Notes
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[*]
CRREP, Départment d’économique, Université Laval. Correspondance : 1025, avenue des Sciences-Humaines, Université Laval, Québec (QC), G1V 0A6, Canada. Courriel : paul.blais-morisset.1@ulaval.ca
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[**]
CRREP et CREATE, Départment d’économique, Université Laval. Correspondance : 1025, avenue des Sciences-Humaines, Université Laval, Québec (QC), G1V 0A6, Canada. Courriel : vincent.boucher@ecn.ulaval.ca
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[***]
CRREP et CIRANO, Départment d’économique, Université Laval. Correspondance : 1025, Avenue des Sciences-Humaines, Université Laval, Québec (QC), G1V 0A6, Canada. Courriel : bernard.fortin@ecn.ulaval.ca
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[1]
Voir Patrimoine canadien [2012]. Ce montant provient du programme de soutien aux sports, du programme de soutien aux athlètes et du programme d’accueil d’événements. Il exclut les investissements canadiens pour les infrastructures sportives.
-
[2]
Cette statistique provient de la compagnie d’analyse de marché The Nielsen Company [2008].
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[3]
Une alternative aurait été d’utiliser les comptes publics de l’ensemble des nations participantes aux JO. Malheureusement, une telle approche soulève des défis insurmontables. En effet, elle exige l’obtention des budgets des nations participantes sur une période de temps suffisamment longue, la traduction des documents ainsi que la compilation de ces derniers sur une base comparable.
-
[4]
Disponible à l’adresse : http://www.rug.nl/ggdc/productivity/pwt/.
- [5]
- [6]
-
[7]
Notre modèle suppose que l’espérance conditionnelle du nombre total de médailles obtenues par le pays i à l’édition t en proportion du nombre total de médailles en jeu durant cette édition, Mt, est une fonction exponentielle des variables explicatives (en ln) autres que Mt. En déplaçant cette dernière variable à droite de l’équation, on obtient :ce qui est équivalent à l’équation 1. Le coefficient associé à lnMt dans cette équation est donc égal à l’unité. Les méthodes d’estimation retenues nous permettent d’imposer à 1 ce coefficient.
-
[8]
E(Mit) ≈ 11 et Var(Mit) ≈ 396.
-
[9]
En particulier, la variable d’investissement retardée de deux éditions est trop faiblement corrélée avec la variable endogène de droite pour être utilisée.
-
[10]
Il s’agit des spécifications de type cluster-robust (voir Cameron et Trivedi [2013], section 24.5.2), tenant compte des effets fixes (5) et de l’endogénéité (6).
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[11]
Compte tenu de la difficulté d’estimer le modèle binomial négatif avec effets fixes et endogénéité, nous nous limiterons donc à la spécification du modèle de Poisson.
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[12]
On doit cependant noter que les CIB des deux modèles ne sont pas parfaitement comparables puisque la définition de la variable dépendante n’est pas exactement la même.
Introduction
1La majorité des nations affectent des sommes substantielles au développement de leurs athlètes, notamment l’élite destinée à se rendre aux Jeux olympiques, vitrine par excellence du sport dans le monde. Ces investissements dans le sport d’élite proviennent en grande partie de fonds publics. En principe, ces dépenses permettent de former des athlètes de pointe rayonnant sur la scène internationale, ce qui contribue au sentiment de fierté des nations qu’ils représentent. Ainsi, au cours de l’année budgétaire 2011-2012, près de 212,7 millions de dollars ont été investis par le gouvernement canadien dans la formation de l’élite sportive [1].
2Les Jeux olympiques d’été (JO), une compétition multidisciplinaire quadriennale, représentent l’événement sportif le plus regardé au monde. Lors des JO de 2008 tenus à Pékin, on estime que pas moins de 4,7 milliards de personnes ont suivi les différentes épreuves [2]. Les JO offrent une excellente opportunité pour les nations participantes d’obtenir un rendement sur les sommes injectées annuellement dans la formation de sportifs d’élite. Lors de ces compétitions, les athlètes de tous les pays tentent de faire la fierté de leur pays en remportant les honneurs dans l’une des trente-huit disciplines olympiques.
3Il est d’usage de publier un tableau des résultats des médailles acquises par chacun des pays lors d’une édition des Jeux olympiques. Ce classement n’est pas cautionné par l’organisation olympique, mais les résultats cumulatifs des nations participantes y sont représentés. Le pays terminant au sommet du tableau est, officieusement du moins, couronné vainqueur de cette édition des JO.
4L’influence du financement public de l’élite sportive sur le positionnement des pays aux JO est un enjeu financier et social d’une grande importance. Cet investissement gouvernemental fait l’objet de nombreux débats publics, notamment lorsqu’un pays se voit déclassé. Il s’agit d’une question pour laquelle l’analyse économique peut tenter d’apporter un éclairage, parmi les nombreuses réponses existantes et souvent assez mal documentées.
5Dans cet article, nous présentons une analyse économétrique visant à estimer l’effet causal de l’investissement public dans le sport sur le nombre de médailles remportées aux JO. Nous nous démarquons donc de la quasi-totalité des travaux antérieurs sur la détermination de la performance des nations aux JO, par l’ajout du financement public du sport comme variable explicative. Il importe cependant de souligner qu’à notre connaissance il n’existe aucune base de données recensant directement ce financement pour l’ensemble des pays. Afin de pallier ce problème, nous nous sommes basés sur le système de classification des dépenses gouvernementales appelé « classification des fonctions des administrations publiques » (CFAP ou, en anglais, COFOG), développé par les Nations unies. Nous avons retenu comme variable approximant les dépenses gouvernementales affectées aux sports la catégorie définissant les investissements gouvernementaux dans les loisirs, la culture et le culte (recreational, cultural and religious affairs). Forrest, Sanz et Tena [2010], qui ont aussi utilisé une telle variable dans une étude sur la prévision des médailles olympiques, suggèrent qu’une part importante et stable de cette catégorie de dépenses est consacrée aux sports. Notons par ailleurs que l’une de nos contributions par rapport à cette recherche est de tenir compte de l’endogénéité potentielle de cette variable dans notre analyse. Ce point est important puisqu’il ne s’agit pas dans notre approche de construire un modèle de prévision, comme chez Forrest, Sanz et Tena [2010], mais plutôt d’estimer l’effet causal des dépenses publiques relatives au sport.
