Notes
- [*]
-
[1]
Cette hypothèse permet, en particulier, de se concentrer sur un ensemble restraint de cas intéressants comme ceux présentés dans les Propositions 5 et 6.
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[2]
Je remercie un rapporteur anonyme pour avoir soulever ce point.
-
[3]
On suppose que L est suffisamment important pour que les consommateurs soient capable d’acheter la quantité totale produite de bien X au prix d’équilibre.
-
[4]
La condition du second ordre étant (immédiatement) vérifiée, la condition du premier ordre est nécessaire et suffisante.
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[5]
See Barnett, (1980).
-
[6]
On suppose tout au long de l’analyse que le choix des différents paramètres (n, ß et F) permet de garantir des profits positifs à l’équilibre.
-
[7]
Les détails sont donnés dans la preuve de la Proposition 1 et les preuves des différentes Propositions sont données en Annexe.
-
[8]
Cette terminologie est empruntée à Kennedy (1994).
1 – Introduction
1En situation de concurrence imparfaite sur les marchés internationaux, les gouvernements peuvent être incités à utiliser la politique environnementale à des fins stratégiques. Il est ainsi possible que la libéralisation du commerce conduise à des standards environnementaux plus faibles puisque les gouvernements peuvent être tentés de relâcher leurs normes environnementales pour accroître la compétitivité de leurs entreprises vis-à-vis des entreprises concurrentes étrangères (Conrad (1993), Barrett (1994)). C’est ce que l’on appelle parfois le dumping écologique. Cependant comme le précise Kennedy (1994), il est également possible que les distorsions stratégiques opèrent dans une direction opposée. En effet, en réaction à une libéralisation des échanges, certains pays peuvent utiliser les standards environnementaux comme des outils de protectionnisme ou les renforcer pour exporter la production polluante puisque les biens de consommation de cette production peuvent être importés. Un des éléments essentiels pour mesurer l’importance relative de ces deux effets est la caractéristique géographique de la pollution. En effet, les incitations à déplacer la production polluante sont d’autant plus faibles que les émissions polluantes traversent les frontières. Dans tous les cas, le commerce international génère des effets externes entre pays qui ont pour origine, d’une part, la concurrence entre les entreprises nationales sur les marchés mondiaux et, d’autre part, le caractère transfrontalier de la pollution.
2La problématique spécifique qui nous intéresse dans cet article est de comprendre comment l’impact d’une asymétrie en termes de taille de marché des pays participant au commerce international affecte le jeu entre gouvernements en matière de politique environnementale. Le cadre d’analyse que nous développons est le suivant. Le marché mondial est constitué de deux pays de tailles différentes. Les consommateurs de ces deux pays consomment deux biens, un bien numéraire produit par une frange concurrentielle et un second bien produit en situation de concurrence imparfaite. Au sein de chaque pays, la production de ce second bien est effectivement assurée par un monopole. A l’ouverture, les deux monopoles nationaux se font concurrence sur les deux marchés intégrés. Par ailleurs la production de ce second bien est à l’origine d’émissions polluantes qui peuvent être plus ou moins tranfrontalières. Enfin, nous supposons une situation de libre-échange. Autrement dit, les deux pays ne peuvent pas taxer (ou subventionner) les exportations domestiques. Ils peuvent cependant taxer (ou subventionner) la production de leur monopole afin de réduire le dommage environnemental. Ainsi, chaque gouvernement dispose d’un seul instrument pour corriger deux distorsions. La première a pour origine la concurrence imparfaite sur le marché du second bien et se traduit par une production totale trop faible relativement au niveau optimal. La seconde distorsion est liée au caractère polluant de la production. Les producteurs n’internalisent pas les dommages environnementaux et donc produisent trop par rapport au niveau optimal. Ces deux effets s’opposent et sont indépendants de l’ouverture au commerce international des deux pays.
3Dans un premier temps, nous déterminons la taxe optimale de second rang sur la production du bien polluant et qui est solution du programme de maximisation de la somme des bien-êtres des deux pays. Nous étudions ensuite le jeu de concurrence en taxes entre les deux gouvernements. La libéralisation des échanges entraîne deux effets stratégiques et qui varient en fonction de l’importance des effets externes de pollution et de l’asymétrie de taille des deux pays. Le premier est un effet déplacement de la pollution qui tend à augmenter les taux de taxes dans le but d’exporter la production polluante vers l’autre pays. Le second est un effet capture de rente qui tend à réduire les taux de taxes dans le but d’accroître les exportations et de capter une part plus importante de la rente d’oligopole sur les consommateurs étrangers. Les taux de taxes à l’équilibre non-coopératif résultent de ces deux effets stratégiques opposés et peuvent être positifs ou négatifs. Cependant, les deux pays étant de tailles différentes, il y a une asymétrie fondamentale entre les fonctions de meilleures réponses des deux pays ce qui se traduit par des taux de taxe différents à l’équilibre non-coopératif. Nous montrons en effet, qu’à cet équilibre, le taux de taxe sur la production polluante du grand pays est plus faible que celui du petit pays. Il en résulte que les productions des deux monopoles nationaux correspondent aux tailles de leurs marchés respectifs. De plus, l’écart entre les deux de taxes est d’autant plus grand que les deux pays sont de tailles différentes et que les externalités de pollution sont importantes. Le petit pays, étant naturellement exportateur net, a une plus faible incitation à diminuer son taux de taxe pour augmenter ses exportations. Cet avantage structurel du petit pays est d’autant plus prononcé que l’asymétrie de taille est forte et que l’effet déplacement de pollution - en raison d’importants effets externes de pollution - est faible.
