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Article de revue

Les fonds de pension

Substituts ou compléments des systèmes publics de retraite par répartition ?

Pages 601 à 626

Notes

  • [1]
    EUREQua – Université de Paris I. 106-112 Bd de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13. E-mail : Iegarrec@ univ-paris1. fr
  • [2]
    Sur la base du ratio « nombre d’inactifs de 60 ans et plus pour cent personnes d’âge actif (20-59 ans) » retenu par l’INSEE.
  • [3]
    Cf. Michel P. [1993]
  • [4]
    Ce rendement de 9,3 % incorpore les bénéfices avant toutes les taxes fédérales, régionales et locales aux intérêts nets versés. La méthode de calcul est décrite dans Feldstein, Poterba et Dicks-Mireaux [1983].
  • [5]
    On se reportera à Le Garrec [2001] pour une comparaison entre ce mode de calcul des droits à pension et un calcul forfaitaire, c’est-à-dire indépendant des salaires.
  • [6]
    Dans les systèmes publics de retraites existants, l’obtention de cette pension « à taux plein » est en fait conditionnelle à une durée de cotisation minimale. La possibilité d’un versement partiel associés à un nombre insuffisant d’années de cotisations par rapport à l’exigence légale a été étudiée, dans un cadre similaire, par Le Garrec [2001]. Il y est montré que l’organisation optimale du système de retraite par répartition nécessite la mise en place d’une durée de cotisations qui s’avère ex-post non contraignante. Nous considérons donc ici que cette durée minimale est suffisamment faible, de sorte que le versement d’une pension à taux plein est toujours garanti.
  • [7]
    Ce résultat est totalement indépendant de la forme de la fonction d’utilité retenue puisque le problème est séparable : le niveau d’investissement en capital humain est obtenu par maximisation du revenu actualisé de cycle de vie.
  • [8]
    On peut vérifier que sous certaines conditions très peu restrictives, les effets mis en évidence ici persistent même si on considère que les individus doivent travailler pendant leurs études pour financer celles-ci. Ces effets ne sont pas entièrement dus à une diminution de la durée de cotisation.
  • [9]
    Cf. Annexe A.
  • [10]
    Où l’épargne privée est nulle dans le régime contraint.
  • [11]
    On vérifie que h atteint son niveau maximum pour equation im76
  • [12]
    Une condition suffisante pour que le taux de croissance soit positif est equation im77
  • [13]
    Le taux d’épargne dans la situation de base sans système de retraite est de 23,1 %. Le taux de cotisation du fonds de pension égal à 35,8 % correspond donc à une importante contrainte pour les ménages.

1 – Introduction

1Les pays industrialisés observent simultanément depuis un certain nombre d’années une augmentation de la durée de vie et une diminution de la natalité. Ces deux tendances de fond sont à la base du vieillissement de leur population. A conditions de départ à la retraite inchangées, le rapport entre le nombre de retraités et celui des actifs, appelé ratio de dépendance, devrait atteindre à l’horizon 2040 70,1 % [2] alors qu’il était évalué à 35,8 % en 1990. Or, ce ratio est au cœur du débat sur le financement de nos régimes publics de retraites. Gérés en répartition, mode de gestion qui met en relation directement les cotisations des actifs avec les pensions des retraités, ces régimes doivent faire face à un nombre de pensionnés toujours plus grand pour un nombre de cotisants identique, voire plus faible. Si l’on veut continuer à garantir dans un avenir proche le niveau actuel des retraites, il faudra donc inévitablement augmenter soit le niveau des cotisations, soit la durée de cotisation (en retardant l’âge de départ à la retraite). Devant ce problème de financement des retraites, certains pays, à l’instar du Chili en 1981, n’ont pas hésité à privatiser leurs systèmes de retraites, remplaçant alors le système public géré en répartition par un système en capitalisation, où les cotisations, toujours obligatoires, sont placées sur les marchés financiers et gérées par des organismes privés, les fonds de pensions. Mais on peut se demander si une telle décision est justifiée. Outre le coût élevé du passage d’un système à l’autre, la supériorité relative du système de retraite basé sur la capitalisation n’est pas d’une évidence indiscutable. Avant de trancher ce débat pour la France, il apparaît donc fondamental d’étudier en profondeur (au-delà d’une simple analyse comptable) les inconvénients et avantages des différents systèmes.

2Une telle étude comparative s’est traditionnellement effectuée dans le modèle à générations imbriquées introduit par Allais [1947], Samuelson [1958] et Diamond [1965]. Dans ce modèle, l’impact d’un système public de retraite par répartition est la diminution de l’épargne, de sorte que dans un régime de sous-accumulation, sa mise en œuvre a tendance à réduire la croissance [3]. Dans ces conditions, bien qu’au sens strict on se trouve sur un optimum parétien, son remplacement par un système en capitalisation peut paraître justifié dans une optique générationnelle, à condition d’accepter un faible sacrifice des toutes premières générations au profit de l’ensemble des générations suivantes. Cette conclusion est elle aussi obtenue par la comptabilité générationnelle, approche alternative développée par Auerbach et al. [1991], [1993] et Kotlikoff [1992] qui permet d’évaluer l’impact des politiques budgétaires en termes de redistribution intergénérationnelle. Les concepts de base de la comptabilité générationnelle peuvent être présentés simplement dans le cadre du modèle à générations imbriquées standard (celui précédemment cité) où les agents vivent deux périodes, notées 1 et 2. A la période t, les comptes générationnels des « jeunes » et des « vieux » mesurent les taxes nettes (taxes desquelles sont déduits les transferts), en valeur actualisée, que les agents doivent encore payer d’ici à la fin de leur vie. Le compte genérationnel d’un « jeune » correspond à ses cotisations moins la valeur actualisée de la pension qu’il touchera la période suivante. Le compte d’un « vieux » correspond à l’opposé de la valeur de sa pension. On cherche ensuite à déduire la charge nette moyenne que supporteront les générations futures en se basant sur la contrainte budgétaire intertemporelle des pouvoirs publics et en imposant la nullité de la somme des taxes payées par les générations présentes et futures, en valeur actualisée. En régime stationnaire, la charge nette moyenne supportée par chaque génération future sur son cycle de vie est donnée par ( r – n ) ?/ ( 1 + r ), où r est le taux d’intérêt, n le taux de croissance de l’économie et ? le taux de cotisation du système de retraite par répartition. S’appuyant sur cette méthode, Feldstein [1995a], [1995b], [1996] préconise la privatisation des systèmes de retraite. Pour un rendement réel net de taxes du capital physique non financier de 9,3 % [4] et un taux de croissance de 2,6 % correspondant à la même période de 35 ans depuis 1960, il évalue le gain possible à la privatisation aux États-Unis à 18 mille milliards de dollars.

