Notes
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[*]
Université Paris-Sud XI, adis, 54 boulevard Desgranges, 92331 Sceaux cedex. Courriel : matthieu.manant@u-psud.fr.
Je remercie Marc Bourreau pour son aide et ses conseils avisés. Je remercie également David Bounie, Michel Gensollen et Maria Gil-Molto et les deux rapporteurs anonymes de la Revue économique pour leurs commentaires. -
[1]
Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires.
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[2]
Voir le site www.competitivite.gouv.fr (dossier de presse du ciact).
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[3]
Une autre motivation à la coopération en R&D est le partage des coûts et des risques de la recherche. L’accès à des compétences complémentaires et le partage des coûts et des risques sont ainsi cités par près d’une entreprise sur deux pour justifier la mise en place d’une relation de coopération en R&D (Dhont-Peltrault et Pfister [2006]).
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[4]
L’Enquête sur les Relations Inter-Entreprises (erie) renseigne sur l’existence de relations stratégiques entre deux ou plusieurs entreprises, en particulier sur la fonction R&D. Les entreprises étaient invitées à décrire les trois relations qu’elles jugeaient les plus importantes.
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[5]
On pourra aussi se référer aux travaux de Spence [1984] et de Katz [1986].
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[6]
La notion de spillovers (littéralement retombées technologiques) est centrale dans la littérature et désigne de façon générale l’ensemble des externalités de recherche dont bénéficie une firme. Dans cette littérature, la présence d’importants (faibles) phénomènes de spillovers est synonyme d’une faible (forte) appropriabilité de la recherche par les entreprises.
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[7]
Les résultats sont inversés dans le cas de faibles spillovers.
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[8]
Nous parlerons aussi de compétences.
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[9]
Concernant le lien entre coopération en R&D et capacité d’absorption, on pourra se référer au modèle de Kamien et Zang [2000]. Les auteurs étudient un duopole dans un jeu à trois étapes où les deux firmes peuvent choisir à la première étape leur approche R&D. Dans ce modèle, une approche R&D spécifique pour chaque firme signifie que les effets de spillovers inter-firmes sont inexistants. Inversement, une approche R&D identique est telle que les firmes ont la capacité de s’approprier et d’assimiler les résultats de la R&D de leur concurrente. Les auteurs introduisent ainsi la notion de capacité d’absorption et montrent que, lorsqu’elles coopèrent, les firmes adoptent une approche identique en R&D et, lorsqu’elles ne coopèrent pas, elles choisissent des approches R&D spécifiques pour limiter les phénomènes de spillovers. Dans le modèle présenté dans cet article, les compétences en R&D sont exogènes et ne peuvent donc pas être choisies par les firmes.
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[10]
On parle de faible dispersion technologique lorsque les firmes ont des compétences en R&D proches dans les technologies considérées. La dispersion technologique est forte si les firmes ont des compétences en R&D très différentes dans chaque technologie. Une définition mathématique adaptée au modèle est donnée dans la suite de l’article.
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[11]
Eurêka est une initiative européenne dont l’objectif est de promouvoir la coopération en R&D entre partenaires européens et d’accroître ainsi leur compétitivité au niveau international. Eurêka encourage la soumission de projets coordonnés entre acteurs innovants d’au moins deux pays différents en offrant une subvention pour des projets ne dépassant pas un montant donné ou en proposant des prêts à des taux d’intérêt avantageux. De 1985 à 2001, Eurêka a de cette façon labellisé 2 300 projets pour près de 18 milliards d’euros de subventions européennes.
Aux États-Unis, le programme atp (Advance Technology Program) a pour objectif de favoriser les partenariats de R&D. atp a financé au total, depuis 1990, près de 200 rjv avec près de 800 partenaires au total (entreprises, université, etc.). -
[12]
La somme des compétences d’une même firme est égale à 1. On assure ainsi la symétrie entre les firmes. Cette hypothèse permet de formaliser les différences de compétences entre les deux firmes. Le cas général, où les deux firmes ont des compétences non symétriques, conduit à des expressions analytiques complexes qui sont peu exploitables. Toutefois, l’analyse qui suit et qui aboutit à l’équation (3) reste valable dans le cas général et met en évidence des effets d’efficacité et d’avantage de coût liés aux compétences des firmes. Ainsi on montre que dans le cas général les investissements en R&D d’une firme dans une technologie sont proportionnels à 2τ1 – βτ2 où τ1 est la compétence de la firme dans cette technologie et τ2 la compétence de sa rivale dans la même technologie. On en déduit les incitations des firmes à investir en R&D. On renvoie également le lecteur à Manant [2007] qui étudie avec une formalisation analogue la sélection d’un partenaire dans un oligopole à trois firmes où la production d’un bien nécessite une seule technologie et où les firmes ont des compétences asymétriques. L’auteur étudie les incitations à investir en R&D dans le cas général et montre, à l’aide de simulations numériques, que pour des faibles spillovers les firmes préfèrent coopérer avec la firme la plus compétence et que pour des spillovers importants les firmes les moins compétentes préfèrent coopérer ensemble.
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[13]
Aj [1988, 1990] et Dasgupta [1986] justifient cette hypothèse en notant que la taille de la firme ne permet pas d’économies d’échelle.
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[14]
La littérature formalise la coopération comme la maximisation des profits joints (d’Aspremont et Jacquemin [1988, 1990], Suzumura [1992], Kamien et al. [1992], Steurs [1995], Kamien et Zang [2000]). Une exception notable est celle de Kamien et al. [1992] qui considèrent deux types de coopération : la maximisation des profits joints et le partage des résultats de R&D en posant β = 1. La définition que nous avons retenue nous permet de concentrer notre attention sur les effets des différences de compétences en R&D et de comparer nos résultats avec la littérature.
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[15]
On suppose que κ est le coût fixe de coopération pour chaque firme lorsque les firmes partagent le coût de la coopération, soit un coût total de 2κ pour les deux firmes.
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[16]
Le surplus des consommateurs (sc) dans un modèle à la Cournot s’écrit :
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[17]
On ne considère pas le cas où les firmes coopèrent au stade de la production. Le scénario où les firmes coopèrent à la fois en R&D et en production n’est en effet en général pas étudié dans la littérature, car il correspond à un type d’entente illégal. Une exception notable est l’article de AJ [1988, 1990] où les auteurs comparent les quantités produites dans ce cas aux cas sans coopération et avec coopération en R&D uniquement et à l’optimum social. Aj montrent que les quantités produites par les firmes dans ce scénario sont moins importantes que dans les autres scénarios et ce, quel que soit le niveau du taux de spillovers. Ce résultat suggère donc bien un impact négatif sur le bien-être social dans ce scénario.
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[18]
Pour les investissements en R&D sont strictement positifs. Pour les investissements en R&D sont nuls et les résultats sont similaires à ceux obtenus dans la suite.
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[19]
On démontre les deux propriétés présentées ici en montrant que les numérateurs des dérivées des investissements en R&D sont croissants ou décroissants suivant les cas. Les valeurs extrêmes de τ ou β permettent alors de conclure sur le signe des numérateurs des dérivées et donc sur le signe de la dérivée elle-même. Sauf mention contraire, on procède de la même façon pour la démonstration des propriétés présentées dans la suite.
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[20]
On a .
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[21]
Ce résultat est valable dans le cas de firmes qui ne sont pas spécialisées, i.e. dont les compétences en R&D sont identiques et moyennes (τ proche de 1/2). C’est donc le cas lorsque les firmes sont technologiquement proches.
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[22]
Pour cela, on étudie les développements limités autour de m(τ) = 1/2 et m(τ) = 1.
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[23]
Cette définition de la coopération est celle retenue dans la littérature (d’Aspremont et Jacquemin [1988], Kamien et al. [1992], Vonortas [1994], Steurs [1995], Kamien et Zang [2000]).