4Nous étudions ensuite deux types de coordination des politiques environnementales. Dans un premier temps, on considère que les deux pays acceptent de participer à un accord commun avec la création d’une instance supranationale chargée de mettre en place la politique environnementale commune. On suppose que celle-ci a pour objectif de maximiser la somme des bien-êtres agrégés des deux pays et choisit donc le taux optimal de second rang. On montre alors que ce type de coordination augmente toujours le bien-être du petit pays mais peut entraîner une baisse de celui du grand pays par rapport à l’équilibre non-coopératif lorsque les effets externes de pollution sont relativement faibles. Deux types de mécanismes complémentaires sont à l’origine de ce résultat. Premièrement, les taux de taxes des deux pays à l’équilibre non-coopératif sont en général plus faibles que le taux optimal de second rang mais celui du grand pays l’est encore plus que celui du petit pays. En conséquence, l’application du taux de taxe optimal de second rang implique un ajustement fiscal plus important pour le grand pays que pour le petit pays. Deuxièmement, un taux de taxe unique pour la production du bien polluant implique que les deux monopoles nationaux se partagent de façon égale le marché intégré. Ainsi, par rapport à l’équilibre non-coopératif, le grand pays devient importateur net et le petit pays exportateur net ce qui permet au monopole du petit pays d’exploiter une partie de la rente d’oligopole sur les consommateurs étrangers.
5La seconde forme de coordination des politiques environnementales que nous étudions est la mise en place d’un taux de taxe minimum sur la production du bien polluant. Plus précisément, nous supposons que l’accord international stipule qu’il soit interdit de subventionner la production domestique. Nous montrons alors qu’à l’équilibre de Nash contraint, les deux pays choisissent un taux de taxe égal à 0 dès lors que les externalités de pollution sont relativement importantes. De plus comme dans le cas de la création d’une instance supranationale, le grand pays peut se retrouver avec un niveau de bien-être inférieur à l’équilibre de Nash non contraint. Ce résultat a pour origine le fait que le taux minimum est contraignant pour les deux pays ce qui implique un taux unique pour les deux pays. Cependant, un taux minimum égal à 0 implique un ajustement fiscal moins important pour le grand pays relativement à la mise en place d’un taux optimal positif.
6En général et à la suite de Barrett (1994), les travaux consacrés aux aspects stratégiques de la politique environnementale supposent que les producteurs se font concurrence sur des marchés tiers. Cela permet de simplifier considérablement l’analyse dans la mesure où le bien-être national, que chaque gouvernement cherche à maximiser lorsqu’il définit sa politique environnementale, se résume au profit du producteur et aux taxes collectées. Dans ce cadre, la politique environnementale de chaque pays prend en compte uniquement le dommage environnemental et la compétitivité, en termes de coûts de production, des entreprises domestiques. Dans notre analyse, nous supposons de façon plus réaliste que les entreprises se font concurrence sur les marchés nationaux. Les gouvernements prennent donc également en compte le surplus du consommateur ce qui les incitent a vouloir corriger, en plus des distorsions mentionnées plus haut, la défaillance de marché ayant pour origine une situation de duopole sur le marché mondial. Kennedy (1994) ou encore Tanguay (2001) analysent également la politique environnementale stratégique dans un monde à deux pays se faisant concurrence sur les marchés domestiques. Cependant, dans ces travaux, les pays sont parfaitement symétriques. Nous supposons au contraire que les deux pays ont des tailles de marchés différentes. Duval et Hamilton (2002) analysent la politique environnementale stratégique dans un modèle à deux pays avec une asymétrie des effets transfrontaliers de la pollution et du nombre d’entreprises (en situation d’oligopole) localisées dans chaque pays, mais ils n’étudient pas la coordination des politiques environnementales.
Plusieurs articles étudient le problème de coordination des politiques fiscales lorsque les pays sont de taille asymétrique. Keen (1987, 1989), en particulier, montre que dans le cas de la taxation indirecte et en situation de libre-échange, les taux de taxes à l’équilibre sont trop faibles et qu’une réforme multilatérale impliquant une hausse (marginale) proportionnelle et généralisée des taux de taxe est Pareto-améliorante. Toujours en ce qui concerne la taxation des biens, Kanbur et Keen (1993) en équilibre partiel montrent qu’une harmonisation peut entraîner une baisse de recettes fiscales pour le petit pays par rapport à l’équilibre non-coopératif. Dans un cadre de concurrence fiscale pour attirer le capital étranger et en équilibre général, Bucovetsky (1991) et Wilson (1991) montrent que les petits pays sont avantagés par rapport aux grand pays dans le sens où ils peuvent obtenir un niveau de bien-être plus élevé à l’équilibre de Nash qu’à l’optimum centralisé dès lors qu’ils sont suffisamment petits. Dans notre cadre d’analyse sur la coordination des politiques environnementales, nous obtenons un résultat contraire puisque c’est le grand pays qui peut se retrouver avec un niveau de bien-être plus faible à l’optimum centralisé.
La littérature sur la coordination des politiques fiscales étudie également la mise en place d’un taux de taxe minimum. Par exemple, Kanbur et Keen (1993) montrent qu’un tel mécanisme de coordination et d’harmonisation de taxation des biens est Pareto-améliorant. D’autres analyses en équilibre général montrent au contraire qu’un taux de taxe minimum sur les biens (voir, par exemple, Haufler (1996)) ou sur le capital (voir, par exemple, Edwards and Keen (1996), Grazzini et Van Ypersele (2003)) peut avoir des effets ambigus. Nous obtenons également un résulat ambigu et qui confirme le résultat précédent selon lequel le grand pays peut obtenir un niveau de bien-être inférieur dans le cas coordonné par rapport à celui qu’il peut obtenir à l’équilibre de Nash.
La suite de cet article est organisée de la façon suivante. Dans la section 2, nous présentons le modèle de base. Dans la section 3, nous déterminons l’optimum de second rang. L’équilibre de Nash du jeu de concurrence en taxes entre les deux gouvernements est présenté dans la section 4. Dans la section 5, nous analysons la coordination des politiques environnementales, par le biais de la création d’une instance supranationale et par celui la mise en place d’un taux de taxe minimum. Enfin nous concluons dans la section 6.