3Néanmoins, ces deux méthodes de prospection souffrent de sérieuses limites. Les comptes générationnels sont généralement calculés de manière mécanique, c’est-à-dire que sont négligées en particulier les variations de comportement des agents. Quant à la simplicité du modèle de référence, elle fait douter de la pertinence des résultats. En particulier, les choix de l’individu sont limités à l’arbitrage entre consommation et épargne, et ne permettent pas une prise en compte fine de la complexité du comportement des agents face aux décisions vis à vis de la retraite. De ce fait, dans un tel modèle, un système de retraite par répartition ne peut pas se différencier d’un système de transferts intergénérationnels forfaitaires octroyant des pensions identiques pour tous. Or, Sala-i-Martin [1996] rappelle que dans la plupart des programmes de retraite, les revenus d’un salarié déterminent, au moins en partie, ses prestations. Pour 130 des 139 pays où l’information est disponible, la pension d’une personne est effectivement liée à l’histoire de ses salaires. La règle générale est donc un système de retraite proportionnel aux salaires.

4Partant de cette observation, Pogue et Sgontz [1977] et Becker et Murphy [1988] insistent sur la nécessité d’étudier les systèmes publics de retraite par répartition simultanément aux transferts intergénérationnels en éducation. En effet, ces derniers suggèrent qu’un système de retraite par répartition est un programme destiné à être un dividende payé aux vieux en récompense de l’investissement en capital humain, investissement socialement bénéfique, que ceux-ci ont réalisé en payant l’éducation de la génération actuellement active, lorsque cette dernière n’était pas en âge de travailler.

5On peut alors considérer deux types d’investissement en capital humain d’une génération vers la suivante : soit les actifs sont altruistes envers leurs enfants et donc paient leurs études volontairement pour accroître leur capital humain, soit les individus effectuent l’investissement en éducation pour leur propre compte, mais sous l’hypothèse que le capital humain est constitué de connaissances cumulatives qui se transmettent de générations en générations, cet investissement est également un investissement involontaire dans le capital humain de la génération suivante. Dans les deux cas, plus l’investissement en capital humain est élevé, plus les dividendes et donc la pension sont élevés.

6Dans le premier type de modèles, à agents altruistes, si les individus prennent en compte, dans leur propre utilité, le nombre de leurs enfants, Zhang [1995] montre alors, sous certaines conditions, et pour des legs positifs, que le système de retraite par répartition a pour conséquence d’augmenter l’investissement en éducation des parents pour leurs enfants, tout en diminuant la fertilité des ménages. De leur côté, les modèles à agents non altruistes dans lesquels il existe une externalité positive de l’investissement en capital humain sur celui des générations futures permettent clairement d’expliquer pourquoi les pensions sont croissantes avec les salaires, et indépendantes des conditions de ressources. En effet, si on admet que la productivité marginale des individus est une fonction croissante de leur propre investissement en éducation, alors les salaires augmentent également. Or on avait déjà noté selon cette théorie que le niveau des pensions augmentait avec l’investissement en capital humain. Dans ce second type de modèles, Artus [1993], Kemnitz et Wigger [2000] et Le Garrec [2001] montrent que le système de retraite par répartition génère une incitation à s’éduquer davantage. Les deux types de modèles aboutissent donc à la conclusion que le système de retraite par répartition est favorable à l’investissement en capital humain.

7L’intérêt de l’étude simultanée des systèmes de retraite et de l’éducation est alors encore renforcée. En effet, un grand nombre d’études empiriques concluent qu’il existe une corrélation positive entre taille du système de retraite et croissance économique. Dans une étude en coupe transversale sur 74 pays, Barro [1991] régresse le taux de croissance du revenu par tête sur le revenu par tête, l’investissement public (en proportion de PIB), l’investissement privé (en proportion de PIB), consommation publique (en proportion de PIB), et trouve une corrélation positive entre la variable de protection vieillesse et croissance économique. Des conclusions similaires sont trouvées par Summer et Heston [1988], Cashin [1995] et Perotti [1996]. Or, il est maintenant largement admis que l’éducation, souvent identifiée au capital humain, joue un rôle majeur sur la croissance économique d’un pays. Empiriquement, Barro [1991], Benhabib et Spiegel [1994], Barro et Sala-i-Martin [1995], Krueger et Lindahl [2000], et bien d’autres, obtiennent une corrélation positive entre éducation et croissance du produit (par tête). On en déduit que les modèles de Artus [1993], Zhang [1995], Kemnitz et Wigger [2000], et Le Garrec [2001], qui impliquent une corrélation positive entre taille du système de retraite par répartition et investissement en capital humain, sont également compatibles avec une corrélation positive entre taille du système de retraite et croissance économique, en accord avec les résultats empiriques.

