Notes
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[*]
Chercheur, IRES, Noisy le Grand.
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[1]
Cf. Becker [1964] p. 18.
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[2]
L’évaluation du surcroît de productivité généré par l’investissement en formation est rendue difficile par le caractère souvent collectif du travail et par l’incertitude croissante affectant cette évaluation lorsqu’on s’éloigne de la période d’investissement. La définition du taux d’actualisation se heurte à la difficulté d’évaluer le risque attaché à l’investissement.
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[3]
Ils comprennent également le coût du licenciement, correspondant à une contribution à l’assurance-chômage en contrepartie du licenciement (Oi [1962], p. 88).
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[4]
Cette substitution implique un coût fixe, correspondant aux coûts de licenciement et de recrutement, et un coût salarial total plus élevé. La formation de la main-d’œuvre en place implique un coût de formation.
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[5]
L’asymétrie peut aussi porter sur l’impossibilité pour le salarié de vérifier l’observation par le principal de la production réalisée, notamment lorsque cette production est réalisée en équipe, comme dans le modèle d’incitation par la promotion de Malcomson [1984]. Dans le cas des tournois biaisés, l’asymétrie porte sur les différences de capacité des travailleurs (Meyer [1991]).
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[6]
Le travailleur favorisé bénéficie d’un avantage (« biais ») sous la forme d’une constante positive ajoutée à sa production individuelle.
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[7]
L’unicité du profil de rémunération est obtenue en relâchant les hypothèses très fortes de concurrence et de perfection de l’information. Lazear [1981] précise ainsi que l’imperfection de l’information sur les manquements de la firme, les contraintes pesant sur l’emprunt et les effets de l’imposition impliquent une solution unique.
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[8]
C’est-à-dire un travailleur dont le salaire excède la productivité marginale en valeur. La théorie des contrats à paiement différé est ainsi la seule à offrir une définition du travailleur vieillissant.
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[9]
A la suite par exemple d’un accident du travail qui crée une inaptitude partielle, ou d’une rupture technologique qui dévalorise une partie des compétences détenues.
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[10]
Ceci justifie, dans le dispositif français de préretraite progressive, l’indemnisation partielle du salarié par le Fonds National de l’Emploi, et surtout la fixation par certaines entreprises de primes au passage en préretraite progressive d’autant plus faibles que le salarié est proche de la retraite (cf. l’étude de la mise en place de la préretraite progressive dans des filiales d’un grand groupe chimique in Burdillat et Charpentier [1995]).
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[11]
Il s’agit donc d’une « subvention implicite » pour reprendre l’expression de Gautié [2002].
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[12]
Cette possibilité est notamment envisagée par les entreprises japonaises employant « à vie » leur personnel.
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[13]
Pour l’une des rares études empiriques sur le rôle joué par le système de promotion dans la discrimination sexuelle et raciale, on pourra voir Kelley [1982].
1Objet d’un intérêt limité pendant une longue période, l’emploi des travailleurs âgés est aujourd’hui devenu une question d’actualité. Le vieillissement démographique, la diminution prévue de la population active, leurs conséquences notamment sur le financement des retraites ainsi que pour certains pays l’existence de pénuries de main-d’œuvre ont finalement attiré l’attention sur la participation au marché du travail de ces travailleurs. L’objectif fixé par l’Union européenne en mars 2001 d’un taux d’emploi de 50 % en moyenne pour les 55-64 ans est révélateur de la pression exercée pour les maintenir sur le marché du travail.
2Pour les pays qui ont largement recouru aux cessations anticipées d’activité, sous diverses formes, l’enjeu est à présent de faire basculer les pratiques, et en premier lieu celles des entreprises. Faut-il subventionner l’embauche de ces salariés, créer des « emplois vieux », favoriser leur accès à la formation ? Répondre à cette question exige au préalable un diagnostic sur les déterminants des comportements existants. De nombreux éléments peuvent être avancés, notamment le plus faible niveau de formation des salariés âgés, leur coût salarial trop élevé par rapport à leur productivité marginale, par rapport aux salariés plus jeunes, la nécessité d’ajuster quantitativement et/ou qualitativement la main-d’œuvre, l’existence d’une discrimination fondée sur l’âge (Jolivet [2001]). Nous proposons ici de centrer l’analyse sur le rôle de l’âge comme critère de sélection dans le cadre de la relation d’emploi. En quoi les décisions des entreprises conduisent-elles à exclure les salariés plus âgés de l’emploi ? Les décisions de l’entreprise en matière de formation et de promotion sont ici jugées centrales, parce qu’en contribuant à modeler les capacités productives des salariés, elles ont un impact sur les décisions de recrutement et de licenciement.
3De nombreux travaux sur la relation d’emploi ont visé à expliquer la déconnexion entre la productivité instantanée et la rémunération. Ces modèles, développés séparément, n’abordent pas directement l’âge. Cependant certains d’entre eux permettent d’appréhender le déroulement temporel de la relation salariale, offrant ainsi une entrée à la prise en compte de l’âge. C’est le cas de la théorie du capital humain, de l’analyse du travail comme facteur quasi-fixe, des modèles de tournoi, de contrat à paiement différé et de l’analyse du marché interne. D’autres en revanche ne se situent pas dans une perspective dynamique, tels que les salaires d’efficience ou l’analyse insiders/outsiders, et sont donc écartés.
4Les modèles retenus sont mobilisés dans une perspective d’enrichissement progressif. Nous considérons d’abord l’accès à la formation, financée par l’entreprise, et ses conséquences sur l’embauche et le licenciement de salariés âgés (1re partie). Puis nous nous intéressons plus largement à la carrière individuelle en intégrant la possibilité de progresser sur des emplois hiérarchisés (2e partie), passant d’une approche individuelle à une approche plus collective avec la notion de marché interne.
1. Formation, embauche et licenciement
5L’un des arguments fréquemment avancés pour expliquer la situation des travailleurs plus âgés tient à leur moindre niveau de formation. Dans quelle mesure ont-ils accès à une formation financée par l’entreprise (1.1) ? Quel est l’impact du financement de la formation par l’entreprise sur le licenciement et l’embauche de salariés âgés (1.2) ? A quelles conditions est-il préférable de former la main-d’œuvre en place plutôt que de lui substituer une main-d’œuvre mieux formée (1.3) ?
1.1. Un investissement en capital humain plus limité pour les salariés plus âgés
6La théorie du capital humain constitue la principale approche économique des choix de formation des entreprises. En effet, dans le cas d’un investissement dit « spécifique », l’accroissement du capital humain se traduit par une plus forte augmentation de la productivité du travailleur dans l’entreprise qui le forme. Un investissement en formation post-scolaire n’est le plus souvent ni complètement spécifique ni complètement général, cependant, dès lors que cet investissement accroît davantage la productivité dans l’entreprise qui le réalise, on peut considérer qu’il est spécifique [1]. Pour inciter le salarié à se former et limiter pour l’entreprise le risque qu’il parte après la formation, le financement est partagé entre le salarié et l’entreprise, dans une proportion qui dépend de l’importance de la composante spécifique.