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[24]
Les cso s’écrivent : et .
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[25]
On a .
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[26]
On note que le profit ne dépend plus de τ pour β = 1.
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[27]
∂W*,c /∂β > 0 car et .
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[28]
On se place ici dans le cas où le planificateur social doit choisir entre deux types d’accords de coopération, les firmes ayant déjà choisi de coopérer (décision ex-post du planificateur).
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[29]
On note ainsi les expressions des investissements en R&D de la firme i = 1, 2, et , et les expressions des réductions du coût marginal et .
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[30]
Pour cela, on calcule la différence des profits et on étudie les variations du numérateur par rapport à τ. La valeur du numérateur en τ = 1/2 permet de conclure sur le signe.
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[31]
Les cso s’écrivent 9γb/2 > (2τ – β(1 – τ))2 et 9γb/2 > (2(1 – τ) – βτ)2.
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[32]
On a et .
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[33]
Voir la note 1 (p. 844) pour les conditions d’existence de l’équilibre.
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[34]
Les cso s’écrivent : et .
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[35]
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Introduction
1 Fin 2005, le ciact [1] apporte son soutien à 64 projets de pôles de compétitivité français. L’objectif de cette initiative est de favoriser la coopération en R&D entre organismes de recherche d’une même région, privés ou publics, et, selon les termes du ciact, de permettre aux partenaires de bénéficier d’un « renforcement de (leurs) compétences » en R&D [2]. Les pouvoirs publics insistent de cette façon sur le rôle central des compétences en R&D dans la coopération en R&D et sur la nécessité de promouvoir la coopération entre des entreprises dont les compétences sont proches. Les entreprises elles-mêmes tiennent également compte des compétences en R&D dans le choix d’un partenaire. En revanche, ces dernières ne perçoivent pas la coopération en R&D comme un moyen de renforcer leurs propres compétences, mais comme un moyen d’accéder à d’autres compétences. Des études empiriques montrent, en effet, que pour les entreprises l’acquisition de compétences auprès d’un partenaire est l’une des principales motivations à la coopération en R&D [3] (Veugelers [1998], Karray [2003], erie [2003] [4], Dhont-Peltrault et Pfister [2006]). Une distribution hétérogène entre les entreprises de la productivité de la R&D dans leurs compétences technologiques peut expliquer que l’accès à des compétences en R&D soit une importante motivation à la coopération en R&D. Dès lors, il s’agit, dans le cas de partenaires en concurrence sur un même marché, de s’interroger sur les types de regroupements que le planificateur social doit privilégier. Doit-il en effet privilégier les rapprochements entre partenaires dont les compétences sont différentes ou entre partenaires dont les compétences sont proches ?
2 La littérature théorique a peu analysé cette question. Dans la majorité des travaux sur le thème de la coopération en R&D, la modélisation du processus de R&D ne tient pas compte de la diversité des compétences R&D des entreprises et la coopération en R&D revêt un aspect essentiellement financier (partage des coûts et coordination des efforts de recherche) ou consiste en un simple partage d’information entre des firmes dont les technologies sont identiques. On propose, dans cet article, une formalisation des stratégies de coopération de firmes ayant des compétences technologiques hétérogènes. On entend ici par technologie un champ de connaissances donné et donc par compétence technologique la capacité d’une firme à réaliser des progrès essentiellement dans cette technologie. Le modèle présenté ici suppose que l’élaboration d’un produit nécessite l’utilisation de plusieurs technologies de production. Par exemple, on peut imaginer que la fabrication d’un stylo nécessite la maîtrise des techniques du plastique et des techniques de l’encre. Si une firme est plus performante dans l’une ou l’autre des deux technologies (pour des raisons de matériel ou de main-d’œuvre par exemple), l’impact sur la réduction des coûts des investissements en R&D dans la technologie que la firme maîtrise le plus est alors plus fort que l’impact des investissements dans la technologie qu’elle maîtrise le moins.
3 Notre modèle s’appuie sur le modèle de d’Aspremont et Jacquemin [1988, 1990] (AJ dans la suite) [5] qui a inspiré une large littérature théorique (voir, entre autres, Henriques [1990], De Bondt et Veugelers [1991], Suzumura [1992], Kamien, Müller et Zang [1992], Vonortas [1994], Steurs [1995]) et empirique (Vonortas [1997], Röller, Tombak et Siebert [1997], Cassiman et Veugelers [2002], Hagedoorn [2002], etc.). Une revue de la littérature peut être consultée dans l’article de Veugelers [1998]. Les principaux résultats de cette littérature théorique indiquent que la coopération est toujours profitable à la firme, car elle lui permet (i) d’internaliser les phénomènes de spillovers [6] (pour contrer les phénomènes de passager clandestin), et (ii) de partager les coûts de R&D. Du point de vue social, en présence d’importants phénomènes de spillovers, le bien-être social est plus élevé lorsque les firmes coopèrent en R&D [7]. Nous cherchons ici à préciser ces résultats lorsque les firmes ont des compétences en R&D hétérogènes. Les partenaires qui coopèrent en R&D profitent-ils plus de la coopération lorsque leurs compétences technologiques sont complémentaires ou bien lorsque leurs compétences technologiques sont proches ? Quelle est l’influence de la diversité technologique sur la coopération ? Et, enfin, le planificateur social doit-il favoriser les partenariats entre firmes dont les compétences sont proches ou entre firmes dont les compétences sont éloignées ? Ce sont les questions auxquelles nous cherchons à répondre.
4 On présente, dans cet article, un modèle de duopole basé sur le jeu à deux étapes de AJ. À la première étape, les deux firmes investissent en R&D pour réduire les coûts de production d’un bien ; à la seconde étape, elles se font concurrence par les quantités. La production du bien nécessite la maîtrise de deux technologies complémentaires, mais indépendantes l’une de l’autre. On suppose que les deux firmes ont des capacités [8] différentes à réduire les coûts relatifs à chacune des deux technologies. On introduit ensuite, à l’instar de la littérature, des effets de spillovers. On suppose également que les firmes ont une capacité d’absorption de la R&D de la firme concurrente qui dépend de ses compétences en R&D [9]. On étudie, dans cet article, l’impact de l’écart entre les compétences en R&D (compétences en R&D proches ou éloignées) et des effets de spillovers sur l’incitation des firmes à investir en R&D et à coopérer en R&D. La coopération en R&D est définie, comme dans la littérature, par la coordination des investissements de recherche de façon à maximiser les profits joints.
5 Le résultat principal de cet article est que, dans le cas non coopératif, le profit des firmes à l’équilibre diminue avec la dispersion technologique [10] et augmente avec la dispersion technologique dans le cas coopératif. On trouve ensuite qu’il existe un taux limite de spillovers au-delà duquel le bien-être social est plus important dans le cas coopératif que dans le cas non coopératif, quelle que soit la dispersion technologique. Ce taux limite est plus faible pour une forte dispersion technologique que pour une faible dispersion technologique. Par conséquent, la coopération en R&D est plus profitable aussi bien du point de vue des firmes que du point de vue social lorsque les firmes ont des compétences en R&D éloignées. On montre, enfin, que pour des coûts fixes de coopération intermédiaires, lorsque la dispersion technologique est importante, les firmes ont intérêt à coopérer, alors que, lorsque la dispersion technologique est faible, les firmes préfèrent ne pas coopérer. D’un point de vue pratique, les intuitions présentées par le modèle pourraient être prises en compte par les pouvoirs publics, notamment dans le cadre de programmes de promotion de la coopération en R&D, tels que les programmes Eurêka en Europe et atp aux États-Unis [11].