2 – Le modèle
2.1 – Les consommateurs
7Considérons une économie composée de deux pays A et B. Chaque pays est représenté par un continuum d’individus identiques qui consomment deux biens X et Y. Chaque individu dans chaque pays est doté de L unités de travail. Le travail est le seul facteur de production et il est parfaitement homogène. La fonction de production de bien Y est donnée par Y = Ly où Ly est la quantité de travail allouée à la production du bien Y. Y ou L est le numéraire. (Si le prix du bien Y est normalisé à 1 alors le prix du bien L, c’est-à-dire le salaire, est nécessairement aussi égal à 1). La production de bien Y ne génère aucune pollution. Le bien X est produit en situation de concurrence imparfaite et génère de la pollution. Nous reviendrons sur la fonction de production, la structure de marché et le dommage environnemental associé à la production du bien X dans la section suivante. A la suite de Horstmann and Markusen (1992), les consommateurs de chaque pays ont la même fonction d’utilité quadratique suivante
8où x et y sont les niveaux de consommation par tête de biens X et Y respectivement. On suppose que la masse de consommateurs dans le pays B est normalisée à 1 tandis que celle du pays A est égale à n ? 1. On impose également une limite au degré d’asymétrie entre les deux pays, i.e., [1]
9H1: 1 ? n ? 3.
10Dans chaque pays, les revenus de la taxation sont distribués de façon égalitaire et forfaitaire entre tous les consommateurs. En notant Ti le revenu fiscal par tête dans le pays i, la contrainte budgétaire de chaque consommateur est donnée par
11où pi est le prix de consommation du bien X dans le pays i en termes du numéraire. En maximisant (1) sous la contrainte (2), on obtient la fonction de demande inverse du bien X du consommateur représentatif du pays i, , à savoir
12La fontion d’utilité étant quasi-linéaire, la demande de bien X dépend uniquement du prix relatif de ce bien. Les fonctions de demande (inverse) globale dans les pays A et B sont donc données par
13où Xi représente la consommation agrégée du bien X dans le pays i, .
2.2 – Les entreprises et le dommage environnemental
14Dans chaque pays la production du bien X est assurée par une entreprise en situation de monopole. Cette hypothèse de structure de marché monopolistique est souvent adoptée dans la littérature sur les intéractions stratégiques entre gouvernements dans la mesure où elle permet de faire abstraction des intéractions stratégiques au niveau des entreprises (voir, par exemple, Markusen et al., 1995, ou Rausher 1995). De plus, cette situation de monopole peut être le résultat d’équilibre d’une structure de marché dans laquelle les coûts fixes d’entrée sont suffisamment importants pour que l’entrée d’un second concurrent (entraînant alors une situation de duopole) ne soit pas profitable.
15Chaque monopole produit le bien X avec un coût - en termes d’unités de travail - marginal constant m et un coût fixe noté F. De plus, la production du monopole localisé dans le pays i, notée Xi pour , entraîne des émissions polluantes et transfrontalières. On suppose que chaque unité de production du bien X entraîne une unité d’émission polluante qui affecte négativement les consommateurs des deux pays. Plus précisément, on suppose que le dommage environnemental dans le pays i, , est de la forme
16où ß ? 0 est un paramètre qui mesure l’importance des effets externes des émissions de pollution d’un pays donné. Lorsque ß = 0, la pollution est purement locale et lorsque ß = 1 la pollution est parfaitement transfrontalière - il s’agit alors d’un mal public pur. Il est important de préciser qu’une valeur de ß plus élevée signifie non seulement que les effets externes sont plus importants mais également que la production de bien X est plus polluante. [2]
17Les deux pays constituent un marché commun et les deux monopoles nationaux sont donc en situation de duopole sur ce marché. Dans cette économie intégrée, la loi du prix unique s’impose pour le bien X et la demande agrégée est
18A l’équilibre, la demande totale est égale à l’offre totale, i.e., où XA et XB représentent la production des monopoles des pays A et B respectivement.
19On considère enfin que le gouvernement de chaque pays, dans le but de réduire les émissions polluantes, a la possibilité de mettre en place une taxe sur la production de bien X du monopole localisé sur son territoire. Cette décision précède celle du monopole et on note ti la taxe par unité produite de bien X dans le pays i, . La fonction de profit du monopole localisé dans le pays i, , est donc
20En dérivant cette fonction de profit par rapport à Xi, , et en annulant cette dérivée on obtient les fonctions de meilleures réponses des deux monopoles nationaux, i.e.,
21où ? = ? – m.
22A l’équilibre de Nash, les quantités totales produites par les deux monopoles nationaux pour le marché intégré sont données par [3]
23La production de chaque monopole, à l’équilibre de Nash, est décroissante par rapport au taux de taxe du gouvernement domestique et elle croissante par rapport au taux de taxe étranger. En effet, plus le concurrent étranger est taxé, plus l’entreprise domestique bénéficie d’un avantage en termes de coûts de production. La consommation individuelle du bien X dans chaque pays est donc donnée par
24Les équations (6), (9) et (10) caractérisent complètement le résultat du jeux de concurrence entre les deux monopoles nationaux. Nous pouvons donc passer à l’étude de la politique environnementale.
3 – Taxe optimale
25L’objectif de cette section est de déterminer la taxe optimale permettant de maximiser la somme des bien-êtres des deux pays. Le bien-être agrégé du pays i, pour i = {A, B}, est donné par la somme des surplus du consommateur - obtenu en substituant (2) et (3) dans (1) - et de celui du producteur diminué du dommage environnemental. On a
26où ? est une variable binaire prenant la valeur n pour le pays A et la valeur 1 pour le pays B. Le taux de taxe optimal est donné par la maximisation de W = WA + WB. Il est important de préciser que la taxe optimale que nous nous proposons de déterminer ne correspond pas à l’optimum de premier rang. En effet, l’économie que nous étudions est caractérisée par deux défaillances de marché que sont la pollution d’une part et la situation de concurrence imparfaite d’autre part. La solution de premier rang nécessiterait de pouvoir disposer de deux instruments: une taxe sur les émissions polluantes et une subvention pour corriger la sous-production de bien X en raison de la nature oligopolistique du marché de ce bien.
27De plus, comme les deux pays forment un marché commun et que le dommage environnemental est linéaire par rapport à la production de bien X, il existe un seul niveau de taxe (linéaire) optimal de second rang solution de ce problème. On peut donc poser tA = tB ce qui implique xA = xB = x, XA = XB = X et ?A = ?B. En notant le profit brut (i.e. avant taxes) de chaque monopole, la somme des bien-êtres des deux pays est donnée par
28En notant t le taux de taxe, la consommation par tête de bien X est donné par , et le profit brut de chaque monopole est donné par .