8En prenant comme référence un modèle à agents, non altruistes, qui investissent dans leur capital humain, l’objectif de cet article est alors de comparer trois types de systèmes de retraite, et tenter de mettre en évidence celui qui est souhaitable pour une société. Le premier est un système public géré en répartition. Pour se rapprocher de la grande majorité des systèmes publics existants (Cf. Sala-i-Martin, [1996]), on retient un calcul des droits à pension fonction de l’histoire des salaires [5]. Le second type de systèmes est un système en capitalisation. Plusieurs options sont possibles pour caractériser un tel système. D’abord, il peut être à gestion des cotisations collective où individualisée. Ensuite, les cotisations peuvent être obligatoires où librement consenties et choisies. Le système étudié dans cet article est un système à cotisations obligatoires et comptes individualisés, gérés par des organismes privées, les fonds de pension. En effet, dans les débats, principalement en France, qui traitent de l’introduction de la capitalisation au côté de la répartition, un système avec comptes individualisés est généralement privilégié. Il semble alors pertinent d’étudier un tel système. De plus, en l’absence d’incitations fiscales sur les cotisations, seules des cotisations obligatoires peuvent, dans le modèle retenu, se différencier de l’épargne privée (que l’on peut assimiler, entre autres, dans notre cadre de long terme, à de l’assurance vie). Enfin, le dernier système étudié est un système mixte combinant les deux précédents.

9Dans un modèle à générations imbriquées dont l’investissement en capital humain est le moteur de la croissance, on conclut que le système public de retraite par répartition est favorable à l’éducation et à la croissance économique. Par contre il nuit à l’accumulation du capital physique, nuisance qui peut être contrebalancée par l’introduction de fonds de pension. Dès lors on montre que le système optimal au sens d’un critère utilitariste doit incorporer une part de répartition publique et une de capitalisation privée, bien que l’efficacité financière de la répartition soit plus faible que celle de la capitalisation.

10Le papier est organisé de la manière suivante : la section 2 expose le modèle à générations imbriquées ; la section 3 étudie les conséquences du système public de retraite par répartition et des fonds de pension sur les fondamentaux de l’économie en équilibre général ; enfin, la section 4 étudie l’efficacité des deux systèmes de retraite, et quel système est préférable socialement dans l’économie et à quel niveau.

2 – Le modèle

11Le modèle est une variante du modèle à générations imbriquées qui permet aux individus un investissement dans leur éducation.

12L’économie est caractérisée par un bien unique à la fois bien de consommation et réserve de valeur sous forme de capital physique. En l’absence de monnaie, ce bien est choisi comme numéraire. Les consommateurs détiennent le capital et le louent aux entreprises en début de période pour le récupérer en fin de période avec un rendement égal au taux d’intérêt.

13La population se compose d’un grand nombre d’individus tous identiques et croît d’un facteur n à chaque période : equation im1 Ce facteur n permet de caractériser la structure de la population : plus n est faible, plus la proportion de retraités dans l’économie sera élevée.

2.1 – Les entreprises

14On considère un secteur concurrentiel caractérisé par une entreprise représentative qui produit l’unique bien suivant la technologie à rendement d’échelle constant :

15

equation im2

16où Kt est le stock de capital physique, Lt le nombre de travailleurs et Zt le niveau de capital humain de chacun des travailleurs.

17Soit

18

equation im3

19le capital par unité de travail efficace, on obtient, sous l’hypothèse d’une dépréciation totale du capital, les conditions d’optimalité résultant de la maximisation du profit :

20

equation im4

21

equation im5

22où Rt + 1 est le facteur d’intérêt, wt est un indice de salaire par unité de travail efficace et Wt = Zt wt est le salaire réel par travailleur.

23Les relations (2) et (3) établissent l’égalité traditionnelle entre coûts marginaux et rendements marginaux du capital physique et du travail.

2.2 – Les individus

24Chaque individu, non altruiste, vit pendant deux périodes et ses préférences sont caractérisées par la fonction

25

equation im6

26où ct est la consommation de première période de vie d’un individu né en t, dt + 1 sa consommation de deuxième période de vie, et où ? est le facteur d’escompte.

27Nous allons supposé que les connaissances dans l’économie, qu’on assimilera au capital humain, sont cumulatives et se transmettent de générations en générations. Les individus d’une génération héritent donc du stock de capital humain de la génération précédente. Pendant la première période de vie, chaque individu va alors partager son unité de temps entre des études non rémunérées, pour accroître le niveau de capital humain dont il vient d’hériter, et une activité salariée. Le processus d’accumulation du capital humain est représenté par :

28

equation im7

29equation im8 le capital humain moyen de la génération née en t – 1, et ht l’investissement temporel en éducation. Cette modélisation de la technologie d’accumulation se démarque des formes traditionnellement retenues en autorisant un effet instantané de l’investissement en capital humain sur le niveau de ce capital, et non un effet différé d’une période. On peut en fait distinguer deux types d’éducation : les études de bases (primaires et secondaires) et les études supérieures. Les premières constituent bien un investissement durant la jeunesse qui se rentabilisera plus tard lors de la vie active. Par contre, les études supérieures résultent d’un arbitrage qui s’opère sur une même période : sacrifier une partie de son temps en période active afin de compléter les compétences de base acquises lors de la jeunesse, et ce pour une rentabilité quasi-immédiate. Notre spécification de la technologie d’accumulation vise donc plutôt à rendre compte des études du second type, les autres étant maintenues à un niveau implicite.

30Durant cette première période, les individus vont épargner et consommer leur revenu net des prélèvements proportionnels du système public de retraite et du fonds de pension.

31La contrainte budgétaire de première période de vie est donc :

32

equation im9

33où st est l’épargne d’un individu né en t, et où ?fp et ?r sont respectivement les taux de cotisation du fonds de pension et du système public de retraite en répartition auxquels il est soumis. Comme légalement il est généralement interdit de s’endetter sur les futurs revenus octroyés par la sécurité sociale, on suppose qu’il n’existe pas dans l’économie de possibilité d’emprunt à long terme pour les individus, c’est-à-dire qu’on impose une contrainte de non endettement st ? 0, ?t.