6 L’article se présente comme suit. La première section est une présentation du modèle. La deuxième section est consacrée à la résolution du modèle dans le cas non coopératif et dans le cas coopératif, et à la comparaison des deux cas. Dans la section suivante, on étudie l’impact des coûts de coopération sur la coopération. Enfin, la dernière section conclut l’article.
Le modèle
7 On considère un duopole à la Cournot où les deux firmes, notées 1 et 2, produisent un bien homogène. La quantité de bien produit par la firme i = 1, 2 est notée qi et Q = q 1 + q 2 est la quantité totale de bien. Le coût marginal de la firme i = 1, 2 est constant et noté ci . La fonction de demande inverse s’écrit p(Q) = a – bQ avec a, b > 0 et Q ≤ a/b
8 La production du bien nécessite l’utilisation de deux technologies, la technologie 1 et la technologie 2. Les firmes peuvent investir dans chacune des technologies pour réduire leur coût marginal de production. Les recherches associées à chacune des technologies sont supposées être menées indépendamment. On suppose de plus que les deux firmes ont des compétences en R&D différentes dans chaque technologie. Les investissements en R&D dans chaque technologie induisent donc des réductions du coût marginal dans des proportions différentes. On suppose, dans la suite, que les compétences en R&D dans chaque technologie des firmes sont opposées, i.e. la compétence d’une firme dans une technologie est égale à la compétence de sa concurrente dans l’autre technologie.
9 On note τ (respectivement 1 – τ) la compétence en R&D de la firme 1 (resp. firme 2) dans la technologie 1 et 1 – τ (resp. τ) la compétence de la firme 1 (resp. firme 2) dans la technologie 2. Une compétence nulle signifie que tout investissement en R&D dans la technologie ne permet aucune réduction de coût. Cependant, cela ne signifie pas que la technologie est inutile pour produire le bien.
10 Formellement, on note xi (resp. yi ) les investissements en R&D de la firme i = 1, 2 dans la technologie 1 (resp. 2) et β (0 ≤ β ≤ 1) le taux de spillovers. Un taux de spillovers nul signifie que les firmes ne peuvent pas bénéficier de la R&D de leur concurrente. Inversement, un taux de spillovers égal à 1 implique que les firmes peuvent s’approprier l’ensemble des résultats de la R&D de leur rivale dans la limite de leurs compétences.
11 Les coûts marginaux de production de la firme 1 et de la firme 2, après investissements en R&D, s’écrivent alors respectivement [12] :
13 où c est le coût marginal constant initial des deux firmes avec 0 < c < a.
14 Les termes τx 1, (1 – τ)y 1, (1 – τ)x 2 et τy 2 sont des termes de réduction du coût marginal qui dépendent des compétences technologiques de chacune des deux firmes. Une firme peut également réduire ses coûts en bénéficiant des spillovers de la R&D de sa concurrente mais ne peut en bénéficier dans une proportion supérieure à ses compétences. La manière dont nous formalisons les effets de spillovers suppose qu’une firme ne peut bénéficier de la recherche de sa concurrente dans une technologie donnée que si elle possède elle-même les compétences requises dans cette technologie. Ainsi, par exemple, si la firme 2 investit x 2 dans la technologie 1, la firme 1 réduit son coût marginal de τβx 2 du fait de l’effet de spillovers, le terme β représentant le taux de spillovers et le terme τ la capacité d’absorption de la firme.
15 On entendra par « dispersion technologique » la différence entre les compétences technologiques des deux firmes. De façon formelle, la dispersion est égale à |τ – 1/2|. La dispersion est donc maximale lorsque τ est proche de 0 ou de 1. Par commodité d’écriture, on note dans la suite m(τ) = τ2 + (1 – τ)2.
16 Le coût fixe de la R&D s’écrit (avec γ > 0) pour l’ensemble de la R&D de la firme i = 1, 2. On suppose ainsi que les rendements de la recherche sont décroissants [13] (i.e. les progrès de la R&D sont toujours plus coûteux) et que le coût de la R&D dans une technologie est indépendant du coût de la R&D dans l’autre technologie. Dans la suite de l’article, on suppose que 9γb/2 > 5 pour que les conditions du second ordre (cso dans la suite) soient toujours respectées.
17 On définit la coopération en R&D comme la maximisation des profits joints des deux firmes à l’étape de R&D [14].
18 Enfin, on introduit un coût fixe, que l’on notera κ (κ ≥ 0), qui est nul si les firmes ne coopèrent pas et non nul si elles coopèrent [15]. Le choix d’un coût fixe de coopération se justifie par l’importance des investissements initiaux nécessaires à la mise en œuvre de la coopération en R&D (rédaction de contrat, achat de matériel ou de locaux communs, etc.). Cette formalisation du coût de coopération correspond à celle adoptée par Vilasuso et Frascatore [2000]. L’impact du coût de coopération est étudié dans la dernière section.
19
Le jeu se déroule de la manière suivante :
- à la première étape, les firmes 1 et 2 choisissent simultanément et de façon non coopérative (cas non coopératif) ou de façon coopérative (cas coopératif) des investissements en R&D, xi et yi , avec i = 1, 2, dans les deux technologies ;
- à la seconde étape, les deux firmes choisissent simultanément et de façon non coopérative une quantité de bien à produire qi , avec i = 1, 2.
20 La fonction de bien-être social, W*, est à l’équilibre définie comme étant égale à la somme des profits de l’industrie et du surplus des consommateurs à l’équilibre [16], soit :
L’analyse
22 Dans cette section, on détermine, dans un premier temps, les quantités produites à l’équilibre à la deuxième étape, puis, dans un second temps, les investissements réalisés à la première étape. Le profit de la firme i = 1, 2 s’écrit :
24 À la seconde étape, chaque firme considère les investissements en R&D comme donnés et choisit la quantité optimale de bien à produire [17]. Les coûts marginaux de production sont fixés. En écrivant les conditions du premier ordre (cpo dans la suite), on trouve après résolution les quantités produites à l’équilibre pour la firme i = 1, 2, j = 1, 2, j ≠ i :
26 L’expression de la quantité de bien produite met en évidence un effet d’efficacité de la R&D (premier terme ) et un effet d’avantage de coût (second terme ). L’effet d’avantage de coût provient de ce que, lorsqu’une firme a un avantage en terme de coût de production sur sa rivale, elle bénéficie d’une part de marché supplémentaire et impose ainsi une perte de part de marché à sa concurrente.
27 La fonction de demande étant linéaire, la quantité de bien produite peut être assimilée à la marge unitaire (à un facteur b près). À l’équilibre de la seconde étape, le profit de la firme i = 1, 2 s’écrit ainsi :
29 On compare dans la suite les équilibres obtenus dans le scénario non coopératif et dans le scénario coopératif en étudiant les investissements en R&D et les profits des firmes ainsi que la fonction de bien-être social W*.
Cas non coopératif
30 On considère dans cette section que les firmes ne coopèrent pas et se font donc concurrence au stade de la R&D. Les coûts marginaux des firmes 1 et 2 sont donnés par les équations (1a) et (1b). On s’intéresse à l’impact de la dispersion technologique sur les investissements en R&D et sur les profits à l’équilibre. On étudie également l’impact des effets de spillovers. Ces résultats sont comparés dans une section suivante avec les résultats obtenus dans le cas coopératif.
31 La firme i = 1, 2 cherche à maximiser son profit, soit :
33 sous les contraintes xi ≥ 0 et yi ≥ 0.
Les investissements en R&D dans le cas non coopératif
34 On cherche à déterminer les investissements en R&D pour les deux firmes dans le cas non coopératif. On détermine également les réductions de coût marginal et les parts relatives des investissements dans les deux technologies.
