Notes
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[1]
Expression forgée par Frank et Cook [1995].
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[2]
Pour plus de détail sur cette enquête Télécom ParisTech-CNAM-Adami réalisée par la société spécialisée ISL, voir Bacache et al. [2009].
-
[3]
Données de 2004, voir Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages. Édition 2006, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1372223/.
-
[4]
Insee, enquête Emploi en continu, 2009.
-
[5]
C’est-à-dire les individus de 14 ans et plus en juillet 2005 (Insee, statistiques de l’état civil et enquête Villes, 2005).
-
[6]
La variable de l’âge au carré permet de rendre compte de la décroissance du rendement marginal du capital humain.
-
[7]
Voir Ravet et Coulangeon [2003] sur les écarts de revenus entre musiciennes et musiciens.
-
[8]
Les deux méthodes de régression du Probit ordonné sur la variable endogène définie en cinq tranches ou par les MCO donnent néanmoins des résultats qualitatifs similaires, disponibles auprès des auteurs.
-
[9]
Nous pouvons également estimer un Probit ordonné à seuils contraints puisque les seuils de revenu sont ici connus : 9 000, 15 000, 30 000 et 60 000 euros (en log des revenus). Cette estimation donne des résultats qualitatifs similaires mais avec un log de vraisemblance de l’estimation légèrement plus faible.
-
[10]
Dans le questionnaire, les artistes étaient également interrogés sur le fait d’avoir une page Myspace. Myspace est un site Internet qui date de 2003 et qui héberge sans frais les pages Internet de ses membres, page sur laquelle on peut entretenir un blog, présenter ses informations personnelles, mettre des fichiers de musique, vidéo, etc. Il était encore très utilisé au moment de l’enquête. Nous avons testé la variable pagemyspace qui indique si l’artiste a une page Myspace. Nous avons également mené la régression en définissant une variable plus générale qui vaut 1 si l’artiste a une page Internet ou une page Myspace indifféremment. Les résultats ne sont pas modifiés sensiblement par le choix de la variable indicatrice de la présence sur Internet.
-
[11]
Voir Kawakatsuy et Largey [2008] pour une discussion des modèles de Probit ordonné avec une variable endogène discrète et Sajaia [2008] pour l’implémentation dans Stata.
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[12]
L’estimation de la forme réduite est disponible auprès des auteurs. Le coefficient de l’instrument est estimé à 0,55 avec un écart type de 0,17.
-
[13]
Les résultats de ces régressions sont disponibles auprès des auteurs.
Introduction
1La place des nouvelles technologies dans les industries culturelles est apparue dans le débat public et académique à travers le prisme de l’impact du piratage sur les recettes de l’industrie musicale (Curien et Moreau [2006]). Pourtant, d’une part, le revenu des artistes eux-mêmes n’est pas parfaitement corrélé aux recettes de l’industrie musicale dans son ensemble et, d’autre part, le numérique ne se réduit pas à l’échange de fichiers musicaux. Plus largement, Greffe [2002] et Bourreau et Gensollen [2006] ont insisté sur les manières dont le numérique modifie en profondeur les stratégies de diffusion, de promotion et même de création des œuvres.
2Ces impacts multiples du numérique sont à l’origine du paradoxe suivant : malgré la baisse sensible des ventes de disques, divisées par deux sur la décennie 2000-2010, les revenus moyens des artistes musiciens n’ont, quant à eux, pas diminué. En effet, dans une étude portant sur les musiciens en France en 2000, Coulangeon [2004] estimait que 49 % des musiciens ont des revenus supérieurs à 100 000 francs (15 000 euros). Dans l’enquête de 2009 que nous exploitons dans cet article, le revenu médian est de 22 500 euros, soit 125 000 francs constants. Au sommet de la pyramide des revenus, on n’observe pas non plus de dégradation des revenus. Les revues Rolling Stone Magazine et Billboard recensent au niveau mondial les vingt premiers musiciens par ordre de revenus (disques et concerts), en millions de dollars. Si ces revenus sont caractérisés par une forte volatilité, principalement due à l’organisation ou non d’un concert l’année retenue, on observe une relative stabilité de la moyenne mobile sur deux années des revenus.
3Est-ce que le numérique menace le revenu des artistes ? Est-ce qu’il bouleverse le succès, les stratégies de carrière ? En bref, est-ce que la modernisation est un gage de succès ou une menace, et quels sont les artistes qui en bénéficient le plus ? Si la question est déterminante pour l’avenir de la création musicale, force est de constater que très peu de travaux étudient spécifiquement l’impact de la numérisation sur les revenus des artistes. Kretschmer [2005] trouve un faible impact des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur le revenu des artistes, mais ses résultats se fondent sur des données qualitatives (principalement des entretiens) britanniques et allemandes. Par ailleurs, sa problématique est sensiblement différente de la nôtre en ce qu’il se concentre sur l’impact du droit de la propriété intellectuelle sur les revenus des artistes. Bacache, Bourreau et Moreau [2015] montrent que le piratage ne nuit pas aux revenus de tous les artistes ; car s’il peut, par un effet de substitution, se traduire par une baisse des ventes de disques, il peut, par un effet externe, induire une hausse des revenus qui proviennent d’autres sources, notamment des concerts.
4La littérature économique qui étudie plus largement le revenu des artistes met en évidence deux faits stylisés. Le premier est le faible rendement de l’éducation dans cette profession ; autrement dit, les artistes « maudits » ont un revenu faible au regard de leur formation et du capital humain qu’ils ont investi. Le second est la distribution particulièrement asymétrique des revenus des artistes comparée à celle d’autres métiers, qui se caractérise par le phénomène de superstar ou de winner-take-all, selon lequel une faible part des artistes reçoit une part prépondérante des revenus. Dans cet article, il s’agit de comprendre si les TIC modifient ces deux faits stylisés.
5La question que nous posons ici est celle de l’impact des TIC tant sur le revenu moyen des artistes que sur la distribution des revenus. Les TIC peuvent s’interpréter comme du progrès technique dans une profession réputée pour ne pas connaître de modification substantielle depuis des décennies dans son processus de production (Baumol et Bowen [1966]). Les TIC peuvent également modifier la distribution des revenus si elles bénéficient de manière hétérogène aux artistes. Si la distribution des œuvres sur Internet bénéficie aux moins connus des musiciens, on peut s’attendre à une réduction des inégalités dans cette profession (Anderson [2004]). Inversement, si le numérique renforce l’effet winner-take-all (Rosen [1981] ; Adler [1985], [2006] ; Benhamou [2002]), il résultera en une hausse des inégalités.
6Pour tester les différents effets, nous exploitons une base de données originale issue d’une enquête que nous avons menée auprès des musiciens associés de l’Adami (Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes). Nous estimons une équation de revenus pour examiner si, d’une part, les investissements dans les TIC se sont traduits par une amélioration du revenu moyen des artistes et si, d’autre part, l’usage des TIC a augmenté les écarts de revenus entre musiciens en bénéficiant à certains artistes plus qu’à d’autres. Nous étudions deux variables qui permettent d’appréhender la numérisation des artistes, d’une part, leur utilisation d’un home studio et, d’autre part, l’existence d’une page Internet dédiée.
