Notes
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[1]
Université de Nancy 2.
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Université de Nancy 2.
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[3]
Cette opinion est probablement à l’origine de la rupture de l’unité du mouvement de l’économie du droit dans les années quatre-vingt, en particulier lorsque certains philosophes du droit commencèrent à discuter la validité de la notion d’efficacité comme objectif des règles de droit (Dworkin [1980]).
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[4]
Par la suite abrégé LLSV.
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[5]
De même, des pans entiers du droit français sont de nature jurisprudentielle.
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[6]
En atteste, par exemple, les nombreux travaux récents de l’OCDE sur ce thème.
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[7]
« Le gouvernement d’entreprise renvoie au système par lequel les activités d’une entreprise sont conduites et surveillées. Il organise la répartition des droits et des responsabilités entre les différents participants à la vie de l’entreprise, dont le conseil d’administration, les dirigeants, les actionnaires et les autres parties prenantes et fixe les règles et les procédures régissant la manière dont sont prises les décisions concernant la conduite des affaires. Il constitue donc la structure par laquelle sont définis les objectifs de l’entreprise, ainsi que les moyens de les atteindre et de suivre les résultats » (OCDE [1999b, p. 1]).
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[8]
OCDE [1999b, p. 1].
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[9]
OCDE [1999a, p. 4].
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[10]
Pistor, Raiser et Gelfer [2000] étendent l’analyse de LLSV aux économies en transition.
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[11]
Les créanciers nantis bénéficient du premier rang dans l’ordre des paiements, avant l’État et les salariés.
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[12]
Par la suite abrégé LLS.
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[13]
Voir, par exemple, OCDE [1999a et b].
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[14]
Voir, par exemple, FMI [2000].
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[15]
Ce résultat est surprenant, étant donnée la plus forte protection des créanciers dans les pays de common law (cf. tableau 1).
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[16]
Cette conception, selon laquelle le développement financier entraîne une croissance économique plus rapide, fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus (voir, Demirgüç-Kunt et Maksimovic [1998], Levine et Zervos [1998], Rajan et Zingales [1998], Carlin et Mayer [1999], Stulz [2000], Gérardin, Guigou et Ory [2000], etc.).
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[17]
Il convient de garder également à l’esprit que si une législation importée présente l’avantage d’avoir été mise à l’épreuve, sa transplantation est foncièrement risquée car les règles ne procèdent pas de la culture juridique locale et il est possible qu’elles n’arrivent pas à s’enraciner, comme le prouve l’expérience récente de la Russie (Berkowitz, Pistor et Richard [2001]). Par ailleurs, les pratiques de gouvernance peuvent « faire système », c’est-à-dire que la transposition d’un cadre juridique national à un autre ne produit pas systématiquement des effets analogues. La capacité des firmes à produire des modalités originales de gouvernance peut leur permettre de s’exonérer des règles de droit transplantées. Durant l’après guerre au Japon, les États-Unis ont voulu favoriser un fractionnement de l’actionnariat en interdisant aux banques de détenir plus de 5 % du capital d’une entreprise. Les banques se sont progressivement coalisées pour contourner cette contrainte en s’organisant en pool et en prenant des décisions communes (système de main bank). In fine, le Japon se caractérise par un actionnariat fractionné, mais un fonctionnement du système avec des blocs solidaires (Boutiller et Geoffron [2002]).
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[18]
Cette analyse peut être rapprochée du processus de la compétition fiscale décrit par Tiebout. Il faut pour cela admettre que les « producteurs » de droit sont en situation de concurrence et que la mobilité du capital est importante (Deffains, [2001]).
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[19]
Sur ce thème, on peut également consulter Biais et Recasens [20011 qui étudient comment le droit des faillites émergeant du processus politique peut s’écarter de l’optimum social.
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[20]
? dépend des conditions de mise en œuvre des règles de droit.
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[21]
Voir, également, Roe [2000].
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[22]
Cette analyse suggère que les forces qui s’opposent au développement financier seraient plus faibles lorsqu’un pays est ouvert au commerce international et aux mouvements de capitaux.
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[23]
La problématique de la persistance des divergences est différente de celle de l’efficience des structures de gouvernement d’entreprise qui s’interroge sur la « supériorité » d’un système par rapport à l’autre. Toutefois les deux aspects sont liés dans l’analyse néoclassique, car l’hypothèse d’une convergence forte à la Easterbrook et Fishel veut que les structures tendent naturellement vers l’efficience économique, à travers la mise en compétition des règles juridiques.
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[24]
Une négociation coasienne entre les actionnaires minoritaires et le détenteur du bloc de contrôle peut conduire ce dernier à accepter les nouvelles normes de gouvernance.
1 – Introduction
1Par quelles voies le droit influence-t-il l’économie ? Cette question connaît un vif regain d’intérêt depuis quelques années, notamment dans le cadre des travaux réalisés à l’interconnexion de l’économie du droit et de la finance. Elle n’est cependant pas nouvelle, comme en attestent les réflexions déjà anciennes d’économistes (Commons, Hayek, Rueff, ...) ou de juristes (Holmes, Ripert, ...) d’origines et de sensibilités variées. Par la suite, les historiens de l’économie et les théoriciens des droits de propriété ont démontré l’importance des structures juridiques dans le développement économique des nations (North, Alchian, Demsetz) et les spécialistes de l’échange international ont cherché à présenter le droit comme une source d’avantages comparatifs (Porter). Avec le programme de recherches de l’économie du droit, la problématique se focalise sur la nature des mécanismes en cause. Il s’agit d’appliquer les outils d’analyse et les critères de jugement des économistes à l’explication et à l’évaluation des règles juridiques. Dans cette perspective, Posner développe une des thèses centrales de l’économie du droit, celle de l’efficience de la common law. Cette thèse veut que la common law soit expliquée comme un système permettant de maximiser la richesse de la société. Elle est supportée par deux types d’arguments. Le premier repose sur des études démontrant que les doctrines de la common law sont, en pratique, efficientes, parce que les juges des tribunaux anglo-saxons prendraient leurs décisions comme si leur objectif implicite était l’efficience économique. Le second porte sur la transformation des règles inefficientes en règles efficientes. Certaines règles créeraient des coûts de transaction élevés, de sorte que les justiciables gagneraient à négocier pour établir des arrangements institutionnels efficients, conformément au principe du théorème de Coase. Un mécanisme de sélection des règles de droit est ainsi mis en avant. Sans entrer dans les détails des débats que suscite cette thèse [3], il convient de souligner qu’elle se limite à un système juridique donné, la common law. En d’autres termes, les recherches n’ont guère porté sur les autres systèmes, à commencer par ceux qui s’inscrivent dans la tradition romano-germanique et présentent la particularité d’être très codifiés.
2La question est pourtant essentielle de savoir si la présence d’un code civil facilite ou non la sélection de règles efficientes. Deux réponses peuvent être envisagées. On peut considérer simplement que si la common law est efficiente, cela signifie implicitement que le système civiliste codifié ne l’est pas. On peut aussi admettre, en raisonnant dans un cadre coasien, que les forces concurrentielles décrites pour expliquer la tendance vers l’efficience s’exercent également au niveau international, ce qui conduit à avancer la thèse d’une « convergence forte » des systèmes juridiques. Ce point de vue est défendu par des auteurs comme Easterbrook et Fischel [1991], dans le domaine du droit des sociétés, pour prédire la convergence des règles de gouvernement d’entreprise, compte tenu du souci commun aux acteurs économiques de disposer d’un système de normes efficientes par delà les spécificités nationales.
3Il semble toutefois difficile de s’accorder sur cette thèse, notamment si on observe la réalité, caractérisée par la persistance d’une divergence des règles de gouvernement d’entreprise, en particulier entre les pays de droit anglo-saxon et les pays de droit civil. Ce constat suscite des interrogations auxquelles s’efforcent de répondre les travaux entrepris par les spécialistes de finance et de gouvernement d’entreprise. Dans une série de publications portant le sceau du NBER, La Porta, Lopez-de-Silanes, Shleifer et Vishny [4] [1997, 1998, 1999 et 2000] s’efforcent de mettre en évidence les effets des règles du droit de l’entreprise sur les performances des systèmes financiers dans les pays de l’OCDE. Ces auteurs montrent que le système juridique (anglo-saxon, français, allemand ou Scandinave), le contenu des règles et leurs conditions d’application influencent non seulement le degré de protection accordée aux investisseurs, mais aussi le niveau de développement des marchés financiers. Ces études comparatives décrivent une situation dans laquelle les pays de common law offrent une meilleure protection aux investisseurs que les pays de droit civil. Cette particularité expliquerait pourquoi les pays appartenant au premier groupe ont des marchés financiers plus développés, une propriété du capital plus dispersée et des capitaux propres plus importants que ceux appartenant au second groupe. Dans la continuité des travaux de LLSV, Levine [1998 et 1999] démontre l’existence d’une relation étroite et forte entre l’effectivité de la protection juridique apportée aux créanciers et le développement de l’intermédiation financière. Cet auteur montre également que la composante « exogène » du développement financier, celle expliquée à partir de l’environnement légal et réglementaire, est positivement et significativement corrélée à la croissance économique.