6Nous contribuons aussi à la littérature sur la performance olympique en considérant les variables explicatives continues en part relative par rapport à l’ensemble des pays retenus. Ainsi si une nation accroît le niveau de ses investissements dans le sport de 10 % alors que l’ensemble des nations font de même, on peut s’attendre à ce que l’effet total sur le nombre relatif de médailles obtenues par cette nation soit nul. Un tel résultat montre que l’apport de l’effort d’investissement d’un pays sur son résultat aux JO dépend aussi des dépenses réalisées dans ce domaine par les nations concurrentes.
7Nous innovons aussi par l’utilisation de spécifications de comptage à effets fixes afin de modéliser le nombre de médailles remportées par un pays, tout en tenant compte des caractéristiques spécifiques et invariantes dans le temps des nations. Plus particulièrement, nos estimateurs sont obtenus à l’aide de spécifications d’un modèle de Poisson et d’un modèle binomial négatif à effets fixes. En outre, aux fins des estimations, nous utilisons des données récentes, couvrant les JO de Barcelone en 1992 jusqu’à ceux de Londres en 2012. De plus, nous présentons une analyse de robustesse en examinant les résultats pondérés ou décomposés selon le type de médailles (l’or, l’argent ou le bronze) et les spécifications des modèles de comptage à inflation de zéros.
8La suite de cet article est organisée en cinq sections. La section suivante présente les variables et les modélisations du succès olympique proposées dans la littérature. La troisième section décrit la base de données utilisée et présente les spécifications économétriques retenues. La quatrième section discute des différents problèmes rencontrés lorsque l’investissement public dans le sport est inclus comme variable explicative du succès olympique et propose des approches permettant de les surmonter. La cinquième section discute des résultats obtenus en mettant l’accent sur les spécifications tenant compte de l’hétérogénéité des pays. En outre, cette section présente une analyse de robustesse. Enfin, notre conclusion résume les principaux résultats obtenus et considère les futures voies de recherche.
Recension de la littérature
Les déterminants du succès olympique
9Nous présentons d’abord les différents déterminants du succès aux JO retenus par la littérature. Nous retenons en particulier : le PIB per capita, la population, l’avantage du pays hôte des JO ainsi que l’investissement gouvernemental dans le sport comme facteurs de la réussite des nations aux JO.
10Le PIB per capita et la taille de la population sont des déterminants importants du succès olympique. Ball [1972] les identifient comme faisant partie des vingt et un indicateurs permettant de différencier les nations dominantes des autres pays participant aux JO. Levine [1974] reprend les résultats obtenus par Ball afin de les expliquer et de les quantifier. Il estime que le PIB par personne et la population expliquent chacun près de 40 % des résultats olympiques. En fait, une population plus riche a généralement davantage de temps et de ressources à octroyer aux loisirs, ce qui favorise la pratique sportive de la population et donc l’émergence d’athlètes de haut niveau. Par ailleurs, un PIB par habitant plus élevé signifie une population plus riche disposant de plus de moyens pour investir dans les infrastructures de pointe nécessaires à la pratique du sport. Une telle population pourra aussi encourager les jeunes à haut potentiel à la pratique du sport d’élite et embaucher des entraîneurs de calibre supérieur.
11Levine [1974] conclut que le PIB n’est pas le déterminant adéquat et qu’il serait préférable de se fier à des indices d’utilisation des ressources directes, comme le montant déboursé pour le sport et la proportion du PIB affectée par le pays au soutien des athlètes. Ces informations n’étant pas accessibles à son époque, la mesure du PIB par habitant est longtemps demeurée la meilleure approximation.
12Indépendamment du PIB per capita, nous retenons aussi la population comme facteur explicatif. Le bassin de population accroît la possibilité pour un pays de voir émerger un des individus possédant les caractéristiques physiques et les habiletés idéales pour la pratique d’un sport donné.
13Par ailleurs, certains auteurs (Johnson et Ali [2000] ; Poupaux [2006] ; Tcha [2004]) ont introduit des variables muettes pour tenir compte de l’avantage d’obtenir des médailles dans le cas des nations anciennement communistes. Dans notre approche, les effets fixes de pays, lorsqu’ils sont introduits dans le modèle, tiennent implicitement compte d’une telle caractéristique.
14Finalement, accueillir les Jeux à domicile influence de façon significative la performance globale du pays hôte. Ainsi, Clarke [2000] a évalué que les pays voient augmenter de près de 30 % leurs acquisitions de médailles lorsqu’ils reçoivent les JO. Deux explications peuvent aider à comprendre ce phénomène. D’une part, les avantages dont bénéficient directement les athlètes du pays hôte peuvent être significatifs : moins de fatigue due au transport et à l’accommodation, connaissance approfondie du terrain où se déroule la compétition, motivation provenant des encouragements des amateurs locaux qui remplissent les gradins, etc. D’autre part, les pays hôtes des jeux bénéficient aussi du privilège accordé par le Comité international olympique (CIO) de pouvoir inscrire plus de concurrents aux épreuves en plus d’avoir une place acquise dans chacune des disciplines.
Modélisation économétrique du succès olympique
15Sur le plan économétrique, plusieurs approches ont été retenues dans la littérature. Nous discutons ici les plus utilisées, en prenant soin d’identifier les forces et faiblesses de chacune.
16Le modèle Tobit est souvent utilisé afin de tenir compte du problème des données censurées à zéro (à chaque année, plusieurs pays n’obtiennent aucune médaille) qui biaisent les estimateurs des paramètres du succès olympique par les moindres carrés ordinaires (MCO). C’est le cas notamment de Bernard et Busse [2004] dont le modèle inclut les déterminants qui ont été explicités précédemment. Pour justifier leur approche, ces chercheurs prennent soin de comparer les résultats du modèle Tobit à ceux obtenus par la régression classique. Ainsi, les auteurs montrent que ce modèle parvient à un meilleur ajustement que par les MCO.
