le cycle. Ils vont donc utiliser un instrumentalisme statistique pour identifier et connaître le cycle, confirmant en cela la perspective exclusivement prévisionnelle développée par Persons.
1.2. Le baromètre économique destiné à un usage prévisionnel
7Persons s’appuie tout d’abord sur l’analyse graphique, qui permet à ses yeux non seulement de représenter visuellement l’idée du phénomène cyclique mais aussi l’application de nombreuses démarches statistiques : en particulier l’inférence statistique (Klein [1997], Maas [2005], Morgan [1990]). Le travail statistique a pour finalité la représentation cyclique pour pouvoir ensuite passer à la prévision. L’objectif est ainsi :
« d’inventer une méthode pour manipuler les statistiques des affaires, laquelle permettra facilement de déterminer la significativité ou le manque de significativité de chaque série en indiquant les conditions courantes et possibles pour un futur immédiat [4] » (Persons, 1919a, 7).
9Sa démarche consiste dans un premier temps à isoler et à quantifier les phénomènes perçus comme responsables du mouvement cyclique. Avec l’instrument graphique, il trouve quatre types de fluctuations : le trend (élément de croissance), le mouvement cyclique superposé au trend, le mouvement saisonnier, les variations résiduelles (guerres, famines...). L’approche temporelle de Persons relève déjà d’une méthodologie de modélisation en tant que telle. En effet, il crée un environnement temporel lui permettant de contrôler celui-ci et d’être en mesure de comparer les séries pour en faire ressortir un mouvement économique. Granger [1955] peut nous aider à comprendre cette notion d’environnement temporel en distinguant le temps historique du temps économique. Le temps historique consiste à décrire et à observer le mouvement. Cette approche illustre la démarche des premiers baromètres européens du début du siècle. On l’appréhende alors avec des techniques indicielles. En revanche, le temps économique est différent tant dans sa mise en forme que dans sa finalité. Pour l’appréhender, il faut avoir recours à un instrument permettant de filtrer les observations pour les rendre compatibles avec l’univers temporel que l’on a construit. Il permet alors de centraliser les éléments de façon à former un cadre d’analyse homogène. Pour ce qui nous concerne, Persons a connaissance des quatre types de fluctuations économiques (trend, mouvement cyclique, mouvement saisonnier, variation résiduelle) et il privilégie un travail sur les mouvements cycliques. Il construit pour cela un modèle statistique lui permettant la mise en forme de ce qu’il veut représenter.
10Il n’en demeure pas moins que son modèle est source de connaissance dans la mesure où il met en évidence des régularités qui vont alors permettre la prévision. Plus précisément, l’analyse prévisionnelle s’effectue avec l’aide des coefficients de corrélation, calculés sur des plages temporelles multiples, des différentes séries placées sous forme cyclique. A titre d’illustration, le graphique no 1 indique aux industriels et aux spéculateurs qu’ils doivent s’attendre à un retournement de la production et des échanges 6 à 9 mois après le retournement de la courbe de la spéculation. Cette plage temporelle (6 à 9 mois) entre les deux courbes est celle qui donne un coefficient de corrélation linéaire maximum. Ainsi, cette approche permet à Persons de travailler sur une temporalité économique particulière – le cycle – dans la mesure où elle est construite en tant que support à l’analyse prévisionnelle. De plus, cette finalité prévisionnelle renforce la nécessité de travailler dans un cadre analytique temporel bien défini. Ainsi, comme l’explique Granger [1955,328] :
« il est indéniable que la nécessité d’une détermination soigneuse des dimensions et de la structure du temps propre à chaque phénomène économique s’est imposée à la majorité des chercheurs. Des tentatives de prévision et de planification ne pourront que renforcer et préciser cette exigence de méthode ».
12La démarche de Persons est innovante tant dans sa forme de modélisation que dans sa finalité. En effet, elle illustre le rapport d’un nouveau type entre le modèle économique et le réel. Précisément, le cycle est considéré comme indépendant des autres caractéristiques du mouvement économique. La démarche de Persons consiste donc à mettre au jour les enchaînements rythmant l’économie (par l’intermédiaire du coefficient de corrélation), à découvrir des régularités des mouvements économiques avec l’aide d’indicateurs cycliques (ces lois sont uniquement statistiques et ne font appel à aucune théorie économique), à guider les hommes d’affaires dans leurs décisions et à prévoir les crises pour les éviter et agir en conséquence. Mais plus encore, comme nous allons le constater dans ce qui va suivre, l’objectif de Persons est de présenter des faits sans validation de théorie économique sous-jacente. Il s’arrête aux calculs des coefficients de corrélation et des retards optimums, mais n’essaye pas d’obtenir une interprétation théorique de ses résultats statistiques. Cette compréhension de la dynamique du mouvement économique se base sur des fondements statistiques uniquement.
