Couverture de RECO_622

Article de revue

La dissuasion des homicides volontaires

Une analyse économétrique sur données de panel françaises

Pages 237 à 254

Notes

  • [*]
    Lem (umr 8179 cnrs), Université Catholique de Lille (flseg), 60 boulevard Vauban, BP109, 59016 Lille Cedex. Courriel : nicolas.vaillant@icl-lille.frhttp://ngvaillant.e-monsite.com/ http://flseg.icl-lille.fr/recherche/accueil-recherche.asp
  • [**]
    Laboratoire EA 2694 « Santé Publique, Épidémiologie et Qualité des Soins », 1 avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex. Courriel : benoit.dervaux@chru-lille.fr
  • [1]
    Des revues de cette littérature peuvent être trouvées dans Pyle [1983], Schmidt et Witte [1984], Eide [1994] ou, plus récemment, Ehrlich [2006].
  • [2]
    Cameron [1988] recense certaines situations dans lesquelles une hausse de la sanction espérée est susceptible de ne pas produire l’effet dissuasif attendu.
  • [3]
    Les normes sont susceptibles d’être les mêmes d’une unité géographique à une unité voisine, ou d’évoluer peu à court terme dans un même espace (Eide [1994]).
  • [4]
    Parmi les rares contributions économiques françaises, on peut également citer Tournyol du Clos [2002a, 2002b], ou encore Tournyol du Clos et Tournyol du Clos [2007].
  • [5]
    L’enregistrement des homicides comprend les tentatives et inclut les règlements de compte entre malfaiteurs, les homicides crapuleux commis sur des personnes dans le but de se procurer de l’argent ou des objets de valeur, les homicides non liés au profit qui sont commis pour des motifs aussi divers que l’alcoolisme, la démence, la passion ou des mobiles sexuels, raciaux, politiques ou autres et enfin les mineurs de moins de 15 ans.
  • [6]
    Notons que certains travaux ont spécifiquement considéré la probabilité d’être condamné à la peine capitale. Par exemple Ehrlich [1975, 1977] ; Cameron [1994] ; Dezhbakhsh, Rubin et Shepherd [2003] ; Dezhbakhsh et Shepherd [2006] ou Dezhbakhsh et Rubin [2007].
  • [7]
    Certains économistes ont d’ailleurs estimé des équations de crime ayant uniquement ce type de variables pour régresseurs. On peut citer notamment Reilly et Witt [1992, 1996] ; Witt, Clarke et Fielding [1998] ou Carmichael et Ward [2001].
  • [8]
    « The establishment of commerce and manufactures (…) is the best police for preventing crimes ».
  • [9]
    Si l’on considère que le terme aléatoire est distribué comme un bruit blanc gaussien, l’estimation ols avec des données panels peut biaiser la valeur des coefficients estimés, notamment en raison de la présence d’hétéroscédasticité et d’auto-corrélation (Gale, Heath et Ressler [2002]).
  • [10]
    Soulignons qu’il est possible que le niveau de crime affecte les ressources des forces de police si les décideurs publics allouent leurs budgets en fonction de la criminalité observée d’une période sur l’autre. En outre, la perception d’un nombre important de policiers, dans la rue par exemple, peut dissuader ou prévenir un certain nombre de crimes. Enfin, une corrélation négative fallacieuse entre le crime et les variables de sanction peut apparaître lors d’un accroissement du nombre de policiers, qui logiquement deviennent plus à même d’enregistrer un nombre important de faits (Greenwood et Wadycki [1973], Willis [1983]).
  • [11]
    On peut également évoquer un troisième effet : durant une récession économique, si les personnes au chômage restent chez elles le jour, la surveillance de leur propriété est accrue (on parle alors de guardianship effect, Cook et Zarkin [1985]). Selon Field [1990], ce troisième effet porte sur les victimes du crime plutôt que sur le criminel lui-même : ce phénomène prend le nom de lifestyle effect, en ce sens que les changements des conditions économiques peuvent modifier les modes de vie des victimes potentielles.

Introduction

1L’analyse économique des comportements criminels a été développée à la fin des années 1960 par Fleisher [1966], Tullock [1967], Rottenberg [1968] ou encore Becker [1968]. Becker, généralement reconnu comme le « père » de l’analyse économique moderne du crime [1], actualise les prémisses de Beccaria [1764] et de Bentham [1789], à l’aide d’une théorie utilitariste formalisée du comportement criminel. Son analyse a vocation à s’appliquer à tous les types d’infractions, c’est-à-dire aussi bien celles qui enrichissent leur auteur (vol, fraude…) que les autres (meurtre, viol…).

2Dans l’optique économique, un individu rationnel décide ou non d’être criminel et du temps qu’il consacre à ce type d’activité en comparant sa rentabilité brute avec ce qu’elle risque de lui coûter : une sanction (amende, prison ou autre) en cas d’arrestation et de condamnation. Dès lors, si le crime est un « bien normal », alors une hausse du montant de la pénalité ou de son degré de vraisemblance (probabilité d’arrestation, probabilité conditionnelle de jugement et de condamnation) devrait conduire à une diminution de l’activité criminelle [2].

3La théorie portant sur des comportements et des arbitrages individuels (tuer ou non, dépenser plus ou moins de temps dans une activité illégale…), l’estimation économétrique des modèles de délinquance exige l’emploi de données relatives à des individus (Witte et Tauchen [1994]). Cela implique de mobiliser un échantillon relatif à des individus « plus ou moins investis dans le crime », aussi bien qu’à des individus parfaitement « honnêtes ». Comment satisfaire à l’exigence statistique de représentativité ? Les enquêtes auto-déclaratives, comme par exemple les enquêtes dites de victimation utilisées par Roché [2001], Sickles et Williams [2008], Gibson et Kim [2008] ou Vollaard et Koning [2009], représentent un aspect certes intéressant de la délinquance, mais partiel. La solution de repli la plus communément adoptée dans la littérature consiste à mener des estimations en utilisant des données de population carcérales (Loureiro et al. [2009]). Mais cette solution a l’inconvénient de l’auto-sélection : seuls des délinquants figurent (ou victimes d’erreur judiciaire), et de surcroît des délinquants qui ont échoué dans leur activité, puisqu’ils sont arrêtés. En d’autres termes, seule la question de la récidive est prise en compte.