17Plusieurs auteurs ont repris le modèle de Bernard et Busse [2004] en adaptant certains éléments afin d’en améliorer la performance (Andreff, Andreff et Poupaux [2008] ; Bernard [2008] ; Bradley [2013] ; Hawksworth [2012] ; Sun, Wang et Zhan [2015]). Certains comme Andreff, Andreff et Poupaux [2008] tentent de capter l’effet de la culture sportive en incluant à la modélisation des variables reflétant certaines différences régionales (par exemple des variables muettes par regroupement de pays ayant des spécialités sportives similaires). D’autres utilisent un modèle Tobit dans le but d’expliquer et de prédire le succès des nations aux Jeux olympiques d’hiver (Andreff et Andreff [2012] ; Johnson et Ali [2004] ; Pfau [2006]). Enfin, Buts et al. [2011] adaptent ce modèle afin d’expliquer le succès des pays aux Jeux paralympiques d’été.
18Certains auteurs ont, quant à eux, préféré des méthodes qui, à l’opposé du modèle Tobit, tiennent compte explicitement de la nature discrète de la variable dépendante (nombre de médailles). Roberts [2006] modélise le succès olympique à l’aide de spécifications de comptage, notamment Poisson et binomial négatif, pour modéliser le résultat des pays aux Jeux d’Athènes en 2004. Les spécifications de comptage sont reprises par Lui et Suen [2008] pour analyser les résultats de plusieurs éditions des JO. Par contre, l’estimation des médailles olympiques édition par édition ne permet pas à ces auteurs de tenir compte des caractéristiques individuelles invariantes dans le temps des nations participantes. Nous reprenons donc le choix de spécifications de comptage, en intégrant en particulier une variable d’investissement gouvernemental dans le sport.
19Trivedi et Zimmer [2014] estiment un modèle d’acquisition de médailles à deux équations. La première est une équation de sélection déterminant si oui ou non le pays obtiendra au moins une médaille à l’édition t. La seconde détermine le nombre de médailles obtenues par le pays (en proportion du nombre total de médailles en jeu durant cette édition), conditionnel à l’obtention d’au moins une médaille. L’approche permet de prendre en compte les caractéristiques de la délégation d’athlètes du pays et en particulier sa participation féminine. Notre approche propose plutôt un modèle des médailles obtenues à une équation. En revanche, il prend en compte les dépenses publiques relatives au sport, ce que ne font pas Trivedi et Zimmer [2014].
Hétérogénéité inobservée
20Bien que l’hétérogénéité inobservée des pays participants risque d’influencer fortement le succès aux JO, ce problème est peu traité dans la littérature. Certaines exceptions sont notamment à mentionner. La spécification Tobit avec effets aléatoires de Bernard et Busse [2004] suppose que les caractéristiques inobservées et invariantes dans le temps des pays sont aléatoirement distribuées. Ces effets se combinent linéairement au terme d’erreur idiosyncratique des pays, qui peut varier dans le temps. Cependant, une telle approche suppose que les effets aléatoires sont indépendants des variables explicatives. Autrement dit, la culture sportive d’un pays, par exemple les États-Unis, ne devrait pas être liée à son niveau élevé de richesse par habitant ou à son niveau massif d’investissement dans le sport. Il s’agit d’une hypothèse forte et qui semble peu réaliste. Celle-ci permet cependant aux auteurs de surmonter le problème des paramètres incidents qui prévaut dans le cadre d’une spécification Tobit à effets fixes. Ce problème survient lorsque le nombre de périodes d’un panel est faible et fixe et que le nombre de paramètres à estimer croît avec le nombre de pays. Il se répercute sous forme de biais et de non-convergence des estimateurs dans les spécifications (non linéaires) de type Tobit.
21Par rapport au Tobit à effets aléatoires, un avantage d’une approche de comptage est non seulement de tenir compte de l’aspect discret de la variable dépendante mais aussi de relâcher l’hypothèse d’absence de corrélation entre les variables explicatives observées et les effets individuels et invariants dans le temps. On peut en effet montrer (Cameron et Trivedi [2013]) que le modèle de comptage Poisson avec effets fixes n’est pas touché par le problème des paramètres incidents. Enfin, comme nous le discutons ci-après (cf. la sous-section « Hétérogénéité des nations participantes »), le modèle binomial négatif avec la correction de déviation de Pearson permet aussi de pallier ce problème.
Méthodologie
Les données
22Nos données proviennent de plusieurs sources distinctes. Tel que mentionné dans l’introduction, il n’existe aucune base de données recensant directement le financement public accordé aux sports pour l’ensemble des pays. En conséquence, nous avons retenu, dans la CFAP développée par les Nations unies, la catégorie définissant les investissements gouvernementaux dans les loisirs, la culture et le culte comme variable approximant les dépenses gouvernementales affectées aux sports [3]. Forrest, Sanz et Tena [2010], qui ont aussi utilisé cette variable dans une étude prévisionnelle des médailles olympiques, soulignent qu’une part importante et stable de cette catégorie de dépenses est consacrée aux sports. Ils ajoutent que la corrélation entre les investissements dans le sport et ceux effectués dans les loisirs est suffisamment forte pour que cette variable puisse contrôler pour les dépenses publiques relatives au sport. Par ailleurs, l’inclusion de cette variable leur permet d’accroître la valeur prédictive de leur modèle. Nous nous inscrivons donc dans la continuité de ces auteurs en utilisant la variable loisirs, culture et culte comme variable approximant l’investissement public dans le sport de haut niveau.
23Quatre institutions différentes publient de l’information conformément à ce système de classification et ont permis de créer notre variable d’investissement sportif. La source principale de données sur cette variable d’approximation provient du Fonds monétaire international (FMI) qui publie annuellement les statistiques financières gouvernementales (GFS). Ce document recense les données des différentes catégories de la CFAP pour une majorité de pays, et ce, depuis 1990. Du reste, Eurostat, la direction générale de la Commission européenne en charge de l’information statistique, ainsi que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), donnent également accès en ligne à cette variable d’approximation du financement gouvernemental du sport. Ces trois dernières sources ont permis d’augmenter l’échantillon de pays recensés par la base de données. Malgré cet effort pour obtenir une base de données complète, l’information n’est pas disponible pour l’ensemble des pays participants aux JO d’été. Nous supposons que les pays absents de l’échantillon sont aléatoirement manquants.
