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EconomiX, Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Correspondance : ufr segmi, bât. G, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 200 avenue de la République, 92 001 Nanterre Cedex. Courriel : stokpavi@u-paris10.fr
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La littérature économétrique s’est beaucoup plus focalisée sur l’estimation de modèles de régression avec une variable dépendante censurée. Le très populaire modèle Tobit offre dans ce cas une spécification rigoureuse.
1Quels sont les facteurs susceptibles d’expliquer la plus ou moins forte résilience des institutions bancaires aux crises financières ? Cette question d’importance pour le régulateur connaît un regain d’intérêt depuis la dernière crise financière car l’identification de ces facteurs est essentielle pour l’amélioration de la stabilité financière et/ou la prévention des crises financières. Dans la littérature, l’approche traditionnelle retenue et qui découle de l’article séminal de Altman [1968] revient à rechercher ces facteurs dans un ensemble de ratios financiers mesurant la santé financière d’une institution bancaire. Au-delà des ratios financiers, on retrouve une autre approche qui tente d’analyser le rôle joué par la structure de gouvernance sur la performance des banques (Beltratti et Stulz [2012] ; Erkens, Hung et Matos [2012]). L’article s’inscrit dans cette seconde approche et aborde une question essentielle, à savoir dans quelle mesure l’excès de droits de contrôle (divergence entre les droits de contrôle et les droits pécuniaires de l’actionnaire ultime) impacte le risque de défaut des banques. L’analyse est conduite pour un échantillon de banques européennes au travers de deux questions : (i) la stabilité de la relation selon les états de marché, (ii) le rôle joué par des facteurs comme la nature de l’actionnaire ultime (famille ou non) et le degré de protection de l’actionnariat (faible ou fort) sur la relation.
2Les résultats empiriques mettent en exergue une instabilité de la relation dans le temps : si l’excès de droits de contrôle est associé à une probabilité de défaillance plus élevée hors périodes de crise (2002-2006 et 2009-2010), il contribue à la résilience des banques en période de crise (2007-2008). De plus, les auteurs trouvent une relation plus accentuée dans le cas des banques contrôlées par des familles, mais aussi dans les pays à faible protection de l’actionnariat.
3Quelques suggestions émergent à la lecture de l’article. La première est liée au choix des modèles estimés pour une mise en perspective claire des résultats. En effet, même si les modèles estimés montrent une relation significative entre l’excès de droits de contrôle et le risque de défaut, il faudrait s’attacher dans de futurs travaux à présenter des éléments qui permettent d’appréhender l’importance relative des facteurs traditionnels (ratios financiers) et l’excès de droits de contrôle dans l’explication du risque de défaut. En effet, la réponse à cette question est essentielle, car elle offrirait au régulateur une hiérarchie entre les facteurs financiers et ceux liés à la structure de gouvernance, en particulier ici la divergence entre les droits de contrôle et les droits pécuniaires de l’actionnaire ultime. Elle permettrait de mesurer le caractère systémique relatif de cette dernière variable. Une méthode simple pour s’en rendre compte serait de présenter les résultats de chacune des régressions du tableau 1 avec et sans les variables de contrôle.
4La deuxième suggestion est méthodologique. La variable indépendante d’intérêt, à savoir l’excès de droits de contrôle est censurée, car pour de nombreuses banques (environ 50 %) cette variable est égale à zéro (cf. Tarazi et Zedek [2014]). Or quelques travaux économétriques mettent en exergue l’existence de biais résultant de l’estimation par moindres carrés ordinaires ou par variables instrumentales de modèles de régression incluant des variables indépendantes censurées (Rigobon et Stoker [2007], [2009] ; Tsimikas [2012]) [1]. Une solution simple serait l’estimation du modèle en excluant les observations censurées. Elle n’est cependant appropriée que si le processus de censure n’est pas informatif. Cette hypothèse semble ne pas être valide dans le cas présent, car de nombreuses variables financières pouvant influencer la probabilité de défaillance diffèrent en moyenne suivant les deux groupes d’individus, à savoir les censurés et les non-censurés (cf. Tarazi et Zedek [2014]).