1.3. Persons : une émancipation vis-à-vis de la théorie économique
13On retient généralement de Persons deux choses : le baromètre de Harvard et son rejet de la théorie économique pour analyser les cycles nous renvoie une image de pragmatiste absolu (Morgan, [1990]). Cette approche nous semble trop réductrice dans la mesure où il nous semble nécessaire de mettre en lumière quelques explications qui permettraient de mieux comprendre la distance que prend Persons vis-à-vis de la théorie économique pour appréhender les mouvements cycliques. Tout d’abord, il convient de remarquer que les débats concernant l’analyse des fluctuations économiques – principalement en Angleterre et aux États-Unis – se concentrent autour de discussions scientifiques et plus particulièrement sur le choix des méthodes statistiques de décompositions temporelles supposées les plus efficaces (Klein, [1997]). Comme le rappelle Armatte [2001], la décomposition temporelle utilisée par Persons – cycle et tendance – provient des travaux statistiques de Hooker [1901] qui l’a appliquée pour la première fois en utilisant la corrélation sur des séries chronologiques [5]. Aussi, les débats économiques sont fortement influencés par des soucis relevant de l’adaptation des techniques scientifiques issues de la biométrie à la covariation des séries temporelles. Dans un premier temps, Persons [1916] souhaite conjuguer à la fois les travaux déjà effectués sur l’utilisation des indices et la décomposition temporelle cycle – tendance de façon à garantir l’efficacité du coefficient de corrélation destinée à la prévision. Ceci constitue les bases d’une nouvelle méthodologie qui prendra la forme d’un baromètre économique. La ligne de conduite de Persons est la suivante :
« Premièrement, quelles séries statistiques pourraient logiquement être combinées pour se procurer un baromètre général des affaires pour les États-Unis ? Deuxièmement, quelles séries présentent des variations précédant celles des variations du baromètre des affaires (...) et par conséquent offrent une base sérieuse pour la prévision ? [6] » (Persons, [1916,747]).
15Persons ne centre pas son analyse conjoncturelle sur des discussions de théories économiques, mais développe l’approche purement empirique déjà initiée par les précurseurs des premiers baromètres. Sa démarche est caractéristique de la période de l’entre deux guerres où, comme l’explique Adair [1994], la démarche d’analyse porte principalement sur l’induction statistique et de nombreux économistes de cette époque ont le souci de la mise en évidence du mouvement économique sans recourir à la théorie économique. Si Persons correspond à cette tendance générale qui se caractérise par une volonté de se désengager de l’aide de la théorie économique pour appréhender les fluctuations, il n’en demeure pas moins que l’on peut enrichir son point de vue. Plus précisément, nous pouvons expliquer la distanciation de Persons vis-à-vis de la théorie économique par son changement de point de vue concernant l’induction statistique.
16La position de Persons relative à l’inférence statistique n’a pas toujours été constante, sa période professionnelle la plus active entre 1912 et 1931 et, par ailleurs, ses multiples positionnements méthodologiques sont le reflet – comme l’explique Desrosières [2000] – de nombreuses controverses qui se sont déroulées entre 1920 et 1940 [7]. Tout d’abord, entre 1912 et 1921 [8], Persons accepte l’idée selon laquelle l’induction statistique est basée sur des probabilités fréquentistes [9]; cette façon de se représenter le monde lui donne la possibilité de ne pas avoir recours à la théorie économique dans la mesure où le garant de la significativité du coefficient de corrélation est la loi Normale. Persons considère qu’il n’a pas besoin de la théorie économique puisqu’il se place dans un monde où il est possible de tester statistiquement le degré de pertinence du coefficient de corrélation [10]. En d’autres termes, l’inférence statistique fréquentiste est la charpente de l’analyse cyclique qui permet de déterminer les liaisons les plus probables entre les différents cycles constatés. Ainsi, comme l’explique Persons,
« le coefficient de corrélation est une tentative d’estimation, à partir d’un échantillon, d’une relation et que cette estimation a une erreur probable (...). La forme de la courbe normale de l’erreur est la courbe en cloche (...). Les erreurs probables des coefficients de corrélation nous permettent de juger de la significativité des coefficients [11] » (Persons, 1919b, 126-127).
18Persons se situe véritablement dans la logique des biomètres anglais où la théorie de la corrélation associée à la méthode des moindres carrés [12] constitue son paysage méthodologique. Ceci lui permettra de déterminer les retards temporels optimaux entre les trois courbes du baromètre de Harvard. Le fait de supposer que les distributions statistiques des variables soient conformes à la loi Normale le satisfait dans son idée selon laquelle la théorie économique est inutile dans ce cas de figure. Les travaux de Persons – compris entre 1912 et 1921 – s’inscrivent parfaitement dans la période que Hendry et Morgan [1995] qualifient de première économétrie des séries temporelles dans la mesure où Persons adapte les anciennes techniques des biomètres aux données socio économiques qui comportent une particularité : l’élément temporel. Comme l’expliquent Hendry et Morgan, la méthode inductive fréquentiste permet à Persons d’estimer – via le coefficient de corrélation – la significativité des retards ou des avances temporelles des courbes constitutives du baromètre de Harvard et lui donne la possibilité de valider une causalité temporelle sans avoir besoin de faire appel à la théorie économique. Pour nous résumer, Persons – entre 1912 et 1921 – n’a pas besoin de la théorie économique puisque la méthode de l’inférence statistique lui permet de valider les causalités temporelles du baromètre et ainsi de satisfaire son principal objectif qui est la prévision économique.