24Afin de compléter les données d’investissement manquantes dans la série temporelle d’un pays, la méthode d’interpolation par splines cubiques a été retenue. Les pays dont plus de 8 % des données avaient été générées par cette méthode ont été retirés de la base de données. Au total, le financement public du sport de cinquante-trois pays et couvrant six éditions des JO d’été, soit ceux de 1992, 1996, 2000, 2004, 2008 et 2012, permettent d’obtenir les 318 observations utilisées pour notre recherche. La variable reflétant l’investissement public dans le sport est convertie en devise commune puis actualisée à l’aide de la Penn World Table [4]. Le financement gouvernemental du sport est alors exprimé en dollars américains constants de 2012 à parité du pouvoir d’achat. Finalement, la variable explicative est divisée par le nombre d’habitants du pays de manière à obtenir une mesure du montant investi par individu dans la pratique du sport.
25Le PIB per capita ainsi que l’estimation de la population des pays retenus sont disponibles sur le site Internet de la Banque mondiale [5]. Enfin, le nombre de médailles remportées par les pays dans chacune des six éditions des JO d’été couvertes et l’information sur les pays hôtes sont disponibles sur le site Internet du CIO [6].
26Nous nous distinguons aussi des analyses précédentes par la spécification des variables explicatives continues en ratio. Ainsi, les variables de population, de PIB per capita et de dépenses gouvernementales relatives au sport per capita sont toutes trois spécifiées en proportion de la même variable au niveau de l’ensemble des pays retenus. Cette approche permet de tenir compte de l’effet du comportement et des caractéristiques des nations adverses sur le propre résultat olympique du pays. Par exemple, l’impact de la population sur la performance olympique peut s’atténuer même si son bassin d’athlètes ne connaît aucun changement. Ainsi, à population constante pour un pays, la croissance du bassin mondial d’athlètes pourrait avoir un impact négatif sur le succès olympique de la nation.
27Cette idée de ratio est particulièrement intéressante dans le cas de la variable d’investissement puisqu’elle représente en quelque sorte l’effort qu’un pays déploie pour se démarquer de ses adversaires sur la scène sportive internationale. De façon similaire à la population, cette nouvelle variable rend compte de l’impact d’une variation de l’investissement des autres pays sur le propre résultat olympique d’un pays. Ainsi, lorsque les dépenses relatives au sport au niveau mondial s’accroissent de 10 %, un pays qui augmente lui aussi de 10 % son investissement pourrait ne pas être en mesure d’obtenir davantage de médailles.
28Nous introduisons dans le modèle l’ensemble des variables retenues dans la littérature précédemment décrite. Nous contribuons à la littérature en exprimant ces variables en proportion des valeurs mondiales. Dans la cinquième section, nous montrons que cette approche constitue une amélioration par rapport aux modèles où les variables sont exprimées en niveau. De plus, cette spécification n’est pas rejetée par rapport à une spécification plus générale où les variables en continue du pays et les variables correspondantes de l’ensemble des pays sont incluses séparément dans le modèle.
29Le tableau 1 définit chacune des variables retenues dans nos estimations et présente certaines statistiques descriptives qui leur sont associées.
Statistiques descriptives des variables basées sur 318 observations : 53 pays (i) et six olympiades (t)
Statistiques descriptives des variables basées sur 318 observations : 53 pays (i) et six olympiades (t)
Spécification des modèles de comptage
30La nature discrète du nombre de médailles remportées par les pays motive l’utilisation des modèles de Poisson et binomiaux négatifs. Il importe aussi de tenir compte des effets fixes propres aux différents pays. Soit Mit le nombre de médailles remportées par un pays i lors d’une édition t des JO, le modèle liant la performance olympique d’un pays à ses déterminants peut s’écrire en terme d’espérance conditionnelle :
32où Xit est le vecteur des variables explicatives pour le pays i au temps t incluant lnMt, avec Mt représentant le nombre total de médailles en jeu à l’édition t des JO. Cette variable (en ln) est ajoutée afin de tenir compte de la croissance du nombre de médailles à travers les éditions des JO dans le cadre de modélisations discrètes [7]. Le terme αi représente les effets invariants dans le temps propres à chaque nation et qui influencent le succès olympique (effet fixe). La section suivante explique la technique utilisée pour tenir compte de ce terme dans nos spécifications.
33Dans le cas des modèles de comptage à effets fixes, Mit est une variable prenant des valeurs entières, non négatives. Lorsque celle-ci suit une loi de Poisson, on a :
35avec μit ≡ E[Mit | Xit, αi]. Ainsi, la loi de Poisson à effets fixes dépend d’un unique paramètre donné par l’espérance conditionnelle. De plus, le modèle de Poisson se restreint aux données de comptage équidispersées, c’est-à-dire aux données dont la moyenne est strictement égale à la variance. En effet, on a aussi :
37Le tableau 1 montre que cette particularité n’est pas respectée par les données, la moyenne étant significativement plus faible que la variance [8] du nombre de médailles remportées par les pays aux JO.
38L’utilisation d’un modèle binomial négatif est souvent proposée comme solution permettant de tenir compte de la surdispersion des données (Cameron et Trivedi [2005]). Dans ce cas, on a :
40où Γ(·) est la fonction gamma.
41Comme pour le modèle de Poisson, la moyenne est égale au paramètre μit :
43Cependant, la variance s’écrit maintenant comme la somme du paramètre μit et d’un terme de surdispersion :
45où p est un paramètre. Dans le modèle négatif binomial classique de type 2 (NB2), p = 2, de sorte que le second terme de l’équation 5 s’écrit comme une fonction quadratique : . Suivant cette spécification, le modèle de Poisson est un cas particulier du modèle binomial négatif où le paramètre ϑi tend vers l’infini. Un paramètre de dispersion ξi égal à la fraction est évalué lors de l’estimation du modèle binomial négatif.