7Nos résultats indiquent que les TIC affectent positivement les revenus des musiciens. En particulier, le fait d’avoir un home studio augmente de manière significative les revenus de l’artiste et de la même manière, avoir une page Internet peut s’interpréter comme un investissement dans les TIC rentable pour l’artiste, une fois que l’on a corrigé pour l’endogénéité des variables explicatives. Nous montrons par ailleurs que l’inégalité dans la distribution des revenus augmente avec les effets de réseau que procure Internet, mais diminue avec les économies d’échelle que permet un home studio.
8Après avoir présenté plus précisément, dans la deuxième section, les différentes théories proposées dans la littérature économique sur le revenu des artistes et formulé des hypothèses sur les effets attendus des TIC, la troisième section présente l’enquête et quelques statistiques descriptives. Dans la quatrième section, nous analysons les résultats des équations de revenus et, dans la cinquième, les inégalités de revenus. Nous proposons quelques remarques de conclusion dans la sixième section.
Théorie et hypothèses
9La littérature économique pose deux types de questions portant sur les revenus des musiciens. La première concerne le rendement de l’éducation ou de l’expérience en termes de revenu. Cette partie de la littérature se situe en général dans la problématique plus large du marché du travail et teste en particulier la rentabilité de l’investissement en capital humain (Mincer [1958], [1970]) sur le revenu des artistes en général (Waits et McNertney [1983]) et des musiciens en particulier (Felton [1978] ; Smith [2004]). Malgré les divergences dans les marchés nationaux du travail entre les différents pays (Benhamou [2000]), on observe généralement que le rendement du capital humain est relativement plus faible dans le travail artistique que dans les autres secteurs de l’économie. À ce titre, choisir cette carrière artistique apparaît relativement paradoxal (voir par exemple, dans cette vaste littérature, Wassal et Alper [1984] et, pour une synthèse, Wassal et Alper [1992]). Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer ce rendement relativement faible du capital humain dans les métiers artistiques, en particulier, celle d’une préférence exogène pour la création (Throsby [1996]) qui rend compte de motivations intrinsèques au travail artistique, ou encore une aversion pour le risque moindre chez les artistes, qui implique une acceptation de revenus moyens plus faibles mais de revenus plus élevés en cas de succès (Santos [1976] ; Waits et McNertney [1980]). Towse [1992], [2005] va plus loin et soutient que le modèle du capital humain échoue à rendre compte des revenus artistiques.
10Pourtant, comme le montre Filer [1990], la profession des musiciens n’échappe pas complètement à l’analyse rationnelle : les comportements des musiciens en matière d’investissement en capital humain peuvent s’expliquer en termes d’arbitrage entre les coûts et les avantages ; et si le rendement du capital humain est relativement faible dans les milieux artistiques, ce modèle demeure opératoire. Il existe différentes explications de ce faible rendement qui restent cohérentes avec l’hypothèse du capital humain. En particulier, l’existence de l’effet signal conduit généralement à surestimer le rendement de l’éducation sur d’autres marchés. Notons que sur le marché artistique l’effet signal ne va pas de soi : en effet, il n’y a aucune raison de penser que la formation scolaire ou universitaire est corrélée au talent artistique. De ce point de vue, on s’attend donc à ce que l’estimation du rendement du capital humain soit plus faible chez les musiciens relativement au reste de la population active. Filer [1990] estime ainsi que l’écart de rendement de la formation initiale ne serait que de l’ordre de 10 % sur le marché artistique relativement au marché du travail. De plus, l’information sur le talent de l’artiste peut être cachée à l’artiste lui-même. Dans ces conditions, ce n’est pas la formation mais le temps et le succès qui peut en découler qui révèlent à l’artiste son talent. Ainsi, une corrélation positive entre l’âge et le revenu ne traduit pas la rentabilité d’un investissement en capital humain (en expérience) mais la révélation d’une information cachée initialement (voir MacDonald [1988]).
11La deuxième question posée par la littérature économique est celle des inégalités de revenus entre artistes. La théorie des revenus des superstars (Benhamou [2002]) ou winner-take-all [1] (Rosen [1981] ; Adler [1985], [2006]) soutient l’hypothèse d’une variance importante des revenus. Chez Rosen [1981], les artistes sont caractérisés par leur talent et ces talents sont imparfaitement substituables pour le consommateur. La demande pour un bon artiste augmente donc plus que proportionnellement avec son talent. De plus, on suppose des économies d’échelle dans la production, donc le coût de production n’augmente pas proportionnellement avec la taille du marché. Cette structure de l’offre rend compte de la possibilité pour très peu d’artistes de servir entièrement le marché, donc du phénomène de superstar. Ainsi, par ces effets d’économies d’échelle, de petites différences de talent résultent en de grandes différences de revenus. Le modèle d’Adler [1985] introduit un effet de réseau dans la consommation des biens culturels : la consommation d’une musique procure d’autant plus d’utilité que d’autres consommateurs partagent et discutent de ce bien. La production artistique se caractérise de plus par des effets de réseau et d’expérience. Les effets de réseau expliquent la concentration des revenus. Dans ce modèle, une faible différence initiale entre artistes résulte par ces effets de réseau en un succès important. Ces différences initiales peuvent ne pas être liées au talent et être parfaitement aléatoires. Dans ces deux explications, la distribution des revenus des artistes sera très asymétrique et caractérisée par le fait qu’une faible part des artistes engrange les succès et cumule une grande partie des revenus, tandis que l’écrasante majorité perd la course et reçoit une faible part des revenus.
12Dans cet article, nous étudions l’impact des TIC sur le revenu et les inégalités de revenu. Si l’on suit le paradoxe de Baumol et Bowen [1966], la productivité des artistes, quelle que soit la définition ou la mesure que l’on en fait, n’évoluerait que peu au regard des évolutions techniques qui affectent les autres secteurs de l’économie ou des investissements en capital humain ou physique. Le revenu relatif des artistes devrait donc s’effondrer par rapport aux autres professions, ce qui n’est pas le cas.
13Les TIC peuvent s’interpréter comme du progrès technique dans une profession réputée pour ne pas connaître de modification substantielle depuis des décennies dans son processus de production. Dans cette problématique générale, l’introduction des TIC serait un investissement en capital qui se traduit par une augmentation de la productivité de l’artiste, donc de sa rémunération. En effet, les outils numériques affectent la production (c’est le cas des home studios ou des logiciels de mixage), l’interprétation et la création (au moyen des nouveaux instruments électroniques), mais également la promotion et la distribution (grâce aux pages Web, aux sites de vente en ligne, etc.). Si le succès des artistes est la conséquence même risquée des stratégies d’investissement, on s’attend à observer une rentabilité du capital humain mais également du capital TIC.
14Les TIC peuvent également modifier la distribution des revenus s’ils bénéficient de manière hétérogène aux artistes. La rentabilité du numérique peut être variable suivant les artistes et ainsi augmenter ou réduire les inégalités de revenu. Le terme TIC est un terme générique qui recouvre de nombreuses innovations. Empiriquement, on pourrait donc distinguer les différents effets soulignés par Rosen [1981] et Adler [1985] en construisant des variables indicatrices des économies d’échelle et des effets de réseau. Par exemple, la création musicale peut se faire à l’aide d’un home studio, qui est un équipement relativement léger et qui permet à tout artiste de tester ses créations et de faire ses maquettes sans passer par un studio professionnel. En ce sens, les home studios réduisent les coûts fixes dans la production et diminuent donc les rendements d’échelle. Le numérique bouleverse également la promotion et la diffusion des œuvres. Les pages Internet des artistes sont autant de plates-formes de vente et de promotion. Les effets de réseau liés à la promotion des artistes sont donc plus importants pour les artistes qui savent utiliser cet outil. Si l’approche de Rosen [1981] est vérifiée et que les inégalités de revenus résultent de rendements d’échelle dans la production, alors on devrait observer une baisse des inégalités liée à la plus forte utilisation des outils numériques qui réduisent les effets d’échelle. À l’inverse, si l’approche d’Adler [1985] est juste, alors les inégalités de revenus sont dues aux effets de réseau et on devrait observer une croissance des inégalités liées aux usages d’Internet.