19Néanmoins, il est intéressant de remarquer que sa position change radicalement en 1921 avec l’ouvrage de Keynes, A Treatise on Probability [13]. Persons, tout en rejetant désormais l’approche inférencielle fréquentiste, s’inspire de l’ouvrage de Keynes pour poursuivre son objectif de prévision en utilisant toujours le baromètre de Harvard tout en refusant l’aide de la théorie économique. En 1923 a lieu une conférence de The American Statistical Association dont le thème porte sur la prévision économique. C’est lors de cette occasion que Persons [1924] fait état de son rejet de l’induction statistique qu’il avait auparavant acceptée en construisant le baromètre de Harvard. En s’inspirant de Keynes [1921], il récuse la méthode de l’inférence statistique :
« En fait, la significativité de ’l’erreur probable’d’une variable calculée à partir des séries temporelles n’est pas connue, et, dans la pratique, nous ne regardons pas le monde à partir du point de vue de la probabilité mathématique. (...) La thèse selon laquelle les probabilités statistiques ne nous sont d’aucun recours pour arriver à l’inférence statistique a été développée avec une grande habileté et je pense avec succès par John Maynard Keynes dans son Traité sur les Probabilités, dont j’ai déjà cité des passages [14] » (Persons, [1924,7-8]).
21L’argument sous jacent de Persons est le même que celui utilisé par Keynes et qui est la non homogénéité dans le temps des événements économiques et sociaux. Aussi, si la prévision économique se base sur des périodes passées, on ne fait aucune hypothèse concernant les conditions d’apparition de ces événements. Il se peut que l’environnement change radicalement et alors, cela invalide totalement l’induction statistique fréquentielle qui pose pour principe que les événements soient distribués selon une loi Normale. Persons considère que :
« la vision selon laquelle la théorie mathématique des probabilités puisse fournir une méthode d’induction statistique ou puisse aider à des problèmes spécifiques de prévisions économiques est totalement indéfendable. (...) Nous devons par conséquent mettre au rebut la probabilité statistique [15] » (Persons, [1924,6-7]).
23Cependant, la possibilité de prévoir – toujours sans avoir recours à la théorie économique – demeure en adoptant un point de vue méthodologique différent, en particulier, un regard plus descriptif et historique sur les mouvements des courbes du baromètre de Harvard [16]. La prévision se fonde sur des bases plus subjectives qui relèvent plus d’un niveau de croyance que d’une certitude statistique. Persons développe la technique des sous groupes temporels de façon à déceler des similitudes dans la structure du cycle d’une même série temporelle. La prévision demeure toujours possible mais a changé de statut : elle est passée d’un niveau de croyance certaine à un niveau plus sensitif où l’interprétation de l’économiste prend toute son importance. Ainsi :
« des prévisions raisonnables de l’économie peuvent seulement être faites en utilisant les méthodes usuelles de l’argumentation. Ainsi, les conclusions de ces discussions sont considérées non comme des certitudes mais comme des possibilités [17] » (Persons, [1924,8]).
25Si pendant la première partie de sa carrière, Persons refuse l’usage de la théorie économique parce qu’il recherchait une causalité temporelle basée sur l’usage de l’induction fréquentiste, dans la seconde partie il le rejette tout autant dans la mesure où l’invalidation de l’induction lui retire la possibilité de pratiquer des tests statistiques pour confirmer ou infirmer une théorie économique. Il n’en demeure pas moins que cette forme de modélisation qu’est le baromètre économique sera reprise en Europe mais dans une perspective différente.
2. Les travaux de Wagemann [1925-1932]
26Les travaux de Harvard serviront de base aux développements des instituts de conjoncture européens (Deblock, [2000]). Néanmoins, ces derniers privilégieront un usage différent de celui des américains. Suite aux travaux de Persons, les années 1920-1930 ont vu se succéder l’ouverture d’instituts de conjoncture pratiquement dans chaque pays européen [18]. En particulier, ils vont faire de la théorie économique une méthode privilégiée pour expliquer la conjoncture par l’intermédiaire de l’utilisation du baromètre. Notre première section s’attachera à poser le contexte politique et économique particulier en Europe en matière d’analyse conjoncturelle. Nous verrons ensuite – dans une seconde section – de quelle façon l’application de l’analogie« organo-biologique » permet à Wagemann une caractérisation particulière du cycle économique qui consiste à considérer l’activité économique comme un ensemble cohérent compatible avec l’idée de nation. Cela lui permettra de construire un baromètre destiné à faire ressortir l’état de santé de l’économie en général. En outre, ce baromètre économique permet aussi l’utilisation de théories économiques destinées à satisfaire les gouvernements en matière d’interventions de politiques économiques. Cela constituera notre troisième section.