4Ces limitations dans l’accès aux données individuelles expliquent pourquoi la plupart des études économétriques de la criminalité ont été réalisées à partir de séries agrégées (voir, par exemple, Buonanno et Montolio [2008] ; Buonanno et Leonida [2009] ou Lin [2009] pour des contributions récentes). À cette échelle, plusieurs questions se posent : De telles séries correspondent-elles aux déterminants théoriques des modèles économiques des comportements délinquants ? Peut-on faire l’approximation de tous les facteurs pertinents soulevés par la théorie ? Que mesurent exactement les statistiques de criminalité ? Comment met-on en œuvre l’estimation « d’équations de délinquance » ?

5Sur la base de données de panel relatives aux trente ressorts de cour d’appel de France métropolitaine pour les années 1988 à 1993, l’objectif de cet article est d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations. Nous nous focalisons pour cela sur l’étude des homicides volontaires, dont la mesure où la définition de cette infraction est précise et homogène à travers le temps. Le reste de l’article est organisé de la façon suivante : les caractéristiques de l’échantillon utilisé sont présentées dans la section 2. Nous montrons, dans la section 3, que le niveau d’échantillonnage retenu, contraint par des questions de disponibilité de l’information statistique, permet d’établir un lien original entre les données policières d’infractions constatées et les données relatives à l’activité judiciaire. La construction des variables de dissuasion est détaillée dans la section 4. Les autres variables explicatives du modèle sont exposées dans la section 5. La procédure d’estimation est présentée dans la section 6. Les résultats obtenus sont analysés dans une septième section. La section 8 conclut.

L’échantillon

6Durant la dernière décennie, le nombre de recherches économétriques de la criminalité menées en utilisant des données de panel a sensiblement augmenté. Contrairement aux séries temporelles ou transversales, de telles données permettent de rendre compte de l’influence de « caractéristiques locales inobservables » sur des taux de crime. Il s’agit des attributs qui varient d’une unité à l’autre, mais restent constants ou varient très peu à travers le temps (Hsiao [1986]). En matière de criminalité, l’erreur de mesure de la délinquance, en particulier celle liée à la sous-déclaration des faits (Cornwell et Trumbull [1994] ; Baltagi [2006]), constitue la part la plus importante de la spécificité locale (Fajnzylber, Lederman et Loayza [2002a]). Le reste est dû à l’influence de facteurs qui jouent un rôle au niveau individuel, mais qui ne peuvent être mesurés à un niveau macroéconomique (par exemple les circonstances d’un meurtre ou l’aversion vis-à-vis du risque), ou qui évoluent peu au cours du temps (par exemple les normes sociales [3]).

7La majorité des travaux publiés repose sur l’utilisation des statistiques en provenance de pays du Commonwealth, à quelques exceptions près, comme les articles de Marselli et Vannini [1997] ou de Buonanno et Leonida [2009] au niveau des régions italiennes, de Entorf et Spengler à l’échelle des États allemands [2000], de Buonanno et Montolio [2008] au niveau des provinces espagnoles, ou de Fajnzylber, Lederman et Loayza concernant plusieurs pays [2002a, 2002b]. Fougère, Kramarz et Pouget ont utilisé des données de panel départementales françaises, mais ces auteurs ont spécifiquement porté leur attention sur la mesure du lien entre criminalité et chômage [2005a], et entre délinquance et mobilité résidentielle [4] [2005b]. Plus récemment, des données de panel françaises ont également été utilisées par Vaillant et Wolff [2010], qui ont testé une proposition de Stigler [1970] : augmenter la sanction à l’encontre d’une infraction particulièrement dommageable (en l’occurrence les viols) est susceptible de générer de la dissuasion marginale, c’est-à-dire dissuader des infractions réputées moins graves (des atteintes sexuelles dites mineures).

8La présente recherche prolonge ces travaux, en testant l’effet dissuasif de la sanction légale en matière d’homicides. Des données de panel relatives aux trente ressorts de cour d’appel de France métropolitaine (carte 1), sur la période allant de l’année 1988 à l’année 1993, sont utilisées à cette fin.

Carte 1

Ressorts de cour d’appel de France métropolitaine

Carte 1

Ressorts de cour d’appel de France métropolitaine

Source : Annuaire statistique de la Justice.

9Les dimensions spatiale et temporelle de cet échantillon ont été choisies en fonction de la disponibilité des différentes sources statistiques et de leur compatibilité. Un ressort de cour d’appel constitue une zone géographique de compétence judiciaire, composée d’un nombre entier de départements.

