Notes
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[*]
Université de Lyon, Lyon, F-69007, France ; cnrs, gate, Lyon Saint-Étienne, Ecully, F-69130, France. Courriel : goffette-nagot@gate.cnrs.fr
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[**]
Irstea, ur dtgr Développement des territoires montagnards, Saint-Martin-d’Hères, F-38402 France. Correspondance : 2 rue de la Papeterie - BP 76, Saint-Martin-d’Hères, F-38402. Courriel : yves.schaeffer@irstea.fr (auteur correspondant).
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[1]
Voir, par exemple, sur données françaises Duguet et al. [2009], Dujardin et Goffette-Nagot [2010], Gobillon et al. [2010].
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[2]
Le lecteur intéressé pourra se référer, par exemple, à Coulson [1991] pour une discussion de la pertinence empirique des hypothèses du modèle monocentrique.
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[3]
Les mécanismes de ségrégation ethnique modélisés par Schelling [1971] reposent sur les préférences de chaque groupe ethnique pour la composition ethnique du voisinage. Ce que nous prendrons en compte ici est différent, puisque seuls la distance au centre et le revenu du voisinage différencient les localisations.
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[4]
Pour des raisons de commodité, nous utiliserons dans ce qui suit l’expression « nationalité » ou « origine ethnique » pour désigner la variable ainsi construite, qui comporte trois modalités : de nationalité française né en France, de nationalité française né à l’étranger, et de nationalité étrangère.
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[5]
Plus précisément, il s’agit de la ségrégation résidentielle entre migrants qui se relocalisent au sein d’une même aire urbaine. La ségrégation résidentielle concernant l’ensemble des ménages s’explique également par les autres catégories de mouvements résidentiels et par les changements de caractéristiques des ménages immobiles.
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[6]
Ce fichier est diffusé par le Centre Maurice Halbwachs (cmh).
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[7]
Ancienne direction de l’administration publique française, supprimée en 2008.
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[8]
En 1999, il y avait en France 354 aires urbaines, regroupant 45 millions d’habitants, soit 77 % de la population française ; voir http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/aire-urbaine.htm
-
[9]
Une unité urbaine est un ensemble communal présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comptant au moins 2 000 habitants, avec la condition que chaque commune de l’unité urbaine possède plus de la moitié de ses habitants dans cette zone bâtie.
-
[10]
Une commune est périurbaine lorsqu’au moins 40 % des actifs employés qui y résident vont travailler dans le pôle urbain ou dans une autre commune de la couronne périurbaine.
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[11]
Ces résultats sont disponibles auprès des auteurs.
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[12]
Au sein des aires urbaines de notre champ, les ménages ayant déménagé représentent 51,5 % de l’ensemble des ménages. Parmi eux, 67,7 % résident dans la même aire urbaine en 1990 et en 1999.
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[13]
Ces indicatrices sont établies à partir du niveau 1 de la nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles (pcs) de l’Insee, qui comprend huit groupes socioprofessionnels, en regroupant, d’une part, les « agriculteurs exploitants » et les « artisans, commerçants et chefs d’entreprise » au sein de la classe des « travailleurs indépendants », et, d’autre part, les « retraités » et les « autres personnes sans activité professionnelle » au sein de la classe des « retraités et autres inactifs ».
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[14]
Cette dernière est définie par l’Insee : il s’agit de l’homme dans les ménages composés d’un homme et d’une femme en couple, et d’un homme ou d’une femme dans les autres ménages.
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[15]
Ceci pour éviter des problèmes de colinéarité liés à l’introduction du carré de cette variable dans le modèle économétrique.
-
[16]
Si la moyenne d’un coefficient est nulle, mais sa variance significativement différente de zéro, la variable affecte les comportements résidentiels mais son effet moyen sur la ségrégation est nul.
-
[17]
Voir, par exemple, Massey et Denton [1988], Reardon et Firebaugh [2002], Echenique et Fryer [2007].
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[18]
Nous excluons le groupe des « retraités et autres inactifs » et celui des « travailleurs indépendants » (agriculteurs exploitants, artisans, commerçants et chefs d’entreprise). Les membres du premier groupe effectuent un choix résidentiel sous des contraintes très spécifiques. Ceux du second groupe (artisans, commerçant et chefs d’entreprise) sont extrêmement hétérogènes en termes de revenus et de contraintes de localisation.
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[19]
On notera cependant que nous n’avons pas calculé la variance des indices prédits. Ce calcul supposerait de tenir compte de la matrice de variance-covariance des coefficients estimés, du fait que les migrations résidentielles effectivement réalisées seraient une réalisation tirée de la distribution de probabilité prédite par le modèle et de l’hétérogénéité au sein de la population. Intégrer ces trois sources d’aléa serait conceptuellement possible, mais au prix d’une importante lourdeur de calcul.
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[20]
On notera que les effets aléatoires sont pris en compte dans ces prédictions. Ils n’engendrent pas de ségrégation entre catégories de ménages puisqu’ils sont communs à tous les ménages.
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[21]
Nos résultats permettent de distinguer des mécanismes de ségrégation « directs », ainsi que d’autres plus « indirects ». Par exemple, la ségrégation par la nationalité peut être la conséquence de différences de choix de localisation entre Français et étrangers, toutes choses égales par ailleurs, mais aussi plus indirectement de différences de choix entre cadres et ouvriers associés à une plus forte proportion d’étrangers parmi les ouvriers que parmi les cadres. De la même manière, on s’attend, par exemple, à ce que la ségrégation entre actifs et inactifs soit en partie le résultat indirect de différences de choix de localisation selon la taille du ménage associés à une plus grande taille moyenne des ménages d’actifs.
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[22]
Les autres indices donnent des résultats conformes à ce qui a été décrit sur l’au de Toulouse.
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[23]
Le modèle complet sous-estime presque systématiquement les niveaux de ségrégation, ce qui s’explique aisément. Certaines modalités de ségrégation ne sont pas (ou mal) prises en compte par nos variables indépendantes. On sait, par exemple, que la position d’un ménage dans le cycle de vie influence ses choix de localisation (Détang-Dessendre et al. [2008]) ; or, ce mécanisme n’est pris en compte qu’indirectement par le biais de la taille du ménage.
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[24]
Ces résultats sont disponibles auprès des auteurs.
Introduction
1La ségrégation urbaine, qu’elle soit sociale ou ethnique, est un des traits marquants des villes occidentales contemporaines. Cette ségrégation est susceptible d’avoir des effets défavorables, en étant source de trappes à pauvreté liées à l’existence d’effets de quartier [1] et en menaçant la cohésion sociale. Aussi, les déterminants de la ségrégation urbaine sont-ils largement étudiés dans la littérature.
2L’analyse économique propose plusieurs facteurs explicatifs de la ségrégation par le revenu. Le modèle standard d’économie urbaine, fondé sur le modèle Alonso-Muth, explique le tri des différentes catégories de revenus dans la ville comme le résultat d’un arbitrage différencié entre la consommation de logement et l’accessibilité au centre : si l’accroissement de revenu se traduit par une augmentation de la consommation de logement supérieure à celle du coût marginal de transport, alors les ménages à revenus élevés se localisent en périphérie de la ville, et inversement. Dans les deux cas, on observe un tri par le revenu selon la distance au centre-ville.