15Nous cherchons donc dans cet article à tester trois hypothèses. L’hypothèse 1, que l’on pourrait appeler hypothèse « Baumol », est que les outils numériques sont un investissement en capital qui se traduit par une hausse du revenu des artistes. Si cette hypothèse est valide, on devrait observer une rentabilité de cet investissement, autrement dit une corrélation positive entre l’investissement en TIC (mesuré par l’achat d’un home studio ou l’ouverture d’une page Internet) et le revenu, toutes choses égales par ailleurs. L’hypothèse 2, que nous appelons hypothèse « Rosen », est que les inégalités de revenu décroissent avec la baisse des rendements d’échelle dans la production musicale, et ainsi décroissent avec une variable TIC qui serait une proxy de ces rendements d’échelle. Nous proposons l’utilisation d’un home studio comme une telle proxy. L’hypothèse 3, que nous appelons hypothèse « Adler », est que les inégalités de revenu augmentent avec les effets de réseau, donc avec une variable TIC qui serait une variable proxy de ces effets de réseau, à savoir la création d’une page Internet dédiée.
16Ces trois hypothèses sont résumées ci-dessous.
- H1 (Baumol) : Le revenu augmente avec l’investissement en TIC (page Internet ou home studio).
- H2 (Rosen) : Les inégalités de revenu décroissent avec la baisse des rendements d’échelle, mesurée par la possession d’un home studio.
- H3 (Adler) : Les inégalités de revenu croissent avec les effets de réseau, mesurés par l’utilisation d’une page Internet.
Les données
Une enquête spécifique auprès des musiciens de l’Adami
17Étudier le groupe que forment les musiciens n’est pas chose aisée, surtout en raison du flou de la catégorie statistique considérée. Coulangeon [2004] estime le nombre de musiciens en France à 25 000 ; cette appellation recouvre dans son cas les artistes inscrits à la Caisse des congés spectacles, donc principalement des musiciens instrumentistes. Dans notre enquête, nous nous limitons au groupe des musiciens défini de la manière suivante : les artistes qui reçoivent des droits de l’Adami. Il s’agit d’interprètes relativement professionnels au sens où ils reçoivent des droits et où leur nom figure sur une pochette d’un disque commercialisé. Néanmoins, cette définition reste relativement large puisqu’elle englobe toute personne ayant, par exemple, participé à un disque au début de sa carrière puis plus jamais ensuite. Autrement dit, cette population statistique n’est pas celle des musiciens à une date donnée, mais bien celle des musiciens en France quelles que soient la date, la quantité ou la qualité de leur production artistique, pourvu que leur nom apparaisse sur un disque. Notre étude exclut en revanche l’ensemble des amateurs de la musique au sens de Donnat [1996]. Notons de plus que ces musiciens interprètes sont souvent auteurs-compositeurs : plus de 55 % des musiciens de notre échantillon interprètent majoritairement leur propre répertoire.
18Nous avons réalisé une enquête [2] en 2008 par questionnaire auto-administré auprès d’environ 4 000 artistes musiciens interprètes de l’Adami tirés au sort parmi les 9 000 artistes associés à cette société de gestion collective. Du fait de la procédure de tirage aléatoire, notre base de sondage peut être considérée comme représentative des artistes musiciens interprètes de l’Adami. Le taux de retour d’environ 20 % est satisfaisant pour un questionnaire auto-administré et témoigne de la sensibilité des musiciens à ces questions qui touchent à l’impact du numérique sur leur profession.
19Le questionnaire comporte près d’une centaine de questions différentes et est structuré en sept parties présentant des informations sur le profil musical de l’artiste, ses relations avec les autres acteurs de la filière, sa présence en ligne, sa vision de la musique à l’ère du numérique, l’autoproduction, ses sources de revenus et ses données socioéconomiques. Pour traiter la question de l’impact du numérique sur les revenus des musiciens, nous avons retenu quelques-unes de ces variables.
Quelques statistiques descriptives
20Au moment de l’enquête, 79 % des musiciens gagnent un revenu annuel inférieur à 30 000 euros (cf. figure 1), contre 62 % des Français [3] (données 2004, voir Insee [2006]) ; 25 % des musiciens gagnent moins de 9 000 euros par an alors que ce taux est inférieur à 15 % pour toutes les catégories sociales françaises (sauf pour les agriculteurs et les chômeurs) [4]. Les données sont cohérentes avec celles d’autres études (dont Coulangeon [2004]) qui insistent sur la faible rentabilisation du capital humain chez les artistes. La distribution des revenus de cette population est particulière puisque la médiane des revenus est supérieure à la moyenne des revenus, ce qui témoigne de l’importance numéraire des plus pauvres des musiciens.
Distribution des revenus
Distribution des revenus
21Les tableaux 1 et 1 bis présentent quelques statistiques descriptives de notre échantillon. La population des musiciens est légèrement plus masculine que la population française : 55 % sont des hommes contre 48 % pour la population dans son ensemble [5]. Leur moyenne d’âge est relativement élevée : ils ont en moyenne un peu plus de 47 ans et 72 % d’entre eux ont plus de 40 ans. Cela s’explique bien entendu par le fait qu’un musicien perçoit des droits pendant plusieurs années même s’il ne crée ou n’interprète plus de musique. Cette population est également spécifique en ce que les musiciens ont un niveau d’éducation plus élevé que la moyenne française, puisque seulement 9 % des musiciens sont sans diplôme contre 30 % pour la population et 37 % d’entre eux ont fait des études supérieures contre 11 % pour l’ensemble de la population. Plus de la moitié d’entre eux ont le baccalauréat. Ce niveau moyen relativement plus élevé de capital humain est un résultat en conformité avec l’ensemble des autres travaux statistiques sur les musiciens en France et dans les autres pays.
Statistiques descriptives
Genre musical principal | Âge | Diplôme le plus élevé |
---|---|---|
Chanson et variétés : 25 % | Moins de 24 ans : 1,72 % | Sans diplôme : 8,53 % |
Classique : 18,9 % | Entre 25 et 39 ans : 23,35 % | BEPC, CAP, BP : 17,5 % |
Musique ethnique : 15,54 % | Entre 40 et 59 ans : 59,17 % | Bac : 27,75 % |
Pop rock : 13 % | Entre 60 et 69 ans : 10,17 % | Bac +2 : 10,26 % |
Jazz, blues : 10,45 % | Plus de 70 ans : 5,59 % | 2e ou 3e cycle : 36,56 % |
Statistiques descriptives
Statistiques descriptives
En % | A un manager | A un agent | A une maison de disques |
---|---|---|---|
Non | 82,91 | 69,09 | 79,94 |
Oui | 17,09 | 30,91 | 20,06 |
Statistiques descriptives
22Dans notre échantillon, 19 % des musiciens déclarent que le genre musical principal qu’ils exercent est le genre « classique ou lyrique ». La sociologie de la musique (voir les travaux de Menger, en particulier Menger [1999]) a longtemps opposé « musique savante » ou classique et « musique populaire » qui regroupe tous les autres genres de musique. Cette distinction, si elle est discutable en termes de genre musical, demeure néanmoins pertinente pour l’étude des revenus et des statuts professionnels des musiciens. En effet, d’une part, la musique classique nécessite une formation spécialisée en conservatoire (ainsi parmi les musiciens classiques, uniquement 3 % n’ont pas suivi une telle formation) et, d’autre part, elle aboutit à des trajectoires professionnelles souvent plus stables, dont des emplois dans des orchestres, et plus rentables. Ainsi, parmi les musiciens qui interprètent de la musique classique, ils ne sont plus que 7 % à gagner moins de 9 000 euros par an.