Spécifications économétriques
46Deux problèmes économétriques surviennent après l’ajout de l’investissement gouvernemental dans le sport par habitant à la modélisation du succès olympique. Cette section discute de ces derniers et propose des approches visant à résoudre chacun d’eux.
Hétérogénéité des nations participantes
47Certains pays possèdent un avantage comparé quant à l’obtention de médailles olympiques. En fait, des caractéristiques inobservables et invariantes dans le temps peuvent expliquer une partie non négligeable du succès aux JO d’un pays. Dans le langage courant, ces attributs se voient souvent désignés par le nom de « culture sportive » d’un pays. Bien que le concept puisse sembler flou et vaste, la culture sportive représente les caractéristiques nationales qui facilitent la récolte de médailles olympiques. L’histoire olympique et la spécialisation sportive d’un pays, l’intensité de la participation d’une nation, de même que la génétique avantageuse de certains peuples, sont de bons exemples de ces avantages. L’inclusion d’effets fixes au modèle permet en outre de tenir compte des comportements spécifiques de certains pays participants, comme l’usage récurrent de produits dopants. L’hypothèse implicitement formulée est alors que le comportement d’un pays donné ne varie pas sur la période d’estimation.
48Pour tenir compte des effets fixes dans un modèle de comptage, Hausman, Hall et Griliches [1984] ont utilisé un modèle conditionnel négatif binomial pour données de panel. Cependant Allison et Waterman [2002] ont critiqué cette approche en soulignant que leur estimateur n’est pas véritablement à effets fixes puisqu’il ne parvient pas à tenir compte de l’ensemble des caractéristiques invariantes dans le temps. Ils proposent notamment l’utilisation d’un modèle à effets fixes incluant l’ensemble des caractéristiques individuelles invariantes. Suivant leur suggestion, nous intégrons une variable indicatrice di pour chaque pays (moins un pays de référence) et estimons les paramètres κi qui captent l’hétérogénéité des nations face aux gains de médailles olympiques :
50où les di sont des variables dichotomiques identifiant les pays.
51Un modèle de Poisson avec effets fixes ne souffre pas d’un biais dû au problème de paramètres incidents (Cameron et Trivedi [2013]). En d’autres termes, β peut être estimé de façon convergente. En revanche, l’estimateur du modèle binomial négatif tenant compte des effets fixes est en général non convergent. Cependant, Allison et Waterman [2002] montrent à l’aide de simulations Monte Carlo que, dans le cas d’un modèle à faible nombre de périodes, il ne semble pas y avoir un biais significatif des coefficients estimés. De plus, Hilbe [2011] indique que ce biais peut être aisément corrigé à l’aide de la statistique de déviation de Pearson. Nous mettons en œuvre une telle correction lors de l’estimation de la spécification binomiale négative. De telles conclusions nous permettent de justifier notre utilisation de spécifications de comptage à partir d’un modèle négatif binomial à effets fixes, dans le cadre de la modélisation du nombre de médailles remportées aux JO.
Endogénéité de l’investissement
52L’inclusion du logarithme des dépenses relatives au sport par habitant comme variable explicative est une source potentielle d’endogénéité. Une des raisons de ce problème provient de la simultanéité entre la variable identifiant les dépenses publiques et le nombre de médailles remportées. L’investissement dans le sport amène fort probablement un succès plus élevé aux JO. En contrepartie, un mauvais résultat aux Jeux peut inciter un pays à investir afin de l’améliorer. La relation causale peut donc être inversée et il est nécessaire de corriger ce biais de simultanéité dans le but d’obtenir un estimateur convergent.
53L’omission des facteurs idiosyncratiques qui expliquent le choix de l’investissement dans le sport d’un pays et influencent néanmoins le succès olympique représente une autre source d’endogénéité (biais de variables omises), et ce, malgré l’inclusion des effets fixes. En effet, un problème d’endogénéité subsiste si les caractéristiques d’un pays ignorées par la modélisation varient dans le temps et sont corrélées avec les variables incluses. Par exemple, si un pays possède des athlètes avec un fort potentiel, cela risque d’augmenter à la fois le niveau d’investissement et le nombre de médailles obtenues. Puisque la qualité des athlètes varie dans le temps, cet effet n’est pas capturé par les effets fixes.
54La modélisation par la méthode de moments généralisés (MMG) est proposée afin d’éliminer le biais découlant de l’endogénéité des dépenses publiques relatives au sport. Plus précisément, nous estimons un modèle à deux équations. La première équation détermine le nombre de médailles (modèle Poisson) et la seconde détermine l’investissement public dans le sport, en supposant une relation linéaire avec l’ensemble des variables explicatives exogènes de la première équation et l’instrument. Le problème d’endogénéité provient de la présence d’une corrélation entre les termes d’erreur des deux équations.
55Nous suggérons le financement public du sport retardé d’une édition des JO comme variable instrumentale. La justification de cet instrument est a priori très intuitive. Le niveau de financement public passé explique dans une certaine mesure l’effort de financement actuel des activités sportives par le gouvernement. Bien sûr, l’instrument retardé proposé pourrait être corrélé avec le terme d’erreur s’il explique le succès actuel aux Jeux, ce qui peut poser un problème. Cependant, la variable explicative du financement a été construite en moyenne d’investissement pour les quatre années antérieures à une édition des JO. De ce fait, l’instrument recueille l’information sur les investissements qui ont été réalisés quatre années avant une édition des JO. Ainsi, la corrélation entre le terme aléatoire du succès olympique contemporain et l’instrument retardé devrait être faible. Par ailleurs, notre variable instrumentale ne semble pas être faible puisqu’elle est fortement corrélée avec l’investissement dans le sport.
56Un problème découlant de notre approche est la possibilité que notre instrument ne soit pas exogène. Le test de suridentification de Sargan [1958] permet de tester la validité des instruments en vérifiant que la covariance entre le terme d’erreur et l’instrument soit nulle. Cependant, ce dernier test requiert la suridentification du modèle et, par conséquent, l’utilisation d’au moins deux instruments valides. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé d’instrument additionnel adéquat puisque tous ceux que nous avons testés souffraient d’un problème d’instrument faible [9].