29En dérivant W par rapport à t et en annulant cette dérivée, on obtient le taux de taxe optimal de second rand suivant [4]
30Ce taux de taxe est une fonction croissante du paramètre ß mesurant les effets externes de la pollution induite par la production de bien X. Le marché du bien X est caractérisé - par rapport à l’optimum - à la fois par une surproduction étant donné l’externalité négative de production et par une sous-production étant donné la nature oligopolistique de ce marché. En conséquence, ce taux de taxe est inférieur à la taxe Pigouvienne et peut être en principe positif ou négatif. [5]
31L’hypothèse suivante permet de garantir des niveaux de production et de consommation de bien X positifs ainsi qu’un taux de taxe optimal positif.
32H2: (1 + ß) ? ? ? 3 (1+ß).
Dans la suite de l’énoncé, pour faciliter la présentation des résultats, nous posons ? = 2. A l’optimum centralisé, la consommation par tête de bien X dans chaque pays est donc donnée par xA = xB = x = 1–ß et le prix d’équilibre est p = 1+ß. L’offre agrégée est égale à la demande agrégée (n + 1) x et les deux monopoles nationaux se partagent le marché commun de façon égale. Chaque monopole produit donc (n + 1) (1 – ß) /2. On en déduit le profit brut (avant taxes) ainsi que le profit net (après taxes) ? = (n + 1) (1 – ß)2 /4 – F. [6] La production de bien X étant identique entre les deux pays, on suppose que les recettes fiscales sont redistribuées de façon égale entre les deux pays. En posant ? = n (? = 1), en substituant les différentes expressions ci-dessus dans (11), on obtient le bien-être agrégé du pays A (pays B) à l’optimum centralisé, i.e.,
33On observe que le pays A a un niveau de bien-être agrégé plus élevé que celui du pays B.
4 – Le jeu non-coopératif entre gouvernements
34Dans cette section, nous supposons que chaque gouvernement choisit le taux de taxe permettant de maximiser le bien-être de son propre pays indépendamment du choix de l’autre gouvernement. En un mot, il s’agit de caractériser l’équilibre de Nash du jeu de concurrence en taxes entre les deux gouvernements. Il est important de rappeler que cette étape précède celle du jeu de concurrence en quantités entre les deux monopoles nationaux. Les gouvernements jouent donc le rôle de leader (à la Stackelberg) et les entreprises celui de follower. Nous déterminons l’équilibre de Nash en sous-jeu parfait.
En subsituant (7), (9) et (10) dans la fonction de bien-être du pays i donnée par l’expression (11) et en dérivant celle-ci par rapport à ti et enfin en annulant cette dérivée pour i = A, B, on obtient les fonctions de meilleure réponse des deux gouvernements [7]
35Ces fonctions de réaction sont le résultat de deux effets stratégiques opposés: un effet de capture de rente et un effet de déplacement de pollution. [8] En raison du libre-échange entre les deux pays, une modification unilatérale du taux de taxe dans un pays a un effet plus important sur la production domestique que sur la consommation domestique. Chaque pays est donc incité à baisser son taux de taxe afin d’augmenter les exportations et de capter une part plus importante de la rente sur les consommateurs étrangers. L’autre effet stratégique est celui selon lequel chaque pays est incité à augmenter son taux de taxe de façon à déplacer la production du bien polluant vers le pays étranger ce qui permet de diminuer le dommage environnemental domestique avec un faible impact sur la consommation domestique en raison de l’ouverture des frontières. L’importance relative de ce second effet dépend du caratère plus ou moins transfrontalier de la pollution.
36En résolvant ce système de fonction de réactions, nous obtenons la Proposition suivante.
37Proposition 1: Il existe un unique équilibre de Nash du jeu de concurrence en taxes entre les deux gouvernements. A cet équilibre, les taux de taxe sont
38On note que, contrairement au taux de taxe optimal, les taux de taxes à l’équilibre de Nash sont des fonctions décroissantes du paramètre ß mesurant les effets externes de la pollution. En effet, à mesure que les externalités augmentent, les incitations de chaque gouvernement à taxer la production domestique, pour la déplacer à l’étranger, diminuent. Par conséquent, plus les externalités de pollution sont importantes, plus les gouvernements des deux pays sont incités à diminuer leurs taux de taxe pour donner un avantage en termes de coûts de production à leurs monopoles respectifs. Il existe donc pour chaque pays, une valeur limite du paramètre ß au-dessus de laquelle, il choisit un taux de taxe négatif. A partir de (16), ces valeurs limites sont données par pour le pays A et pour le pays B. Ainsi, les taux de taxe sont négatifs dans les deux pays si , positifs si . Lorsque , le grand pays choisit un taux négatif et le petit pays un taux positif. On peut finalement observer que le taux de taxe du petit pays est toujours positif (et en particulier même lorsque la pollution est parfaitement transfrontalière) dès lors que n ? 2.
En notant ? ? tNB ? tNA, la différence entre les taux de taxe à l’équilibre de Nash, nous avons
39Nous avons donc la Proposition suivante.
40Proposition 2: A l’équilibre de Nash du jeu de concurrence en taxes entre les deux gouvernements, le grand pays choisit un taux de taxe plus faible que le petit pays et l’écart entre les deux taux de taxe est croissant avec ß mesurant le caractère transfrontalier de la pollution et avec n mesurant l’asymétrie de taille entre les deux pays.
41L’explication de ce résultat est double. Premièrement, il est important de rappeler que chaque gourvernement ne dispose que d’un seul intrument pour corriger deux distorsions sur le marché du bien X. L’une a pour origine les émissions polluantes et entraîne une surproduction et l’autre a pour orgine la situation de concurrence imparfaite en entraîne une sous-production. Cette seconde distorsion a néanmoins un impact plus important sur le bien-être du grand pays que sur celui du petit pays car le poids relatif du surplus du consommateur - relativement au poids du surplus du producteur et de celui du dommage environnemental - est plus élevé dans la fonction de bien-être agrégé du grand pays. Le gouvernement de ce pays choisit donc un taux de taxe plus faible que celui choisit par son partenaire pour corriger la sous-production de bien X dans l’économie domestique (voir aussi Calmette, 2008).
