Couverture de RECO_654

Article de revue

Stratégie familiale de gestion des chocs

L'offre de travail des épouses en réponse aux fermetures d'entreprises en Argentine

Pages 537 à 566

Notes

  • [*]
    Université de Lyon, Lyon, F-69007, France ; cnrs, gate Lyon Saint-Étienne, Ecully, F-69130, France ; École normale supérieure de Lyon, Lyon, F-69007, France. Correspondance : ens de Lyon, Bureau R130, 15 parvis René Descartes, 69 007 Lyon. Courriel : laurine.martinoty@ens-lyon.fr
  • [1]
    Woytinsky : « by “additional worker” is meant the person who is on the labor market because of the unemployment of the usual breadwinner in his family and who otherwise would not be seeking work » ([1940], p. 1).
  • [2]
    cepal [2002], Latin America and the Carebbean : Selected Gender-Sensitive Indicators.
  • [3]
    En décembre 2001, le fmi prévoyait une récession de 1,1 % du pib et une déflation de 0,5 % pour 2002. En novembre 2001, la cepal prévoyait une croissance nulle (McKenzie [2004]).
  • [4]
    L’échantillon provient d’une enquête menée par l’institut privé ibope et porte sur 2 800 ménages. Les ménages ne sont interrogés qu’une seule fois en juin 2002, et renseignent leur situation économique en octobre 2001 de manière rétrospective.
  • [5]
    À partir d’octobre 2000, l’enquête indique si l’emploi correspond à un programme de workfare. Ce programme universel attribue 150$AR mensuels aux familles avec enfant de moins de 18 ans dont le chef de ménage est sans emploi, en contrepartie de 20 heures de travail en entreprise ou dans une activité d’intérêt général. Ce programme concerne moins de 1,5 % de l’activité des femmes en couple en octobre 2000. Devant le taux de chômage et de pauvreté record, le programme est rapidement étendu à partir d’avril 2002 et représente 7 % de l’activité des femmes en couple en octobre 2002. En théorie, ce programme relâche la contrainte de demande et permet à l’offre de travail dont le salaire de réserve est suffisamment bas de rencontrer une demande. Cependant, en pratique, la surveillance liée à ce programme est très hétérogène selon les régions et les industries, et ces ressources peuvent être utilisées à des fins de clientélisme politique par les autorités locales et les syndicats. Dans ce cas, l’existence de ce programme biaise l’effet estimé à la hausse. Pour cette raison, nous mesurons l’effet travailleur additionnel sous l’hypothèse extrême que les bénéficiaires de ce programme bénéficient d’un effet d’aubaine, et n’auraient pas travaillé en l’absence de son existence.
  • [6]
    Un travail à temps plein comporte au moins 35 heures hebdomadaires (indec [2002]).
  • [7]
    Par exemple, certains traits inobservables peuvent conjointement favoriser une femme sur le marché du mariage, et la doter d’une confiance en soi plus importante pour se présenter sur le marché du travail. Sur données transversales, cette corrélation génère un biais d’atténuation : la relation négative attendue entre le revenu et la participation des conjoints est d’ampleur moindre que la vraie relation. Les valeurs du ménage peuvent également jouer : ainsi, par exemple, en Argentine, les valeurs de classe moyenne intiment à une femme de se consacrer à ses enfants, et à son mari de subvenir seul aux besoins de sa famille ; en parallèle, du fait d’une mobilité importante en terme de revenus, l’effet de ces valeurs est difficilement capté par des variables traditionnelles comme la richesse ou les revenus du capital, et il est complexe de déterminer le sens de ce biais. Les effets fixes permettent de tenir compte de ces facteurs culturels imparfaitement reflétés par les variables observables.
  • [8]
    En effet, même si le salaire horaire féminin diminue sur la période, le choc économique agrégé génère une importante modification structurelle de la demande de travail en faveur des services, où les femmes sont davantage actives, au détriment de l’industrie et de la construction.
  • [9]
    Enfin, l’offre de travail dépend des choix d’investissement en éducation. Cette étude se concentre sur les effets de court terme, et exclut la possibilité que les femmes choisissent de se former et adoptent une stratégie d’accumulation de capital humain. L’impact du niveau d’éducation sur l’offre de travail est ainsi capturé par l’effet fixe individuel.
  • [10]
    Contrairement à la période de croissance économique précédente, pendant ces années de récession et de crise économique aiguë, les entreprises sont majoritairement fermées sans préavis ni indemnisation. Par ailleurs, la corrélation de l’entrée au chômage pour cause de fermeture d’entreprise entre les deux époux est inférieure à 0,025, ce qui exclut les risques de biais d’atténuation liés à une exposition conjointe. La possibilité d’anticipation de fermeture est contrôlée par une variable indicatrice de la confiance en la stabilité du poste relevée en période précédente, utilisée dans l’estimation du score de propension.
  • [11]
    L’efficacité des méthodes utilisant le score de propension et la différence de différence est évaluée par l’étude comparative de référence de Smith et Todd [2005] ; Marcus [2013] constitue un exemple pertinent d’application empirique de l’effet du chômage du pourvoyeur principal sur son conjoint (dans ce cas, la santé mentale) et fait appel à une source identique de variation exogène. Enfin, Khandker et al. [2010] proposent un manuel de référence utile d’un point de vue théorique et pratique.
  • [12]
    Ce choix est motivé par plusieurs raisons d’ordre pratique et empirique. Moins de 2,9 % des femmes se déclarent chef de ménage. Sur la période, 12,3 % d’entre elles gagnent plus que leur mari. Alors que le taux d’activité des hommes en âge de travailler est supérieur à 90 % sur la période, celui des femmes atteint un maximum de 45 % en 2002. Enfin, historiquement, la famille argentine se fonde sur un modèle patriarcal hérité de l’immigration européenne chrétienne, à la différence des autres pays d’Amérique latine, influencés par des modèles alternatifs indigènes et africains impliquant davantage la femme hors de la sphère domestique (Rico et Maldonado [2011])
  • [13]
    L’estimation avec effet fixe tient compte du biais lié à l’autodéclaration du revenu uniquement dans le cas où celle-ci suit une logique systématique suivant les périodes ; en revanche, l’erreur de mesure non systématique produit un biais d’atténuation (Bound et al. [2011]). L’entrée en période de chômage est la première cause de baisse de revenu, et elle est moins sujette à l’erreur de mesure.
  • [14]
    Le revenu réel du pourvoyeur principal diminue de 41,01 % et la participation augmente de 4,74 points de pourcentage : [(-0,0147*?revenu) / ?participation]* 100.
  • [15]
    De même : [(0,0657*?chômage) / ?participation] * 100.
  • [16]
    Un seul coefficient est significatif et négatif, contredisant l’hypothèse de motif d’assurance. Une explication réside dans la complémentarité des loisirs des époux. En effet, une estimation stratifiée sur le revenu total du ménage montre que cet effet n’est observé que pour la strate des revenus supérieurs au revenu du ménage médian.
  • [17]
    Ces résultats ne sont pas reproduits par souci de concision, mais sont disponibles auprès de l’auteur sur demande.
  • [18]
    Cet effet moyen nul s’explique par l’ambiguïté de la présence de membres plus âgés sur l’allocation du temps des autres membres du ménage. D’un côté, leur accueil peut soulager la contrainte domestique pesant sur l’offre de travail féminine, dans la mesure où ces nouveaux membres s’occupent des enfants ou des tâches domestiques ; à l’inverse, le soin des personnes âgées constitue une tâche traditionnellement dévolue aux femmes, qui doivent alors consacrer davantage de temps aux tâches domestiques au détriment de leur activité rémunérée.
  • [19]
    Le secteur privé salarié emploie plus de 42 % des pourvoyeurs principaux de l’ensemble des ménages en couple. Les épisodes de chômage liés à des fermetures d’entreprises représentent 8,14 % des cas de perte d’emploi (14,23 % du chômage des salariés). Certains chefs de ménage changent de secteur d’activité et se retrouvent salarié du secteur public ou indépendant. Les résultats présentés dans l’article sont robustes à la restriction du groupe témoin aux seuls ménages dont le pourvoyeur principal est employé dans le secteur salarié privé en seconde période.
  • [20]
    Soit neuf périodes. Les résultats sont robustes à une base de données de huit périodes avec fenêtre d’un an (mai 1998-mai 1999, octobre 1998-octobre 1999, … octobre 2001-octobre 2002).
  • [21]
    Pour indication, en moyenne, l’épisode de chômage a débuté un peu moins de trois mois avant le second relevé, mais la distribution de ces durées est uniforme. En conséquence, comme dans la majorité des modèles de panel, les effets estimés sont à interpréter comme la moyenne des effets de ces différentes durées.
  • [22]
    Ce test confirme qu’il existe des strates de scores de propension pour lesquelles les moyennes des scores estimés ne diffèrent pas significativement entre groupe témoin et groupe d’intérêt, et au sein desquelles la distribution de chacune des variables de conditionnement (testée à l’ordre 1 et 2) est statistiquement similaire entre les deux groupes.
  • [23]
    Le biais standardisé indique la qualité de l’appariement et du respect de l’hypothèse d’équilibrage des distributions des variables de conditionnement entre les deux groupes (Rosenbaum et Rubin [1985]). Pour chaque variable de conditionnement X, il est défini comme la différence de moyenne entre groupe témoin et groupe d’intérêt, rapportée à la racine de la moyenne des variances des deux groupes : BSX = [(XT – XC) * 100] / [(?XT + ?XC)/2]1/2. La comparaison des biais standardisés avant et après procédure d’appariement permet de voir dans quelle mesure l’appariement a permis d’améliorer la comparabilité des groupes en terme de distribution des variables de conditionnement. Dans le groupe d’intérêt, en moyenne, le pourvoyeur principal a un revenu du travail inférieur, travaille dans une entreprise plus petite, et a un niveau d’éducation moins élevé. Après appariement, les différences de moyenne deviennent non significatives au seuil de 1 %. Le biais standardisé est bien égal à 10 ou inférieur, ce qui est la norme pour un appariement satisfaisant.
  • [24]
    Ces variables de contrôle incluent l’ensemble des variables de conditionnement présentées en annexe A2 (hors variables dépendantes), ainsi qu’un effet fixe temporel pour l’année calendaire et deux indicateurs des opportunités au niveau macroéconomique : le salaire horaire et le taux de chômage moyens rencontrés par les femmes sur le marché du travail au cours de l’année calendaire dans leur région.
  • [25]
    Une autre manière de tester cette substituabilité revient à tester l’hétérogénéité de l’effet travailleur additionnel selon l’âge du pourvoyeur principal. Toutes choses égales par ailleurs, l’effet travailleur additionnel devrait être d’autant plus important que le couple est jeune, dans la mesure où l’épargne se constitue en seconde partie du cycle de vie (Starr [2013]). L’âge du pourvoyeur principal est scindé en trois classes (16-29, 30-44, 45-60) ; il apparaît que l’effet travailleur additionnel ne varie pas de manière significative avec l’âge. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’épargne ne produit pas d’effet richesse : dans un contexte inflationniste, voire hyperinflationniste, la possession d’actifs prémunit davantage les ménages contre les revers du cycle économique.
  • [26]
    Concernant la participation (col. [1] et [2]), le fait que l’effet travailleur additionnel soit plus important pour le second quartile de la distribution des revenus ex ante que pour le quartile le plus bas peut surprendre. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution peu intuitive. D’abord, la nature des activités du premier quartile est moins clairement définie, et en ce sens les frontières entre participation et inactivité davantage poreuses. L’erreur de mesure en résultant peut biaiser les résultats à la baisse. Ceci semble appuyé par le fait que l’occupation et l’occupation à temps plein, institutionnellement mieux définies, ne présentent pas le même type d’hétérogénéité. Une seconde explication réside dans les limites de l’État social, entraînant des trajectoires interquartiles importantes de « nouveaux pauvres » vers le premier quartile comprenant la « pauvreté structurelle ». En tout point du temps, le premier quartile présente ainsi une grande hétérogénéité (Kessler et Di Virgilio [2008]).