23La situation financière des musiciens dépend également étroitement de leur intégration dans l’industrie musicale, donc de leurs relations avec les autres acteurs de la filière : éditeurs, maisons de disques, producteurs de spectacles, managers, agents, etc. Chacun a un rôle spécifique qui affecte les recettes et la part qui revient à l’artiste : l’éditeur assure la diffusion du disque ; la maison de disques peut assurer plusieurs rôles : le plus souvent, elle produit le disque et en assure la promotion et la distribution auprès des détaillants, mais elle peut également intégrer l’activité d’édition (c’est le cas des majors) ou assurer uniquement la promotion et laisser l’artiste-interprète s’autoproduire ; le producteur de spectacles organise les concerts ; la personne en charge de la carrière d’un artiste (agent ou manager) a trois fonctions : le placement de l’artiste (concerts, enregistrement de disques, etc.), la négociation et la promotion de sa carrière.
24Les musiciens sont en moyenne faiblement intégrés à leur filière et ne sont qu’une minorité à bénéficier des facilités de promotion ou de diffusion qu’elle leur offre. Uniquement 20 % d’entre eux ont un contrat avec une maison de disques, 30 % ont un agent (qui gère leurs spectacles) et 17 % un manager. Au total, près des deux tiers des musiciens n’ont ni agent ni manager. De même, 59 % des musiciens n’ont pas d’éditeur et 15 % s’appuient sur leur propre structure d’édition.
25Si l’on observe les réponses aux questions concernant leur investissement dans les outils numériques (cf. tableau 2), on remarque que les musiciens ont majoritairement adopté les nouvelles technologies : 60 % d’entre eux utilisent un home studio, près de 40 % en ont un, près de deux artistes sur trois ont une page Internet et un artiste sur deux a une page Myspace. Un home studio assure la réduction des coûts d’enregistrement du master relativement à enregistrer le disque dans un studio professionnel. Le home studio autorise également l’artiste à expérimenter de nouvelles musiques et ainsi à améliorer la qualité de ses œuvres. La page Internet permet d’atteindre une plus grande audience et de gérer son image, mais également de diffuser sa musique plus facilement.
Investissement dans les TIC
En % | A un home studio | Page Internet | Page Myspace |
---|---|---|---|
Non | 60,34 | 35,56 | 47,61 |
Oui | 39,66 | 64,44 | 52,39 |
Investissement dans les TIC
26Bien entendu, l’investissement dans les TIC n’est pas homogène parmi les musiciens. En particulier, il existe des différences entre les tranches d’âge (cf. tableau 2 bis), puisque si la classe d’âge des 18-39 ans a massivement adopté les TIC avec plus des trois quarts d’entre eux qui ont une page Web et la moitié un home studio, on peut noter un décrochage relatif des plus âgés qui touche surtout les plus de 70 ans. Dans notre cadre d’analyse, ce décrochage se comprend également au regard de la théorie du capital humain : les revenus potentiels tirés de l’investissement durent moins longtemps, donc la rentabilisation du capital TIC est plus faible pour les plus âgés.
Investissement en TIC
En % | 18 à 39 ans | 40 à 59 ans | 60 à 69 ans | Plus de 70 ans |
---|---|---|---|---|
Possède un home studio | 48,5 | 40,4 | 34,3 | 05,2 |
Possède une page Internet | 75,6 | 65,4 | 56,5 | 32,4 |
Investissement en TIC
Investissements dans les outils numériques et revenu des artistes
Les variables retenues
27Nous retenons de notre enquête les variables suivantes :
28– La variable revenu est une variable discrète. La question posée était : « Dans quelle tranche de revenu se situe votre revenu personnel annuel net pour l’année 2007 toutes activités confondues, musicales ou non ? » Les réponses pouvaient s’inscrire dans cinq tranches de revenus, moins de 9 000 euros, de 9 000 à 15 000, de 15 000 à 30 000, de 30 000 à 60 000 et plus de 60 000 euros. C’est cette variable endogène que nous cherchons à expliquer.
29– La variable age correspond à l’âge du musicien interrogé, et la variable age2 est l’âge au carré. Ces deux variables sont continues.
30– Les variables indicatrices retenues sont : sexe qui vaut 1 si l’individu est une femme et 0 s’il s’agit d’un homme, region qui vaut 1 si le musicien habite la province et 0 s’il habite l’Île-de-France. La variable classiqueconservatoire indique si le musicien déclare que le classique ou le lyrique est son genre musical principal et s’il a suivi une formation musicale dans un conservatoire ou une école de musique classique. Il y a multicolinéarité entre la variable indicatrice du genre classique et le fait d’avoir passé le conservatoire, puisque les musiciens classiques ont quasi unanimement fait le conservatoire pour 97 % d’entre eux. Cette variable classiqueconservatoire a donc trois modalités différentes, le genre classique (la variable vaut 2), le genre non classique mais a suivi des études au conservatoire (la variable vaut 1) et le genre non classique et n’a pas suivi d’études au conservatoire (la variable vaut 0). Sont également construites les variables indicatrices maisondedisque, qui vaut 1 si le musicien est en contrat avec une maison de disques au moment de l’enquête et la variable carriere qui vaut 1 si le musicien a un agent ou un manager, puisque dans la pratique c’est souvent la même personne qui exerce les deux fonctions (c’est particulièrement le cas pour les musiciens qui ont une activité scénique).
31– Les variables educ_1, educ_2, …, educ_6 correspondent aux variables indicatrices qui valent 1 si la réponse est positive à la question « Quel est votre diplôme d’études générales le plus élevé ? » avec six modalités numérotées de 1 à 6 : pas de diplôme, BEPC, CAP ou BEP, bac ou BP, DEUG, DUT ou BTS, et diplôme du deuxième ou troisième cycle, ou autres diplômes supérieurs.
32– La variable compositeur a trois modalités. Notre échantillon regroupe des interprètes-compositeurs, des artistes interprétant les musiques d’autres auteurs et enfin des artistes-interprètes parfois compositeurs-interprètes et parfois simples interprètes. Les droits voisins et les droits d’auteurs sont différents et le statut de l’artiste peut donc avoir un impact sur ses revenus.
33– Les variables TIC qui sont des indicatrices de l’investissement dans les TIC sont homestudio qui vaut 1 si le musicien a un home studio, et pageweb qui vaut 1 si le musicien a une page Internet à son nom.
Le modèle d’estimation
34Nous cherchons à estimer le modèle économique de revenu (1) qui teste le rendement du capital humain dans la musique et le rendement des variables TIC, en contrôlant par les variables de différenciation.