3Les modèles d’économie publique locale issus des travaux de Tiebout [1956] suggèrent, quant à eux, un tri des ménages par le revenu entre les municipalités, du fait de la demande pour les biens publics locaux (Gravel et Thoron [2007]). Plus largement, la demande pour les aménités locales, qu’elles soient exogènes ou endogènes, c’est-à-dire produites par la composition sociale des habitants, est source de ségrégation par le revenu (Brueckner et al. [1999]). En particulier, la prise en compte par les ménages des effets de quartiers engendrés par la population résidante, qui les conduit à choisir une localisation en fonction de la composition sociale du voisinage, aboutit à une ségrégation par le revenu stable (Durlauf [1992]). Une meilleure compréhension des mécanismes de la ségrégation urbaine nécessite une approche intégrant arbitrage sur la distance au centre et tri selon les aménités endogènes, les effets de quartier et l’offre de biens publics locaux, ce qui n’a été amorcé que récemment et partiellement (De Bartolome et Ross [2003, 2004, 2007]).
4L’objectif de cet article est de proposer une contribution à cette approche intégrée par une analyse empirique des choix de localisation résidentielle et de leur impact sur la ségrégation. Notre but est d’évaluer les contributions relatives des mécanismes de tri reposant sur les préférences en termes de distance au centre (résultat de l’arbitrage entre coût de déplacement et dépense de logement) ou de revenu moyen dans le voisinage (proxy pour la prise en compte des aménités endogènes, des effets de quartier et des biens publics locaux). La prise en compte simultanée de ces deux types de mécanisme est particulièrement importante dans un contexte d’accroissement de la ségrégation et d’étalement urbain, ce qui est le cas en France depuis les années 1970 (voir, pour les questions de ségrégation, Pan Ké Shon [2009], Préteceille [2006] et, pour la périurbanisation, Julien [2001]). Les réponses à apporter pour réduire la ségrégation urbaine ne sont pas les mêmes selon les poids respectifs des deux mécanismes considérés.
5L’analyse des déterminants des choix de localisation résidentielle peut se faire par l’estimation d’un modèle de choix discret. Trois contributions récentes à l’analyse de la ségrégation utilisent ce type de modèle. Bayer et McMillan [2005] considèrent le rôle des demandes pour la composition sociale du quartier et la qualité des écoles dans la ségrégation ethnique aux États-Unis. Schmidheiny [2006] s’intéresse à l’effet d’une fiscalité locale progressive sur les choix de localisation en Suisse. Ioannides et Zanella [2008] analysent la demande pour les externalités de voisinage en comparant les choix résidentiels des ménages avec et sans enfants.
6Nous suivons la méthodologie utilisée par Bayer et McMillan [2005] et Schmidheiny [2006], qui consiste à estimer un modèle de localisation résidentielle puis à calculer le niveau de ségrégation atteint avec des distributions de population contrefactuelles. Nous le faisons en supposant tour à tour qu’un seul des deux mécanismes de ségrégation considérés est à l’œuvre. Ceci permet alors d’évaluer le poids de ces deux mécanismes dans les niveaux de ségrégation observés. Nos résultats suggèrent que les préférences en matière de distance au centre-ville sont la principale source de ségrégation entre Français et étrangers, toutes choses égales par ailleurs. En revanche, ces préférences et celles en matière de revenu moyen communal ont une contribution d’égale importance dans la ségrégation entre groupes socioprofessionnels d’actifs ou entre actifs et inactifs.
7Cet article est organisé en six sections : présentation de la littérature relative à la ségrégation résidentielle, aperçu d’ensemble de notre méthodologie, données utilisées, présentation du modèle empirique, résultats des estimations et conclusion.
Les sources de la ségrégation résidentielle dans la littérature
8Les modèles urbains monocentriques à la Alonso-Muth ont été les premiers à proposer une explication de la répartition des ménages dans la ville selon leur revenu (Alonso [1964] ; Muth [1969]). Ces modèles supposent un centre d’emploi unique vers lequel les ménages se déplacent radialement. La concurrence pour les localisations centrales est la source d’un prix du logement décroissant avec la distance [2]. Dans ces modèles, le résultat, différencié selon le revenu, de l’arbitrage entre prix du logement et coût marginal de transport aboutit à une stratification des revenus avec la distance au centre. Le signe de la relation entre distance au centre et revenu est celui de la différence entre l’élasticité-revenu de la demande de logement et l’élasticité-revenu du coût marginal de transport (Fujita [1989]). L’introduction d’aménités locales dans ce modèle complexifie l’analyse et peut renverser la relation entre distance au centre et revenu. Surtout, la prise en compte d’aménités endogènes, c’est-à-dire créées par la composition sociale des quartiers et dont le revenu moyen des résidents peut être une proxy, peut aboutir à des équilibres multiples, mais dans tous les cas renforce les schémas concentriques de ségrégation (Brueckner et al. [1999]).
9Les effets de débordement de capital humain, qu’il s’agisse de l’éducation, des réseaux sociaux affectant la recherche d’emploi ou de la délinquance, conduisent à un autre mécanisme de stratification. Ainsi, les modèles de Durlauf [1992] et de Benabou [1993] montrent que l’effet du voisinage sur le niveau d’éducation des enfants est suffisant pour induire une ségrégation : ceux qui attachent le plus d’importance à l’éducation ont une disposition à payer plus forte pour les quartiers à forte proportion de ménages diplômés et à salaires élevés. La prise en compte des effets de voisinage dans les modèles empiriques de choix de localisation résidentielle a connu récemment un essor important. Ainsi, Bayer et al. [2007] estiment un tel modèle pour mesurer la valeur accordée à la qualité du voisinage social et des écoles. Dans un article plus ancien, ces mêmes auteurs estiment un modèle de localisation centré sur les préférences des ménages pour les caractéristiques du voisinage selon leur origine ethnique (Bayer et McMillan [2005]). Dans une optique un peu différente, Schmidheiny [2006] estime un tel modèle pour identifier l’effet d’une fiscalité locale progressive sur la ségrégation dans le canton de Bâle. Dans ces modèles, les variables explicatives essentielles sont des interactions entre les caractéristiques des ménages et les caractéristiques des localisations : ce sont moins les préférences pour les caractéristiques des lieux qui importent, que l’hétérogénéité de l’attractivité de ces caractéristiques pour les différents types de ménages. Dans cette littérature, le revenu fiscal local moyen est couramment utilisé comme proxy de la composition sociale locale.
10Enfin, la littérature d’économie publique locale envisage la stratification spatiale selon le revenu en relation avec la consommation de biens publics locaux. Sur la base de l’idée originelle de Tiebout [1956] du vote avec les pieds, cette littérature considère l’effet de l’hétérogénéité des ménages en termes de revenus et de préférences pour les biens publics locaux (Ellickson [1973] ; Epple et al. [1984, 1993] ; Epple et Romano [1998, 2003]). Dans les modèles dans lesquels les ménages ne diffèrent que par leur revenu, la stratification complète par le revenu est une condition nécessaire d’équilibre. Gravel et Thoron [2007] montrent qu’une stratification complète par le revenu est obtenue sous une condition de complémentarité ou de substituabilité stable des demandes pour le bien privé et le bien public local. On notera que ce résultat de stratification complète est un argument pour considérer que le revenu local moyen est un indicateur du type d’offre de biens publics locaux dans la municipalité.
11Finalement, la littérature met essentiellement l’accent sur deux grandes modalités de ségrégation résidentielle selon le revenu :
- le tri selon la distance au centre, à la Alonso, qui s’explique par les arbitrages entre des localisations centrales offrant une meilleure accessibilité aux emplois et des localisations périphériques moins onéreuses en termes de logement ;
- le tri entre municipalités selon le niveau de revenu de leurs résidents, à la Tiebout-Benabou, qui s’explique par les externalités de voisinage et l’hétérogénéité des offres de biens publics locaux.