Introduction

1La perte d’emploi et de revenu est un phénomène qui accompagne les périodes de crise économique et affecte le bien-être des individus de manière frontale. Entre 2007 et 2011, le taux de chômage a ainsi augmenté de 5,8 à 8,2 % de la population active sur l’ensemble des pays de l’ocde, et a doublé aux États-Unis, en Espagne, en Grèce ou en Irlande (ocde [2011]). Si ces chocs sont amplement documentés aux niveaux agrégé et individuel, les stratégies développées au niveau intrafamilial dans l’objectif de lisser la consommation des membres du ménage vis-à-vis des fluctuations économiques constituent un aspect relativement peu exploré (Stephens [2002]). Pourtant, l’effet global du retournement économique sur le marché du travail n’a pas de raison de se limiter à la perte d’emploi du pourvoyeur principal du ménage. Parmi la variété des mécanismes d’adaptation, l’évolution temporaire de l’offre de travail des autres membres, dénommée « effet travailleur additionnel » (« added worker effect », Woytinsky [1940]), constitue une réponse stratégique obéissant à un motif de compensation et d’assurance par la diversification des sources de revenu.

2Le relatif désintérêt pour ce type de mécanisme adaptatif s’explique d’abord par des éléments de contexte économique. Jusqu’à récemment, le taux de chômage relativement faible aux États-Unis n’a pas suscité de recherches sur les mécanismes de partage des risques au niveau intrafamilial. En parallèle, l’État social généreux en Europe occidentale a limité la nécessité pour les ménages d’avoir recours à des réponses stratégiques immédiates en situation de choc idiosyncratique (Cullen et Gruber [2000], Hardoy et Schøne [2013]). Cependant, le doublement des chiffres du chômage aux États-Unis et l’application de contraintes budgétaires rigoureuses en Europe ont renouvelé l’intérêt pour le rôle d’assurance du mariage et de la famille en situation de choc économique (Blundell et al. [2012], Starr [2013]).

3Une deuxième raison importante du sous-investissement dans l’étude des mécanismes d’offre de travail au niveau intrafamilial est d’ordre théorique. En effet, sous l’hypothèse de perfection du marché du crédit et de l’information, les chocs temporaires de revenu du travail ne génèrent pas d’offre de travail additionnelle de la part des ménages. Dans le modèle standard unitaire d’offre de travail du ménage au long du cycle de vie, les chocs temporaires de revenu réduisent le revenu espéré du ménage de manière négligeable à l’horizon du cycle de vie (Heckman et MaCurdy [1980]). Les ménages font appel au crédit ou à la liquidation d’actifs pour lisser leur consommation et combler l’écart entre le revenu et les dépenses sur la période du choc. Empiriquement, force est cependant de constater que les périodes de crise économique sont souvent associées à une crise des secteurs financiers et à une dégradation de la valeur des collatéraux et actifs susceptibles de jouer le rôle de lisseur (Starr [2013]). De plus, en situation d’incertitude, les chocs de revenu et d’emploi sont perçus comme une source d’informations concernant les perspectives de revenu espéré à l’horizon du cycle (MaCurdy [1981]) : les écarts entre revenu espéré et revenu en période de choc sont pris en compte dans l’espérance du profil des revenus futurs, produisant un effet richesse sur l’offre de travail des conjoints. Enfin, les nouvelles voies de recherche portant sur l’allocation intrafamiliale du temps suggèrent que le ménage se comporte comme un collectif d’individus avec des préférences et des pouvoirs de négociation différents, plutôt que comme une unité maximisant le bien-être du ménage (McElroy et Horney [1981], Chiappori [1992]). Dans ce cadre théorique, il peut être rationnel pour une femme d’entrer sur le marché du travail au moment où son conjoint est touché par un épisode de chômage, même transitoire, afin d’améliorer son pouvoir de négociation et d’opérer une redistribution des ressources selon ses préférences individuelles. Pour toutes ces raisons, l’existence du travailleur additionnel est une question empirique qui dépend des différents effets en jeu.

4Une troisième source de difficulté réside justement dans la difficulté de pénétrer la boîte noire de la famille au niveau empirique (Blundell et MaCurdy [1999]). Afin de déterminer les liens de causalité liant les décisions fondamentalement endogènes des différents membres d’une même famille en matière de consommation, d’offre de travail ou encore de migration, les études les plus récentes s’attachent à développer des stratégies empiriques originales dans l’objectif de surmonter cet obstacle (Stephens [2002], Gong [2011], Starr [2013]).

5La littérature s’intéressant à la fonction de diversification du risque et aux réponses stratégiques élaborées par les ménages aux chocs idiosyncratiques distingue la gestion ex ante du risque de l’adaptation ex post au risque (Alderman et Paxson [1992]), et recense trois grands types de mécanismes. Les stratégies d’ajustement consistent essentiellement en des changements de comportement de consommation ou de liquidation d’actifs. Les ménages diminuent leur consommation de biens normaux (Lokshin et Yemtsov [2004]), modifient leur allocation de loisir vers des activités de recherche d’information sur les biens disponibles à la consommation et les prix (McKenzie et Schargrodsky [2011]), ou se séparent de leur capital (Kinsey, Burger et Gunning [1998]). Les stratégies de réseau font appel au capital social des différents membres du ménage. La migration d’une partie des membres du ménage donne ainsi lieu à des transferts qui diversifient l’exposition au risque lié aux fluctuations économiques (Brown et al. [2013]). Des mécanismes informels d’assurance organisent les transferts entre les ménages (Hayashi et al. [1996], Kaplan [2012]). Enfin, un troisième type de stratégies repose sur une stratégie active de composition de l’offre de travail familiale, et cherche à comprendre les retombées d’une baisse du revenu du travail ou d’un épisode de chômage touchant le principal pourvoyeur du ménage sur l’offre de travail de son conjoint (Kochar [1999]).

6Appartenant à cette dernière catégorie, le « travailleur additionnel », défini par Woytinsky [1940] comme « la personne entrant sur le marché du travail suite à la perte d’emploi du principal pourvoyeur de revenus de sa famille, et qui n’aurait pas cherché du travail dans une autre situation [1] », a suscité un vaste corpus de recherches empiriques aboutissant à des conclusions contradictoires (Mincer [1962], Heckman et MaCurdy [1980], [1982], Maloney [1987], [1991], Lundberg [1985]). Ces divergences s’expliquent par la variété des définitions employées ainsi que par certaines insuffisances méthodologiques dans la démarche d’isoler une relation de cause à effet entre les situations des deux conjoints sur le marché du travail (Stephens [2002], Gong [2011]). Les études les plus récentes tendent à montrer l’existence d’un effet travailleur additionnel important. En Turquie, entre 2000 et 2010, les femmes augmentent leur participation de 4 à 8 % suite à la perte d’emploi de leur conjoint (Karaoglan et Okten [2012]). Sur la période 1994-2006, les couples qualifiés de Taïwan ont fortement recours au mécanisme du travailleur additionnel lors des épisodes de chômage du pourvoyeur principal, et cet effet s’intensifie en phase descendante du cycle économique (Huang et al. [2012]). Cet effet se retrouve dans les pays développés lorsque ceux-ci disposent d’un système social limité (Hardoy et Schøne [2013]) et non désincitatif à l’offre de travail des femmes en couple (Harkness et Evans [2011]). Utilisant des données du psid de 1968 à 1992, Stephens [2002] revisite l’effet travailleur additionnel et montre que le nombre d’heures travaillées des femmes américaines augmente de 11 % dans les quatre ans suivant l’entrée au chômage de leur conjoint. Sur la période 1993-2004, au Japon, l’effet travailleur additionnel rend compte de 2,1 à 2,7 % de l’augmentation d’offre de travail des femmes mariées (Kohara [2010]). Entre 2001 et 2007, une femme australienne en couple dont le conjoint perd son emploi a un taux d’occupation à temps plein de 2,8 points de pourcentage supérieur à celui d’une femme dont le conjoint ne change pas de statut d’occupation (Gong [2011]). Durant la récession de 2007-2009 aux États-Unis, une femme dont le mari entre au chômage a une probabilité de participer au marché du travail de 4 points de pourcentage supérieure à une femme en couple dont le conjoint reste employé (Starr [2013]). Sur le long terme (1980-2010), Ehlert [2012] compare les profils de revenu des ménages allemands et américains dont le pourvoyeur principal entre au chômage. Il met en évidence qu’aux États-Unis, le retour au niveau de revenu initial dépend de plus en plus de l’offre de travail des autres membres du ménage, et de moins en moins des aides gouvernementales. Après 2004 et la réforme Hartz iv, cette tendance au repli sur les stratégies d’assurance intrafamiliale s’observe également en Allemagne, suggérant que la politique européenne de rigueur pourrait avoir un impact sur les élasticités croisées d’offre de travail à l’intérieur de la famille.

7En Argentine, l’effet travailleur additionnel est présenté comme la cause principale d’augmentation de l’offre de travail féminine après 1990 (Ministerio de Trabajo y Seguridad Social [2005]). Durant les décennies précédentes, comme dans l’ensemble des pays du Cône sud, la participation des femmes au marché du travail augmente fortement, et passe de 31,4 à 50,2 % des femmes en âge de travailler entre 1970 et 1990 [2]. Cependant, jusqu’en 1985, les principaux facteurs avancés sont la transition démographique, l’augmentation de l’investissement en capital humain, combinés avec une modification de composition sectorielle en faveur de l’économie des services. Les vagues de privatisation et de flexibilisation du marché du travail du début des années 1990 suscitent une explosion du taux de chômage qui coexiste alors avec une hausse de la participation des femmes mariées, venant alimenter l’hypothèse de l’apparition d’un effet travailleur additionnel. Entre 1991 et 1994, à Buenos Aires, une femme dont le mari change de statut d’occupation a près de deux fois plus de chances d’entrer sur le marché du travail (Cerrutti [2000]). Cependant, cette étude présente certaines limites : l’estimation ne tire pas totalement avantage du caractère longitudinal des données et capte en partie la corrélation liée à l’homogamie ; le risque de corrélation fallacieuse est renforcé du fait du choix de la variable d’intérêt (sortie et entrée en occupation), et non explicitement de la perte d’emploi involontaire ; enfin, l’étude se limite à la participation et ignore la contrainte de la demande sur le marché du travail.

8La présente étude s’appuie sur l’épisode de la crise économique argentine de 1998-2002 pour tester l’existence et déterminer l’ampleur de l’effet travailleur additionnel chez les conjoints des pourvoyeurs principaux touchés par un choc de revenu du travail. Ce choix est motivé par les caractéristiques propres à cette crise, qui en font un cas d’étude remarquable (McKenzie [2004]). Premièrement, cet épisode de crise économique a été largement non anticipée par les institutions et a fortiori par les ménages. En effet, l’Argentine ménémiste du début des années 1990 avait renoncé à sa politique monétaire discrétionnaire et fait le choix du système de caisse d’émission qui ancrait irrémédiablement le peso au dollar. La combinaison de fragilités macroéconomiques internes et d’évolutions internationales de politique monétaire a conduit l’Argentine à renouer avec la discrétion et à surprendre les acteurs de l’économie par un abrupt défaut sur sa dette en janvier 2002 [3]. Ceci limite les comportements d’assurance ex ante pouvant biaiser à la baisse l’eta estimé. Ensuite, cette crise économique est profonde : l’effondrement du système bancaire et la crise de confiance des citoyens envers les institutions suite à la dévaluation et la conversion forcée ont généré un épisode de récession historique de près de 11 % du pib par habitant. Les fortes variations intra-individuelles autorisent une estimation précise et efficiente au niveau économétrique. Enfin, cette crise économique est agrégée : en mai 2002, la pauvreté, mesurée à partir de la valeur d’un panier de biens essentiels, concernait plus d’un habitant du Grand Buenos Aires sur deux, contre seulement un sur quatre un an auparavant. Entre octobre 2001 et octobre 2002, 78 % des ménages ont vu leur revenu du travail diminuer par les effets conjoints de la baisse des salaires nominaux et du nombre d’heures travaillées, et de la hausse concomitante du chômage et de l’inflation. Ce caractère agrégé fait de l’eta observé une borne inférieure de l’effet du travailleur additionnel en situation de choc idiosyncratique (sans effet de découragement), qu’il est malaisé de capturer en période économique normale.

