Couverture de RECO_602

Article de revue

Mesures de l'équité en santé

Fondements éthiques et implications

Pages 325 à 344

Notes

  • [*]
    Haute Autorité de Santé, 2 avenue du Stade de France, 93218 Saint-Denis-la-Plaine Cedex (France). Courriel : l. rochaix@ has-sante. fr
  • [**]
    Academic Unit of Health Economics, University of Leeds, Charles Thackrah Building, 101, Clarendon Road, Leeds LS2 9LJ (Grande-Bretagne). Courriel : s. tubeuf@ leeds. ac. uk (auteur correspondant).
  • [1]
    Cf. Bunner-Schneider [1997] et Rochaix [2003] pour une analyse détaillée de la déclinaison de ces principes à la santé.
  • [2]
    Le plus répandu des indicateurs de santé autodéclarée est la santé évaluée. Elle consiste généralement en une échelle catégorielle ordinale en cinq points selon laquelle les individus jugent leur état de santé en plusieurs modalités (très mauvais, mauvais, moyen, bon, très bon).
  • [3]
    Pour une revue de la littérature sur le sujet, nous renvoyons à Devaux et al. [2007].
  • [4]
    Exemple de la vignette 1 du questionnaire share 2004 : Paul a un mal de tête une fois par mois qui diminue après qu’il a pris un cachet. Pendant qu ’il a mal à la tête, il peut mener ses activités quotidiennes. Question associée : « En général, au cours des trente derniers jours, quel niveau de douleurs physiques Paul a-t-il éprouvé ? Aucun, léger, moyen, grave, extrême. »
  • [5]
    Le Health Utility Index (hui) fournit une description de la santé fonctionnelle générale du sujet à partir de huit attributs : vision, audition, élocution, mobilité, dextérité, cognition, émotion, douleurs et malaise. Pour en savoir plus, nous renvoyons au portail internet du Health Utility Groupde l’université de McMaster (http:// fhs. mcmaster. ca/ hug/ ).
  • [6]
    L’eq-5d est un instrument standardisé étudiant cinq dimensions de santé (mobilité, prendre soin de soi, activités quotidiennes, douleur/gêne et angoisse/dépression). Pour en savoir plus, nous renvoyons au portail internet de l’Euroquol Group : http:// www. euroqol. org/
  • [7]
    Le sf-36 est construit à partir de trente-six questions classées en huit dimensions relatives à la santé : santé physique, limitations dues à l’état physique, douleurs physiques, santé perçue, vitalité, vie et relations avec les autres, limitations dues à l’état psychique et santé psychique. Pour en savoir plus, nous renvoyons à Leplège et al. [2001].
  • [8]
    À la différence d’autres scores qui sont uniques, le sf-36 est composé de deux scores distincts, le « score résumé physique » et le « score résumé mental ».
  • [9]
    Une présentation exhaustive des travaux et des objectifs de ce projet, financé par le programme biomed de la communauté Européenne est disponible à l’adresse suivante : hhttp:// www2. eur. nl/ ecuity/
  • [10]
    Nous renvoyons à Huber [2006] pour une discussion exhaustive des aspects synthétiques et non synthétiques de ces indicateurs de santé.
  • [11]
    L’illustration proposée par l’auteur est la suivante : considérons une personne qui a une maladie chronique légère handicapante et un revenu mensuel net de 1 400 euros. Peut-être se satisferait-elle d’un revenu de 1 100 euros si elle pouvait en échange être débarrassée de ses ennuis de santé. Le montant de 1 100 euros correspond alors à son revenu équivalent-santé.
  • [12]
    Cf. Rochaix [2003].
  • [13]
    Cf. Marmot, conférence plénière, European Health Policy Forum, Gastein, 1-4 octobre 2008.
  • [14]
    Une seule analyse récente non encore publiée propose une analyse empirique des inégalités des chances qui mesure d’un coté la contribution de la responsabilité et de l’autre celle des circonstances (Dias [2008]).
  • [15]
    Nouvelle approche stratégique en matière de santé pour l’ue [2008-2013].

Introduction

1L’équité n’est certes pas un concept majeur de l’économie, mais il est incontournable dans l’analyse des échanges, de la répartition des richesses ou de l’intervention de l’État, tout particulièrement dans l’étude des systèmes sociaux. Analyser l’équité dans le domaine de la santé conduit non seulement à situer les critères d’équité existants dans un cadre théorique global, à la lumière des théories contemporaines de la justice sociale, mais aussi à s’appuyer sur des analyses empiriques afin de percevoir la portée éthique d’une situation. La recherche empirique constitue, en effet, l’étape indispensable de validation d’hypothèses sur les phénomènes liés aux inégalités, et donc à la mesure de l’équité en santé.