5La troisième suggestion est également méthodologique. Des travaux ont mis en exergue le caractère endogène des variables liées à la structure de la propriété (Demsetz et Lehn [1985] ; Himmelberg et al. [1999] ; Almeida et al. [2011]). Dans le cas présent, l’endogénéité devrait résulter du fait que le risque de défaut de la banque impacte l’excès de droits de contrôle. Cependant, la méthode d’estimation retenue est celle des moindres carrés généralisés, choix basé sur les résultats du test de Hausman qui conclut à l’exogénéité de cette variable (cf. Tarazi et Zedek [2014]). Un tel résultat appelle des approfondissements. Est-ce une spécificité des banques européennes ? Ou alors n’est-ce pas l’existence de biais évoquée plus haut qui impacte les résultats du test de Hausman ? Un travail intéressant, qui va bien évidemment au-delà des objectifs de cet article, serait de mesurer, via des simulations de Monte Carlo, l’impact sur le test de Hausman de la présence de censure.
6En conclusion, si l’article aborde un sujet d’intérêt pour le régulateur et y apporte des réponses satisfaisantes, la prise en compte des éléments méthodologiques mis en exergue devrait permettre d’améliorer qualitativement les investigations futures sur le sujet. Enfin, les implications à tirer des résultats de l’article, quant à la supervision bancaire et la régulation du risque systémique, doivent être réévaluées afin que, par exemple, le régulateur puisse utiliser dans ses travaux le résultat selon lequel la relation entre l’excès de droits de contrôle et le risque de défaut est accentuée lorsque l’actionnaire ultime est de type familial.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Almeida H., Park S.Y., Subrahmanyam M.G., Wolfenzon D. [2011], « The structure and formation of business groups : Evidence from Korean Chaebols », Journal of Financial Economics, 99 (2), p. 447-475.
- Altman E.I. [1968], « Financial Ratios, Discriminant Analysis and the Prediction of Corporate Bankruptcy », Journal of Finance, 23 (4), p. 589-609.
- Beltratti A., Stulz R.M. [2012], « The credit crisis around the Globe : Why did some banks perform better ? », Journal of Financial Economics, 105 (1), p. 1-17.
- Demsetz H., Lehn K. [1985], « The structure of corporate ownership : causes and consequences », Journal of Political Economy, 93(6), p. 1155-77.
- Erkens D., Hung M., Matos P. [2012], « Corporate governance in the 2007-2008 financial crisis : Evidence from financial institutions worldwide », Journal of Corporate Finance, 18, p. 389-411.
- Himmelberg C.P., Hubbard R.G., Palia D. [1999], « Understanding the determinants of managerial ownership and the link between ownership and performance », Journal of Financial Economics, 53 (3), p. 353-384.
- Rigobon R., Stoker T. [2007], « Estimation with censored regressors (Basic Issues) », International Economic Review, 40, p. 1441-1467.
- Rigobon R., Stoker T. [2009], « Bias From Censored Regressors », Journal of Business & Economic Statistics, 27 (3), p. 340-354.
- Saghi-Zedek N., Tarazi A., « Droits de contrôle versus droits pécuniaires, crise financière et vulnérabilité des banques européennes », Revue économique, 66 (3), p. 527-536.
- Tarazi A., Zedek N. [2014], « Excess control rights, financial crisis and bank profitability and risk », Université de Limoges Working Paper.
- Tsimikas J.V., Bantis L.E., Georgiou S.D. [2012], « Inference in generalized linear regression models with a censored covariate », Computational Statistics & Data Analysis, 56 (6), p. 1854-1868.
Notes
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EconomiX, Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Correspondance : ufr segmi, bât. G, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 200 avenue de la République, 92 001 Nanterre Cedex. Courriel : stokpavi@u-paris10.fr
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La littérature économétrique s’est beaucoup plus focalisée sur l’estimation de modèles de régression avec une variable dépendante censurée. Le très populaire modèle Tobit offre dans ce cas une spécification rigoureuse.