4Il ressort de ces travaux qu’en assurant une protection supérieure, le système de common law dominerait le(s) système(s) de droit civil. Par extension, l’actionnariat dispersé et le système de gouvernement d’entreprise fondé sur les marchés serait supérieur à un système où l’actionnariat est concentré et où le gouvernement d’entreprise repose sur les détenteurs de blocs de contrôle. L’explication résiderait dans le fait que la dispersion de l’actionnariat irait de pair avec des marchés d’actions liquides et étoffés. En effet, la garantie offerte aux investisseurs que les capitaux apportés ne seront pas détournés, conditionnerait le développement des marchés de capitaux et, par conséquent, la croissance économique, surtout dans les phases d’innovation où le besoin de capitaux pour des investissements « risqués » est important (Cameron, Gerchenkron). A contrario lorsque le système juridique offre une protection insuffisante aux petits actionnaires, la seule solution pour assurer le financement des entreprises serait le recours à la concentration de l’actionnariat qui constituerait, dès lors, un substitut en cas d’absence d’un environnement légal et institutionnel performant (Shleifer et Vishny [1997]). Ces travaux confortent également l’idée que la tradition romano-germanique serait moins « performante » que la common law, parce qu’elle n’aurait pas permis l’émergence d’un système de règles efficientes dans le domaine du droit de l’entreprise. Nous montrerons que cette position est toutefois contestable. L’essentiel des arguments développés permettront aussi de présenter une première synthèse du vaste programme de réflexions engagé dans le domaine du Law and Finance.
5Cette thématique propose une explication du développement des marchés et de l’efficacité des formes de gouvernement d’entreprise novatrice, en situant le droit à l’origine des structures et des performances économiques. L’approche développée remet en cause deux idées dominantes dans la littérature. D’une part, elle conduit à douter de l’hypothèse d’une « convergence forte » des systèmes de gouvernement d’entreprise, telle qu’elle est avancée en raisonnant dans un univers parfaitement coasien, où les arrangements entre acteurs économiques conduisent à l’émergence de solutions efficaces. D’autre part, elle relativise la conception de la grande entreprise issue des travaux de Berle et Means, de même que la vision historique du rôle de l’intermédiation financière dans le développement économique. En effet, la dispersion de l’actionnariat apparaît dans l’ensemble comme un mythe ; le modèle de la grande entreprise caractérisée par la séparation de la propriété et de la gestion ne correspond à la réalité que dans un petit nombre de pays (États-Unis, Royaume-Uni et Japon). La concentration de l’actionnariat est le modèle dominant dans le monde. Le problème d’agence majeur rencontré dans la plupart des entreprises, celles de grande taille comme celles de moindre envergure, n’est pas le conflit d’intérêts opposant les dirigeants et les propriétaires, mais celui qui oppose les actionnaires minoritaires et les actionnaires majoritaires.
6Les recherches sur lesquelles s’appuie cet article se fondent sur la comparaison des systèmes juridiques et la mise en évidence des conséquences de leurs principales caractéristiques. Héritiers du droit romain, les pays de tradition romano-germanique sont des pays de droit écrit ; le droit n’y est pas, à titre principal, de nature jurisprudentielle. Cette caractéristique résulte de l’illégitimité du juge à créer le droit et de l’idée selon laquelle les sources du droit doivent former un système ordonné et cohérent dont découlent les solutions aux problèmes juridiques. De ce fait, seul un acte du « souverain » peut créer les règles. Le droit romano-germanique est ainsi devenu le « droit des codes ». En revanche, la common law apparaît comme un droit dont le mode d’élaboration est essentiellement jurisprudentiel. En effet, alors que dans le système romano-germanique, le juge qualifie juridiquement les faits pour dégager la question de droit que pose un litige et en déduire la solution de droit applicable figurant dans le code, le juge de la common law se considère confronté à une situation de fait qu’il y a lieu de comparer à des situations similaires, à propos desquelles des décisions ont déjà été rendues. Le juge apparaît comme un créateur de droit. Son raisonnement est inductif, au sens où il reproduit des solutions dégagées pour des faits semblables. Dans les pays de common law, le droit écrit occupe aussi une place importante (et croissante) [5], mais sa conception est différente, puisqu’un texte de loi a pour fonction d’apporter des compléments à la jurisprudence et non d’énoncer des principes ou d’exprimer un système juridique (exemple des guidelines ou des restatements of the law aux États-Unis). Ces différences de méthode recouvrent également des conceptions divergentes de la fonction du droit. Alors que la tradition romano-germanique est très influencée par la théorie, la common law apparaît comme un droit de praticiens qui requiert l’apprentissage de techniques afin de régler des cas concrets en trouvant les remèdes appropriés. L’opposition des systèmes se situe d’ailleurs beaucoup dans l’approche du procès, à l’image de la distinction entre procédure inquisitoire et accusatoire (en matière pénale) : en droit anglo-américain, la procédure est menée sous la direction des parties avec une intervention faible de l’État et un juge « arbitre », alors qu’en droit romano-germanique la procédure est conduite par l’État. En définitive, « le droit est expression du souverain pour la tradition romano-germanique, constatation d’un consensus social pour la common law, norme d’essence supérieure contre règle du jeu, qui explique la préférence de la common law et de ses praticiens pour les règles négociées ou dont le caractère contraignant ne repose pas sur une intervention extérieure » (Conseil d’État [2001, p. 31]).
7L’objet de cet article est de tirer un premier bilan des recherches en Law and Finance et de mesurer leur portée en termes de comparaison des systèmes juridiques et de leurs performances économiques. Nous commencerons par présenter l’analyse de LLSV (2). Nous examinerons ensuite de quelle manière cette analyse remet en cause la thèse de la neutralité du droit, tout en mettant en évidence ses limites, tant du point de vue des modalités de l’impact du droit sur l’économie (3) que de celui du sens de causalité droit-économie (4). Enfin, nous conclurons sur les perspectives qu’offrent de tels travaux à l’intersection du droit et de l’économie (5).
2 – La thèse de LLSV
8Le thème du gouvernement d’entreprise s’est hissé au cours de la dernière décennie au premier plan des préoccupations internationales [6]. L’organisation du pouvoir dans l’entreprise [7] est désormais considérée comme un déterminant de la compétitivité et de la stabilité des économies : « se doter d’un système de gouvernement d’entreprise de qualité est une démarche importante pour susciter la confiance des marchés et favoriser l’établissement de flux d’investissement internationaux à long terme plus stables » [8].
9Si on reconnaît ainsi l’importance de normes internationalement acceptées dans le domaine du gouvernement d’entreprise, comment expliquer la disparité des systèmes nationaux ? Comment évoluent-ils ? Y a t-il convergence ? Quel système dominera et pourquoi ?
2.1 – L’approche juridique du gouvernement d’entreprise
10Les travaux de LLSV ont largement contribué à impulser ce questionnement. Ces auteurs développent une approche du gouvernement d’entreprise basée sur la protection juridique des apporteurs de capitaux : « Corporate governance is, to a large extent, a set of mechanisms through which outside investors protect themselves against expropriation by the insiders … the key mechanism is through the legal system, meaning both laws and their enforcement » (LLSV [2000, p. 4]).
11Pour LLSV, la protection des droits des actionnaires et des créanciers constitue le pilier de tout système de gouvernement d’entreprise. Leur point de départ est l’inévitable incomplétude des contrats. Dès lors, les structures de gouvernance s’envisagent comme des mécanismes de prise de décision permettant de combler les lacunes du contrat initial (Hart [1995]). Une des conséquences de cette incapacité d’élaborer des contrats complets est que les dirigeants possèdent des droits de contrôle résiduels, ce qui apparaît comme autant de sources d’expropriation des apporteurs de capitaux. On comprend alors pourquoi le droit doit être placé au centre de l’analyse des structures de financement et de gouvernance des entreprises : l’approche en terme de contrats incomplets conduit à mettre l’accent sur l’incidence de la qualité des règles de droit et des systèmes juridiques (Mayer et Sussman [2001, p. 459]).
12Les droits des actionnaires au regard de la loi et les possibilités de recours lorsque ces droits ne sont pas respectés sont également reconnus comme essentiels dans les Principes de l’OCDE relatifs au gouvernement d’entreprise (OCDE [1999a]). Selon ces Principes, « les droits fondamentaux des actionnaires comprennent notamment le droit : 1) de bénéficier de méthodes fiables d’enregistrement de leurs titres ; 2) de pouvoir céder ou de transférer des actions ; 3) d’obtenir en temps opportun et de façon régulière des informations pertinentes sur la société ; 4) de participer et de voter aux assemblées générales des actionnaires ; 5) d’élire les membres du conseil d’administration ; et 6) de partager les bénéfices de la société » [9]. En outre, les Principes font référence à la notion de traitement équitable au sein de chaque catégorie d’actionnaires (ceux détenant une participation de contrôle, les minoritaires et les étrangers). En revanche, malgré la reconnaissance de l’importance du rôle des créanciers et des autres parties prenantes dans le gouvernement d’entreprise, les Principes ne prévoient aucune garantie, aucun droit spécifique à cette catégorie d’intervenants.
13LLSV [1998] étudient les règles de droit visant à protéger les actionnaires minoritaires et les créanciers garantis, l’origine de ces règles et la qualité de leur application dans 49 pays développés et en voie de développement [10]. Les pays sont classés en quatre groupes, selon leur système juridique de référence : le système de common law et les systèmes de droit civil français, allemand ou scandinave.
14LLSV évaluent la protection des actionnaires minoritaires à l’aide d’un indicateur synthétique, l’antidirector rights. Cet indicateur a par définition une valeur comprise entre 0 et 6 et s’obtient en ajoutant 1 dans les cas suivants : le vote par procuration est autorisé ; le dépôt des titres avant le vote à une assemblée générale n’est pas obligatoire ; le vote cumulatif ou la représentation proportionnelle des minoritaires au conseil d’administration est permis ; il existe un dispositif légal permettant aux minoritaires lésés d’engager des actions en justice contre les dirigeants ou les membres du conseil d’administration ; le pourcentage de capital nécessaire à l’obtention de l’organisation d’une assemblée générale extraordinaire est inférieur à 10 % ; l’obligation est faite de consulter les actionnaires avant de supprimer leurs droits préférentiels de souscription. Dans une approche similaire, LLSV regroupent les droits des créanciers au sein d’un indicateur qui est d’autant plus élevé que : les créanciers peuvent refuser la réorganisation de la société insolvable ; le créancier titulaire d’une sûreté affectée à un bien déterminé de la société est autorisé à réaliser ce bien et se désengager ; la priorité absolue est respectée [11] ; et le dirigeant ne garde pas le contrôle de la société pendant le redressement judiciaire.
