Notes
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[*]
Université Paris Est (ERUDITE), École d’économie de Paris et Institut universitaire de France. Correspondance : ENS, bâtiment B, bureau 009, 48 boulevard Jourdan, 75014 Paris. Courriel : gregory.ponthiere@ens.fr
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[1]
Sur les dimensions environnementales affectant la mortalité, voir Sartor [2002].
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[2]
Voir également Finkelstein et al. [2003].
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[3]
4,3 millions de décès sont liés à la pollution intérieure, et 3,7 millions de décès sont liés à la pollution extérieure. Un million de décès sont causés par une double exposition.
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[4]
Ce fait est confirmé par les nombreuses études quantifiant les gains ou pertes de bien-être associés à des variations de longévité. Voir notamment Usher [1973], [1980], et, plus récemment, Costa et Steckel [1997], Becker, Philipson et Soares [2005] et Fleurbaey et Gaulier [2009].
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[5]
Sur l’incompatibilité de ces deux principes, voir Fleurbaey et Maniquet [2004].
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[6]
Il s’agit de la fonction de survie :
où et varie entre et 1 (PMAX). -
[7]
Vu que la probabilité de survie π(P) joue ici un rôle de taux d’escompte biologique, nous faisons abstraction des préférences temporelles pures.
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[8]
Vu que le travail est déjà source de désutilité à travers la pollution, nous faisons ici abstraction de la désutilité pure du travail.
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[9]
Notons que si l’existence d’un tel niveau de consommation neutre pour la continuation de l’existence semble plausible, la question empirique de l’estimation de ce niveau a été peu étudiée dans la littérature. Le plus souvent, comme chez Becker, Philipson et Soares [2005], la calibration, sur base d’estimations de la valeur d’une vie statistique, de la fonction d’utilité temporelle u(c) implique de facto un certain niveau pour .
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[10]
Notons que nos résultats ne seraient pas profondément affectés par l’introduction d’une désutilité pure du travail conduisant à une solution intérieure pour ℓ au laisser-faire.
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[11]
Notons que si l’on relâchait l’hypothèse de l’existence d’une consommation neutre non négative et que l’on supposait à la place u(c) > 0 pour tout c ≥ 0, alors cette seconde approche ne permettrait plus d’égaliser le niveau de bien-être des individus à vie longue et des individus à vie courte, ces derniers connaissant inévitablement une perte de bien-être par rapport à ceux qui vivent longtemps. Cependant, l’esprit de cette seconde approche serait conservé, car imposer un profil de consommation décroissant permet toujours de minimiser cette perte, même lorsque celle-ci ne peut pas être réduite à zéro.
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[12]
Cette conclusion prévaut évidemment dans le cas particulier où , c’est-à-dire lorsque toute pollution P strictement positive contribue à détériorer les chances de survie.
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[13]
L’intuition est que si est élevé, polluer au-delà de – et donc réduire la durée de vie des moins bien lotis – ne permet pas d’améliorer le sort de ceux-ci.
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[14]
Dans l’hypothèse extrême où u(c) > 0 ∀c ≥ 0, on donnerait, sous la seconde approche, 0 aux survivants, de sorte que l’attractivité de chaque approche dépendrait de savoir si :
La seconde approche (membre de droite) est donc ici plus attractive que dans l’hypothèse où il existe un niveau non négatif de consommation neutre pour la continuation de l’existence. -
[15]
Notons que dans le monde réel, où les polluants sont multiples, une telle identification est requise pour chaque polluant séparément. En effet, du point de vue des conditions de survie, le fait de dépasser le seuil pour un seul des polluants suffit à générer des décès prématurés, indépendamment des niveaux des autres polluants.
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[16]
Comme cela est discuté par Fleurbaey, Leroux et Ponthière [2014], les profils de loisir devraient aussi être modifiés, avec davantage de loisir aux âges jeunes. Par ailleurs, et toujours dans l’optique de réduire les pertes de bien-être pour les personnes à vie courte, le départ à la retraite pourrait être reporté de quelques années (voir Fleurbaey et al. [2016]).
Introduction
1La pollution de l’environnement – pollution de l’air, des sols, de l’eau – constitue un facteur de mortalité de premier plan [1]. Dans une étude longitudinale portant sur six villes américaines durant la période 1974-1998, Laden et al. [2006] ont estimé qu’une hausse de la concentration de particules fines PM2.5 de 10 mg/m3 cause une surmortalité de 15 % [2]. Dans une récente étude, l’Organisation mondiale de la santé (WHO [2014]) estime qu’en 2012, environ 7 millions de personnes sont décédées à cause d’une pollution de l’air [3].
2La surmortalité causée par la pollution de l’environnement est à l’origine d’inégalités dans les durées de vie. Étant donné que la longévité constitue une dimension essentielle du bien-être humain – nécessaire afin d’avoir une « vie bonne », quelle que soit la conception de la « vie bonne » à laquelle on adhère – mourir prématurément constitue une cause de déprivation majeure (Sen [1998]) [4]. Les inégalités de longévité liées à la pollution génèrent donc des fortes inégalités de bien-être entre les personnes.