42Le deuxième élément permettant d’expliquer pourquoi le grand pays choisit un taux de taxe plus faible est liée à l’ouverture des deux économies. En effet, les deux monopoles domestiques se font concurrence sur un marché commun et sans intervention gouvernementale, les deux entreprises se partageraient la production totale. Le pays A étant le plus peuplé, ce pays serait importateur net et le petit pays serait exportateur net. Ce dernier est donc structurellement avantagé pour exploiter l’effet de capture de rente. Un pays exportateur a en effet intérêt à taxer plus fortement la production domestique que le pays importateur car la taxe se répercute en partie sur les coûts mais aussi sur les prix ce qui affecte plus que proportionnellement le grand pays, les consommateurs y étant plus nombreux. A l’équilibre de Nash du jeu de concurrence en taxes entre gouvernement, le taux de taxe du grand pays est donc plus faible que celui du petit pays et les niveaux de production des deux monopoles nationaux correspondent aux tailles de leurs marchés respectifs (voir ci-dessous). Par ailleurs, plus l’asymétrie de taille entre les deux pays est importante, plus le petit pays est incité à exploiter l’effet capture de rente i.e. à taxer les consommateurs étrangers. La meilleure réponse du grand pays consiste alors à diminuer encore plus son taux de taxe et en conséquence l’écart entre les deux taux devient plus important. Cet effet est enfin exacerbé par les effets externes de pollution car plus ceux-ci sont importants, moins l’effet déplacement de pollution joue un rôle dans la détermination des taux de taxe à l’équilibre non-coopératif.
43On peut également comparer les taux de taxe à l’équilibre de Nash par rapport au taux de taxe optimal de second rang. On peut facilement vérifier que celui du grand pays est toujours plus faible que le taux optimal. Par contre, en ce qui concerne le petit pays, le taux de taxe qu’il choisit à l’équilibre non-coopératif est également plus faible que le niveau optimal de second rang seulement si les externalités de pollution ne sont pas trop faibles, i.e. si ß ? (n – 1) /(4n + 5). Dans le cas contraire, l’effet déplacement de la pollution domine l’effet capture de rente ce qui conduit le petit pays à choisir un taux de taxe plus élevé que le niveau optimal.
44Dans tous les cas, l’équilibre de Nash est innefficace comme le précise la Proposition suivante.
45Proposition 3: Une réforme multilatérale d’une ampleur “marginale” {dtA > 0, dtB > 0}, à partir de l’équilibre non-coopératif, est strictement Pareto-améliorante.
46A l’équilibre non-coopératif, lorsque chaque pays choisit son taux de taxe indépendamment de l’autre, il ne prend pas en compte le bénéfice marginal, en termes de dommage environnemental pour l’autre pays, d’une hausse marginale de son propre taux de taxe. Les taux de taxe sont trop faibles et en conséquence une réforme multilatérale qui imposerait à chaque pays une hausse marginale et proportionnelle de son taxe est mutuellement profitable.
Pour conclure cette section, nous déterminons le bien-être agrégé de chaque pays à l’équilibre de Nash. En utilisant la Proposition 1 et l’équation (10), on peut en déduire la consommation individuelle de bien X dans les deux pays, i.e., x = (2 + ß) /2. On peut en déduire le prix d’équilibre à l’aide de l’équation (3), i.e. p = (2 – ß) /2. De plus, à l’équilibre, la demande agrégée est égale à l’offre agrégée donnée par (n + 1) [(2 + ß) /2]. Le monopole du pays A produit une part n/(n + 1) de cette production totale et le monopole du pays B la part complémentaire, i.e., 1/(n + 1). En effet, en substituant (16) dans (10) on obtient XA = nXB = n (2 + ß) /2. On en déduit, à l’aide de l’équation (7), le profit de chaque monopole avant taxes, i.e., et . En utilisant (16), on peut aussi obtenir le profit après taxes, i.e., ?A = [n(2 + ß)]2 / [4 (n + 1)] – F et ?B= (2 + ß)2/ [4 (n + 1)] – F. En substituant ces différentes expressions dans la fonction de bien-être de chaque pays donnée par (11), et en posant ? = n (? = 1) pour le pays A (pays B), on obtient.
47Le pays A, à l’équilibre de Nash, a un niveau de bien-être agrégé plus élevé que celui du pays B en raison de sa taille de marché plus importante.
5 – Coordination des politiques environnementales
5.1 – Instance supranationale
48Supposons que les deux pays acceptent de déléguer leurs politiques environnementales à une autorité supranationale. Dans ce cas, celle-ci choisit un taux de taxe par unité de production du bien polluant de façon à maximiser la somme des bien-êtres agrégés des deux pays. Notons , pour i = {A, B}, le surplus de bien-être, par rapport à l’équilibre non-coopératif, pour chaque pays lorsque la politique environnementale est décidée par une instance supranationale. En utilisant (14) et (18), nous obtenons
49Nous observons que SB (n, ß) est toujours positif. Cependant, SA (n, ß) est de signe ambigu. Nous avons donc la Proposition suivante.
50Proposition 4: La création d’une instance supranationale choisissant la polititique environnementale optimale (de second rang) augmente le bien-être du petit pays mais peut entraîner une baisse de celui du grand pays, par rapport à l’équilibre non-coopératif.
51En particulier, le grand pays peut obtenir un niveau de bien-être plus élevé à l’équilibre non-coopératif qu’à l’optimum centralisé si . Par exemple, lorsque les deux pays sont très asymétriques en termes de tailles de marché - donc lorsque n = 3 compte tenu de l’hypothèse H1 - le grand pays préfère rester en dehors de l’accord commun sauf si la pollution est presque parfaitement transfrontalière, i.e. si ß ? 16/17.