35 Lemme 1. À l’équilibre non coopératif, les investissements en R&D des firmes 1 et 2 s’écrivent [18] :
37 Preuve. Voir annexe A.
38 La réduction du coût marginal due à l’effort de R&D en propre et la réduction due aux effets de spillovers sont donc respectivement à l’équilibre pour la firme i = 1, 2 (j = 1, 2, j ≠ i) :
40 et
42 Les investissements en R&D dans les deux technologies sont symétriques, car les firmes ont des compétences symétriques par construction. Les investissements en R&D de la firme i dans une technologie donnée, ou augmentent avec la compétence de la firme dans cette technologie, à taux de spillovers donné [19]. Cela traduit que l’efficacité d’une firme dans une technologie donnée est liée à sa compétence dans cette même technologie. Le lemme 1 montre ainsi que plus une firme est plus compétence dans une technologie, plus elle investira dans cette technologie. L’efficacité de la R&D est en effet plus importante lorsque les firmes sont spécialisées, c’est-à-dire lorsque les firmes ont des compétences éloignées (τ proche de 0 ou de 1).
43 Pour comprendre pourquoi, il suffit d’examiner la forme de la fonction de coût marginal. Une compétence accrue dans une technologie, c’est-à-dire pour un τ plus important, augmente l’incitation à investir de la firme dans cette technologie et réduit, par construction, l’incitation à investir dans l’autre technologie. Les investissements en R&D augmentent donc avec la compétence en R&D. Cette propriété implique que les firmes réalisent des investissements en R&D plus élevés lorsque la dispersion technologique est plus forte (c’est-à-dire lorsque les firmes seront plus spécialisées en R&D) car les deux incitations à réaliser de la R&D (effet d’efficacité et effet d’avantage de coût de la R&D) seront plus fortes. Effectivement, on trouve que la réduction totale de coût marginal d’une firme, pour la firme 1 et pour la firme 2, augmente avec la dispersion technologique et est donc maximale pour τ proche de 0 ou de 1.
44 L’incitation à investir dans une technologie augmente également avec les effets de spillovers. Lorsque l’industrie est spécialisée, les deux firmes ne bénéficient que dans une moindre mesure des investissements en R&D de leur concurrente par le biais des spillovers et sont donc incitées à investir en R&D dans les deux technologies. L’étude des parts relatives des investissements en R&D à l’équilibre dans chacune des technologies permet de mieux de comprendre l’impact des effets de spillovers. On obtient pour les firmes 1 et 2 respectivement :
46 et
48 La part relative des investissements dans une technologie augmente avec le taux de spillovers lorsque la compétence de la firme dans cette technologie est forte et diminue avec le taux de spillovers lorsque la compétence est faible [20]. L’intuition pour ces résultats est que les spillovers ont un effet négatif sur la réduction du coût marginal due à l’effort propre de R&D, effet d’autant plus faible que la dispersion technologique est forte. Lorsque la dispersion technologique est forte, la capacité d’absorption dans la technologie qu’une firme maîtrise moins est faible. En outre, même si la firme a une forte capacité d’absorption dans la technologie qu’elle maîtrise, sa rivale, elle, est très peu compétente dans cette technologie. Par conséquent, les spillovers ont un effet négatif sur les investissements dans les technologies faibles des firmes (pour lesquelles la rivale a une forte capacité d’absorption).
Les profits et le bien-être social dans le cas non coopératif
49 Le profit de la firme i = 1, 2 et le bien-être social à l’équilibre dans le cas non coopératif s’écrivent respectivement :
51 et
53 Lemme 2. À l’équilibre non coopératif, le profit diminue avec la dispersion technologique et ∃β* ∈ [0, 1] tel que pour β < β* le bien-être social augmente avec la dispersion technologique et pour β > β* le bien-être social diminue avec la dispersion technologique.
54 Preuve. Voir annexe A.
55 L’intuition pour expliquer un profit maximal pour une faible dispersion technologique est la suivante. L’efficacité de la R&D est plus forte lorsque les firmes ont des compétences en R&D éloignées et la concurrence par la R&D (due à l’effet d’avantage de coût de la R&D) est donc plus intense lorsque la dispersion technologique est forte [21]. Le profit des firmes est donc plus important quand la concurrence par la R&D est moins forte, i.e. dans le cas où les firmes ont des compétences en R&D proches. On note que ce résultat est valable, quel que soit le niveau de spillovers. On montre également que, dans une industrie dispersée technologiquement, les profits diminuent avec le taux de spillovers, mais qu’ils augmentent avec les spillovers dans une industrie faiblement dispersée [22]. L’intuition est que, pour une faible dispersion technologique, la réduction du coût marginal liée aux effets de spillovers et les coûts de la R&D sont plus importants. Ces deux effets sont inversés pour une forte dispersion.
56 Le surplus des consommateurs, qui augmente avec les quantités de bien produites, augmente avec la dispersion technologique. Ce résultat s’explique, comme précédemment, par les effets d’efficacité et d’avantage de coût de la R&D. Le bien-être social, qui est la somme du surplus des consommateurs et du surplus des firmes, augmente ou diminue donc avec la dispersion technologique selon le niveau des spillovers.
Cas coopératif
57 On considère, dans cette section, que les firmes coopèrent en R&D dans chaque technologie en coordonnant leurs investissements pour maximiser la somme des profits [23]. De même que dans la section précédente, on étudie l’impact de la dispersion technologique et des effets de spillovers sur les investissements en R&D et sur les profits et la fonction de bien-être à l’équilibre.
58 Les firmes cherchent à maximiser le profit joint, soit :
60 sous les contraintes xi ≥ 0 et yi ≥ 0 (i = 1, 2).
Les investissements en R&D dans le cas coopératif
61 On détermine les investissements en R&D, les réductions de coût marginal et les parts relatives des investissements dans les deux technologies pour les deux firmes dans le cas coopératif.
62 Lemme 3. À l’équilibre coopératif, les investissements en R&D de la firme 1 et de la firme 2 s’écrivent [24] :
64 Preuve . Voir annexe B.
65 La réduction du coût marginal due à l’effort de R&D en propre et la réduction due aux effets de spillovers sont, pour la firme i = 1, 2, respectivement (j = 1, 2, j ≠ i) :
67 et
69 Comme précédemment, les parts d’investissement en R&D relatives à chaque technologie sont réparties suivant les compétences de chaque firme. La réduction du coût marginal croît avec le degré de spécialisation technologique, comme dans le cas non coopératif. L’intuition est d’ailleurs identique, l’efficacité de la R&D étant plus importante lorsque les firmes sont plus spécialisées. En outre, l’investissement dans une technologie augmente avec la compétence de la firme dans cette technologie. On montre de plus que l’investissement global de chaque firme diminue avec la dispersion technologique. Contrairement au cas non coopératif, les firmes internalisent l’effet concurrentiel et partagent les coûts de la R&D.
70 On montre ensuite que les investissements en R&D, et , augmentent avec le taux de spillovers à dispersion donnée. On en déduit que la réduction totale du coût marginal (en incluant l’effet de spillovers) augmente avec les effets de spillovers. Ce résultat était prévisible puisque la coopération permet d’internaliser les phénomènes de spillovers. L’étude des parts relatives des investissements en R&D des firmes 1 et 2 dans chacune des technologies permet de mieux comprendre l’impact des effets de spillovers :
72 et
74 La part relative des investissements dans une technologie augmente avec le taux de spillovers lorsque la compétence de la firme dans cette technologie est faible et diminue avec le taux de spillovers lorsque la compétence est forte [25]. Ce résultat est inversé par rapport au cas non coopératif. L’intuition est que l’internalisation des spillovers réduit l’effet négatif des spillovers sur la réduction du coût marginal due à l’effort propre de R&D, et ce d’autant plus lorsque la dispersion technologique est faible. L’effet négatif des spillovers sur les investissements dans les technologies faibles mis en évidence dans le cas non coopératif est moindre dans le cas coopératif. On confirme, par ce résultat, le partage des coûts de R&D.
