Couverture de RECO_706

Article de revue

Égoïste maintenant, ou altruiste (pour) demain ? Stratégies inter vs intragénérationnelles pour la conservation d’une ressource commune

Pages 1153 à 1170

Notes

  • [1]
    Rivalité et excluabilité étant les dimensions bien connues du problème du bien public, qui rendent les allocations du marché inefficaces.
  • [2]
    Pour précision, les participants ont apprécié cette étape et semblaient engagés dans la tâche. Ils ont été actifs dans la fenêtre de chat, et surtout encourageants pour les membres de leur équipe.
  • [3]
    Respectivement SDO (social dominance orientation) et EAI (environnemental attitude inventory). Dans cet article, nous présentons uniquement les résultats principaux liés à notre hypothèse d’extraction et utilisons les données relatives aux divers questionnaires comme contrôle. Les données complètes sont disponibles sur demande.
  • [4]
    Ce paiement n’inclut pas de show-up fee et correspond à la moyenne observée des gains en laboratoire à Dijon.

Introduction

1Le bien-être des générations futures représente à la fois l’un des plus importants points de tension relatifs à la résolution des problématiques écologiques par les mécanismes de marché et l’une des principales raisons d’y répondre. Le célèbre théorème de Coase montre que, dans l’idéal, des problèmes d’externalité peuvent être résolus par libre-échange avec une allocation arbitraire de droits de propriété en amont. Lorsqu’on laisse l’opportunité aux agents de négocier entre eux sans coûts de transaction, l’allocation des coûts finaux est indépendante de l’allocation de droits au départ. Pourtant, depuis le rapport Brundtland (Keeble [1988]) et jusqu’à nos jours, les fondements du « développement durable » ont pour objet de préserver la capacité des générations futures à jouir d’opportunités égales aux nôtres. Cependant, de toute évidence, l’impossibilité pour les générations futures de négocier avec les générations actuelles conduit à des prévisions peu optimistes pour l’avenir. D’ailleurs, de manière affective, quand on pose la question « Pourquoi faut-il protéger les ressources naturelles ? » la réponse intuitive est « Pour que nos enfants en aient ». Cette asymétrie est d’autant plus importante que les ressources sont renouvelables. L’allocation des ressources non renouvelables est essentiellement un jeu à somme nulle, alors que la dégradation de la capacité d’un écosystème à fournir une ressource renouvelable présente un coût social en termes d’efficience qui croît avec le nombre de générations futures affectées. En induisant de manière expérimentale des liens entre les « générations » de participants, nous enrichissons cette littérature en montrant les bienfaits que ces liens affectifs peuvent avoir sur les comportements des individus. Nous démontrons que, même sur la base de liens labiles, induits de manière expérimentale, nous observons un effet sur la capacité d’individus anonymes à protéger une ressource commune renouvelable mais dégradable.

2Nos actions courantes ont donc un impact sur les individus futurs, que ce soit dans le cadre des contributions au bien public (Grolleau, Sutan et Vranceanu [2016]) ou dans le cas des extractions de ressources communes (Lohéac et al. [2017]). Ces auteurs ont montré que les individus sont plus responsables dans des contextes intertemporels que dans des contextes intratemporels. Mais bien qu’elle semble conduire les individus à des comportements plus durables, la connaissance d’un lien intertemporel avec d’autres individus ne semble pas résoudre la « tragédie des communs ». Fisher, Irlenbusch et Sadrieh ([2004], p. 1) ont notamment montré que « la dimension intergénérationnelle conduit à des comportements responsables, mais ne suffit pas à atteindre l’optimum social. La présence d’un lien intergénérationnel conduit les individus à attendre moins d’exploitation, mais malheureusement ces attentes sont trop optimistes, en particulier dans le cas des ressources à reproduction lente, où le comportement de passager clandestin est prédominant ». Dans la continuité, Hauser et al. [2014] montrent que, dans un contexte très similaire au nôtre, une ressource commune est presque toujours immédiatement détruite par des individus anonymes, y compris lorsqu’ils sont informés que d’autres individus dépendent de sa protection.

3Ces travaux ont pour limite que le lien intertemporel se résume au partage d’une ressource commune. Ils incorporent le coût des dilemmes intergénérationnels, sans en considérer les bénéfices. Si l’on estime que l’une des principales raisons de protéger une ressource est d’en laisser à nos enfants, alors il devient intéressant de savoir si ce lien intergénérationnel (dynastique) peut conduire à une meilleure protection des ressources. Dans ce cas, les arguments intergénérationnels pourraient être considérés comme des « catalyseurs » des comportements écologiquement responsables.

4Selon la définition du Larousse, une dynastie est une suite temporelle de personnes appartenant à la même famille, par extension au même groupe, et qui exercent une même activité. Cela conduit à une structure de lien inter-générationnel : un membre d’une génération est lié à des membres de générations passées ou futures par le lien interne de la dynastie dont ils font tous partie. En revanche, la définition stricte de la génération circonscrit un ensemble de personnes vivant en même temps, sans condition obligatoire de lien dynastique avec le passé ou le futur. Cela conduit à une structure de lien intra-générationnel : les générations se suivent en séquences non liées. C’est par la comparaison des stratégies d’extraction utilisées par ces deux types de relations (dynastie, génération) que nous serons en mesure de quantifier la volonté de préserver une ressource commune pour permettre à un proche d’en bénéficier dans le futur.