La mesure de la criminalité

10Du point de vue de la mesure de l’activité criminalité et de son évolution, un acte ne peut être considéré comme criminel que s’il est interdit par la loi et porté à la connaissance des autorités publiques. Les statistiques de criminalité utilisées dans cette recherche sont extraites des recueils Aspects de la criminalité et de la délinquance constatées en France, publiés annuellement. Elles sont enregistrées selon une nomenclature appelée « État 4001 », constituée de 107 items. La nomenclature est homogène sur la période de notre analyse, puisqu’elle a fait l’objet de réactualisations en 1988 et en 1995, à la suite de modifications de la législation pénale. Les problèmes associés à des changements de nomenclatures ou de pratiques d’enregistrement des policiers, qui provoquent un écart entre les variations « vraies » de la criminalité et les variations observées, sont donc minimisés (Taylor [1999]). Toutefois, les statistiques criminelles étant établies à partir des seuls faits dénoncés par les victimes ou des constatations réalisées d’initiative par les services de police et de gendarmerie, d’autres difficultés existent :

11(i)?Les statistiques de criminalité ne rendent pas compte du chiffre noir (les faits qui ne sont pas déclarés à la police), ni du « chiffre gris » de la criminalité (les faits signalés aux autorités, qui n’apparaissent pas dans les statistiques officielles) (MacDonald [2002]). Notons que les enquêtes de victimation peuvent aider à mesurer leur ampleur (Tournyol du Clos et Tournyol du Clos [2007]).

12(ii)?Les unités mesurées désignent des crimes et non des criminels ; or, un seul individu peut être à l’origine de plusieurs méfaits, et réciproquement un groupe d’individus peut produire un seul crime. Soulignons qu’en matière de statistiques françaises, l’information concernant le nombre de personnes mises en cause a été rendue publique depuis 2002.

13(iii)?Les crimes et délits constatés dans une zone peuvent avoir été perpétrés par des individus d’une autre zone (Kelejian et Robinson [1992]). Ce phénomène peut être particulièrement problématique dans le cadre d’analyses uniquement relatives à des unités transversales (les études cartographiques notamment). Il peut toutefois être pris en compte par correction de l’autocorrélation spatiale. Enfin, les caractéristiques démographiques ou socioéconomiques d’une zone (le chômage, par exemple) peuvent être proches d’une zone voisine, mais la différence, aussi faible soit-elle, peut avoir un impact majeur sur le taux de criminalité de cette dernière.

14(iv)?Les faits enregistrés sont des faits bruts, présumés constituer des crimes et délits lors de leur enregistrement. Or, le devenir d’une infraction (sa qualification ou son classement sans suite) incombe au Parquet. Celui-ci doit également traiter les plaintes et dénonciations qui lui parviennent directement. Les zones de compétence des services de police et de gendarmerie ne sont en outre pas communes à celles de la justice. En conséquence, les chiffres du ministère de l’Intérieur peuvent différer de ceux du ministère de la Justice.

15Le quatrième point, ainsi que des restrictions sur la disponibilité de l’information statistique, nous ont conduit à concentrer notre travail sur l’étude d’une infraction particulièrement sérieuse : les homicides volontaires, incluant les tentatives d’homicides (qui conduisent généralement à des peines un peu moins longues). Le taux moyen d’homicides pour l’ensemble des ressorts de cour d’appel et sur l’ensemble de la période a été de 0,049 pour 1 000 habitants (écart type : 0,042) ; le nombre moyen a été 91,38 (écart type : 108,31).

16En France, l’homicide est défini comme le fait de donner la mort à autrui. Il s’agit d’un meurtre lorsque cet acte est volontaire et d’un assassinat lorsqu’il est prémédité [5] (art. 211-1 et 211-3 du Code pénal). La préméditation est aggravante en droit français. À l’échelle d’agrégation utilisée, on ne peut pas procéder à la distinction entre ces différentes catégories d’homicide. Soulignons toutefois qu’en termes économiques les homicides réputés involontaires peuvent être considérés comme les externalités d’activités violentes, pas ou mal anticipées par leurs auteurs. Leur dissuasion peut donc d’abord passer par la dissuasion des activités auxquelles ils sont associés (par exemple des cambriolages). Pour appréhender empiriquement de ce phénomène, certains auteurs ont estimé des équations d’homicides ayant pour régresseurs des variables relatives à la fréquence d’autres infractions (cambriolages, activités liées à la drogue…), en plus des variables de dissuasion usuellement employées. Forst, Filatov et Klein [1978], et McKee et Sesnowitz [1977] trouvent toutefois qu’une telle procédure tend à faire disparaître l’effet des variables de dissuasion.

La mesure de la sanction

17Les économistes du crime ont focalisé leur attention sur la mesure de l’impact d’un changement de sanction sur un taux de crime. En termes économiques, ce taux mesure l’offre de crime ; du côté des victimes potentielles, il représente la probabilité d’être agressé (le risque de « victimation »). En raison des difficultés à obtenir des jeux de données statistiques cohérents entre eux, la plupart des études économétriques de la délinquance ont porté sur l’estimation de l’impact du taux d’élucidation sur un taux de crime, voire à celui de la sévérité de la sanction encourue (Entorf et Spengler [2002]). Le taux d’élucidation est une approximation de la probabilité d’arrestation, construite comme le rapport entre le nombre E de crimes élucidés d’une catégorie donnée d’infractions et le nombre C de crimes constatés dans cette catégorie. La variable de sanction désigne généralement la valeur moyenne S des pénalités infligées aux criminels arrêtés et condamnés (quantum moyen des peines de prison ou montant moyen des amendes infligées).

18Il peut exister un délai entre la constatation du fait et son élucidation, en particulier dans le cas des meurtres. Il peut donc être souhaitable, dans le cas de séries temporelles ou de données de panel suffisamment longues, d’introduire des décalages temporels. Toutefois, dans la mesure où l’analyse ne concerne pas la dynamique des choix d’individus, mais l’impact d’une hausse du « prix » du crime sur l’activité délinquante, le temps de réaction du système judiciaire n’est pas nécessairement un problème. En effet, dans les études empiriques de la criminalité de type « macroéconomique », la question n’est pas seulement de savoir si tel ou tel criminel a cessé ou réduit la pratique de ses activités délictueuses (c’est-à-dire d’analyser le problème sous le prisme de la récidive) ; il s’agit d’évaluer le solde entre le nombre d’individus incités à devenir délinquants suite à « l’augmentation du prix du crime » (des peines plus « certaines » ou plus « lourdes »), et le nombre d’individus dissuadés de l’être.