7Du point de vue de l’entreprise, un investissement est d’autant plus avantageux que la période de rentabilisation est longue, que le taux d’actualisation est bas et que les recettes nettes produites par l’investissement sont élevées. Lorsque l’investissement en capital humain est au moins partiellement financé par l’entreprise, c’est principalement la durée prévisible de la relation d’emploi qui est prise en compte [2]. Ainsi, Mincer et Ofek [1982], en comparant les évolutions de salaire selon que la carrière est interrompue ou non, montrent que dans le cas d’une interruption anticipée la progression du salaire est ralentie avant même que cette interruption ait lieu, indiquant un ralentissement antérieur de l’investissement en capital humain. Un salarié aura ainsi d’autant moins accès à une formation que l’entreprise sait ou anticipe que le terme de la relation d’emploi est proche, et que le coût de la formation est élevé soit du fait d’investissements antérieurs plutôt faibles, soit en raison d’une obsolescence du capital humain. L’anticipation d’une fin d’activité plus précoce (abaissement de l’âge de la retraite, développement de dispositifs de sortie anticipée) contribue à ralentir plus tôt l’investissement en capital humain.
8Cependant la durée d’emploi retenue pour décider d’un investissement en formation ne correspond pas nécessairement à la durée résiduelle d’activité pour le salarié. La durée prévisible de la relation d’emploi ne dépend donc pas seulement de l’âge du salarié, mais aussi du mode de gestion de la main-d’œuvre (nature des recrutements, des sorties, degré de stabilisation). Par ailleurs, les sommes qu’une entreprise peut engager au titre de la formation sont généralement insuffisantes pour financer tous les investissements rentables. Une sélection supplémentaire des individus est alors nécessaire, tendant à exclure plus fréquemment les salariés vieillissants, soit parce qu’ils disposent d’un capital humain plus important, du fait de leur expérience professionnelle notamment, soit parce que la période de rentabilisation est plus réduite.
9Le moindre accès à la formation continue des salariés âgés est confirmé par les statistiques disponibles : en France, cet accès baisse à partir de 45 ans et chute à partir de 55 ans (Lainé [2002]). Cependant, on constate que cette inégalité d’accès n’est pas vraie partout. Les pays scandinaves constituent ainsi une exception notable, qui pourrait s’expliquer à la fois par un âge de départ en retraite plus élevé et par un effort beaucoup plus important en faveur de la formation. En France, plus les dépenses de formation sont élevées, plus la probabilité pour un salarié de 45 ans et plus d’accéder à une formation est forte (Aventur [1994]).
1.2. L’investissement en formation implique une sélection sur l’âge des embauches et des licenciements
10Lorsqu’une entreprise investit en formation spécifique, cela favorise-t-il le maintien en emploi des salariés âgés ? L’analyse du travail comme facteur quasi-fixe (Oi [1962]) apporte des éléments de réponse à cette question.
11Les coûts de recrutement [3] et de formation constituent pour l’entreprise des coûts fixes, indépendants de la durée d’emploi d’un travailleur. Ces coûts fixes provoquent un décalage entre recette marginale et coût marginal et conduisent la firme à pratiquer une optimisation intertemporelle et non plus instantanée des profits. Le facteur travail est donc un facteur non plus variable mais quasi-fixe, ce qui justifie notamment des pratiques d’embauche et de licenciement différenciées selon les individus.
12Variable centrale de l’analyse de Oi, le degré de fixité dépend des choix de l’entreprise en matière d’embauche et de formation. Selon Oi, le degré de fixité dépend du niveau des coûts fixes, et en particulier du degré de spécificité des qualifications. Cependant la structure des coûts fixes, c’est-à-dire leur partage entre dépenses de formation et dépenses d’embauche, intervient également (Galtier [1995]). En effet, la formation n’est pas nécessairement dispensée seulement au moment de l’embauche, même si Oi ne considère que ce seul cas de figure. Les dépenses correspondantes ne sont donc pas toutes amorties sur le même nombre de périodes que les dépenses d’embauche. Par conséquent, plus la part relative des dépenses de formation est forte, et plus la période à laquelle la formation est dispensée est éloignée de la date d’embauche, plus la durée d’amortissement de l’ensemble des coûts fixes doit être élevée.
13L’existence des coûts fixes contraint l’entreprise à sélectionner les candidats à l’embauche en fonction de leur horizon d’emploi. En effet, l’amortissement des coûts fixes ne peut se faire que si la durée d’emploi prévue par le futur salarié est au moins égale à celle qui est anticipée par l’entreprise. Toute caractéristique individuelle permettant d’informer l’entreprise sur la concordance des horizons temporels doit donc être utilisée pour sélectionner les candidats à l’embauche. Oi considère notamment que l’âge est un indicateur pertinent. Un candidat très jeune offre la possibilité d’une durée d’emploi très longue, mais il est également plus susceptible de quitter l’entreprise avant l’amortissement des coûts fixes d’emploi engagés. A l’inverse, les salariés âgés ont une plus grande stabilité mais leur durée d’emploi anticipée est plus faible que celle des salariés d’âge moyen. L’existence des coûts fixes justifie donc une sélection à l’embauche en fonction de l’âge écartant à la fois les candidats jeunes et les candidats âgés.
14L’amortissement des coûts fixes implique également de sélectionner les salariés formés. Au fur et à mesure de l’avance en âge, la durée résiduelle d’emploi diminue. En revanche, la formation de salariés vieillissants accroît les coûts fixes à amortir. Ces salariés seraient alors moins susceptibles d’être licenciés que des salariés plus jeunes mais moins formés, alors que leurs coûts fixes d’emploi sont plus fortement amortis. Même s’ils peuvent acquérir tout aussi vite les connaissances nouvelles qui leur sont nécessaires, les salariés plus âgés tendent donc à avoir moins accès à la formation et à bénéficier d’actions de formation plus légères. Le souci de préserver les possibilités d’ajustement des effectifs les plus intéressantes pour l’entreprise conduit ici à retrouver les conclusions de l’analyse du capital humain.
15Enfin, l’existence des coûts fixes détermine la durée réelle de la relation d’emploi. Dans la mesure où la baisse de la demande s’accompagne d’une baisse du prix de vente, une réduction des effectifs peut être nécessaire. Selon Oi, cette réduction touche d’abord la main-d’œuvre variable, puis parmi la main-d’œuvre quasi-fixe les salariés caractérisés par un degré de fixité faible. Plus la réduction de la demande est forte et durable, plus les salariés à fort degré de fixité sont susceptibles d’être atteints. Oi ne considère pas dans ce cas les différences d’âge entre salariés. Or, si la réduction d’effectifs atteint la main-d’œuvre quasi-fixe, l’entreprise peut avoir intérêt, à degré de fixité donné, à licencier en priorité un salarié âgé plutôt qu’un salarié jeune, les coûts fixes associés à l’emploi d’un salarié âgé étant soit en majeure partie amortis, soit amortissables sur une durée beaucoup plus faible. La décision de rompre la relation d’emploi dépend alors non seulement de l’ampleur du choc sur la demande, du degré de fixité mais aussi de la durée résiduelle d’amortissement des coûts fixes.