2Or, comme le rappellent Gravelle et al. [2006], l’analyse économique de l’équité en santé s’appuie à la fois sur l’analyse empirique et sur des jugements de valeur. En particulier, le choix d’une analyse empirique appropriée se fonde sur des modèles d’économétrie qui doivent être non seulement adaptés aux données disponibles mais aussi aux processus décisionnels sous-jacents, eux-mêmes dictés par les objectifs d’équité en vigueur implicitement ou explicitement dans les systèmes de santé.

3Ainsi, la mesure de l’état de santé ou du recours aux soins, la mesure de la situation sociale et le choix des indicateurs d’inégalité constituent des enjeux importants dans l’analyse des inégalités de santé (Girard et al. [2000], Leclerc et al. [2000], Couffinhal et al. [2004]). Quelle que soit l’analyse menée, celle-ci repose donc sur des critères d’équité qui ne sont pas toujours explicitement posés. De plus, si de nombreuses recherches récentes ont apporté des éléments d’explication des inégalités sociales de santé et de recours aux soins en France, leurs implications en termes d’équité n’ont pas toujours été mises en avant. Il est alors difficile de conclure sur la priorité à donner à certaines politiques publiques de résorption des inégalités par rapport à d’autres et d’établir, ce faisant, un lien plus clair entre recherches et décision publique.

4Cet article propose une grille de lecture de recherches empiriques, tant économiques qu’épidémiologiques, qui relèvent de la mesure de l’équité. Son objectif principal est d’identifier, dans ces travaux empiriques, les fondements théoriques issus des critères de justice sociale qui pourraient conditionner les résultats et qui restent peu discutés en pratique.

5Nous posons donc la question de l’équité à différentes étapes de l’analyse empirique : la sélection des inputs, les aspects propres à la mesure des inégalités et l’interprétation des résultats. Sans espérer couvrir l’ensemble des travaux qui ont pu être réalisés sur l’étude des inégalités en France ou à l’étranger, nous faisons le choix de nous appuyer sur une sélection de travaux empiriques récents et innovants et tentons d’offrir des éléments de discussion tant sur leurs fondements éthiques que sur leurs apports en termes d’équité.

6La sélection de travaux porte prioritairement sur des analyses des inégalités du point de vue de la demande plutôt que celui de l’offre. Il nous semble en effet que les travaux visant à documenter les inégalités (notamment géographiques) d’accès aux soins de santé ont déjà fait l’objet de politiques visant leur réduction, et que l’articulation entre concepts d’équité, mesures d’inégalités et politiques publiques y apparaît plus nette. Tel n’est pas le cas pour les travaux portant sur les aspects de la demande, pourtant seuls à même d’éclairer le décideur sur la question de la pérennité des inégalités en santé. Les recherches sur les inégalités d’accès ont en effet montré que, même lorsqu’un accès égal aux soins est assuré, tant physique que financier, des différences de recours persistent entre catégories socioprofessionnelles. Les facteurs explicatifs de ces recours différenciés sont alors plutôt à rechercher en amont, du côté de la demande des usagers du système de soins.

7Après avoir rappelé, dans un premier temps, le concept d’équité en santé, nous identifions les aspects de l’équité sous-jacents aux méthodes de collecte de données et à la construction des indicateurs utilisés dans les analyses empiriques. Puis, nous nous intéressons à la mesure des inégalités de santé. Nous développons enfin la notion d’inégalité des chances en santé, qui offre une transcription directe de la notion d’équité en santé.

Égalité de quoi ? équité pour qui ?

8En premier lieu, il importe de rappeler que le vocable d’équité est à distinguer de celui d’égalité. Si l’on s’en tient à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (oms), l’équité en santé désigne « l’absence de différences systémiques et potentiellement remédiables, dans un ou plusieurs aspects de la santé parmi la population qui sont définis socialement, économiquement, démographiquement ou géographiquement » (oms [2005]). Cependant, l’objectif d’équité en santé n’est pas le strict aplanissement des différences de santé entre les individus, et toutes les inégalités mises en évidence ne sauraient être perçues comme « injustes ».