12Dans le présent article, nous souhaitons mesurer le rôle de ces deux grands mécanismes ségrégatifs dans les aires urbaines françaises. Notre analyse empirique vise à répondre à trois questions : (i) Observe-t-on une différenciation sociale des choix de localisation des ménages au regard du degré de centralité des localisations, d’une part, et du revenu moyen dans le voisinage, d’autre part ? (ii) Quelle est l’importance relative de ces deux modalités de différenciation sociale des choix de localisation dans la formation de la ségrégation résidentielle ? (iii) Les réponses à ces questions sont-elles semblables pour l’ensemble des aires urbaines ?
Présentation d’ensemble de l’analyse empirique
13Notre méthodologie s’inspire fortement de Schmidheiny [2006]. Elle comprend deux étapes, mises en œuvre à l’échelle de chaque aire urbaine : l’estimation d’un modèle de choix de localisation résidentielle et l’utilisation des coefficients estimés pour générer des distributions contrefactuelles de population, permettant de mesurer la contribution des différents déterminants des choix de localisation à la ségrégation observée.
14La première étape met en regard les caractéristiques des ménages migrants et celles des localisations qu’ils ont retenues. Nous estimons un modèle logit mixte (Train [2009]) sur un échantillon représentatif de la population des ménages ayant changé de résidence au sein d’une aire urbaine de plus de 300 000 habitants en France entre 1990 et 1999. Ce modèle repose sur l’hypothèse que les ménages migrants choisissent parmi l’ensemble des localisations disponibles celle qui maximise leur utilité. Les variables explicatives principales sont des variables d’interaction entre les caractéristiques des ménages et celles des localisations. Les caractéristiques des localisations prises en compte sont celles dont nous souhaitons mesurer l’attractivité : distance au centre et revenu moyen des ménages-résidents. Les caractéristiques des ménages introduites sont destinées à estimer la différenciation des comportements vis-à-vis de ces caractéristiques locales selon l’appartenance sociale. Nous utilisons la catégorie socioprofessionnelle comme indicateur du niveau de revenu du ménage. En outre, de façon à apporter des réponses en termes de ségrégation selon l’origine ethnique [3], nous prenons également en compte un critère de nationalité et de pays de naissance [4]. Grâce aux variables d’interaction, l’estimation permet de révéler dans quelle mesure les caractéristiques des ménages (groupe socioprofessionnel, origine ethnique et taille) influencent leurs choix en matière de centralité et de contexte social.
15La seconde étape s’appuie sur la première pour étudier la production de la ségrégation résidentielle à l’échelle de l’aire urbaine [5]. Les résultats d’estimation permettent de calculer, pour chaque ménage de l’échantillon, les probabilités de choix des différents types de localisation. En agrégeant ces probabilités de choix, on obtient une distribution spatiale des ménages migrants et on calcule un niveau de ségrégation prédit pour cette population. Pour mesurer l’importance relative des deux modalités de ségrégation analysées, en suivant Bayer et McMillan [2005] et Schmidheiny [2006], l’ensemble de probabilités est calculé en ignorant successivement les paramètres estimés correspondant aux variables d’interaction relatives à l’une, puis à l’autre, des deux modalités considérées. Nous obtenons des distributions « contrefactuelles » de probabilités, chacune correspondant à l’expression contrôlée d’une seule des deux modalités de ségrégation. Nous comparons les niveaux de ségrégation ainsi engendrés à la ségrégation observée. Ces comparaisons permettent de présumer de la dominance des mécanismes de ségrégation à la Alonso versus à la Tiebout-Benabou.
Données et échantillon
Données
16Nos investigations s’appuient sur le fichier détail « Individus » produit par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) à partir d’un tirage au 1/20e dans la base du recensement général de la population de 1999 [6]. Des caractéristiques détaillées des ménages sont disponibles, ainsi que leur commune de résidence en 1990 et en 1999. Les caractéristiques communales proviennent de plusieurs sources. Un fichier Insee fournit la liste des communes en aires urbaines et leur classement selon les catégories du zonage en aires urbaines (zau) de l’Insee de 1999. Un fichier constitué par l’Institut géographique national indique les coordonnées géographiques des mairies de chaque commune, permettant le calcul de distances à vol d’oiseau. Un fichier, constitué par l’Insee et par la Direction générale des impôts [7], fournit les revenus fiscaux moyens par commune en 1990.
Définition de l’échantillon
17L’échelle spatiale à laquelle nous analysons la ségrégation est l’aire urbaine (notée au dans ce qui suit). Les au sont été délimitées par l’Insee pour représenter la ville étendue à ses couronnes périurbaines [8]. Une au comprend un pôle urbain et sa couronne périurbaine : le premier consiste en une unité urbaine [9] dotée d’au moins 5 000 emplois, tandis que la seconde est composée de communes rurales ou d’unités urbaines polarisées par les emplois de ce pôle [10]. Notre étude porte sur les vingt-cinq aires urbaines de plus de 300 000 habitants au recensement de 1999, où on peut penser que la ségrégation est forte (Charlot et al. [2009]).
18Comme d’autres travaux (Boehm et al. [1991] ; Schmidheiny [2006] ; De Palma et al. [2007]), notre analyse porte sur les choix de localisation des ménages migrants. Il ne s’agit donc ni de la décision d’effectuer une migration résidentielle, ni des localisations résidentielles de l’ensemble des ménages. Le plus souvent, les ménages prennent la décision d’effectuer une migration résidentielle suite à l’occurrence d’un événement d’ordre familial (formation ou séparation d’un couple, naissance ou départ d’un enfant, décès, etc.), professionnel (obtention ou perte d’un emploi, changement de lieu de travail, fin d’activité, etc.), ou d’étude (réussite à un concours, etc.) (Boehm et al. [1991] ; Debrand et Taffin [2005]). Ces événements sont les principaux déterminants des migrations, et conduisent les ménages à migrer afin d’optimiser à nouveau leur situation résidentielle. De ce fait, l’analyse des choix de localisation des ménages migrants nous renseigne sur leurs préférences en matière de localisation. La focalisation sur les choix de localisation des migrants est justifiée par le fait qu’on ignore si les ménages non migrants sont dans une situation optimale ou non. En effet, étant donné les coûts liés aux contraintes informationnelles et financières qui pèsent sur les mobilités, l’ajustement résidentiel des ménages en situation sous-optimale peut prendre du temps (Boehm et al. [1991] ; Ilhanfeldt [1981]). On notera cependant que les ménages qui sont les plus sensibles à la composition de leur voisinage sont potentiellement les plus enclins à déménager, ce qui serait susceptible de biaiser nos résultats. Des résultats obtenus pour toute la population montrent que cet aspect affecte peu nos conclusions [11].
19Par ailleurs, les migrations résidentielles entre aires urbaines, de même que celles en provenance ou à destination de l’espace à dominante rurale, sont exclues de l’échantillon [12]. Nous faisons l’hypothèse que les choix de localisation des ménages déjà installés dans une au diffèrent de ceux des nouveaux arrivants et gagnent à être étudiés séparément (Boehm et al. [1991]). Un ménage nouvellement arrivant dans une au dispose rarement d’un bon niveau d’information sur les caractéristiques des différentes localisations. La présence de ces ménages dans l’échantillon pourrait introduire du bruit dans les estimations, sans apporter d’information supplémentaire relativement aux ménages déjà localisés dans l’au. Ce choix nous permet, par ailleurs, d’introduire dans l’estimation une variable tenant compte d’un facteur d’inertie dans les choix de localisation.