34En seconde période de vie, les individus récupèrent avec intérêts leur épargne privée (si elle n’est pas nulle) ainsi que les montants prélevés par le fonds de pension (sommes qui ont été placées auprès des entreprises). Ils consomment afin d’épuiser leurs ressources. De plus, le système de retraite public leur assure une pension en proportion equation im10 du salaire qu’ils touchaient pendant leur période d’activité [6]. La contrainte budgétaire de l’agent représentatif est alors :

35

equation im11

36Dans le cadre des modèles traditionnels (sans capital humain ni contrainte institutionnelle de non endettement à long terme) on sait que le système de retraite par répartition s’apparente à un système de transferts intergénérationnels forfaitaires. Par contre, la prise en compte du capital humain permet de montrer que le système public en répartition, à la différence d’un système de transferts intergénérationnels forfaitaires, peut générer une incitation à s’éduquer davantage. Si on considère maintenant au côté du système public en répartition un fonds de pension (dont l’adhésion et les cotisations sont obligatoires), on sait que l’épargne privée se réduit d’un montant égal à celui des cotisations prélevées par le fonds de pension. Toutefois, il existe un niveau de cotisation où l’épargne privée devient nulle. Au delà de ce niveau, le consommateur souhaiterait emprunter en première période de vie. Or cette possibilité lui étant interdite, il n’a d’autres choix que de conserver une épargne privée nulle. On qualifiera alors ce régime de contraint, en opposition à un régime non contraint où les agents sont libres de leurs décisions d’épargne. Il convient alors d’étudier ce que devient l’incitation à s’éduquer davantage en présence d’un système mixte, ainsi que de comparer les niveaux d’investissement en capital humain atteints dans les deux régimes.

37Le régime non contraint, où l’individu est libre de choisir le niveau de son épargne privée, est caractérisé par la relation equation im12 equation im13Dans ce régime, la résolution du problème du consommateur donne:

38

equation im14

39et

40

equation im15

41equation im16 est l’investissement en éducation en l’absence de système de retraite.

42A l’inverse, si equation im17 on se trouve en régime contraint où l’ épargne privée des ménages est nulle (st = 0). Le niveau d’investissement en capital humain, qui résout le problème du consommateur, peut alors être donné par maximisation de equation im18 ce qui aboutit à :

43

equation im19

44On voit que le membre de gauche décroît de equation im20 quand ht croît de 0 à 1. En outre, il est positif en ?/ ( 1 + ?). Donc, il existe une unique solution en ht, appartenant à l’intervalle equation im21

45On peut alors observer que, quelque soit le régime, le système de retraite par répartition génère une incitation à s’éduquer davantage [7] (ht > h0). Le fait que le niveau des droits à pension soit lié au salaire d’activité et que la perception des cotisations se réalise uniquement durant la période salariale conduit l’individu à réaliser un arbitrage : au delà du seuil de référence h0, l’accroissement pour l’individu de son temps consacré aux études réduit dans un premier temps sa masse salariale (1 – ht)Zt wt, mais accroît le niveau de la pension du système public perçue la période suivante. En outre, il réduit sa durée de cotisation [8] (ce qui diminue le montant total des prélèvements subis au cours de sa période active). Au total, les deux derniers effets dominent, de sorte que l’individu investit davantage dans le système public de retraite via un supplément d’éducation.

46Par contre, l’existence d’une contrainte de non endettement dans l’économie réduit l’incitation à investir en capital humain que procure le système de retraite par répartition [9]. En effet, en situation de régime contraint, une trop grande importance est donnée à la période de retraite. L’individu souhaiterait consommer plus en première période de vie, mais l’impossibilité pour lui de s’endetter l’en empêche. Dès lors il réduit l’investissement qu’il réalisait dans le système public de retraite, c’est-à-dire qu’il s’éduque moins, et d’autant moins que le taux de cotisation du fonds de pension est élevé.

47On observe également, dans les deux régimes, que l’incitation à s’éduquer davantage est d’autant plus faible que le taux d’intérêt est élevé. En effet, pour un taux d’intérêt élevé, le rendement actualisé de l’investissement dans le système de retraite est faible. De plus, on voit que l’épargne privée est réduite par l’existence du système de retraite, et ce quel que soit le calcul des droits à pension. Comme l’épargne est un déterminant essentiel du niveau du taux d’intérêt en équilibre général, on comprend bien l’importance qu’aura le bouclage du modèle sur l’étude de l’incitation à s’éduquer davantage procurée par le système de retraite par répartition.

2.3 – Équilibre de la caisse de retraite par répartition

48La gestion en répartition implique que l’organisme responsable du système de retraite redistribue les cotisations prélevées directement aux retraités sans que ces cotisations aient été au préalable investies. L’équilibre emplois-ressources qui en résulte s’écrit donc : equation im22 correspond au salaire réel moyen à la date t, et ht +1 l’investissement moyen en capital humain réalisé par la génération née en t + 1.

49On déduit alors aisément, à l’aide de l’équation (5), le taux de remplacement proposé aux individus ex-ante et qui garantit ex-post l’équilibre de la caisse de retraite :

50

equation im23

51Puisque n est grand, ce taux de réversion est considéré de façon paramétrique par les individus.

3 – Analyse du système de retraite mixte

52À l’aide des relations de comportements précédemment obtenues et des équilibres de marchés, on établit dans un premier temps les équations de l’équilibre général dynamique. Ces équations nous permettent alors de déterminer les propriétés de l’équilibre et ensuite d’étudier l’impact du système public en répartition et des fonds de pension.

3.1 – L’équilibre concurrentiel symétrique

53Pour déterminer l’équilibre général dynamique, il suffit d’établir l’équilibre offre/demande uniquement sur deux des trois marchés de l’économie (capital, travail, bien), le troisième l’étant automatiquement par la loi de Walras.