16L’entreprise peut cependant modifier ses choix en matière de formation et de recrutement de façon à modifier la structure des coûts fixes. Le relèvement du niveau de qualification exigé à l’embauche permet par exemple de réduire les dépenses de formation, même si en contrepartie une sélection plus fine des candidats élève le niveau des coûts de recrutement. La substitution entre coût d’embauche et coût de formation permet alors de réduire la durée d’amortissement des coûts fixes. Par ailleurs, une participation des salariés au financement de leur formation, envisagée par Oi comme un moyen de réduire les démissions, permet également d’alléger le poids des coûts fixes pour l’entreprise. Cependant, plus le financement à la charge du salarié est important, plus un salarié âgé écartera les formations lourdes qui ne seraient amorties que sur un nombre de périodes supérieures à celles qu’il lui reste à travailler. Le partage du financement de la formation, s’il réduit la sélection par la firme des bénéficiaires de la formation selon leur âge, accroît la possibilité d’une auto-exclusion des salariés âgés.
17Alors que la formation implique une certaine stabilisation des salariés formés, les critères d’embauche et de licenciement, voire d’accès à une formation, privilégient l’intégration ou le maintien dans l’entreprise des salariés à longue durée d’emploi potentielle. L’analyse des pratiques de rupture de la relation d’emploi et d’embauche proposée par Oi n’est cependant valable que pour les entreprises finançant uniquement des formations spécifiques.
1.3. Financer une formation générale pour les salariés plus âgés ?
18Pour la théorie du capital humain, seul un investissement en formation spécifique justifie un financement par l’entreprise. Dans la mesure où les salariés des générations âgées actuelles ont un niveau de diplôme plus faible en moyenne, un investissement en formation générale peut cependant être avantageux pour l’entreprise. Il existe en effet des interactions entre compétences générales et compétences spécifiques (Acemoglu, Pischke [1998]). Si l’on considère en particulier que tout travailleur aura au cours de sa vie à faire face à des situations nouvelles générant des coûts d’adaptation, un accroissement du niveau de formation générale des salariés permet de réduire ces coûts d’adaptation. L’analyse développée par Stankiewicz [1995] permet d’analyser l’arbitrage que doit réaliser une entreprise confrontée à des besoins accrus de formation générale.
19Si cette entreprise anticipe que les adaptations nécessaires deviendront plus fréquentes, c’est-à-dire que la probabilité d’apparition de situations inédites s’accroît, le niveau de formation désiré augmente. L’entreprise se trouve alors face à une alternative pour minimiser la somme du coût salarial et du coût d’adaptation : licencier le salarié en place dont le niveau de formation est désormais insuffisant pour faire face aux adaptations plus fréquentes, et le remplacer en recrutant un salarié disposant du niveau de compétences désormais nécessaire, ou former le salarié en place [4].
20La politique de « transformation qualifiante » sera préférée à la politique de substitution de la main-d’œuvre lorsque le coût de la seconde excédera celui de la première sur la durée prévisionnelle d’emploi. Le choix de former les salariés en place dépend alors de deux types de variables : d’une part les coûts d’ajustement, d’autre part le degré de reconnaissance des qualifications acquises, c’est-à-dire l’augmentation de salaire qui résulte de la formation.
21Le niveau de formation optimal à l’embauche dépend en partie de la conception du système de rémunération, définissant le rôle de l’ancienneté, et du mode d’organisation du travail, déterminant la capacité des individus à s’adapter plus rapidement et donc à moindre coût. Il dépend donc de variables internes à l’entreprise. Dans la mesure où, dans le modèle de Stankiewicz, les coûts de sortie et de recrutement et la durée d’emploi prévisible ne sont pas explicitement pris en compte par l’entreprise lors du recrutement, la sélection à l’embauche ne s’appuie pas sur l’âge mais sur la qualification. Tout dépend alors de la caractéristique individuelle utilisée comme « test » lors de l’examen des candidats : l’âge peut être considéré comme une caractéristique corrélée négativement à la qualification.
22Cependant, dans la mesure où l’entreprise minimise ses coûts sur une durée correspondant au niveau d’activité anticipé, on peut considérer qu’elle écarte tout candidat à l’embauche dont la durée potentielle d’emploi est inférieure. Une sélection à l’embauche selon l’âge est alors pleinement envisageable dès lors que la durée d’activité anticipée par l’entreprise est proche ou supérieure à la durée d’emploi potentielle d’un individu entrant sur le marché du travail. Deux ensembles de variables peuvent expliquer un tel décalage : d’une part des variables externes, qui s’imposent plus ou moins fortement à l’entreprise (coût salarial, coût d’adaptation, durée anticipée d’activité), d’autre part des variables internes sur lesquelles la firme exerce un certain contrôle (effet de l’ancienneté sur le salaire, réduction du coût d’adaptation par un effet d’expérience).
23Même si la nature du travail était inchangée, hypothèse extrême, une rupture de la relation d’emploi touchant prioritairement les salariés les plus âgés pourrait s’expliquer par la conjonction d’une baisse de la durée prévisionnelle d’emploi et d’une différenciation de la durée optimale d’emploi selon l’âge ou l’ancienneté des salariés. De telles différences ne peuvent être dues qu’à des modalités de rémunération distinctes selon l’ancienneté des individus, et/ou à des emplois favorisant moins l’adaptation des plus âgés. Ainsi les plus anciens bénéficiant d’une rémunération plus fortement liée à l’ancienneté seraient les premiers concernés par une réduction d’effectifs. Seuls des coûts de rupture plus élevés pourraient éventuellement modifier cette sélection des licenciés.
24Stankiewicz considère notamment ces coûts dans le cas où l’évolution de la nature du travail appelle un relèvement du niveau optimal de formation. Il donne un rôle déterminant aux coûts d’ajustement, comprenant les coûts associés au renouvellement de la main-d’œuvre et les coûts de transformation. Cependant, deux autres éléments sont susceptibles d’influencer la décision de l’entreprise : l’ampleur de l’écart de formation et la vitesse d’ajustement de la formation. Le choix d’une transformation qualifiante de la main-d’œuvre ne dépend donc pas seulement du niveau des coûts d’ajustement, mais également de la possibilité pour l’entreprise d’étaler le coût de la formation sur plusieurs périodes, des possibilités d’apprentissage des salariés, de leur capacité à accepter une évolution de l’organisation du travail, et/ou de l’anticipation de l’entreprise quant à ces deux derniers aspects.
25Tel qu’il est discuté par Stankiewicz, le choix de la transformation ou de la substitution concerne l’ensemble du personnel touché par l’évolution du contenu et de l’organisation du travail. Or, tous les individus ne sont pas susceptibles de rentabiliser une éventuelle action de formation. Le financement de la formation par l’entreprise, qu’il s’agisse d’une formation générale ou spécifique, implique de sélectionner les actions les plus rentables, d’où un ralentissement du rythme et/ou une diminution du montant de la formation lorsque la fin de la relation d’emploi tend à se rapprocher. Par conséquent, le choix d’une transformation qualifiante peut ne pas exister pour la fraction de la main-d’œuvre la plus âgée. La substitution ne s’impose néanmoins pas forcément lorsque l’entreprise peut envisager un reclassement, le choix entre ces deux possibilités dépendant alors non seulement des coûts d’ajustement mais aussi de l’existence de postes de travail non concernés par l’évolution de la nature du travail et disponibles.