19D’autres mesures plus fines de l’activité pénale peuvent être envisagées (Wolpin [1978]). Par exemple, le taux de poursuite ou de jugement des tribunaux (J/E : nombre J de crimes ou d’auteurs poursuivis et/ou jugés, relativement au nombre de crimes élucidés), le taux d’incarcération (P/J : nombre P d’individus emprisonnés, relativement au nombre d’individus jugés), ou encore le taux de condamnation à des peines d’amende nombre F d’individus condamnés à s’acquitter d’une amende, relativement au nombre d’individus jugés) [6]. Mustard [2003] souligne que l’omission de l’une de ces variables de dissuasion tend à biaiser les résultats d’estimation, car la seule probabilité empirique d’arrestation ne mesure qu’un aspect du risque de sanction. Ce phénomène est d’autant plus gênant que les autres variables de sanction sont fortement corrélées avec l’approximation du risque d’arrestation.

20En dépit de ce problème bien connu, on peut constater que très peu de références empiriques s’appuient sur une liste aussi complète de variables de sanction conditionnelle que celle employée par Wolpin [1978]. La présente recherche n’échappe pas à cette limite : nous ne disposons pas d’informations statistiques suffisantes sur l’élucidation réalisée par les forces de police et de gendarmerie (c’est-à-dire E). Les statistiques que nous possédons n’en sont pas moins originales : elles mesurent l’activité et les décisions du système judiciaire. Les variables utilisées sont présentées dans le tableau 1.

Tableau 1

La sanction des homicides : définitions et statistiques descriptives

Tableau 1
Variable Définition Niveau Taux Probabilité de jugement Jugements pour homicide/Homicides 19,4 (20,89) 0,23 (0,10) Probabilité conditionnelle d’incarcération Peines de prison pour homicide/Jugements pour homicide 18,77 (20,26) 0,96 (0,05) Longueur de la peine Quantum moyen des peines de prison infligées aux auteurs d’homicide (en mois) 128,70 (27,66) – Écart type entre parenthèses. Taux pour 1 000 habitants sur l’ensemble des ressorts de cour d’appel et la période 1988-1993.

La sanction des homicides : définitions et statistiques descriptives

21Environ 23 % des homicides volontaires font l’objet d’un jugement. Les autres homicides enregistrés sont soit non élucidés, soit classés sans suite. Parmi les jugements, la quasi-totalité (96 %) fait l’objet d’une condamnation à une peine de prison. Ce quasi-défaut de variance peut poser problème dans l’analyse économétrique. Pour cette raison, nous n’effectuerons pas de décomposition entre le risque de jugement (J/C) et le risque conditionnel d’incarcération (P/J) ; nous considérerons comme proxy du risque associé à un homicide le ratio du nombre de peines de prison pour homicide sur le nombre d’homicides (P/C).

22Les homicides volontaires sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité (meurtre aggravé par la préméditation ou la qualité de la victime) ou de la réclusion « à temps » (trente ans au plus dans le cas d’un meurtre simple). Dans l’échantillon utilisé, le quantum moyen des peines de prison infligées aux auteurs d’homicide est d’environ onze ans. Précisons que la durée à laquelle les criminels sont condamnés diffère généralement du temps qu’ils passent effectivement en prison.

L’influence des facteurs sociodémographiques

23Van Tulder et Van Der Torre [1999] rappellent que, même si l’objectif premier des études économétriques sur la délinquance est de mesurer l’impact des facteurs de dissuasion sur les variations d’un taux de crime, cela n’exclut pas de déterminer également l’influence de facteurs socioéconomiques et/ou démographiques [7] sur les comportements criminels. Ces facteurs sont suggérés à la fois par la théorie économique et par la criminologie.

24La plupart des criminologues soulignent l’importance des normes sociales, dont ils cherchent à mesurer l’influence à travers des variables d’âge (part de jeunes hommes dans la population), de statut familial (taux de divorce) ou encore de « background culturel » (taux d’étrangers dans la population). Les variables relatives à la position sociale du criminel sont également supposées jouer un rôle important ; elles sont intégrées via le taux de chômage et le revenu légal (revenu réel net moyen, consommation des ménages, …).

25Avant l’estimation réalisée par Ehrlich [1973] d’un modèle économique de criminalité, l’idée d’un lien entre les conditions économiques et la criminalité avait déjà été développée, notamment par Smith en 1763 [8] (Voir Bonger [1916] ; Thomas [1927] ; Henry et Short [1954] ou Fleisher [1963] pour des études empiriques antérieures à celle de Ehrlich). Plus précisément, la question pertinente se pose en ces termes (Deadman et Pyle [2002]) : comment les taux de crime et de violence évoluent-ils en période de récession ou en période de croissance ?

26Le chômage a longtemps été considéré comme un bon indicateur des conditions économiques ; la relation supposée entre le chômage et la criminalité a fait d’ailleurs l’objet de nombreux débats, compte tenu des différents effets pouvant lui être imputés. Chiricos [1987] note que, si un lien existe entre criminalité et chômage, il semble être positif et régulièrement significatif. L’auteur souligne également que l’observation de la relation criminalité-chômage ou criminalité-conditions économiques est dépendante (i) du type de crime étudié, (ii) du niveau d’agrégation de l’étude, (iii) de la façon dont le chômage est mesuré et (iv) de la période d’observation.

27Dans cette analyse, nous utilisons deux variables socioéconomiques, présentées dans le tableau 2 : le taux de chômage et le revenu net imposable moyen.