54À l’équilibre symétrique, c’est-à-dire equation im24 l’équilibre du marché du travail est donné par :

55

equation im25

56et celui du marché des capitaux par : [10]

57

equation im26

58où Kfpt est le capital du fonds de pension en t. Il équivaut au montant des sommes prélevées par le système privé auprès des individus durant la période, soit equation im27

59A l’aide des équations (1), (2), (3) et (11), on obtient :

60

equation im28

61Dans le cas non contraint, en tenant compte des relations (1), (3), (5), (8), (12) et (14), l’équilibre sur le marché du capital, établit par (13), implique :

62

equation im29

63Avec les équations (14), (15) et la relation (9) définissant la demande d’éducation, on peut alors caractériser entièrement l’équilibre général dynamique :

64

equation im30

65

equation im31

66

67

equation im32

68Donc la demande d’éducation ht est constante au cours du temps, et croissante avec le taux de cotisation au système de retraite par répartition ?r[11]. En outre, puisque ? < 1, la suite des intensités capitalistiques {kt} convergent vers un état stationnaire strictement positif qui est donné par :

69

equation im33

70On peut également remarquer que Cnc est décroissante en ?r.

71Enfin, la condition equation im34 qui garantit la non négativité de l’épargne privée et donc qui caractérise le régime non contraint, peut se réécrire à l’aide des équations (15) et (16) :

72

equation im35

73En conséquence, le fait d’être dans un régime ou l’autre ne dépend pas de la condition initiale, mais du couple de taux de cotisation.

74Dans le cas contraint, avec les relations (1), (3), (5) et (12), l’équilibre sur le marché du capital (13) peut se réécrire :

75

equation im36

76Avec les équations (2) et (3), on déduit de (11) et (21) que :

77

equation im37

78Par substitution de (22) dans la condition du premier ordre (10), on obtient :

79

equation im38

80ce qui conduit à la même fonction de demande d’éducation que dans le cas non contraint, c’est-à-dire ht = h (?r), où h (?r) est définit par l’équation (16). On observe donc que le niveau d’investissement en capital humain ht ne dépend pas du régime, contraint ou non contraint, et ne dépend que du système par répartition, et pas du fonds de pension.

81La dynamique de l’intensité capitalistique est donnée par :

82

equation im39

83

84

equation im40

85qui est une fonction croissante de ?fp et décroissante de ?r. Comme dans le cas non contraint, on converge vers un niveau stationnaire de l’intensité capitalistique qui est caractérisé par :

86

equation im41

87Le modèle est donc caractérisé par de bonnes propriétés tant par l’existence et l’unicité de l’équilibre, que par sa dynamique convergente. On va alors s’intéresser à l’état de croissance régulière de l’économie et étudier dans les deux régimes existants l’impact du système public de retraite par répartition ainsi que celui des fonds de pension.

3.2 – Impact du système public en répartition

Proposition 1

88Une augmentation (diminution) du taux de cotisation du système public de retraite par répartition entraîne :

  • une augmentation (diminution) de l’investissement en capital humain identique dans les deux régimes,
  • une augmentation (diminution) du taux d’intérêt dans les deux régimes.

Preuve

89De l’équation (16), qui représente l’investissement en capital humain pour les deux régimes, on tire :equation im42

90Pour démontrer le deuxième point de la proposition, on commence par décomposer la dériver du. taux d’intérêt par rapport au taux de cotisation : equation im43 à la fois dans le cas non contraint (équation 19) et dans le cas contraint (équation 26), on a equation im44

91On peut s’étonner de voir que l’investissement en capital humain est régit par une unique équation pour les deux régimes. En effet, on avait noter, dans la deuxième section, que l’incitation à s’éduquer davantage était réduite dans le régime contraint. Par contre, on avait également noter que dans les deux cas, un accroissement du taux d’intérêt réduisait également l’incitation. On peut alors en déduire qu’une variation du taux de cotisation du système par répartition implique une variation du taux d’intérêt plus faible dans le régime contraint que dans le régime non contraint. Ce qui se comprend d’ailleurs aisément par la perte par les individus, dans le régime contraint, de l’épargne privée comme instrument d’ajustement.

3.3 – Impact des fonds de pension

Proposition 2

92Une augmentation (diminution) du taux de cotisation du fonds de pension :

  • en régime non contraint laisse inchangé le taux d’intérêt comme l’investissement en capital humain,
  • en régime contraint conduit à une diminution (augmentation) du taux d’intérêt mais laisse inchangé l’investissement en capital humain.

Preuve

93Pour les deux régimes, on obtient à partir de l’équation (16) que equation im45

94Pour le régime non contraint, on a equation im46

95Pour le régime contraint, equation im47

96Le fait que les fonds de pension n’aient aucune influence sur la décision d’éducation permet de déduire un autre résultat. On avait noter, dans la deuxième section, que l’incitation à s’éduquer davantage engendrée par le système en répartition était, en régime contraint, d’autant plus faible que le taux de cotisation du fonds de pension était élevé. On peut en déduire que la variation du taux d’intérêt consécutive à une variation du taux de cotisation du système par répartition est d’autant plus faible que le taux de cotisation du fonds de pension est élevé.

97Ayant analysé l’impact sur l’économie des deux systèmes de retraites, il reste à les comparer en termes d’efficacité pour savoir si un système domine l’autre, ou si une combinaison des deux domine les deux autres pris séparément.

4 – Efficacité et optimalité des deux systèmes de retraite

98La comparaison des deux systèmes de retraite nécessite au préalable la définition de critères permettant cette comparaison (pour une intensité capitalistique stationnaire). On peut d’abord penser à ces deux systèmes en termes de placements faits durant la période active pour préparer la retraite. Dans cette optique, considérée dans un premier temps, ces deux systèmes sont comparable en termes de rendements financiers. Toutefois, on peut privilégier une autre optique qui va considérer la place des deux systèmes dans l’économie et la société en termes de bien-être collectif et de redistribution intergénérationnelle. Pour ce faire, on envisage dans une deuxième partie un critère utilitariste basé sur l’utilité des différentes générations.