2.1. Le contexte
27Un exemple caractéristique de l’influence de l’approche américaine en Europe et du particularisme européen en matière d’analyse conjoncturelle est à trouver dans les débats relatifs à la construction par l’Institut International de Statistique d’un baromètre international. Il faut noter que les deux séances ont lieu les 21 et 23 août 1929 : les débats, qui portent sur la méthodologie de Harvard, sont antérieurs à la crise qui surviendra quelques mois plus tard (octobre 1929). En revanche, le système de Harvard connaît des problèmes méthodologiques depuis 1926 dans la mesure où la courbe de la spéculation (courbe A) n’est plus synchrone avec les deux autres courbes (courbe B : production et échange, courbe C : marché monétaire). Les deux séances sont intéressantes dans la mesure où les intervenants (européens pour la plupart) montrent de quelle manière ils vont s’inspirer de la méthode de Harvard basée sur le suivi d’indicateurs tout en développant un usage différent du baromètre économique. En particulier, ils vont faire de la théorie économique une méthode privilégiée pour expliquer la conjoncture par l’intermédiaire de l’utilisation du baromètre.
28Suite aux travaux de Persons relatifs à la construction d’un baromètre économique susceptible de prévoir le futur proche par l’étude de la conjoncture, l’Institut International de Statistique se penche sur le sujet en nommant six de ses membres pour réfléchir sur le projet de création d’un baromètre international. Les rapports de ces auteurs sont discutés lors des deux séances du mois d’août 1929. Il ressort de ces débats deux faits majeurs. Tout d’abord, la possibilité de prévision ne semble pas acquise par l’ensemble des membres de l’Institut. En effet, Gini et March préconisent plus une démarche statistique à finalité descriptive et semblent plus circonspects quant à la prévision par l’intermédiaire de l’analyse purement statistique. Le second fait est la primauté de la théorie économique sur la technique statistique. A titre d’illustration, Divisia attire l’attention sur
« l’importance de la recherche économique, de la recherche théorique dans l’étude de la conjoncture. Je propose donc, en premier lieu, que le Congrès élargisse le problème de l’étude de la conjoncture, en donnant au mot ’prévision’ un sens beaucoup plus général que celui qu’on paraît lui avoir donné jusqu’ici, et qu’on y comprenne, à côté de la prévision empirique répondant aux besoins les plus immédiats, la prévision scientifique faite au moyen de l’explication des phénomènes » (Divisia in Bowley, Breisky, Gini, March, Persons, Wagemann, 1930,104-105).
30L’empirisme prévisionnel est rejeté au profit d’un objectif d’explication théorique des mouvements économiques. Aux États-Unis, le motif prévisionnel est prédominant alors qu’en Europe, nous assistons à des débats théoriques pour expliquer le cycle économique. Dans cette perspective, l’approche purement statistique (en utilisant le coefficient de corrélation) de Persons ne suffit pas [19]. Il faut par conséquent avoir recours à la théorie pour comprendre le mouvement et non pas s’en tenir aux calculs de corrélation entre les séries. Finalement, il a été adopté lors de la deuxième séance plénière du 23 août 1929, la construction d’un baromètre économique comportant beaucoup plus d’indicateurs que celui de Persons et :
« qu’en outre, elle [la Commission] prenne l’avis d’autres personnes qualifiées par leur compétence économique, au point de vue soit de la théorie, soit de la pratique » (Bowley, Breisky, Gini, March, Persons, Wagemann, [1930,158]).
32Ainsi, la théorie doit jouer un rôle important dans l’explication et la compréhension des cycles économiques. Afin de valider l’idée selon laquelle la théorie économique est associée à l’analyse conjoncturelle en Europe, il me semble important d’analyser un cas représentatif qui est la méthode de l’institut de conjoncture de Berlin – institut le plus grand d’Europe – dirigé par Wagemann.
33Wagemann dirige l’Institut de Conjoncture de Berlin dès sa création en 1925 et il contribue à hisser celui-ci parmi les plus importants d’Europe dans les années 1930. L’histoire du développement de cet institut de conjoncture s’inscrit dans la reconstruction de l’État Allemand au cours de la République de Weimar (1918-1932). Comme on le verra par la suite, elle est résolument tournée vers l’analyse macro économique. Le bureau statistique du Reich dans les années 1920-1930 a pour objectif de travail la centralisation des données des landers et leurs transformations en données nationales agrégées. On assiste à la volonté de l’État de créer un système de comptabilité nationale. Suite à l’hyper-inflation allemande qui s’est produite entre 1922 et 1923, la République crée en 1925 l’institut IfK (Institut für Konjunkturforschung) pour la recherche sur le cycle économique. Il sera dirigé par Wagemann. Cet institut de conjoncture sera l’un des garants de la nouvelle République dans la mesure où sa fonction est de centraliser les différentes statistiques économiques et sociales de façon à fournir une image claire de l’activité allemande. Ainsi, on assiste à un rapprochement entre l’expertise économique et le pouvoir politique dans la mesure où le gouvernement souhaite connaître l’état de santé de la nouvelle République de façon à pratiquer des politiques économiques interventionnistes. Ainsi, le ministère des affaires économiques développe en 1927 un plan de stabilisation économique et attribue un rôle important à l’institut pour analyser les décisions de politiques économiques. Plus précisément, Tooze [1999] explique que la création de l’institut de conjoncture allemand est unique en son genre tant dans son importance – ce sera le plus important d’Europe – que dans ses prérogatives. Cela se traduit par des synergies fortes entre la démarche empirique et la recherche économique pour des finalités de politique économique. Les liaisons statistiques et théoriques forment le noyau central des objectifs de l’institut. Ses objectifs sont tournés non seulement vers l’analyse de la conjoncture mais aussi vers la constitution d’une base de données macro-économiques destinées en partie aux instances internationales qui s’occupent de fixer les montants des réparations que doit verser l’Allemagne aux vainqueurs de la première Guerre Mondiale.