Résultats
Modèles de comptage
57Le tableau 2 présente les paramètres estimés selon les spécifications retenues. Les quatre premières colonnes mettent en évidence les estimations obtenues dans le cas des modèles binomiaux négatifs (NB-1, 2, 3 et 4). Ces résultats permettent d’introduire progressivement les coefficients estimés. Les deux colonnes suivantes présentent les spécifications de Poisson robustes par grappe [10].
Estimation des modèles de comptage Variable dépendante : nombre de médailles remportées par la nation
Estimation des modèles de comptage Variable dépendante : nombre de médailles remportées par la nation
Note : Toutes les variables en continue sont en ln. † Test du ratio de vraisemblance de ξ = 0 : Pr ≥ χ̅2(01) = 0,000, pour les quatre spécifications binomiales négatives. Le coefficient de lnMt est contraint à 1. Écarts types entre parenthèses : * p < 0,1 ; *** p < 0,05 ; *** p < 0,01.58La première spécification NB-1 est celle qui se rapproche le plus des spécifications standards de la littérature. On introduit le logarithme du PIB per capita et le logarithme de la population des pays sans égard aux pays concurrents. La variable identifiant le pays hôte, ainsi que celle qui identifie le nombre total de médailles disponibles et dont le coefficient est contraint à 1 (lnMt) sont aussi incluses dans cette spécification.
59La spécification NB-2 ajoute l’investissement public dans le sport des nations à la modélisation précédente mais sans ajouter les effets fixes. L’élasticité du nombre de médailles d’un pays par rapport à cette variable est significative au seuil de 1 % et estimée à 0,525. Ce résultat montre l’importance de l’investissement public dans le sport pour analyser adéquatement le succès des nations aux JO.
60La troisième spécification (NB-3) inclut le logarithme des variables continues définies sur l’ensemble des pays participants (total pays) comme variables explicatives des résultats d’une nation aux JO. De plus, cette spécification tient compte des caractéristiques invariantes des pays en incluant les effets fixes. Il est intéressant de noter que lorsque l’on tient compte de ces effets, l’élasticité de l’investissement public du pays dans le sport diminue à 0,225, tout en demeurant très significative. Par ailleurs, le PIB per capita ne semble plus influencer de façon significative le nombre de médailles. Ce résultat diffère grandement de la littérature qui ne considérait pas le financement gouvernemental du sport et qui estimait un effet important pour cette variable. Nous avons effectué des estimations excluant le financement gouvernemental du sport et ces dernières ont conduit à des coefficients estimés élevés et significatifs du PIB par habitant. Ce constat est cohérent avec l’hypothèse selon laquelle le financement public du sport reflète bien la volonté d’un pays de s’illustrer sur la scène internationale. Par conséquent, puisqu’on utilise cette variable, on obtient un déterminant plus valide du succès olympique qu’en utilisant le PIB per capita. On en conclut que la modélisation classique du succès olympique souffre d’un biais découlant de l’omission du financement public du sport comme facteur explicatif.
61Il importe de souligner qu’aucune des variables de logarithme des variables continues définies sur l’ensemble des pays participants n’est significative dans la spécification NB-3. Par un test du ratio de vraisemblance, nous testons l’hypothèse nulle selon laquelle les variables continues (en ln) sont d’abord exprimées en proportion de la variable correspondante au niveau de l’ensemble des nations (NB-4). On ne rejette pas cette hypothèse. Par ailleurs, on constate que l’élasticité de l’investissement public dans le sport n’est aucunement affectée lorsque l’on compare ces deux dernières spécifications (= 0,23). On retient donc la spécification en ratio (NB-4) qui est plus efficace et intuitive que la spécification NB-3.
62Les paramètres estimés sont très semblables dans le cas des spécifications de comptage à effets fixes NB-4 et Poisson-5. Cependant, la spécification NB-4 nous semble a priori préférable, étant donné que le paramètre de surdispersion est significatif à 1 %. Par ailleurs, le critère d’information bayésien (CIB) est un bon indicateur de la version préférée du modèle. Le fait que celui-ci soit sensiblement plus faible dans le cas de la spécification binomiale négative justifie aussi notre préférence pour ce modèle. Cependant, le faible écart entre les coefficients estimés des deux modélisations nous permet de penser qu’il est possible d’analyser l’impact du traitement du biais de simultanéité par la méthode des VI à partir de la spécification de Poisson à effets fixes [11].
63La spécification de Poisson avec effets fixes et variable instrumentale (Poisson-6) conduit à des coefficients estimés quelque peu différents de ceux obtenus dans les spécifications précédentes. L’élasticité du financement gouvernemental du sport est près de deux fois supérieure dans le cas de la spécification de Poisson instrumentée par les investissements passés (= 0,38). Cette différence entre les coefficients estimés peut s’expliquer par la simultanéité de la relation entre le financement gouvernemental des sports et le résultat des nations aux JO d’été.
64S’agissant de l’impact des autres variables, on constate que l’élasticité estimée du nombre de médailles par rapport à la population du pays est égale à environ 0,69 et est très robuste au choix de la spécification. Par ailleurs, à partir du paramètre estimé de la variable dichotomique indiquant le pays hôte des JO, nous estimons qu’un pays hôte aux caractéristiques moyennes remporte 43,6 % de médailles supplémentaires par rapport à sa performance si les JO n’avaient pas été à domicile. Ce résultat est quelque peu supérieur au résultat de 30 % obtenu par Clarke [2000].