15Le tableau 1 résume les résultats. Il apparaît que la protection des actionnaires et des créanciers est la plus élevée dans les pays de common law et la plus faible dans les pays de droit civil français. Les pays de droit civil allemand et scandinave se situent entre les deux extrêmes.
Protection des investisseurs
Protection des investisseurs
16LLSV s’intéressent également à un indicateur censé mesurer le degré d’application des règles ( Rule of Law). Cet indicateur peut prendre des valeurs allant de 0 à 10, la note parfaite (cf. tableau 1, colonne 3). Comme le notent LLSV [1998, p. 1141], la qualité d’application des règles ne se substitue pas à la qualité du contenu des règles.
2.2 – Protection des investisseurs, propriété et contrôle des entreprises
17Quelles forces influencent la structure de propriété des entreprises et le comportement des actionnaires ? Les travaux en finance ont longtemps considéré le modèle de Berle et Means [1932] comme le modèle traditionnel de la grande entreprise. Dans ce modèle, les besoins en capitaux de la grande entreprise dépassent les capacités financières de tout un chacun et exigent la contribution d’un grand nombre d’investisseurs. La fragmentation du capital social qui en résulte s’accompagne d’une perte de pouvoir des actionnaires. Or, comme le démontre l’étude de La Porta, Lopez-de-Silanes et Shleifer [1999] [12], l’entreprise au capital dilué de type Berle et Means est un mythe.
18Ces auteurs examinent la structure de l’actionnariat des vingt plus grandes sociétés non financières dans chacun des 27 pays retenus. Ils établissent qu’en 1995, 36% d’entre elles n’étaient pas contrôlées par un seul actionnaire, c’est-à-dire avaient un actionnariat dispersé, 30 % étaient contrôlées par des familles, 18 % étaient sous contrôle de l’État, et le reste entrait dans d’autres catégories ne relevant pas de l’actionnariat dispersé. Ce résultat est obtenu lorsque le contrôle est défini au seuil de 20 %. Quand le seuil est abaissé à 10 %, la concentration de l’actionnariat devient encore plus apparente : seulement 24 % des firmes ont alors une structure de propriété diluée.
19Même si les calculs diffèrent, d’autres études conduisent à la même conclusion (Becht et Röell [1999] ; Barca et Becht [2001]) : le modèle de Berle et Means de la grande entreprise, caractérisée par la séparation entre le contrôle et la propriété, ne correspond à la réalité que pour un petit nombre de pays (essentiellement les pays anglo-américains) : la concentration de l’actionnariat est le modèle dominant dans le monde (notamment en Europe continentale) ; les actionnaires principaux sont en général les familles et l’État. Le problème d’agence majeur rencontré dans la plupart des entreprises, celles de grande taille comme celles de moindre envergure, n’est pas le conflit d’intérêts entre les dirigeants et les propriétaires, mais celui qui oppose les actionnaires majoritaires et les actionnaires minoritaires. Comment expliquer ces faits ? Pourquoi la propriété est–elle concentrée en Europe continentale et dispersée aux États-Unis et au Royaume-Uni ?
20La concentration de l’actionnariat est peut être la réponse au manque de protection juridique des actionnaires minoritaires dans les pays de droit civil. Cette thèse « juridique » a été avancée et testée par LLS [1999]. Les auteurs répartissent les 27 pays étudiés en deux groupes, selon qu’ils offrent une forte ou une faible protection aux actionnaires minoritaires. Leur étude met en évidence le résultat suivant : au sein des pays à forte protection (pays ayant un indicateur des antidirector rights supérieur à 3), en moyenne, 47,92 % des grandes entreprises ont un actionnariat dispersé ; ce chiffre est de 27,33 % pour les pays à faible protection.
21Cette thèse « juridique », selon laquelle la concentration de la propriété (en Europe continentale) serait la conséquence des faibles protections juridiques accordées aux actionnaires minoritaires, va à l’encontre de la théorie « politique » avancée par Roe [1994], qui attribue la dispersion de l’actionnariat (aux États-Unis) aux contraintes réglementaires imposées au développement des banques et autres intermédiaires financiers. Selon son argumentaire, en l’absence de réglementations strictes limitant les activités et la taille des intermédiaires financiers, la dilution du capital social ne se serait pas produite et la propriété n’aurait pas été séparée du contrôle (aux États-Unis). Dans cette perspective, les contraintes réglementaires produisent une structure de gouvernance sous-optimale. La dispersion de l’actionnariat est implicitement considérée comme une preuve de la défaillance du droit. A l’inverse, dans la thèse défendue par LLSV, l’actionnariat dispersé est vu comme un succès du droit (de la common law). en ce sens qu’elle permet de développer chez les investisseurs la confiance nécessaire pour qu’ils acceptent le statut d’actionnaire minoritaire (Coffee [1999]).
22L’existence d’une relation inverse entre protection des actionnaires et concentration de l’actionnariat ne prouve pas la supériorité d’un système par rapport à l’autre. La participation des actionnaires au contrôle de l’entreprise dépend, dans une large mesure, de la composition de l’actionnariat. La dispersion de l’actionnariat n’incite pas à la surveillance de la direction, mais encourage le développement de marchés boursiers liquides et actifs. Les petits investisseurs n’exercent pas un contrôle direct de la gestion (problème de « passager clandestin »), mais font pression sur l’équipe dirigeante en menaçant de retirer leurs capitaux s’ils ne sont pas satisfaits (la défection par opposition à la prise de parole (Arnould [2001])). La vente de titres de capital en cas de mécontentement accroît le risque d’une OPA hostile et le remplacement des dirigeants actuels par de nouveaux. La concentration de l’actionnariat, en revanche, encourage les principaux actionnaires à exercer un contrôle direct de la direction. On aboutit ainsi à un système de contrôle « interne » des sociétés, par opposition au système de contrôle « externe », que connaissent le Royaume-Uni et les États-Unis (Franks et Mayer [1997]). Par ailleurs, il a été avancé que les systèmes basés sur les blocs de contrôle permettent à la direction des entreprises de gérer à long terme, alors que les systèmes reposant sur les prises de contrôle hostiles conduisent au court termisme. Sans entrer dans le débat sur les mérites respectifs de ces deux systèmes, il convient de remarquer, toutefois, le nombre croissant de contributions visant a mettre en évidence les coûts associés aux relations bancaires étroites et durables (Eber [2001]), caractéristiques des systèmes centrés sur la banque (Kang et Stulz [1997] ; Weinstein et Yafeh [1998]; Guigou [2000]).
2.3 – Protection des investisseurs, marchés de capitaux et financement des entreprises
23Les règles juridiques du gouvernement d’entreprise conditionnent le développement des marchés de capitaux. La certitude pour les investisseurs que les fonds qu’ils fournissent seront protégés contre tout abus ou détournement contribue à l’obtention et au maintien d’une capitalisation boursière élevée [13]. A contrario si les droits des actionnaires ne sont pas bien protégés, les investisseurs achètent les actions avec une décote, ce qui rend les émissions de titres moins attrayantes. De même, l’offre de crédits dépend de l’étendue de la protection des droits des créanciers. En particulier, la faculté qu’a un créancier d’ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’encontre d’un débiteur pour recouvrer sa créance réduit le risque de crédit et aboutit à un accroissement de l’offre de financement [14]. L’étude de LLSV [1997] conforte cette analyse.
24Initialement, ces auteurs se posent la question suivante : pourquoi la taille des marchés de capitaux est-elle si différente entre des pays par ailleurs semblables ? Ils parviennent au résultat selon lequel les pays où les investisseurs sont les mieux protégés sont également ceux où les marchés de capitaux sont les plus actifs et les plus liquides.
25Comme le montre le tableau 2, la part de la capitalisation boursière détenue par les actionnaires minoritaires ramenée au Produit National Brut (PNB) est en moyenne de 60 % dans les pays où la common law est appliquée. Cette part est largement supérieure à celle caractérisant les pays de droit civil français ou scandinave. Le score relativement élevé des pays de droit civil allemand (46 %) est largement dû à la présence du Japon (62 %) et d’autres pays d’Asie de l’Est dans les regroupements opérés par les auteurs. L’importance relative des marchés d’actions apparaît ainsi fortement reliée aux traditions juridiques. En outre, le nombre de sociétés cotées et les nouvelles cotations (les offres publiques initiales ou IPO) sont beaucoup plus élevés dans les pays anglo-saxons qu’en Europe continentale : on dénombre 36 firmes inscrites à la bourse par million d’habitants au Royaume-Uni et 30 aux États-Unis ; on n’en compte que 8, 4 et 5 respectivement en France, en Allemagne et en Italie. Seuls les pays scandinaves, et particulièrement le Danemark et la Norvège, affichent un score équivalent ou supérieur à celui des pays anglo-américains. La dernière colonne du Tableau 2 indique l’endettement total (bancaire et obligataire) des entreprises domestiques ramené au PNB du pays. Il n’y a pas de différence significative de ce point de vue entre les pays de common law et les pays de droit civil [15].
Importance des marchés de capitaux en 1994
Importance des marchés de capitaux en 1994
26L’analyse de régression effectuée par LLSV tend à confirmer les conclusions du tableau 2 : le système juridique n’est pas sans effet sur la structure financière des entreprises. Le recours au financement externe dépend de la croissance économique, mais, fait plus significatif encore, il est démontré que la protection des actionnaires et des créanciers importe également.