2. Progression individuelle, embauche et rupture de la relation d’emploi
26L’accès à une formation ouvre le champ de réflexion sur la progression professionnelle. A quoi correspond-elle pour les salariés plus âgés ? Certains travaux mettent en évidence une diversification des possibilités de progression à mi-carrière : plafonnement de carrière, plus ou moins précoce, « démotion » ou encore poursuite de la progression (Rosen, Jerdee [1988]). Certains modèles de tournois (2.1) permettent d’analyser le rôle de l’âge dans les décisions de promotion. La théorie des contrats à paiement différé montre en outre l’impact de ce critère sur les décisions de licenciement, de passage à temps partiel et d’embauche de salariés plus âgés (2.2) Le caractère restreint ou indéterminé des critères de progression, la faiblesse du lien établi avec la formation conduisent finalement à mobiliser l’approche plus « institutionnelle » et plus collective du marché interne (2.3).
2.1. La différenciation potentielle des carrières selon l’âge
27Les modèles de tournois se développent à partir du constat qu’il existe une asymétrie d’information entre les partenaires de la relation de travail : le salarié seul connaît le niveau d’effort qu’il fournit, l’employeur ne pouvant observer que les résultats en termes de production (situation de risque moral avec action cachée) [5]. Le travailleur est alors incité à se comporter optimalement du point de vue de l’employeur : sa rémunération n’est plus liée à sa productivité absolue, elle dépend du rang de sa productivité dans le classement des productivités d’un ensemble de salariés de l’entreprise (Lazear, Rosen [1981]). L’incitation à fournir un effort augmente alors, jusqu’à une limite, avec l’écart entre les rémunérations associées à chaque niveau de performance et existe pour celui qui remporte le tournoi comme pour celui qui le perd.
28Deux types de tournoi plus complexes opèrent une sélection des individus : les tournois biaisés (Meyer [1991,1992]) et les tournois successifs avec élimination (Rosen [1986]). Un tournoi est considéré comme biaisé lorsque l’entreprise favorise l’un des concurrents [6]. Meyer [1992] montre ainsi qu’il est optimal pour une firme d’utiliser un critère de sélection visiblement inégalitaire en faveur des travailleurs ayant des succès précoces de façon à accroître l’incitation à l’effort. L’instauration de tournois successifs liant la rémunération au cours d’une période au niveau de performance relatif observé au cours de la période précédente permet de maintenir l’effort dans le cas d’une relation de travail durable. Alors que le perdant des tournois simples et biaisés peut participer à des tournois ultérieurs, la sélection est irrémédiable dans les tournois successifs avec élimination et différencie définitivement les carrières individuelles.
29Chaque tournoi se caractérise par un certain nombre de paramètres : la nature de la récompense offerte au vainqueur, et éventuellement de celle(s) accordée(s) au(x) perdant(s), les règles d’accès au tournoi, qui définissent le nombre et les caractéristiques des participants, enfin la fréquence des tournois. S’y ajoute dans le cas des tournois successifs, la structure des récompenses selon le rang du tournoi. La richesse de ces paramètres permet d’envisager une grande diversité des choix des entreprises du point de vue des carrières proposées aux salariés. Cependant, la capacité à produire est quasiment la seule caractéristique individuelle retenue. Aucune référence à l’âge n’est faite. La capacité des modèles de tournoi à expliquer une différence de traitement selon l’âge ne peut par conséquent s’apprécier qu’à partir des implications des différents paramètres décrivant les tournois.
30Les modèles de tournois permettent d’emblée de considérer simultanément formation et promotion grâce à la diversité des récompenses et des biais possibles. Les récompenses associées à chaque tournoi peuvent en effet combiner trois éléments : un surcroît de rémunération, l’accès à un poste plus élevé, l’accès aux tournois de niveau supérieur. La possibilité de bénéficier de capacités de production accrues par l’accès à une formation peut également s’interpréter comme une récompense lorsqu’elle est attribuée à l’issue d’un classement temporaire des concurrents. Si chaque variante de tournoi insiste plus fortement sur l’un de ces éléments, la fonction d’incitation à l’effort remplie par la récompense permet, au moins en principe, de considérer ces différents éléments comme superposables.
31La structure des récompenses, c’est-à-dire leur composition et leur niveau au fur et à mesure que le rang du tournoi s’élève, peut favoriser la sélection des individus par l’âge en jouant sur les différences d’horizon temporel. Ainsi, une entreprise peut favoriser les travailleurs jeunes en augmentant les chances du vainqueur d’être promu au cours des tournois ultérieurs (par exemple en accordant au vainqueur une formation lui permettant d’accroître ses capacités productives) et en fixant une récompense relativement peu élevée pour les premiers tournois. L’incitation à l’effort sera en effet plus forte pour un travailleur ayant un horizon d’activité assez long, et plus faible en revanche pour un travailleur plus âgé, dont l’horizon est plus limité.
32Les règles d’accès à un tournoi sont peu abordées par les auteurs des différentes variantes de tournoi, d’autant plus que par souci de simplification, seuls deux concurrents s’affrontent. Elles sont conçues selon le résultat attendu du tournoi par l’entreprise : encouragement à la démission des individus les moins performants, incitation à l’effort, sélection des individus portant certaines caractéristiques intéressantes. Elles peuvent donc logiquement différer d’un tournoi à l’autre, plus précisément d’un niveau de tournoi à l’autre. La variation de ces règles d’accès peut ainsi créer des seuils au sein de l’entreprise et former des zones de sélection-incitation équivalentes à des sous-marchés internes (cf. infra). Ces discontinuités permettraient alors d’écarter certains individus plutôt que d’autres et ceci éventuellement définitivement si le prix du tournoi le plus élevé de cette zone comporte entre autres l’accès au tournoi supérieur. La sélection des travailleurs pourrait ainsi défavoriser certaines classes d’âge par l’intermédiaire de chacun des paramètres définissant les tournois.
33Les critères de sélection utilisés par les entreprises restent cependant plutôt exogènes aux modèles. Ainsi le traitement différencié des salariés selon leur âge semble devoir s’appuyer sur des considérations extérieures aux tournois, qu’il s’agisse de certaines contraintes organisationnelles (pyramide des âges déséquilibrée, développement d’activités nouvelles), d’un goût discriminatoire à l’égard des salariés vieillissants ou d’une estimation défavorable de leurs capacités productives. Par ailleurs le lien entre formation et promotion est plutôt restrictif : les salariés ne participant pas au tournoi ne sont-ils pas formés ? Si la formation est une récompense, le souci de rentabiliser cet investissement ne conduit-il pas à présélectionner les participants au tournoi ? Que deviennent alors les perdants ? Sont-ils définitivement exclus des actions de formation ?
34Les modèles de tournoi apportent une première justification à un accès réduit à la promotion pour les salariés vieillissants et à une différenciation de leurs carrières selon le niveau de tournoi auquel ils participent (poursuite de la progression pour certains cadres, plafonnement pour les employés et les ouvriers). Cependant les critères de progression au sein d’une hiérarchie de postes sont largement exogènes, et le lien entre formation et promotion reste ténu.