4.1 – Rendement des deux systèmes de retraite

99Il est plus difficile d’évaluer la rentabilité d’un système de retraite par répartition que celle d’un fonds de pension. En effet, dans ce dernier cas, les cotisations sont placées sur les marchés financiers, et au terme de la période active, les prestations correspondent au versement des cotisations augmentées des intérêts. La rentabilité d’un tel système est donc assimilable à l’efficacité des marchés financiers, et leur indicateur de rentabilité est leur rendement, c’est-à-dire le taux d’intérêt. Par contre, le système public de retraite en répartition est un système collectif où les cotisations sont directement redistribuées aux retraités. Ainsi il n’y a pas correspondance directe entre les cotisations et les prestations. Toutefois on peut procéder par analogie : le taux d’intérêt est tout simplement le rapport entre les prestations et les cotisations ; en procédant ainsi pour le système public, on observe que le rendement du système de retraite par répartition ?t est égal au taux de croissance de l’économie: equation im48[12]. Des propositions 1 et 2 on déduit immédiatement que ce rendement est une fonction croissante du taux de cotisation du système public de retraite et indépendante du taux de cotisation du fonds de pension. Toutefois, l’intérêt ne va pas résider dans l’étude du rendement absolu du système par répartition, mais de comparer ce rendement à celui du fonds de pension dans les deux régimes. Pour ce faire, on définit le rendement relatif d’un système de retraite par répartition pt comme le taux qu’il faudrait appliquer aux placements dans le fonds de pension en plus du taux d’intérêt pour rendre ce placement actuariellement équivalent à celui de la caisse de retraite : equation im49 Plus il est faible, plus l’efficacité en termes de rendement du système public est élevé par rapport au fonds de pension. S’il est nul, c’est qu’il y a neutralité actuarielle des deux systèmes de retraite, c’est-à-dire qu’ils ont le même rendement.

Proposition 3

100Le rendement relatif du système public de retraite en répartition est une fonction :

  • décroissante du taux de cotisation du système public en régime non contraint et indépendante de ce taux en régime contraint,
  • indépendante du taux de cotisation du fonds de pension en régime non contraint et croissante de ce taux en régime contraint,
  • indépendante dans les deux régimes de la proportion de retraités dans l’économie.

Preuve

101Les relations (2), (18) et (19) nous donnent pour le régime non contraint:

102

equation im50

103où l’on obtient equation im51

104Les relations (2), (25) et (26) donnent pour le régime contraint :

105

equation im52

106où l’on a equation im53

107Ce travail sur les taux de rendement permet déjà de rendre compte de l’interaction complexe entre les deux types de système de retraite : en régime non contraint, une baisse de la rentabilité du système public, suite par exemple à une baisse de la natalité, peut être compensée comme on l’a vu par une hausse du taux de cotisation de ce même système. Seulement cette hausse provoquerait une augmentation du taux d’intérêt suite à la raréfaction du capital dans l’économie. Augmentation d’ailleurs plus que proportionnelle à celle du taux de croissance qui tendrait à prescrire dans ce cas une préférence pour la capitalisation privée. Tout au contraire, en régime contraint, toute augmentation du taux de cotisation au fonds de pension accroît la rentabilité relative du système en répartition, alors que l’augmentation de ce dernier n’est en rien bénéfique au rendement relatif du fonds de pension.

108On peut également observer que ce critère est fortement défavorable au système par répartition. En effet, en régime non contraint, une condition suffisante pour que le rendement relatif du système par répartition soit négatif est equation im54 Or, le paramètre ?, qui représente la part du capital dans la valeur ajoutée, est connu avec une assez grande précision, de l’ordre de 0,3, ce qui permet de redéfinir la condition précédente comme ? < 0,75. Si l’on retient une valeur standard du taux de préférence pour le présent de 3 % annuel, que l’on retrouve par exemple dans Christiano et Eichenbaum (1992), et si on considère l’horizon de la première période de vie à 40 ans, on a ? = 1,03- 40 = 0,3. Cette sous-optimalité du système par répartition est un argument régulièrement avancé en faveur de la privatisation des régimes de retraite. De la même manière, en régime contraint, pour ? ? 0,3, sans un taux de cotisation du fonds de pension au moins égal à 43 %, le rendement relatif du système par répartition est négatif.

109Toutefois, la simple étude des rendements peut paraître insuffisante pour trancher de la supériorité d’un système sur l’autre, ou bien encore de leur nécessaire coexistence. Pour ce faire, seule la prise en compte de l’utilité des agents peut nous permettre d’apporter des éléments de réponse.

4.2 – Système optimal : répartition ou fonds de pension ?

110Pour juger de l’intérêt à introduire un système de retraite par répartition ou un fonds de pension, nous allons prendre comme critère d’évaluation la somme intertemporelle des utilités indirectes des individus, Vt pour un individu né en t. En supposant que les générations successives sont pondérées par un facteur ? inférieur à l’unité, Le critère utilitariste est le suivant :

111

equation im55

112Critère qui, en état de croissance équilibrée, est équivalent en régime non contraint à :

113

equation im56

114sous la contrainte : equation im57

115Trois éléments, qui entrent de façon positive dans le critère social, sont identifiables : le rendement du système de retraite (c’est-à-dire la croissance), son rendement relatif, et enfin la durée de travail salarié. D’après les relations (16) et (27), ce critère est donc fonction uniquement du taux de cotisation du système public par répartition ?r. Une augmentation du taux de cotisation du système de retraite par répartition va avoir pour effet de réduire son propre rendement relatif (proposition 3). Ce système va également avoir un effet incitatif sur la durée d’investissement en capital humain (proposition 1), et donc accroître la croissance économique, mais aussi réduire la durée d’activité salariale.