27La thèse de LLSV peut finalement être résumée de la façon suivante : la protection juridique des investisseurs est cruciale pour le développement financier et, par conséquent, pour la croissance économique [16]. Cette thèse conduit à s’interroger sur la pertinence de la distinction traditionnelle faite entre les systèmes financiers basés sur les marchés et ceux centrés sur les banques (LLSV [2000]). D’une part, cette distinction n’apparaît pas robuste au regard des structures de propriété et de financement des entreprises (Mayer et Sussman [2001]). D’autre part, elle se heurte au fait que le rythme de croissance semble moins dépendre de la structure du système financier que de son niveau de développement (Beck et Levine [2002]). Ces considérations conduisent à remettre en cause la thèse de la neutralité du droit.
3 – L’influence réelle de la « qualité moyenne » des règles juridiques
3.1 – Neutralité du droit versus law matters
28La thèse de la neutralité du droit renvoie au théorème de Coase. A la question de savoir si le contenu d’un dispositif juridique peut affecter le niveau de l’activité économique, la réponse de l’économie est négative lorsque les conditions de ce théorème sont satisfaites. En d’autres termes, aussi longtemps que les coûts de transaction sont négligeables, les parties doivent pouvoir négocier un arrangement contractuel quelles que soient les conditions initiales prévues par le droit.
29La principale illustration de ce principe concerne la thèse de l’efficience de la common law avancée par Posner. Selon cette thèse, les juges, en tant que « créateurs de droit », choisiraient le plus souvent de trancher les litiges, conformément à ce que les parties auraient décidé si elles avaient pu négocier dans le cadre d’une solution coopérative. Par analogie avec le théorème de Coase, les juges mimeraient la transaction à coût nul. Dans ce cadre jurisprudentiel, il ne peut donc pas y avoir d’effet sur le niveau de l’activité économique. Il s’agit du principe de la neutralité des règles de droit. Plus précisément, cette approche implique que le contenu des règles est sans effet sur l’affectation des ressources dans la mesure où, quelle que soit la nature des règles, la négociation conduit toujours à un optimum, soit directement entre les parties, soit indirectement par l’intermédiaire du juge. Outre le fait qu’elle soulève de vives controverses sur le rôle et l’aptitude du juge (efficacité comme objectif et capacité à anticiper les conséquences de ses décisions), cette approche apparaît a priori incompatible avec la thèse de LLSV qui met l’accent sur la différence dans la « qualité moyenne » des règles de common law et de droit civil. En effet, bien que la thèse de Posner se limite à un système juridique donné, la common law elle implique que le contenu du droit ne détermine pas l’affectation des ressources, mais seulement la répartition. Ce principe étant applicable à tous les systèmes, la lecture de Posner peut laisser penser que si le système de common law conduit à l’efficience, les autres systèmes s’en écarteraient. Dans ce cas, le niveau de l’activité économique pourrait être affecté par le droit. Cependant, l’origine de cet effet se situerait moins dans le contenu que dans la mise en œuvre du droit. Dans la tradition de l’économie du droit, si la common law s’avère performante, c’est avant tout parce que les conditions d’application des règles par les juges apparaissent plus favorables.
30Cette analyse est d’ailleurs explicitée par Cooter [1997] lorsqu’il conclut que si la common law est plus efficace que la civil law c’est parce qu’une « main invisible » la dirige vers l’efficience. Selon cet auteur, la société adhère spontanément à un système de normes sociales qui, sous certaines conditions, évoluent vers l’efficience économique : la common law tendrait vers l’efficience en respectant les normes sociales. Les juges sont toujours au centre de l’analyse, puisqu’ils contribuent directement à intégrer les normes sociales dans le corpus juris. En raison de la nature jurisprudentielle de la common law les juges, plutôt que d’inventer des règles correspondant à leurs préférences, s’efforceraient de faire émerger des règles conformes aux normes sociales. En revanche, ce mécanisme ferait largement défaut dans un système de droit codifié soumis aux décisions du législateur.
31Dans le domaine du coporate law, l’approche en termes de neutralité est défendue par certains auteurs. Easterbrook et Fischel [1991], en particulier, affirment que les entreprises et les investisseurs peuvent signer des contrats efficients, quelle que soit la règle posée par le droit. Selon eux, des pays relevant de systèmes juridiques différents devraient pouvoir mettre en place des solutions de financement efficientes pour l’activité des entreprises, les détails de la règle de droit étant secondaires. Dans un esprit proche, Berglöf et Von Thadden [1999] estiment que les pays européens ont su développer des institutions financières et juridiques qui ont permis aux firmes de trouver des investisseurs dans des conditions telles que la transposition des institutions américaines à l’Europe ne serait pas nécessairement bénéfique du point de vue de l’affectation des ressources financières [17]. Ainsi, conformément aux prédictions coasiennes, les arrangements en termes de gouvernement d’entreprise pourraient être différents selon les pays, mais cela n’empêcherait pas les projets rentables d’être efficacement financés par delà les différences de systèmes. Il semble toutefois possible de se demander jusqu’à quel point les divergences pourraient perdurer. En effet, l’argumentation de Easterbrook et Fischel conduit assez logiquement à l’idée d’une « convergence forte » des systèmes de gouvernement d’entreprise, dans la mesure où la mondialisation des marchés doit stimuler la concurrence entre les systèmes juridiques et donc conduire à l’homogénéisation des règles mises en œuvre [18].
32La thèse de LLSV remet fondamentalement en cause l’approche en termes de neutralité. Elle montre que le droit est important par son impact, à la fois, sur les structures et sur le niveau de l’activité économique, avançant l’idée que la part de la dette (intermédiée et désintermédiée) dans le revenu national et le niveau de développement des marchés financiers influencent positivement le taux de croissance économique. Or, la variable déterminante pour expliquer ce niveau de développement apparaît être le degré de protection des créanciers et des actionnaires minoritaires. Certes, cette thèse n’est pas totalement contradictoire avec l’approche en termes de neutralité, dans la mesure où LLSV intègrent dans leurs travaux, non seulement le contenu de la règle de droit, mais aussi ses conditions de mise en œuvre par le système judiciaire (cf. supra). Cependant, leur hypothèse principale réside dans le fait que les différences constatées entre pays de common law et pays de droit civil du point de vue des marchés de capitaux (degré de liquidité, volume de transaction, déconcentration du capital et séparation de la propriété et du contrôle) résultent essentiellement du contenu plus favorable de la common law Dès lors, l’idée de « convergence forte » des règles de gouvernement d’entreprise n’est plus soutenable. En effet, les investisseurs dont la protection offerte par le système juridique est insuffisante n’achèteront pas les titres des entreprises soumises à ce dispositif, ou alors à des prix inférieurs à ceux du marché. Par conséquent, les entreprises n’auront d’autre issue que de se tourner vers d’autres blocs de contrôle ou vers les banques pour financer leurs activités et vendront peu de titres sur les marchés de capitaux. Le statu quo des structures de gouvernement d’entreprises devrait donc être assuré.
33Pourquoi, dans ce cas, les pays de common law sont-ils dominés par le marché alors que les pays de tradition romano-germanique sont dominés par les banques ? A cette question LLSV apporte une réponse en termes de « qualité moyenne » des règles, puisque les marchés financiers se développeraient d’autant mieux que le niveau de protection accordé aux actionnaires par le système juridique national serait élevé. Comme les pays de common law offrent de ce point de vue les meilleures garanties, il semble logique que les marchés financiers y aient connu le développement le plus rapide. Pourtant, cette approche pose problème au regard de certaines données statistiques. La relation établie par LLSV entre tradition juridique et importance des financements de marché peut difficilement être validée si on compare la capitalisation boursière rapportée au Revenu National à Paris et à New York en 1913 : 0,78 contre 0,41 respectivement. Au début du siècle le marché était donc relativement moins développé aux États-Unis (common law) qu’en France (droit civil). Certes, au début des années 1980 la situation est inversée puisque les chiffres passent à 0,09 et 0,46, mais la différence s’atténue considérablement en 1999 avec 1,17 pour la France et 1,52 pour les États-Unis. Ce constat conduit Rajan et Zingales [2000] à considérer que le caractère relativement amical de la common law pour le marché, mis en évidence par LLSV, semble un phénomène fluctuant et il est peu probable qu’il puisse être expliqué par quelque chose d’aussi permanent que les origines du système juridique.
34Le développement relativement plus important du marché français au début du siècle peut cependant difficilement suffire pour rejeter l’existence d’une relation causale entre la structure des systèmes financiers et la tradition juridique d’un pays. Le constat précédent invite plutôt à s’interroger sur la nature exacte de l’influence de la tradition juridique définie par LLSV principalement en termes de contenu des règles de droit. Certains auteurs estiment qu’en dépit de « qualités moyennes identiques », la common law serait en mesure d’assurer une plus grande stabilité et prévisibilité du droit, via le respect des précédents judiciaires. C’est cela qui améliorerait l’efficacité des décisions économiques (Manne [1997]). Il convient toutefois de relativiser cet argument, car même si les tribunaux ou le législateur dans la tradition civiliste continentale ne sont pas liés par les précédents, ils s’y réfèrent fréquemment. En d’autres termes, si l’influence du droit ne passe pas simplement par le contenu de la règle, mais avant tout par ses conditions de mise en œuvre, l’explication doit être recherchée ailleurs que dans la qualité du droit. Une première piste est explorée par les travaux de Beck, Demirgüç-Kunt et Levine [2001a et b] qui considèrent que la principale différence entre common law et tradition romano-germanique réside dans leur capacité d’adaptation aux changements de l’environnement économique. Les traditions juridiques qui s’adaptent rapidement pour réduire au minimum l’écart entre les besoins de l’économie et les capacités du système juridique contribueraient plus efficacement au développement financier que des traditions plus rigides. Le droit comparé suggérerait ainsi que la common law est de nature « dynamique » (Mattei [1997]). Comme les juges traitent les affaires au cas par cas, en intégrant les besoins changeant de société, il y a une faible probabilité qu’un grand écart se forme entre les besoins de l’économie et le droit. Au contraire, le code civil français est né de la Révolution avec l’objectif de créer un code parfait et immuable. Ainsi, en théorie, le code civil est de nature plus « statique ». Cette approche est intéressante dans la mesure où elle souligne bien l’importance de la mise en œuvre des règles, mais elle ne rend pas bien compte de la nature de cette influence, et elle sous-estime l’aptitude du droit civil codifié à s’adapter aux contraintes économiques (Deffains [2002]).