3Est-ce que les inégalités de bien-être causées par une surmortalité liée à la pollution doivent être compensées ? En d’autres termes, faut-il compenser les victimes de la pollution, définies comme les personnes décédées prématurément à cause de la pollution ? Pour répondre à cette question, il est utile de revenir à la théorie de la justice élaborée par Fleurbaey [2008]. Cette théorie repose sur deux principes. D’une part, le principe de compensation, selon lequel des inégalités de bien-être causées par des facteurs sur lesquels les individus n’ont pas d’influence (c’est-à-dire des circonstances) doivent être abolies. D’autre part, le principe de récompense libérale, selon lequel des inégalités de bien-être causées par des facteurs sur lesquels les individus ont une influence doivent être laissées telles quelles, ces individus étant tenus pour responsables de leur sort [5].
4Appliquée à la surmortalité des victimes de la pollution, cette théorie de la justice conduit à deux observations. Tout d’abord, si l’on se place au niveau social, la pollution de l’environnement ne constitue pas une circonstance. Au contraire, cette pollution est une production jointe à la production de biens. Cependant, les victimes de la pollution ne peuvent pas pour autant être considérées comme responsables de leur sort. En effet, la mortalité liée à la pollution frappe les individus d’une manière arbitraire. Seules les personnes les plus vulnérables connaissent une surmortalité induite par cette pollution, tandis que les autres personnes, moins vulnérables, profitent de leur consommation de biens sans subir les dommages liés à la pollution (ou en subissant des dommages moindres). Par conséquent, si l’on applique le principe de compensation, les pouvoirs publics devraient chercher à réduire les écarts de bien-être associés à cette surmortalité, car celle-ci résulte, au niveau individuel, de circonstances sur lesquelles l’individu ne peut pas agir.
5L’objectif de cette étude est d’analyser la compensation des victimes de la pollution. Comme cela a été discuté antérieurement (Fleurbaey et Ponthière [2013] ; Fleurbaey, Leroux et Ponthière [2014]), la compensation des personnes disparues prématurément semble, à première vue, impossible. Ex ante, il est difficile d’identifier les personnes qui connaîtront un décès prématuré, tandis qu’ex post (une fois la durée de vie révélée), il est trop tard pour les compenser. Malgré ces difficultés, ces travaux ont montré qu’il était possible de minimiser les écarts de bien-être entre les individus à vie courte et à vie longue. À cette fin, l’optimum égalitarien ex post implique des profils de consommation décroissants avec l’âge, voire un report de l’âge de départ à la retraite (Fleurbaey et al. [2016]).
6La modification des profils de consommation peut donc permettre une réduction des inégalités de bien-être entre les personnes qui vivent longtemps et les personnes qui vivent moins longtemps. Notons toutefois que, dans le contexte qui nous intéresse, les pouvoirs publics disposent d’une autre stratégie pour réduire ces inégalités : modifier le niveau de la pollution. En effet, si l’on se place au niveau social, la pollution ne constitue pas une circonstance. Par conséquent, il existe, dans une économie où la production génère de la pollution – et, par là, de la surmortalité – deux manières de réduire les inégalités de bien-être sur la vie. D’une part, ces inégalités peuvent être réduites en modifiant la forme des profils de consommation, sans réduire le niveau de la production et de la pollution ; d’autre part, ces inégalités peuvent également être réduites en diminuant le niveau de la production et de la pollution, sans changer la forme des profils de consommation (seul le niveau de ces profils est alors affecté).
7La présente étude vise à étudier la compensation des victimes de la pollution dans un contexte où ces deux stratégies permettent une réduction des inégalités de bien-être. Pour ce faire, nous allons considérer une économie où la pollution, issue de l’activité de production, réduit la durée de vie de certaines personnes. Après avoir étudié le laisser-faire et l’optimum utilitariste, nous allons comparer ceux-ci à l’optimum égalitarien ex post, défini comme l’allocation maximisant le bien-être réalisé sur la vie de la personne la moins bien lotie dans la population. Nous identifierons les conditions sous lesquelles la stratégie visant à modifier les profils de consommation domine celle visant à modifier le niveau de la pollution.
8Anticipant nos résultats, nous montrons que lorsque le seuil de pollution au-dessus duquel une mortalité prématurée apparaît est élevé, l’optimum égalitarien ex post requiert une pollution égale à ce seuil, et donc inférieure à celle du laisser-faire et de l’optimum utilitariste. La réduction des inégalités de bien-être se fait alors par le moyen d’une diminution du niveau général de pollution. Par contre, lorsque le seuil au-dessus duquel une mortalité prématurée apparaît est faible, le niveau de pollution associé à l’optimum égalitarien ex post est égal à celui prévalant au laisser-faire, et supérieur à celui associé à l’optimum utilitariste. Dans ce second cas, la réduction des inégalités de bien-être est réalisée exclusivement par une modification de la forme des profils de consommation.
9Cette étude est organisée comme suit. La deuxième section présente le modèle. L’équilibre du laisser-faire est caractérisé dans la troisième section. L’optimum utilitariste est étudié dans la quatrième section, puis est comparé à l’optimum égalitarien ex post dans la cinquième section. La sixième section conclut.