9Il est donc nécessaire de conceptualiser l’équité en santé au travers de deux grandes questions : « de quelle égalité parle-t-on ? » et « l’équité pour qui ? » Il n’y a pas de réponse universelle à ces deux questions mais plutôt des réponses qui dépendront du cadre philosophique et des valeurs de la société concernée. Ce que nous appelons cadre philosophique relève des concepts d’équité, offerts par les différentes théories de la justice sociale, sur lesquels s’appuyer pour définir ce qui est juste de ce qui ne l’est pas en santé, en d’autres termes, celles des inégalités qui sont considérées comme « inéquitables » et donc cible légitime de politiques publiques visant leur résorption. Dans leurs travaux sur l’éthique économique et sociale, Arnsperger et Van Parijs [2000] retiennent quatre approches qui définissent les principes caractéristiques des institutions justes. Il s’agit du libertarisme, du marxisme, de l’utilitarisme et de l’égalitarisme libéral. Chacune de ces approches fait l’objet d’une déclinaison adaptée à la santé en donnant la préséance au principe fondateur sur lequel elle repose [1].

10Les systèmes de santé des pays développés reflètent le contrat social qui leur est spécifique. Ainsi, les modalités concrètes du financement et de l’accès aux soins retenues dans chaque système de santé reflètent l’importance attachée au principe d’équité, comparé aux autres composantes du contrat social que sont l’efficacité et la liberté. Les systèmes de santé partagent certes des objectifs à caractère égalitariste, mais ils les mettent en œuvre sous des formes diverses (soit un égalitarisme de type bismarckien où la redistribution est assurée par les assurances sociales, soit un égalitarisme de type beveridgien fondé sur la redistribution fiscale). Mais, dans les deux cas, le principe : « à chacun selon ses moyens » qui s’applique traditionnellement pour la consommation de biens privés, est remplacé par un principe plus généreux : « à chacun selon ses besoins ». En conséquence, dans la plupart des pays européens, les règles de financement d’une part et les règles d’accès aux soins de l’autre sont déconnectées, chacune pouvant jouer un rôle spécifique dans la recherche d’une plus grande équité. Les études économiques menées sur la mesure de l’équité dans les systèmes de santé ont consacré cette déconnexion en appliquant les concepts d’équité verticale et d’équité horizontale définis par Aristote, respectivement au système de financement et au système de distribution des soins.

11L’équité verticale requiert que les inégaux soient traités inégalement. Si les individus diffèrent selon leur propension à payer, le respect de l’équité verticale suggère que les plus riches contribuent davantage que les plus pauvres. De manière générale, si les individus diffèrent au titre de toute autre caractéristique individuelle jugée pertinente dans l’allocation des soins de santé, un système de santé « verticalement équitable » veillera alors à ce que les individus soient traités différemment au titre de cette caractéristique. En France, la couverture maladie universelle (cmu) illustre un objectif d’équité verticale dans la propension à payer en favorisant l’accès et le recours aux soins d’une classe de la population ayant de plus faibles moyens financiers.

12L’équité horizontale correspond au principe de justice distributive selon lequel des individus égaux doivent être traités également. Ce principe stipule donc en matière de santé que des individus qui présentent des caractéristiques similaires en termes d’état de santé ou de pathologies reçoivent des prestations de soins similaires et que toute discrimination en fonction d’une autre caractéristique individuelle, quelle qu’elle soit, ne peut être tolérée. Notons que si la seule caractéristique individuelle qui différenciait les individus était leur besoin de santé, alors l’objectif d’équité horizontale serait ramené à celui d’équité verticale.

13Le recours à ces concepts d’équité verticale et d’équité horizontale contribue à répondre à l’interrogation initiale : « De quelle égalité parle-t-on ? » Il ne s’agit pas de chercher une stricte égalité dans la santé, dans l’accès aux soins de santé ou encore dans l’utilisation des services de santé, mais il est nécessaire d’introduire d’autres dimensions telles que le niveau du besoin individuel, la propension à payer ou, plus généralement, les caractéristiques socioéconomiques, démographiques et de santé individuelles. Quant à la question de « l’équité pour qui ? », c’est la distinction entre équité et égalité qui permet d’y répondre : l’équité se mesure en effet à l’aune d’un jugement de valeur selon lequel une inégalité sera qualifiée de juste ou d’injuste. Certaines disparités dans l’état de santé ou la consommation de soins pourront donc être attendues, voire légitimes, comme une plus grande consommation de soins pour les personnes âgées ou un meilleur état de santé des plus jeunes. A contrario, des disparités telles qu’un moindre accès aux soins en zone rurale ou un meilleur état de santé dans les classes socio-économiques les plus favorisées pourront être jugées inacceptables dans certains pays, si le principe d’accès aux soins retenu est bien celui des besoins de santé des individus. Ainsi, si la santé, l’accès aux soins ou tout autre output considéré présentent une forte corrélation avec certaines caractéristiques individuelles indépendantes des besoins, l’inégalité observée sera considérée comme inéquitable. Il est alors usuel de parler d’inégalités injustes, inacceptables, voire inéquitables.