Revue de littérature

5Partant du problème formalisé par Gordon [1954], Ostrom (pour une synthèse, voir Ostrom [2015]) travaille sur un jeu d’extraction d’une ressource commune (en anglais, common pool resource ou CPR). Basé sur un ensemble de règles de définition strictes, le CPR est considéré comme un modèle explicatif complet de ce type de décision (Gardener, Ostrom et Walker [1990]). Le succès du jeu de CPR s’explique par sa capacité à répliquer en laboratoire, de manière simple, des situations réelles dans lesquelles une ressource commune n’est pas facilement excluable, mais présente une rivalité au moins partielle [1]. Dans de telles situations (par exemple, exploitation des mers, émissions de gaz à effet de serre, etc.), le coût social de l’exploitation de la ressource peut être plus grand que le coût individuel, ce qui entraîne sa surexploitation et une diminution du bénéfice social par rapport à son niveau optimal.

6Dans un jeu de CPR classique, les ressources communes sont définies comme des ressources dont il est coûteux (mais pas nécessairement impossible) d’exclure les bénéficiaires potentiels. Lorsque les individus utilisent ces ressources communes, le coût social prend la forme d’un effet de congestion : le bénéfice pour chaque utilisateur diminue pour chaque unité exploitée par chacun des autres. Les utilisateurs individuellement rationnels continuent d’extraire tant que le coût d’extraction est inférieur au bénéfice privé, sans prendre le coût social en considération. En conséquence, les utilisateurs finissent par retirer un plus grand nombre d’unités de ressources qu’il n’est optimal de le faire du point de vue de l’ensemble de la population qui y aurait accès (Olson [1965]). C’est ce dilemme qui conduit à la « tragédie des communs » (Hardin [1968]), soit l’épuisement ou le non-renouvellement de la ressource.

7Les deux types de liens définis dans l’introduction (intra et inter) pourraient entraîner des utilisations différentes des ressources. Le phénomène social sous-jacent d’un tel effet est lié à la distance sociale. Une proximité sociale est depuis longtemps considérée comme déclencheur des normes prosociales (Wade-Benzoni [2003] ; Charness, Haruvy et Sonsino [2007] ; Hoffman, McCabe et Smith [2008] ; Fiedler, Haruvy et Xin Li [2011] ; Wu, Leliveld et Zhou [2011] ; Ahmed [2007] ; Mackie et Cooper [1984] ; Brewer [1979] ; Ferguson et Kelley [1964]). Cela se traduit par un sentiment de « nous » qui vient d’une identité sociale partagée, et « diminue la tendance à faire des distinctions entre son propre bien-être et celui des autres » (Simpson [2006], p. 444). De nombreuses études ont observé de tels effets, considérés comme des biais en faveur des membres du groupe d’appartenance (Yamagishi et Mifune [2008] ; Koopmans et Rebers [2009] ; Ben-Ner et al. [2009]). Cet endo-favoritisme peut se manifester de plusieurs manières : Waldzus, Mummendey et Wenzel [2005] montrent que les sujets accentuent les caractéristiques positives de leur groupe, et les caractéristiques négatives des autres ; Ben-Ner et al. [2009] montrent une plus grande coopération conditionnelle avec les membres du groupe d’appartenance ; Kramer et Brewer [1984] observent que les biens publics d’un même groupe reçoivent des plus grandes contributions ; Mackie et Cooper [1984] observent qu’entendre un membre de son groupe exprimer une opinion la rend plus attirante ; et Ferguson et Kelley [1964] concluent que les individus perçoivent les produits réalisés par les membres de leur groupe comme étant de qualité supérieure. Enfin, Chen et Li [2009] constatent que l’appariement dans un groupe engendre moins d’envie et une plus grande tendance à maximiser le bien commun. Toutefois, il est à noter que la plupart de ces observations sont imputables au sentiment d’appartenance au groupe que les participants développent lors de l’expérience.

8C’est par le biais du paradigme des groupes minimaux (PGM) (Tajfel [1974]) que ce sentiment d’appartenance à un groupe est créé, visant par extension à réduire la distance sociale. Cette méthode consiste à constituer des groupes purement aléatoires, en utilisant par exemple des préférences pour les peintures de Klee ou Kandinsky. Le but est d’isoler un effet de groupe « pur ». D’autres auteurs ont, en revanche, induit une proximité sociale par le fait de voir le visage d’un coparticipant (Eckel et Grossman [1996] ; Eckel [2007] ; Eckel et Petrie [2008] ; Scharlemann et al. [2001]).

9Sur la base de ces éléments, nous avons créé un protocole destiné à faire varier la proximité sociale entre les participants, afin de quantifier son impact sur les décisions d’extraction d’une ressource commune transmise sur plusieurs générations.

Choix méthodologiques

10Nous avons mis en place un CPR modifié. Dans notre expérience, l’extraction présente un problème de dilemme social sous les conditions suivantes : 1) les extracteurs considèrent les résultats issus de leurs propres stratégies d’extraction comme sous-optimaux du point de vue social, alors que 2) il existe au moins un ensemble de stratégies coordonnées et réalisables qui sont plus efficaces. Plus spécifiquement, 3) l’extraction d’une unité de ressource par un individu rend la ressource au moins partiellement inexploitable par un autre individu dans le présent ou le futur, et 4) de multiples extracteurs exploitent la ressource de manière concomitante ou séquentielle.