Variable expliquée : typologie des localisations résidentielles
20Les ménages migrants choisissent leur localisation résidentielle parmi l’ensemble des communes de l’au. Nous souhaitons mettre en évidence l’effet sur les choix réalisés : (i) de la distance au centre de l’au, et (ii) du revenu moyen de la population résidante. Pour des questions de faisabilité de l’estimation du modèle de choix et étant donné le nombre de communes par au, il est nécessaire de réduire le nombre de choix possibles. Aussi, définissons-nous sept types de communes aussi homogènes que possible selon les deux critères de distance au centre et de niveau de revenus dans la commune. Le tableau 1 présente la manière dont ce regroupement est effectué.
Constitution de la typologie communale
Constitution de la typologie communale
Constitution des échantillons et des variables explicatives
21Un échantillon de ménages est sélectionné selon les modalités exposées ci-dessus pour chacune des aires urbaines considérées. Nous disposons ainsi de vingt-cinq échantillons d’estimation regroupant au total 191 592 ménages. L’échantillon d’estimation le plus petit est celui de l’au d’Angers, avec 2 048 ménages. Dans chaque au, les données communales sont agrégées pour les sept types de localisation définis au tableau 1.
22Quatre variables sont constituées afin de caractériser un ménage i :
- PCSi est un vecteur de six indicatrices renseignant le groupe socioprofessionnel [13] de la personne de référence [14] du ménage en 1999 : cadres et professions intellectuelles supérieures, professions intermédiaires, employés, ouvriers, travailleurs indépendants, retraités ou autres inactifs ;
- NATi est un vecteur de trois indicatrices renseignant la nationalité et le lieu de naissance de la personne de référence du ménage parmi les possibilités suivantes : Français né en France, Français né à l’étranger, ou étranger ;
- TAIi correspond au nombre de personnes du ménage en 1999 et permet de tenir compte de l’impact de la taille du ménage dans l’arbitrage entre distance au centre et prix du logement ;
- ANTij est une indicatrice dont la valeur est 1 si la commune de résidence en 1990 appartient au même type de la classification que sa commune de résidence en 1999.
- yj est le revenu fiscal moyen en 1990 : il s’agit du ratio entre la somme des revenus fiscaux des ménages et le nombre de foyers fiscaux des communes appartenant à j (exprimé relativement au revenu fiscal moyen calculé pour l’ensemble de l’au selon la même méthode) ;
- dj est la distance moyenne au centre-ville en 1990 : il s’agit de la moyenne, pondérée par les effectifs communaux de logements en 1990, des distances à vol d’oiseau en kilomètres entre les mairies de chacune des communes appartenant à j et la mairie de la commune-centre de l’au (exprimée en différence par rapport à la distance moyenne au centre-ville calculée pour l’ensemble de l’au selon la même méthode [15]).
Modèle empirique
Étape 1. Estimation d’un modèle de choix de localisation
23La première étape examine les déterminants des choix de localisation des ménages migrants à l’aide d’un modèle de choix discret à utilité aléatoire : le logit mixte (Train [2009]). L’utilité d’un ménage i dans une localisation j est donnée par :
Statistiques sur les sept types d’espacea,b
Statistiques sur les sept types d’espacea,b
a. En moyenne sur les vingt-cinq aus de notre échantillon, la moyenne des revenus des ménages dans la banlieue intermédiaire est de 4 % supérieure à la valeur moyenne de la même statistique calculée sur tous les types de la même au.b. En moyenne sur les vingt-cinq aus de notre échantillon, la part des personnes de référence des ménages de nationalité étrangère dans la banlieue intermédiaire est de 5 % inférieure à la même statistique calculée sur tous les types de la même au.
24Nous retenons les hypothèses usuelles pour l’estimation d’un tel modèle. Un ménage est supposé comparer les niveaux d’utilité qu’il peut obtenir dans les différentes localisations et choisir la localisation j qui maximise son utilité :
26où C est l’ensemble de choix comprenant J localisations. Le terme d’erreur est supposé être identiquement et indépendamment distribué selon une distribution des valeurs extrêmes généralisées (gev).
27Le logit mixte diffère d’un logit conditionnel par la formulation de la composante déterministe de l’utilité, qui est spécifiée comme : Vij = ?ij Xi, où Xi est un vecteur de variables explicatives qui seront explicitées dans ce qui suit et ?ij est un vecteur de coefficients qui varie dans la population suivant la fonction de densité f(?) (Train [2009]).
28La probabilité pour un ménage i de choisir la localisation j s’écrit de la façon suivante :
30Les paramètres de la distribution de probabilité f(?) sont estimés par la méthode du maximum de vraisemblance simulé, en supposant que f(?) est normale, avec 1 000 tirages dans la distribution jointe pour chaque observation. On obtient ainsi, pour chaque coefficient, sa moyenne et son écart type.
31La composante déterministe de l’utilité inclut des variables d’interaction entre les caractéristiques des ménages et celles des localisations. Dans ces interactions, le revenu moyen de la localisation est introduit sous forme logarithmique et la distance sous forme quadratique, de façon à tenir compte d’effets potentiellement non linéaires. Pour éviter que le revenu moyen communal ne soit endogène, car déterminé par les choix de localisation des ménages migrants, nous utilisons le revenu fiscal moyen sur toute la population, mesuré en début de période. En outre, nous contrôlons pour le nombre de membres du ménage. L’interaction entre la taille du ménage et la distance capte l’effet bien connu de cette caractéristique sur le choix d’une distance au centre (Fujita [1989] ; Détang-Dessendre et al. [2008]), tandis que l’interaction entre la taille et le revenu moyen sur la commune capte l’importance plus grande accordée aux effets de voisinage par les familles avec enfants (Ioannides et Zanella [2008]). Enfin, des constantes aléatoires, propres à chaque localisation et communes à tous les ménages, rendent compte des caractéristiques inobservables des localisations. En particulier, ces effets aléatoires captent l’impact du prix du logement dans la localisation, dont nous supposons qu’il est, toutes choses égales par ailleurs et en particulier après contrôle de la distance au centre et du revenu moyen, invariant avec les caractéristiques des ménages.
32Finalement, la partie déterministe du modèle s’écrit :
34où les variables sont celles décrites plus haut, ln(.) est le logarithme naturel, ?1i à ?3i, ?11i à ?32i et ?i sont les vecteurs de coefficients associés à ces variables ; ?ij correspond à l’effet aléatoire propre à la localisation j. Ces coefficients sont tirés, pour l’individu i, de la distribution f(?). Les modalités de référence retenues pour les vecteurs d’indicatrices pcs et nat sont, respectivement, l’appartenance au groupe des « professions intermédiaires » et la catégorie « Français né en France ».
35Cette spécification est conçue pour tester l’hypothèse selon laquelle l’attractivité des caractéristiques des localisations que sont la distance au centre et le revenu moyen de la population résidante diffère selon les caractéristiques des ménages que sont la catégorie socioprofessionnelle, la nationalité et la taille. Toutes les autres caractéristiques des localisations, prises en compte dans les termes ?ij, sont supposées affecter les choix de l’ensemble des ménages indépendamment des caractéristiques de ces derniers. Des paramètres ?1, ?2 et ?11, ?12, ?21, ?22 (correspondant ici à la moyenne de chacun des coefficients aléatoires) significativement différents de zéro indiqueront que les mécanismes de ségrégation sociale résidentielle par la distance au centre-ville (i.e. à la Alonso) ou par le voisinage social (i.e. à la Tiebout-Benabou) sont à l’œuvre [16].