52En général, lorsque les pays sont de taille asymétrique, la mise en place d’une politique commune ne conduit pas toujours à une amélioration de bien-être pour chaque pays par rapport à l’équilibre du jeu non-coopératif entre ces mêmes pays. Par exemple, Kanbur et Keen (1993) dans un modèle de concurrence fiscale, sur la taxation des biens, entre deux pays de tailles différentes et en équilibre partiel, montrent qu’une harmonisation fiscale réduit le bien-être du petit pays de façon certaine si le taux de taxe commun est dans l’intervalle délimité par les deux taux taxes de l’équilibre du jeu non-coopératif. Bucovetsky (1991) et Wilson (1991), dans un modèle en équilibre général où les régions se font concurrence pour attirer le capital étranger, montrent également qu’il existe des conditions sous lesquelles les régions les moins peuplées ont un niveau de bien-être supérieur à l’équilibre non-coopératif. Enfin, Casella (1992) montre qu’un petit pays accepte de participer à une union monétaire uniquement s’il peut obtenir un poids relatif plus que proportionnel à sa taille relative dans la fonction objectif de l’autorité monétaire supranationale. Nous obtenons également qu’une politique commune décidée par une instance supranationale peut affecter négativement l’un des partenaires par rapport à l’équilibre non-coopératif. Il ne s’agit cependant pas du petit pays mais du grand pays.
Nous avons montré que les taux de taxe à l’équilibre non-coopératif sont généralement plus faibles que le taux optimal de second rang. Pour le grand pays, l’effet capture de rente et l’effet déplacement de pollution vont dans le même sens et incitent le gouvernement de ce pays à choisir un taux de taxe le plus faible possible. Pour le petit pays, ces deux effets s’opposent et, en conséquence, son gouvernement peut choisir un taux plus élevé que le niveau optimal si les effets externes de pollution sont relativement trop faibles par rapport à la possibilité de taxer les consommateurs étrangers. En général, cependant, le petit pays choisit également un taux de taxe plus faible que le taux optimal mais qui est néanmoins plus élévé que celui choisit par le grand pays. La mise en place du taux optimal de second rang implique donc un ajustement (fiscal) plus important pour le grand pays que pour le petit pays de telle sorte que les coûts de coordination affectent de façon disproportionnée le grand pays. Par ailleurs, la mise en place d’un taux de taxe unique implique que les deux monopoles nationaux se partage de façon égale le marché commun. Par rapport à l’équilibre non-coopératif, le grand pays devient importateur net et le petit pays exportateur net. Ce dernier peut donc extraire une partie de la rente d’oligopole sur les consommateurs étrangers au détriment du monopole localisé dans le grand pays. En conséquence, le grand pays accepte que la politique environnementale soit décidée par une instance supranationale uniquement si les bénéfices de l’internalisation des externalités sont suffisamment importants.
5.2 – Un taux de taxe minimum
53Une autre forme de coordination et d’harmonisation des politiques environnementales pourrait consister en l’imposition d’un taux de taxe minimum. Ce mécanisme a déjà été utilisé en Europe pour harmoniser les systèmes de taxation indirecte des pays membres de l’Union Européenne (Commission of the European Communities, 1996). La mise en place d’un taux de taxe minimum est également une piste envisagée pour imposer un minimum de coordination des politiques fiscales sur les revenus de certains types de capitaux (Commission of the European Communities, 2001). On peut donc se demander si un tel mécanisme de coordination en matière de politiques environnementales est susceptible de receuillir l’adhésion des deux pays.
54Notons µ le taux de taxe minimum sur la production du bien X qui s’impose aux deux pays. On suppose que les externalités de pollution ne sont pas trop faibles, i.e., . Autrement dit, à l’équilibre non-coopératif, le petit pays choisit un taux positif et le grand pays un taux négatif (si ) ou les deux pays choisissent un taux de taxe négatif (si ). Enfin, dans la mesure où à l’équilibre de Nash non contraint le taux de taxe du grand pays est plus faible que le taux optimal tandis que celui du petit pays peut être inférieur ou supérieur au taux optimal, on s’intéresse aux cas où le taux de taxe minimum n’est pas inférieur à celui choisit par le grand pays à l’équilibre de Nash non contraint. Autrement dit, le taux minimum est soit inclus dans l’intervalle délimité par les deux taux de taxe à l’équilibre de Nash non contraint, soit il est supérieur à ces deux taux.
55Il est important de rappeler que les fonctions de meilleures réponses dans le cas non contraint sont décroissantes. Par conséquent, tNA < µ < tNB implique tB (µ) < tB (tNA) = tNB et bien que tNB puisse satisfaire la contrainte de taux minimum, tB (µ) pourrait au contraire ne pas la vérifier. Dans ce cas, le petit pays au même titre que le grand pays doit changer sa politique environnementale suite à la mise en place d’un taux de taxe minimum. On suppose dans la suite de l’analyse qu’il est interdit de subventionner la production domestique, i.e., µ = 0. On obtient alors la Proposition suivante.
56Proposition 5: Lorsque les externalités de pollution sont relativement importantes, i.e. lorsque , la mise en place d’un taux de taxe minimum µ = 0 est contraignante pour les deux pays. A l’équilibre non-coopératif contraint les deux pays choisissent en effet un taux de taxe nul, i.e., tC NA = tC NB = 0.
57Il est facile de vérifier que . Rappelons que , pour i = {A, B}, est la valeur limite du paramètre d’externalité au-dessus de laquelle le pays i choisit un taux de taxe négatif à l’équilibre de Nash non contraint. Ainsi, dans le cas particulier où , le grand pays choisit un taux de taxe plus élevé qu’à l’équilibre non-coopératif non contraint - i.e. un taux de taxe nul au lieu d’un taux négatif - alors que le petit pays choisit un taux de taxe plus faible - i.e., un taux de taxe nul au lieu d’un taux positif. En effet, les taux de taxes des deux pays étant des substituts stratégiques, la meilleure réponse du petit pays à un taux de taxe nul du grand pays devient négatif, ce qui viole la contrainte. Le petit pays choisit donc également un taux de taxe nul. Lorsque , les deux pays souhaiteraient mettre en place un taux de taxe négatif à l’équilibre non-coopératif non contraint et donc le taux minimum s’impose, à nouveau dans ce cas, aux deux pays.