Tableau 2

Les variables socioéconomiques : définitions et valeurs moyennes

Tableau 2
Variable Définition Moyenne Taux de chômage Nombre de personnes actives au chômage/Population 9,68 (1,69) Revenu net imposable moyen Revenu net imposable moyen 75 053 (9 899) Écart type entre parenthèses. Taux pour 100 habitants sur l’ensemble des ressorts de cour d’appel et la période 1988-1993. Source : insee.

Les variables socioéconomiques : définitions et valeurs moyennes

28La variable de taux de chômage est à la fois un indicateur d’activité économique et une mesure de l’inégalité (Fajnzylber, Lederman et Loayza [2002b]), potentiellement liée à un sentiment d’envie et d’injustice : la privation ressentie par les plus pauvres tend à accroître leur participation dans des activités criminelles (Stack [1984]). Les statistiques disponibles sur la période d’étude à l’échelle considérée ne nous permettent malheureusement pas de distinguer ce taux par catégorie d’âge, de sexe ou de profession, ni plus généralement des informations relatives aux classes d’âge de la population. Le recensement pourrait fournir ces données, mais avec trois réserves de taille : (1) Le recensement étant censitaire, il n’y a de données qu’en 1982 et 1990 ; (2) Entre-temps, les définitions du chômage ont changé ; (3) Enfin, les mesures sont basées sur des données déclaratives et l’on observe des différences significatives entre les chiffres officiels et ceux-ci.

29En l’absence d’informations sur le produit intérieur brut à l’échelle géographique considérée ou d’autres variables de « richesse », nous mesurons les incitations à se comporter de façon criminelle à travers la variable de revenu net imposable moyen. Cette variable est susceptible d’être caractérisée par deux effets jouant en sens contradictoires : d’un côté, une zone plus riche présente d’autant plus d’opportunités de profit pour un criminel, du moins tant que le meurtre a vocation à améliorer son revenu ; de l’autre, le coût d’opportunité des comportements illégaux et plus élevé pour les individus les plus riches, et ceux-ci sont potentiellement mieux protégés (Ehrlich et Becker [1972]).

Méthode d’estimation

30L’identification d’un modèle économétrique de délinquance n’est pas un problème trivial (Blumstein, Cohen et Nagin [1978]) : toute déconnexion du modèle empirique avec la théorie économique risque de conduire à une interprétation de relations purement statistiques, et donc à des conclusions erronées (Ehrlich et Liu [1999]). Le choix de la méthode d’estimation doit tenir compte de la nature des données utilisées et des problèmes que la présence d’erreurs de mesure sur les variables de criminalité est susceptible de générer. Celles-ci, rappelons-le, sont relatives au chiffre noir et au chiffre gris de la criminalité : le sous-enregistrement des crimes peut constituer un obstacle à l’estimation si chaque équation est estimée séparément, via l’estimateur des moindres carrés ordinaires par exemple [9]. Le biais d’estimation provoqué par les erreurs de mesure peut être réduit grâce à l’utilisation de variables instrumentales, permettant également de corriger le problème de simultanéité entre les équations de crime et d’élucidation (endogénéité jointe).

31Les instruments utilisés, par exemple les ressources des forces de police, sont généralement dictés par la réflexion économique. Ces ressources sont supposées affecter la probabilité de sanction, mais pas le crime directement [10] (Hoenack et Weiler [1980]). Un biais est toutefois possible si l’enregistrement varie entre les services de police ou au sein même d’un service. Pour corriger ce phénomène, certaines études ont rendu l’offre de police endogène, en la faisant dépendre de conditions socioéconomiques, du niveau de crime de la période précédente, ou d’un terme auto-régressif (voir Ehrlich [1973] ; Cameron [1985] ; Craig [1987] et Andreoni [1995]). Lott [1987] et Malik [1990] ajoutent qu’il est nécessaire d’inclure le montant S de la sanction comme variable explicative de l’équation d’offre de police, pour contrôler que de fortes pénalités sont susceptibles d’inciter les criminels à investir dans des techniques leur permettant d’éviter l’arrestation ou la condamnation. En effet, les forces de police peuvent avoir simultanément un impact sur la probabilité de sanction et un effet dissuasif direct. Ce phénomène peut se produire lors d’une variation de l’effectif policier, par exemple au voisinage d’élections ou lorsque des « problèmes » liés au fonctionnement de la police ou de la justice sont médiatisés. Il importe dans ce cas de disposer de données de panel suffisamment fines et couvrant une période suffisamment longue.

32Les moyens de la police, de la gendarmerie ou même de la justice ne sont malheureusement pas disponibles au niveau d’échantillonnage utilisé dans la présente recherche. Dès lors, nous utilisons la méthode des moments généralisés (estimateur gmm) développée par Arellano et Bond [1991], à l’instar de Fajnzylber, Lederman et Loayza [2002a] ou, plus récemment, de Buonanno et Montolio [2008]. La méthode gmm est adaptée lorsque l’échantillon en panel est caractérisé par une faible étendue temporelle, dans le cadre de modèles dynamiques linéaires, dont les variables explicatives sont endogènes et prédéterminées.

33Considérons l’équation dynamique suivante :

34

equation im4

35avec ho*it le « vrai » taux d’homicide pour 1 000 habitants dans le ressort i à la date t, Pit la probabilité d’incarcération, Sit la longueur moyenne de la peine de prison, chomit le taux de chômage et revenuit le revenu net imposable moyen. Le terme ?it est aléatoire et ?i est un facteur spécifique inobservable qui peut être corrélé avec les variables explicatives.

36Rappelons que les statistiques de criminalité constatée sont potentiellement entachées d’erreurs de mesure, s’apparentant à des effets spécifiques et persistants ?i?. Il suit que le taux d’homicide observé (et enregistré) hoit diffère vraisemblablement du taux d’homicide réel ho*it, selon l’équation (2) :

37

equation im5

38Si l’on note de manière synthétique Xit?, le vecteur composé des variables de probabilité de condamnation, de longueur moyenne de l’emprisonnement, de chômage et de revenu, et ? le vecteur des paramètres associés à ces variables, alors l’équation (1) peut être réécrite comme suit :

39

equation im6

40avec ?i = ?i + (1 – ?)?i.