36Le coefficient ? capte l’hypothèse selon laquelle, toutes choses égales par ailleurs, un ménage a une plus forte probabilité de se relocaliser dans sa localisation antérieure. En effet, un ménage est généralement amené à établir dans son lieu de résidence un réseau social local lui apportant informations, aides ponctuelles ou moments de convivialité. L’existence de ce réseau augmente le coût d’un changement de localisation relativement à celui d’un déménagement au sein de la même localisation. De plus, un ménage à la recherche d’un logement aura potentiellement accès à une information de première main et de meilleure qualité sur l’offre disponible localement. Notons que ce paramètre a une distribution indépendante des caractéristiques sociodémographiques des ménages et du type de localisation initiale.
Étape 2. Calcul d’indices de ségrégation
37D’une analyse de la différenciation sociale des choix de localisation des ménages, nous passons à une analyse des conséquences de ces choix sur la ségrégation à l’échelle de l’au. Il s’agit in fine d’apprécier la contribution relative des deux grands mécanismes de ségrégation suggérés par la théorie économique : à la Alonso versus à la Tiebout-Benabou.
38De nombreux indices de ségrégation résidentielle ont été développés, comparés entre eux et utilisés dans des études empiriques [17]. L’indice de dissimilarité a été et demeure très utilisé (Massey et Denton [1988]). Nous utilisons ici la version multi-groupe de cet indice (Reardon et Firebaugh [2002]), dont l’expression est la suivante :
40où ?m est la proportion du groupe m dans la population totale, wj le poids de la population de la localisation j dans la population totale et ?jm la proportion du groupe m dans la population de la localisation j ; I mesure la diversité des groupes au sein de la population.
41Cet indicateur de ségrégation peut se comprendre comme une représentation de l’inégalité dans la répartition des parts de minorités entre les unités spatiales (Reardon et Firebaugh [2002]). Il présente l’intérêt de s’interpréter facilement comme la part des individus qu’il faudrait déplacer pour égaliser les parts de minorités dans toutes les localisations. L’indice de dissimilarité, comme les autres indices fondés sur l’uniformité de la distribution spatiale, présente l’inconvénient d’être sensible au faible poids dans la population des groupes considérés et à la petite taille des unités spatiales de base (Carrington et Troske [1997]). Dans notre analyse, le premier point pourrait être problématique pour les mesures de ségrégation des étrangers, et le second pour les plus petites aires urbaines. Toutefois, dans les deux cas, le problème posé tient au caractère discret des effectifs de population à répartir entre les unités spatiales. Or, dans les situations contrefactuelles étudiées ici, la ségrégation est mesurée sur des effectifs de population continus : les probabilités de choix d’une localisation de tous les individus d’un même groupe sont sommées pour prédire l’effectif contrefactuel d’individus de ce groupe présents dans cette localisation (voir plus bas). Les comparaisons entre les valeurs prises par l’indice de dissimilarité pour différentes situations contrefactuelles au sein d’une même aire urbaine, sur lesquelles reposent nos résultats, ne sont donc pas affectées par ce problème de granulométrie.
42L’indice de dissimilarité calculé ici présente l’inconvénient d’être a-spatial : les interactions spatiales entre les différentes entités ne sont pas prises en compte, et l’indice ne distingue pas une situation où tous les quartiers regroupant une catégorie de population sont concentrés dans une partie de la ville, d’une autre situation où ces quartiers sont dispersés. Cependant, les unités spatiales étant ici au nombre de sept, on peut penser que la prise en compte des interactions spatiales entre elles ne modifierait pas substantiellement les valeurs prises par l’indice.
43Dans ce qui suit, nous mesurons la ségrégation entre les sept localisations de la typologie communale pour les trois partitions de ménages migrants suivantes :
- en quatre groupes socioprofessionnels d’actifs [18] : cadres et professions intellectuelles supérieures, professions intermédiaires, employés et ouvriers ;
- entre inactifs et actifs : « retraités et autres inactifs » versus tous les autres ;
- d’après la nationalité : Français nés en France et personnes de nationalité étrangère.
44Les valeurs de ces indices « prédites » par notre modèle sont calculées ensuite. Pour ce faire, nous utilisons l’expression (3), qui fournit une probabilité de choix Pij pour chaque couple {ménage, localisation}. En sommant les probabilités de choisir j de tous les individus du groupe m, nous obtenons une prédiction de la répartition des groupes de ménages entre les localisations, qui permet de calculer les trois indices de ségrégation. Les indices « prédits » reflètent ainsi une espérance de ségrégation correspondant à une distribution de probabilité sous-jacente.
45Trois hypothèses distinctes sur le terme Vij utilisé pour le calcul de Pij sont faites tour à tour.
(i) Les prédictions de ségrégation obtenues à l’aide du modèle complet
46L’expression de Vij est celle du modèle économétrique estimé :
(ii) Les prédictions de ségrégation basées sur la distance ou (iii) le revenu
47Les probabilités Pij sont calculées selon deux options contrefactuelles : en supposant que les ménages ne donnent de l’importance qu’aux distances au centre-ville, puis en supposant qu’ils ne donnent de l’importance qu’aux revenus moyens des localisations. Dans chaque cas, cette préférence est considérée en fonction alternativement de la catégorie socioprofessionnelle du ménage, de sa nationalité et de sa taille. Ce croisement entre déterminants (caractéristiques des individus) et objet (caractéristiques des localisations) des préférences conduit à distinguer six « canaux » de ségrégation.
48Ainsi, dans le cas des interactions mettant en jeu la distance, on calcule successivement des ensembles des probabilités pour les préférences selon la catégorie socioprofessionnelle, la nationalité et la taille du ménage [20] :
50Et de même dans le cas des interactions mettant en jeu le revenu moyen :
53On calcule ainsi six indices de ségrégation décrivant les distributions contre-factuelles des ménages dans l’espace. La comparaison deux à deux de ces indices au sein de chaque au indique l’importance relative des mécanismes de ségrégation par la distance au centre-ville (à la Alonso) et par le voisinage social (à la Tiebout-Benabou).
Résultats
La ségrégation résidentielle des migrants au sein de l’aire urbaine de Toulouse
54Cette section présente le cas particulier de l’aire urbaine de Toulouse. Il s’agit ici d’illustrer la méthodologie appliquée de manière à faciliter la compréhension des résultats d’ensemble exposés dans la sous-section suivante.
Étape 1. Résultats des estimations économétriques
55Un logit conditionnel (Mac Fadden [1974]) et un logit mixte ont été estimés sur un échantillon de 6 242 ménages, ayant effectué une migration résidentielle au sein de l’aire urbaine de Toulouse entre 1990 et 1999. La figure 1 matérialise la typologie des localisations résidentielles toulousaines, dont les sept types constituent la variable expliquée des deux modèles. Le tableau 3 présente les coefficients estimés. Les deux premières colonnes fournissent les résultats du logit conditionnel et les quatre suivantes ceux du logit mixte. Pour le logit mixte, deux paramètres sont renseignés pour chaque variable : la moyenne du coefficient et l’écart type de ce coefficient dans la population. La statistique d’Estrella, dont l’interprétation est similaire à celle du R², indique une bonne qualité d’ajustement pour les deux modèles.