Le modèle
10Nous étudions une économie dont la population est un continuum de taille unitaire. Les individus vivent soit deux périodes, soit une seule période. La durée de chaque période est normalisée à 1. Chaque individu travaille une fraction ℓ de la première période, et, en cas de survie, est retraité en seconde période. L’activité de production génère de la pollution. Cette pollution, au-delà d’un certain seuil, réduit les chances de survie.
11Nous supposons que la fonction de production prend la forme suivante :
13où Y est l’output, A est un paramètre de productivité et ℓ est la quantité de travail (0 ≤ ℓ ≤ 1).
14La pollution P est proportionnelle à l’output :
16où η > 0 reflète le caractère polluant du processus de production. Une interprétation simple de cette relation est de considérer qu’une production Y requiert une production d’énergie qui génère des émissions polluantes égales à ηY.
17La probabilité de survie en deuxième période dépend du niveau de la pollution, sur base de la fonction de survie suivante :
19Nous supposons que π(P) > 0 ∀P ≥ 0. L’impact de la pollution sur les chances de survie dépend du niveau de la pollution. En dessous d’un certain seuil, , la pollution n’a pas d’impact sur les chances de survie, et π = 1. Par contre, au-delà de , la pollution réduit les chances de survie :
21En ce qui concerne les dérivées de π(P), nous supposons :
23Vu que P = ηAℓ, un niveau particulier de ℓ est associé au seuil de pollution . Ce niveau, dénoté par , est tel que . Nous avons donc . Le seuil de travail au-delà duquel la pollution associée est une cause de mortalité est croissant avec , et décroissant avec η et A. Vu que ℓ prend 1 comme valeur maximale, la pollution maximale est égale à PMAX = ηA, conduisant à la plus petite probabilité de survie, égale à . La figure 1 illustre une fonction de survie satisfaisant nos hypothèses [6].
La fonction de survie π(P)
La fonction de survie π(P)
24Les individus ont des préférences qui satisfont l’hypothèse d’utilité attendue, et qui sont additives à travers le temps [7]. L’utilité de la mort étant normalisée à 0, la fonction d’utilité prend la forme [8] :
26où c est la consommation de première période, d est la consommation de seconde période. Nous supposons uʹ(c) > 0, uʺ(c) < 0 ainsi que limc→0uʹ(c) = +∞ et limc→+∞uʹ(c) = 0. Nous supposons qu’il existe un seuil de consommation rendant l’individu indifférent entre, d’une part, la période de vie avec et, d’autre part, la mort (voir Becker, Philipson et Soares [2005]). satisfait .
27Supposer qu’il existe un niveau de consommation non négatif neutre pour la continuation de l’existence peut, à première vue, apparaître comme une hypothèse très forte. Cependant, supposer, au contraire, qu’il n’existe pas de niveau de consommation tel que constituerait une hypothèse encore plus forte. En effet, sous cette hypothèse alternative, deux cas pourraient alors se présenter : soit être en vie avec n’importe quel niveau de consommation – même 0 – serait toujours considéré comme strictement mieux que d’être mort (c’est le cas où u(c) > 0 ∀c ≥ 0) ; soit être en vie avec n’importe quel niveau de consommation – même très élevé – serait toujours considéré comme strictement moins bien que d’être mort (c’est le cas où u(c) < 0 ∀c ≥ 0). Ces deux cas étant peu plausibles, nous allons supposer qu’il existe un niveau de consommation non négatif neutre pour la continuation de l’existence , c’est-à-dire tel que [9].
28Notons que la fonction d’utilité est telle que la pollution n’affecte le bien-être sur la vie qu’à travers une détérioration des conditions de survie, et pas autrement. Il s’agit là d’une simplification non négligeable : dans la réalité, un environnement pollué est aussi une source de réduction du bien-être, indépendamment de ses effets sur les chances de survie. Nous allons néanmoins nous en tenir à cette formulation simplifiée, car notre propos porte sur la surmortalité induite par la pollution, plus que sur les dommages moindres associés à celle-ci. De plus, l’ajout d’une désutilité pure de la pollution compliquerait notre analyse sans modifier fondamentalement nos résultats.
Le laisser-faire
29Nous supposons, au laisser-faire, que le travail est rémunéré à sa productivité marginale, et qu’il existe un marché d’annuités parfait, donnant un rendement actuariellement juste. Dès lors, le taux de rendement brut sur l’épargne, dénoté par , est :
31où R est égal à 1 plus le taux d’intérêt. Afin de simplifier l’exposition, nous supposerons ici que R = 1.
32Au laisser-faire, les individus choisissent une quantité de travail ℓ et une épargne s de manière à maximiser leur bien-être attendu sur la vie, tout en satisfaisant leurs contraintes budgétaires de première et seconde périodes :
34Bien que les choix de travail affectent la taille de l’output et, par là, le niveau de la pollution et de l’espérance de vie 1 + π(P), nous allons ici supposer que les individus sont myopes et ne voient pas l’impact de leurs décisions de production sur les conditions de survie prévalant dans l’économie. En d’autres termes, les individus prennent la probabilité de survie π(P) comme donnée , alors que celle-ci dépend de leur propre mode de vie.
35Le problème des individus myopes au laisser-faire s’écrit :
37La condition de premier ordre pour une épargne optimale est :
39Il est donc ici optimal de lisser la consommation sur le cycle de vie (c = d).