2.2. Contrat à paiement différé, rupture anticipée et recrutement sélectif
35La théorie des contrats à paiement différé rend compte d’une part de l’existence de pratiques de retraite obligatoire, d’autre part de l’augmentation de la rémunération d’un individu avec l’ancienneté, même si la productivité de cet individu ne croît pas, voire baisse. Cette progression peut être assimilée à une promotion lorsqu’on considère des emplois différenciés et hiérarchisés (Ballot et Piatecki [1986]).
36Le point de départ du raisonnement (Lazear [1979,1981]) est le constat qu’il n’y a généralement pas de coïncidence entre les intérêts des travailleurs et ceux des firmes. Lorsque l’effort du salarié n’est pas observable sans coût et que du niveau d’effort dépend le niveau de la production, on retrouve une situation de risque moral. L’incitation à un comportement optimal du point de vue de l’employeur est alors produite par une progression régulière du salaire, tendant à être associée à une pension de retraite, et par une durée du travail identique à tout moment de la relation d’emploi [7]. Comment expliquer alors les cessations anticipées d’activité pratiquées par les entreprises ?
2.2.1. Circonstances et conditions d’une rupture anticipée de la relation d’emploi
37Dans le cadre de contrats à paiement différé, l’écart observé pour les salariés anciens [8] entre productivité marginale en valeur et rémunération ne justifie pas la rupture de la relation de travail par la firme. Leur salaire plus avantageux dans la deuxième partie de carrière assure en fait l’égalisation intertemporelle de la productivité marginale en valeur et du salaire sur la durée d’emploi. Les firmes ont a priori intérêt à conserver leurs salariés anciens jusqu’à la date optimale de rupture puisque l’incitation à l’effort dépend en partie de la possibilité qu’ont les salariés plus jeunes de constater la réalité de la progression des salaires avec l’ancienneté et le respect par l’entreprise du contrat avec le travailleur.
38Pour Lazear, la survenance d’événements non prévus peut cependant justifier la rupture anticipée du contrat. Si un salarié se voit proposer par une autre firme un salaire inférieur à son salaire actuel mais supérieur à sa productivité marginale en valeur, il n’a aucune raison de quitter l’entreprise qui l’emploie, alors même qu’il serait plus productif dans l’autre firme. Une indemnité de départ adéquate permet alors de l’inciter à accepter ce nouvel emploi. Autre cas, si la productivité marginale en valeur d’un travailleur ancien tombe au-dessous de son salaire de réservation [9], l’équilibre intertemporel entre productivité marginale en valeur et salaire est détruit, ce qui remet en cause l’efficacité du contrat. Lazear considère que la firme peut inciter le salarié à partir en lui versant une indemnité à peine supérieure à la valeur actuelle de l’écart entre son salaire actuel et son salaire de réservation sur la durée résiduelle du contrat. Dès lors que le travailleur peut obtenir un autre emploi lui offrant une rémunération totale correspondant à la valeur actuelle de son salaire de réservation sur la durée résiduelle du contrat, il préférera accepter l’indemnité proposée et quitter l’entreprise.
39Dans un contexte d’incertitude, un contrat à paiement différé efficace doit donc stipuler les conditions d’une rupture anticipée de la relation d’emploi, que celle-ci soit provoquée par le travailleur ou par l’entreprise. Celle-ci peut alors licencier un travailleur à tout moment à condition de verser une indemnité de licenciement correspondant à la valeur actuelle de l’écart entre salaire et salaire de réservation sur la durée résiduelle du contrat. L’existence et la définition de cette indemnité de licenciement n’incite alors l’entreprise à rompre la relation d’emploi que lorsque la chute de la productivité est réelle. L’indemnité sera en outre d’autant plus élevée que le salaire de réservation est faible et que la date de départ prévue est lointaine.
40L’existence de règles d’indemnisation en cas de rupture précoce de la relation d’emploi permet d’éviter l’inefficacité à long terme des contrats à paiement différé. Cependant Lazear suppose généralement que le travailleur plus âgé est embauché par une autre entreprise, sans pour autant envisager l’éventualité d’un recrutement sous contrat à paiement différé. Cette hypothèse et cette limite invitent alors à considérer les possibilités d’embauche des salariés anciens lorsque le profil salarial est croissant avec l’ancienneté. Or Hutchens [1986] constate que pour certains postes les firmes emploient des salariés âgés mais ont tendance à ne pas en recruter. Il propose d’expliquer ce comportement par la nature du contrat entre la firme et les travailleurs : les contrats à paiement différé réduisent la propension des employeurs à embaucher des salariés âgés parce qu’ils induisent des coûts fixes. Cet excès de coût s’explique par le fait que le contrat à paiement différé minimise mais n’élimine pas totalement la tricherie, de la firme comme du travailleur.
41Les implications des coûts fixes induits par les contrats à paiement différé sont identiques à celles du modèle de Oi. Les firmes qui recourent à ce type de contrat vont chercher à minimiser les coûts fixes en embauchant des travailleurs à longue durée d’emploi. Elles préféreront donc recruter des individus jeunes qu’elles conserveront plutôt que des individus âgés. Par ailleurs, ces firmes seront contraintes de limiter leurs embauches.
2.2.2. Maintien dans l’emploi, passage à temps partiel et préretraite
42La cessation totale d’activité est-elle la seule solution envisageable en cas de diminution de la productivité marginale du salarié en fin de carrière ? Dans le cadre de contrats à paiement différé, l’entreprise peut a priori agir sur trois variables pour résoudre son problème d’optimisation sous contrainte : la forme du profil salarial, c’est-à-dire à la fois la vitesse de progression du salaire au cours de la relation d’emploi et l’importance du report de rémunération à la fin du contrat sous forme d’un capital-retraite par exemple ; la durée de la relation d’emploi ; la répartition de la durée du travail au cours de la relation d’emploi.
43Pour Lazear, il semble que la firme ne remet en cause le contrat initialement conclu que si la productivité marginale baisse alors que le salarié est payé au-delà de sa productivité marginale en valeur. Dans ce cas, la seule solution efficace est l’abaissement de la durée du contrat par la rupture de la relation d’emploi, sous réserve de l’accord du salarié et de son embauche par une autre entreprise. Deux autres possibilités peuvent être envisagées, offertes par des dispositifs de la politique de l’emploi ou prévues et financées par la firme elle-même. Soit la rupture est anticipée, le salarié se retire du marché du travail et reçoit en contrepartie un revenu d’inactivité, ce qui correspond à une cessation d’activité anticipée totale. Soit la durée de la relation d’emploi n’est pas modifiée, le salarié reste dans l’entreprise, mais c’est la durée du travail qui est réduite, ce qui correspond à une cessation progressive d’activité. La perte de salaire causée par le passage à temps partiel doit alors être compensée [10].
44Par ailleurs, les pratiques visant à substituer une main-d’œuvre jeune à une main-d’œuvre vieillie suggèrent une formulation différente de la contrainte d’égalisation intertemporelle entre salaire et productivité marginale en valeur. L’égalisation s’effectuerait non plus de façon longitudinale, par individu, mais transversale, entre générations de travailleurs. La progression du salaire au-delà de la productivité marginale en valeur d’un ensemble de travailleurs serait ainsi rendue possible par l’embauche d’un autre ensemble de travailleurs, rémunérés en deçà de leur productivité marginale en valeur [11]. La proposition par l’entreprise d’une croissance du salaire avec l’ancienneté dépendrait alors d’un équilibre entre les différentes classes d’ancienneté.