36On s’attend à ce que les revenus soient une fonction croissante du capital humain. Le capital humain général est mesuré par les variables d’âge et d’âge au carré [6] et du niveau de diplôme (les variables age, age2 et educ). Le capital humain spécifique à la musique est appréhendé par la formation musicale en conservatoire et l’intégration à la filière musicale (les variables classiqueconservatoire, maisondedisques et carriere). Si le questionnaire ne fournit pas de données spécifiques sur l’expérience musicale, nous connaissons leur degré d’intégration dans la filière musicale et leurs relations avec les facilitateurs de carrières que sont les managers, agents ou maisons de disques. En effet, le lien entre le capital humain et sa rémunération est rendu complexe par l’existence de la filière musicale : l’artiste est produit, édité, distribué et le lien entre le capital initial et son rendement final est distancié. Ce que l’on mesure alors ce n’est pas tant la rentabilité d’un investissement que le retour sur investissement de l’artiste lui-même, à productivité de filière donnée. Les revenus de l’artiste dépendent autant de la capacité de la filière à rentabiliser les investissements, que de la négociation sur la part qui en revient à l’artiste. De même, une variable permet de distinguer les musiciens interprètes et les musiciens compositeurs qui reçoivent des droit d’auteurs et des droits voisins sensiblement différents.
37L’équation de revenu comporte également des variables de contrôle qui portent sur la discrimination sur le marché du travail telles que le sexe [7] et la région.
38Notre variable d’intérêt est la variable TIC. Nous approximons l’investissement dans le numérique par deux variables distinctes, premièrement l’acquisition par l’artiste d’un home studio, deuxièmement l’existence d’une page Internet dédiée à l’artiste, et nous menons deux estimations avec ces deux variables proxy.
Les résultats
39Dans les équations de salaire où la variable endogène est continue, l’estimation peut être faite par la méthode des MCO en linéarisant la variable revenu d’un individu i, et on estime alors le modèle économétrique (2), avec X les caractéristiques individuelles observables qui influent sur le revenu, β le vecteur de coefficients à estimer et ε le terme d’erreur dont la distribution est supposée normale centrée réduite.
41Néanmoins, dans notre base de données, la variable endogène est une variable discrète ordonnée en cinq catégories. Nous devons donc avoir recours à un modèle multinomial ordonné [8]. La variable latente du revenu que l’on note y n’est pas observable et on observe une variable revenu qui peut prendre une valeur j allant de 1 à 5, suivant les valeurs de la variable latente. Avec Φ la fonction de répartition d’une loi normale standard, les probabilités pour un individu i d’appartenir à une catégorie de revenu donnée j, s’écrivent :
43Nous estimons ainsi par la méthode du maximum de vraisemblance le modèle du Probit ordonné qui indique la probabilité pour un individu i d’être dans une catégorie j, Pr(revenui = j). Enfin, nos variables explicatives de l’investissement en TIC peuvent être endogènes, nous devons donc corriger le biais de l’estimation en recourant à des variables instrumentales. Ces variables explicatives homestudio et pageweb sont binaires, donc notre modèle d’estimation est un Probit ordonné multivarié [9]. Les résultats sont présentés dans le tableau 3, en colonne 1 pour l’approximation de l’investissement dans les TIC par homestudio et en colonne 2 pour l’approximation de l’investissement dans les TIC par pageweb.
44Nos résultats sont conformes à l’hypothèse du capital humain et aux résultats de la littérature : l’âge et la formation sont positivement corrélés aux revenus. L’âge a un effet marginalement décroissant sur le revenu (coefficient significatif et négatif de la variable age2). On retrouve également le fait que les musiciens classiques ou ayant suivi le conservatoire ont une probabilité plus forte d’être dans des tranches plus élevées de revenus que les artistes n’ayant pas suivi le conservatoire et n’étant pas des musiciens classiques ou lyriques. Enfin, les artistes ayant un agent ou un manager et les musiciens ayant signé avec une maison de disques ont une probabilité plus forte d’appartenir aux tranches les plus élevées des revenus. Les musiciens compositeurs ont, toutes choses égales par ailleurs, des revenus annuels plus faibles que les musiciens interprètes.
45Les variables de discrimination habituelles dans les équations de salaires ont également un impact sur les revenus des musiciens : les femmes et les musiciens habitant en province ont une probabilité plus forte d’être dans les bas revenus que les musiciens hommes et les musiciens qui habitent en Île-de-France, toutes choses égales par ailleurs.
46Les coefficients pour les deux indicateurs TIC, homestudio et pageweb, sont positifs et significatifs. Ces résultats confirment l’hypothèse 1, selon laquelle l’investissement dans les TIC est rentable pour le revenu des artistes.
47En effet, l’acquisition d’un home studio peut s’interpréter comme un investissement en capital qui augmente la rentabilité de l’activité musicale. Le home studio permet précisément d’enregistrer sa maquette moins cher que dans les studios d’enregistrement. Le prix d’acquisition d’un home studio est très variable et dépend de la qualité technique de l’équipement, mais peut commencer dès 200 euros et oscille entre 1 500 euros et 4 000 euros pour les équipements de bonne qualité. On peut donc soupçonner un problème d’endogénéité si le revenu de l’artiste, ou une variable manquante explicative du revenu telle que la créativité ou l’appétence pour l’innovation, explique la décision d’investir dans un home studio.
48De même, la présence sur Internet [10] peut s’interpréter comme un investissement dans un capital physique qui se traduit par une rentabilité en termes de revenus. Contrairement au home studio, le numérique dans le cas du passage à Internet ne diminue pas uniquement les coûts de production mais également les coûts de promotion. La création d’une page Internet, en effet, augmente la notoriété de l’artiste, qu’elle s’adresse aux autres professionnels ou au public. Une simple régression par la méthode des Probits ordonnés pose donc des problèmes de biais dans l’estimation : en effet, le fait d’avoir une page Internet n’est pas une variable exogène puisque l’on peut penser que le niveau de succès d’un artiste détermine à la fois sa décision d’avoir ou non une page Internet et son revenu. Pour de nombreux artistes connus par exemple, la maison de disques prend en charge la création et l’animation de la page Internet. Inversement, ne pas avoir accès à une maison de disques ou à suffisamment de distribution peut pousser un artiste à ouvrir une page pour s’inscrire mieux dans la communauté des musiciens.
49Nous considérons comme variable instrumentale internethautdebit qui est la réponse à la question « Avez-vous un accès à Internet haut débit à votre domicile ? » et vaut 1 si la réponse est positive. Cette variable a bien un impact sur nos variables explicatives, par exemple sur le fait d’avoir une page Internet, puisque l’accès au haut débit facilite la création et la gestion de la page Internet de l’artiste mais il n’affecte pas directement le succès et le revenu de l’artiste. Pour cela, nous estimons un Probit ordonné [11] avec une endogène elle-même binaire, donc un bi-Probit ordonné. Nous menons ainsi deux estimations différentes pour ces deux variables utilisées comme proxy de l’investissement dans le numérique.
50On vérifie ainsi que, ceteris paribus, avoir une page Internet ou avoir un home studio peut s’interpréter comme un investissement dans les TIC qui offre une rentabilité certaine pour l’artiste : le coefficient des deux variables est bien positif et significatif sur le revenu.