On peut alors facilement déterminer les niveaux de consommation, la production et le profit de chaque monopole. En utilisant (7), (9) et (10), on a xA = xB = 4/3, XA = XB = [2 (n + 1)] /3 et . Le bien-être agrégé de chaque pays est donné par (11) en posant pour i = A, B (car tC NA = tC NB = 0 ) et ? = n pour le pays A et ? = 1 pour le pays B. On a
58Il nous reste à déterminer si ces niveaux de bien-être sont supérieurs à ceux de l’équilibre de Nash non contraint. Notons SCi (n, ß) ? WC Ni – WNi, pour i = {A, B}, la différence de bien-être pour le pays i entre les deux équilibres non-coopératifs. Nous obtenons
59Nous pouvons établir la Proposition suivante.
60Proposition 6: Lorsque les externalités de pollution sont relativement importantes, i.e. lorsque , la mise en place d’un taux de taxe minimum µ = 0 augmente le bien-être du petit pays mais peut entraîner une baisse de celui du grand pays, par rapport à l’équilibre non-coopératif non contraint.
61Kanbur et Keen (1993) après avoir montré qu’une harmonisation fiscale peut réduire le bien-être du grand pays montrent au contraire qu’un taux de taxe minimum, inclus dans l’intervalle délimité par les deux taux de taxe de l’équilibre de Nash non contraint, est Pareto-améliorant. Nous montrons ici que le grand pays peut s’opposer à un accord sur un taux de taxe minimum tout comme il peut s’opposer à la création d’une instance supranationale chargée de définir la politique environnementale commune même si un taux minimum égal à 0 implique un ajustement fiscal pour le grand pays plus faible que le taux optimal de second rang qui est positif. Le fait que, lorsque les externalités sont importantes, le taux de taxe minimum soit contraignant non seulement pour le grand pays mais également pour le petit pays est paradoxalement un des éléments explicatifs de notre résultat. En effet, le taux de taxe à l’équilibre de Nash contraint étant le même dans les deux pays, les deux monopoles nationaux se partagent de façon égale le marché commun alors qu’à l’équilibre de Nash non contraint chaque entreprise a une part de marché proportionnelle à la taille du pays dans lequel elle est localisée. Ainsi, avec un taux minimum, on a un transfert d’une partie de la rente d’oligopole au profit du petit pays.
62Cependant, la condition sur le paramètre d’externalité est renversée. Ainsi, lorsque les externalités de production sont importantes, il est plus probable qu’une interdiction de subventionner la production polluante ne soit pas Pareto-améliorante mais qu’au contraire, la création d’une instance supranationale maximisant le bien-être des deux pays, le soit. En effet, dans ce dernier cas, les bénéfices relatifs de la coordination des politiques environnementales sont d’autant plus importants que les externalités sont importantes. Dans le cas de la mise en place d’un taux minimum, les deux pays choisissent leurs taux de taxe non-coopérativement. Plus les externalités sont importantes, plus le taux de taxe préféré par chaque pays est faible et plus il est probable que le petit pays bute sur la contrainte du taux minimum ce qui implique un taux unique pour les deux pays et donc un partage égal du marché intégré au bénéfice du monopole du petit pays.
6 – Conclusion
63Dans cet article, nous avons étudié les aspects stratégiques de la politique environnementale dans un monde à deux pays de taille asymétrique et en situation de libre-échange. La nature stratégique de la politique environnementale de chaque pays a pour origine d’une part la situation de concurrence imparfaite entre les deux monopoles nationaux sur le marché intégré et, d’autre part, le caractère transfrontalier de la production polluante des deux monopoles. Chaque pays a la possibilité de taxer (ou de subventionner) la production du monopole localisé sur son territoire. Nous montrons alors qu’à l’équilibre de Nash entre les deux gouvernements, les taux de taxe sont trop faibles par rapport à l’optimum de second rang et que le petit pays choisit un taux de taxe plus élevé que le grand pays. Nous étudions ensuite deux types de coordination des politiques environnementales. La première consiste en la création d’une instance supranationale maximisant la somme des bien-êtres des deux pays et la seconde en la mise en place d’un taux de taxe minimum. Dans les deux cas, nous montrons que le grand pays peut s’opposer à l’accord international car il peut se retrouver avec un niveau de bien-être inférieur à celui qu’il obtient dans le cas non coordonné. En effet, un accord international implique un ajustement fiscal plus important pour le grand pays. Par ailleurs, une harmonisation des politiques environnementales avec un taux de taxe unique est plus coûteux pour un grand pays que pour un petit pays car en situation de libre-échange cela entraîne un partage égal du marché commun avec donc une part de marché plus importante pour le monopole du petit pays relativement à la taille du marché domestique dans lequel il est localisé.
64Le mérite de notre analyse est de montrer que dans le cadre d’un modèle très simple sur la politique environnementale stratégique, un grand pays peut s’opposer à un accord international permettant d’éliminer ou de limiter le dumping écologique. Néanmoins notre analyse est loin d’être exhaustive. Nous avons supposé que l’instance supranationale accorde le même poids au bien-être de chaque pays dans sa fonction objectif. Une autre approche, peut-être plus réaliste, serait de considérer que le poids relatif de chaque pays, dans la fonction objectif de l’autorité supranationale, est proportionnel à sa taille. En ce qui concerne la mise en place d’un taux de taxe minimum, nous avons fixé ce taux à 0 et analysé la situation où les deux pays sont contraint par ce taux à l’équilibre non-coopératif. Une analyse plus générale consisterait à déterminer si un taux minimum, permettant d’améliorer le bien-être de chaque pays par rapport à l’équilibre de Nash non contraint, existe et si oui d’en caractériser de façon endogène la valeur limite en fonction du degré d’asymétrie de taille des deux pays et de l’importance des externalités de pollution. Enfin, nous avons supposé que les deux marchés sont parfaitement intégrés. Il serait peut-être plus réaliste de considérer que les marchés, compte tenu de l’existence de coûts de transport, sont segmentés. Il serait alors intéressant de vérifier si nous obtenons le même genre de résultats dans ce cas.