9À partir de 1999 et jusqu’en 2002, la récession profonde subie par l’économie argentine semble mettre un frein à la croissance de la participation féminine. Au niveau agrégé, le niveau de participation reste soutenu et passe de 44,75 % à près de 50 % entre 1998 et 2002 ; cependant, cette augmentation ne se concrétise pas par une croissance de l’occupation ou du nombre d’heures de travail : le taux d’occupation stagne autour de 40 %, le nombre d’heures travaillées conditionnellement au fait d’être en emploi passe de 37 à moins de 34 heures hebdomadaires. Au niveau descriptif et agrégé, à l’aide des données eph sur la période 1997-2002, McKenzie [2004] met pourtant bien en évidence que les entrées en emploi des femmes argentines compensent les sorties liées à la baisse de la demande de travail, alors même que les sorties priment sur les entrées chez les hommes, fait stylisé appuyant l’existence d’un effet travailleur secondaire. Cependant, à notre connaissance, les études économétriques s’intéressant à la période de récession ont majoritairement rejeté cette hypothèse. Fiszbein et al. [2003] s’appuient sur une base de données spécifique collectée dans l’objectif d’étudier les stratégies des ménages argentins selon leur vulnérabilité [4]. Pour chacune des stratégies envisagées, les auteurs estiment la probabilité que le ménage adopte cette stratégie en fonction de l’évolution de son revenu et du statut d’occupation de ses membres entre octobre 2001 et juin 2002. Selon l’étude, les stratégies d’ajustement prédominent largement sur les stratégies actives. Conformément à l’hypothèse du travailleur additionnel, une diminution du revenu du ménage entre octobre 2001 et juin 2002 a bien un impact positif sur la probabilité qu’un membre supplémentaire du ménage entre sur le marché du travail, mais cet effet est proche de 0 et non significatif à 5 %. Ce résultat n’est pas surprenant : en effet, l’évolution du revenu du ménage sur la période est endogène à l’entrée d’un travailleur additionnel. Le revenu généré par le travailleur additionnel atténue mécaniquement le choc de revenu observé au niveau du ménage, et cette causalité inverse biaise le coefficient à la baisse. L’étude du choc en termes d’emploi donne un résultat qui infirme l’existence du travailleur additionnel : un ménage dont un membre au moins devient chômeur sur la période a deux fois moins de chance de voir un de ses membres inactifs devenir actif. Cette relation fortement négative et contre-intuitive n’est pas expliquée par les auteurs. Une explication réside dans la définition du choc d’emploi. Un ménage subit un choc d’emploi dans le cas où au moins l’un de ses membres devient chômeur entre octobre 2001 et juin 2002 ; cependant, il est vraisemblablement important de distinguer le chômage du pourvoyeur principal du chômage du reste des membres du ménage. Le chômage des pourvoyeurs de revenu complémentaire décourage vraisemblablement les autres membres de devenir simultanément actif. En revanche, le chômage du pourvoyeur principal a un effet revenu important, et les travailleurs additionnels offrent leur travail dans un autre segment du marché du travail ; dans ce cas, l’objectif de lissage de la consommation du ménage prime sur le découragement lié à l’expérience de perte d’emploi du pourvoyeur principal. Corbacho et al. [2007] utilisent la même base de données que le présent article, et cherchent à expliquer les évolutions du revenu du ménage et des autres membres du ménage sur la période 1999-2002 par l’évolution du revenu du travail du chef de ménage sur la même période. L’étude met en évidence une corrélation positive entre l’évolution du revenu du travail du pourvoyeur principal et celui des autres membres du ménage, ce qui contredit l’hypothèse de l’effet travailleur additionnel. Cependant, les auteurs font le choix d’une estimation avec effets aléatoires et ne contrôlent pas pour l’éducation. Dès lors, cette relation positive s’explique par l’homogamie, la transmission de capital social et culturel et l’effet de variables non observables qui codéterminent les résultats sur les marchés du travail et du mariage.

10Cette étude contribue à la littérature existante de trois manières. Premièrement, elle met en lumière les mécanismes de décision intrafamiliale d’offre de travail et contribue au champ de l’économie intrafamiliale comme système d’assurance lorsque la crise sévit (Blundell et al. [2012], Kaplan [2012]). Deuxièmement, elle rend compte d’un motif de participation féminine alternatif aux traditionnels facteurs démographiques et éducationnels, qui a des implications très différentes en termes de politique économique, notamment du fait de la vulnérabilité des nouvelles entrantes. Enfin, dans l’objectif de donner une interprétation causale à la relation étudiée, cette étude a recours à un estimateur combinant méthodes d’appariement et de double différence qui répond aux biais de sélection sur la base des variables observables et inobservables fixes dans le temps.

11Utilisant les données argentines de l’enquête Encuesta Permanente de Hogares entre 1998 et 2002, nous mettons en évidence un effet travailleur additionnel rendant compte de 12,5 % de l’augmentation totale de l’offre de travail des femmes argentines en couple sur la période. Les femmes exposées à la perte d’emploi exogène du pourvoyeur principal de leur ménage ont 13 points de pourcentage de chance supplémentaire d’entrer sur le marché du travail, et 8 points de pourcentage de chance supplémentaire d’occuper un emploi à temps plein, comparativement à des femmes aux caractéristiques similaires n’ayant pas fait cette expérience.

12La première partie de cet article détaille la stratégie empirique et présente les données utilisées. En seconde partie, les statistiques descriptives, complétées d’une analyse préliminaire sur données de panel, permettent une première approche intuitive de l’effet travailleur additionnel. La troisième partie se recentre sur la relation causale entre la situation des deux conjoints sur le marché du travail. Elle analyse l’effet travailleur additionnel à partir d’une estimation par différence de différence avec appariement mobilisant une source exogène de variation du statut occupationnel du conjoint : le licenciement pour fermeture d’entreprise. La quatrième partie questionne l’homogénéité de l’effet travailleur additionnel en formulant et testant six sources possibles d’hétérogénéité impliquant l’environnement économique ou certaines caractéristiques du ménage. La dernière partie présente nos conclusions.

Stratégie empirique et données

13Cet article se concentre sur les mécanismes intrafamiliaux d’offre de travail impliquant le conjoint comme travailleur additionnel en cas de choc économique touchant le pourvoyeur principal de revenu du travail dans le ménage. Cinq variables dépendantes sont considérées : la décision de participation, indépendamment du statut d’occupation (actif occupé ou chômeur) ; le fait de trouver un emploi rémunéré hors programme de workfare[5] ; le fait de retrouver un emploi à temps plein [6] ; le nombre d’heures hebdomadaires travaillées ; enfin, le fait de désirer travailler plus conditionnellement au fait d’être déjà en emploi. Selon les spécifications, la variable d’intérêt, à savoir la dégradation de la situation du chef de ménage, est définie comme une évolution du revenu du travail mensuel nominal, ou comme un changement de statut sur le marché du travail d’actif occupé à demandeur d’emploi.

14Une analyse préliminaire a pour objectif d’estimer la corrélation ? entre revenu ou statut d’occupation du pourvoyeur principal sur le marché du travail Uit d’une part, et participation de son conjoint sur le marché du travail Yit d’autre part, au moyen d’une estimation linéaire avec effet fixe individuel vi :

15

equation im1

16La prise en compte des effets individuels exploite les variations intra-individuelles et permet de s’affranchir de biais liés à des caractéristiques inobservables fixes. Ces effets captent ainsi la composante initiale du cycle de vie, qui conditionne les profils de salaire et d’accumulation d’actifs et qui détermine une partie des différences inter-individuelles de participation au marché du travail (MaCurdy [1981]). Ils permettent également de tenir compte de l’influence de l’homogamie sur les revenus d’un époux et la probabilité de participation de sa conjointe [7]. L’effet fixe ?t rend compte de la tendance temporelle grâce à l’introduction de variables indicatrices annuelles. Enfin, deux catégories de variables non stables dans le temps sont contrôlées par le biais de la matrice X : les facteurs non fixes d’évolution de l’offre de travail féminine d’une part, et les réponses stratégiques alternatives de lissage de la consommation du ménage d’autre part. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, la naissance d’un enfant supplémentaire représente un frein à l’entrée sur le marché du travail des femmes. Par ailleurs, leur offre dépend de l’évolution des opportunités de revenu du travail, à la fois en terme absolu, et relativement à leur conjoint [8]. Au niveau intrafamilial, ceci peut se traduire par une nouvelle allocation du temps de travail entre hommes et femmes. Dans l’estimation, les opportunités sur le marché du travail sont prises en considération en introduisant comme variable de contrôle l’évolution des salaires horaires féminins moyens par agglomération de résidence, ainsi que l’évolution du rapport entre ce salaire horaire et sa contrepartie masculine [9].

17Une seconde série importante de variables de contrôle non fixes dans le temps concerne les stratégies alternatives de réponse au choc économique touchant le ménage. En effet, le recours à d’autres stratégies peut expliquer pourquoi certains ménages touchés par un choc n’ajustent pas leur offre de travail. Par exemple, un ménage peut se séparer de son capital et renoncer à ses sources de revenu : les stratégies sont alors des substituts. À l’inverse, il est possible que les stratégies d’offre de travail soient accompagnées d’une stratégie de recomposition du ménage (les grands-parents emménageant et prenant en charge la garde des enfants et le travail domestique), ou encore d’une stratégie de diversification des risques (d’autres membres du ménage entrent sur le marché du travail en sus de l’épouse) : dans ce cas, les stratégies sont des compléments. En les ignorant, l’effet estimé sous ou surestime l’importance de la relation entre l’évolution du revenu du travail du pourvoyeur principal et la décision de participation au marché du travail du travailleur additionnel. Sont donc incluses dans l’estimation les variables de composition du ménage (nombre d’enfants par classe d’âge ; nombre de personnes âgées), les variables de revenu du travail d’autres membres du ménage, et les flux de revenu du capital en absence d’informations sur le stock. La liste détaillée et les statistiques descriptives des variables dépendantes, d’intérêt et de contrôle sollicitées au cours des estimations de cette étude se trouvent en annexe A1.

18Dans un deuxième temps, nous nous centrons sur la relation proprement causale entre l’épisode de chômage du chef de ménage et l’offre de travail de sa conjointe. L’estimation par effets fixes porte sur un échantillon représentatif de la société urbaine argentine, ce qui lui confère une forte validité externe ; cependant, les corrélations relevées entre les variations du revenu du travail du pourvoyeur sur le marché du travail d’un côté, et les décisions de participation de son conjoint de l’autre, relèvent pour partie d’un processus standard de négociation intrafamiliale destiné à maximiser l’utilité découlant de la consommation et du loisir au niveau du ménage. Par exemple, l’entrée au chômage du pourvoyeur principal suite à une démission ne constitue pas un choc négatif non anticipé de revenu. Cet épisode de chômage peut même être endogène à la participation féminine : un chef de ménage mécontent de son occupation peut attendre que sa conjointe entre en occupation pour démissionner et rechercher activement un autre poste. Afin d’assurer l’exogénéité de la variable d’intérêt, nous nous intéressons donc aux ménages dont le chef devient chômeur suite à la fermeture de son entreprise (Stephens [2002], Marcus [2013]). La fermeture d’entreprise a ceci de particulier qu’elle expose au chômage une population relativement diversifiée, de manière involontaire et imprévue [10].

19Dans la recherche d’un lien de causalité, nous privilégions la technique de double différence avec appariement (Heckman et al. [1997] [11]). Cette technique offre un double avantage. Dans la même veine que les estimations avec effets fixes individuels, l’estimation par double différence utilise les relevés successifs des histoires individuelles des ménages pour comparer les différences de participation de deux groupes définis selon que le pourvoyeur a vécu ou non une perte d’emploi par fermeture d’entreprise en seconde période. Elle élimine ainsi les différences en termes de participation liées à des inobservables stables dans le temps, comme les différences de traits de personnalité, ou les facteurs culturels imparfaitement reflétés par les observables comme le revenu. Cependant, l’estimation par double différence est fondée sur l’hypothèse selon laquelle la participation moyenne suit une tendance similaire dans les deux groupes. Or, certaines caractéristiques fixes associées à la dynamique des choix de participation peuvent être représentées de manière déséquilibrée au sein des deux groupes (Abadie [2005]). Notamment, la durée en emploi préalable à la fermeture peut différer du simple fait que les entreprises qui ferment sont les plus jeunes ou au contraire les plus en déclin. En parallèle, cette caractéristique fixe a des chances d’affecter de manière différente la participation des conjointes. L’aspect appariement de l’estimateur permet de construire un groupe d’individus similaire au groupe étudié en termes de caractéristiques observées. Il procède à une repondération des données afin d’améliorer la qualité de l’estimation, en recentrant la procédure d’estimation sur les ménages statistiquement davantage concernés par les chocs de revenu et d’emploi.