51De plus, à la première étape de l’estimation, il faut remarquer l’impact positif de l’intégration dans la filière sur la création d’une page Internet ou la possession d’un home studio, ce qui témoigne de l’aide que peuvent apporter les maisons de disque à la stratégie de communication et de diffusion. On vérifie également que le coefficient de corrélation Rhô entre les résidus des deux équations est bien significatif, ce qui confirme l’endogénéité des variables mesurant l’investissement dans le numérique, et qu’il est de plus négatif, ce qui signifie que les erreurs inobservables qui rendent plus probable le fait d’avoir une page Internet ou un home studio rendent moins probable le fait d’avoir un revenu plus élevé. Par exemple, le fait d’avoir un public jeune pourrait inciter à créer sa page Web mais serait négativement corrélé au nombre de disques vendus (qui conduit à un revenu plus élevé). Par conséquent, ne pas prendre en compte l’endogénéité des variables TIC conduit à sous-estimer l’impact de l’investissement dans les technologies numériques. Enfin, il faut noter que l’instrument n’est pas faible. En effet, avoir un haut débit a un effet marginal important sur les endogènes à la première étape et on vérifie de plus qu’en estimant la forme réduite du modèle, donc en régressant l’endogène sur l’ensemble des exogènes et la variable instrumentale, cette dernière a un coefficient significatif et positif [12]. Les estimations du Probit ordonné sans instrumenter l’indicateur des TIC suspecté d’être endogène sont reproduites en colonne 3 du tableau 3 pour le cas de la variable homestudio : on vérifie que le coefficient de la variable d’intérêt est significatif et positif mais d’une ampleur moindre lorsqu’on n’instrumente pas la variable indicatrice des TIC.
Estimation de l’impact du numérique sur le revenu
Probit ordonné bivarié | Probit ordonné bivarié | Probit ordonné | |
---|---|---|---|
revenu | revenu | revenu | |
classique conservatoire | 0,205*** (2,91) | 0,292*** (4,00) | 0,227*** (3,16) |
age | 0,0898*** (3,72) | 0,0792*** (2,98) | 0,110*** (4,68) |
age2 | – 0,000683*** (– 2,86) | – 0,000567*** (– 2,16) | – 0,000903*** (– 3,95) |
sexe | – 0,380*** (– 3,96) | – 0,198 (– 1,63) | – 0,357*** (– 3,69) |
educ_2 | – 0,283 (– 1,27) | – 0,119 (– 0,53) | – 0,105 (– 0,48) |
educ_3 | – 0,417* (– 1,80) | – 0,345 (– 1,47) | – 0,356 (– 1,54) |
educ_4 | – 0,142 (– 0,75) | – 0,0674 (– 0,36) | – 0,0154 (– 0,08) |
educ_5 | 0,0446 (0,21) | 0,104 (0,48) | 0,152 (0,70) |
educ_6 | 0,0528 (0,29) | – 0,0065 (– 0,03) | 0,109 (0,59) |
region | – 0,196** (– 2,11) | – 0,197** (– 2,12) | – 0,211** (– 2,30) |
carriere | 0,293*** (2,84) | 0,373*** (3,76) | 0,392*** (4,07) |
maisondedisque | 0,216* (1,71) | 0,356*** (3,02) | 0,405*** (3,49) |
compositeur | – 0,406*** (– 3,22) | – 0,504*** (– 3,75) | – 0,337*** (– 2,68) |
pageweb | 0,770*** (3,54) | ||
homestudio | 1,017*** (3,47) | 0,191* (1,94) | |
cut11 | 1,594*** (2,53) | 1,607*** (2,53) | 1,778*** (2,82) |
cut12 | 2,272*** (3,59) | 2,273*** (3,55) | 2,498*** (3,94) |
cut13 | 3,237*** (5,06) | 3,235*** (4,93) | 3,540*** (5,54) |
cut14 | 4,219*** (6,447) | 4,208*** (6,2) | 4,589*** (7,09) |
N | 581 | 577 | 581 |
Rhô | – 0,518*** (écart type 0,13) | – 0,536*** (écart type 0,18) |
Estimation de l’impact du numérique sur le revenu
Note : t de Student entre parenthèses, * p < 0,1, ** p < 0,05, *** p < 0,01.52L’ampleur quantitative de ces effets des investissements dans les TIC peut être estimée en calculant l’effet marginal des variables TIC sur la probabilité de changer de classe de revenu, en maintenant les autres variables à leur niveau moyen. Cette probabilité de changement de classe de revenu se calcule pour toutes les classes. Par exemple, la probabilité d’appartenir à la classe de revenu la plus riche (gagner plus de 60 000 euros par an) est plus élevée de 0,07 lorsqu’un musicien investit dans une page Internet et de 0,016 lorsqu’il investit dans un home studio. À l’autre extrême des revenus, la probabilité d’appartenir à la classe de revenu la plus faible (gagner moins de 9 000 euros par an) est plus faible de 0,19 si le musicien a une page Internet et plus faible de 0,04 s’il a un home studio.
Régression de première étape
Première étape du bi-Probit | pageweb | homestudio |
---|---|---|
internethautdebit | 1,588*** (6,83) | 1,077*** (4,54) |
educ_2 | 0,530** (1,70) | - |
carriere | 0,272** (2,13) | - |
maisondedisque | 0,706*** (4,18) | - |
compositeur | 0,536*** (3,43) | 0,760*** (4,52) |
classiqueconservatoire | – 0,324*** (– 3,48) | |
age | 0,0805** (2,25) | |
age2 | – 0,000961*** (– 2,58) | |
sexe | – 0,541*** (– 4,46) |
Régression de première étape
Note : t de Student entre parenthèses, * p < 0,1, ** p < 0,05, *** p < 0,01. Toutes les variables de contrôle de la seconde étape sont incluses. Uniquement les coefficients significatifs sont reportés.Robustesse des résultats et discussion
53Les régressions présentées plus haut peuvent présenter des biais d’estimation que nous tentons de corriger. Le principal biais pourrait provenir des erreurs d’observation de la variable endogène. Rappelons effectivement que l’on observe le revenu des musiciens, que ce revenu provienne des activités musicales ou d’autres activités, en particulier les revenus d’un travail salarié non lié à la musique. La variable endogène est donc mal observée et les erreurs d’observation sont a priori corrélées avec certaines des variables exogènes : en effet, les revenus non musicaux sont fonction du capital humain. Cette erreur de mesure de la variable endogène biaise donc les coefficients. Nous tentons de prendre la mesure du possible biais sur les coefficients des variables de capital humain introduit par cette erreur de mesure en réduisant notre échantillon aux musiciens qui déclarent que les revenus de la musique représentent plus des trois quarts de leurs revenus. Les résultats qualitatifs de nos variables d’intérêt ne sont pas affectés lorsqu’on restreint l’estimation à ce sous-échantillon composé de musiciens qui vivent de leur musique.
54Un autre problème serait lié à des phénomènes d’hystérèse : rappelons que dans notre base sont présents tous les artistes dont le nom figure sur une pochette de disque, qu’ils soient encore actifs dans le domaine musical ou non. Ainsi, les revenus reçus dans l’année courante sont liés à une activité musicale passée alors que l’investissement dans les TIC est mesuré au moment de l’enquête. Ainsi, la rentabilité du capital en TIC pourrait être sous-estimée. Pour limiter ce biais d’hystérèse, nous avons estimé les régressions sur l’échantillon des musiciens actifs dans l’année courante, c’est-à-dire ceux qui ont répondu oui à la question « Au cours des douze derniers mois, avez-vous participé à des séances d’enregistrement de disques ? » ou ceux qui, à la question « Au cours des douze derniers mois, quelle a été l’intensité de votre activité scénique ? » n’ont pas répondu « Aucun concert ». Les résultats sur ce sous-échantillon demeurent qualitativement inchangés.