35La protection des investisseurs dans une économie, telle qu’elle est reflétée dans la définition des droits des actionnaires et des créanciers, ne traduit pas toujours de manière fidèle les véritables différences entre les traditions juridiques. Dans ce cas, l’utilisation des variables de « qualité » des règles juridiques ne permettrait pas de révéler le lien exact entre l’origine juridique et l’organisation du système financier d’un pays. Nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, lors de la présentation des systèmes de common law et de tradition civiliste romano-germanique, une tradition juridique ne saurait être définie simplement par l’ensemble des règles de droit qui le compose, il convient d’y ajouter la façon dont le droit est créé et mis en œuvre. De nouvelles recherches vont en ce sens en privilégiant l’étude des conditions d’application du droit pour rendre compte des différences dans le développement des marchés financiers entre les pays. Citons en particulier Modigliani et Perotti [2000] et Ergungor [2001]. Dans les deux cas, le rôle favorable des juges de la common law est mis en avant.
3.2 – Système judiciaire et structure de financement
36La différence essentielle entre common law et tradition romano-germanique résiderait en fait moins dans la qualité intrinsèque des règles que dans la capacité des tribunaux à résoudre des conflits susceptibles d’apparaître entre créanciers et débiteurs sur le marché des capitaux (Ergungor [2001]). Les juges de la common law en tant que créateurs de droit, seraient plus performants que leurs homologues continentaux, héritiers de la tradition du juge « diseur de droit », pour régler nombre de contentieux qui échapperaient au cadre strict du code civil. Les tribunaux des pays de droit civil doivent appliquer des règles codifiées et les juges n’ont pas la capacité de créer de nouvelles règles puisque leur rôle se limite à l’interprétation des textes. Cette situation expliquerait que leur capacité à sanctionner les emprunteurs défaillants serait limitée en cas de litiges. Par exemple, si un emprunteur trouve un moyen de transférer frauduleusement des capitaux au détriment du prêteur en utilisant une technique qui n’est pas définie dans le code, le juge de tradition romano-germanique risque d’être démuni pour assurer la réparation du préjudice subi par le créancier. Cette interprétation du rôle du juge rejoint en partie l’analyse de LLSV lorsque ces auteurs évoquent la « faiblesse » des tribunaux romano-germaniques en matière de contentieux financiers, en particulier dans les conflits opposant actionnaires majoritaires et minoritaires. Ils estiment, en effet, que ces tribunaux permettent une expropriation substantielle des actionnaires minoritaires lorsque les blocs majoritaires transfèrent une partie des capitaux et des profits hors de la firme. Ainsi, comme l’intervention des tribunaux des pays de droit civil ne suffit pas pour régler les litiges entre les participants au marché du crédit, les banques émergent dans ces pays en tant qu’institutions susceptibles de résoudre les conflits et d’assurer le respect des contrats sans intervention des juges.
37En définitive, le modèle proposé par Ergungor permet d’expliquer la structure financière d’un pays à partir de sa tradition juridique, mais sans se référer au contenu des droits des investisseurs. Dans les pays de tradition romano-germanique, où les banques sont en mesure de résoudre les conflits sans intervention des tribunaux, le besoin de droits étendus pour les créanciers sera plus faible que dans les pays de common law où les tribunaux assurent l’application des contrats financiers. Comme les tribunaux ont besoin de guides pour rendre leurs décisions, on doit s’attendre à ce que la définition des droits des créanciers soit plus complète dans les pays de common law La différence entre LLSV et Ergungor réside dans le fait que selon ce dernier, la complétude des droits des créanciers ne jouerait pas de rôle significatif dans le développement bancaire, puisque les règles apparaissent comme le produit final et non comme le déterminant du système financier. La littérature soutient qu’une meilleure protection juridique conduit aux systèmes financiers les plus développés. Il n’en va pas nécessairement ainsi. La tradition juridique, définie comme la façon dont les règles sont créées et appliquées, détermine également la structure du système financier. Les droits sont en partie la résultante des besoins de cette structure. Des divergences entre les systèmes financiers pourront donc persister indépendamment du contenu des règles. Elles sont alors plus le produit final que le déterminant des systèmes financiers.
3.3 – L’influence des conditions d’application des règles de droit
38Si l’approche précédente insiste sur la « défaillance » du système judiciaire dans l’émergence de l’intermédiation financière, les travaux de Modigliani et Perotti [2000) proposent une approche qui souligne l’importance des conditions d’application des règles de droit par les institutions judiciaires. Remarquant que dans les systèmes financiers traditionnellement considérés comme axés sur les banques (Allemagne et Japon), les firmes se tournent davantage vers la dette bancaire que vers la dette obligataire alors que l’inverse est vérifié aux États-Unis, les auteurs remettent en cause la distinction entre systèmes basés sur les marchés et systèmes basés sur les banques. En effet, cette classification traditionnelle ne permet pas de rendre compte des rôles des marchés et des banques dans des contextes juridiques différents. L’attractivité relative de la finance directe par rapport à la finance intermédiée est très sensible au contenu des règles mais aussi et surtout aux conditions d’application des règles. Même lorsque les règles de droit sont clairement conçues, leur application est susceptible d’être affectée par des considérations politiques, notamment si les pouvoirs publics disposent de pouvoirs importants dans la (re)définition des règles du jeu (sur la base de considérations sociales ou de sauvegarde de l’emploi par exemple). Cette situation peut créer un environnement juridique instable et faire que les règles établies ex ante peuvent diverger sensiblement des règles appliquées ex post [19]. A cela s’ajoute le fait que, dans certains cas, ceux qui sont en charge d’appliquer la loi peuvent être confrontés à des comportements de rent seeking ou à des phénomènes de corruption. Des travaux récents, portant sur les économies en transition, confortent cette thèse. Pistor, Raiser et Gelfer [2000], par exemple, montrent que la qualité d’application des règles de droit a davantage d’impact sur le financement externe des entreprises que le contenu des règles. Leur principal résultat est que l’effectivité des institutions juridiques a un impact beaucoup plus fort sur le financement externe que le droit tel qu’il est décrit dans les textes ou la jurisprudence.
39Modigliani et Perotti partent de l’idée selon laquelle les titres échangés sur les marchés sont standardisés. Les droits financiers qu’ils promettent aux investisseurs minoritaires sont basés avant tout sur un contenu juridique. Dans ces conditions, un environnement réglementaire et institutionnel inadapté permet l’expropriation des petits actionnaires et des obligataires, ce qui réduit la valeur des titres (actions et obligations) et compromet le développement des marchés. Le crédit bancaire émerge alors comme une forme plus adapté d’intermédiation, étant donné la capacité de surveillance et le pouvoir de négociation plus fort des intermédiaires financiers.
40Pour illustrer ce propos, considérons, avec Modigliani et Perotti, un entrepreneur ou un investissement de montant I et notons ? la valeur actualisée des flux de liquidités générés par le projet (ou valeur de la firme). La valeur ? se décompose en deux éléments. D’une part, la valeur du bloc de contrôle, qui se monte à [? + ?(1 – ?)] ?, où ? mesure la fraction de la valeur de la firme que s’approprie le détenteur du bloc de contrôle [20] et ? la participation minimale pour détenir le bloc de contrôle. D’autre part, la valeur qui reste à la disposition des actionnaires minoritaires, 1 – [? + ?(1 – ?)]?, soit (1 – ?) (1 – ?)?. Ainsi, ?? mesure les bénéfices de l’entrepreneur en tant que détenteur du contrôle ou du pouvoir décisionnel (bénéfices privés ou de contrôle) et ?(1 – ?) ?, ses bénéfices en tant que propriétaire de la fraction ? du capital de la société. Dans ces conditions, le montant maximum que les investisseurs sont prêts à payer pour acquérir la fraction (1 – ?)de la société est (1 – ?) (1 – ?) ?. Même si le projet est rentable (? > I), l’entrepreneur peut être dans l’incapacité de lever suffisamment de capitaux propres externes pour le financer. Cela se produit si :
42Définissons par ?**, la rentabilité minimale que les investisseurs externes exigent du projet pour le financer. Cette valeur est donnée par :
44Elle est croissante avec ?, de sorte que plus le système juridique est inefficace (plus ? est élevé), moins de projets rentables sont financés et donc entrepris.
45A la suite de ce modèle, les auteurs montrent, dans une étude empirique, que la moyenne des primes de contrôle est plus élevée dans les pays caractérisés par des marchés de capitaux étroits et peu actifs. Ce résultat refléterait la plus grande capacité d’expropriation des actionnaires minoritaires dans ces pays, à l’instar de l’Italie. Les auteurs estiment en effet que la prime de contrôle, représentant la valeur supplémentaire par rapport au prix du marché qu’un investisseur paie pour obtenir le contrôle du capital d’une société, est liée positivement aux bénéfices du contrôle. Or, ces derniers constituent une mesure du degré d’expropriation des minoritaires résultant des conditions d’application des règles de droit.