Analyse de robustesse
Modèle pondéré et désagrégé
65Jusqu’ici, nous avons posé que l’effet d’une hausse de l’investissement public dans le sport sur le nombre de médailles était le même quel que soit le type de médaille (bronze, argent ou or). Cette hypothèse est bien évidemment sujette à caution. Dans cette sous-section, nous estimons un modèle de comptage en accordant des pondérations différentes à chaque type de médaille (3 points, 2 points ou 1 point pour les médailles d’or, d’argent et de bronze, respectivement). La somme des points est alors utilisée comme variable dépendante de notre modèle. La première colonne du tableau 3 présente la spécification binomiale négative à effets fixes en utilisant ces pondérations. Les trois colonnes suivantes présentent une spécification binomiale négative à effets fixes pour un modèle décomposé par catégorie de médailles remportées. Nous estimons l’impact des variables explicatives sur l’acquisition de médailles d’or, d’argent ou de bronze respectivement.
Estimations à partir de la régression binomiale négative pondérée et décomposée avec effets fixes
Estimations à partir de la régression binomiale négative pondérée et décomposée avec effets fixes
Note : Les trois premières variables explicatives sont en proportion de la variable correspondante au niveau de l’ensemble des nations retenues et en ln. Le coefficient de lnMt est contraint à 1. Écarts types entre parenthèses : * p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.66L’impact estimé des variables explicatives du résultat olympique est en général plus élevé dans le cas de la spécification pondérée à effets fixes que dans le cas du modèle correspondant mais qui accorde une même valeur à chacune des positions (cf. première colonne du tableau 2). Ainsi, l’élasticité estimée de l’investissement public dans le sport est maintenant de 0,293 en comparaison de 0,226. En outre, selon la spécification pondérée du modèle, la nation moyenne hôte des JO remporte près de 65 % de médailles en plus qu’elle ne l’aurait fait normalement. Cet avantage est nettement supérieur à celui estimé par le modèle non pondéré (43,6 %). Lorsque l’on décompose le modèle, l’avantage estimé pour les pays hôtes semble principalement associé aux médailles d’or. En revanche, une variation de l’importance relative de la population d’un pays influence le résultat olympique de façon très semblable à celui obtenu par le modèle de comptage non pondéré. De plus, l’impact est robuste sur chacun des trois types de médaille. Il est à noter que seules les trois dernières colonnes sont comparables entre elles.
67En utilisant la pondération retenue, nous posons implicitement l’hypothèse que la valeur accordée aux médailles croît de façon linéaire. Il est cependant possible que les nations accordent une valeur plus que trois fois plus grande à la première position internationale qu’à la médaille de bronze. Si l’on augmente la valeur accordée à la médaille d’or, les coefficients estimés ne changent que très peu par rapport à l’importance supplémentaire que nous avons accordée au départ à la médaille d’or. Ainsi, en plus d’être couramment utilisée dans la littérature, cette pondération semble soutenue par notre modèle. Le CIB obtenu pour le modèle pondéré est nettement plus élevé que celui qui accorde une même valeur aux trois catégories de médailles. Notre modèle semble donc avoir davantage de facilité à expliquer les résultats lorsque l’on accorde une même valeur à chacune des trois médailles [12].
Spécifications de comptage à inflation de zéros
68Dans cette sous-section, nous présentons les spécifications de comptage à inflation de zéros afin d’analyser l’influence de la censure à zéro au niveau de la variable dépendante. Le grand nombre de pays ne remportant pas de médaille aux JO nous indique qu’une modélisation classique pourrait sous-estimer l’impact de nos estimateurs. Les spécifications à inflation de zéros sont composées d’abord par une équation d’inflation qui détermine si un pays remportera des médailles ou non. Ensuite, dans le cas des résultats strictement positifs, la modélisation se fait grâce à une régression de comptage, ce qui permet d’obtenir des estimations séparées pour chacune de ces deux parties. Cependant, mentionnons que les spécifications à inflation de zéros ne nous ont pas permis d’obtenir de résultats tenant compte des effets fixes. Par conséquent, nous ajoutons la variable dichotomique identifiant les pays anciennement communistes afin de contrôler pour leurs avantages. Le tableau 4 présente respectivement les résultats des spécifications de Poisson (ZIP) et binomiale négative (ZINB) à inflation de zéros. Les coefficients estimés obtenus lors de l’étape d’inflation se trouvent dans le tableau A1 en annexe. Puisqu’il s’agit d’un modèle discret (Logit) expliquant la probabilité de ne pas obtenir de médailles, cela explique le signe des coefficients. (Une variable influençant positivement le nombre de médailles obtenues influence négativement la probabilité de n’obtenir aucune médaille.)
Résultats des modèles de comptage à inflation de zéros : impact sur le nombre de médailles remportées par une nation
Résultats des modèles de comptage à inflation de zéros : impact sur le nombre de médailles remportées par une nation
Note : † Test du ratio de vraisemblance de ξ = 0 : χ̅2(01) = 794,18 ; Pr ≥ χ̅2 = 0,000. Les trois premières variables explicatives sont en proportion de la variable correspondante au niveau de l’ensemble des nations retenues et en ln. Écarts types entre parenthèses : * p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.69La spécification de Poisson à inflation de zéros permet d’obtenir des résultats très semblables à nos résultats principaux à effets fixes présentés dans le tableau 2. Il est possible qu’en prenant en compte le grand nombre de résultats nuls, ce modèle en étapes permette de contrôler pour une partie des effets individuels invariants entre les pays. Ainsi, une partie des effets fixes des modèles du tableau 2 capteraient la possibilité pour un pays de remporter une première médaille.
70Puisque le paramètre de surdispersion est significatif et compte tenu de la valeur plus faible du critère d’information bayésien, la spécification binomiale négative à inflation de zéros est préférable à son équivalent Poisson. Cependant, les coefficients estimés obtenus par cette spécification sont bien plus élevés que ceux obtenus par nos spécifications de comptage précédentes. De plus, les deux spécifications à inflation de zéros conduisent à des valeurs de CIB plus élevées, indiquant que le modèle à effets fixes offre un meilleur ajustement aux données. Inclure les effets fixes dans les spécifications de comptage à inflation de zéros serait donc une future voie de recherche très intéressante afin de pousser notre analyse sur les modèles à inflation de zéros. Enfin, le test de Vuong compare les modèles avec et sans inflation de zéros (les deux sans effets fixes). On conclut que le modèle avec effets fixes est préféré au modèle à inflation de zéros.