41L’estimation de l’équation (3) de manière isolée, à l’aide de la méthode des moindres carrés ordinaires, a un inconvénient : les valeurs retardées des variables explicatives sont des instruments peu efficaces de l’équation en différence première, et seules les variations intra-ressort de cour d’appel sont prises en compte. Il y a un risque d’obtenir des coefficients biaisés si les effets spécifiques inobservables et les régresseurs sont corrélés. En outre, les estimateurs sont susceptibles de ne pas être convergents, puisque par construction le terme hoit - 1 est corrélé avec le terme ?it - 1?. La méthode des moments généralisés en panel dynamique permet de contrôler les effets spécifiques individuels et temporels, ainsi que le biais d’endogénéité des variables.

42Le principe de l’estimateur d’Arellano et Bond [1991], qui implique l’absence d’auto-corrélation des résidus et la quasi-stationnarité des variables en niveau, est de différencier l’équation (3) :

43

equation im7

44L’effet spécifique « ressort de cour d’appel » n’apparaît plus dans l’équation (4), ce qui corrige le biais provoqué par l’existence de variables omises invariantes dans le temps. Toutefois, l’utilisation de variables instrumentales reste nécessaire pour deux raisons. D’abord, les variables explicatives contenues dans le vecteur X peuvent être endogènes, ce que reflète la corrélation entre ces variables et le terme d’erreur. Ensuite, les termes (?it – ?it - 1) et (hoit - 1hoit - 2) par construction, sont corrélés.

45Au lieu de supposer que les variables explicatives ne sont pas corrélées avec le terme d’erreur, quel que soit le retard considéré (exogénéité stricte), nous considérons une exogénéité faible. Ceci signifie que les variables explicatives en t peuvent être affectées par les valeurs présentes et passées de la variable dépendante, mais non par les innovations futures. Dès lors, si l’on suppose que le terme d’erreur ? n’est pas autocorrélé et que les variables exogènes sont faiblement exogènes, alors les conditions suivantes de moment s’appliquent :

46

equation im8

47L’estimateur gmm basé sur les conditions de moment représentées par les équations (5) et (6) est appelé estimateur en différences. Asymptotiquement, cet estimateur est consistant, mais il présente une faible précision ; il est biaisé lorsqu’un échantillon de petite taille est utilisé (Blundell et Bond [1998]). L’estimateur gmm en système, développé par Arenallo et Bover [1995] et Blundell et Bond [1998], permet de pallier à ces difficultés ; il s’agit d’estimer simultanément l’équation en niveau (3) et l’équation en différences premières (4).

48Les différences premières des variables explicatives du modèle sont instrumentées par les valeurs retardées, en niveau, de ces mêmes variables. Cette procédure permet de réduire le biais de simultanéité et le biais introduit par la présence de la variable dépendante retardée en différence dans le membre de gauche. Soulignons que même si les variables explicatives en niveau et les effets spécifiques peuvent être corrélés, leur différence première et les effets spécifiques ne le sont pas. Cette hypothèse résulte de la propriété de stationnarité suivante :

49

equation im9

50Pour que l’estimation des paramètres obtenue via la procédure gmm soit consistante, il faut enfin que les conditions suivantes de moment soient réunies en ce qui concerne la régression en niveau :

51

equation im10

52Étant donné que les valeurs décalées sont utilisées comme instrument dans la spécification en différences, seule la différence la plus récente est utilisée comme instrument dans la spécification en niveau. Les autres différences retardées résulteraient de conditions de moment redondantes (Arellano et Bover [1995]).

Résultats d’estimation

53Les résultats d’estimation de l’équation (3), obtenus par la méthode de l’estimateur gmm en système, sont présentés dans le tableau 3. La forme fonctionnelle est logarithmique. Les variables de sanction ont été instrumentées selon la procédure décrite dans la section précédente. Pour contrôler si les variables de sanction ont des effets décalés dans le temps, deux estimations ont été effectuées. La première (3a) concerne l’équation (3), en l’état. Dans la seconde (3b), chaque variable de sanction apparaît deux fois : une fois de façon contemporaine, l’autre fois avec un décalage d’une période. Toutefois, la validité des instruments n’est confirmée par le test de Sargan que dans l’équation (3a). Cela signifie que, dans cette estimation, les instruments ne sont pas corrélés avec le terme d’erreur. Nous concentrerons donc notre analyse sur l’interprétation de l’équation (3a). Ajoutons qu’une auto-corrélation d’ordre 1 est logiquement détectée dans l’équation (3b), mais pas d’ordre 2. Enfin, les effets fixes temporels ne sont pas significatifs, ce qui n’est pas surprenant compte tenu du caractère stationnaire de la variable étudiée.

Tableau 3

Résultats d’estimation de l’équation d’homicides. Méthode : gmm en système

Tableau 3
Eq. (3a) Eq. (3b) Coef. z Coef. z Homicides (t - 1) 0,649 17,186 *** 0,691 10,618 *** Probabilité d’incarcération (t) – 0,351 – 8,387 *** – 0,341 – 4,970 *** Probabilité d’incarcération (t - 1) 0,097 1,934 * Longueur de la peine (t) 0,023 0,159 – 0,134 – 0,519 Longueur de la peine (t - 1) – 0,052 – 1,941 * Revenu net imposable moyen (t) 0,398 2,673 *** 0,435 2,184 ** Taux de chômage (t) 0,271 2,246 ** 0,260 1,897 * Test d’Arenallo-Bond ar(1) – – 3,260 *** Test d’Arenallo-Bond ar(2) – – 0,690 Test de Sargan 18,27 53,93 *** Test de Wald (coefficients) 919,49 *** 307,93 *** Test de Wald (time dummies) 6,86 0,67 ***, ** et * : Respectivement significatif aux seuils de 0,1 %, 1 % et 5 %. Les équations sont estimées sous forme logarithmique. Les variables sont instrumentées en utilisant un décalage de deux périodes. Le test de Sargan, dont l’hypothèse nulle est la validité des instruments, est distribué comme un chi-deux. Les écarts types sont robustes à l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation.