11Notre travail se focalise sur un problème intertemporel. Dans notre expérience, il n’y a pas de congestion pour les extracteurs de la ressource à un temps t donné. Tous les individus peuvent extraire leur maximum sans avoir d’effet sur les possibilités des autres qui extraient en même temps. Par contre, la congestion intertemporelle est forte : une surextraction à la période t (définie de manière plus précise ultérieurement) supprime la possibilité pour des participants d’extraire aux périodes t + 1, t + 2… Nous nous concentrons donc sur la première des conditions d’existence du dilemme social citées précédemment : comment modifier les stratégies des extracteurs pour diminuer la part des gains personnels qui est faite au détriment d’autrui et, par extension, conduire à une exploitation plus efficace de la ressource ? Nous comparons deux situations : une situation dans laquelle les individus extracteurs sont membres d’une génération dans une suite de générations instantanées, sans lien dynastique, et une situation dans laquelle les liens dynastiques sont induits par le protocole expérimental, afin de moduler la distance sociale.

12Notre étude vise à réduire la distance sociale entre certains participants, soit en créant de manière exogène des liens qui s’étendent à travers le temps (inter, ou dans une dynastie), soit en plaçant les individus dans une même génération (intra ou dans une génération). En créant un lien intergénérationnel, ou une dynastie, il sera possible de réduire la distance sociale entre les membres d’une génération courante et leurs « proches » dans les générations suivantes. Puisque c’est dans cette dimension qu’opère l’effet de congestion dans l’expérience, la réduction de distance sociale devrait encourager la conservation des ressources. Nous appelons cela le cas inter-générationnel ou dynastique : plusieurs individus d’une génération se trouvent face à la décision d’exploitation d’une ressource dont l’appropriation affecte les possibilités d’autres membres de leur dynastie respective sur les générations à venir. Dans le cas intra-générationnel, ou simplement générationnel, la réduction expérimentale de distance sociale se fait entre les individus d’une génération. Comme il n’y a pas d’effet de congestion dans cette dimension, la condition 3 sur l’existence d’un problème social n’est pas vérifiée, et la réduction de distance sociale n’induira pas de changement de stratégie. Sans le lien établi avec une dynastie qui perdure au-delà de la génération courante, la décision d’exploitation de la ressource n’affecte que les individus de générations futures, sans un lien autre que séquentiel avec la génération courante.

13Nous formulons l’hypothèse que le lien dynastique conduit à une moindre exploitation de la ressource par rapport à l’absence de lien dynastique, c’est-à-dire que les exploitations intergénérationnelles sont plus à même de maintenir une ressource que les exploitations intragénérationnelles.

14Pour tester cette hypothèse, nous avons donc dans un premier temps mis en place une procédure pour diminuer la distance sociale entre certains participants. Nous optons pour une méthodologie basée sur le PGM, puisqu’elle évite la variation non contrôlée sur les caractéristiques spécifiques des sujets.

15Les participants font donc partie de groupes auxquels on donne par la suite un caractère soit dynastique, soit générationnel. Dans la condition dynastique, les membres de chaque groupe sont distribués dans des périodes du jeu CPR différentes (afin de générer des liens intergénérationnels), alors que dans la condition générationnelle, tous les membres du groupe sont dans la même période (pour générer des liens intragénérationnels). Pour ce faire, l’étude se déroulait en trois phases distinctes.

Procédure expérimentale

16Les trois phases (phase 1, phase 2, phase 3) ont été programmées en z-Tree (Fischbacher [2007]). L’essentiel de notre protocole étant basé sur la phase 2, nous commencerons par la présenter en détail, car elle permet de mieux appréhender l’intérêt des phases 1 et 3. Ainsi, la conception générale du protocole d’exploitation de la ressource commune (CPR) est fondée sur une adaptation de Hauser et al. [2014]. Les instructions sont disponibles en annexe I. Les sessions comprennent vingt-cinq participants, divisés en cinq périodes de cinq personnes chacune (cf. figure 1). Un fonds commun de 100 unités était disponible pour la première période. Chaque participant pouvait en extraire un nombre quelconque compris entre 0 et 20 unités. La durabilité de cette réserve d’une période à l’autre était contrainte par une règle de renouvellement simple : si l’extraction totale au cours d’une période était de 50 unités ou moins, le fonds commun se remplissait à nouveau à 100 unités et était ainsi de nouveau disponible pour la période suivante. Toutefois, si, dans une période, l’extraction était de plus de 50 unités au total, le fonds commun s’effondrait et toutes les périodes suivantes se trouvaient confrontées à une ressource inexistante sans pouvoir rien extraire. Le niveau d’extraction efficace (optimum social) est donc de 50 unités par période. Une période comprend cinq individus, l’optimum symétrique est de 10 unités par participant, alors que le choix de maximisation du revenu individuel est de 20 unités.

Figure 1

Schéma des deux traitements

Figure 1

Schéma des deux traitements

Note : Dans le traitement INTER, chaque membre du groupe initial (étape du quiz) appartient à une génération différente (GEN t). Dans le traitement INTRA, les membres du groupe initial restent ensemble dans une même génération.

17Dans Hauser et al. [2014], comme dans Bru et al. [2003] et Herr, Gardner et Walker [1997], les décisions des différentes générations sont séquentielles. Hauser et al. [2014] utilisent un horizon indéfini, avec une probabilité de continuation de 0,8 pour chaque période si la ressource n’est pas surexploitée. Dans notre protocole, la phase d’extraction a été réalisée en nous appuyant sur la méthode du voile d’ignorance. En ce sens, les choix d’extraction ont été faits avant que l’on informe les participants de la période à laquelle ils avaient été attribués. Cela nous permet de maximiser le nombre d’observations par session tout en conservant, pour chaque participant, la probabilité de continuation. Chacun a toujours une probabilité de 0,2 d’être à la fin de l’histoire. Il était précisé aux participants que la ressource pouvait être épuisée lors d’une période précédente à la leur et que dans ce cas, leur choix d’extraction ne serait pas mis en œuvre.