40En ce qui concerne le choix de la quantité de travail, la condition de premier ordre est, de par la myopie des agents :
42Vu que pour tout c ≥ 0, nous avons uʹ(d) > 0, de sorte que ces deux conditions de premier ordre ne peuvent pas être satisfaites ensemble. Comme les individus ne voient pas l’effet néfaste de la production sur leurs chances de survie, le gain marginal d’utilité associé à une quantité de travail légèrement supérieure est toujours perçu comme plus grand que la perte marginale d’utilité associée à cette hausse du travail. Les individus choisissent donc une solution de coin, qui est la quantité maximale de travail ℓ = 1 [10]. Il s’ensuit que la probabilité de survie prend son niveau minimum : .
43Proposition 1. Au laisser-faire, nous avons :
45Preuve. À partir de la condition de premier ordre pour l’épargne, nous avons c = d. Étant donné les contraintes budgétaires c = Aℓ – s et , la contrainte intertemporelle Aℓ = c + πd est égale à Aℓ c(1 + π). Vu que ℓ = 1, nous avons et .
46Étant donné que πLF < 1, certains individus disparaissent avant d’avoir atteint l’âge de la retraite. Ces disparitions prématurées conduisent, en général, à des inégalités de bien-être réalisé sur la vie. En effet, au laisser-faire, le bien-être réalisé d’un individu malchanceux à vie courte est égal à : , tandis que celui d’un individu chanceux à vie longue est égal à : . Il s’ensuit que l’individu à vie courte est pénalisé au laisser-faire lorsque :
48Cette condition est très plausible dans une économie où la productivité A est suffisamment élevée. Dans le reste de l’article, nous supposerons que , de sorte qu’au laisser-faire les individus décédés prématurément sont moins bien lotis que les individus profitant de leur retraite.
L’optimum utilitariste
49Le planificateur social utilitariste choisit les niveaux d’épargne et de travail qui maximisent le bien-être social, défini comme la somme des utilités individuelles. Contrairement aux individus, le planificateur utilitariste ne souffre pas de myopie et prend pleinement en compte l’effet de la production sur la pollution et sur les conditions de survie.
50Le problème du planificateur social utilitariste s’écrit :
52Les conditions de premier ordre pour les consommations impliquent :
54Comme au laisser-faire, le lissage de la consommation sur le cycle de vie est optimal. Nous obtenons donc, en utilisant la contrainte budgétaire intertemporelle Aℓ = c + πd, que .
55La condition de premier ordre pour le travail est :
57Cette condition peut être réécrite comme :
59L’étude de cette condition donne les résultats suivants.
60Proposition 2. À l’optimum utilitariste,
61• Si l’optimum utilitariste est unique et nous avons :
63• Si l’optimum utilitariste est unique et nous avons :
65où ℓU satisfait .
66Preuve.
67• Existence de l’optimum utilitariste.
68En remplaçant pour , la condition de premier ordre pour ℓ devient :
70Cette condition peut être réécrite comme :
72Lorsque ℓ tend vers 0, le membre de gauche tend vers , tandis que le membre de droite tend vers –η0[u(0)] = 0. Lorsque ℓ tend vers par le bas, le membre de gauche de la condition tend vers , tandis que le membre de droite tend vers . En fait, comme , le membre de gauche est toujours supérieur au membre de droite, de sorte que le ℓ optimal n’est pas compris dans l’intervalle .
73Lorsque ℓ tend vers par le haut, le membre de gauche de la condition tend vers , tandis que le membre de droite tend vers . Le membre de gauche est supérieur au membre de droite, car . Il est donc socialement optimal d’avoir . Lorsque ℓ tend vers 1, le membre de gauche de la condition tend vers , tandis que le membre de droite tend vers . Dès lors, plusieurs cas peuvent se produire :
- si , le ℓ optimal est égal à 1 ;
- si , le ℓ optimal appartient à l’intervalle . En effet, le membre de gauche excède le membre de droite pour ℓ proche de , mais est inférieur au membre de droite pour ℓ = 1, de sorte que, par continuité, il existe un ℓ optimal intérieur satisfaisant :
75Une fois ℓ connu, il est possible de dériver .
76Si , on a .
77Si on a
78avec ℓ satisfaisant
80• Unicité de l’optimum utilitariste.
81L’unicité prévaut lorsque . En effet, dans ce cas-là, la quantité de travail maximale est optimale du point de vue utilitariste, et on a donc une solution de coin ℓ = 1. Pour un niveau donné de ℓ, on obtient les consommations à partir de , et on a donc L’optimum utilitariste est alors unique.