Résultats d’estimation de l’équation d’homicides. Méthode : gmm en système

54La présence du taux d’homicide décalé d’une période parmi les régresseurs indique une forme d’inertie dans le crime, conformément aux travaux de Fajnzylber, Lederman et Loayza [2002a, 2002b] sur la violence. Ces auteurs montrent qu’il est possible de calculer la durée de « demi-vie » d’un choc d’une unité sur la variable dépendante comme suit : equation im12. En l’occurrence, sur la base du coefficient autorégressif estimé de l’équation (3a), il apparaît qu’une telle durée correspond à 1,6 an.

55À l’instar des nombreuses études économétriques de la criminalité construites à partir de séries agrégées, l’hypothèse de l’effet dissuasif de la sanction se vérifie dans la présente recherche. La valeur de l’élasticité contemporaine directe du risque d’incarcération est statistiquement significative au seuil de 1 % ; elle avoisine les – 0,35 dans les deux équations estimées. L’effet de long terme, obtenu en divisant le coefficient de court terme par un moins le coefficient du terme auto-régressif, est égal à – 1 dans l’équation (3a) et – 1,1 dans l’équation (3b). Le degré de significativité associé au risque en t – 1 diminue dans l’équation (3a), et le coefficient estimé devient positif. Ce résultat indique qu’une sévérité excessive des juges est susceptible d’amoindrir la dissuasion (voir Andreani [1991] ou, plus récemment, Feess et Wohlschlegel [2009] sur ce point). L’interprétation stricte de ce résultat reste toutefois difficile dans la mesure où la variable de risque de sanction est particulièrement agrégée et reflète mal le fonctionnement du système judiciaire.

56Ces résultats d’estimation sont conformes à ceux que l’on trouve dans les travaux effectués sur d’autres pays à partir de données de panel (Cherry et List [2002]). Par comparaison, évoquons la recherche de Marselli et Vannini [1997] portant sur les meurtres dans un pays voisin, l’Italie : l’élasticité associée au risque de condamnation pour meurtre est d’environ – 0,14. Buananno et Montolio [2009], qui estiment également des équations de crime à l’aide de la méthode gmm sur la base de données de panel espagnoles, ne trouvent en revanche pas d’effet statistiquement significatif du risque d’arrestation en matière de crimes contre les personnes.

57L’effet d’une hausse de la durée moyenne de la sanction a le signe négatif attendu dans l’équation (3b) (– 0,13 en t et – 0,05 en t - 1), mais cet effet n’est statistiquement significatif que lorsqu’un décalage temporel est introduit. Le coefficient calculé dans l’équation (3a) est positif mais non significatif. Nous pouvons rendre compte de ce phénomène de trois manières. La première, théorique, est que les criminels seraient plutôt riscophiles. Dès lors, une modification de la probabilité de sanction serait plus dissuasive qu’une modification de son montant (Neilson et Winter [1997]). Aucune information dans les données utilisées ne permet toutefois de valider fermement cette hypothèse. La deuxième explication est également de nature théorique : la population constituée d’auteurs d’homicides qui ont été arrêtés peut inclure un nombre important d’individus qui ne peuvent être dissuadés, c’est-à-dire d’individus ayant une « offre d’homicides » particulièrement inélastique. La dernière explication est empirique : le quantum moyen des peines de prison désigne la durée moyenne à laquelle les criminels arrêtés sont condamnés, et non le temps qu’ils passent effectivement en prison. Dès lors, la variable utilisée ne mesure pas vraiment le phénomène étudié.

58Les variables économiques ont toutes un effet positif et significatif sur le taux d’homicide. La valeur du coefficient associée à la variable de chômage est positive (+ 0,27), ce qui tranche en faveur de la thèse selon laquelle le chômage accroît surtout les motivations à violer la loi [on parle de motivation effect (Becker [1968]), bien plus qu’il ne diminue les opportunités à le faire [11] (on parle d’opportunity effect (Cantor et Land [1985])). Ce phénomène semble confirmé au regard de l’impact de la variable de revenu net moyen dans l’équation d’homicide (environ + 0,40).

59La contribution des facteurs économiques est peu surprenante, compte tenu de la nature de l’infraction étudiée. On peut regretter le caractère approximatif de la variable de chômage utilisée. Le taux de chômage des jeunes hommes aurait en effet pu constituer une information plus utile. En effet, les jeunes hommes au chômage sont caractérisés par un effet de motivation plus fort, surtout s’ils sont restés longtemps au chômage (Box [1987] ; Dickinson [1995]). Ils sont en outre supposés avoir une aversion plus faible vis-à-vis du risque (Carmichael et Ward [2001]), une impression de besoins plus grands (Britt [1994]) et un attachement plus faible à la société (Allen [1996]). Leur participation à des activités illé­gales est renforcée si leurs coûts d’accès au marché du travail légal sont élevés (Tarling [1982]). Malheureusement, cette variable n’a pu être utilisée à l’échelle considérée.

Conclusion

60Conformément à la majorité des études économétriques de la criminalité, nous avons utilisé des séries statistiques agrégées. Cette recherche est la première analyse effectuée à partir de données de panel françaises, dans laquelle des variables de sanction relatives au système judiciaire sont mobilisées. L’hypothèse de l’effet dissuasif de la sanction sur le taux d’homicide est vérifiée en ce qui concerne le risque de condamnation. Plusieurs extensions peuvent sont envisageables.