18Le principal ajout au protocole de Hauser et al. [2014] a été l’introduction en phase 1 de groupes initiaux, opérationnalisés par un jeu-questionnaire dans une première étape nommée « quiz ». Avant le CPR, en groupe de cinq, les participants devaient répondre à sept questions de connaissances générales (cf. annexe II), chacune affichée à l’écran pendant une minute. Une fenêtre de discussion, visible seulement par leur groupe, permettait de discuter des réponses aux questions. Le groupe ayant le pourcentage le plus élevé de bonnes réponses recevait des gains supplémentaires à la fin de l’expérience. Les résultats de cette phase n’ont été annoncés qu’à la fin de l’expérience. L’effort de collaboration pour répondre aux questions (différentes personnes connaissent les réponses à différentes questions) et l’existence d’un gain commun pour des réponses correctes visaient à renforcer l’identification minimale au groupe (Tajfel [1974]), entre des participants qui avaient été regroupés de manière aléatoire [2]. Si cette identification minimale induite par le protocole ne permet pas de reproduire le réalisme et la complexité des liens sociaux entre individus, nous assumons qu’elle fait néanmoins varier la distance sociale entre les membres d’un groupe du quiz, qui seront alors plus proches, qu’entre des participants appartenant à des groupes différents. En ce sens, si nous pouvons observer des effets sur les comportements en laboratoire malgré l’aspect artificiel et temporaire de ces liens entre participants, alors nous pouvons supposer que les effets de réelles dynasties ne pourront être que plus importants.

19Ces groupes du quiz ont par la suite été utilisés pour implémenter des liens inter vs intragénérationnels comme principal traitement expérimental (cf. figure 1). Dans les sessions INTER, les instructions expliquaient en début de phase 2 que chaque membre du groupe était placé dans une période différente et que, par conséquent, l’extraction de chacun aurait un impact potentiel sur les autres membres du groupe. Ce groupe prenait donc une forme dynastique. Dans les sessions INTRA, les participants étaient informés que le groupe serait rassemblé dans une seule période, sous une forme générationnelle. L’extraction n’aurait donc pas de conséquence sur les membres du groupe du quiz, mais affecterait seulement les autres groupes.

20La phase 3 était composée de plusieurs questionnaires visant à mesurer les préférences sociales des joueurs. Nous avons implémenté les six mesures primaires du test d’orientation des valeurs sociales (social value orientation, SVO ; Murphy, Ackermann et Handgraaf [2011]) avec incitations monétaires. Chaque mesure consiste en une allocation d’argent entre le participant et une autre personne, le coût marginal étant variable pour chaque allocation. Chaque décision d’allocation peut être représentée comme un rapport entre le bénéfice du participant et celui d’une tierce personne. La moyenne des rapports s’interprète comme une mesure de la préférence pour la distribution : un rapport moyen plus grand est associé à une plus grande « générosité ». Enfin, nous avons aussi fait passer deux questionnaires traduits en français, non rémunérés, issus de la psychologie sociale : « Orientation à la dominance sociale » (Duarte, Dambrun et Guimond [2004]) ; « Inventaire d’attitude environnementale » (Ajdukovic, Gilibert et Fointiat [2019]) [3].

21Les sujets prenaient part à un seul traitement (INTER ou INTRA). Après l’étape du quiz de la phase 1, les participants effectuaient une extraction entre 0 et 20 unités dans la phase 2. Par la suite, les participants ont répondu aux questionnaires en phase 3. Enfin, l’attribution de chaque participant à une période était révélée et la résolution de l’exploitation de la ressource commune au travers des générations était affichée, ainsi que le paiement de chaque participant et leurs gains correspondants aux diverses phases. L’expérience a été réalisée en laboratoire en deux séries de sessions entre novembre 2017 et octobre 2018 au Laboratoire d’expérimentation en sciences sociales et analyse des comportements (LESSAC) de la Burgundy School of Business. Trois cents personnes ont participé à l’expérience, cent cinquante en six sessions pour le traitement INTER, et cent cinquante en six sessions pour le traitement INTRA. Une session était constituée de vingt-cinq participants exactement. Les groupes ont été constitués de manière aléatoire. Les participants étaient des étudiants des diverses formations du campus. Une session durait en moyenne 55 minutes. Les gains moyens ont été de 6,07 euros [4]. Ce protocole nous permet de formuler les hypothèses empiriques suivantes :

22

Lors d’une extraction, en moyenne, un individu membre d’un groupe à liens dynastiques (INTER) va extraire moins de ressource qu’un individu membre d’un groupe à liens générationnels (INTRA). Plus spécifiquement, dans les sessions INTER, par rapport aux sessions INTRA :
– La ressource sera préservée pour plus de générations.
– Il sera plus probable que les individus limiteront leur extraction par rapport au niveau de l’optimum social symétrique (i.e. ils vont extraire 10 unités ou moins).
– Le niveau d’extraction moyenne sera plus faible.

Résultats

23Comme expliqué précédemment, les participants procédaient à l’extraction avant d’être informés de la période dans laquelle ils allaient être placés. Une fois l’extraction réalisée, les décisions ont été agrégées pour calculer la durée des ressources.