2.2. Les fondements du baromètre de Wagemann : l’analogie « organo-biologique »
34La volonté de Wagemann est la construction « d’une science du mouvement économique » (Wagemann, [1932,6]) qui se caractérise par l’étude d’un système complet. Il utilise pour cela une analogie« organo-biologique » pour construire son système d’analyse du mouvement cyclique, une analogie basée sur la représentation de l’économie comme un organisme. La conséquence majeure de l’utilisation de cette analogie est qu’elle implique un état d’équilibre autorégulé. Plus précisément, Wagemann considère l’économie comme un système organisé où le mouvement est la règle et fait partie de la vie économique. Ainsi, il adopte une approche « symptomatique » du mouvement :
« En utilisant la théorie des symptômes, la théorie du cycle des affaires procède comme un médecin qui, bien qu’ignorant les causes de la maladie, peut néanmoins s’en faire une idée générale, apercevoir une sorte de physionomie de la maladie, en rassemblant tous ses symptômes. De même, en observant le cycle des affaires, on essaye d’établir tout d’abord les configurations, les diverses physionomies (phases) du mouvement » (Wagemann, [1932,27]).
36Néanmoins, le mouvement est considéré comme faisant partie intégrante de la vie économique et ne signifie pas un état anormal de la société. Ainsi,
« tandis que, dans les anciennes théories, on considérait les oscillations économiques comme quelque chose d’anormal, comme des phénomènes pour ainsi dire morbides, entièrement imputables à quelque défaut du système, la théorie moderne du mouvement des affaires, comme nous l’avons déjà dit, les considère comme un élément constant et en quelque sorte normal de la vie économique ». (Wagemann, [1932,10]).
38L’analogie « organo-biologique » permet à Wagemann d’adopter un cadre méthodologique particulier. Et ceci influencera la façon de considérer le mouvement cyclique. Il se différencie tout d’abord de l’approche de Persons dans la mesure où il n’adopte pas le même schéma de découpage d’une série temporelle. Si Persons tient compte de l’élément de la tendance, du cycle, des variations saisonnières, des variations erratiques, Wagemann procède différemment à son découpage. Il distingue les variations non périodiques des mouvements périodiques. Les premières peuvent être continues (elles relèvent de la croissance, du développement d’une économie) ou discontinues (durables ou passagères). Quant aux seconds, ils peuvent revêtir la forme d’un « rythme forcé » (fluctuations saisonnières) ou « libre » (cycle des affaires). L’enjeu de ce choix méthodologique est important puisqu’il préfigure la façon dont le mouvement cyclique sera abordé par Wagemann. En effet, ce dernier est considéré en tant que variation périodique matérialisée par un rythme libre. Cela signifie qu’il n’est pas contraint par un phénomène extérieur mais qu’il résulte plutôt du milieu interne dans lequel il se situe. L’approche cyclique de Wagemann s’explique par l’utilisation de l’analogie « organo-biologique » selon laquelle le mouvement économique est un élément d’ensemble et non un phénomène résiduel, comme cela était le cas pour Persons :
« Ces opérations de calcul mathématique, par lesquelles on obtient des formes différentes du mouvement, ne sont au fond que des abstractions très audacieuses – pour ne pas dire des fictions – car, en réalité, le mouvement économique nous apparaît toujours comme un tout [20]. » (Wagemann, [1932,67])
40L’analogie « organo-biologique » dicte en quelque sorte une décomposition temporelle particulière et incite à un regard « symptomatique » – physiologique – du mouvement économique. Plus particulièrement, Wagemann insiste sur le comportement cyclique général des séries chronologiques soumises à analyse. Wagemann suit les rythmes économiques qui sont alors considérés comme étant harmonieux et faisant partie de la vie économique et sociale en général. Ce point est fondamental puisque nous pouvons mettre en évidence une nouvelle caractéristique du baromètre de Wagemann : c’est le concept de l’équilibre. L’analogie « organo-biologique » postule un système autorégulé. Les mouvements des séries temporelles qui composent le baromètre économique sont alors considérés comme des réactions simultanées dans un environnement à l’équilibre. En conséquence,
« en considérant le tableau d’ensemble de tous les phénomènes (...), on aperçoit un cycle déterminé dans le mouvement économique. On peut donc définir ce cycle comme caractérisant un ensemble de phénomènes de réaction économique » (Wagemann, [1932,22]).
42Ceci est très important puisque le baromètre économique de Wagemann représente l’enchaînement des prises de décisions des agents dans un système qui s’autorégule mais comme les agents économiques interviennent constamment sur le marché, le mouvement devient la norme.