61La première, une fois les problèmes de confidentialité de l’information résolus, sera d’élargir la recherche à d’autres infractions et de prendre en compte d’autres facteurs dissuasifs du crime, comme l’activité des forces de police et de gendarmerie par exemple. La deuxième extension consiste à introduire d’autres taux d’infractions comme régresseurs d’une équation d’homicides (Dezhbakhsh, Rubin et Shepherd [2003]). L’idée sous-jacente est que certains meurtres sont des externalités d’activités violentes. Ce type d’approche implique de disposer d’une série d’instruments pertinents. Or, cette procédure semble a priori inadapté lorsque la méthode gmm est utilisée ; en effet, si l’évolution de l’activité relative à « une infraction explicative » est liée à des caractéristiques inobservables affectant aussi le taux de criminalité, alors les différences premières des caractéristiques explicatives ne sont pas orthogonales aux résidus de l’équation en niveau car il comporte cet effet fixe. Les conditions de moment ne seraient alors pas utilisables.

62Le meilleur moyen de tester l’existence d’interrelations dynamiques entre différentes infractions reste donc l’estimation d’une autorégression vectorielle ou d’un modèle vectoriel à correction d’erreur (Funk et Kugler [2003]). Une telle procédure permettrait, en outre, de prendre en compte l’impact des activités liées aux produits stupéfiants, supposés être des facteurs criminogènes (voir Benson, Kim, Rasmussen et Zuhelke [1992] ou Entorf et Winkler [2001]). En effet, on peut supposer que la consommation de drogue modifie la perception des gains et des coûts de l’activité criminelle, si les individus « en manque » tendent plus à recourir au crime et à la violence pour répondre à leur demande de produits stupéfiants.

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Date de mise en ligne : 22/03/2011

https://doi.org/10.3917/reco.622.0237

Notes

  • [*]
    Lem (umr 8179 cnrs), Université Catholique de Lille (flseg), 60 boulevard Vauban, BP109, 59016 Lille Cedex. Courriel : nicolas.vaillant@icl-lille.frhttp://ngvaillant.e-monsite.com/ http://flseg.icl-lille.fr/recherche/accueil-recherche.asp
  • [**]
    Laboratoire EA 2694 « Santé Publique, Épidémiologie et Qualité des Soins », 1 avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex. Courriel : benoit.dervaux@chru-lille.fr
  • [1]
    Des revues de cette littérature peuvent être trouvées dans Pyle [1983], Schmidt et Witte [1984], Eide [1994] ou, plus récemment, Ehrlich [2006].
  • [2]
    Cameron [1988] recense certaines situations dans lesquelles une hausse de la sanction espérée est susceptible de ne pas produire l’effet dissuasif attendu.
  • [3]
    Les normes sont susceptibles d’être les mêmes d’une unité géographique à une unité voisine, ou d’évoluer peu à court terme dans un même espace (Eide [1994]).
  • [4]
    Parmi les rares contributions économiques françaises, on peut également citer Tournyol du Clos [2002a, 2002b], ou encore Tournyol du Clos et Tournyol du Clos [2007].
  • [5]
    L’enregistrement des homicides comprend les tentatives et inclut les règlements de compte entre malfaiteurs, les homicides crapuleux commis sur des personnes dans le but de se procurer de l’argent ou des objets de valeur, les homicides non liés au profit qui sont commis pour des motifs aussi divers que l’alcoolisme, la démence, la passion ou des mobiles sexuels, raciaux, politiques ou autres et enfin les mineurs de moins de 15 ans.
  • [6]
    Notons que certains travaux ont spécifiquement considéré la probabilité d’être condamné à la peine capitale. Par exemple Ehrlich [1975, 1977] ; Cameron [1994] ; Dezhbakhsh, Rubin et Shepherd [2003] ; Dezhbakhsh et Shepherd [2006] ou Dezhbakhsh et Rubin [2007].
  • [7]
    Certains économistes ont d’ailleurs estimé des équations de crime ayant uniquement ce type de variables pour régresseurs. On peut citer notamment Reilly et Witt [1992, 1996] ; Witt, Clarke et Fielding [1998] ou Carmichael et Ward [2001].
  • [8]
    « The establishment of commerce and manufactures (…) is the best police for preventing crimes ».
  • [9]
    Si l’on considère que le terme aléatoire est distribué comme un bruit blanc gaussien, l’estimation ols avec des données panels peut biaiser la valeur des coefficients estimés, notamment en raison de la présence d’hétéroscédasticité et d’auto-corrélation (Gale, Heath et Ressler [2002]).
  • [10]
    Soulignons qu’il est possible que le niveau de crime affecte les ressources des forces de police si les décideurs publics allouent leurs budgets en fonction de la criminalité observée d’une période sur l’autre. En outre, la perception d’un nombre important de policiers, dans la rue par exemple, peut dissuader ou prévenir un certain nombre de crimes. Enfin, une corrélation négative fallacieuse entre le crime et les variables de sanction peut apparaître lors d’un accroissement du nombre de policiers, qui logiquement deviennent plus à même d’enregistrer un nombre important de faits (Greenwood et Wadycki [1973], Willis [1983]).
  • [11]
    On peut également évoquer un troisième effet : durant une récession économique, si les personnes au chômage restent chez elles le jour, la surveillance de leur propriété est accrue (on parle alors de guardianship effect, Cook et Zarkin [1985]). Selon Field [1990], ce troisième effet porte sur les victimes du crime plutôt que sur le criminel lui-même : ce phénomène prend le nom de lifestyle effect, en ce sens que les changements des conditions économiques peuvent modifier les modes de vie des victimes potentielles.

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