55Des variables manquantes peuvent biaiser nos résultats. Par exemple, la notoriété de l’artiste, indépendamment de sa présence sur Internet, est mal contrôlée. En effet, on pourrait supposer que la présence sur Internet n’est que le reflet d’une notoriété préexistante et qu’elle n’est de ce fait pas à l’origine d’un accroissement des revenus. Le questionnaire fournit des renseignements sur la notoriété de l’artiste appréhendée par le fait d’avoir déjà eu un prix musical. Nous contrôlons pour la robustesse des résultats à l’intégration de cette variable que nous construisons comme une variable indicatrice, qui vaut 1 si l’artiste a déjà eu un prix et 0 sinon. Cette variable a un impact significatif et positif sur les revenus de l’artiste, mais les coefficients des variables TIC demeurent positifs, significatifs et relativement identiques en valeur [13].
56Les résultats précédents ne sont donc pas significativement modifiés : avoir un home studio ou avoir une page Internet influencent significativement et positivement les revenus des musiciens. Le capital TIC représente donc bien un investissement rentable en termes de revenus pour les musiciens.
Investissements dans les outils numériques et inégalités de revenus
Estimation
57Si l’investissement dans les TIC est bénéfique pour les musiciens, il ne bénéficie pas nécessairement à tous les musiciens de la même manière. Si l’accès à Internet augmente les effets de réseau, on s’attend à ce qu’il augmente les inégalités entre musiciens. À l’inverse, si les outils de création musicale réduisent le coût d’accès à la profession et les rendements d’échelle qui en découlent, on s’attend à ce que la distribution des revenus soit plus resserrée.
58En effet, le revenu pourrait suivre une loi de distribution telle que la loi normale asymétrique ou la loi de Student asymétrique, et une analyse par quantile pourrait permettre d’identifier les effets hétérogènes des variables TIC sur cette distribution. Cependant, on ne peut pas mener une telle analyse par quantile sur nos données, puisque les données concernant le revenu ne sont pas continues mais organisées en intervalles. Dans la section précédente, en estimant un modèle de Probit ordonné, nous faisions implicitement l’hypothèse de la proportionnalité des probabilités. En effet, nous supposions que la variable TIC avait un effet proportionnel pour sortir de la classe des revenus la plus basse ou pour basculer de la classe de revenu juste au-dessus à la suivante. C’est cette hypothèse de parallélisme qu’on lève dans cette section pour tester les effets hétérogènes des variables numériques sur les revenus des artistes. On utilise donc un modèle de Probit ordonné partiellement contraint qui relâche la contrainte des régressions parallèles uniquement pour nos variables d’intérêt portant sur les TIC (Williams [2006]). Les variables utilisées, les variables de contrôle et la variable instrumentale sont identiques à celles utilisées dans la section précédente.
L’effet des rendements d’échelle
59L’hypothèse 2, que nous avons appelée l’hypothèse « Rosen », stipule que la baisse des rendements d’échelle dans la production, induite par l’usage des home studios, devrait se traduire par une moindre inégalité de revenus entre musiciens.
60On estime donc la même équation que celle du tableau 3, col. 2, en relâchant l’hypothèse d’un coefficient unique pour la variable homestudio. Les estimations des différents coefficients sont reproduites dans le tableau 4 ci-dessous. Nous avons regroupé les musiciens gagnant plus de 60 000 euros par an et ceux gagnant entre 30 000 et 60 000 euros pour des raisons de taille de l’échantillon, car seuls 25 musiciens dans notre base de donnée gagnent plus de 60 000 euros par an.
61La probabilité d’appartenir à une classe de revenu supérieure est significative pour les classes de revenu les plus basses. Avoir un home studio est faiblement significatif (à 12 %) pour passer le seuil des 30 000 euros par an. En revanche, avoir un home studio a un impact significatif et deux fois plus élevé sur la probabilité de passer le cap des 9 000 euros par an. Ainsi l’estimation moyenne de l’impact de l’acquisition d’un home studio faite dans la section précédente masque des effets hétérogènes particulièrement forts pour les catégories de revenus les plus basses. Notre estimation confirme donc l’hypothèse Rosen. Ainsi, un équipement en home studio bénéficie surtout aux musiciens qui ont les revenus les plus bas et, de ce point de vue, peut s’interpréter comme une source de resserrement des revenus.
62On vérifie que cet effet persiste lorsqu’on restreint l’estimation aux musiciens qui tirent plus des trois quarts de leurs revenus de la musique, l’effet home studio joue négativement, particulièrement pour les plus pauvres des musiciens : la probabilité d’appartenir à la catégorie des musiciens avec les revenus les plus bas est significativement réduite par l’acquisition d’un home studio. De même, lorsqu’on restreint l’estimation aux musiciens actifs l’année de l’enquête, l’effet home studio diminue la probabilité d’appartenir aux plus pauvres des musiciens (tableau 4).
Coefficients de la variable homestudio
Probit ordonné bivarié partiellement contraint | |||
---|---|---|---|
revenu ≥ 9 000 | revenu ≥ 15 000 | revenu ≥ 30 000 | |
Tous | |||
homestudio | 1,558*** | 0,972** | 0,802 |
t de Student | (13,00) | (2,17) | (1,56) |
Musiciens actifs | |||
homestudio | 1,587*** | 0,878* | 0,716 |
t de Student | (12,41) | (1,71) | (1,36) |
Coefficients de la variable homestudio
Note : * p < 0,1, ** p < 0,05, *** p < 0,01.L’effet de réseau
63Nous avons appelé hypothèse « Adler » l’hypothèse suivant laquelle ce sont les effets de réseau qui sont à la source des inégalités de revenus entre musiciens. À ce titre, l’utilisation des pages Internet, en augmentant l’effet de réseau, devrait augmenter les inégalités. On estime donc sur l’ensemble des musiciens de l’enquête l’impact d’avoir une page Internet sur les revenus, comme précédemment. Les résultats sont reproduits dans le tableau 5 ci-dessous. Le fait d’avoir une page Internet augmente la probabilité d’être plus riche en moyenne pour les musiciens, mais l’effet est hétérogène suivant la catégorie d’artistes. La diffusion sur Internet bénéficie en particulier aux artistes relativement aisés gagnant au-dessus de 30 000 euros par an (le coefficient estimé est significatif et de 1,18 contre 0,84 et 0,92 pour les autres changements de classe de revenu).
64Lorsqu’on restreint l’échantillon aux musiciens tirant plus des trois quarts de leurs revenus de l’activité musicale ou au groupe des musiciens actifs l’année de l’enquête, donc les musiciens plus professionnels, la page Internet bénéficie également de manière asymétrique aux musiciens. Ainsi, l’effet de réseau joue bien dans le sens d’une augmentation des inégalités.