20Formellement, l’effet est correctement estimé sous l’hypothèse qu’aucune variable non observable n’influence simultanément la perte d’emploi du pourvoyeur principal et le changement de statut d’occupation de son conjoint. En l’absence de la perte d’emploi (U = 0), l’offre de travail des conjoints du groupe d’intérêt et du groupe témoin pondéré suit la même tendance : E[?Y1/P, U = 0] = E[?YT/P, U = 0] où ?Y représente l’évolution des choix de participation des conjointes sur le marché du travail, I et T désignent les groupes d’intérêt et témoin, P le score de propension, c’est-à-dire la probabilité pour un ménage que le pourvoyeur principal perde son emploi en fonction des variables prédéterminées Xpre :P = p(U = 1/Xpre) (Heckman et al. [1997], Smith et Todd [2005]). Cette hypothèse n’est notamment pas respectée si un ménage dispose d’une information supérieure lui permettant d’anticiper la fermeture de l’entreprise dans laquelle le pourvoyeur principal est employé. Dans ce cas, l’effet du biais de sélection est vraisemblablement négatif. En effet, si la capacité d’anticipation est répartie de manière aléatoire au sein des ménages du groupe d’intérêt, l’effet estimé est inférieur à l’effet réel, dans la mesure où les conjointes peuvent entrer sur le marché du travail de manière préventive une période avant l’événement. Dans le cas où la possession de cette information est liée à un attribut inobservable comme le capital social, le conjoint peut perdre puis retrouver un emploi durant la fenêtre des six mois écoulés entre deux observations ; de son côté, sa conjointe bénéficie du capital social familial et a davantage d’incitation à chercher activement du travail, ce qui crée une corrélation fallacieuse entre emploi du pourvoyeur principal et entrée sur le marché du travail de sa conjointe. Dans ce qui suit, l’hypothèse de tendance commune est vérifiée par un test placebo. Une seconde hypothèse conditionnant la validité de l’estimation a trait à l’existence d’un important support commun. Chaque observation du groupe d’intérêt doit disposer du voisinage d’une ou plusieurs observations au sein de la distribution des scores de propension (Heckman et al. [1999]). Par la suite, ceci est pris en compte en excluant les observations n’appartenant pas au support commun. L’intégralité des observations du groupe d’intérêt est conservée, permettant d’éviter un biais de sélection additionnel lié à l’exclusion sélective de ménages d’intérêt.

21Concrètement, dans une première étape, le score de propension est estimé à partir des variables prédéterminées. Grâce à la fonction noyau, ces scores permettent d’identifier les meilleurs correspondants j du groupe témoin pour chaque membre i du groupe d’intérêt en leur attribuant un poids : w(i, j). Pour chaque j du groupe témoin, la pondération diagonale est donc donnée par la somme equation im2. Le poids attribué aux observations du groupe d’intérêt vaut 1. Dans un second temps, les différences individuelles de participation des travailleurs additionnels au sein du groupe d’intérêt intervenant au moment où le pourvoyeur se retrouve licencié pour fermeture d’entreprise sont appariées avec les différences individuelles de participation au sein du groupe témoin, qui n’a pas vécu la perte d’emploi du pourvoyeur principal, pondérées par leur probabilité que le pourvoyeur de ce ménage soit touché par ce chômage pour cause de fermeture d’entreprise. L’effet travailleur additionnel ? est alors obtenu par :

22

equation im3

23avec nI le nombre d’observations du groupe d’intérêt, ?Y le vecteur des variations de l’offre de travail du conjoint, wj la pondération accordée à l’observation j du groupe témoin par la procédure d’appariement. L’estimation par moindres carrés est restreinte au support commun défini par le score de propension.

24Les données mobilisées sont issues de l’enquête semestrielle Encuesta Permanente de Hogares menée par l’institut de statistiques argentin indec. En mai et en octobre de chaque année, ce panel rotatif, renouvelé par quart tous les six mois, récolte les informations démographiques, économiques et sociales de 90 000 individus regroupés dans 30 000 ménages urbains. En 2002, l’échantillon est représentatif de 70 % de l’Argentine urbaine et de 61 % de la population argentine (indec [2002]). La présente étude utilise les dix vagues couvrant la période de récession et de crise économique de mai 1998 à octobre 2002. Ces données sont particulièrement adaptées au projet de cette étude : i) la collecte longitudinale permet la reconstruction de l’histoire des ménages argentins sur une période de dix-huit mois ; ii) la taille importante de l’échantillon facilite l’observation de fermetures d’entreprises, qui sont l’un des aspects de l’identification de l’étude ; iii) enfin, la richesse des données permet de construire un ensemble crédible de variables de contrôle à la base de l’appariement. L’étude empirique se base sur le sous-échantillon des ménages comprenant a minima un chef de ménage et son partenaire, mariés ou en couple (par la suite désignés indistinctement comme conjoints), tous deux en âge de se marier et de travailler (16-60 ans pour les femmes, 18-65 ans pour les hommes). Sont exclus de l’échantillon les ménages dont le chef est inactif (7 % de l’échantillon, majoritairement pour retraite) et les ménages dont l’épouse perçoit un revenu de retraite ou une indemnisation chômage dans la mesure où ces variables sont endogènes à la décision de participation (moins de 2,5 % de l’échantillon). Dans la majorité des ménages, l’homme est le pourvoyeur principal du ménage [12]. Pour cette raison, nous nous intéressons à l’entrée au chômage de l’homme sur l’offre de travail de sa conjointe, et considérons seulement les femmes comme travailleur additionnel potentiel.

Analyse préliminaire

25Suivant le graphique 1, entre mai 1998 et mai 2002, le chômage touche de 6 % à près de 15 % des hommes en couple en âge de travailler. En parallèle, conditionnellement au fait d’être occupé, le revenu mensuel réel du pourvoyeur principal (pp) passe de 790 à moins de 470 pesos argentins, soit une baisse moyenne de plus de 40 %, qui s’explique par l’effet conjoint de la baisse des salaires nominaux, du nombre d’heures de travail et du retour de l’inflation. Sur la même période, l’offre de travail de son épouse sur marché du travail suit une tendance opposée : sa participation augmente de 5 points de pourcentage, sa probabilité d’être en emploi passant ainsi de 45 à 50 % entre mai 1998 et octobre 2002. Comment expliquer cette tendance, alors que les opportunités en termes d’emploi et de salaire semblent se dégrader ?

Graphique 1

Situation du pp et participation de son épouse Évolutions agrégées, 1998-2002

Graphique 1

Situation du pp et participation de son épouse Évolutions agrégées, 1998-2002

Graphique 2

Participation de l’épouse, conditionnellement au statut du pp

Graphique 2

Participation de l’épouse, conditionnellement au statut du pp

26Le graphique 2 apporte un premier élément de réponse et met en évidence les évolutions de la participation au marché du travail du conjoint selon que le pourvoyeur principal du ménage connaît ou non un épisode de perte d’emploi en période t. Venant conforter l’hypothèse de l’existence d’un effet travailleur additionnel, l’augmentation de l’offre de travail du conjoint (cadran supérieur gauche) coïncide avec la perte d’emploi du pourvoyeur : ainsi, le fait que le pourvoyeur principal entre au chômage entre t – 1 et t est associé à une participation au marché du travail en t en hausse de près de 10 points par rapport au niveau de participation de l’année précédente (t – 2) pour son conjoint. De la même manière, le taux d’occupation des femmes dont le conjoint perd son emploi en t (cadran supérieur droit) augmente de plus de 5 points vis-à-vis de son niveau observé l’année précédant l’épisode de chômage. La seule exception à ce schéma concerne l’évolution du nombre d’heures travaillées (cadran inférieur droit), qui n’augmente pas entre t – 1 et t pour les conjoints dont le pourvoyeur principal perd son emploi. En revanche, la proportion des femmes déclarant désirer travailler davantage d’heures ou rechercher une occupation complémentaire (cadran inférieur gauche) augmente de plus de 10 points entre la période précédant et succédant à l’entrée du pourvoyeur principal au chômage, suggérant que l’offre d’heures de travail conditionnellement au fait d’être en occupation est contrainte par le côté demande de la relation d’emploi.

27Le tableau 1 présente les résultats des estimations linéaires avec effets fixes individuels et nous renseigne sur les motifs de coévolution entre divers aspects de la participation des conjoints au marché du travail, qui sont les indices de l’existence d’une stratégie active intrafamiliale de réponse d’offre de travail au choc économique touchant le ménage. Les données issues de l’eph constituent un panel dans lequel les informations sur les ménages sont renseignées sur deux à quatre relevés entre mai 1998 et octobre 2002. L’échantillon utilisé contient 87 229 observations issues de 30 299 ménages. Dans la colonne [1], les divers aspects des décisions de participation des travailleurs additionnels sont analysés en rapport avec l’évolution du revenu du travail de leur conjoint. Afin de conforter l’importance de l’effet observé, le revenu du travail de l’époux est ensuite remplacé par une variable indicatrice de son statut sur le marché du travail (col. [2]) [13]. Enfin, il est possible qu’une partie des réponses stratégiques aux chocs ait eu lieu ex ante, dans une logique d’assurance. Si l’épisode de chômage est anticipé par le ménage, la réponse stratégique d’offre de travail peut intervenir en amont de la perte d’emploi. Dans ce cas, limiter l’étude aux réponses stratégiques ex post ne permet de capter qu’une partie des comportements des ménages en situation d’incertitude. Dans l’objectif de tester si l’estimation n’est pas biaisée à la baisse par une stratégie de gestion du risque ex ante, une estimation identique est conduite avec comme variable d’intérêt le chômage futur de l’époux (col. [3]).

Tableau 1

Estimations de l’effet travailleur additionnel (eta) par effet fixe

Tableau 1
Variable d’intérêt U : évolution de la situation du pp [1] [2] [3] Obs. Variable dépendante Y : situation de l’épouse Y98 Y02 observés (%) Log revenu du travail mensuelc Perte d’emploi Perte d’emploi en t + 1 À la marge extensive Activité 44,75 49,49 – 0,0147*** (0,00111) 0,0657*** (0,00635) – 0,00315 (0,00923) 87 229 Activité a 44,75 47,26 – 0,0135*** (0,00111) 0,0616*** (0,00635) – 0,00332 (0,00927) 87 229 Occupation 40,70 39,40 – 0,00929*** (0,00104) 0,0368*** (0,00596) 0,00197 (0,00829) 87 229 Occupation à temps plein 18,20 16,70 – 0,00396*** (0,000952) 0,00903 (0,00499) – 0,00176 (0,00709) 87 229 À la marge intensive (conditionnellement à H > 0) Nombre d’heures travaillées 36,95b 33,36b – 0,250 (0,149) 0,550 (0,833) – 1,966 (1,366) 35 829 Cherche à travailler plus 33,37 40,42 – 0,0105*** (0,00212) 0,0691*** (0,0125) – 0,0388* (0,0189) 35 829 D98 D02 observés (%) – 733,05c 432,44c 5,93 13,36 6,34 10,87 –

Estimations de l’effet travailleur additionnel (eta) par effet fixe

Le tableau présente les résultats de l’estimation linéaire avec effet fixe individuel. Les écarts types (entre parenthèses) sont estimés en tenant compte des clusters au niveau du ménage. Chaque cellule présente une corrélation spécifique et son écart-type. L’intégralité des régressions comprend les variables de contrôle non fixes dans le temps présentées ci-avant et des effets fixes temporels.
*p < 0,05, **p < 0,01, ***p < 0,001.
a actives occupées participant au programme workfare redéfinies comme inactives ; b heures ; c pesos constants 1999.

28En moyenne, une perte de revenu du travail du pourvoyeur principal de 1 % est associée à une augmentation du taux d’activité de son conjoint de 0,015 point de pourcentage (col. [1]). Rapportée aux évolutions moyennes de ces deux variables sur la période, cette corrélation est non négligeable, puisqu’elle rend compte de 12,41 % de l’évolution moyenne de la participation au marché du travail des femmes en couple sur la période [14]. L’ampleur de cet effet se maintient à 0,014 point de pourcentage, même sous l’hypothèse extrême selon laquelle l’intégralité des femmes entrant en activité par programme de workfare bénéficient d’un effet d’aubaine et auraient été inactives en l’absence du programme. De plus, les nouvelles entrantes ne viennent pas seulement grossir le rang des chômeurs, puisque plus des deux tiers de cette relation (0,009 point de pourcentage) s’expliquent par une entrée en emploi. En revanche, les emplois à temps plein sont sous-représentés (0,004 point de pourcentage). Les femmes déjà en emploi ne répondent pas à la diminution du revenu de leur conjoint par une augmentation du nombre d’heures travaillées ; en revanche, elles tendent à exprimer un désir de travailler plus d’heures, ce qui indique qu’elles sont en fait contraintes par le côté demande de la relation d’emploi.