45Lorsque se produit une baisse de la productivité marginale en valeur d’un ou plusieurs travailleurs anciens, on retrouve l’alternative cessation anticipée totale/cessation progressive quelle que soit l’interprétation de la contrainte d’égalisation intertemporelle. En revanche, si l’on suppose que la productivité marginale en valeur est inchangée, l’interprétation de cette contrainte n’est plus neutre. S’il s’agit d’une contrainte individuelle, aucune rupture de la relation d’emploi n’est justifiée dans le cadre de contrats à paiement différé. S’il s’agit d’une contrainte transversale, la variation dans le temps des paramètres du profil salarial (relèvement du salaire de début de carrière, diminution du rythme de progression du salaire) mais aussi la réduction des embauches peuvent nécessiter des ruptures anticipées pour rééquilibrer à chaque instant la masse salariale. On peut alors s’interroger sur la possibilité de ne conserver qu’une proportion optimale de travailleurs anciens, en arbitrant entre leur coût plus élevé pour l’entreprise et l’effet incitatif qu’ils exercent sur les autres salariés.
46Si l’on considère non seulement la progression de la rémunération mais aussi la progression à travers des emplois différenciés, toute promotion apparaît largement irréversible dans la mesure où les pratiques de mobilité descendante sont relativement restreintes. Les modèles de contrat à paiement différé permettent alors d’interpréter deux types de comportements répondant à l’irréversibilité des décisions prises : soit la relation d’emploi est rompue précocement par l’entreprise, soit elle est maintenue mais subit quelques modifications. Lorsque ces modifications se traduisent par une réduction du temps de travail, on retrouve la cessation progressive d’activité. L’hypothèse de Lazear d’une embauche du salarié licencié par une autre entreprise peut justifier un rôle actif de l’entreprise dans la recherche d’une entreprise d’accueil. Ainsi les pratiques de d’outplacement de cadres en fin de carrière dans des entreprises sous-traitantes ou dans des petites et moyennes entreprises (pratique japonaise du « shukko ») peuvent être interprétées comme un moyen de se séparer de salariés âgés moins productifs ou trop nombreux.
47Des critères défavorables aux salariés anciens pourraient ne pas altérer l’incitation des plus jeunes si les critères de la progression salariale et de la promotion se trouvaient différenciés. Le plafonnement plus précoce des salariés anciens pourrait alors ne pas désinciter les plus jeunes à l’effort d’une part en respectant l’engagement de la firme d’augmenter le salaire tout au long de la carrière et d’autre part en accroissant les chances de promotion des salariés plus jeunes. Un tel comportement de l’entreprise pourrait même être nécessaire dans le cas de firmes ayant une pyramide des âges très déséquilibrée vers le haut [12].
48Si la théorie du contrat à paiement différé justifie également les réticences des entreprises à embaucher des travailleurs vieillissants, elle ouvre en revanche des possibilités de gestion du maintien ou du départ des salariés plus âgés dont la productivité chute brutalement en fin de carrière.
2.3. Marché interne, plafonnement de carrière et stabilisation relative dans l’emploi
49Le marché interne correspond à un mode particulier de gestion de la main-d’œuvre, caractérisé par le développement de « chaînes de mobilité interne » et l’existence de « ports d’entrée » limités, offrant aux salariés une protection contre les variations de l’activité, de meilleures rémunérations, mais aussi des possibilités de promotion interne. Le marché interne est sélectif par nature : à l’embauche avec les ports d’entrée, mais également au cours de la relation d’emploi. Les trajectoires des salariés dépendent en effet de la conception des chaînes de mobilité. L’analyse de la discrimination raciale au sein des marchés internes développée par Doeringer et Piore [1971] est particulièrement utile pour apprécier l’impact des caractéristiques du marché interne sur sa sélectivité [13].
2.3.1. Les possibilités de promotion
50La possibilité d’accéder à une promotion dans le cadre d’un marché interne dépend, compte tenu de la position du salarié, à la fois de la structure des chaînes de mobilité et des critères déterminant la progression au sein d’une chaîne ou le passage d’une chaîne à l’autre.
51Une chaîne de mobilité comporte deux dimensions : une dimension verticale (nombre de niveaux hiérarchiques) et une dimension horizontale (nombre et diversité des postes à chaque niveau hiérarchique). Un marché interne d’entreprise peut comporter une seule chaîne de mobilité, mais plus fréquemment plusieurs chaînes, correspondant chacune à un sous-marché interne. La longueur des chaînes de mobilité dépend donc du degré de segmentation et des possibilités de passage d’un sous-marché à un autre. Elle affecte en retour la mobilité potentielle des salariés. Lorsqu’il existe plusieurs sous-marchés internes, formés d’un petit nombre d’échelons hiérarchiques, et que le passage d’un sous-marché à un autre n’est pas possible, les perspectives de progression sont limitées. En revanche, plus la segmentation est atténuée et plus les sous-marchés sont perméables, plus les chaînes de mobilité sont longues et offrent donc aux salariés des possibilités importantes d’évolution, verticale ou horizontale.
52A structure donnée du marché interne, ce sont les critères d’affectation à tel ou tel emploi qui vont déterminer les mouvements des travailleurs et leur position à un moment donné. Ils vont de la seule prise en compte du mérite et des compétences à la promotion automatique du plus ancien. Ces critères peuvent être appliqués pour tout emploi situé au sein de la chaîne de mobilité, ils peuvent également différer selon l’emploi : pour tous les emplois jusqu’à un certain niveau ou grade, c’est par exemple le salarié le plus ancien qui est choisi en priorité, alors qu’au-delà c’est la capacité qui prévaut. Lorsque les critères de promotion sont corrélés avec l’âge (expérience sur le poste actuel, ancienneté dans le poste ou dans l’entreprise), les salariés anciens sont favorisés. En revanche, lorsque les critères déterminants sont plutôt corrélés négativement avec l’âge (mobilité géographique, compétences adaptées aux exigences actuelles ou futures, résistance physique), les promotions sont plutôt accordées aux salariés plus jeunes.
53L’évolution des marchés internes peut provoquer ou renforcer la différenciation des possibilités de promotion des salariés vieillissants. Toute redéfinition des chaînes de mobilité tendant à réduire leur dimension verticale a des conséquences immédiates sur la mobilité potentielle des salariés les plus âgés et les plus anciens. Ainsi, le marché interne traditionnel se caractérisait en France par des flux importants des postes d’ouvriers vers les niveaux intermédiaires d’agents de maîtrise et de contremaîtres, de techniciens plus modérément, ainsi que par des flux plus restreints mais non négligeables entre ces niveaux intermédiaires et les catégories ayant le statut de cadres. Or ces flux se sont considérablement réduits en raison d’un recours plus important au marché externe pour les emplois intermédiaires et supérieurs. Par ailleurs, un certain nombre d’entreprises cherchent à raccourcir leurs lignes hiérarchiques afin d’améliorer la communication et donc accroître la rapidité de réaction. Enfin, la diminution du nombre d’échelons permet également de maîtriser davantage la progression des rémunérations. Le raccourcissement des chaînes de mobilité provoque alors un plafonnement de carrière précoce des salariés ayant une forte ancienneté et proches du sommet de la chaîne de mobilité. En outre, il s’accompagne généralement d’une révision des critères de promotion.