Coefficients de la variable pageweb
Probit ordonné bivarié partiellement contraint | |||
---|---|---|---|
revenu ≥ 9 000 | revenu ≥ 15 000 | revenu ≥ 30 000 | |
Tous | |||
pageweb | 0,919*** | 0,840** | 1,180*** |
t de Student | (3,17) | (2,57) | (5,12) |
Musiciens actifs | |||
pageweb | 0,970*** | 0,710* | 1,183*** |
t de Student | (3,03) | (1,84) | (4,76) |
Coefficients de la variable pageweb
Note : * p < 0,1, ** p < 0,05, *** p < 0,01.Conclusion
65L’introduction des technologies de l’information et de la communication (TIC) ne se réduit pas à la remise en cause du droit de propriété intellectuelle et à la diffusion de la musique sur Internet par le piratage. Les TIC ont modifié en profondeur le travail même des musiciens, qu’ils soient compositeurs ou interprètes.
66Nous avons mené une enquête originale auprès des musiciens associés de l’Adami, qui fournit des renseignements précis sur l’utilisation des TIC par les musiciens et leur perception de cet impact. Dans le cadre de cet article, nous avons testé l’hypothèse selon laquelle les TIC peuvent s’interpréter comme un progrès technique et nous avons montré que l’investissement dans les home studios et dans Internet se traduit par une rentabilité en termes de revenus. Toutes choses égales par ailleurs, avoir un home studio et ouvrir une page Internet augmentent les revenus.
67Nous avons également étudié l’impact des TIC sur les inégalités de revenus entre musiciens et isolé deux effets, un effet d’offre, à travers une réduction des rendements d’échelle, mesuré par l’acquisition d’un home studio, et un effet de réseau, mesuré par l’ouverture d’une page Internet dédiée. Nous montrons que l’hypothèse de Rosen est vérifiée au sens où la réduction des économies d’échelle induit une réduction des inégalités de revenus entre musiciens professionnels. Nous montrons également que l’hypothèse d’Adler est vérifiée chez ces mêmes musiciens : l’acquisition d’une page Internet augmente l’effet de réseau et se traduit par une hausse des inégalités entre musiciens.
68En 1894, Paul Verlaine écrivait Les poètes maudits pour désigner la figure de l’artiste anticonformiste, bohème, rejeté par la société, figure de génie romantique accablée par la vie et la douleur où il puise sa créativité. Plus récemment, et dans la musique, le « club des 27 » a rassemblé des musiciens décédés à 27 ans, parmi lesquels Jimi Hendrix ou Jim Morrison. En économie, cette figure de l’artiste maudit prend la forme d’une faiblesse relative des revenus, en particulier au regard de leur formation et de leur travail. L’activité artistique est, comme le souligne le paradoxe de Baumol et Bowen [1966], à faibles gains de productivité, ce qui condamne le revenu relatif des artistes à baisser relativement à celui des autres professions. Le numérique, pourtant, modifie la donne, génère des gains de productivité et modifie ainsi radicalement la production artistique et sa diffusion. Il perturbe la figure de l’artiste exclu des gains de la société. Le groupe des musiciens en France s’avère, d’après nos résultats, extrêmement hétérogène suivant le genre musical, l’activité scénique, le degré d’intégration dans la filière musicale et son adoption des outils numériques. Si le numérique, en particulier l’utilisation de home studios et les pages Internet, ont un impact positif moyen sur le revenu, il a pu également augmenter les inégalités de revenus, en particulier en renforçant l’effet réseau dans la diffusion. Ces résultats peuvent conduire à repenser autrement les politiques culturelles, notamment en considérant les impacts différenciés du numérique sur les musiciens. Alors que la loi Hadopi et les débats qui l’ont précédée semblaient considérer que le piratage nuisait de manière homogène aux artistes, ces résultats insistent sur l’hétérogénéité des musiciens et des opportunités que certains ont pu saisir. Nos résultats mettent en particulier l’accent sur les politiques publiques de soutien à la création qui pourraient passer de manière ciblée par des soutiens à la transition numérique.
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- Waits C. R. et McNertney E. M. [1983], « Income Incentives and the Selection of Artistic Careers », dans J. L. Shanahan, W. S. Hendon, I. M. Hilhorst et J. Van Straalen (dir.), Market for the Arts, Akron, Association of Cultural Economics, p. 118-125.
- Wassal G. et Alper N. [1984], « Determinants of Artist’s Earnings », dans W. S. Hendon (dir.), The Economics of Cultural Industries, Akron, Association for Cultural Economics, p. 213-230.
- Wassal G. et Alper N. [1992], « Towards a Unified Theory of the Determinants of Artists’ Earnings », dans R. Towse et A. Khakee (dir.), Cultural Economics, Berlin, Springer, p. 247-260.
- Williams R. [2006], « Generalized Ordered Logit/Partial Proportional Odds Models for Ordinal Dependent Variable », The Stata Journal, 6 (1), p. 58-82.
Mots-clés éditeurs : économie numérique, inégalités, musiciens, TIC, Internet, revenus
Mise en ligne 18/01/2019
https://doi.org/10.3917/reco.701.0031Notes
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[1]
Expression forgée par Frank et Cook [1995].
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[2]
Pour plus de détail sur cette enquête Télécom ParisTech-CNAM-Adami réalisée par la société spécialisée ISL, voir Bacache et al. [2009].
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[3]
Données de 2004, voir Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages. Édition 2006, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1372223/.
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[4]
Insee, enquête Emploi en continu, 2009.
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[5]
C’est-à-dire les individus de 14 ans et plus en juillet 2005 (Insee, statistiques de l’état civil et enquête Villes, 2005).
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[6]
La variable de l’âge au carré permet de rendre compte de la décroissance du rendement marginal du capital humain.
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[7]
Voir Ravet et Coulangeon [2003] sur les écarts de revenus entre musiciennes et musiciens.
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[8]
Les deux méthodes de régression du Probit ordonné sur la variable endogène définie en cinq tranches ou par les MCO donnent néanmoins des résultats qualitatifs similaires, disponibles auprès des auteurs.
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[9]
Nous pouvons également estimer un Probit ordonné à seuils contraints puisque les seuils de revenu sont ici connus : 9 000, 15 000, 30 000 et 60 000 euros (en log des revenus). Cette estimation donne des résultats qualitatifs similaires mais avec un log de vraisemblance de l’estimation légèrement plus faible.
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[10]
Dans le questionnaire, les artistes étaient également interrogés sur le fait d’avoir une page Myspace. Myspace est un site Internet qui date de 2003 et qui héberge sans frais les pages Internet de ses membres, page sur laquelle on peut entretenir un blog, présenter ses informations personnelles, mettre des fichiers de musique, vidéo, etc. Il était encore très utilisé au moment de l’enquête. Nous avons testé la variable pagemyspace qui indique si l’artiste a une page Myspace. Nous avons également mené la régression en définissant une variable plus générale qui vaut 1 si l’artiste a une page Internet ou une page Myspace indifféremment. Les résultats ne sont pas modifiés sensiblement par le choix de la variable indicatrice de la présence sur Internet.
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[11]
Voir Kawakatsuy et Largey [2008] pour une discussion des modèles de Probit ordonné avec une variable endogène discrète et Sajaia [2008] pour l’implémentation dans Stata.
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[12]
L’estimation de la forme réduite est disponible auprès des auteurs. Le coefficient de l’instrument est estimé à 0,55 avec un écart type de 0,17.
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[13]
Les résultats de ces régressions sont disponibles auprès des auteurs.