82Dans le cas où , l’unicité de l’optimum utilitariste (qui est ici un optimum intérieur) peut être étudiée en repartant de la condition de premier ordre pour un travail optimal. On a :
84Le membre de gauche de cette expression est strictement décroissant en ℓ. Par la condition d’existence d’un optimum intérieur, on sait que quand ℓ = 1, on a :
86de sorte que le membre de droite de la condition ci-dessus est plus grand que le membre de gauche. Dès lors, si on revient à l’expression :
88étant donné que le membre de gauche est strictement décroissant avec ℓ, et qu’en ℓ = 1 le membre de droite est plus grand que le membre de gauche, une condition suffisante pour l’unicité de l’optimum utilitariste intérieur est que le membre de droite soit strictement monotone croissant dans ℓ. La dérivée du membre de droite par rapport à ℓ est :
90Étant donné que l’on est à un optimum intérieur, on a nécessairement . Dès lors, de par la concavité de , on sait que le premier terme est nécessairement positif. Le second terme peut être simplifié comme suit :
92Vu que , ce terme est strictement positif. Par conséquent, est strictement monotone croissant dans ℓ.
93Dès lors, la condition suffisante pour l’unicité de l’optimum utilitariste intérieur est nécessairement vérifiée. Nous pouvons donc dire que lorsqu’il existe un optimum utilitariste intérieur, celui-ci est nécessairement unique.
94La condition de la proposition 2 peut être écrite comme , de sorte que la structure de l’optimum utilitariste dépend de la forme précise des fonctions et . Notons également que, dans les économies pauvres, la productivité A est faible, de sorte que est très élevé et est faible. Il s’ensuit que le premier cas – où l’optimum utilitariste coïncide avec le laisser-faire – est ici davantage probable. Par contre, dans les économies avancées, où A est élevé, est davantage faible et est plus élevé, de sorte que l’optimum utilitariste est davantage susceptible d’appartenir au second cas.
95Sur base des propositions 1 et 2, la comparaison avec le laisser-faire est immédiate. Comme le montre la proposition 3, l’optimum utilitariste coïncide avec le laisser-faire lorsque :
97par contre, il est associé à des consommations plus petites, à une production et une pollution moindres, et à une espérance de vie plus élevée qu’au laisser-faire lorsque :
99Proposition 3. Comparons le laisser-faire et l’optimum utilitariste.
100• Si , nous avons :
102• Si , nous avons :
105Preuve. La preuve repose sur la comparaison des propositions 1 et 2.
106Notons cependant que, même si l’optimum utilitariste est, sous certaines conditions, associé à une mortalité moindre qu’au laisser-faire, il n’en demeure pas moins que la pollution conduit, même à l’optimum utilitariste, à des décès prématurés. Il en résulte un écart de bien-être réalisé entre les individus chanceux à vie longue et les individus malchanceux à vie courte.
107Lorsque , cet écart est positif si et seulement si :
109Cette condition est identique à celle prévalant au laisser-faire.
110Lorsque , cet écart est positif si et seulement si :
112Les inégalités de bien-être réalisé sont ici réduites par rapport au laisser-faire, car la consommation en seconde période est plus faible qu’au laisser-faire, de par une production moindre et une plus grande proportion de retraités.
L’optimum égalitarien ex post
113Au laisser-faire comme à l’optimum utilitariste, certains individus décèdent avant d’avoir atteint la seconde période de vie. Ces décès précoces sont causés par un niveau de pollution excédant le seuil . Notons que si tous les jeunes adultes contribuent ici également au processus de pollution, seuls certains d’entre eux sont victimes de la pollution ainsi générée. Il en résulte des inégalités de bien-être réalisé sur la vie plus ou moins importantes.
114Ces inégalités prévalant ex post sont inacceptables : comment justifier que, parmi des individus égaux ex ante, certains d’entre eux – ceux qui ont une vie courte – sont fortement désavantagés par rapport aux autres ? La responsabilité de chacun est engagée – chacun contribue ici au processus de pollution, y compris ceux qui décèdent prématurément – mais l’inégalité qui en résulte en termes de bien-être ex post n’est pas juste. Face à une situation où des individus égaux ex ante se retrouvent ex post avec des niveaux de bien-être réalisé très différents, un planificateur social peut estimer que ces écarts de bien-être relèvent de l’arbitraire de la nature et va chercher à minimiser ceux-ci.
115Le problème du planificateur égalitarien ex post consiste à choisir les niveaux de production et de consommation de manière à maximiser le niveau de bien-être sur la vie des personnes les moins bien loties. Si l’on considère une économie où π < 1, le problème est simple, car les individus les moins bien lotis sont généralement ceux qui bénéficient d’une vie courte. Le planificateur peut donc maximiser leur bien-être en transférant les ressources vers les âges jeunes, de manière à compenser ceux qui disparaissent plus tôt (voir Fleurbaey, Leroux et Ponthière [2014]).
116Cependant, dans le présent contexte, la proportion de survivants dépend du niveau de pollution, qui est choisi par le planificateur. Le niveau de bien-être minimum dans l’économie considérée prend donc la forme suivante :
118Il existe donc, dans le présent contexte, deux manières distinctes de maximiser le bien-être des individus les moins bien lotis. Une première manière consiste à produire de façon à ce que la pollution soit inférieure ou égale au seuil , ce qui revient à travailler une quantité . Dans ce cas, tous les individus bénéficient d’une vie longue (π = 1). Une seconde manière consiste à produire bien plus , générant ainsi une pollution supérieure au seuil , et à transférer une grande partie des ressources produites vers les âges jeunes, de façon à compenser ceux qui auront, du fait de cette pollution, une vie plus courte. La question est donc de savoir dans quel cas – ou – les personnes les moins bien loties ont le niveau de bien-être réalisé le plus élevé.