29La perte d’emploi du pourvoyeur principal (col. [2]) est également associée aux décisions de sa conjointe de participer au marché du travail. Rapportée aux évolutions moyennes de la période, la perte d’emploi du pourvoyeur principal rend compte de 10,30 % de l’augmentation totale de participation des femmes en couple [15], et vient confirmer les relations établies ci-avant, avec la différence qu’elles ne trouvent pas d’emploi à temps complet, alors même qu’elles expriment le désir de travailler davantage. Enfin, le chômage futur du pourvoyeur principal (col. [3]) ne génère pas de réaction ex ante significative de la part du travailleur potentiel [16]. Le fait que le chômage futur n’a pas d’incidence sur les décisions présentes d’offre de travail des épouses suggère une absence de stratégie effective de gestion du risque.

30Quand les stratégies alternatives de réponse au choc économique touchant le ménage incluses dans l’analyse sont corrélées à la décision de participation féminine, cette corrélation est négative [17]. Ceci indique qu’en moyenne, la stratégie active d’offre de travail additionnelle se substitue aux autres stratégies d’adaptation ou de réseau, plutôt qu’elle ne les complète. Par exemple, le fait de toucher deux fois plus de revenus de transfert de la part d’un membre extérieur au ménage diminue la probabilité d’une femme mariée de participer au marché du travail de 0,6 point de pourcentage. De même, le doublement de la source de revenu « autre » génère une baisse de participation féminine de 0,4 point de pourcentage. En revanche, toutes choses égales par ailleurs, le fait d’accueillir des membres plus âgés dans le ménage ne modifie pas significativement l’offre de travail des femmes [18]. De même, en moyenne, une variation du revenu du capital ne coïncide pas avec une évolution de l’offre de travail féminine, suggérant que la stratégie d’adaptation – ici de liquidation d’actifs – n’est pas liée à la stratégie active d’offre additionnelle de travail.

Différence de différence avec appariement

31Dans la perspective de l’estimation par double différence avec appariement, l’échantillon est ensuite réduit aux ménages dont le chef est actif occupé et employé dans le secteur privé en première période. En seconde période, le chef de ménage peut conserver son statut d’actif occupé (groupe témoin), ou à l’inverse se retrouver au chômage pour cause de fermeture de son entreprise (groupe d’intérêt) [19]. Conformément à la stratégie d’identification détaillée plus haut, les chefs de ménage en recherche d’emploi pour d’autres raisons en seconde période sont exclus de l’échantillon. Les données sont organisées en un panel de deux relevés par ménage, espacés de six mois : mai-octobre 1998, octobre 1998-mai 1999, … mai-octobre 2002 [20]. L’échantillon contient ainsi 40 380 observations portant sur 20 190 ménages. L’évolution du revenu du travail ou du statut d’occupation du chef de ménage, ainsi que les décisions d’offre de travail de sa conjointe, interviennent entre ces deux relevés [21].

32L’étape préalable à l’estimation par différence de différence avec appariement consiste en le calcul du score de propension sur les données préalables à l’événement d’intérêt. Calculé en ayant recours aux observations en première période, ce score représente la probabilité pour chaque ménage de disposer d’un pourvoyeur principal susceptible d’entrer en situation de chômage pour fermeture d’entreprise en seconde période. Le choix des variables prédéterminées conditionnant ce score est crucial, puisqu’il permet de rendre les variables observables censées agir sur la probabilité de perte d’emploi par fermeture d’entreprise indépendantes des conséquences de cette expérience de perte d’emploi – ici la participation du travailleur additionnel au marché du travail (Rosenbaum et Rubin [1983]). Ces variables incluent des données démographiques, sociales et liées au marché du travail des deux conjoints. Elles comprennent ainsi tout d’abord l’intégralité des variables individuelles non fixes dans le temps utilisées dans l’estimation avec effet fixe individuel présentée ci-avant. Elles incluent ensuite les aspects relatifs au marché du travail des travailleurs additionnels une période avant que le pourvoyeur principal ne perde son emploi, afin que l’estimateur par double différence avec appariement ait la propriété d’indépendance conditionnellement aux variables observables pour les variations des variables dépendantes étudiées (Heckman, Ichimura et Todd [1997]) : le score tient compte des expériences passées, important déterminant des décisions futures. Enfin, il est à noter qu’une variable indicatrice de la sécurité subjective de l’emploi est introduite dans la spécification du score de propension : cette variable sert de proxy pour les inobservables relatives à la fermeture d’entreprise. De plus, avec la durée passée en emploi avant l’épisode de chômage, elle est un bon indice de la perte d’emploi future (Marcus [2013]). Le tableau A2 en annexe donne le détail des variables de conditionnement, des différences de moyennes et de biais standardisés entre groupe d’intérêt et groupe témoin avant et après appariement par fonction noyau. L’appariement respecte le test de stratification de Dehejia et Wahba [1999] [22], et permet de réduire le biais standardisé de manière satisfaisante [23].

33Le tableau 2 rend compte de l’effet causal de la perte d’emploi du pourvoyeur principal sur les décisions d’offre de travail de son conjoint, suivant l’estimation par double différence avec appariement présentée ci-avant, rendue possible par l’utilisation d’une source de perte d’emploi orthogonale aux négociations intrafamiliales d’offre de travail des différents membres. La colonne [1] présente la différence brute de participation à la marge extensive et intensive entre les conjoints des groupes témoin et d’intérêt après perte d’emploi du pourvoyeur principal pour fermeture d’entreprise. La colonne [2] estime la relation par double différence, sans introduction de variables de contrôle. La colonne [3] rend compte de l’effet de la perte d’emploi du pourvoyeur principal après repondération du groupe de contrôle. Enfin, la colonne [4] reproduit les résultats de l’estimation de la spécification préférée « doublement robuste » introduisant des variables de contrôle en sus de la repondération par fonction noyau sur la propension à la perte d’emploi pour cause de fermeture d’entreprise [24].

34Un premier résultat remarquable consiste en la robustesse des effets à la marge extensive estimés par les spécifications [2], [3] et [4]. Cette stabilité des coefficients estimés suggère une importante validité interne de l’effet observé à l’échelle du secteur privé salarié. La spécification doublement robuste introduisant de surcroît des effets fixes temporels et des variables indicatrices des opportunités absolues et relatives rencontrées par les femmes sur le marché du travail donne les résultats les plus élevés en termes d’amplitude et de significativité. La perte d’emploi exogène du pourvoyeur principal du ménage génère une probabilité de participation de 13 points de pourcentage plus élevée chez son conjoint. Lorsque les bénéficiaires du programme de workfare sont définies comme inactives, l’effet estimé est plus important. Ceci suggère que les ménages touchés par des pertes d’emploi exogènes ont relativement moins bénéficié du programme, au moins sur le court terme, et accrédite l’hypothèse selon laquelle une partie de la participation à ce programme social correspond à un effet d’aubaine. La part de la participation aboutissant effectivement à l’emploi est plus importante que lorsque la perte d’emploi est considérée dans son ensemble (tableau 1), et cet effet est particulièrement remarquable pour les entrées en emploi à temps plein, qui représentent deux tiers à trois quarts de l’augmentation de la participation des conjointes.

Tableau 2

Estimations de l’effet travailleur additionnel (eta) par double différence avec appariement et variable d’intérêt exogène

Tableau 2
Variable d’intérêt U : perte d’emploi du pp suite à fermeture d’entreprise [1] [2] [3] [4] Variable dépendante Y : situation de l’épouse Différence ex post Double différence (dd) dd avec appariement ++ dd avec appariement et contrôle ++ À la marge extensive Activité 0,119** (0,0372) 0,0997** (0,0334) 0,0862* (0,0337) 0,131*** (0,0351) Activité + 0,124*** (0,0372) 0,105** (0,0334) 0,0966** (0,0334) 0,140*** (0,0353) Occupation 0,105** (0,0372) 0,0723** (0,0279) 0,0739** (0,0279) 0,108*** (0,0319) Occupation à temps plein 0,0606 (0,0310) 0,0738** (0,0283) 0,0676* (0,0283) 0,0806* (0,0333) Observations 20 190 40 380 37 848 37 848 Conditionnellement au fait d’être en activité ex ante (H > 0) Nombre d’heures travaillées – 0,139 (2,079) 2,267 (2,361) 1,324 (2,348) 1,146 (2,374) Cherche à travailler plus 0,0551 (0,0543) 0,0489 (0,0675) 0,0270 (0,0680) 0,0615 (0,0736) Observations 7 260 14 478 13 439 13 439 Forme de Y Ypost Y Y Y Appariement : fonction noyau h = 0,01 Non Non Oui Oui Effets fixes temporels Non Non Non Oui Variables de contrôle Non Non Non Oui

Estimations de l’effet travailleur additionnel (eta) par double différence avec appariement et variable d’intérêt exogène

Les écarts types (entre parenthèses) sont estimés en tenant compte des clusters au niveau du ménage. L’estimation des écarts types par bootstrap est fréquente mais non justifiée théoriquement (Abadie et Imbens [2008]), et les écarts types les plus larges sont retenus dans une logique conservatrice. *p < 0,05, **p < 0,01, ***p < 0,001. Fonction noyau : epanechnikov. Résultats robustes à différentes fenêtres d’estimation h, différentes formes fonctionnelles noyau, et à un échantillon alternatif composé d’observations espacées d’un an et non de six mois.
+actives occupées participant au programme workfare redéfinies comme inactives ; ++pour comparabilité des groupes témoin et d’intérêt, analyse restreinte au support commun de probabilité de perdre son emploi pour cause de fermeture d’entreprise.

35La participation à la marge intensive ne semble pas modifiée par la perte d’emploi du pourvoyeur principal. Cependant, si le nombre d’heures ne semble pas augmenter significativement, l’ampleur du coefficient renseigne une augmentation de une à deux heures selon les spécifications, alors même que la différence brute (col. [1]) est négative et proche de zéro. Cet effet n’est pas négligeable, au vu de la taille du groupe d’intérêt, et compte tenu de la contrainte institutionnelle et conjoncturelle pesant sur la demande de travail. Enfin, contrairement aux résultats obtenus en première analyse, les conjointes des ménages exposés au chômage du pourvoyeur principal n’expriment pas le désir de travailler davantage d’heures que les conjointes issues de ménages non exposés.

36L’hypothèse de tendance commune préalable au choc de chômage qui conditionne la validité de l’estimation par différence de différence est vérifiée par un test placebo. Le groupe d’intérêt placebo est défini en considérant les ménages du groupe d’intérêt observés durant au moins deux périodes précédant le changement de statut du pourvoyeur principal. L’évolution de leur offre de travail est comparée à l’évolution de l’offre de travail des conjointes dont le ménage ne subit pas ce type de choc au cours de la période 1998-2002. L’objectif est de tester si la conjointe d’un pourvoyeur principal perdant son emploi par suite de fermeture d’entreprise a déjà un comportement de participation atypique avant l’événement. Les résultats présentés dans le tableau A3 en annexe montrent que l’hypothèse de tendance commune n’est pas rejetée : le comportement des conjointes des deux groupes suit une tendance identique durant la période précédant le choc exogène de chômage.

Hétérogénéité de l’effet travailleur additionnel

37L’effet capturé grâce à l’estimation par différence de différence avec appariement rend compte de l’effet travailleur additionnel moyen sur l’ensemble de l’échantillon des pourvoyeurs principaux salariés du secteur privé. Cependant, toutes choses égales par ailleurs, l’effet peut être renforcé ou au contraire atténué selon que le ménage possède ou non certaines caractéristiques. Dans cette optique, six hypothèses sont considérées. Tout d’abord, la théorie collective de l’offre de travail intrafamiliale énonce que les individus composant un ménage ont des préférences différentes. Dans ce cadre, une fois contrôlé l’effet de la maternité sur l’offre de travail pour l’ensemble de l’échantillon, une femme qui a des enfants est davantage encline à entrer sur le marché du travail pour suppléer à la perte de revenu occasionnée par la perte d’emploi du chef de ménage, qu’une femme dont le mari entre au chômage mais n’ayant pas d’enfants (Lundberg et al. [1997]). Ensuite, dans l’hypothèse que les stratégies d’adaptation au choc sont substituables, la possession d’actifs plus ou moins liquides (signalée par un flux de revenu du capital ou la propriété du logement) devrait affaiblir l’effet travailleur additionnel (Stephens [2002]). De plus, si la perte de revenu est compensée, au moins partiellement, par une assurance ou une indemnité chômage touchée par le pourvoyeur principal suite à son licenciement, l’effet travailleur additionnel devrait être moins important. Par ailleurs, la réponse stratégique à la perte d’emploi du pourvoyeur principal peut varier selon le niveau d’éducation atteint par la conjointe. Le signe de cet effet est ambivalent : d’un côté, dans un pays émergent, les postes les moins qualifiés sont les moins institutionnalisés et suivent un cycle de création et de destruction beaucoup plus volatile ; d’un autre côté, l’homogamie et le capital social indissociables de degrés d’études plus avancés limitent l’effet découragement et permettent un taux d’arrivée plus important de postes. Une autre hypothèse a trait au fait que l’utilité marginale du revenu est décroissante : toutes choses égales par ailleurs, l’effet travailleur additionnel est théoriquement d’autant plus important que le ménage se trouve originellement en bas de la distribution des revenus. Enfin, indépendamment des caractéristiques individuelles, il est possible que l’effet varie selon les phases du cycle économique : l’effet travailleur additionnel devrait être d’autant plus important que le choc idiosyncratique a lieu indépendamment du choc macroéconomique agrégé.