54Cette évolution génère une contradiction sensible à la fois pour le salarié et pour l’entreprise : alors que les exigences de flexibilité et de qualification sont accrues, l’avancement dans la hiérarchie de l’entreprise devient difficile voire impossible. Compte tenu de la durée résiduelle d’emploi, comment résoudre le problème de l’incitation à la performance et à l’implication dans le travail ? C’est dans ce contexte que la dimension horizontale du marché interne a gagné en importance. Elle permet en effet de faire évoluer les compétences et de reclasser ou réaffecter la main-d’œuvre sans changement de statut ou de salaire. Dans le cas des salariés vieillissants, le souci de définir de nouveaux emplois créant des possibilités de mobilité horizontale pour ces salariés peut donc être interprété comme le signe d’une attitude positive de l’entreprise à l’égard des salariés vieillissants.
2.3.2. Recrutement et rupture de la relation d’emploi
55Le degré d’ouverture au marché externe s’apprécie en fonction de l’importance et de la nature des « ports d’entrée », emplois pourvus par recrutement externe, et des critères de sélection à l’entrée, et dans une moindre mesure en fonction des « ports de sortie » et des règles correspondantes. Pour Doeringer et Piore [1971], « il y a une unité et une cohérence des règles gouvernant l’allocation interne du travail », par conséquent « un changement de l’une de ces dimensions nécessitera normalement un ajustement des autres dimensions également ». Cette cohérence conduit alors à analyser la sélectivité sur l’âge des recrutements et des ruptures de la relation d’emploi à l’initiative de l’entreprise à partir de la structure des chaînes de mobilité.
56Les critères de recrutement vont refléter non seulement les besoins des postes d’entrée mais aussi ceux des postes situés plus haut, qui leur sont liés et qui sont pourvus de façon interne. Les compétences générales considérées comme indispensables à l’acquisition de compétences spécifiques constituent ainsi l’un des critères d’admission au sein d’un marché interne. La structure des chaînes de mobilité rejaillit donc sur les critères de recrutement et en particulier sur leur sélectivité à l’égard de l’âge. Plus une chaîne de mobilité est longue, plus les critères d’embauche sont sélectifs puisque les candidats retenus doivent pouvoir être promus sur des emplois plus qualifiés que leur emploi initial. Dans ce cas les salariés vieillissants peuvent être défavorisés par leur plus faible niveau de formation initiale.
57L’existence de chaînes de mobilité favorise aussi le recrutement de salariés à longue durée d’emploi. On retrouve ici les conclusions du modèle de Oi. Puisque le recrutement est suivi d’une formation, et que cette formation est complétée à chaque promotion sur un emploi de niveau supérieur, il semble plus intéressant pour l’entreprise d’intégrer un travailleur jeune. Si la plus grande stabilité d’un travailleur plus âgé peut compenser sa durée d’emploi limitée, c’est alors le problème de l’évolution avec l’âge des capacités productives qui est posé.
58Par ailleurs la sélectivité à l’embauche varie selon la situation du marché du travail. Plus le marché du travail est détendu, plus les critères de recrutement peuvent être stricts. Lorsque, comme c’est le cas actuellement en France, le marché du travail est largement excédentaire, les travailleurs vieillissants sans emploi sont en concurrence avec des travailleurs plus jeunes, disposant souvent d’une meilleure formation générale, et qui sont susceptibles de rester plus longtemps dans l’entreprise.
59L’existence de lignes de progression influe également sur la sélection des travailleurs dont la relation d’emploi est rompue. Lorsque la formation est acquise principalement dans l’emploi, que l’acquisition des compétences s’appuie largement sur l’existence d’un collectif de travail, il est indispensable d’une part de conserver des travailleurs anciens, plus expérimentés, et d’autre part de ne pas remettre en cause la volonté de ces travailleurs expérimentés de former des travailleurs nouveaux ou moins anciens. Partiront donc en priorité les salariés situés au plus bas niveau dans la « ligne de progression », ceux pour lesquels l’effort de formation a été le plus faible.
60Si la progression le long des chaînes de mobilité dépend principalement de l’ancienneté, la structure de qualification reproduit plus ou moins exactement la structure d’ancienneté, compte tenu de l’écart entre le nombre de postes de niveau supérieur offerts et le nombre de salariés de même ancienneté susceptibles d’y accéder. Par conséquent, lorsqu’une entreprise à marché interne doit se séparer d’un certain nombre de salariés en raison de difficultés économiques, ce sont en principe les salariés les plus récemment embauchés qui partiront en priorité (« last in first out »). Les salariés vieillissants bénéficient donc d’une plus grande sécurité d’emploi.
61Certaines nuances doivent cependant être apportées à cette affirmation. Les salariés anciens peuvent faire l’objet d’un licenciement au même titre que tout salarié d’un marché interne. Même lorsque le tri des salariés tend à s’effectuer aux emplois situés en bas de la chaîne de mobilité, des circonstances plus fréquemment rencontrées dans le cas des salariés plus âgés peuvent exiger une rupture plus tardive de la relation d’emploi : obsolescence des qualifications, inaptitude ou difficultés de reclassement par exemple.
2.3.3. Une sélectivité à l’égard des salariés plus âgés liée aux caractéristiques du marché interne
62Compte tenu des critères d’embauche et de licenciement qui viennent d’être discutés, l’importance des recrutements externes et le niveau auquel ceux-ci sont effectués permettent d’achever l’analyse des modes de gestion des salariés vieillissants pour différentes formes de marché interne.
63Un marché interne fermé ne fait appel à des travailleurs extérieurs que pour les niveaux de qualification les plus bas, correspondant au point de départ des chaînes de mobilité. Les emplois nécessitant un niveau de qualification supérieur sont pourvus exclusivement par promotion des salariés déjà intégrés dans l’entreprise. Les recrutements privilégient donc des salariés jeunes censés rester durablement dans l’entreprise. Les ruptures de la relation d’emploi sont également plus fréquentes au bas des chaînes de mobilité et concernent donc des salariés plus jeunes, alors que les sorties de travailleurs occupant des emplois situés plus haut dans la chaîne de mobilité résultent plus fréquemment de l’arrivée au terme de la vie active. Au contraire, un marché interne ouvert comporte des points d’entrée à différents niveaux de qualifications. Un salarié peut ainsi être recruté sur un emploi de niveau intermédiaire ou supérieur, et donc n’est plus forcément un travailleur jeune puisque sa durée d’emploi peut être plus courte. Le recrutement de salariés vieillissants n’est dès lors plus exclu mais il ne peut concerner que des travailleurs relativement qualifiés. Puisque l’entreprise fait appel plus fortement à une main-d’œuvre externe, les possibilités de rupture de la relation d’emploi sont également plus nombreuses et ne concernent plus seulement les salariés les moins anciens et les moins qualifiés. En particulier l’entreprise pourra licencier des salariés vieillissants.