14Une fois rappelé le cadre conceptuel de l’équité en santé, se pose alors la question de son articulation avec la recherche empirique en économie de la santé. Comment les outils, la démarche d’analyse et les résultats incorporent-ils les critères d’équité ?

Équité et outils empiriques

15Dans le cadre d’analyses économiques à portée plus générale, Picavet [1999] rappelle la difficulté d’élaborer un indice individuel d’utilité complètement explicite : l’utilité correspond-elle simplement aux goûts ? Ou bien s’agit-il d’un mélange de désirs et de croyances ? Ou d’autres choses encore ? Or, de la capacité à définir la notion d’utilité dépendent la pertinence et la fiabilité des outils utilisés dans les études empiriques car les indicateurs de mesure sont construits à partir des observations ou de l’expérience. Cette injonction s’applique particulièrement bien au cas de la santé, où l’enjeu est de définir une mesure aussi fiable que possible de l’état de santé des individus. Dans la partie qui suit, nous évoquons les difficultés spécifiques rencontrées dans cette mesure et offrons une appréciation des enjeux, en termes d’équité, des choix méthodologiques retenus, que ce soit lors de la collecte de l’information, dans la mesure de santé générale ou dans la construction d’indicateurs synthétiques.

Enjeux en matière de collecte de données

16Dans la plupart des pays, des enquêtes spécifiques ont été élaborées pour permettre une analyse fine de la santé d’une population. Trois types de biais affectent ces enquêtes, alors même que la qualité des données recueillies conditionne les utilisations que les chercheurs et les décideurs peuvent en faire.

17D’une part, des individus ou groupes d’individus sont quelquefois exclus des échantillons d’enquête. Leur exclusion entraîne des biais de sélection, pouvant remettre en question les résultats obtenus et les mesures qui en découlent. Bien que ces biais puissent être traités à l’aide de méthodes spécifiques (Heckman [1979]), ils représentent un aspect trop souvent négligé des analyses des inégalités en santé. Ils peuvent cependant avoir un impact non négligeable sur l’ampleur même des inégalités qui sont mesurées. D’une manière générale, les individus qui ont la plus mauvaise santé et/ou un moins bon accès aux soins de santé appartiennent aux populations les plus défavorisées. Parallèlement, ces populations vulnérables et précaires sont aussi celles qui sont difficilement couvertes par les enquêtes en population générale (Firdion et al. [1998]). Elles représentent donc un vrai défi en matière de disponibilité et de qualité des données d’enquête (oms [2001]). En effet, si une partie de la population est sous-représentée dans l’analyse empirique, alors les actions de correction des inégalités qui se basent sur les conclusions de ces analyses ne peuvent apprécier correctement la situation et ont tendance à en sous-estimer l’ampleur. Les enquêtes spécifiques menées sur ces populations marginales présentent donc un réel intérêt, car elles permettent de rendre compte de façon dynamique de l’importance des phénomènes de précarité et de leur retentissement sur la santé (Chauvin et al. [1999], Amossé et al. [2001], Parizot et Chauvin [2003]).

18D’autre part, un état de santé trop dégradé peut aussi être à l’origine de non-réponse dans une enquête. Ces biais de participation induisent l’absence d’information sur l’état de santé des individus les plus malades ou les plus défavorisés. Pour disposer d’une information sur l’état de santé de ces individus, les protocoles d’enquête ont parfois recours à un répondant proxy, issu de la famille ou de l’entourage, qui aide ou remplace dans ses réponses le sujet initialement interrogé (Moore [1988]). Les travaux de recherche sur l’influence du recours au répondant proxy restent peu nombreux. Alors que certaines études concluent que les déclarations du répondant proxy conduisent à des évaluations biaisées de l’état de santé et des besoins des personnes enquêtées (Neumann et al. [2000]), d’autres, plus récentes, montrent que les répondants proxy n’ajoutent aucune subjectivité dans l’évaluation des besoins des personnes âgées vivant en domicile ordinaire, mais qu’ils induisent une certaine subjectivité dans l’appréciation de la satisfaction de ces mêmes besoins (Davin et al. [2008]). D’une manière générale, ces travaux mettent en évidence que le recours à un répondant proxy minimise les biais de participation, d’autant plus fortement que le répondant sollicité est proche de la personne enquêtée (Norton et al. [2003]). Ainsi, cette pratique permet aux recherches de s’appuyer sur une information de meilleure qualité.