38Dans l’objectif de tester ces différentes hypothèses, des termes d’interaction complémentaires sont introduits dans la spécification « doublement robuste » de la colonne [4] du tableau 2. Du fait de la taille restreinte du groupe d’intérêt, des variables qualitatives catégorielles sont construites. Le nombre d’enfants est redéfini comme une variable binaire indicatrice de la présence d’enfants dans le ménage ; une variable binaire synthétise la possession d’actifs plus ou moins liquides, définie par la présence de revenus du capital ou la possession d’un logement ; la distribution du revenu du ménage est introduite dans l’analyse sous forme de quartiles selon le revenu du ménage au cours de la période précédant la perte d’emploi du pourvoyeur. Comme dans le reste de l’analyse, l’éducation est déclinée en trois catégories : primaire, secondaire, supérieur. Enfin, le cycle économique est pris en compte en redéfinissant les effets fixes temporels en une variable binaire valant 1 si la perte d’emploi suite à fermeture d’entreprise a lieu en 2002, cœur de la crise macroéconomique, et 0 dans les autres cas.

39L’hypothèse collective, l’hypothèse de compensation et l’hypothèse du cycle économique sont rejetées par les données. Ainsi, une fois pris en compte l’effet de la maternité sur l’offre de travail, l’hypothèse intrafamiliale « collective » selon laquelle les conjointes ayant des enfants sont davantage incitées à entrer sur le marché du travail que les conjointes sans enfant dans la situation où leur ménage subit une perte de revenu liée à l’entrée au chômage du pourvoyeur principal n’est pas soutenue par les données. L’effet travailleur additionnel ne varie pas non plus significativement selon que le pourvoyeur principal est indemnisé ou non pour la perte de son emploi. Ceci s’explique par le fait que l’indemnisation touche seulement 19 % des ménages, pour un montant moyen couvrant à peine 40 % du revenu perdu. Enfin, l’hypothèse d’hétérogénéité de l’effet travailleur additionnel selon le cycle économique est également rejetée. Ce résultat n’est pas surprenant, dans la mesure où ces années sont intégralement marquées par une croissance nulle ou une récession plus ou moins profonde.

40Les résultats du test des trois hypothèses suivantes sont présentés dans le tableau 3. Par souci de concision, du fait de leur non-significativité, les résultats des estimations à la marge intensive ne sont pas reproduits. Comme le montre le volet A du tableau 3, l’hypothèse de substituabilité des stratégies d’adaptation à la perte d’emploi est soutenue par les données : les ménages ne disposant pas d’un revenu du capital ou de leur logement ont davantage recours à la participation du travailleur additionnel. Lorsque le ménage ne dispose pas d’actifs, une femme dont le conjoint perd son emploi à la suite d’une fermeture d’entreprise a près de 30 points de pourcentage de chance supplémentaire d’entrer sur le marché du travail et de trouver une occupation, contre seulement 7 points de pourcentage supplémentaires pour les conjointes dont le ménage bénéficie par ailleurs de revenus du capital ou possède son logement [25].

Tableau 3

Hétérogénéité de l’effet travailleur additionnel

Tableau 3
[1] [2] [3] [4] Variable dépendante Y : Activité Activité+ Occupation Temps plein A. Substituabilité des stratégies d’adaptation Interaction 0,298*** (0,0656) 0,307*** (0,0658) 0,267*** (0,0680) 0,188** (0,0625) Épargne – 0,131* (0,0603) – 0,135* (0,0604) – 0,146* (0,0570) – 0,0618 (0,0463) Épargne*Période2 0,0882* (0,0381) 0,0850* (0,0380) 0,0872* (0,0377) 0,0457 (0,0321) Épargne*Interaction – 0,223** (0,0734) – 0,223** (0,0733) – 0,214** (0,0778) – 0,142* (0,0708) B. Effet travailleur additionnel selon le quartile de revenu du ménage antérieur à la perte d’emploi Interaction 0,105 (0,0578) 0,142* (0,0565) 0,173** (0,0568) 0,132** (0,0468) Quartile 2 (Q2) 0,164*** (0,0446) 0,161*** (0,0443) 0,182*** (0,0432) 0,0241 (0,0275) Quartile 3 (Q3) 0,215*** (0,0441) 0,201*** (0,0433) 0,257*** (0,0425) 0,129*** (0,0336) Quartile 4 (Q4) 0,406*** (0,0513) 0,415*** (0,0512) 0,460*** (0,0523) 0,286*** (0,0520) Q2*Période2 – 0,0755 (0,0458) – 0,0513 (0,0439) – 0,0659 (0,0420) 0,0276 (0,0266) Q3*Période2 0,0121 (0,0436) 0,0597 (0,0408) 0,0346 (0,0390) 0,0165 (0,0298) Q4*Période2 – 0,0771 (0,0470) – 0,0415 (0,0453) – 0,0256 (0,0450) – 0,0203 (0,0424) Q2*Interaction 0,223** (0,0833) 0,205* (0,0823) 0,0654 (0,0845) – 0,0826 (0,0655) Q3*Interaction – 0,0362 (0,0927) – 0,105 (0,0908) – 0,173 (0,0953) 0,00316 (0,0876) Q4*Interaction – 0,0810 (0,0811) – 0,124 (0,0799) – 0,203* (0,0868) – 0,120 (0,0841) C. Effet travailleur additionnel selon le niveau d’éducation Interaction 0,0443 (0,0493) 0,0584 (0,0493) 0,0645 (0,0468) 0,0613 (0,0450) Éducation secondaire (E2) 0,123** (0,0405) 0,116** (0,0405) 0,114** (0,0389) 0,0988** (0,0307) Éducation supérieure (E3) 0,491*** (0,0396) 0,494*** (0,0396) 0,515*** (0,0383) 0,150*** (0,0423) E2*Période2 0,00709 (0,0405) 0,00700 (0,0394) 0,00304 (0,0377) – 0,0446 (0,0276) E3*Période2 – 0,0581 (0,0403) – 0,0472 (0,0401) – 0,0511 (0,0403) – 0,0237 (0,0362) E2*Interaction 0,159* (0,0740) 0,149* (0,0741) 0,104 (0,0764) 0,0538 (0,0658) E3*Interaction 0,176* (0,0711) 0,165* (0,0704) 0,0454 (0,0812) – 0,000858 (0,0813) Observations 37 848 37 848 37 848 37 848

Hétérogénéité de l’effet travailleur additionnel

La spécification utilisée correspond à la différence de différence avec appariement (tableau 2, col. [4], voir note). Interaction correspond à l’effet travailleur additionnel. Par souci d’exhaustivité, dans chaque volet sont ensuite déclinés les variables et les termes d’interactions nécessaires à l’étude d’un effet travailleur additionnel hétérogène. Les coefficients d’intérêt ont la forme : caractéristique*interaction (en bas de chaque volet). Volet A : la catégorie de référence est le ménage sans actif. Volet B : la catégorie de référence est le premier quartile de la distribution des revenus. Volet C : la catégorie de référence est le niveau primaire d’éducation.

41L’hypothèse selon laquelle l’effet travailleur additionnel est d’autant plus important que le revenu du ménage d’origine est peu élevé est également confortée par les données. Le volet B du tableau 3 montre que le second quartile de la distribution du revenu capte statistiquement l’intégralité de l’effet travailleur additionnel observé (col. [1]). Ceci s’explique par le fait que le second quartile est le principal bénéficiaire du programme de workfare. Lorsque ce programme est redéfini comme effet d’aubaine (col. [2]), ou lorsqu’on considère l’occupation (col. [3] et [4]), l’effet travailleur additionnel concerne de nouveau l’intégralité des quartiles de la distribution. L’hétérogénéité concernant les quartiles supérieurs de la distribution du revenu n’est pas toujours significative, mais bien du signe attendu. Ainsi, l’effet travailleur additionnel en termes d’occupation (col. [3]) est proche de 0 pour le quartile le plus élevé, alors que les épouses des quartiles inférieurs ont 17 points de pourcentage de chance supplémentaire d’être employées dans le cas où leur conjoint entre au chômage suite à la fermeture de leur entreprise [26].

42Enfin, d’après le volet C du tableau 3, toutes choses égales par ailleurs, il apparaît que les conjointes exposées à la perte d’emploi de leur partenaire par fermeture d’entreprise participent d’autant plus au marché du travail que leur niveau de diplôme est élevé. L’effet travailleur additionnel n’est pas statistiquement différent de 0 pour les diplômées du primaire ou d’un niveau inférieur. Ces résultats indiquent que le niveau d’éducation reste un facteur important dans la décision d’entrer sur le marché du travail : dans une perspective intrafamiliale, des femmes éduquées qui n’ont pas fait le choix de travailler en période de référence ont davantage de chance que les conjointes peu éduquées de devenir actives lorsque leur situation familiale se dégrade.

Conclusion

43Cet article s’intéresse aux décisions intrafamiliales d’offre de travail afin d’isoler un déterminant peu étudié de l’offre de travail des femmes en couple : la gestion des chocs non anticipés de revenu. Théoriquement, dans un modèle de cycle de vie avec incertitude, l’écart entre le revenu espéré et sa réalisation est exploité par les ménages comme une information permettant d’actualiser le profil espéré de revenus à l’horizon du cycle de vie : même temporaires, les chocs de revenu peuvent avoir un effet richesse et modifier l’offre de travail des membres du ménage. Afin de mesurer l’ampleur de l’effet travailleur additionnel, nous prenons appui sur un épisode extrême de crise économique. Utilisant des données de panel argentines sur la période 1998-2002, nous mettons en évidence le rôle de l’offre de travail féminine comme stratégie d’adaptation ex post au risque. Une femme dont le conjoint fait l’expérience d’une baisse de revenu du travail de 10 % a une probabilité de participer au marché du travail de 0,14 point de pourcentage plus élevée. De même, si le pourvoyeur principal perd son emploi, la probabilité que sa conjointe entre sur le marché du travail augmente de 6 points de pourcentage. Ces corrélations permettent de rendre compte de 10 à 13 % de la hausse de participation des femmes en couple sur la période. En outre, la hausse de la participation associée à la perte d’emploi des conjoints n’aboutit pas à l’augmentation mécanique des chiffres du chômage féminin : les deux tiers de ces nouvelles entrantes ont effectivement un emploi hors programme de workfare, et un cinquième d’entre elles exercent un emploi à temps plein. Cet effet travailleur additionnel est robuste aux spécifications incluant les stratégies alternatives d’adaptation ex post courantes dans la littérature, ainsi qu’à l’évolution des salaires relatifs homme-femme.

44Dans un second temps, priorité est donnée à la recherche d’un lien causal entre les décisions des deux époux sur le marché du travail. Dans cet objectif, l’étude se concentre sur les ménages dont le pourvoyeur principal est actif employé dans le secteur privé. Le chômage pour cause de fermeture d’entreprise est sélectionné comme variable d’intérêt exogène, et la méthode de double différence avec appariement contrôle les effets des variables observables et inobservables. L’entrée au chômage du pourvoyeur principal suite à la fermeture de son entreprise génère une augmentation de 13 points de pourcentage de la probabilité pour sa conjointe d’entrer sur le marché du travail. Deux nouvelles entrantes sur trois trouvent un emploi à plein temps. Cet effet travailleur additionnel moyen masque des hétérogénéités selon différentes caractéristiques : l’effet est particulièrement important pour les ménages non propriétaires ou sans revenu du capital ; il concerne particulièrement le second quartile de la distribution des revenus ; enfin, il est principalement le fait de femmes diplômées du secondaire et du supérieur. Tout en regrettant l’absence de données nous permettant de tester cette hypothèse, nous interprétons cet effet comme la borne inférieure de l’effet existant en période normale du cycle économique. En effet, alors que les chocs agrégés s’accompagnent d’un effet de découragement, les chocs idiosyncratiques n’ont aucune raison de désinciter le travailleur additionnel à entrer sur le marché du travail.