43Le graphique no 2 présente le baromètre économique allemand. Les dix graphiques présentent les diverses réactions des agents – en agrégé – sur l’ensemble des « marchés de l’argent » et « des biens ». A première vue, cette étape « symptomatique » peut se rapprocher du baromètre de Harvard dans la mesure où on retrouve en partie et de façon plus précise chez Wagemann les mêmes éléments constitutifs des courbes. Plus précisément, à titre d’illustration, la courbe A de la spéculation chez Persons est constituée des crédits et débits des banques et des cours des actions industrielles. Wagemann utilise aussi ces données temporelles mais il ne les place pas en un indice unique. Il dispose ces séries sur des graphiques distincts [21]. Cette particularité méthodologique de Wagemann s’explique par l’utilisation de l’analogie « organo-biologique ». Ainsi, elle suppose tout d’abord – nous l’avons explicité auparavant – que le système est autorégulé. Cela signifie que les mouvements constatés par le baromètre économique ci-dessus sont considérés comme des réactions agrégées des agents sur les marchés. Par ailleurs, cette analogie présente ces mouvements comme faisant partie d’un tout – ou d’un corps organique – et dont les parties constitutives doivent être reliées par des « liaisons fonctionnelles » qui unissent l’ensemble des mouvements au corps économique global. Et comme nous allons le voir dans la section suivante, ce sont ces « liaisons fonctionnelles » qui vont ouvrir la voie à une interprétation théorique des mouvements économiques.
Le Baromètre économique de Wagemann
Le Baromètre économique de Wagemann
44Ainsi, s’il apparaît clairement que Wagemann s’est inspiré des travaux de Persons, c’est pour mieux s’en détacher. Plus précisément, le fait de considérer le mouvement cyclique comme un phénomène complexe autonome et non pas comme un résidu indépendant des autres éléments de la série chronologique s’explique par l’analogie utilisée par Wagemann. Cette dernière permet la construction d’un baromètre économique servant des objectifs de théorie économique.
2.3. La construction du baromètre pour un usage particulier : un support à l’analyse théorique du cycle économique
45L’« approche symptomatique » – caractérisée par le baromètre économique – accompagnée de l’analogie « organo-biologique » permet à Wagemann de satisfaire ses objectifs d’explication théoriques des cycles économiques. En d’autres termes, il poursuit l’investigation économique en recherchant « les rapports intimes des phénomènes » (Wagemann, [1932, 28]), en s’appuyant sur la « théorie fonctionnelle », qui
« aura donc pour but d’analyser le système des déterminations réciproques des variations économiques » (Wagemann, [1932,30]).
47Afin de caractériser les liaisons explicatives entre les phénomènes économiques, Wagemann représente un véritable système de flux où les échanges entre les symptômes peuvent s’opérer. Plus précisément, l’analogie « organo-biologique » lui permet de considérer les mouvements économiques comme des réactions à l’équilibre des différents agents sur les différents marchés. Ainsi, si les mouvements sont en équilibre, Wagemann adopte un schéma d’inter-relation entre les symptômes de façon à ce que ces derniers soient toujours considérés comme étant à l’équilibre. Selon Wagemann, il est possible de construire un schéma de fonctionnement de l’économie à l’équilibre, c’est-à-dire de faire en sorte que les liaisons entre les symptômes soient considérées comme des flux. Ainsi, l’économie globale est un corps vivant qui s’autorégule par un système de flux entre les parties constitutives de ce corps. A titre d’illustration, Wagemann représente le circuit monétaire de la façon suivante [22].
48Le graphique no 3 présente les échanges monétaires. Ils s’effectuent au travers deux modes de circuit. Le premier rend compte des « flux circulaires du revenu [23] ». La lecture se fait de la manière suivante. Le revenu se définit comme étant la somme des dépenses de consommation et du montant de l’épargne. La consommation se destine à des biens de consommation courante. Quant à l’épargne, elle est placée à un certain taux d’intérêt [24]. Wagemann suppose donc que l’investissement est direct et ne nécessite pas de délai entre l’utilisation de l’épargne pour investir et l’acquisition d’une machine outil par exemple. Dans ce cas, c’est par le canal du marché des biens que s’effectuera l’échange. Néanmoins, l’épargne peut être théorisée pour donner lieu à un rendement particulier. Le canal utilisé est donc le marché du crédit [25] – la flèche du bas sur le graphique – lequel va influencer le niveau des prix des biens et services. En ce qui concerne le second circuit – les flux des capitaux financiers [26] – il est relié avec celui des revenus par le marché des matières premières mais aussi par le montant de l’épargne placé sur le marché monétaire. Cela signifie que les crédits accordés aux entrepreneurs leur permettent d’acheter les matières premières nécessaires à la production du produit final.