24Notre premier résultat présente la durée des ressources, selon les sessions, dans les deux conditions expérimentales. Dans la condition INTRA (liens générationnels), seule une ressource commune sur les six sessions a été préservée jusqu’à la troisième génération. Dans les cinq autres sessions, les ressources ont été détruites dès la génération 1. Notons que cela va dans le sens de Hauser et al. [2014], où seulement quatre des dix-huit jeux sans réglementation ont conservé la ressource jusqu’à la deuxième période. Dans la condition INTER (liens dynastiques), les ressources ont été préservées jusqu’à la deuxième génération dans quatre des six sessions. Dans trois sessions, les ressources ont été préservées au-delà de la deuxième génération (cf. figure 2 pour plus de détails). La durée médiane dans les sessions du traitement INTRA était 0, alors que dans les sessions INTER la valeur était 1,5. Nous n’avons que douze observations à ce niveau, et donc les tests statistiques n’ont pas la puissance de discriminer, mais un test Mann-Whitney montre une différence néanmoins significative (N = 12 ; p = 0,0891).

Figure 2

Nombre de sessions (ordonnées) dans lesquelles la ressource était encore disponible en fonction des conditions INTRA et INTER pour chaque génération (abscisses)

Figure 2

Nombre de sessions (ordonnées) dans lesquelles la ressource était encore disponible en fonction des conditions INTRA et INTER pour chaque génération (abscisses)

Note : Par exemple, dans la génération 3, seule une session avait encore accès à la ressource dans la condition INTRA, contre trois dans la condition INTER.

25Résultat 1. Le lien dynastique est associé à une meilleure préservation de la ressource dans le temps.

26Dans la continuité de Hauser et al. [2014], on se référera aux participants qui ont extrait 10 unités ou moins comme des « coopérateurs », alors que ceux qui ont extrait plus de 10 unités seront appelés « transfuges ». Dans la condition INTRA (liens générationnels), 57 % des participants ont coopéré en extrayant 10 unités de ressource ou moins, et 43 % ont extrait plus de 10 unités de la ressource. Dans Hauser et al. [2014], le pourcentage de coopérateurs était de 68 %. Dans le traitement INTER (liens dynastiques), 84 % des participants ont coopéré pour seulement 16 % de transfuges. La différence de répartition des coopérateurs et transfuges entre nos conditions est significative (χ2(1) = 17,53 ; p < 0,0001).

27Résultat 2. Le lien dynastique induit une présence significativement plus grande de coopérateurs que le lien générationnel.

28Comme le suggère cette différence, la moyenne des extractions dans la condition INTRA (m = 11,80 ; SE = 0,28) est significativement supérieure (t = 3,597 ; p < 0,001) à l’extraction moyenne des sujets de la condition INTER (m = 9,82 ; SE = 0,33). En fait, la distribution complète d’extraction dans la condition INTRA est déplacée vers la droite par rapport à celle de INTER (Kolmogorov-Smirnov, p < 0,001). Dans la condition INTRA, où l’extraction des ressources n’affecte pas la probabilité que les autres membres du groupe puissent extraire, les participants exploitent sensiblement plus la ressource.

29Résultat 3. En moyenne, les individus extraient significativement moins de ressources en présence d’un lien dynastique (INTER) qu’en présence d’un lien générationnel (INTRA).

30Comme la procédure utilisée implique de la communication libre par chat entre membres d’un groupe lors du quiz, il est possible que l’on perde du contrôle expérimental sur les motivations des sujets. En effet, si le chat augmente le lien entre sujets, cela est attribué au fait de communiquer, mais aussi au type de messages spécifiques qui sont envoyés et reçus dans le groupe. On ne sait pas si ces effets sont similaires dans les sessions INTRA et INTER. Or, l’effet de ces messages spécifiques entraînerait des corrélations fortes d’extraction à l’intérieur d’un groupe, puisque cet effet serait identique pour tous les participants exposés à un chat particulier. De ce fait, nous proposons deux régressions avec erreur type robuste, ajustées pour prendre en compte des corrélations possibles à l’intérieur des groupes. De plus, ces régressions contrôlent la valeur de SVO, le nombre de messages envoyés par l’individu lors de l’étape du quiz, le nombre de messages envoyés au total et le nombre des questions auxquelles l’individu avait répondu correctement. Les résultats sont disponibles dans le tableau 1.

Tableau 1

Résultats des régressions

Variables(1)
extraction
(2)
transfuge
a. INTRA1,696***
(0,584)
1,381***
(0,313)
b. SVO– 2,734***
(1,005)
– 1,569***
(0,530)
c. Nombre de messages du sujet0,0505
(0,0383)
0,0122
(0,0238)
d. Nombre de messages du groupe– 0,00173
(0,00771)
– 0,000263
(0,00527)
e. Nombre de réponses correctes0,329*
(0,195)
0,0848
(0,102)
f. Homme1,388**
(0,545)
0,520*
(0,311)
g. Constant8,684***
(0,758)
– 1,830***
(0,412)
Observations300300
R20,114

Résultats des régressions

Note : La régression 1 est un MCO de l’extraction, alors que la régression 2 est une régression logistique de la probabilité d’extraire plus que 10 unités de la ressource. La variable explicative principale est a, le traitement expérimental INTRA, qui indique des liens générationnels. La variable b SVO mesure les préférences distributives. Pour contrôler des effets associés à l’étape du quiz, nous incluons les variables c à e, respectivement, le nombre de messages envoyés par l’individu, le nombre total envoyé par le groupe lors du quiz, et le nombre des sept questions auxquelles l’individu avait répondu correctement. On a aussi corrigé les erreurs types pour des corrélations au niveau du groupe du quiz. Les erreurs types robustes sont indiquées entre parenthèses. Seuils de significativité : *** p < 0,01, ** p < 0,05, * p < 0,1.