Ensemble des choix de localisation au sein de l’aire urbaine de Toulouse (d’après la position des communes dans le zau 1999 et leur revenu moyen en 1990)
Ensemble des choix de localisation au sein de l’aire urbaine de Toulouse (d’après la position des communes dans le zau 1999 et leur revenu moyen en 1990)
Résultats d’estimations pour l’aire urbaine de Toulouse
Résultats d’estimations pour l’aire urbaine de Toulouse
(Variable expliquée : choix d’une localisation résidentielle)Y désigne le revenu fiscal moyen relatif dans la localisation. D désigne la distance relative au centre de l’au.
56Les coefficients du logit conditionnel et les coefficients moyens du logit mixte sont significatifs pour les mêmes variables, à deux exceptions près. Les coefficients significatifs dans les deux cas ont des signes identiques et leurs ordres de grandeur sont généralement similaires. Malgré ces proximités, nos résultats nous invitent à rejeter le logit conditionnel. En effet, l’estimation de ce modèle repose sur une hypothèse bien connue d’indépendance vis-à-vis des alternatives non pertinentes (hypothèse iia pour Independence of Irrelevant Alternative). Or, les résultats d’estimation du logit mixte montrent que plusieurs variables sont dotées d’une partie aléatoire significative, ce qui correspond à une violation de cette hypothèse.
57Les variables d’interaction entre le revenu moyen de la localisation résidentielle et les indicatrices de groupes socioprofessionnels sont toutes statistiquement significatives. Toutes choses égales par ailleurs, les cadres et les indépendants préfèrent des localisations plus cossues que les professions intermédiaires, tandis que les employés, les ouvriers et les inactifs préfèrent des localisations plus modestes. Les variables d’interaction entre le revenu moyen de la localisation et les indicatrices de groupes définis par la nationalité et le pays de naissance ne sont pas statistiquement significatives. La variable d’interaction entre le revenu moyen de la localisation résidentielle et la taille du ménage est significative et indique que les ménages les plus grands ont tendance à choisir les localisations les plus cossues.
58Les variables d’interaction entre la distance au centre-ville (ou son carré) et les indicatrices de groupe socioprofessionnel montrent que les indépendants et les cadres ont une plus forte préférence que les professions intermédiaires pour les localisations périphériques. Au contraire, les inactifs ont tendance à préférer plus de centralité. Cependant, le terme aléatoire correspondant à cette interaction est significatif et indique qu’une partie des inactifs ont des préférences similaires aux professions intermédiaires, voire même préfèrent des localisations plus périphériques. Les variables d’interaction entre la distance au centre-ville (ou son carré) et la taille du ménage sont significatives et de signes opposés. Elles indiquent une préférence pour l’éloignement jusqu’à une certaine limite, après quoi l’effet sur l’utilité devient négatif. Le terme aléatoire de l’interaction impliquant le carré de la distance est significatif, mais le signe du coefficient moyen vaut pour l’ensemble de la population.
59L’indicatrice de la localisation antérieure est significative et positive, ce qui signifie qu’un ménage migrant a une préférence pour sa localisation antérieure, toutes choses égales par ailleurs. La significativité du terme aléatoire indique que cet effet est d’importance variable dans la population, mais le signe est toujours positif. Tous les effets aléatoires sont significatifs et négatifs. Les termes aléatoires de la banlieue intermédiaire et de la banlieue pauvre sont significatifs, mais là encore le signe du coefficient moyen vaut pour toute la population.
Étape 2. Résultat des prédictions de ségrégation
60Dans cette seconde étape, les résultats d’estimation du logit mixte sont utilisés pour prédire des probabilités individuelles de choix de localisation sous différentes hypothèses, et passer ainsi de l’identification des préférences individuelles à l’évaluation de leurs conséquences agrégées en termes de ségrégation résidentielle. Six « canaux ségrégatifs » sont étudiés, résultant de préférences différenciées en matière (a) de distance au centre-ville ou (b) de revenu local, selon (1) l’appartenance à un groupe socioprofessionnel, (2) la nationalité et le pays de naissance, ou (3) la taille du ménage. Le tableau 4 renseigne sur l’effet de chacun de ces canaux, dans l’hypothèse contrefactuelle où il opérerait seul, sur la ségrégation entre groupes socioprofessionnels d’actifs, entre actifs et inactifs, et entre Français et étrangers [21].
61Considérons la ségrégation entre cadres, professions intermédiaires, employés et ouvriers. Les indices mesurés sur la base des localisations observées et des prédictions du modèle complet sont respectivement de 0,10 et de 0,08. Quels en sont les facteurs explicatifs principaux ? Le tableau 4 met en évidence le rôle prépondérant de trois canaux de ségrégation. Les deux plus importants sont directs : les préférences en matière de revenu local et de distance au centre-ville diffèrent selon le groupe socioprofessionnel, toutes choses égales par ailleurs, et les effets isolés de ces canaux ségrégatifs conduiraient, respectivement, à des valeurs d’indice de 0,07 et de 0,05. Les mécanismes ségrégatifs « à la Tiébout-Benabou » semblent dominer les mécanismes « à la Alonso ». Le dernier canal ségrégatif est indirect : les préférences en matière de distance diffèrent selon la taille du ménage, toutes choses égales par ailleurs. Or, le nombre moyen d’enfants par ménage est distinct selon le groupe socioprofessionnel ; il est nettement plus faible chez les employés (0,78) et les professions intermédiaires (0,87) que chez les ouvriers (1,03) et les cadres (1,07). Ce mécanisme produirait à lui seul un indice de 0,03.
Indices de dissimilarité pour l’aire urbaine de Toulouse : valeurs observées et contrefactuellesa
Indices de dissimilarité pour l’aire urbaine de Toulouse : valeurs observées et contrefactuellesa
a. Les groupes socioprofessionnels des cadres, professions intermédiaires, employés et ouvriers de la nomenclature des pcs de l’Insee.62Pour ce qui concerne l’opposition entre actifs et inactifs, l’indice observé s’élève à 0,13. Les prédictions du modèle complet rendent compte de ce niveau plus élevé de ségrégation, mais le surestiment assez nettement (0,17). Parmi les facteurs explicatifs de cette ségrégation, le mécanisme dominant est indirect et produirait un indice de 0,09 : les préférences en matière de distance au centre-ville diffèrent selon la taille du ménage, toutes choses égales par ailleurs. Or, le nombre moyen d’enfants par ménage est de 0,29 chez les inactifs contre 0,95 chez les actifs. Les canaux ségrégatifs directs sont également à l’œuvre. Les préférences en matière de revenu et de distance diffèrent entre actifs et inactifs. Ces mécanismes conduiraient respectivement à des valeurs d’indice de 0,06 et de 0,04. Comme dans le cas précédent, la ségrégation « à la Tiébout-Benabou » semble dominer la ségrégation « à la Alonso ». Le dernier mécanisme ségrégatif, indirect, est lié aux différences de préférences en matière de revenu selon la taille du ménage et conduirait à un indice de 0,02.