119Considérons le premier cas, où . Dans ce cas, tous les membres de la population bénéficient de la même durée de vie. Le niveau de bien-être de tous les individus est égal à u(c) + u(d). Dès lors, le problème du planificateur est :
121Vu que le Lagrangien associé est croissant en ℓ pour des valeurs de , la solution de ce problème est donnée par :
123Il s’ensuit que le bien-être maximum des individus les moins bien lotis est ici égal à :
125Ce niveau de bien-être est apprécié par tous les membres de la population, puisque tous les individus ont ici exactement la même vie (même durée et même profil de consommation).
126Considérons le second cas, où . Dans ce cas, la population se divise ex post en deux groupes. D’une part, des individus qui vivent une seule période et dont le bien-être est u(c). D’autre part, des individus qui vivent deux périodes et dont le bien-être est u(c) + u(d). Le problème du planificateur est donc :
128La fonction objectif est ici non différentiable. Mais ce problème peut être réécrit sous une forme plus appropriée. Pour ce faire, notons que la condition u(d) = 0 est nécessaire et suffisante pour égaliser le niveau de bien-être réalisé des membres des deux groupes. Cette condition équivaut à . Dès lors, sous l’hypothèse que l’économie est suffisamment productive , le problème peut être réécrit comme un problème de maximisation de la consommation de première période c sous la contrainte de ressources, sous la contrainte et sous la contrainte égalitarienne , qui assure que les individus à vie longue ne sont ni mieux ni moins bien lotis que les individus à vie courte. Étant donné que et que , le problème peut s’écrire comme :
130Vu que, pour , nous avons , il s’ensuit que la fonction objectif est croissante en ℓ pour des valeurs de . Par conséquent, l’optimum égalitarien ex post est le suivant :
132Cet optimum inclut, comme au laisser-faire, ℓ = 1, et conduit à la même mortalité qu’au laisser-faire . Mais il est très différent du laisser-faire, au sens où le profil de consommation est ici décroissant avec l’âge et non plus plat comme au laisser-faire. Le bien-être des moins bien lotis est ici égal à :
134Ce niveau de bien-être est également celui dont bénéficient les individus qui vivent longtemps, car ceux-ci ne profitent, par construction, que d’une utilité additionnelle en seconde période. Par conséquent, sous cette seconde option, des inégalités de durée de vie prévalent, mais le profil de consommation est tel que les individus sont indifférents entre avoir une vie longue ou une vie courte [11].
135En définitive, l’option la plus favorable pour le planificateur égalitarien ex post dépend de savoir si :
137Le choix est donc entre, d’une part, produire au seuil critique et répartir ces quelques ressources également à travers les âges, et, d’autre part, produire au-dessus du seuil critique et concentrer ces ressources aux jeunes âges, afin de neutraliser l’effet des décès prématurés. La proposition 4 identifie les conditions sous lesquelles les deux options sont les plus souhaitables.
138Proposition 4. Considérons l’optimum égalitarien ex post. Définissons
140• Si , alors :
142• Si , alors :
144• Si , fixer ou ℓPOST = 1 génère le même bien-être pour les moins bien lotis.
145Preuve. Les deux alternatives génèrent le même niveau de bien-être pour le moins bien loti lorsque : . Isolant , nous obtenons : . Lorsque , la première alternative donne un niveau de bien-être réalisé pour le moins bien loti supérieur. Lorsque , c’est la deuxième option qui est préférable.
146La forme de l’optimum égalitarien ex post dépend du seuil en dessous duquel la pollution ne conduit pas à des décès prématurés. Si ce seuil est élevé , il est optimal, d’un point de vue ex post égalitarien, de faire travailler les individus au niveau de ce seuil , de manière à maximiser le bien-être sur la vie des individus, qui, sous cette option, profitent tous de la même durée de vie. Par contre, si le seuil est faible , alors l’optimum égalitarien ex post requiert une quantité de travail supérieure à , conduisant à des décès prématurés. En effet, dans ce cas, la survie de tous – impliquant – se ferait au détriment des moins bien lotis, à cause de consommations trop faibles. Cela explique qu’il est alors optimal, dans l’intérêt des moins bien lotis, d’augmenter la production et la pollution au-delà du seuil [12].
147Notons que plus est élevé et plus le seuil est faible, ce qui rend la première option – la pollution maintenue à – davantage souhaitable [13]. Par ailleurs, si les individus assignent une grande valeur à la survie, est faible, ce qui augmente le seuil , rendant la première option – la pollution maintenue à – moins attractive. En effet, un plus faible rend l’option « pollution au-delà de » plus attractive pour les moins bien lotis, car un faible permet au planificateur égalitarien de redistribuer davantage vers les jeunes [14].
148La proposition 5 compare l’optimum égalitarien ex post avec le laisser-faire.
149Proposition 5. Comparons l’optimum égalitarien ex post avec le laisser-faire :
150• Si , alors :
153• Si , alors :
155Preuve. La première partie de la proposition découle de et . Vu que et , on a cPOST < cLF. Le même raisonnement prévaut pour . En ce qui concerne la seconde partie, l’hypothèse implique cPOST > cLF et dPOST < dLF.