Conclusion
71Nous analysons l’impact de l’investissement public dans le sport sur le nombre de médailles et sur sa décomposition en médailles d’or, d’argent et de bronze. Nous présentons d’abord une recension de la littérature sur les déterminants du succès des nations aux JO d’été et des méthodes économétriques visant à les modéliser. Nous reprenons les modélisations effectuées dans les précédentes recherches en y ajoutant l’investissement public dans le sport comme mesure de l’effort déployé par les pays afin de se hisser sur les marches du podium. Les variables continues ont été construites en proportion de la variable correspondante au niveau de l’ensemble des pays de l’échantillon. Ainsi, nous considérons l’effet des changements provenant des nations concurrentes sur le résultat olympique d’un pays.
72Nous nous démarquons aussi par utilisation de spécifications de comptage, soit le modèle de Poisson et le modèle binomial négatif, afin de tenir compte de la nature discrète du nombre de médailles remportées. Ces spécifications tiennent compte des caractéristiques invariantes et propres à chaque pays par la méthode des effets fixes, ce qui permet d’obtenir des estimateurs convergents (Allison et Waterman [2002]). Nous tenons compte de l’endogénéité de la variable d’investissement dans le sport, conditionnelle aux effets fixes, par une généralisation du modèle de Poisson à l’aide d’une méthode de moments généralisés. Enfin, nous analysons les estimateurs obtenus à l’aide de modèles alternatifs tels que les spécifications de comptage à inflation de zéros dans le but de vérifier la robustesse de nos principaux résultats. Selon les meilleures spécifications retenues, l’élasticité du nombre de médailles obtenues par un pays lors de Jeux olympiques par rapport aux investissements publics qu’il a effectués dans le sport varie entre 0,23 et 0,38.
73Les résultats de notre étude confirment l’idée qu’il est possible pour un pays d’accroître le nombre de ses médailles olympiques à l’aide de politiques d’investissement public dans le sport. Les déterminants classiques du succès olympique tels que le PIB per capita permettent d’expliquer une partie significative du succès connu par les nations aux JO. Cependant, nous montrons que la variable de dépenses gouvernementales consacrées au sport semble être un meilleur indicateur des résultats olympiques qu’une variable de PIB. De plus, notre variable d’investissement public constitue un instrument de politique publique mieux ciblé pour atteindre les objectifs de succès d’une nation dans les JO.
74À notre connaissance, cet article est la première recherche identifiant de façon appropriée la politique gouvernementale de financement du sport comme déterminant du succès aux Jeux olympiques d’été. De plus, l’utilisation de spécifications de comptage à effets fixes nous démarque réellement des études précédentes. Dans les recherches futures, il serait pertinent d’analyser l’impact des investissements publics dans le sport d’une nation en tenant compte du fait que ceux-ci peuvent engendrer des réactions en investissement de la part de l’ensemble des autres nations concurrentes, dans un contexte de jeu stratégique.
Résultats de l’étape d’inflation pour les modèles à inflation de zéros
Résultats de l’étape d’inflation pour les modèles à inflation de zéros
Note : Les trois premières variables explicatives sont en proportion de la variable correspondante au niveau de l’ensemble des nations retenues et en ln. Écarts types entre parenthèses : * p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.Bibliographie
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Notes
-
[*]
CRREP, Départment d’économique, Université Laval. Correspondance : 1025, avenue des Sciences-Humaines, Université Laval, Québec (QC), G1V 0A6, Canada. Courriel : paul.blais-morisset.1@ulaval.ca
-
[**]
CRREP et CREATE, Départment d’économique, Université Laval. Correspondance : 1025, avenue des Sciences-Humaines, Université Laval, Québec (QC), G1V 0A6, Canada. Courriel : vincent.boucher@ecn.ulaval.ca
-
[***]
CRREP et CIRANO, Départment d’économique, Université Laval. Correspondance : 1025, Avenue des Sciences-Humaines, Université Laval, Québec (QC), G1V 0A6, Canada. Courriel : bernard.fortin@ecn.ulaval.ca
-
[1]
Voir Patrimoine canadien [2012]. Ce montant provient du programme de soutien aux sports, du programme de soutien aux athlètes et du programme d’accueil d’événements. Il exclut les investissements canadiens pour les infrastructures sportives.
-
[2]
Cette statistique provient de la compagnie d’analyse de marché The Nielsen Company [2008].
-
[3]
Une alternative aurait été d’utiliser les comptes publics de l’ensemble des nations participantes aux JO. Malheureusement, une telle approche soulève des défis insurmontables. En effet, elle exige l’obtention des budgets des nations participantes sur une période de temps suffisamment longue, la traduction des documents ainsi que la compilation de ces derniers sur une base comparable.
-
[4]
Disponible à l’adresse : http://www.rug.nl/ggdc/productivity/pwt/.
- [5]
- [6]
-
[7]
Notre modèle suppose que l’espérance conditionnelle du nombre total de médailles obtenues par le pays i à l’édition t en proportion du nombre total de médailles en jeu durant cette édition, Mt, est une fonction exponentielle des variables explicatives (en ln) autres que Mt. En déplaçant cette dernière variable à droite de l’équation, on obtient :ce qui est équivalent à l’équation 1. Le coefficient associé à lnMt dans cette équation est donc égal à l’unité. Les méthodes d’estimation retenues nous permettent d’imposer à 1 ce coefficient.
-
[8]
E(Mit) ≈ 11 et Var(Mit) ≈ 396.
-
[9]
En particulier, la variable d’investissement retardée de deux éditions est trop faiblement corrélée avec la variable endogène de droite pour être utilisée.
-
[10]
Il s’agit des spécifications de type cluster-robust (voir Cameron et Trivedi [2013], section 24.5.2), tenant compte des effets fixes (5) et de l’endogénéité (6).
-
[11]
Compte tenu de la difficulté d’estimer le modèle binomial négatif avec effets fixes et endogénéité, nous nous limiterons donc à la spécification du modèle de Poisson.
-
[12]
On doit cependant noter que les CIB des deux modèles ne sont pas parfaitement comparables puisque la définition de la variable dépendante n’est pas exactement la même.