31Ces résultats confirment que le traitement INTRA (i.e. le lien générationnel) accroît le niveau d’extraction moyenne ainsi que la probabilité d’extraire plus que l’optimum symétrique. La régression 1 est une régression en moindres carrés ordinaires sur la quantité extraite, alors que l’estimation 2 est une régression logistique avec les extractions supérieures à 10 (pour les « transfuges »). Les coefficients sur le traitement INTRA sont significativement positifs pour les deux mesures. Le SVO étant associé à une plus grande coopération dans les dilemmes sociaux (Gärling [1999]), nous observons sans surprise que les individus avec un SVO élevé extraient moins. En revanche, le nombre de messages transmis dans le quiz, par l’individu même ou par le groupe en total, n’a pas d’effet sur l’extraction. Il est intéressant de noter que les individus qui ont donné plus de bonnes réponses au quiz ont extrait davantage par la suite. Si nous n’avions pas d’hypothèse particulière sur ce sujet, nous pouvons néanmoins spéculer sur deux explications : les individus se sentent davantage le « droit » d’extraire puisqu’ils ont mieux performé que leurs coéquipiers et estiment mériter « plus ». Si, à ce moment, les participants n’ont pas les résultats relatifs aux performances des différentes équipes dans la phase 1 (quiz), les participants peuvent avoir une idée précise du nombre de bonnes réponses qu’ils ont données et, par extension, le nombre de réponses erronées de leurs coéquipiers.

32L’explication alternative serait relative à une meilleure habilité cognitive, qui leur aurait permis d’obtenir de meilleurs résultats au quiz, mais qui pourrait par extension induire un comportement sensiblement différent.

33Cependant, malgré les contrôles, l’effet de traitement survit et montre un effet important du protocole expérimental. En revanche, la variable qui mesure le nombre de réponses correctes n’augmente pas la probabilité d’être transfuge. Même en contrôlant les effets de groupe et de quiz, les liens dynastiques (INTER) incitent à un usage plus durable de la ressource.

34Ces résultats sont cohérents avec la littérature mentionnée précédemment sur l’endofavoritisme : les individus sont plus coopératifs quand leurs bénéfices sont faits au détriment d’autres membres du groupe d’appartenance. Notre étude vient étayer un courant de cette littérature visant à démêler l’effet des préférences de celui des croyances. Dans plusieurs études (voir Everett, Faber et Crockett [2015], pour une synthèse), il a été suggéré que l’effet passe par une amplification de réciprocité : les individus sont plus généreux parce qu’ils attendent un traitement similaire par les autres membres du groupe. Dans notre expérience, ce retour est impossible car les bénéficiaires d’un bas niveau d’extraction seront dans une génération « future » qui ne pourra pas rétroagir. Notre résultat montre donc que l’effet est, au moins en partie, basé sur des préférences, sans évidemment nier un autre effet possible des croyances.

35Nous finissons cette section avec un retour sur l’optimum social. Rappelons que la ressource disparaissait si une génération extrayait plus de 50 unités. Avec une capacité d’extraction allant de 0 à 20 et un total de cinq personnes par génération, l’optimum social était atteint si chaque individu extrayait 10 unités. Nos résultats permettent d’observer que les participants du traitement INTER adoptent un comportement plus durable. La moyenne des extractions dans le traitement INTER est, en effet, légèrement inférieure à l’optimum social, sans que cette différence soit significative (t = 0,54 ; p = 0,588). En revanche, dans le traitement INTRA, la moyenne des extractions excède significativement l’optimum social de 10 (t = 4,094 ; p < 0,001). Considérant qu’à l’exception de la répartition dans les deux conditions, tout était égal par ailleurs, ces résultats nous permettent de confirmer que l’ensemble des participants sont bien en mesure d’identifier quel est l’optimum social. Néanmoins, les participants de la condition INTRA (liens générationnels) choisissent sciemment une extraction supérieure à ce seuil afin de maximiser leurs gains. La figure 3 montre les moyennes d’extraction dans les deux traitements, ainsi que les intervalles de confiance (95 %), illustrant le fait que le traitement INTRA est significativement au-dessus de l’optimum social (10), contrairement au traitement INTER.

Figure 3

Moyennes des extractions des sujets dans les deux traitements (optimum social : 10)

Figure 3

Moyennes des extractions des sujets dans les deux traitements (optimum social : 10)

Conclusion et discussion

36Nos résultats permettent d’observer deux stratégies différentes d’exploitation. Les individus qui ont un intérêt indirect à préserver une ressource pour que leurs proches puissent en profiter vont chercher à l’exploiter au maximum sans que cela ne nuise aux autres. En revanche, nos résultats suggèrent également que lorsque des personnes font partie du même groupe, aussi labile soit-il, alors elles peuvent être amenées à exploiter une ressource commune en vue de maximiser leur profit au détriment d’autres groupes d’individus.