116En régime contraint, ce critère devient :

117

equation im58

118sous la contrainte : equation im59

119Cette fonction en régime contraint présente de fortes similitudes avec le régime non contraint, seul le terme de distorsion fiscale change. Ici il se décompose en deux éléments : l’effet négatif des deux termes de cotisation de première période, et l’effet positif du niveau des deux pensions en seconde période de vie. Dans ce régime, le fonds de pension n’est plus neutre, et il a un effet positif sur le rendement relatif du système par répartition (proposition 3). L’effet du système par répartition transite quant à lui toujours par l’investissement en capital humain. Le critère S est donc une fonction des variables ?r et ?fp.

120Ce critère utilitariste va nous permettre d’évaluer les niveaux optimaux du système de retraite par répartition et du fonds de pension, et ensuite observer quel système domine l’autre. On va procéder en trois étapes : on étudie d’abord les deux systèmes un à un ; ensuite le système mixte, voir s’il domine les deux autres pris isolément ; enfin on évalue le système optimal si le décideur public impose un plafond de cotisation à ne pas dépasser.

Proposition 4 Existence d’un système de retraite par répartition optimal

121Soit ?r = Arg max S, on a :

equation im60
De plus, equation im61

Preuve

122La pondération accordée par le planificateur au rendement du système de retraite est croissante avec l’importance donnée aux générations futures :

123

equation im62

124Le paramètre important pour ce qui concerne le système de retraite par répartition est donc ?. Quelle que soit la valeur des autres paramètres, on a toujours une valeur de ? qui permette l’existence optimale du système par répartition. Pour un étalonnage standard ? = 0,3; ? = 0,3; ? = 0,1; ? = 0,98, le taux de cotisation qui maximise le critère utilitariste (29) est égal à 15,1 %. De plus, on peut observer, sur la figure 1, l’influence sur ce taux optimal des quatre paramètres du modèle intervenants : ? représentant l’importance du capital physique dans le processus de production, ? le facteur d’actualisation du futur des individus, ? l’efficacité de l’éducation et ? l’importance donnée par le planificateur aux générations futures :

  • plus ? est faible, plus l’importance du capital physique est faible dans le processus de production, et donc moins la baisse de l’épargne et du stock capital physique est néfaste ; comme le système de retraite par répartition nuit à l’accumulation de capital physique, plus ? est faible, plus le taux de cotisation optimal est élevé.
  • plus ? est élevé, plus les individus sont patients, et plus une hausse du taux d’intérêt est valorisée par ces derniers ; comme le système de retraite accroît le taux d’intérêt, plus ? est élevé, plus le taux de cotisation optimal du système de retraite est élevé.
  • plus ? est élevé, plus une augmentation de l’investissement en capital humain produit un effet favorable élevé ; comme le système de retraite proportionnel génère une incitation à accroître l’investissement en capital humain, plus ? est élevé, plus le taux de cotisation optimal du système de retraite proportionnel est élevé.
  • plus ? est élevé, plus la croissance économique est valorisée par le planificateur ; comme le système de retraite par répartition accroît le taux de croissance économique, plus ? est élevé, plus le taux de cotisation optimal est élevé.

Proposition 5 existence d’un fonds de pension optimal

125Soit ?fp = arg max S, on a :

126

equation im63

Preuve

127

equation im64

128Pour ce qui concerne le système de retraite en fonds de pension, le paramètre ? n’intervient plus. En effet, on a vu que ce système n’avait pas d’influence sur l’investissement en capital humain (proposition 2), et donc pas sur la croissance. D’ailleurs, le taux optimal est également indépendant du paramètre ?, qui est un des déterminants de l’investissement en capital humain. Ainsi, si l’on vérifie la condition equation im65 c’est-à-dire, comme on l’a déjà vu, si dans l’économie sans système de retraite le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance, il existe un fonds de pension qui maximise le critère (29). Et plus est élevé, plus le besoin en capital est important, et plus le taux de cotisation du fonds de pension est élevé (Cf. figure 1). Pour notre étalonnage standard, ? = 0,3; ? = 0,3; ? = 0,1; ? = 0,98, le taux de cotisation qui maximise le critère utilitariste (29) est égal à 35,8 % [13].

Figure 1

Comparaison des deux systèmes pris isolément

Figure 1

Comparaison des deux systèmes pris isolément

129Pour comparer les deux systèmes, on compare alors les niveaux d’utilité sociale (évalué par le critère S) obtenus. On observe, sur la figure 1, que le système en répartition domine le système en fonds de pension, pour l’étalonnage standard, ainsi que pour différentes valeurs plausibles des paramètres ?, ? et ?. On est donc en contradiction avec le critère des rendements. Par contre, au delà de ? = 0,317 le critère S sélectionne le système en fonds de pension.

130On a donc mis en évidence l’existence d’un système de retraite optimal n’utilisant qu’un seul mode de gestion. Par contre, suivant la valeur des paramètres, le mode de gestion optimal est soit en répartition, soit en fonds de pension. Il reste alors à déterminer si un système utilisant les deux modes de gestion permet d’atteindre un niveau d’utilité sociale supérieur aux deux systèmes pris isolément.

131On observe, figure 2, qu’un système mixte permet d’atteindre un niveau d’utilité sociale supérieur à un unique système par répartition et à un fonds de pension. De plus, l’introduction du fonds de pension accroît le niveau de capital dans l’économie et diminue donc le taux d’intérêt. Dès lors le rendement relatif du système de retraite par répartition s’améliore ce qui conduit même à une augmentation de son taux de cotisation optimal. On peut donc véritablement parler de complémentarité entre les deux systèmes : un qui accroît la croissance économique mais qui réduit le niveau de capital physique de l’économie, et l’autre qui justement permet de compenser l’effet négatif du précédent en favorisant l’accumulation de capital physique tout en laissant inchangée la croissance. Insistons néanmoins sur le fait que le rendement de la répartition reste inférieur au taux d’intérêt.