Les profits et le bien-être social dans le cas coopératif
75 Le profit de la firme i = 1, 2 et le bien-être social à l’équilibre dans le cas coopératif s’écrivent respectivement :
77 et
79 Lemme 4. À l’équilibre coopératif, le profit et le bien-être social augmentent avec la dispersion technologique.
80 Preuve. Voir annexe B.
81 En coordonnant les efforts de R&D, les firmes atténuent la concurrence en quantités de biens. À l’équilibre, les quantités produites par la firme i = 1, 2 sont donc moindres pour une faible dispersion. Le profit augmente avec la dispersion technologique dans le cas coopératif, contrairement au cas non coopératif. Ceci est dû, d’une part, au fait que l’effet d’avantage de coût de la R&D, qui conduit les firmes à dissiper des profits dans la R&D, est internalisé lorsque les firmes coopèrent en R&D et, d’autre part, au fait que l’effet d’efficacité de la R&D est plus fort lorsque la dispersion technologique est importante. On montre ensuite que l’effet de la dispersion technologique sur le profit est moindre pour des spillovers importants [26]. On a vu en effet que l’internalisation des effets de spillovers a un impact plus important sur la réduction de coût marginal lorsque la dispersion technologique est faible. Ce résultat est comparable aux résultats précédents concernant les investissements en R&D. Les firmes partagent leurs efforts de R&D et investissent dans chaque technologie suivant leurs compétences dans cette même technologie.
82 On montre de même que le bien-être social augmente avec la dispersion technologique de l’industrie, quel que soit le niveau de spillovers. On montre également que le bien-être social dans le cas coopératif augmente avec le taux de spillovers de l’industrie [27]. De même que les quantités de bien produites et les profits, l’impact de la dispersion technologique sur la fonction de bien-être dans le cas coopératif diminue avec les effets de spillovers. Le surplus des consommateurs et le surplus des firmes augmentant avec la dispersion technologique dans le cas coopératif, le bien-être social augmente nécessairement avec la dispersion technologique. On met ainsi en évidence que le planificateur social préférera promouvoir les accords de coopération pour lesquels la dispersion technologique entre les firmes est la plus importante [28].
Comparaison des cas non coopératif et coopératif
83 On compare, dans cette section, les niveaux relatifs des investissements en R&D, des profits et du bien-être social dans le cas non coopératif et dans le cas coopératif. Les résultats sont présentés et discutés dans les propositions qui suivent.
Comparaison des investissements en R&D
84 On compare ici les investissements en R&D dans les deux technologies pour chaque firme dans le cas coopératif et dans le cas non coopératif.
85 Proposition 5. À taux de spillovers β donné, il existe τ*(β) tel que, pour τ < τ *(β), et, pour τ > τ *(β), . On a τ*(β) croissante avec τ*(0) = 0 et 1/2 < τ*(1) < 1.
86 Preuve. Voir annexe C.
87 Ce résultat intéressant montre que l’effet de la coopération sur les investissements en R&D ne dépend pas uniquement du degré de spillovers mais aussi de la compétence technologique de la firme. L’intuition est la suivante. L’incitation à investir dans une technologie est plus forte dans le cas coopératif que dans le cas non coopératif si la firme a peu de compétences dans cette technologie, la firme bénéficiant de l’effet dû à l’internalisation des spillovers dans le cas coopératif. Cet effet lié à l’internalisation diminue avec la compétence dans la technologie, les effets de spillovers étant moindres (la firme concurrente est moins compétente pour assimiler les résultats de la R&D dans cette technologie). Il existe donc une compétence limite au-dessus de laquelle les investissements dans une technologie sont plus importants dans le cas non coopératif que dans le cas coopératif. L’effet lié à l’internalisation des spillovers augmente avec le taux de spillovers et explique que le niveau limite de compétence augmente avec le taux de spillovers. La réduction de coût marginal et l’investissement total en R&D sont moins importants dans le cas coopératif que dans le cas non coopératif pour une firme, parce qu’en coopérant les firmes peuvent internaliser l’effet concurrentiel (effet d’avantage de coût) de la R&D. On obtient des résultats similaires pour les investissements en R&D dans l’autre technologie. On note que ces résultats sont comparables aux résultats de AJ qui montrent que les investissements sont moindres dans le cas coopératif pour des spillovers faibles.
88 On compare ensuite, dans les cas coopératif et non coopératif et pour chaque firme i = 1, 2, les sommes totales des investissements en R&D, et , et les réductions du coût marginal, et [29].
89 Proposition 6. Pour la firme i = 1, 2, on a :
90 (i) pour τ ∈ [0, 1], ∃βI(τ) tel que pour et pour .
91 (ii) pour β ∈ [0, 0.5] et pour tout 0 < τ < 1, et, pour β ∈ [0.5, 1], ∃τ* ∈ [0, 0.5] tel que, pour tout τ < τ * et τ > 1 – τ *, et, pour τ * < τ < 1 – τ *, .
92 Preuve. Voir annexe C.
93 On en déduit le corollaire suivant :
94 Corollaire 7. Pour la firme i = 1, 2, on a, pour et, pour .
95 Preuve. Voir annexe C.
96 En présence de faibles spillovers, le total des investissements d’une firme en R&D sont plus importants dans le cas non coopératif. Inversement, en présence de forts spillovers, les investissements en R&D sont plus importants dans le cas coopératif. Pour des spillovers intermédiaires, le résultat dépend de la dispersion technologique de l’industrie. Pour des faibles taux de spillovers, les investissements dans les deux technologies et donc la réduction de coût marginal sont plus importants dans le cas non coopératif que dans le cas coopératif. Pour des forts taux de spillovers, il suffit de se référer à la proposition 5 qui montre que, pour une faible dispersion technologique, les investissements dans une technologie sont plus importants dans le cas coopératif que dans le cas non coopératif. On en déduit que, pour une faible dispersion technologique, la réduction de coût marginal est plus forte dans le cas non coopératif. On obtient le résultat inverse pour une forte dispersion technologique.
Comparaison des profits et des bien-être sociaux
97 On compare, dans un premier temps, les quantités de bien produites dans le cas non coopératif et dans le cas coopératif.
98 Proposition 8. Pour la firme i = 1, 2, on a :
99 (i) pour ,
100 (ii) pour tel que pour tout ,
101 (iii) pour , on a .
102 Preuve. Voir annexe C.
103 Pour des faibles spillovers, les firmes produisent plus dans le cas non coopératif. On obtient le résultat inverse pour des spillovers importants. Ce résultat est cohérent avec la littérature. Cependant, pour des spillovers intermédiaires et une faible dispersion, on montre que les firmes produisent plus de biens dans le cas coopératif.
104 Concernant le profit, on montre que, pour tout couple (τ, β) et pour un coût fixe de coopération suffisamment faible la coopération s’avère toujours intéressante pour les deux firmes (soit pour la firme i = 1, 2 [30]). L’internalisation des effets de spillovers, liée à l’hypothèse de maximisation des profits joints, rend la coopération attractive, quel que soit le niveau de spillovers et pour tout écart de compétence technologique. L’introduction des coûts fixes de coopération permet d’affiner cette propriété et d’observer l’impact de la dispersion technologique. Concernant la question des coûts de coopération on renvoie le lecteur à la section suivante.