37Si ces résultats nous semblent intéressants, il convient de revenir sur certains aspects qu’il serait opportun de préciser et potentiellement d’améliorer dans des expériences ultérieures. Ainsi, en comparant les conditions de liens générationnels (INTRA) et de liens dynastiques (INTER), nos deux conditions sont issues d’un positionnement contrôlé des participants dans les générations : respectivement des groupes entiers rassemblés dans une seule génération, ou bien un membre de chaque groupe par génération. Si la différence d’extraction moyenne entre les groupes INTER et INTRA est irréfutable, et même si toute la littérature nous incite à penser en ce sens, nous ne pouvons en l’état avoir la certitude que cette différence est due à un comportement plus responsable des participants de la condition INTER. La présence du quiz pourrait en effet avoir créé une rivalité des groupes INTRA qui auraient alors cherché à s’approprier plus de ressources que les groupes avec lesquels ils venaient d’être mis en concurrence. Pour répondre à cette problématique, il nous semble opportun de reproduire cette expérience en implémentant une troisième condition « contrôle », où il n’est pas mentionné lors de l’extraction si les autres membres du groupe du quiz sont dans la même génération ou dans de futures générations. Une moyenne d’extraction de ce groupe contrôle qui serait proche de la condition INTRA suggérerait que la différence d’extraction est bien imputable à un comportement responsable des participants de la condition INTER, et inversement.

38La procédure que nous avons mise en place ouvre la voie à des perspectives de recherche qui nous semblent intéressantes dans le domaine des transmissions de ressources communes. Que ce soit pour affiner le protocole et les résultats précédemment obtenus, ou bien pour tester de nouvelles hypothèses, diverses études sont envisageables. En ce sens, la suppression du quiz, qui serait remplacé par un bouton « Rejoindre une équipe » est un exemple de ce qui nous semblerait intéressant d’explorer. En effet, nous pourrions identifier la part d’effort allouée à la protection de la ressource commune dans la condition INTER. Nous pourrions également quantifier la part de rivalité que ce quiz fait apparaître entre les équipes et s’il a une incidence ou non sur les extractions. Au-delà de l’aspect méthodologique, ces observations seraient informatives et transposables à bien plus grande échelle en faisant notamment le parallèle avec les épreuves auxquelles certains groupes sont soumis, ce qui pourrait les renforcer et augmenter la bienveillance pour l’endogroupe. Mais ce serait également informatif au regard de la rivalité permanente qui oppose certains groupes sociaux, et les stratégies d’accaparement des ressources qui pourraient apparaître.

39Sur un aspect plus pragmatique, les résultats de cette étude nous semblent particulièrement intéressants à considérer dans le contexte politique, sociétal et environnemental actuel. L’aggravation exponentielle des problèmes environnementaux (dérèglement climatique, traitement des déchets, pollutions, etc.), nous rappelle chaque jour combien les changements sociétaux entrepris pour répondre à ces défis sont insuffisants (Masson-Delmotte et al. [2018]). Si les actions de prévention et de sensibilisation se multiplient, il semblerait que nos facultés de perception soient insuffisantes pour nous projeter à grande échelle, tant géographiquement que temporellement. Uzzel [2000] faisait référence à l’hyperopie environnementale comme notre incapacité à nous représenter les conséquences locales de problématiques macroscopiques. La distance psychologique (Trope et Liberman [2010]) au regard de ces problématiques est également adressée dans plusieurs études (Leiserowitz [2005] ; McDonald, Chai et Newell [2015]) qui confirment qu’il est difficile de se représenter les impacts des problèmes environnementaux sur notre quotidien sans entrer dans des dynamiques d’évitement. Pour tenter de remédier à ces difficultés, Sheppard [2005] suggère d’utiliser des mécanismes (notamment visuels) pour illustrer les conséquences à moyen et long termes de notre mode de vie pour diminuer la distance psychologique des comportements et toucher le grand public. Si la méthode est différente, les résultats de notre étude pourraient également être pertinents à considérer pour faire « entrer dans le quotidien des individus » les conséquences de leurs comportements. En effet, notre volonté immuable à vouloir protéger nos proches, nos enfants, pourrait être utilisée comme un vecteur privilégié de sensibilisation en faveur de la protection de l’environnement, en rappelant notamment que ce sont eux qui sont et seront les plus affectés. Et ces effets négatifs, s’ils existent à long terme (e.g. changement climatique), ils existent également à court terme (e.g. pollution).

40De manière plus large, notre étude prouve que les comportements de préservation prennent sens dans le lien social, aussi labile et artificiel soit-il. Les campagnes de prévention associées à la préservation de l’environnement ne doivent plus se contenter d’encourager les individus à faire des efforts pour la planète, à éteindre les lumières inutilisées pour économiser de l’énergie, à ne pas imprimer en recto simple pour économiser du papier. Ces campagnes doivent encourager les individus à faire des efforts pour les autres, pour leurs proches, avec leurs proches. Il faut redonner du sens à ses actes du quotidien en les ancrant dans le lien social, en privilégiant le groupe (famille, amis, village, ville, etc.) à l’individu isolé. Quelle meilleure motivation que de préserver l’environnement pour que notre famille, nos enfants, puissent en jouir dans les générations à venir, et peut-être même fonder une nouvelle dynastie ?


Annexes

I – Instructions INTRA [INTER]

Bienvenue dans cette expérience

41L’activité d’aujourd’hui est composée de plusieurs parties, ou phases. Dans chaque phase vous aurez la possibilité de gagner de l’argent. On va parler d’unités de monnaie expérimentales, de jetons et de points. Chaque jeton que vous gagnez pendant l’expérience vaudra 0,50 € à la fin. Chaque point vaut 0,02 €.