Figure 2

Système de retraite mixte

Figure 2

Système de retraite mixte

132Le système de retraite optimal est donc bien un système mixte (au moins pour les valeurs des paramètres considérées). Le seul inconvénient de ce système est le niveau élevé des cotisations qui parfois peut être appréhendé par les ménages comme des quasi-taxes. Pour notre étalonnage standard, avec ? = 0,3, le total des taux de cotisation se monte à 49,3 %. Si ce montant est considéré trop élevé par les autorités, il est intéressant de savoir quel système est optimal en présence d’un plafond de cotisation à ne pas dépasser. On peut alors observer, sur la figure 3, que, pour que le système mixte domine un système exclusivement par répartition, il est nécessaire que le plafond des taux de cotisation admis atteigne au moins 28,1 %, ce qui laisse une large place au dernier système. A ce plafond, la place de la répartition est réduite, passant à l’optimum d’un taux de 21 % à un taux de 8,4%, accompagné d’un taux de 19,7 % pour la capitalisation privée. Un autre cas d’étude intéressant est de se placer au point ? = 0,33. En effet, on a vu que pour cette configuration, et contrairement au cas ? = 0,3, le système en fonds de pension domine le système par répartition. Néanmoins, on peut observer (Cf. figure 3) une configuration identique des taux de cotisation optimaux : en deçà d’un plafond de cotisation de 26,4 %, le système optimal est un système par répartition, et au delà de ce plafond, c’est un système mixte.

Figure 3

Système optimal soumis à des cotisations plafonnées

Figure 3

Système optimal soumis à des cotisations plafonnées

133Suivant le plafond accepté, le système par répartition ou le système mixte est optimal d’un point de vue social. Mais jamais le système purement en fonds de pension ne l’est.

5 – Conclusion

134Les résultats obtenus indiquent que le système public de retraite par répartition peut être parfaitement bénéfique et a donc toute sa place dans l’économie. Il est favorable à la croissance économique, ici basée sur le capital humain et il est possible de trouver une taille optimale non nulle à ce système pour des valeurs plausibles des paramètres structurels du modèle.

135Par contre il est clair qu’il a un impact négatif sur l’épargne, ainsi l’introduction d’un fonds de pension privé qui favoriserait l’épargne totale (en la contraignant) aurait un impact positif sur l’économie. Bien loin d’être un substitut à la répartition, la capitalisation privée renforce son existence, puisqu’elle permet d’en atténuer les effets négatifs (sur l’épargne).


Annexe A – Baisse d’incitation à s’éduquer davantage en présence d’une contrainte de non endettement

136Le Lagrangien du problème du consommateur s’écrit :

137

equation im69

138Les conditions d’optimalité du premier ordre qui résulte de la maximisation du Lagrangien par rapport aux variables de contrôles ct, dt + 1 et st ainsi par rapport aux multiplicateurs de Lagrange ?1 et ?2 sont respectivement :

139

equation im70

140On a en outre la relation d’exclusion suivante :

141

equation im71

142De ces relations on déduit la demande d’éducation (qui résulte de la maximisation du Lagrangien par rapport à ht :

143

equation im72

144où l’on a equation im73

145De plus on déduit de ces relations equation im74 Or:

146

equation im75

147Comme la demande d’éducation est une fonction croissante du rapport des multiplicateurs de Lagrange ?2 sur ?1 et que ce rapport est plus faible en régime contraint qu’en régime non contraint, on a bien montré que l’existence de la contrainte de non endettement réduit l’incitation à s’éduquer plus.

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Mots-clés éditeurs : croissance endogène, bien être social, systèmes de retraite

Date de mise en ligne : 01/02/2009.

https://doi.org/10.3917/redp.124.0601

Notes

  • [1]
    EUREQua – Université de Paris I. 106-112 Bd de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13. E-mail : Iegarrec@ univ-paris1. fr
  • [2]
    Sur la base du ratio « nombre d’inactifs de 60 ans et plus pour cent personnes d’âge actif (20-59 ans) » retenu par l’INSEE.
  • [3]
    Cf. Michel P. [1993]
  • [4]
    Ce rendement de 9,3 % incorpore les bénéfices avant toutes les taxes fédérales, régionales et locales aux intérêts nets versés. La méthode de calcul est décrite dans Feldstein, Poterba et Dicks-Mireaux [1983].
  • [5]
    On se reportera à Le Garrec [2001] pour une comparaison entre ce mode de calcul des droits à pension et un calcul forfaitaire, c’est-à-dire indépendant des salaires.
  • [6]
    Dans les systèmes publics de retraites existants, l’obtention de cette pension « à taux plein » est en fait conditionnelle à une durée de cotisation minimale. La possibilité d’un versement partiel associés à un nombre insuffisant d’années de cotisations par rapport à l’exigence légale a été étudiée, dans un cadre similaire, par Le Garrec [2001]. Il y est montré que l’organisation optimale du système de retraite par répartition nécessite la mise en place d’une durée de cotisations qui s’avère ex-post non contraignante. Nous considérons donc ici que cette durée minimale est suffisamment faible, de sorte que le versement d’une pension à taux plein est toujours garanti.
  • [7]
    Ce résultat est totalement indépendant de la forme de la fonction d’utilité retenue puisque le problème est séparable : le niveau d’investissement en capital humain est obtenu par maximisation du revenu actualisé de cycle de vie.
  • [8]
    On peut vérifier que sous certaines conditions très peu restrictives, les effets mis en évidence ici persistent même si on considère que les individus doivent travailler pendant leurs études pour financer celles-ci. Ces effets ne sont pas entièrement dus à une diminution de la durée de cotisation.
  • [9]
    Cf. Annexe A.
  • [10]
    Où l’épargne privée est nulle dans le régime contraint.
  • [11]
    On vérifie que h atteint son niveau maximum pour equation im76
  • [12]
    Une condition suffisante pour que le taux de croissance soit positif est equation im77
  • [13]
    Le taux d’épargne dans la situation de base sans système de retraite est de 23,1 %. Le taux de cotisation du fonds de pension égal à 35,8 % correspond donc à une importante contrainte pour les ménages.
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