64Par ailleurs, en raison des recrutements externes, un marché interne ouvert se caractérise par une plus grande diversité de l’âge des personnes susceptibles d’accéder à un poste supérieur. Les possibilités de progression des salariés vieillissants dépendent alors des critères de promotion utilisés. En outre, un marché interne ouvert, en diminuant le nombre de postes offerts à la promotion interne, raccourcit les chaînes de mobilité et accroît donc la fréquence des plafonnements de carrière. L’ouverture semble donc s’accompagner de pratiques moins favorables aux salariés vieillissants du point de vue de la carrière et de la stabilité dans l’emploi. Cependant il faut tenir compte également de la structure des chaînes de mobilité elles-mêmes, c’est-à-dire de leur segmentation et de leur perméabilité plus ou moins fortes. Un marché interne fermé mais segmenté ou comportant des chaînes de mobilité courtes peut tout autant limiter les possibilités de progression des salariés vieillissants, ceux-ci seront plus protégés contre la rupture de la relation d’emploi mais peu seront recrutés. En revanche, dans un marché interne ouvert mais plus perméable ou comportant un nombre plus important de niveaux hiérarchiques, les perspectives de promotion peuvent être fortes, les recrutements sont possibles, mais le maintien dans l’entreprise est moins certain.
65L’ouverture, la segmentation et la perméabilité des marchés internes déterminent à la fois les classes d’âges concernées en cas de variation des effectifs, les possibilités de progression pour les travailleurs vieillissants, et par conséquent leur accès à la formation. Or les récentes évolutions des marchés internes (Gautié [2002]) favorisent le plafonnement de carrière et fragilisent le maintien dans l’entreprise. Elles tendent donc à renforcer la tendance à l’exclusion des salariés plus âgés si la mobilité horizontale ne prend pas le relais, à la fois au sein de l’entreprise, mais aussi à l’extérieur. La sélectivité accrue à l’égard des salariés plus âgés pose ou repose donc la question de la connexion avec le marché externe.
3. Conclusion
66Les modèles théoriques analysés mettent en évidence de fortes tendances à pratiquer une sélection en défaveur des travailleurs plus âgés, tendances liées à la recherche d’efficience économique et au type de relation d’emploi qui prévaut. Ils suggèrent en particulier l’existence de seuils d’âge plus ou moins flous, qui peuvent varier selon les entreprises et selon les emplois. Par ailleurs les possibilités d’embauche pour les salariés âgés licenciés apparaissent très limitées dans tous les modèles, sauf pour les personnes à compétences très spécifiques. Le rôle sélectif de l’âge est le résultat de mécanismes très variés, et pas uniquement d’un écart entre productivité et salaire.
67L’analyse de cet ensemble de modèles offre parallèlement des pistes pour éviter l’exclusion de ces travailleurs. Ainsi la régularité de la formation apparaît comme l’un des moyens de réduire l’inégalité d’accès à la formation. Quant à l’écart de formation initiale entre les générations, les conditions dans lesquelles une entreprise a intérêt à financer une remise à niveau pour ses salariés âgés posent la question de son financement public au moins partiel. Enfin, l’analyse des contrats à paiement différé comme celle du marché interne mettent en évidence la nécessité de développer des possibilités de mobilité interne et externe. Du point de vue de la mobilité interne, cela implique de revoir la structure des marchés internes, notamment la conception des chaînes de mobilité et les critères de progression. Du point de vue de la mobilité externe, cela implique de reconsidérer le cadre général du marché du travail et d’envisager des garanties et des aides pour les salariés âgés sortant d’un marché interne.
68Ce constat ne doit cependant pas masquer un certain nombre d’insuffisances. Tout d’abord, le choix des critères de sélection reste largement inexpliqué pour une partie des théories mobilisées ici. Dans l’analyse du marché interne notamment, si le lien avec la forme des marchés internes est fait, ce qui conduit une entreprise à préférer telle ou telle structure ou à la modifier reste exogène. Par ailleurs la connexion entre les critères d’embauche, de formation, de promotion et de rupture de la relation d’emploi reste incomplète. Enfin, les comportements des entreprises et ceux des salariés ne sont pas analysées simultanément. Or les comportements antérieurs structurent fortement les anticipations des deux parties.
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Mots-clés éditeurs : formation, promotion, licenciement, préretraite, travailleur âgé
Date de mise en ligne : 01/02/2009.
https://doi.org/10.3917/redp.131.0015Notes
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[*]
Chercheur, IRES, Noisy le Grand.
-
[1]
Cf. Becker [1964] p. 18.
-
[2]
L’évaluation du surcroît de productivité généré par l’investissement en formation est rendue difficile par le caractère souvent collectif du travail et par l’incertitude croissante affectant cette évaluation lorsqu’on s’éloigne de la période d’investissement. La définition du taux d’actualisation se heurte à la difficulté d’évaluer le risque attaché à l’investissement.
-
[3]
Ils comprennent également le coût du licenciement, correspondant à une contribution à l’assurance-chômage en contrepartie du licenciement (Oi [1962], p. 88).
-
[4]
Cette substitution implique un coût fixe, correspondant aux coûts de licenciement et de recrutement, et un coût salarial total plus élevé. La formation de la main-d’œuvre en place implique un coût de formation.
-
[5]
L’asymétrie peut aussi porter sur l’impossibilité pour le salarié de vérifier l’observation par le principal de la production réalisée, notamment lorsque cette production est réalisée en équipe, comme dans le modèle d’incitation par la promotion de Malcomson [1984]. Dans le cas des tournois biaisés, l’asymétrie porte sur les différences de capacité des travailleurs (Meyer [1991]).
-
[6]
Le travailleur favorisé bénéficie d’un avantage (« biais ») sous la forme d’une constante positive ajoutée à sa production individuelle.
-
[7]
L’unicité du profil de rémunération est obtenue en relâchant les hypothèses très fortes de concurrence et de perfection de l’information. Lazear [1981] précise ainsi que l’imperfection de l’information sur les manquements de la firme, les contraintes pesant sur l’emprunt et les effets de l’imposition impliquent une solution unique.
-
[8]
C’est-à-dire un travailleur dont le salaire excède la productivité marginale en valeur. La théorie des contrats à paiement différé est ainsi la seule à offrir une définition du travailleur vieillissant.
-
[9]
A la suite par exemple d’un accident du travail qui crée une inaptitude partielle, ou d’une rupture technologique qui dévalorise une partie des compétences détenues.
-
[10]
Ceci justifie, dans le dispositif français de préretraite progressive, l’indemnisation partielle du salarié par le Fonds National de l’Emploi, et surtout la fixation par certaines entreprises de primes au passage en préretraite progressive d’autant plus faibles que le salarié est proche de la retraite (cf. l’étude de la mise en place de la préretraite progressive dans des filiales d’un grand groupe chimique in Burdillat et Charpentier [1995]).
-
[11]
Il s’agit donc d’une « subvention implicite » pour reprendre l’expression de Gautié [2002].
-
[12]
Cette possibilité est notamment envisagée par les entreprises japonaises employant « à vie » leur personnel.
-
[13]
Pour l’une des rares études empiriques sur le rôle joué par le système de promotion dans la discrimination sexuelle et raciale, on pourra voir Kelley [1982].