Phase 1 : jeu de quiz

42Les participants dans cette salle ont été divisés dans des équipes de cinq personnes. Dans cette première phase, les équipes entrent en compétition dans un court quiz. Il y a sept questions dans le quiz, chacune visible à l’écran pendant une minute. Pendant le quiz, vous verrez aussi une fenêtre de discussion. Cette fenêtre n’est visible que par votre équipe. Vous pouvez parler de tout ce qui est en lien avec les réponses aux questions, mais vous ne pouvez pas utiliser votre nom, ni tout autre indice qui pourrait aider les autres dans votre équipe à vous identifier personnellement. Vous serez exclu de l’expérience si vous violez cette règle, ou si vous vous montrez impoli.

43Chaque question sera notée avec le pourcentage des réponses correctes qui sont soumises par l’équipe. À la fin du quiz, les scores de chaque équipe seront sommés, et tout membre de l’équipe avec la somme la plus élevée gagnera 5 jetons de plus, soit 2,50 €. Le résultat de ce jeu sera annoncé à la fin de l’expérience.

Phase 2 : extraction séquentielle d’une ressource commune

44Les décisions dans cette phase de l’expérience seront implémentées dans une séquence de cinq périodes. Les cinq individus d’une des équipes participent dans chaque période. Autrement dit, tous les membres de votre équipe participent dans votre période et prennent leur décision en même temps que vous [un membre de votre équipe participe dans chaque période]. Les membres de votre équipe ne seront pas affectés par votre décision [votre décision affectera les membres de votre équipe qui vous suivent].

45Dans la première période, il y a une ressource commune renouvelable de 100 jetons, qui peut être transmise à des périodes plus tard. Chaque individu participant à cette période peut extraire un nombre de jetons entre 0 et 20 de la ressource ; ces jetons constitueront ses gains pour la phase 2 de l’expérience.

46Si l’extraction totale dans une période (la somme des choix des cinq personnes) est de 50 jetons ou moins, la ressource est renouvelée, et la prochaine période commence aussi avec une ressource de 100 jetons. En revanche, si l’extraction dans une période est supérieure à 50 jetons au total, la ressource sera détruite de manière permanente, et les équipes dans les périodes suivantes ne gagneront pas d’argent lors de cette phase de l’expérience.

47Vous ne saurez votre période qu’après avoir pris votre décision. À chance égale, vous pouvez être suivi ou précédé par 0, 1, 2, 3 ou 4 autres équipes. Vous ferez donc votre choix d’extraction avant de savoir si la ressource existera toujours quand viendra votre période. Pensez à votre décision de la manière suivante : si la ressource existe toujours, combien extrayez-vous ?

48Une fois votre décision prise, l’attribution des périodes sera affichée. L’extraction totale dans chaque période sera sommée, et si la ressource est maintenue jusqu’à votre période, alors vous recevrez les jetons que vous aurez choisi d’extraire. Sinon, vous ne recevrez rien pour cette partie de l’expérience.

Phase 3 : décisions d’allocation

49Dans cette phase de l’expérience, vous verrez six axes à l’écran, chacun avec un curseur. La position d’un curseur sur l’axe correspond à une allocation de points entre vous et une autre personne. Chaque allocation vous donne un nombre de points à vous et un nombre de points à l’autre membre. Vous devez choisir une allocation sur chaque axe avant de continuer.

50À la fin de l’expérience, une de ces allocations sera choisie de manière aléatoire pour chaque individu dans la salle. Un autre participant dans cette salle sera choisi de manière aléatoire, et l’allocation sélectionnée sera implémentée. Les points alloués seront convertis en gains monétaires au taux de 1 point = 0,02 €, ou 50 points = 1 €.

51Levez la main si vous avez des questions. Quand vous êtes prêt, cliquez sur OK pour commencer cette phase.

II – Questions et réponses au quiz

1. À quel drapeau national l’image ressemble-t-elle le plus ?
a. Hongrieb. Italiec. Irlanded. Mexique
2. En quelle année Neil Armstrong a-t-il atterri pour la première fois sur la Lune ?
a. 1959b. 1963c. 1969d. 1970
3. Quel groupe musical a chanté The Sound of Silence ?
a. The Doorsb. Diana Rossc. Simon and Garfunkeld. Les Beatles
4. Quel pays a gagné le plus de médailles d’or aux Jeux olympiques d’hiver 2014 de Sotchi ?
a. Le Canadab. La Russiec. La Norvèged. Les États-Unis
5. Lequel de ces films n’a pas gagné 11 oscars (le maximum jamais gagné pour un film) ?
a. Ben-Hurb. Titanicc. Le seigneur des anneaux : le retour du roid. Le patient anglais
6. Lequel de ces langages n’est pas néo-latin ?
a. Italienb. Croatec. Roumaind. Portugais
7. Dans lequel de ces films John Travolta n’a pas joué ?
a. Pulp Fictionb. Greasec. Volte-faced. Dirty Dancing

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : environnement, ressource commune, dynastie, générations

Mise en ligne 14/01/2020

https://doi.org/10.3917/reco.706.1153

Notes

  • [1]
    Rivalité et excluabilité étant les dimensions bien connues du problème du bien public, qui rendent les allocations du marché inefficaces.
  • [2]
    Pour précision, les participants ont apprécié cette étape et semblaient engagés dans la tâche. Ils ont été actifs dans la fenêtre de chat, et surtout encourageants pour les membres de leur équipe.
  • [3]
    Respectivement SDO (social dominance orientation) et EAI (environnemental attitude inventory). Dans cet article, nous présentons uniquement les résultats principaux liés à notre hypothèse d’extraction et utilisons les données relatives aux divers questionnaires comme contrôle. Les données complètes sont disponibles sur demande.
  • [4]
    Ce paiement n’inclut pas de show-up fee et correspond à la moyenne observée des gains en laboratoire à Dijon.
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