105 On étudie ensuite l’impact des phénomènes de spillovers sur le bien-être social en comparant le cas coopératif au cas non coopératif. On a montré précédemment qu’en l’absence de coût de coopération les firmes ont toujours intérêt à coopérer. Cependant, les quantités produites baissent lorsque les firmes coopèrent, ce qui a une incidence à la baisse sur le bien-être. Pour des spillovers importants et d’après les résultats obtenus ci-avant, on montre aisément que le bien-être augmente lorsque les firmes coopèrent. Ce résultat est analogue aux résultats de la littérature. Pour des taux de spillovers moins importants, on a recours à une simulation numérique. On utilise pour cela les paramètres γ = 50 et b = 1. On a représenté en abscisse les compétences dans la technologie 1 et en ordonnée les effets de spillovers sur la figure 1. La courbe du bien-être dans le cas coopératif est constante pour β = 1. Pour des faibles spillovers, le bien-être social est moins important dans le cas coopératif que dans le cas non coopératif. Cette diminution de bien-être social s’explique par des quantités produites moins importantes dans le cas coopératif. Les gains en profit des firmes ne compensent donc pas les pertes du surplus des consommateurs. Pour des niveaux de spillovers intermédiaires, la différence de bien-être social entre la situation coopérative et la situation non coopérative dépend de la dispersion technologique. La figure 1 montre que le taux limite de spillovers au-delà duquel le bien-être social est plus important dans le cas coopératif que dans le cas non coopératif diminue avec la dispersion technologique. Ce résultat s’explique par le fait que le bien-être social augmente avec le niveau de spillovers dans le cas coopératif et diminue avec le niveau de spillovers dans le cas non coopératif à dispersion technologique donnée.
Bien-être social en fonction de la compétence de la firme 1 dans la technologie 1 et des effets de spillovers pour γ = 50 et b = 1
Bien-être social en fonction de la compétence de la firme 1 dans la technologie 1 et des effets de spillovers pour γ = 50 et b = 1
Coût de coopération
106 On étudie, dans cette section, l’impact du coût de coopération κ > 0 sur l’intérêt des firmes à coopérer en R&D. On montre la proposition suivante :
107 Proposition 9. Pour tout β ∈ (0, 1) il existe κ*(β), κ**(β), et κ*(β), tels que :
108 (i) si κ < κ*(β) les firmes ont intérêt à coopérer en R&D quel que soit l’écart technologique,
109 (ii) si κ*(β) < κ < κ**(β) les firmes ont intérêt à coopérer en R&D si τ < τ*(β) ou τ > 1 – τ*(β),
110 (iii) si κ > κ**(β) les firmes n’ont pas intérêt à coopérer en R&D quel que soit l’écart technologique.
111 Preuve. Voir annexe D.
112 Les effets de gain de profit liés à la coordination des investissements en R&D et au partage des coûts de R&D sont atténués par le coût de la coopération. Coopérer n’est intéressant que si les coûts de coopération ne sont pas trop importants. Pour des coûts de coopération intermédiaires, la coopération est intéressante uniquement pour les firmes fortement dispersées. L’intuition est la suivante. Quelle que soit la dispersion technologique, le profit des deux firmes est supérieur dans le cas coopératif par rapport au cas non coopératif. Cependant, le profit augmente avec la dispersion technologique dans le cas coopératif et diminue avec la dispersion technologique dans le cas non coopératif. La différence de profit est donc plus importante pour une forte dispersion technologique que pour une faible dispersion technologique. Ce raisonnement vaut pour tous les niveaux de spillovers. Il existe donc des coûts fixes de coopération intermédiaires tels que la coopération n’est intéressante que si la dispersion technologique est suffisamment forte.
113 On cherche ensuite à déterminer comment le niveau de spillovers affecte la dispersion limite au-dessus de laquelle les firmes ont intérêt à coopérer pour différentes valeurs du coût de coopération. On note τ *, lorsqu’elle existe, la compétence limite de la firme 1 dans la technologie 1. Pour déterminer τ * on a recours à une simulation informatique. La simulation a été menée pour 10 valeurs croissantes du coût de coopération telles que κρ = ρ · 10–6/(a – c)2 pour ρ = 1, …, 10. On utilise les valeurs des paramètres suivantes : γ = 50 et b = 1. Les résultats des simulations sont présentés sur la figure 2. Pour un coût fixe de coopération donné, les firmes n’ont pas intérêt à coopérer pour un faible niveau de dispersion technologique et pour des spillovers intermédiaires. Pour un coût fixe de coopération plus important, les firmes n’ont pas intérêt à coopérer pour un intervalle de spillovers plus large et un niveau de dispersion technologique plus important. La proposition (9) explique l’existence d’une compétence limite qui dépend de la dispersion technologique pour un coût de coopération intermédiaire. Le profit des firmes qui coopèrent diminue avec le coût de coopération. Or, le profit des firmes qui coopèrent augmente avec la dispersion technologique. On en déduit l’impact du coût de coopération sur la compétence limite.
Compétence limite en fonction du taux de spillovers pour différents coûts fixes de coopération (κρ = ρ · 10–6/(a – c)2 où ρ = 1, …, 10)
Compétence limite en fonction du taux de spillovers pour différents coûts fixes de coopération (κρ = ρ · 10–6/(a – c)2 où ρ = 1, …, 10)
Conclusion
114 On a présenté, dans cet article, une analyse des stratégies de coopération de firmes dont les compétences en R&D sont différentes. On a montré que l’hétérogénéité des compétences en R&D a un impact sur la probabilité de s’engager dans une coopération et qu’il s’agit d’un paramètre dont il faut tenir compte dans les politiques publiques d’incitation à la coopération en R&D. On montre, en effet, que le profit diminue avec la dispersion technologique dans le cas non coopératif. Inversement, le profit augmente avec la dispersion technologique dans le cas coopératif. On montre aussi qu’il existe des coûts fixes de coopération tels que la situation coopérative est plus intéressante pour les firmes que la situation non coopérative si les compétences technologiques sont dispersées. On montre enfin que le taux limite de spillovers au-delà duquel le bien-être social est plus important dans le cas coopératif que dans le cas non coopératif diminue avec la dispersion technologique. Ce résultat suggère aux pouvoirs publics de favoriser les coopérations en R&D au-dessus d’un niveau de spillovers plus important lorsque la dispersion technologique entre les firmes est faible que lorsque la dispersion technologique est forte.
115 L’analyse a été menée en supposant la symétrie des approches technologiques par l’introduction d’un paramètre de dispersion technologique. Cette hypothèse, a priori forte, permet déjà d’obtenir des résultats intéressants et permet de mieux comprendre l’effet de la dispersion technologique. Des extensions de ce modèle sont envisageables, et il nous semble nécessaire à l’avenir de tenir compte des spécificités technologiques de chaque firme et des complémentarités qui peuvent exister entre les deux technologies. On a de plus mis l’accent sur le rôle joué par les coûts fixes de coopération. Les entreprises, qui ont des technologies proches, ont des coûts de coordination liés à l’activité de coopération moins importants. Il pourrait donc être intéressant d’étudier l’impact de coûts de coopération qui dépendent de la proximité technologique entre les deux firmes. On pourrait ainsi introduire des coûts de coopération plus importants lorsque la dispersion technologique entre les deux firmes est importante.
Annexe A
116 Preuve du lemme 1. On a déterminé en introduction de la section 3 l’équilibre du sous-jeu à la seconde étape. À la première étape du jeu, les firmes déterminent les niveaux d’investissements en R&D en anticipant les quantités produites à l’équilibre de la seconde étape. On utilise l’équation (4) pour obtenir les cpo pour les deux firmes (i = 1, 2) [31] [32] :
118 On en déduit les relations entre les investissements dans chacune des technologies de la firme 1 et de la firme 2 à l’équilibre (sous réserve d’existence de l’équilibre [33]) :
120 En remarquant que 2τ(1 – τ) = 1 – m(τ), les coûts s’écrivent alors :
122 Les quantités de biens produites et s’écrivent alors :
124 On remplace ensuite les expressions des quantités dans les cpo pour déterminer les investissements en R&D à l’équilibre. On vérifie que, lorsque les conditions du second ordre sont respectées, les investissements sont bien positifs.