3.4 – La prise en compte de nouveaux facteurs institutionnels
46Dans le prolongement de leur analyse, LLSV [1999] montrent, qu’en règle générale, les pays de droit civil, et particulièrement les pays de droit civil français, sont plus interventionnistes que les pays de common law Selon eux, la protection inférieure des droits des investisseurs externes dans les pays de droit civil peut être une manifestation de ce principe. Cette remarque invite à rechercher l’influence des facteurs politiques dans l’organisation des systèmes de gouvernement d’entreprises. Il ne s’agit pas de négliger la dimension juridique, mais plutôt de démontrer que les règles mises en œuvre dans les différents systèmes sont également tributaires de considérations politiques ou idéologiques.
47Une interprétation alternative de la faible protection des investisseurs en Europe continentale comparée aux États-Unis et au Royaume-Uni a été suggérée par Pagano et Volpin [2000 et 2001] [21]. Ces auteurs développent une théorie politique visant à endogénéiser le degré de protection des investisseurs ; ce dernier résulterait de compromis politiques entre les entrepreneurs (les familles fondatrices des grandes entreprises) et les dirigeants d’un côté et les syndicats ouvriers de l’autre, au détriment des investisseurs. En particulier, les entrepreneurs seraient incités à s’entendre avec les salariés en échangeant une forte protection de l’emploi contre une faible protection des apporteurs de capitaux.
48Rajan et Zingales [2000] tentent également d’expliquer les tendances générales en matière de développement financier au cours du vingtième siècle en mettant en avant les facteurs politiques. Comme le montre leur étude, le développement financier n’évolue pas de façon monotone dans le temps. D’après la plupart des indicateurs, les pays étaient financièrement plus développés en 1913 qu’en 1980 et un revirement majeur a eu lieu entre 1913 et 1950. Ces évolutions vont à rencontre de toutes les prédictions des théories faisant reposer le développement financier sur des facteurs invariants dans le temps comme l’origine du système juridique. Ces changements pourraient s’expliquer en prenant en considération la volonté politique de l’État et des groupes de pression. Les auteurs soulignent qu’un État fort, centralisé, interventionniste peut ne pas être compatible avec le fonctionnement de marchés anonymes et décentralisés. Le système de gouvernement d’entreprise fondé sur la banque, dominant en Europe, trouverait ainsi son origine dans sa capacité à maximiser le contrôle de l’État sur l’économie. Par ailleurs, le développement financier pourrait également constituer une menace pour les institutions financières et les entreprises industrielles déjà installées : un système financier plus efficient favoriserait donc l’entrée de nouveaux concurrents, réduisant les profits des firmes en place [22].
49Les facteurs politiques renvoient souvent au contenu idéologique des systèmes juridiques. Dans le prolongement de la thèse du law matters. Mahoney [2001] défend l’idée de la supériorité de la common law sur le droit civil du point de vue de sa capacité à promouvoir la croissance économique. Mais il ne partage pas la vision de LLSV sur les raisons de cette supériorité. Selon Mahoney, la distinction principale entre la common law et la civil law ne repose pas sur la plus grande capacité de la première à garantir les intérêts des créanciers et des actionnaires minoritaires, mais sur leur contenu idéologique. La common law et la civil law proviennent de philosophies différentes concernant le rôle et la place de l’État dans une économie de marché : « La common law est historiquement liée à la protection forte des droits de propriété contre l’action de l’État, tandis que le droit civil est plutôt marqué par un pouvoir central fort et moins contraint » (Mahoney [2001], p. 507). La distinction n’est pas seulement idéologique. Des éléments structurels importants différencient également les deux systèmes juridiques. En particulier, la plus grande efficience de la common law proviendrait de la capacité de juges indépendants à limiter le pouvoir de l’État et à protéger ainsi les droits de propriété et des contrats des agents économiques privés.
50Dans le même sens, Coffee [2001b] s’intéresse au rôle joué par les normes sociales dans le gouvernement d’entreprise. Il suggère que la frontière entre règles de droit et normes sociales est souvent difficile à établir, en particulier dans le domaine du gouvernement d’entreprise. En fait, les petits investisseurs pourraient décider d’entrer dans le capital des firmes dans les pays de common law (alors qu’ils ont un comportement différent dans les pays de droit civil), moins parce qu’ils disposent de droits qui les protègent efficacement du risque d’expropriation par les autres parties (dirigeants et actionnaires majoritaires), qu’en raison de leur croyance en un ensemble de non legally enforceable norms qui imposent une discipline aux dirigeants et aux actionnaires majoritaires : les investisseurs investissent parce qu’ils s’attendent à être traités assez équitablement dans un système de common law (et ont été traités ainsi dans le passé) et ils s’abstiennent de faire des investissements semblables dans un régime de droit civil (ou alors à des prix nettement plus faibles) parce qu’ils ont des croyances opposées (et en ont probablement fait l’expérience dans le passé).
51Stulz et Williamson [2001] considèrent quant à eux que les facteurs structurels peuvent être plus importants que l’origine du système juridique pour expliquer le degré de protection des investisseurs. En particulier, ils montrent que la protection des droits des créanciers est plus forte dans les pays dont la religion dominante est le protestantisme, indépendamment du système juridique de référence. Au sein des pays de droit civil, la protection des droits des créanciers est plus faible dans les pays catholiques. Mais il n’y a pas de différence significative entre les pays de common law protestants et les pays de common law catholiques en ce qui concerne le degré de protection des droits des créanciers. En revanche, leur étude renforce les résultats déjà existants quant à l’impact des origines juridiques sur la protection des actionnaires. Par exemple, ils montrent que les droits des actionnaires sont mieux protégés dans les pays protestants ayant adopté un système juridique hérité de la common law que dans les pays protestants de droit civil.
52Tous ces travaux conduisent à s’interroger sur l’émergence des règles de droit, en particulier sur l’influence de ces différents facteurs sur la « demande » de règles juridiques exprimée par les participants au gouvernement d’entreprise.
4 – L’endogénéité des règles de droit et le sens de causalité droit-économie
53Le travail de LLSV ne justifie pas seulement la co-existence de deux systèmes de gouvernement d’entreprise, l’un concentré et l’autre dispersé. Il place les variables juridiques à l’origine de cette situation. Les systèmes de droit civil codifié fourniraient, en effet, une protection inadaptée aux actionnaires minoritaires et, ainsi, la dispersion du capital ne serait possible que dans l’environnement de la common law. Cette thèse soulève, toutefois, des interrogations au regard de l’histoire financière : d’une part, sur le long terme, elle ne rend pas bien compte du niveau de concentration du capital en Europe où les droits des actionnaires minoritaires sont importants. D’autre part, elle ne semble pas en mesure d’expliquer l’évolution enregistrée durant les années quatre-vingt-dix dans les pays de droit codifié en faveur d’une dispersion accrue de l’actionnariat. En fait, il est permis de se demander si les différences mises en évidence par LLSV ne reflètent pas un élément plus fondamental que l’intensité de protection des actionnaires et si leurs résultats ne méritent pas une autre interprétation. Même si l’association « protection des actionnaires » et « liquidité du marché » semble réelle, la séquence causes-effets est susceptible d’être inversée : le droit importe, mais les développements juridiques pourraient suivre et non précéder les changements économiques.
4.1 – L’approche en termes de path dependence
54La dépendance de sentier (path dependence) signifie que là où nous irons demain dépend non seulement de là où nous sommes aujourd’hui, mais aussi de là où nous étions hier. L’Histoire doit être intégrée à l’analyse.
55Dans le domaine du gouvernement d’entreprise, il est possible d’identifier deux sources de dépendance de sentier (Bebchuck et Roe [1999]) : l’une est guidée par les structures et l’autre par les règles. Dans le premier cas, les structures de gouvernement d’entreprise existant dans une économie à un moment donné sont influencées par les structures qui existaient précédemment. Dans le second cas, les structures initiales expliquent les structures futures à travers leurs effets sur les règles juridiques régissant les entreprises et notamment les relations entre investisseurs, actionnaires et dirigeants.
56L’objectif de cette approche est de rendre compte des divergences persistantes dans les structures de gouvernement d’entreprise, en particulier entre les États-Unis et l’Europe en ce qui concerne le degré de concentration du capital. Soulignant les obstacles à l’homogénéisation des systèmes, elle propose une alternative à l’hypothèse de « convergence forte » avancée par les analyses d’inspiration posnérienne [23].
57La plupart des analyses en termes de dépendance de sentier mettent l’accent sur les facteurs politiques et les comportements de recherche de rentes pour expliquer le poids du passé dans les structures actuelles. Dans le cas des trajectoires guidées par les structures, les insiders qui participent au contrôle de l’entreprise dans le cadre d’une structure existante peuvent être incités à s’opposer aux changements qui pourraient réduire leurs bénéfices privés, même si ceux-ci devaient s’avérer efficients. Par exemple, il peut être de l’intérêt des actionnaires ayant le contrôle de l’entreprise de ne pas promouvoir des règles juridiques visant à réduire le pouvoir discrétionnaire des insiders. A titre d’illustration, supposons que l’adoption de ces règles ait pour effet de faire passer la valeur d’une firme de 100 à 110. Ajoutons que les 100 sont répartis de la façon suivante : 20 en bénéfices privés (de contrôle) et 80 en bénéfices publics. Les 50 actions de l’actionnaire majoritaire valent chacune 1,2, alors que les 50 actions des actionnaires minoritaires ne valent que 0,8 chacune. Supposons enfin que suite à l’adoption des règles protégeant les minoritaires, la valeur totale de la firme se répartisse entre les investisseurs au prorata de leur participation, de sorte que chaque action vaut à présent 1,1. Il apparaît clairement qu’il n’est pas de l’intérêt de l’actionnaire majoritaire de promouvoir ces règles et de passer d’un actionnariat concentré à un actionnariat diffus [24]. Ainsi, en l’absence de fortes protections juridiques, les petits actionnaires hésitent à acquérir des actions, à moins d’acheter avec une décote. Si cette décote est trop importante, il n’y a pas d’échange de titres, donc pas de marché. L’explication réside dans le fait que la valeur de la firme se décompose en deux parts : les bénéfices privés (qui rémunèrent les détenteurs de blocs de contrôle) et les bénéfices publics (qui rémunèrent les apporteurs de capitaux). Le droit affecte clairement les bénéfices privés, c’est-à-dire la part de la valeur de la firme que l’actionnaire majoritaire s’approprie au détriment des actionnaires minoritaires (dans ce cas, le partage de la valeur de la firme n’est pas proportionnel à la participation au capital). Cette approche permet donc d’expliquer la persistance des différences observées (concentration ou dispersion de l’actionnariat) et de rendre compte des trajectoires différentes suivies par les pays relevant de systèmes juridiques différents. Un actionnaire majoritaire pourrait renoncer au passage à une structure de propriété diffuse parce que ce transfert réduirait les bénéfices privés du contrôle. De manière similaire, les dirigeants d’une firme au capital diffus cherchant à maintenir leur indépendance pourraient choisir d’empêcher le passage à une structure de propriété concentrée, même si ce mouvement s’avérait efficace. Tant que ceux qui peuvent bloquer la transformation structurelle ne supportent pas la totalité des coûts liés au statu quo ou ne profitent pas de la totalité des bénéfices du changement, les structures inefficaces qui sont déjà en place peuvent persister. Certes, tous ces changements potentiellement efficaces auraient lieu dans un univers parfaitement coasien. Cependant, les transactions réalisables en pratique sont rarement en mesure d’empêcher la persistance des structures existantes.