156Si le seuil au-dessus duquel la pollution devient une cause de décès prématuré est élevé, l’optimum égalitarien ex post implique une quantité de travail plus faible qu’au laisser-faire, des consommations plus faibles, mais une espérance de vie plus grande. Par contre, si le seuil est faible, le laisser-faire et l’optimum égalitarien ex post impliquent les mêmes niveaux de production, de pollution et d’espérance de vie. Les profils de consommation sont toutefois différents : la consommation aux jeunes âges est plus élevée qu’au laisser-faire sous l’optimum ex post, mais plus faible aux âges élevés.
157Proposition 6. Comparons l’optimum égalitarien ex post avec l’optimum utilitariste sous :
158• Si , alors :
160• Si , alors :
162Preuve. L’inégalité cPOST < cU provient de pour . De même, l’inégalité dPOST < dU provient de pour .
163Si le seuil au-delà duquel la pollution devient une cause de décès est supérieur à , l’optimum égalitarien ex post implique moins de production et de pollution que sous l’optimum utilitariste, une espérance de vie plus élevée, mais au prix de consommations plus petites. Par contre, si est inférieur à , l’optimum égalitarien ex post implique davantage de production et de pollution, ainsi qu’une espérance de vie plus petite.
Conclusions
164Cette étude a analysé la compensation des individus victimes d’une surmortalité causée par la pollution. Pour ce faire, nous avons caractérisé, dans un modèle du cycle de vie où la pollution affecte les chances de survie, l’optimum égalitarien ex post, et nous l’avons comparé au laisser-faire, ainsi qu’à l’optimum utilitariste.
165Notre analyse a révélé que l’optimum égalitarien ex post peut comporter une pollution soit inférieure, soit égale à celle prévalant au laisser-faire. De plus, l’optimum égalitarien ex post peut être caractérisé par une pollution et une mortalité soit plus faibles, soit plus élevées qu’à l’optimum utilitariste. La comparaison des deux optima sociaux requiert donc une analyse précise des caractéristiques du processus de pollution étudié. Ces caractéristiques incluent non seulement le niveau critique , en dessous duquel la pollution n’a pas d’effet sur la mortalité, mais également les caractéristiques et , qui déterminent le seuil , et, par là, la forme précise de l’optimum égalitarien ex post.
166Quels pourraient être les apports pratiques de cette étude pour l’amélioration, dans la réalité, du sort des victimes de la pollution ? Répondre à cette question exige une certaine prudence, tant le modèle que nous avons étudié est une forme réduite épurée, avec deux périodes de vie, un seul bien et un seul polluant. Néanmoins, malgré ces simplifications, notre analyse a le mérite de mettre en lumière l’existence de deux canaux distincts par lesquels nos sociétés peuvent réduire l’impact négatif de la pollution sur les plus démunis. Le premier canal consiste à réduire la pollution elle-même, afin de la rapprocher le plus possible du seuil de nocivité (seuil à identifier au préalable) [15]. Le second canal, moins évident à première vue, consiste à modifier les profils de consommation tout au long de la vie, en les rendant davantage décroissants avec l’âge, afin de réduire le plus possible les pertes pour les victimes de la pollution [16].
167Si l’on adopte, comme dans cette étude, le point de vue de l’optimum égalitarien ex post, la solution optimale est de type « bang bang » et requiert qu’un seul de ces canaux – celui qui améliore le plus le sort des moins bien lotis – soit suivi. Notons que si l’on adoptait un objectif social moins extrême (présentant une aversion à l’inégalité plus faible), la compensation des victimes de la pollution pourrait s’appuyer simultanément, et dans certaines proportions, sur la réduction des émissions et sur les modifications des profils de consommation. Le sort des victimes de la pollution pourrait alors être amélioré par l’action jointe de politiques de réduction des émissions et de politiques fiscales encourageant des profils de consommation (davantage) décroissants avec l’âge (taxe sur l’épargne).
168À cela, on pourra objecter que ces analyses sont effectuées dans le cadre idéal d’une économie au premier rang. Dans la réalité, la mise en œuvre de telles politiques fait face à de nombreux obstacles qui constituent, dans un monde de second rang, autant de freins à la compensation des victimes de la pollution. Il est cependant à espérer que poser, comme nous l’avons fait ici, la question de la compensation des victimes de la pollution contribuera, dans une certaine mesure, à mieux éclairer la problématique des injustices face à la pollution, et les défis que ces injustices posent aux décideurs publics.
Bibliographie
Références bibliographiques
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- Fleurbaey M. et Gaulier G. [2009], « International Comparisons of Living Standards by Equivalent Incomes », The Scandinavian Journal of Economics, 111 (3), p. 597-624.
- Fleurbaey M., Leroux M.-L., Pestieau P. et Ponthière G. [2016], « Fair Retirement under Risky Lifetime », International Economic Review, 57 (1), p. 177-210.
- Fleurbaey M., Leroux M.-L. et Ponthière G. [2014], « Compensating the Dead », Journal of Mathematical Economics, 51 (1), p. 28-41.