125 Preuve du lemme 2. On déduit les quantités de bien produites et le profit à l’équilibre non coopératif pour la firme i = 1, 2 en utilisant les expressions des investissements en R&D obtenues dans le lemme 1 :
127 On montre par dérivation par rapport à m(τ) que la quantité de bien produit est minimum pour τ = 1/2 et augmente avec la dispersion technologique. On montre également par dérivation – on dérive l’expression du profit par rapport à m(τ) et on étudie le signe du numérateur par double dérivation par rapport à β – que pour tout β le profit diminue avec la dispersion technologique. La valeur du bien-être social à l’équilibre non coopératif s’écrit :
129 On dérive l’expression du bien-être par rapport à m(τ), où on note F(m(τ), β) le numérateur de la dérivée. On a ∂2F(m(τ), β)/∂β2 = – 28 + 12m(1 + β) < 0. On en déduit que ∂F(m(τ), β)/∂β décroît avec β. Or on a ∂F(m(τ), 0)/∂β = 20 – 9γ(2 + 3b) < 0, donc ∂F(m(τ), β)/∂β < 0. On en déduit que ∂F(m(τ), β) décroît avec β. Or on a F(m(τ), 0) = 18γ – 8m(τ) > 0 et F(m(τ), 1) = – 3(9γb – 2β) < 0, donc il existe β ∈ [0, 1] tel que pour β < β*F(m(τ), β) > 0 et β > β*F(m(τ), β) < 0 pour On en déduit la proposition.
Annexe B
130 Preuve du lemme 3. Les firmes anticipent les quantités produites à la seconde étape pour déterminer les investissements en recherche. Les firmes maximisent π1 + π2 sous les contraintes xi ≥ 0 et yi ≥ 0 (i = 1, 2). Les cpo à la première étape s’écrivent, pour la firme 1 et pour la firme 2 [34] :
132 On obtient des relations entre les investissements en R&D comparables à celles du lemme 1 qui nous permettent de déterminer les investissements en R&D dans le cas coopératif. On note que, lorsque les conditions du second ordre sont respectées, les investissements en R&D sont bien positifs.
133 Preuve du lemme 4. On déduit la quantité de bien produite et le profit à l’équilibre non coopératif pour la firme i = 1, 2 en utilisant les expressions des investissements en R&D obtenues dans le lemme (3) :
135 On montre par dérivation que le profit augmente avec la dispersion technologique. Le bien-être social à l’équilibre s’écrit :
137 On montre par dérivation que le bien-être social augmente avec la dispersion technologique.
Annexe C
138 Preuve de la proposition 5. On calcule . On note G le numérateur [35]. On a
140 et
142 donc ∂G(τ, β)/∂τ < 0 sur [0, 1]. On a ensuite G(0, β) = 6β(3bγ – 1)(a – c) > 0 et G(1, β) = 3(2β2 – 3bγ)(a – c) < 0 donc il existe une solution positive unique sur [0, 1], notée τ*(β). On calcule ensuite :
144 D’après le théorème des fonctions implicites appliqué à la fonction G, on a (τ*)’(β) = – (∂G/∂β)/(∂G/∂τ) > 0. On a de plus τ*(0) = 0 et τ*(1) = 2(3bγ – 1)/(9γb – 4). On a donc 0 < τ* < 1. On a montré que est croissante sur avec et On en déduit les positions relatives de et .
145 Preuve de la proposition 6. On calcule dont le numérateur s’écrit H(τ, β) = 3(3γb(2β – 1) – 2β(1 – 2π)2(1 – β))(a – c). On factorise H sous la forme H(τ, β) = 3(a – c)(β – β1(τ))(β – β2(τ)) où
147 et
149 On montre que βI′(τ) < 0 d’où H(τ, β) > 0 pour β < βI(τ) et H(τ, β) > 0 pour β > βI(τ). On étudie ensuite les variations de βI(τ) avec τ et on montre que .
150 On calcule ensuite . Le signe de cette expression dépend du signe de son numérateur qui s’écrit
152 On a ∂H(τ, β)/∂τ = 2(3bγ(1 + 2β) – 4β2)(1 – 2π) donc H croît avec τ sur [0, 1/2] et décroît sur [0, 1/2]. On a H(1/2, β) = 2β2 – 3γb < 0 et H(1/2, β) = – 3γb(1 – 2β)/2. On en déduit que pour β ∈ [0, 0.5]H(τ, β) ≤ 0 et pour β ∈ [0.5, 1]∃τ* ∈ [0, 0.5] tel que pour τ < τ*H(τ, β) ≤ 0 et pour τ < τ* < 1/2H(τ, β) ≥ 0. Par symétrie pour β ∈ [0.5, 1], H(τ, β) ≥ 0 si τ* < τ < 1 – τ* et H(τ, β) ≤ 0 sinon.
153 Les raisonnements sont identiques pour la firme 2.
154 Preuve du corollaire 7. On a montré dans la proposition (6) que, pour tout 0 ≤ τ ≤ 1, . Or 9γb/2 >5, d’où, pour tout 0 ≤ τ ≤ 1, .
155 Preuve de la proposition 8. On étudie le signe de ce qui revient à étudier le signe de (1 – 2β2)m(τ) – 2βτ(1 – π). On étudie donc les applications β → 1 – 2β2/β sur (0, 1) et τ → 2π(1 – π)/m(τ) sur (0, 1). On en déduit la proposition.
Annexe D
156 Preuve de la proposition 9. On étudie les variations des profits dans le cas non coopératif et dans le cas coopératif en utilisant les expressions des profits (6) et (9). On étudie dans un premier temps le cas β ≠ 1. L’intervalle d’étude peut être restreint à compte tenu de la symétrie des profits par rapport à τ = 1/2. En remarquant que 2τ(1 – τ) = 1 – m(τ) et 2m(τ) = (1 – 2τ)2 + 1, on obtient :
158 On a donc, compte tenu des cso,
160 On en déduit que et sont respectivement croissant et décroissant sur (0,1/2). On montre ensuite aisément que pour κ = 0, . On en déduit, pour , que . Ensuite, d’après le théorème des valeurs intermédiaires, pour , il existe un unique τ* tel que, pour , et, pour . Enfin on a, pour . On obtient un résultat similaire pour β = 1 (dans ce cas, est constant). Les valeurs limites et s’écrivent :
162 On montre la proposition en étendant le résultat à par symétrie.
Bibliographie
Références bibliographiques
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- Vonortas N.S. [1997], « Research joint ventures in the us », Research Policy, 26, p. 577-595.
Notes
-
[*]
Université Paris-Sud XI, adis, 54 boulevard Desgranges, 92331 Sceaux cedex. Courriel : matthieu.manant@u-psud.fr.
Je remercie Marc Bourreau pour son aide et ses conseils avisés. Je remercie également David Bounie, Michel Gensollen et Maria Gil-Molto et les deux rapporteurs anonymes de la Revue économique pour leurs commentaires. -
[1]
Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires.
-
[2]
Voir le site www.competitivite.gouv.fr (dossier de presse du ciact).
-
[3]
Une autre motivation à la coopération en R&D est le partage des coûts et des risques de la recherche. L’accès à des compétences complémentaires et le partage des coûts et des risques sont ainsi cités par près d’une entreprise sur deux pour justifier la mise en place d’une relation de coopération en R&D (Dhont-Peltrault et Pfister [2006]).
-
[4]
L’Enquête sur les Relations Inter-Entreprises (erie) renseigne sur l’existence de relations stratégiques entre deux ou plusieurs entreprises, en particulier sur la fonction R&D. Les entreprises étaient invitées à décrire les trois relations qu’elles jugeaient les plus importantes.