58Dans le cas des trajectoires guidées par les règles, l’argument principal réside dans l’influence qu’exercent les groupes de pression dans la production des règles juridiques de sorte que les structures passées vont influencer indirectement les structures actuelles par l’intermédiaire du droit. Bebchuck et Roe [1999] considèrent par exemple que les structures préexistantes au sein des entreprises vont déterminer le pouvoir que détiennent les différents groupes d’intérêt dans le processus de création des règles de gouvernement d’entreprise. Si les structures initiales donnent à un groupe (les dirigeants, les actionnaires majoritaires ou minoritaires) plus de pouvoir qu’aux autres, il est vraisemblable que les règles qui émergeront lui seront plus favorables. Or, les avantages « de position » au sein des firmes auraient tendance à s’étendre au niveau des États à travers les pressions que chaque catégorie d’acteurs pourrait exercer sur le terrain politique. Cet effet des structures initiales sur la décision politico-juridique contribuerait à assurer le statu quo des formes de gouvernement d’entreprise. Par exemple, une fois qu’un pays a des règles qui favorisent les dirigeants et protègent les structures de propriété diffuse, ces managers auront plus de pouvoir politique et ce pouvoir augmentera à son tour la probabilité que le pays continue à avoir de telles règles. De même, une fois qu’un pays a les règles juridiques qui augmentent les bénéfices privés des actionnaires majoritaires et encourage ainsi la présence de blocs de contrôle, le pouvoir politique accumulé par ces derniers accroît la probabilité que le pays continue à avoir de telles règles.
59Cette analyse souligne que le droit est, au moins en partie, le produit des comportements des acteurs économiques. Si l’on raisonne du point de vue de la production des règles, il convient donc d’intégrer le comportement des demandeurs de droit. Celui-ci serait en partie le produit de l’action des groupes d’intérêt et ne saurait être considéré comme une simple donnée exogène, produit à l’extérieur de la sphère économique comme le suggère l’analyse de LLSV. Aux États-Unis, les managers influencent la politique pour encourager la dispersion de propriété afin de gagner en autonomie. Par analogie, dans les pays d’Europe continentale, les blocs de contrôle ou les familles exercent une influence politique pour protéger leur position. Le rapport inverse entre la protection juridique des investisseurs et la concentration de propriété peut ainsi être le résultat de l’action des insiders dans le contrôle des entreprises, dans le cadre de systèmes différents, plutôt qu’une conséquence de systèmes juridiques exogènes (Hellwig [2000]).
60Cette analyse rend difficile de qualifier un système de « supérieur » par rapport à un autre, dans la mesure où leurs coûts et leurs bénéfices doivent être appréciés différemment selon les trajectoires passées et les stratégies adoptées par les acteurs en tant que demandeurs de droit. Cela ne signifie pas pour autant que des règles « inefficientes » n’existent pas. Certains travaux tentent d’ailleurs de démontrer la sous optimalité de certains systèmes juridiques en étudiant les incitations des entreprises à se placer à l’ombre d’autres systèmes. Reese et Weisbach [2001] proposent ainsi une analyse en termes de cross listing Afin de comparer les entreprises sujettes aux règles de la common law et celles soumises aux règles du droit civil, les auteurs s’intéressent aux stratégies de cross listing entre les États-Unis et l’Europe. En effet, si l’hypothèse d’inefficience est valable, dans un système financier globalisé, on doit logiquement s’attendre à ce que les firmes relevant du droit civil gagnent à lever des capitaux sur le marché américain en se soumettant ainsi aux règles de ce pays. L’une des conclusions principales de ces auteurs est que parmi le panel de firmes européennes étudiées, celles qui sont soumises aux règles du droit civil français (sensé être le moins favorable en termes de protection des actionnaires) sont précisément celles qui présentent la probabilité la plus forte de cross list sur les marchés américains (NYSE et NASDAQ). Cela tendrait à valider l’idée que dans un univers « parfaitement coasien », les forces du marché conduiraient à terme à ce que les entreprises soient toutes gouvernées par les mêmes règles efficientes. Toutefois, sans nier l’existence de ces forces, les mécanismes en cause sont imparfaits et il est peu vraisemblable qu’ils assurent une convergence forte au sens de Easterbrook et Fischel [1991], Par ailleurs, une faible proportion d’acteurs sont concernés, les entreprises sont généralement issues de secteurs d’activité high tech et ont d’importants besoins de financement pour soutenir une croissance rapide. Dès lors, les comportements de cross listing pourraient également s’expliquer par la présence d’une bulle spéculative qui aurait permis d’atteindre des niveaux de capitalisation inégalable sur les marchés européens.
4.2 – La théorie de l’autorégulation
61Si l’on suit le raisonnement précédent, la question importante pour comprendre quelles sont les conditions nécessaires à la séparation de la propriété et du contrôle dans l’entreprise est la suivante : à partir de quel moment le marché des capitaux est-il en mesure de concurrencer un actionnaire majoritaire potentiel en payant au propriétaire initial de l’entreprise une prime supérieure ou égale à celle qu’accepterait de payer l’actionnaire majoritaire potentiel ?
62La réponse avancée par Coffee [2001a] passe par la mise en évidence du rôle de l’autorégulation dans la common law. L’argument principal réside dans le fait que les marchés de capitaux peuvent se développer en l’absence d’une protection forte des petits actionnaires, dès lors que des « substituts fonctionnels » aux « règles formelles » peuvent émerger. Cet argument s’appuie sur l’histoire des économies occidentales dans la seconde moitié du XIXe siècle. Si l’on examine la situation des États-Unis et de la Grande-Bretagne, on remarque que les marchés de capitaux se sont développés alors que la protection formelle des actionnaires minoritaires était faible. Ainsi, les Robber Barons américains, à l’image de J. P. Morgan ont pu profiter d’un environnement juridique favorable pour construire leur empire financier. Ce n’est qu’assez tardivement, dans l’entre-deux-guerres, qu’une réglementation juridique favorable aux actionnaires est apparue dans l’univers anglo-saxon. Le Security Act garantissant les droits des actionnaires minoritaires outre-Atlantique ne date que de 1933. Il fut d’ailleurs sévèrement critiqué par certains auteurs comme étant parfaitement inutile. Stigler [1964] ou Benston [1973] dénoncèrent cette évolution de la réglementation financière comme étant une source de gaspillage, les mécanismes de marché s’étant avérés suffisants pour satisfaire la demande d’information des petits investisseurs.
63En réalité, la mise en avant de l’autorégulation n’est pas incompatible avec la thèse du law matters. Ramenée à l’essentiel, la thèse de LLSV signifie que des marchés de capitaux performants requièrent des droits importants pour les actionnaires minoritaires. Mais, la thèse ne dit rien sur l’origine de ces droits. En pratique, ils peuvent provenir de sources différentes : législatives, jurisprudentielles ou autorégulées (ou une combinaison des trois). Historiquement, le processus par lequel une protection juridique forte s’est imposée dans les pays de common law a toujours commencé avec l’autorégulation, qui crée des droits naissants qui peuvent ensuite être intégrés dans des règles de droit formel. Cette interprétation séquentielle laisse cependant ouverte la question de savoir pourquoi l’autorégulation se développe dans les pays de common law plutôt que dans les pays de droit civil. Alors que LLSV insistent sur la qualité moyenne des règles de droit conçues comme des facteurs technologiques, Coffee estime que la principale différence se trouve ailleurs, dans la capacité du système à garantir les droits individuels, selon un principe cher à Toqueville. Alors que dans les systèmes civilistes l’État a toujours eu tendance à monopoliser les initiatives « juridiques », la common law repose sur un mode de fonctionnement décentralisé, de sorte que l’autorégulation constitue la norme et le contrôle étatique l’exception. Ainsi, s’agissant de la production des règles de droit nécessaires au développement des marchés financiers, même si le contenu des règles n’était pas très favorable, la dispersion de la propriété a été rendue possible par la capacité des agents à développer des substituts fonctionnels, en raison d’un système juridique décentralisé et favorable à l’initiative privée. En revanche, les institutions auto-régulatrices n’ont pas pu se développer en Europe continentale en raison du désir des gouvernements de réguler et de contrôler les marchés financiers.