Les échanges monétaires
Les échanges monétaires
49Le système de circuit permet de lier les éléments économiques entre eux. Nous pouvons affirmer que Wagemann se situe dans un raisonnement économique théorique où c’est la demande – par l’intermédiaire de la consommation – qui prend une place importante dans l’impulsion du circuit [27]. Etant donné la liaison établie, il suffit à Wagemann d’utiliser les théories existantes pour véritablement expliciter les mouvements des deux parties que l’on peut constater symptomatiquement avec le baromètre économique (graphique no 2). Ainsi, l’influence de l’épargne s’analyse au travers les mouvements du crédit et du comportement de l’agent face à ses objectifs de consommation. Wagemann [1932,32] fait appel alors à la théorie de Hobson selon laquelle les cycles économiques peuvent s’expliquer par le comportement des agents pour utiliser leur revenu. La part de ce qui est consommé et épargné joue un rôle clef dans les mouvements économiques. Plus précisément, nous avons constaté ci-dessus que Wagemann posait pour hypothèse que l’épargne s’investissait directement sans délai afin de produire des biens d’équipement. Cette conception permet à Wagemann [1932,33] d’utiliser la théorie de Cassel selon laquelle des perturbations d’ajustement économique peuvent survenir dès lors qu’il existe un disfonctionnement entre la formation de l’épargne et la réalisation des moyens de production.
50Ce qui est important ici, c’est que Wagemann utilise la « théorie fonctionnelle » pour connaître comment s’effectuent et se propagent les mouvements à l’intérieur de l’organisme économique. Précisément, comme le précise Wagemann,
« que ces diverses théories ne comprennent que des relations fonctionnelles, la démonstration en a été faite avec beaucoup de perspicacité par Löwe (...). Ces théories fonctionnelles contiennent toutes une part de vérité » (Wagemann, 1932, 33).
52En aucune manière, il ne souhaite connaître pourquoi il y a mouvement. Ce qui l’intéresse, c’est que ces relations fonctionnelles permettent d’engager des débats de théorie économique. Ainsi, pour reprendre notre exemple précédent, Wagemann croit en la « liaison fonctionnelle » entre le montant de l’épargne, de l’investissement et de la production de biens. Si des perturbations surviennent, elles peuvent s’expliquer par la théorie de Cassel par exemple. Néanmoins, ces perturbations se caractérisent par des tensions entre ces variables. Elles se constatent alors sur le baromètre économique dans la mesure où ces séries sont soumises à fluctuations. Inévitablement, ces tensions se propagent à d’autres variables et ainsi de suite, le mouvement devient la règle et non pas une situation économique anormale. Les « relations fonctionnelles » diffusent le mouvement.
53Ainsi, Wagemann ambitionne de réconcilier la démarche empirique – l’analyse « symptomatique » – et la dimension théorique – l’analyse « fonctionnelle » – au travers son système de circuit. Plus précisément, le fait qu’il utilise l’analogie « organo-biologique » lui donne la possibilité de faire l’hypothèse que les mouvements font partie de la vie économique et qu’en aucune manière, ils sont synonymes d’un mauvais fonctionnement de celleci.
54Nous avons analysé deux usages possibles des baromètres économiques. Nous avons commencé par les travaux de Persons à Harvard. Celui-ci utilise le baromètre en tant que support à l’analyse prédictive. Cette finalité particulière de cette approche contraint les chercheurs à se désengager du support de la théorie économique. En effet, la construction du baromètre est faite de telle façon qu’il devient une fin en soi et acquiert un statut d’indépendance vis à vis de la théorie économique. Cette voie d’analyse basée sur des fondements exclusivement statistiques sera reprise en Europe mais avec une particularité dans l’usage du baromètre : son utilisation constituera un support à l’analyse théorique des cycles. Les travaux de Wagemann illustrent ce cas de figure.
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Mots-clés éditeurs : modèle, baromètres économiques, historie de l'économie statistique, cycles économiques
Mise en ligne 01/01/2009
https://doi.org/10.3917/redp.165.0613Notes
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[*]
GEAPE (Université d’Angers) et Erudite (Université Paris XII Val-de-Marne). eeric. chancellier@ free. fr. Je remercie Philippe Le Gall et Philippe Adair ainsi que les deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques et commentaires instructifs.
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[1]
1878-1937, statisticien et économiste. Il étudie à l’université du Wisconsin. Consultant économique, il est considéré comme le précurseur de la méthode des baromètres économiques (Morgan, [1990]).
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[2]
Le cycle est par conséquent un phénomène résiduel et s’obtient de la façon suivante : Cycle économique = [(observations - série ajustée des variations saisonnières et du trend) / variance de la série] *100.
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[3]
Le support graphique est important chez Persons en tant que première approche – avant de recourir aux calculs des cœfficients de corrélation – pour la recherche de la causalité. Persons (1919b, 121) superpose sur un support lumineux les cycles des différentes variables afin de constater visuellement les synchronisations temporelles optimales. On peut se référer à l’article de Morgan [1997] pour comprendre de quelle manière, au début du XXe siècle, l’utilisation des graphiques et la comparaison des courbes seront utilisées à des fins de recherche de causalité. Chancellier [2006] pointe l’importance du support graphique pour la recherche des causalités dans l’élaboration des premiers baromètres économiques américains.
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[4]
Notre traduction.