-
[5]
On pourra aussi se référer aux travaux de Spence [1984] et de Katz [1986].
-
[6]
La notion de spillovers (littéralement retombées technologiques) est centrale dans la littérature et désigne de façon générale l’ensemble des externalités de recherche dont bénéficie une firme. Dans cette littérature, la présence d’importants (faibles) phénomènes de spillovers est synonyme d’une faible (forte) appropriabilité de la recherche par les entreprises.
-
[7]
Les résultats sont inversés dans le cas de faibles spillovers.
-
[8]
Nous parlerons aussi de compétences.
-
[9]
Concernant le lien entre coopération en R&D et capacité d’absorption, on pourra se référer au modèle de Kamien et Zang [2000]. Les auteurs étudient un duopole dans un jeu à trois étapes où les deux firmes peuvent choisir à la première étape leur approche R&D. Dans ce modèle, une approche R&D spécifique pour chaque firme signifie que les effets de spillovers inter-firmes sont inexistants. Inversement, une approche R&D identique est telle que les firmes ont la capacité de s’approprier et d’assimiler les résultats de la R&D de leur concurrente. Les auteurs introduisent ainsi la notion de capacité d’absorption et montrent que, lorsqu’elles coopèrent, les firmes adoptent une approche identique en R&D et, lorsqu’elles ne coopèrent pas, elles choisissent des approches R&D spécifiques pour limiter les phénomènes de spillovers. Dans le modèle présenté dans cet article, les compétences en R&D sont exogènes et ne peuvent donc pas être choisies par les firmes.
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[10]
On parle de faible dispersion technologique lorsque les firmes ont des compétences en R&D proches dans les technologies considérées. La dispersion technologique est forte si les firmes ont des compétences en R&D très différentes dans chaque technologie. Une définition mathématique adaptée au modèle est donnée dans la suite de l’article.
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[11]
Eurêka est une initiative européenne dont l’objectif est de promouvoir la coopération en R&D entre partenaires européens et d’accroître ainsi leur compétitivité au niveau international. Eurêka encourage la soumission de projets coordonnés entre acteurs innovants d’au moins deux pays différents en offrant une subvention pour des projets ne dépassant pas un montant donné ou en proposant des prêts à des taux d’intérêt avantageux. De 1985 à 2001, Eurêka a de cette façon labellisé 2 300 projets pour près de 18 milliards d’euros de subventions européennes.
Aux États-Unis, le programme atp (Advance Technology Program) a pour objectif de favoriser les partenariats de R&D. atp a financé au total, depuis 1990, près de 200 rjv avec près de 800 partenaires au total (entreprises, université, etc.). -
[12]
La somme des compétences d’une même firme est égale à 1. On assure ainsi la symétrie entre les firmes. Cette hypothèse permet de formaliser les différences de compétences entre les deux firmes. Le cas général, où les deux firmes ont des compétences non symétriques, conduit à des expressions analytiques complexes qui sont peu exploitables. Toutefois, l’analyse qui suit et qui aboutit à l’équation (3) reste valable dans le cas général et met en évidence des effets d’efficacité et d’avantage de coût liés aux compétences des firmes. Ainsi on montre que dans le cas général les investissements en R&D d’une firme dans une technologie sont proportionnels à 2τ1 – βτ2 où τ1 est la compétence de la firme dans cette technologie et τ2 la compétence de sa rivale dans la même technologie. On en déduit les incitations des firmes à investir en R&D. On renvoie également le lecteur à Manant [2007] qui étudie avec une formalisation analogue la sélection d’un partenaire dans un oligopole à trois firmes où la production d’un bien nécessite une seule technologie et où les firmes ont des compétences asymétriques. L’auteur étudie les incitations à investir en R&D dans le cas général et montre, à l’aide de simulations numériques, que pour des faibles spillovers les firmes préfèrent coopérer avec la firme la plus compétence et que pour des spillovers importants les firmes les moins compétentes préfèrent coopérer ensemble.
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[13]
Aj [1988, 1990] et Dasgupta [1986] justifient cette hypothèse en notant que la taille de la firme ne permet pas d’économies d’échelle.
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[14]
La littérature formalise la coopération comme la maximisation des profits joints (d’Aspremont et Jacquemin [1988, 1990], Suzumura [1992], Kamien et al. [1992], Steurs [1995], Kamien et Zang [2000]). Une exception notable est celle de Kamien et al. [1992] qui considèrent deux types de coopération : la maximisation des profits joints et le partage des résultats de R&D en posant β = 1. La définition que nous avons retenue nous permet de concentrer notre attention sur les effets des différences de compétences en R&D et de comparer nos résultats avec la littérature.
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[15]
On suppose que κ est le coût fixe de coopération pour chaque firme lorsque les firmes partagent le coût de la coopération, soit un coût total de 2κ pour les deux firmes.
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[16]
Le surplus des consommateurs (sc) dans un modèle à la Cournot s’écrit :
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[17]
On ne considère pas le cas où les firmes coopèrent au stade de la production. Le scénario où les firmes coopèrent à la fois en R&D et en production n’est en effet en général pas étudié dans la littérature, car il correspond à un type d’entente illégal. Une exception notable est l’article de AJ [1988, 1990] où les auteurs comparent les quantités produites dans ce cas aux cas sans coopération et avec coopération en R&D uniquement et à l’optimum social. Aj montrent que les quantités produites par les firmes dans ce scénario sont moins importantes que dans les autres scénarios et ce, quel que soit le niveau du taux de spillovers. Ce résultat suggère donc bien un impact négatif sur le bien-être social dans ce scénario.
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[18]
Pour les investissements en R&D sont strictement positifs. Pour les investissements en R&D sont nuls et les résultats sont similaires à ceux obtenus dans la suite.
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[19]
On démontre les deux propriétés présentées ici en montrant que les numérateurs des dérivées des investissements en R&D sont croissants ou décroissants suivant les cas. Les valeurs extrêmes de τ ou β permettent alors de conclure sur le signe des numérateurs des dérivées et donc sur le signe de la dérivée elle-même. Sauf mention contraire, on procède de la même façon pour la démonstration des propriétés présentées dans la suite.
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[20]
On a .
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[21]
Ce résultat est valable dans le cas de firmes qui ne sont pas spécialisées, i.e. dont les compétences en R&D sont identiques et moyennes (τ proche de 1/2). C’est donc le cas lorsque les firmes sont technologiquement proches.
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[22]
Pour cela, on étudie les développements limités autour de m(τ) = 1/2 et m(τ) = 1.
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[23]
Cette définition de la coopération est celle retenue dans la littérature (d’Aspremont et Jacquemin [1988], Kamien et al. [1992], Vonortas [1994], Steurs [1995], Kamien et Zang [2000]).
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[24]
Les cso s’écrivent : et .
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[25]
On a .
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[26]
On note que le profit ne dépend plus de τ pour β = 1.
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[27]
∂W*,c /∂β > 0 car et .
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[28]
On se place ici dans le cas où le planificateur social doit choisir entre deux types d’accords de coopération, les firmes ayant déjà choisi de coopérer (décision ex-post du planificateur).
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[29]
On note ainsi les expressions des investissements en R&D de la firme i = 1, 2, et , et les expressions des réductions du coût marginal et .
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[30]
Pour cela, on calcule la différence des profits et on étudie les variations du numérateur par rapport à τ. La valeur du numérateur en τ = 1/2 permet de conclure sur le signe.
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[31]
Les cso s’écrivent 9γb/2 > (2τ – β(1 – τ))2 et 9γb/2 > (2(1 – τ) – βτ)2.
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[32]
On a et .
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[33]
Voir la note 1 (p. 844) pour les conditions d’existence de l’équilibre.
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[34]
Les cso s’écrivent : et .
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[35]
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