64En d’autres termes, la décentralisation rend possible la production privée de règles et la croissance des institutions auto-régulées, et ce développement permet aux institutions basées sur le marché, comme les Bourses, de s’adapter à leur environnement et de gagner la confiance du public. Il n’est sans doute de meilleur exemple que celui de la Bourse de New York créée en 1792 : « Historians and civil law scholars appear to agrée that the civil law inherently tends to codify private law, while the common law rarely does so. Codification naturally adopts bright line and prophylactic rules that leave less room for flexibility or innovation. Further, codified civil law usually seeks to eliminate ail gaps in the law in order to minimize opportunities for judicial discrétion. Again, the natural impact of such comprehensive legislation is to crowd out the possibility for local variation, experimentation or adjustment to changed circumstances. Finally, in the view of some leading scholars, the civil law is inherently interventionist and "policy implementing" whereas the common law tends to view is task as "dispute resolving » » (Coffee [2001a]).
65En définitive, l’autorégulation apparaît facilitée par le mode de fonctionnement de la common law en lui permettant de se substituer aux règles formelles. Ce facteur aurait compté beaucoup plus dans le développement des marchés financiers que le caractère relativement plus protecteur du droit anglo-saxon à l’égard des petits actionnaires. Il convient de remarquer que cette conclusion est compatible avec les études précédemment mentionnées qui soulignent que la nature de la règle de droit et l’effectivité des institutions juridiques importent plus que le contenu des règles écrites dans l’essor des marchés de capitaux. Il apparaît que même si le marché semble pouvoir se développer en l’absence de protection forte des minoritaires, le phénomène rencontre inévitablement des limites dans un environnement non régulé. Tôt ou tard surviennent des crises qui ébranlent la confiance dans les mécanismes auto-régulateurs, de sorte que l’action gouvernementale ou législative apparaît nécessaire pour permettre l’action privée. C’est à ce moment qu’émergent les règles formelles et les autorités de marché : un marché fort crée une demande pour des règles de droit plus contraignantes. Dès lors la causalité « droit-économie » se trouve une nouvelle fois inversée par rapport à LLSV.
66* * *
5 – Conclusion
67Le programme de recherche en Law and finance s’intéresse aux relations entre les structures juridiques et les structures financières. En situation d’incomplétude des contrats, les règles de droit déterminent les structures de gouvernance et les conditions du développement financier. Cette thèse selon laquelle le droit influence l’économie via la qualité des règles juridiques ne suffit cependant pas à expliquer les caractéristiques des systèmes. Il convient d’ajouter d’autres considérations, telles que les conditions de mise en œuvre du droit par les institutions judiciaires ou les comportements de recherche de rentes qui agissent sur les décisions politiques. Même ainsi amendée, la thèse demeure insatisfaisante, dans la mesure où elle se fonde sur une pure logique d’offre de droit. En particulier, on ne saurait se contenter d’une approche où le droit est une donnée exogène. Il convient de considérer, également, l’origine et l’évolution des systèmes juridiques en cherchant à rendre endogène l’offre de règles de droit et en insistant sur le comportement des demandeurs de telles règles, ce qui revient à s’interroger sur le sens de causalité entre le droit et l’économie. Cette interrogation se fonde notamment sur les travaux des tenants de la path dependency démontrant que les insiders ont souvent un pouvoir économique qui leur permet d’influencer l’évolution des règles de droit ou de mettre en œuvre des lock-in pour les figer.
68Notre avis sur les rapports entre systèmes juridiques et financiers est qu’une relation univoque peut difficilement être établie. La plupart des systèmes sont basés sur une protection juridique relativement faible des actionnaires minoritaires, de sorte que des dispositifs de gouvernance se mettent en place afin de pallier cette défaillance du droit. Inversement, il est possible d’admettre que la propriété concentrée ne nécessite pas une protection juridique forte. En réalité, les garanties juridiques accordées aux actionnaires sont souvent une dimension de la protection contre les comportements opportunistes et le risque d’expropriation. L’évolution des systèmes juridiques et leur origine sont donc en partie la conséquence de l’action des forces économiques. Ces forces contribuent à la formation des règles juridiques et vice versa.
69Les déterminants du droit sont définitivement complexes. L’origine des systèmes importe à travers le contenu des règles, mais aussi par la capacité du droit à répondre aux demandes des acteurs. Dans ces conditions, il convient de relativiser l’idée qu’il existerait un système de gouvernance optimal et de tempérer les raisonnements purement nationaux. L’approche du law and finance invite à étudier sous un jour nouveau le débat entre les deux principales thèses sur la convergence des systèmes. La première, d’inspiration coasienne, défend le principe d’une « convergence forte » en raison des incitations créées par les mécanismes de marché, à commencer par la compétition entre les règles de droit. La seconde, inspirée de la logique en terme de path dependence raisonne sur une « convergence faible », en raison du poids des trajectoires historiques et des facteurs politiques propres à chaque système. En définitive, les travaux mériteraient d’être pro longés à un niveau supranational en identifiant l’influence des réglementations internationales sur l’émergence de standards de gouvernance.
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Mots-clés éditeurs : protection des investisseurs, droit, gouvernement d'entreprise, financement externe
Mise en ligne 01/02/2009
https://doi.org/10.3917/redp.126.0791Notes
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[1]
Université de Nancy 2.
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[2]
Université de Nancy 2.
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[3]
Cette opinion est probablement à l’origine de la rupture de l’unité du mouvement de l’économie du droit dans les années quatre-vingt, en particulier lorsque certains philosophes du droit commencèrent à discuter la validité de la notion d’efficacité comme objectif des règles de droit (Dworkin [1980]).
-
[4]
Par la suite abrégé LLSV.
-
[5]
De même, des pans entiers du droit français sont de nature jurisprudentielle.
-
[6]
En atteste, par exemple, les nombreux travaux récents de l’OCDE sur ce thème.
-
[7]
« Le gouvernement d’entreprise renvoie au système par lequel les activités d’une entreprise sont conduites et surveillées. Il organise la répartition des droits et des responsabilités entre les différents participants à la vie de l’entreprise, dont le conseil d’administration, les dirigeants, les actionnaires et les autres parties prenantes et fixe les règles et les procédures régissant la manière dont sont prises les décisions concernant la conduite des affaires. Il constitue donc la structure par laquelle sont définis les objectifs de l’entreprise, ainsi que les moyens de les atteindre et de suivre les résultats » (OCDE [1999b, p. 1]).
-
[8]
OCDE [1999b, p. 1].
-
[9]
OCDE [1999a, p. 4].
-
[10]
Pistor, Raiser et Gelfer [2000] étendent l’analyse de LLSV aux économies en transition.
-
[11]
Les créanciers nantis bénéficient du premier rang dans l’ordre des paiements, avant l’État et les salariés.
-
[12]
Par la suite abrégé LLS.
-
[13]
Voir, par exemple, OCDE [1999a et b].
-
[14]
Voir, par exemple, FMI [2000].
-
[15]
Ce résultat est surprenant, étant donnée la plus forte protection des créanciers dans les pays de common law (cf. tableau 1).
-
[16]
Cette conception, selon laquelle le développement financier entraîne une croissance économique plus rapide, fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus (voir, Demirgüç-Kunt et Maksimovic [1998], Levine et Zervos [1998], Rajan et Zingales [1998], Carlin et Mayer [1999], Stulz [2000], Gérardin, Guigou et Ory [2000], etc.).
-
[17]
Il convient de garder également à l’esprit que si une législation importée présente l’avantage d’avoir été mise à l’épreuve, sa transplantation est foncièrement risquée car les règles ne procèdent pas de la culture juridique locale et il est possible qu’elles n’arrivent pas à s’enraciner, comme le prouve l’expérience récente de la Russie (Berkowitz, Pistor et Richard [2001]). Par ailleurs, les pratiques de gouvernance peuvent « faire système », c’est-à-dire que la transposition d’un cadre juridique national à un autre ne produit pas systématiquement des effets analogues. La capacité des firmes à produire des modalités originales de gouvernance peut leur permettre de s’exonérer des règles de droit transplantées. Durant l’après guerre au Japon, les États-Unis ont voulu favoriser un fractionnement de l’actionnariat en interdisant aux banques de détenir plus de 5 % du capital d’une entreprise. Les banques se sont progressivement coalisées pour contourner cette contrainte en s’organisant en pool et en prenant des décisions communes (système de main bank). In fine, le Japon se caractérise par un actionnariat fractionné, mais un fonctionnement du système avec des blocs solidaires (Boutiller et Geoffron [2002]).
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[18]
Cette analyse peut être rapprochée du processus de la compétition fiscale décrit par Tiebout. Il faut pour cela admettre que les « producteurs » de droit sont en situation de concurrence et que la mobilité du capital est importante (Deffains, [2001]).
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[19]
Sur ce thème, on peut également consulter Biais et Recasens [20011 qui étudient comment le droit des faillites émergeant du processus politique peut s’écarter de l’optimum social.
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[20]
? dépend des conditions de mise en œuvre des règles de droit.
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[21]
Voir, également, Roe [2000].
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[22]
Cette analyse suggère que les forces qui s’opposent au développement financier seraient plus faibles lorsqu’un pays est ouvert au commerce international et aux mouvements de capitaux.
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[23]
La problématique de la persistance des divergences est différente de celle de l’efficience des structures de gouvernement d’entreprise qui s’interroge sur la « supériorité » d’un système par rapport à l’autre. Toutefois les deux aspects sont liés dans l’analyse néoclassique, car l’hypothèse d’une convergence forte à la Easterbrook et Fishel veut que les structures tendent naturellement vers l’efficience économique, à travers la mise en compétition des règles juridiques.
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[24]
Une négociation coasienne entre les actionnaires minoritaires et le détenteur du bloc de contrôle peut conduire ce dernier à accepter les nouvelles normes de gouvernance.