63Pour l’opposition entre Français et étrangers, l’indice observé s’élève à 0,24. Les prédictions du modèle complet rendent compte de ce niveau de ségrégation. Un mécanisme ségrégatif direct apparaît très nettement prédominant. Les différences de préférences selon la nationalité en matière de distance au centre-ville, toutes choses égales par ailleurs, produiraient à elles seules un indice presque équivalent à l’indice observé (0,20). La ségrégation « à la Alonso » domine sans ambiguïté la ségrégation « à la Tiébout-Benabou ». Trois canaux ségrégatifs indirects sont actifs par ailleurs. Les préférences en matière de distance diffèrent selon la taille du ménage, toutes choses égales par ailleurs. Or, le nombre moyen d’enfants par ménage est de 1,34 pour les étrangers contre seulement 0,81 pour les Français. En conséquence, l’action de ce canal produirait une valeur d’indice de 0,05. Par ailleurs, les préférences en matière de revenu diffèrent selon le groupe socioprofessionnel. Or, la proportion d’ouvriers et d’employés parmi les étrangers est de 55 % contre 36 % parmi les Français. A contrario, celle des cadres et professions intermédiaires est de 15 % parmi les étrangers contre 39 % parmi les Français. De ce fait, ce canal conduirait à une valeur d’indice de 0,03. Le denier canal est lié aux différences de préférences en matière de revenu local selon la taille du ménage et conduirait une valeur de 0,01.
Les résultats sur les vingt-cinq aires urbaines de plus de 300 000 habitants
64Cette section présente les résultats obtenus sur les vingt-cinq aus de plus de 300 000 habitants. Dans un souci de simplicité, les estimations économétriques ne sont pas présentées et seuls les indices de ségrégation correspondant aux processus ségrégatifs « directs » sont étudiés [22]. Il s’agit des processus de ségrégation entre groupes socioprofessionnels d’actifs, entre actifs et inactifs et entre Français et étrangers, qui résultent de préférences différenciées en matière de distance au centre-ville ou de revenu local – toutes choses égales par ailleurs en termes de taille de ménage et de localisation initiale, ainsi que de nationalité dans les deux premiers cas ou de groupe socioprofessionnel dans le dernier cas. Le tableau 5 fournit les statistiques descriptives des indices de dissimilarité correspondant à ces processus ségrégatifs dans les vingt-cinq aus considérées, ainsi que les indices observés et prédits par notre modèle complet. L’annexe A1 donne les valeurs de ces mêmes indices pour chacune des aus de notre champ.
Indices de dissimilarité moyens sur 25 aires urbaines : valeurs observées et contrefactuellesa,b
Indices de dissimilarité moyens sur 25 aires urbaines : valeurs observées et contrefactuellesa,b
a. Les groupes socioprofessionnels des cadres, professions intermédiaires, employés et ouvriers de la nomenclature des pcs de l’Insee.b. « selon pcs » fait référence aux six groupes socioprofessionnels établis pour caractériser les ménage à partir de la nomenclature des pcs de l’Insee.
65Un examen rapide de l’annexe A1 permet de voir que les valeurs d’indice prédites par notre modèle complet sont proches des valeurs observées, ce qui reflète le bon ajustement de notre modèle économétrique aux données [23]. Nos résultats (cf. tableau 5 et annexe A1) montrent très clairement que les processus ségrégatifs envisagés dans notre analyse sont actifs dans les grandes aus françaises. L’analyse des valeurs moyennes des indices amène à des conclusions similaires à celles obtenues sur Toulouse. Les différences de préférences entre Français et étrangers en matière de distance au centre-ville jouent un rôle déterminant dans la production de la ségrégation par la nationalité. Les différences de préférences entre Français et étrangers en matière de revenu local y contribuent aussi, mais beaucoup plus modestement. Pour ce qui a trait à la ségrégation entre groupes socioprofessionnels d’actifs ou entre actifs et inactifs, les différences de préférences en matière de distance au centre-ville et de revenu local contribuent à la ségrégation dans des proportions voisines, avec un impact légèrement plus marqué du tri social reposant sur le choix du revenu local.
66Les écarts types associés à ces indices indiquent toutefois de fortes disparités entre aires urbaines. Ils nous invitent à confirmer nos résultats en comparant les effets ségrégatifs au sein de chaque aire urbaine, plutôt qu’en moyenne sur l’ensemble des aus. Le tableau 6 indique la proportion d’aus où les indices basés sur les préférences en matière de distance au centre-ville sont plus élevés que ceux basés sur les préférences en matière de revenu local, et fournit les statistiques descriptives des écarts absolus entre indices.
Moyenne des écarts entre « canal distance » et « canal revenu » en valeur absoluea,*
Moyenne des écarts entre « canal distance » et « canal revenu » en valeur absoluea,*
a. Les groupes socioprofessionnels des cadres, professions intermédiaires, employés et ouvriers de la nomenclature des pcs de l’Insee.* Les notations correspondent à celles du tableau 5.
67Ce tableau confirme nos conclusions précédentes. Entre Français et étrangers, toutes choses égales par ailleurs, les différences de préférences en matière de distance au centre-ville ont un plus fort impact ségrégatif que celles en matière de revenu local dans la grande majorité des aus (76 %). L’écart absolu entre indices s’élève en moyenne à 12 points, signalant la forte prédominance du processus ségrégatif principal. A contrario, entre groupes socioprofessionnels d’actifs ou entre actifs et inactifs, les différences de préférences en matière de distance au centre-ville ont un plus fort impact ségrégatif que celles en matière de revenu local dans un peu moins de la moitié des aires urbaines (respectivement 48 % et 44 %), tandis que l’inverse est vrai dans l’autre moitié. En outre, les effets ségrégatifs sont souvent du même ordre, avec un écart absolu s’élevant en moyenne à 3 points.
Conclusion
68Nos résultats permettent de conclure que les deux modalités de ségrégation résidentielle suggérées par la littérature – dérivées des préférences en matière de distance au centre-ville et des préférences en matière de voisinage social – sont simultanément à l’œuvre dans la grande majorité des aires urbaines françaises de plus de 300 000 habitants et contribuent notablement à la production de la ségrégation observée. Les contributions relatives de ces deux modalités diffèrent en fonction du type de ségrégation considéré : entre Français et étrangers, la ségrégation dérivée des préférences en matière de distance au centre-ville est fortement prégnante, tandis que celle-ci et celle dérivée des préférences en matière de voisinage social apparaissent d’égale importance entre groupes socioprofessionnels d’actifs ou entre actifs et inactifs. Il n’y a cependant pas de règle générale qui s’appliquerait à toutes les aires urbaines et une analyse de leurs spécificités serait nécessaire pour comprendre dans quel cas telle ou telle modalité s’avère dominante.
69Il est important de préciser que nos résultats ne permettent pas, cependant, de conclure que les processus de ségrégation ainsi observés résultent des mécanismes modélisés par Alonso, Tiebout ou Benabou. De plus, le modèle urbain ne fournit pas d’explication pour la ségrégation selon la nationalité ; or, cette dernière s’opère essentiellement par la distance au centre. La répartition géographique des logements sociaux, associée à la distribution par la nationalité en leur sein, pourrait constituer un facteur d’explication de ce résultat plus convaincant. Il serait nécessaire de développer l’analyse pour préciser davantage les mécanismes à l’œuvre. Néanmoins, ce travail donne un premier éclairage sur les origines de la ségrégation dans les villes françaises.