7 – Annexe
7.1 – Preuve de la Proposition 1
65Nous pouvons observer que le bien-être du pays i peut-être réécrit de la façon suivante
66où ? est une varibale binaire prenant la valeur n pour le pays A et la valeur 1 pour le pays B. est le profit brut (avant taxes) de l’entreprise localisée dans le pays i, i.e. . On a donc. En utilisant (9), on a donc pour i ? j. En calculant la dérivée de Wi par rapport à ti, nous obtenons
67Avec (9) et (10), nous avons et pour j ? i. La dérivée de par rapport à ti donne pour i ? j. En remplaçant ces expressions dans (A2), on obtient
68Cette expression peut se réécrire de la façon suivante
69En posant ? = n, nous obtenons pour le pays A
70En posant ? = 1, nous obtenons pour le pays B
71En annulant ces deux expressions, on obtient les fonctions de meilleures réponses données par (15). En résolvant ce système, on obtient ensuite les taux de taxe d’équilibre de la Proposition 1.
7.2 – Preuve de la Proposition 3
72En subsituant (16) dans (A5) et (A6), on peut facilement vérifier que .
73Déterminons maintenant l’impact d’une hausse marginale du taux de taxe de l’autre pays sur le bien-être agrégé du pays domestique. La dérivée de Wi, donné par (A1), par rapport à to tj pour j ? i est
74où . En reprenant la valeur de donné dans la preuve de la Proposition 1, nous avons également pour i ? j. En substituant ces expressions dans (A7), nous obtenons
75Cette expression peut se réécrire de la façon suivante
76En posant ? = n, nous obtenons la variation du bien-être du pays A suite à une hausse marginale du taux de taxe du pays B, i.e.,
77En posant ? = 1, nous obtenons la variation du bien-être du pays B suite à une hausse marginale du taux de taxe du pays A, i.e.,
78En subsituant (16) dans (A10) et (A11), on obtient .
7.3 – Preuve de la Proposition 5
79Nous devons démontrer que, sous la contrainte d’un taux positif ou nul, tA = 0 et tB = 0 sont les meilleures réponses l’une de l’autre. Supposons que ti = 0 et que pour j ? i, tj ? 0. Dans ce cas la consommation individuelle de bien X est donnée, en utilisant (10), par xA = xB = [4 ? tj] /3. Avec (9), on peut obtenir la production du monopole des deux pays, i.e., Xi = [(n + 1) (2 + tj)] /3 et Xj = [(n + 1) (2 – 2tj)] /3 pour i ? j. On peut en déduire le profit brut du monopole localisé dans chaque pays, i.e., pour i ? j et . La dérivée de Wj par rapport à tj est donnée par
80ù ? est une varibale binaire prenant la valeur n pour le pays A et la valeur 1 pour le pays B. Par ailleurs, on a pour i ? j. Nous avons également . En subsituant ces expressions dans (A12), nous obtenons
81En évaluant cette expression en tj = 0, on obtient
82Une condition nécessaire et suffisante pour que tj = 0 soit une meilleure réponse à ti = 0 est que . On oberve que cette expression est décroissante par rapport à ß. Lorsque ? = 1, elle s’annule au point (pour tout n ? 3) et est donc strictement négative pour tout . Lorsque ? = n, est à fortiori (strictement) négative pour tout . En conséquence, si cette condition est vérifiée, tA = 0 et tB = 0 sont les meilleures réponses l’une de l’autre et constituent donc un équilibre non-coopératif contraint.
7.4 – Preuve de la Proposition 6
83Nous commencons par analyser la variation de bien-être pour le pays B. Notons ?B (ß) le numérateur de SCB (n, ß) donné par (21). On a . La dérivée seconde de ?B (ß) par rapport à ß est positive, i.e. . Cela implique que est une fonction croissante de ß et qu’elle atteint un minimum en , pour tout . On a . est donc positif pour tout et par conséquent ?B (ß) est une fonction croissante de ß pour tout . Il nous reste donc à vérifier que pour démontrer que SCB (n, ß) > 0 pour tout . On a
84En développant, nous obtenons
85qui est positif pour tout n ? 1. On a donc SCB (n, ß) ? 0 pour tout .
86En ce qui concerne le pays A, notons ?A (ß) le numérateur de SCA (n, ß) donné par (21). On a . La dérivée seconde de ?A (ß) par rapport à ß est positive, i.e. . Cela implique que est une fonction croissante de ß et qu’elle atteint un minimum en , pour tout . On a pour tout n ? 3. est donc positif pour tout et par conséquent ?A (B) est une fonction croissante de ß pour tout . Une condition suffisante pour montrer qu’il existe tel que SCA (n, ß) < 0 est d’avoir . On a
87En développant, nous obtenons
88qui est négatif pour tout n ? 1. En conséquence, il existe un ensemble de valeur de tel que SCA (n, ß) < 0.
Bibliographie
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- [21]Wilson, J.D., (1991), “Tax Competition with Interregional Differences in Factor Endowments,” Regional Science and Urban Economics 21, 423-451.
Mots-clés éditeurs : Coordination, Pollution Transfrontalière, Oligopole, Commerce International
Mise en ligne 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/reco.611.0009Notes
- [*]
-
[1]
Cette hypothèse permet, en particulier, de se concentrer sur un ensemble restraint de cas intéressants comme ceux présentés dans les Propositions 5 et 6.
-
[2]
Je remercie un rapporteur anonyme pour avoir soulever ce point.
-
[3]
On suppose que L est suffisamment important pour que les consommateurs soient capable d’acheter la quantité totale produite de bien X au prix d’équilibre.
-
[4]
La condition du second ordre étant (immédiatement) vérifiée, la condition du premier ordre est nécessaire et suffisante.
-
[5]
See Barnett, (1980).
-
[6]
On suppose tout au long de l’analyse que le choix des différents paramètres (n, ß et F) permet de garantir des profits positifs à l’équilibre.
-
[7]
Les détails sont donnés dans la preuve de la Proposition 1 et les preuves des différentes Propositions sont données en Annexe.
-
[8]
Cette terminologie est empruntée à Kennedy (1994).