- Fleurbaey M. et Maniquet F. [2004], « Compensation and Responsibility », dans K. Arrow, A. Sen et K. Suzumura (dir.), Handbook of Social Choice and Welfare, vol. 2, Amsterdam, North-Holland, p. 507-604.
- Fleurbaey M. et Ponthière G. [2013], « Prevention against Equality? », Journal of Public Economics, 103 (1), p. 68-84.
- Laden F., Schwartz J., Speizer F. A. et Dockery D. W. [2006], « Reductions in Fine Particulate Air Pollution and Mortality: Extended Follow-Up of the Harvard Six Cities Study », American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 173 (6), p. 667-672.
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- Usher D. [1973], « An Imputation to the Measure of Economic Growth for Changes in Life Expectancy », dans M. Moss (dir.), The Measurement of Economic and Social Performance, Cambridge (Mass.), NBER, p. 193-232.
- Usher D. [1980], The Measurement of Economic Growth, New York, Columbia University Press.
- WHO [2014], « 7 Million Deaths Annually Linked to Air Pollution », communiqué de presse, World Health Organization, Genève, 25 mars, disponible sur http://www.who.int/phe/health_topics/outdoorair/databases/en/.
Notes
-
[*]
Université Paris Est (ERUDITE), École d’économie de Paris et Institut universitaire de France. Correspondance : ENS, bâtiment B, bureau 009, 48 boulevard Jourdan, 75014 Paris. Courriel : gregory.ponthiere@ens.fr
-
[1]
Sur les dimensions environnementales affectant la mortalité, voir Sartor [2002].
-
[2]
Voir également Finkelstein et al. [2003].
-
[3]
4,3 millions de décès sont liés à la pollution intérieure, et 3,7 millions de décès sont liés à la pollution extérieure. Un million de décès sont causés par une double exposition.
-
[4]
Ce fait est confirmé par les nombreuses études quantifiant les gains ou pertes de bien-être associés à des variations de longévité. Voir notamment Usher [1973], [1980], et, plus récemment, Costa et Steckel [1997], Becker, Philipson et Soares [2005] et Fleurbaey et Gaulier [2009].
-
[5]
Sur l’incompatibilité de ces deux principes, voir Fleurbaey et Maniquet [2004].
-
[6]
Il s’agit de la fonction de survie :
où et varie entre et 1 (PMAX). -
[7]
Vu que la probabilité de survie π(P) joue ici un rôle de taux d’escompte biologique, nous faisons abstraction des préférences temporelles pures.
-
[8]
Vu que le travail est déjà source de désutilité à travers la pollution, nous faisons ici abstraction de la désutilité pure du travail.
-
[9]
Notons que si l’existence d’un tel niveau de consommation neutre pour la continuation de l’existence semble plausible, la question empirique de l’estimation de ce niveau a été peu étudiée dans la littérature. Le plus souvent, comme chez Becker, Philipson et Soares [2005], la calibration, sur base d’estimations de la valeur d’une vie statistique, de la fonction d’utilité temporelle u(c) implique de facto un certain niveau pour .
-
[10]
Notons que nos résultats ne seraient pas profondément affectés par l’introduction d’une désutilité pure du travail conduisant à une solution intérieure pour ℓ au laisser-faire.
-
[11]
Notons que si l’on relâchait l’hypothèse de l’existence d’une consommation neutre non négative et que l’on supposait à la place u(c) > 0 pour tout c ≥ 0, alors cette seconde approche ne permettrait plus d’égaliser le niveau de bien-être des individus à vie longue et des individus à vie courte, ces derniers connaissant inévitablement une perte de bien-être par rapport à ceux qui vivent longtemps. Cependant, l’esprit de cette seconde approche serait conservé, car imposer un profil de consommation décroissant permet toujours de minimiser cette perte, même lorsque celle-ci ne peut pas être réduite à zéro.
-
[12]
Cette conclusion prévaut évidemment dans le cas particulier où , c’est-à-dire lorsque toute pollution P strictement positive contribue à détériorer les chances de survie.
-
[13]
L’intuition est que si est élevé, polluer au-delà de – et donc réduire la durée de vie des moins bien lotis – ne permet pas d’améliorer le sort de ceux-ci.
-
[14]
Dans l’hypothèse extrême où u(c) > 0 ∀c ≥ 0, on donnerait, sous la seconde approche, 0 aux survivants, de sorte que l’attractivité de chaque approche dépendrait de savoir si :
La seconde approche (membre de droite) est donc ici plus attractive que dans l’hypothèse où il existe un niveau non négatif de consommation neutre pour la continuation de l’existence. -
[15]
Notons que dans le monde réel, où les polluants sont multiples, une telle identification est requise pour chaque polluant séparément. En effet, du point de vue des conditions de survie, le fait de dépasser le seuil pour un seul des polluants suffit à générer des décès prématurés, indépendamment des niveaux des autres polluants.
-
[16]
Comme cela est discuté par Fleurbaey, Leroux et Ponthière [2014], les profils de loisir devraient aussi être modifiés, avec davantage de loisir aux âges jeunes. Par ailleurs, et toujours dans l’optique de réduire les pertes de bien-être pour les personnes à vie courte, le départ à la retraite pourrait être reporté de quelques années (voir Fleurbaey et al. [2016]).