70Une limite de ce travail est l’utilisation du revenu fiscal communal moyen comme proxy de l’offre de biens publics locaux, d’effets de voisinage et d’autres aménités endogènes. On sait, en particulier, que l’offre de biens publics locaux n’est pas liée de façon simple aux revenus des résidents, même si les mécanismes théoriques des modèles à la Tiebout suggèrent une stratification totale par le revenu. Par ailleurs, nos résultats présentent la limite de n’être basés que sur les ménages mobiles, qui peuvent présenter des préférences en matière de localisation différentes de l’ensemble des ménages. Nous avons justifié ce choix, mais aussi réalisé nos estimations sur l’ensemble des ménages. Les résultats diffèrent peu de ceux présentés dans cet article [24]. La seule différence notable est le fait que les indices de ségrégation prédits sur la base des comportements des ménages migrants sont plus élevés que ceux obtenus avec toute la population. Cependant, la hiérarchie entre les différents canaux de migration existants sur les ménages migrants est conservée sur l’ensemble des ménages, et le choix d’une analyse des ménages migrants ne semble donc pas remettre en cause nos résultats principaux.
Indices de dissimilarité observés et prédits sur les 25 aires urbaines de plus de 300 000 habitants
Indices de dissimilarité observés et prédits sur les 25 aires urbaines de plus de 300 000 habitants
a. Les groupes socioprofessionnels des cadres, professions intermédiaires, employés et ouvriers de la nomenclature des pcs de l’Insee.b. « x pcs » fait référence aux six groupes socioprofessionnels établis pour caractériser les ménages à partir de la nomenclature des pcs de l’Insee.
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Notes
-
[*]
Université de Lyon, Lyon, F-69007, France ; cnrs, gate, Lyon Saint-Étienne, Ecully, F-69130, France. Courriel : goffette-nagot@gate.cnrs.fr
-
[**]
Irstea, ur dtgr Développement des territoires montagnards, Saint-Martin-d’Hères, F-38402 France. Correspondance : 2 rue de la Papeterie - BP 76, Saint-Martin-d’Hères, F-38402. Courriel : yves.schaeffer@irstea.fr (auteur correspondant).
-
[1]
Voir, par exemple, sur données françaises Duguet et al. [2009], Dujardin et Goffette-Nagot [2010], Gobillon et al. [2010].
-
[2]
Le lecteur intéressé pourra se référer, par exemple, à Coulson [1991] pour une discussion de la pertinence empirique des hypothèses du modèle monocentrique.
-
[3]
Les mécanismes de ségrégation ethnique modélisés par Schelling [1971] reposent sur les préférences de chaque groupe ethnique pour la composition ethnique du voisinage. Ce que nous prendrons en compte ici est différent, puisque seuls la distance au centre et le revenu du voisinage différencient les localisations.
-
[4]
Pour des raisons de commodité, nous utiliserons dans ce qui suit l’expression « nationalité » ou « origine ethnique » pour désigner la variable ainsi construite, qui comporte trois modalités : de nationalité française né en France, de nationalité française né à l’étranger, et de nationalité étrangère.
-
[5]
Plus précisément, il s’agit de la ségrégation résidentielle entre migrants qui se relocalisent au sein d’une même aire urbaine. La ségrégation résidentielle concernant l’ensemble des ménages s’explique également par les autres catégories de mouvements résidentiels et par les changements de caractéristiques des ménages immobiles.
-
[6]
Ce fichier est diffusé par le Centre Maurice Halbwachs (cmh).
-
[7]
Ancienne direction de l’administration publique française, supprimée en 2008.
-
[8]
En 1999, il y avait en France 354 aires urbaines, regroupant 45 millions d’habitants, soit 77 % de la population française ; voir http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/aire-urbaine.htm
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[9]
Une unité urbaine est un ensemble communal présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comptant au moins 2 000 habitants, avec la condition que chaque commune de l’unité urbaine possède plus de la moitié de ses habitants dans cette zone bâtie.
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[10]
Une commune est périurbaine lorsqu’au moins 40 % des actifs employés qui y résident vont travailler dans le pôle urbain ou dans une autre commune de la couronne périurbaine.
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[11]
Ces résultats sont disponibles auprès des auteurs.
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[12]
Au sein des aires urbaines de notre champ, les ménages ayant déménagé représentent 51,5 % de l’ensemble des ménages. Parmi eux, 67,7 % résident dans la même aire urbaine en 1990 et en 1999.
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[13]
Ces indicatrices sont établies à partir du niveau 1 de la nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles (pcs) de l’Insee, qui comprend huit groupes socioprofessionnels, en regroupant, d’une part, les « agriculteurs exploitants » et les « artisans, commerçants et chefs d’entreprise » au sein de la classe des « travailleurs indépendants », et, d’autre part, les « retraités » et les « autres personnes sans activité professionnelle » au sein de la classe des « retraités et autres inactifs ».
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Cette dernière est définie par l’Insee : il s’agit de l’homme dans les ménages composés d’un homme et d’une femme en couple, et d’un homme ou d’une femme dans les autres ménages.
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Ceci pour éviter des problèmes de colinéarité liés à l’introduction du carré de cette variable dans le modèle économétrique.
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Si la moyenne d’un coefficient est nulle, mais sa variance significativement différente de zéro, la variable affecte les comportements résidentiels mais son effet moyen sur la ségrégation est nul.
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Voir, par exemple, Massey et Denton [1988], Reardon et Firebaugh [2002], Echenique et Fryer [2007].
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Nous excluons le groupe des « retraités et autres inactifs » et celui des « travailleurs indépendants » (agriculteurs exploitants, artisans, commerçants et chefs d’entreprise). Les membres du premier groupe effectuent un choix résidentiel sous des contraintes très spécifiques. Ceux du second groupe (artisans, commerçant et chefs d’entreprise) sont extrêmement hétérogènes en termes de revenus et de contraintes de localisation.
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On notera cependant que nous n’avons pas calculé la variance des indices prédits. Ce calcul supposerait de tenir compte de la matrice de variance-covariance des coefficients estimés, du fait que les migrations résidentielles effectivement réalisées seraient une réalisation tirée de la distribution de probabilité prédite par le modèle et de l’hétérogénéité au sein de la population. Intégrer ces trois sources d’aléa serait conceptuellement possible, mais au prix d’une importante lourdeur de calcul.
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On notera que les effets aléatoires sont pris en compte dans ces prédictions. Ils n’engendrent pas de ségrégation entre catégories de ménages puisqu’ils sont communs à tous les ménages.
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Nos résultats permettent de distinguer des mécanismes de ségrégation « directs », ainsi que d’autres plus « indirects ». Par exemple, la ségrégation par la nationalité peut être la conséquence de différences de choix de localisation entre Français et étrangers, toutes choses égales par ailleurs, mais aussi plus indirectement de différences de choix entre cadres et ouvriers associés à une plus forte proportion d’étrangers parmi les ouvriers que parmi les cadres. De la même manière, on s’attend, par exemple, à ce que la ségrégation entre actifs et inactifs soit en partie le résultat indirect de différences de choix de localisation selon la taille du ménage associés à une plus grande taille moyenne des ménages d’actifs.
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Les autres indices donnent des résultats conformes à ce qui a été décrit sur l’au de Toulouse.
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Le modèle complet sous-estime presque systématiquement les niveaux de ségrégation, ce qui s’explique aisément. Certaines modalités de ségrégation ne sont pas (ou mal) prises en compte par nos variables indépendantes. On sait, par exemple, que la position d’un ménage dans le cycle de vie influence ses choix de localisation (Détang-Dessendre et al. [2008]) ; or, ce mécanisme n’est pris en compte qu’indirectement par le biais de la taille du ménage.
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Ces résultats sont disponibles auprès des auteurs.