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[5]
Plus précisément, Hooker est confronté aux problèmes de la covariation. Il constate que les corrélations deviennent caduques dès lors que les séries temporelles présentent des tendances inverses alors que les mouvements cycliques sont synchrones entre eux. Ainsi, les phénomènes de tendances peuvent générer des perturbations concernant le coefficient de corrélation. Un des moyens de préserver l’efficacité du coefficient de corrélation est de procéder à une séparation entre le cycle et la tendance. Armatte précise que le souci de préserver l’efficacité de la corrélation a engendré au début du XXe des nouvelles procédures statistiques de filtrage – moyenne mobile, tendance linéaire – de façon à obtenir le phénomène cyclique qui est en fait l’écart entre les observations et le filtre utilisé.
-
[6]
Notre traduction.
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[7]
Le Gall [1994] met en perspective ces controverses avec la question du déterminisme. Plus précisément, il explique que cette période est un tournant méthodologique dans la mesure où on assiste à une lente érosion du déterminisme en économie et que celle-ci s’accompagne de l’éclosion de nouvelles façons de se représenter le monde. En particulier, Le Gall constate que la montée en puissance de l’indéterminisme a donné la priorité à l’induction statistique basée sur des probabilités fréquentistes.
-
[8]
Cette période comprend l’essor du baromètre de Harvard qui s’est produit en 1919.
-
[9]
On peut avoir deux conceptions des probabilités. La première est qualifiée de subjective. Elle considère la probabilité comme un degré de croyance et peut porter sur un élément unique. La seconde – la probabilité fréquentiste – considère la probabilité comme un état de nature. Elle s’obtient par des calculs issus de tirages répétés d’un même événement.
-
[10]
En utilisant l’inférence statistique fréquentiste, conformément à la loi Normale, le coefficient de corrélation r est significatif s’il est six fois supérieur à son erreur probable définie par la formule suivante : 0,674 × ( 1 ? r2 ) / = n. Avec n représentant le nombre de variables (Persons, [1919b, 126]).
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[11]
Notre traduction.
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[12]
La méthode des moindres carrés est utilisée pour déterminer la tendance linéaire de la série temporelle.
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[13]
La principale critique de Keynes envers l’inférence statistique fréquentiste porte sur le problème de l’homogénéité des événements économiques dans le temps. Plus précisément, la méthode de la corrélation est valide uniquement dans ce cas de figure. Keynes réfute ce point de vue et adopte une analyse probabiliste en terme de degré de croyance (Klein, [1997, 204]).
-
[14]
Notre traduction.
-
[15]
Notre traduction.
-
[16]
Il est intéressant de remarquer que les articles concernant le baromètre de Harvard (Persons, [1927,1931] ; Bullock et Crum, [1932] ; Bullock, Crum, Persons, 1927 ; Crum, [1927]) apparus après l’article de Persons [1924] ne mentionnent plus les coefficients de corrélation et leur degré de significativité conformément à la loi Normale. La démarche d’analyse conjoncturelle est plus tournée vers la description des mouvements économiques.
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[17]
Notre traduction.
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[18]
Russie 1920, Suède 1922, Angleterre 1923 (London School of Economics), France 1923 (Paris), Allemagne 1925 (Institut für Konjunkturforschung de Berlin), Italie 1926 (Rome), Autriche, Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie (début des années 30).
-
[19]
Kohn critique par exemple le baromètre économique de Harvard : « La cause [du manque de fiabilité du baromètre de Persons] la plus importante en est l’instabilité des connexions ou corrélations que nous pourrions établir entre les différents éléments du marché par voie d’une analyse statistique. » (Kohn in Bowley, Breisky Gini, March, Persons, Wagemann, [1930,106]).
-
[20]
Armatte [1992] montre en particulier de quelle façon l’adoption d’un principe biologique définit un système auto-régulé et permet alors de se passer de la notion de causalité pour aborder le phénomène cyclique. Cela se vérifie dans les travaux de Wagemann dans la mesure où il privilégie l’étude du système interne. Ce sont les liaisons basées sur des éléments de théorie économique qui sont sujettes à la plus grande attention des chercheurs pour comprendre le mouvement cyclique. Quant à la recherche causale, elle n’est pas déterminante puisque c’est la structure interne qui définit le mouvement économique. « C’est pourquoi la recherche des causes est en quelque sorte à la limite de la science du rythme économique. » (Wagemann, [1932,51])
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[21]
Il en est de même pour les courbes B et C de Persons. Wagemann tient compte des mêmes séries mais il ne les regroupe pas sous des indices uniques.
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[22]
Wagemann utilise un double circuit : un circuit monétaire et un circuit de la production. L’intersection de ces deux circuits se porte sur le marché des marchandises.
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[23]
Circular flow of income sur le graphique n o 3.
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[24]
On remarque sur le graphique que les investissements correspondent aux montants de l’épargne. Précisément, « en règle générale, les épargnes sont ’investies’ à un certain taux d’intérêt » (Wagemann, 1930,47) notre traduction.
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[25]
Marché monétaire et marché des capitaux.
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[26]
Movement of Finance Capital sur le graphique n o 3.
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[27]
Pour être encore plus précis, Wagemann donne une importance prépondérante à la « création de l’argent » dans son système économique. Ce sont les décisions gouvernementales sur la politique des devises, des prix, des salaires, des impôts qui vont servir de système de financement et de régulation à l’ensemble de l’économie.