45Ces résultats sont originaux à deux titres vis-à-vis des résultats de travaux comparables établis pour les pays industrialisés. Premièrement, les ajustements se font principalement à la marge extensive, alors que l’ajustement à la marge intensive prédomine dans les autres études. Ainsi, en Australie, l’ajustement se fait à la marge intensive exclusivement : les femmes déjà actives ont une probabilité de 2,8 points de pourcentage plus élevée de travailler à temps plein, et de près de 5 points de pourcentage plus élevée de travailler davantage d’heures ou de souhaiter travailler davantage (Gong [2011]). Dans le cas des États-Unis, une conjointe dont le compagnon perd son emploi a une probabilité de 5 à 6 points de pourcentage plus élevée d’entrer sur le marché du travail que des femmes seules ou mariées dont le conjoint a une situation stable (Juhn et Potter [2007]) ; en revanche, ces nouvelles entrantes viennent grossir les rangs des chômeurs et n’ont pas davantage de chance de trouver une occupation, à temps partiel comme à temps plein. Une seconde originalité réside dans la taille de l’effet observé : nos résultats figurent dans la fourchette supérieure des effets travailleur additionnel répertoriés par la littérature. L’étude de Stephens [2002] constitue l’étude dont la méthodologie se rapproche le plus de la nôtre. À l’appui des données psid sur la période 1968-1992, il met en évidence un effet travailleur additionnel deux fois inférieur au nôtre en termes d’heures travaillées. De manière intéressante, l’auteur décline l’effet selon la cause d’entrée au chômage, et met en évidence que l’effet travailleur additionnel est plus faible dans le cas où les conjoints sont licenciés dans le cadre de fermetures d’entreprises que dans les autres types de situation. L’auteur l’explique par l’existence d’indemnités dans le cadre des fermetures.

46Ainsi, le fait que l’effet travailleur additionnel apparaisse plutôt à la marge extensive, et soit plus élevé que dans les études portant sur les pays développés, ne surprend pas. Ceci s’explique d’abord par un taux de participation initial beaucoup plus faible des femmes argentines au marché du travail – et donc une marge d’augmentation extensive plus importante, et ensuite par l’absence d’indemnisations et assurances chômage – qui donne lieu à un ajustement par l’offre de travail des membres du ménage beaucoup plus rapide que dans les pays où l’État social et l’institutionnalisation du marché du travail permettent de limiter pour un temps l’effet richesse lié à la perte de revenu suite à la fermeture d’entreprise (Cullen et Gruber [2000]).

47Ce déterminant de l’offre de travail féminine a des effets redistributifs ambigus sur le bien-être intrafamilial. D’un côté, l’entrée des femmes sur le marché du travail constitue un déplacement des pouvoirs de négociation intrafamiliale en leur faveur et une modification des choix de consommation en faveur des autres membres du ménage (McElroy et Horney [1981], Lundberg et al. [1997]). D’un autre côté, ces femmes sont vraisemblablement davantage poussées par la nécessité, au prix d’assumer un double fardeau dans la sphère domestique et sur le marché du travail. Nos données ne permettent pas d’apporter une réponse à la question des effets de redistribution intrafamiliale liés à l’effet travailleur additionnel. Pourtant, cette redistribution a des implications fortes en termes de politique économique, et doit faire l’objet de recherches plus approfondies.


Annexes

A.1 – Statistiques descriptives – Variables du modèle linéaire avec effets fixes individuels

tableau im9
1998 1999 2000 2001 2002 Variables dépendantes (épouse)           Activité (%) 45,55 46,46 47,67 48,89 49,79 (49,72) (49,88) (49,95) (49,99) (50,00) Occupation, participants jjh exclus (%) 40,7 42,11 41,61 41,52 39,4 (49,13) (49,38) (49,29) (49,28) (48,87) Occupation à temps plein (%) 18,21 18,99 18,62 18,79 16,7 (38,59) (39,22) (38,93) (39,06) (37,30) Heures travaillées (cond. H > 0) 36,95 36,52 36,32 35,37 33,36 (39,12) (28,77) (33,42) (24,43) (25,18) Cherche à travailler plus (cond. H > 0, %) 33,38 35,19 35,99 37,77 40,42 (47,16) (47,76) (48,00) (48,48) (49,08) Variables d’intérêt (PP)           Revenu du travail mensuel (réel, $AR 1999) 733,05 687,52 667,82 623,76 432,44 (775,19) (716,55) (716,67) (684,95) (583,75) Chômage (%) 5,94 6,95 8,64 10,59 13,36 (23,63) (25,43) (28,09) (30,77) (34,03) Variables de contrôle (non fixes)           Revenu du travail (réel, $AR 1999) Revenu du travail mensuel hors pp et épouse 37,64 37,71 35,95 39,51 26,60 (173,21) (170,56) (156,74) (172,61) (118,11) Taux salaire moyen féminin dans agglo résid. 3,59 3,4 3,43 3,33 3,19 (0,99) (0,84) (0,94) (0,85) (0,91) Taux salaire moyen relatif H/F dans agglo résid. 0,97 0,98 0,99 0,98 0,95 (0,10) (0,09) (0,08) (0,13) (0,12) Taux chômage moyen fém. dans agglo résid. 13,27 13,82 15,82 17,24 18,3   (4,40) (5,04) (5,66) (5,48) (6,20) Composition du ménage Nombre d’enfants de moins de 6 ans 0,75 0,73 0,7 0,68 0,66 (0,96) (0,95) (0,92) (0,91) (0,89) Nombre d’enfants de 7 à 14 ans 0,89 0,88 0,89 0,89 0,9 (1,06) (1,07) (1,06) (1,07) (1,08) Nombre d’enfants de 15 à 18 ans 0,27 0,26 0,26 0,25 0,27 (0,54) (0,52) (0,53) (0,51) (0,53) Présence d’autres dépendants (3e gén.) 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 (0,23) (0,23) (0,23) (0,22) (0,23) Revenu du ménage hors travail (réel,$AR 1999)           Retraites 15,32 15,02 14,61 12,51 10,59 (112,34) (95,85) (99,34) (82,63) (69,07) Capital (intérêts, loyers,…) 7,33 6,02 6,05 5,82 3,34 (87,64) (84,06) (143,64) (80,43) (45,21) Chômage (indemnisations, assurances) 9,03 6,34 4,23 4,65 3,26 (433,61) (188,19) (121,31) (91,51) (41,03) Transferts de membres extérieurs 2,24 2,06 2,95 2,82 2,19 (25,21) (25,53) (33,03) (30,22) (22,77) Autres 4,27 7,81 6,31 11,33 7,61 (53,85) (192,02) (116,84) (212,74) (55,41)

A.2 – Statistiques descriptives – Moyennes et biais standardisé des variables de conditionnement

tableau im10
Variables Moyenne Biais standardisé Pourvoyeur principal Groupe d’intérêt Groupe témoin Avant appar. Après appar. Avant appar. Après appar. % réduc biais Revenu du travail mensuela 5,79 6,13*** 5,89 – 30,3 – 9,0 70,2 Taille entreprise supérieure à 40b 17,13 28,95*** 20,49 – 28,3 – 8,1 71,5 Éducation primaireb 41,99 43,31 42,31 – 2,7 – 0,6 75,6 Éducation secondaireb 44,18 42,88 44,09 2,7 0,2 91,7 Éducation supérieureb 13,83 13,81 13,60 0 0,6 – 4836,7 Secteur primaireb 1,66 2,69 1,78 – 7,1 – 0,9 88,0 Secteur secondaireb 43,09 39,75 42,14 6,8 1,9 71,4 Secteur tertiaireb 55,25 57,56 56,08 – 4,7 – 1,7 64,0 Durée en emploi : inférieure à 5 ansb 56,35 50,53 54,57 11,7 3,6 69,4 Durée en emploi : entre 5 et 10 ansb 20,44 21,21 20,71 – 1,9 – 0,7 65,0 Durée en emploi : plus de 10 ansb 23,20 28,26 24,71 – 11,6 – 3,5 70,0 Conjoint             Log revenu du travail mensuela, c 2,38 2,11 2,28 9,7 3,7 61,8 Activitéb 44,20 41,48 43,14 5,5 2,1 61,1 Occupation à temps pleinb 14,92 15,64 15,29 – 2,0 – 0,9 52,8 Heures travailléesb 12,62 12,03 12,38 3,0 1,2 59,2 Cherche à travailler plusb 17,13 16,15 16,76 2,6 1,0 62,5 Occupationb 39,78 36,10 38,38 7,6 2,9 61,9 Éducation primaireb 43,09 40,52 42,09 5,2 2,0 61,4 Éducation secondaireb 35,91 40,33 37,65 – 9,1 – 3,6 60,8 Éducation supérieureb 20,99 19,15 20,25 4,6 1,8 59,9 Âge 37,33 36,24 36,94 11,2 4,1 63,8 Ménage             + 500 000 habitantsb 28,18 27,35 28,25 1,8 – 0,2 91,6 80 000-500 000 habitantsb 19,89 24,59 21,65 – 11,4 – 4,2 62,7 40 000-80 000 habitantsb 21,55 21,60 21,53 – 0,1 0,0 72,4 – 40 000 habitantsb 30,39 26,45 28,58 8,7 4,0 54,0 Grand Buenos Airesb 18,79 20,21 19,51 – 3,6 – 1,8 49,4 Nord-Ouestb 17,68 17,06 17,34 1,6 0,9 45,4 Nord-Estb 11,05 10,19 10,85 2,8 0,6 76,6 Cuyob 12,16 13,08 12,52 – 2,8 – 1,1 60,2 Pampab 30,94 27,30 29,76 8,0 2,6 67,7 Patagonieb 9,39 12,15 10,01 – 8,9 – 2,0 77,4 Nombre d’enfants 1,96 1,98 1,98 – 1,8 – 1,7 3,3 Revenu total par têtea 191,24 215,11* 195,84 – 13,5 – 2,5 80,7 Retraitesa, c 0,27 0,21 0,25 5,0 1,3 74,7 Chômagea, c 0,06 0,01** 0,06 10,4 0,2 98,1 Transfertsa, c 0,03 0,04 0,03 – 3,2 -0,8 73,8 Autresa, c 0,22 0,10** 0,17 13,0 5,6 56,7 Nombre de pièces par personne 0,49 0,51 0,49 – 3,8 0,5 86,7 Propriétaire, accès eau et électricitéb 67,40 67,70 67,44 – 0,6 -0,1 86,4
La première colonne présente les moyennes des variables de conditionnement pour le groupe d’intérêt. Les seconde et troisième colonnes indiquent les moyennes de ces variables pour le groupe témoin avant et après procédure d’appariement. Les trois dernières colonnes proposent un test de la condition d’équilibrage des variables X entre les deux groupes (Rosenbaum et Rubin [1985]). Pour chaque variable de conditionnement, le biais est donné par : BSX = [(XT – XC) * 100] / [(?XT + ?XC)/2]1/2.
a Pesos constants 1999. b Variables qualitatives : moyennes exprimées en proportion. c Logarithme. Différence de moyenne : * p < 0,05, ** p < 0,01, *** p < 0,001.

A.3 – Test placebo

tableau im11
Variable d’intérêt U : perte d’emploi future du pp suite à fermeture d’entreprise [1] [2] [3] [4] Variable dépendante Y : situation de l’épouse Différence ex post Double différence (dd) dd avec appariement ++ dd avec appariement et contrôle ++ À la marge extensive Activité – 0,000645 (0,0474) 0,0372 (0,0366) 0,0307 (0,0367) 0,0314 (0,0368) Activité + 0,0105 (0,0474) 0,0427 (0,0366) 0,0374 (0,0367) 0,0377 (0,0368) Occupation 0,0173 (0,0465) 0,0331 (0,0378) 0,0343 (0,0378) 0,0343 (0,0388) Occupation à temps plein 0,0204 (0,0290) 0,0337 (0,0378) 0,0218 (0,0291) 0,0155 (0,0302) Observations 20 009 40 018 37 316 37 316 Conditionnellement au fait d’être en activité ex ante (H > 0) Nombre d’heures travaillées 0,272 (3,171) 1,204 (3,541) 0.460 (3,533) 0,320 (2,672) Cherche à travailler plus – 0,0322 (0,0743) – 0,0310 (0,0861) – 0.0338 (0,0861) – 0,00246 (0,0792) Observations 7 176 14 324 13 252 13 252 Forme de Y Ypost Y Y Y Appariement : fonction noyau (h = 0,01) Non Non Oui Oui Effets fixes temporels Non Non Non Oui Variables de contrôle Non Non Non Oui
À l’occasion du test placebo, le groupe d’intérêt est constitué des couples d’observations dont le pourvoyeur principal est bien en emploi, puis est licencié pour fermeture au cours d’une période future. Le groupe de contrôle comprend les ménages dont le pourvoyeur ne perd pas son emploi par la suite. Les couples d’observations d’occurrence de la perte d’emploi sont exclus de l’échantillon du test. Les spécifications sont strictement identiques à celles du tableau 2. Les écarts types (entre parenthèses) sont estimés en tenant compte des clusters au niveau du ménage. *p < 0,05, **p < 0,01, ***p < 0,001. Fonction noyau : epanechnikov.
+ actives occupées participant au programme workfare redéfinies comme inactives ; ++ pour comparabilité des groupes témoin et d’intérêt, analyse restreinte au support commun de probabilité de perdre son emploi pour cause de fermeture d’entreprise.

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Notes

  • [*]
    Université de Lyon, Lyon, F-69007, France ; cnrs, gate Lyon Saint-Étienne, Ecully, F-69130, France ; École normale supérieure de Lyon, Lyon, F-69007, France. Correspondance : ens de Lyon, Bureau R130, 15 parvis René Descartes, 69 007 Lyon. Courriel : laurine.martinoty@ens-lyon.fr
  • [1]
    Woytinsky : « by “additional worker” is meant the person who is on the labor market because of the unemployment of the usual breadwinner in his family and who otherwise would not be seeking work » ([1940], p. 1).
  • [2]
    cepal [2002], Latin America and the Carebbean : Selected Gender-Sensitive Indicators.
  • [3]
    En décembre 2001, le fmi prévoyait une récession de 1,1 % du pib et une déflation de 0,5 % pour 2002. En novembre 2001, la cepal prévoyait une croissance nulle (McKenzie [2004]).
  • [4]
    L’échantillon provient d’une enquête menée par l’institut privé ibope et porte sur 2 800 ménages. Les ménages ne sont interrogés qu’une seule fois en juin 2002, et renseignent leur situation économique en octobre 2001 de manière rétrospective.
  • [5]
    À partir d’octobre 2000, l’enquête indique si l’emploi correspond à un programme de workfare. Ce programme universel attribue 150$AR mensuels aux familles avec enfant de moins de 18 ans dont le chef de ménage est sans emploi, en contrepartie de 20 heures de travail en entreprise ou dans une activité d’intérêt général. Ce programme concerne moins de 1,5 % de l’activité des femmes en couple en octobre 2000. Devant le taux de chômage et de pauvreté record, le programme est rapidement étendu à partir d’avril 2002 et représente 7 % de l’activité des femmes en couple en octobre 2002. En théorie, ce programme relâche la contrainte de demande et permet à l’offre de travail dont le salaire de réserve est suffisamment bas de rencontrer une demande. Cependant, en pratique, la surveillance liée à ce programme est très hétérogène selon les régions et les industries, et ces ressources peuvent être utilisées à des fins de clientélisme politique par les autorités locales et les syndicats. Dans ce cas, l’existence de ce programme biaise l’effet estimé à la hausse. Pour cette raison, nous mesurons l’effet travailleur additionnel sous l’hypothèse extrême que les bénéficiaires de ce programme bénéficient d’un effet d’aubaine, et n’auraient pas travaillé en l’absence de son existence.
  • [6]
    Un travail à temps plein comporte au moins 35 heures hebdomadaires (indec [2002]).
  • [7]
    Par exemple, certains traits inobservables peuvent conjointement favoriser une femme sur le marché du mariage, et la doter d’une confiance en soi plus importante pour se présenter sur le marché du travail. Sur données transversales, cette corrélation génère un biais d’atténuation : la relation négative attendue entre le revenu et la participation des conjoints est d’ampleur moindre que la vraie relation. Les valeurs du ménage peuvent également jouer : ainsi, par exemple, en Argentine, les valeurs de classe moyenne intiment à une femme de se consacrer à ses enfants, et à son mari de subvenir seul aux besoins de sa famille ; en parallèle, du fait d’une mobilité importante en terme de revenus, l’effet de ces valeurs est difficilement capté par des variables traditionnelles comme la richesse ou les revenus du capital, et il est complexe de déterminer le sens de ce biais. Les effets fixes permettent de tenir compte de ces facteurs culturels imparfaitement reflétés par les variables observables.
  • [8]
    En effet, même si le salaire horaire féminin diminue sur la période, le choc économique agrégé génère une importante modification structurelle de la demande de travail en faveur des services, où les femmes sont davantage actives, au détriment de l’industrie et de la construction.
  • [9]
    Enfin, l’offre de travail dépend des choix d’investissement en éducation. Cette étude se concentre sur les effets de court terme, et exclut la possibilité que les femmes choisissent de se former et adoptent une stratégie d’accumulation de capital humain. L’impact du niveau d’éducation sur l’offre de travail est ainsi capturé par l’effet fixe individuel.
  • [10]
    Contrairement à la période de croissance économique précédente, pendant ces années de récession et de crise économique aiguë, les entreprises sont majoritairement fermées sans préavis ni indemnisation. Par ailleurs, la corrélation de l’entrée au chômage pour cause de fermeture d’entreprise entre les deux époux est inférieure à 0,025, ce qui exclut les risques de biais d’atténuation liés à une exposition conjointe. La possibilité d’anticipation de fermeture est contrôlée par une variable indicatrice de la confiance en la stabilité du poste relevée en période précédente, utilisée dans l’estimation du score de propension.
  • [11]
    L’efficacité des méthodes utilisant le score de propension et la différence de différence est évaluée par l’étude comparative de référence de Smith et Todd [2005] ; Marcus [2013] constitue un exemple pertinent d’application empirique de l’effet du chômage du pourvoyeur principal sur son conjoint (dans ce cas, la santé mentale) et fait appel à une source identique de variation exogène. Enfin, Khandker et al. [2010] proposent un manuel de référence utile d’un point de vue théorique et pratique.
  • [12]
    Ce choix est motivé par plusieurs raisons d’ordre pratique et empirique. Moins de 2,9 % des femmes se déclarent chef de ménage. Sur la période, 12,3 % d’entre elles gagnent plus que leur mari. Alors que le taux d’activité des hommes en âge de travailler est supérieur à 90 % sur la période, celui des femmes atteint un maximum de 45 % en 2002. Enfin, historiquement, la famille argentine se fonde sur un modèle patriarcal hérité de l’immigration européenne chrétienne, à la différence des autres pays d’Amérique latine, influencés par des modèles alternatifs indigènes et africains impliquant davantage la femme hors de la sphère domestique (Rico et Maldonado [2011])
  • [13]
    L’estimation avec effet fixe tient compte du biais lié à l’autodéclaration du revenu uniquement dans le cas où celle-ci suit une logique systématique suivant les périodes ; en revanche, l’erreur de mesure non systématique produit un biais d’atténuation (Bound et al. [2011]). L’entrée en période de chômage est la première cause de baisse de revenu, et elle est moins sujette à l’erreur de mesure.
  • [14]
    Le revenu réel du pourvoyeur principal diminue de 41,01 % et la participation augmente de 4,74 points de pourcentage : [(-0,0147*?revenu) / ?participation]* 100.
  • [15]
    De même : [(0,0657*?chômage) / ?participation] * 100.
  • [16]
    Un seul coefficient est significatif et négatif, contredisant l’hypothèse de motif d’assurance. Une explication réside dans la complémentarité des loisirs des époux. En effet, une estimation stratifiée sur le revenu total du ménage montre que cet effet n’est observé que pour la strate des revenus supérieurs au revenu du ménage médian.
  • [17]
    Ces résultats ne sont pas reproduits par souci de concision, mais sont disponibles auprès de l’auteur sur demande.
  • [18]
    Cet effet moyen nul s’explique par l’ambiguïté de la présence de membres plus âgés sur l’allocation du temps des autres membres du ménage. D’un côté, leur accueil peut soulager la contrainte domestique pesant sur l’offre de travail féminine, dans la mesure où ces nouveaux membres s’occupent des enfants ou des tâches domestiques ; à l’inverse, le soin des personnes âgées constitue une tâche traditionnellement dévolue aux femmes, qui doivent alors consacrer davantage de temps aux tâches domestiques au détriment de leur activité rémunérée.
  • [19]
    Le secteur privé salarié emploie plus de 42 % des pourvoyeurs principaux de l’ensemble des ménages en couple. Les épisodes de chômage liés à des fermetures d’entreprises représentent 8,14 % des cas de perte d’emploi (14,23 % du chômage des salariés). Certains chefs de ménage changent de secteur d’activité et se retrouvent salarié du secteur public ou indépendant. Les résultats présentés dans l’article sont robustes à la restriction du groupe témoin aux seuls ménages dont le pourvoyeur principal est employé dans le secteur salarié privé en seconde période.
  • [20]
    Soit neuf périodes. Les résultats sont robustes à une base de données de huit périodes avec fenêtre d’un an (mai 1998-mai 1999, octobre 1998-octobre 1999, … octobre 2001-octobre 2002).
  • [21]
    Pour indication, en moyenne, l’épisode de chômage a débuté un peu moins de trois mois avant le second relevé, mais la distribution de ces durées est uniforme. En conséquence, comme dans la majorité des modèles de panel, les effets estimés sont à interpréter comme la moyenne des effets de ces différentes durées.
  • [22]
    Ce test confirme qu’il existe des strates de scores de propension pour lesquelles les moyennes des scores estimés ne diffèrent pas significativement entre groupe témoin et groupe d’intérêt, et au sein desquelles la distribution de chacune des variables de conditionnement (testée à l’ordre 1 et 2) est statistiquement similaire entre les deux groupes.
  • [23]
    Le biais standardisé indique la qualité de l’appariement et du respect de l’hypothèse d’équilibrage des distributions des variables de conditionnement entre les deux groupes (Rosenbaum et Rubin [1985]). Pour chaque variable de conditionnement X, il est défini comme la différence de moyenne entre groupe témoin et groupe d’intérêt, rapportée à la racine de la moyenne des variances des deux groupes : BSX = [(XT – XC) * 100] / [(?XT + ?XC)/2]1/2. La comparaison des biais standardisés avant et après procédure d’appariement permet de voir dans quelle mesure l’appariement a permis d’améliorer la comparabilité des groupes en terme de distribution des variables de conditionnement. Dans le groupe d’intérêt, en moyenne, le pourvoyeur principal a un revenu du travail inférieur, travaille dans une entreprise plus petite, et a un niveau d’éducation moins élevé. Après appariement, les différences de moyenne deviennent non significatives au seuil de 1 %. Le biais standardisé est bien égal à 10 ou inférieur, ce qui est la norme pour un appariement satisfaisant.
  • [24]
    Ces variables de contrôle incluent l’ensemble des variables de conditionnement présentées en annexe A2 (hors variables dépendantes), ainsi qu’un effet fixe temporel pour l’année calendaire et deux indicateurs des opportunités au niveau macroéconomique : le salaire horaire et le taux de chômage moyens rencontrés par les femmes sur le marché du travail au cours de l’année calendaire dans leur région.
  • [25]
    Une autre manière de tester cette substituabilité revient à tester l’hétérogénéité de l’effet travailleur additionnel selon l’âge du pourvoyeur principal. Toutes choses égales par ailleurs, l’effet travailleur additionnel devrait être d’autant plus important que le couple est jeune, dans la mesure où l’épargne se constitue en seconde partie du cycle de vie (Starr [2013]). L’âge du pourvoyeur principal est scindé en trois classes (16-29, 30-44, 45-60) ; il apparaît que l’effet travailleur additionnel ne varie pas de manière significative avec l’âge. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’épargne ne produit pas d’effet richesse : dans un contexte inflationniste, voire hyperinflationniste, la possession d’actifs prémunit davantage les ménages contre les revers du cycle économique.
  • [26]
    Concernant la participation (col. [1] et [2]), le fait que l’effet travailleur additionnel soit plus important pour le second quartile de la distribution des revenus ex ante que pour le quartile le plus bas peut surprendre. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution peu intuitive. D’abord, la nature des activités du premier quartile est moins clairement définie, et en ce sens les frontières entre participation et inactivité davantage poreuses. L’erreur de mesure en résultant peut biaiser les résultats à la baisse. Ceci semble appuyé par le fait que l’occupation et l’occupation à temps plein, institutionnellement mieux définies, ne présentent pas le même type d’hétérogénéité. Une seconde explication réside dans les limites de l’État social, entraînant des trajectoires interquartiles importantes de « nouveaux pauvres » vers le premier quartile comprenant la « pauvreté structurelle ». En tout point du temps, le premier quartile présente ainsi une grande hétérogénéité (Kessler et Di Virgilio [2008]).
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