19Par ailleurs, la collecte de données en elle-même peut introduire des biais de mesure, du fait du dispositif d’enquête et de la façon de poser des questions sur la santé dans le questionnaire (Clark et Vicard [2007]). Ainsi, un individu évaluera sa santé comme « meilleure » s’il a été préalablement invité à répondre à un certain nombre de questions sur les pathologies dont il souffre ou sur ses dernières consultations.

20Il apparaît donc souhaitable de rendre compte explicitement de l’importance de tels biais dans la mesure des inégalités obtenue à l’issue des analyses. Anticiper leur présence au moment de la collecte des données, dans la mesure où s’offre une telle opportunité, apparaît plus pertinent encore.

Enjeux en matière d’utilisation d’indicateurs de santé autodéclarée

21En amont de toute analyse empirique, le chercheur fait l’hypothèse que la variable dont il dispose décrit, de manière adéquate, le phénomène qu’il souhaite étudier. Un choix est donc posé quant à la variable d’intérêt à adopter. Bien qu’inévitable, ce choix n’est pas pour autant sans conséquence sur l’analyse des inégalités sous-jacentes (Lecluyse et Cleemput [2006], Humphries et Van Doorslaer [2000]) et a fortiori sur l’analyse de l’équité en santé.

22Du point de vue de la santé, bien que certaines enquêtes permettent de disposer de données de santé biologiques ou physiques, évaluées par le corps médical (Dauphinot et al. [2006]), ces informations de santé restent coûteuses à obtenir et peuvent présenter des difficultés de traitement, parfois incontournables dans la mise en œuvre pratique. De ce fait, les chercheurs ont recours à des variables de santé issues de questionnaires d’auto-évaluation (Falissard [2001]). Cependant, des difficultés se posent dans le calcul des inégalités de santé à partir d’indicateurs de santé autodéclarée [2], qui rassemblent certes une information sur l’état de santé objectif individuel mais qui peuvent être perturbés par une variabilité interindividuelle de réponses, indépendante de cet état de santé objectif. Il est à présent courant dans la littérature d’utiliser le vocable de « vraie santé » pour désigner cet état de santé objectif, c’est-à-dire l’état de santé non biaisé par d’autres caractéristiques individuelles indépendantes de la santé. L’utilisation de variables autodéclarées dans les travaux empiriques a fait l’objet de nombreux questionnements du fait de leur caractère hybride.

23Les travaux de recherche ont permis de recenser quatre grands ensembles de facteurs affectant le jugement d’un individu sur son état de santé : la nature des pathologies dont il souffre, le genre, l’âge, le statut socioéconomique et le niveau d’éducation [3]. Les résultats montrent que les individus situés en haut de l’échelle sociale ont des jugements plus sévères sur leur état de santé du fait de leurs plus fortes attentes en termes de bonne santé (Moesgaard et al. [2002]). Sur données françaises, l’étude d’Etilé et Milcent [2005] a permis de mettre en évidence l’existence d’un biais de déclaration lié au revenu sur la santé auto-évaluée. Symétriquement, les groupes sociaux les plus défavorisés ont des attentes en matière d’état de santé plus limitées (d’Houtaud et al. [1984]), qui peuvent se traduire par une tendance à déclarer un meilleur état de santé que ne l’est leur « vraie santé » et à sous-déclarer leurs maladies, à morbidité donnée. En conséquence, des inégalités sociales de santé mesurées à partir de ce seul indicateur de santé autodéclarée auraient tendance à être sous-estimées. À l’inverse, il a été montré que les personnes inactives ou au chômage peuvent parfois déclarer un état de santé plus mauvais que leur « vraie santé » afin de justifier leur situation vis-à-vis de l’emploi (Bound [1990], Kerkhofs et Lindeboom [1995]). Dans ce second cas, les inégalités de santé pourraient être surestimées. Il apparaît donc que le biais de déclaration de la santé est corrélé au statut social, ce qui conduit à mésestimer l’ampleur de l’inégalité sociale de santé.

24Il est toutefois possible de corriger ce biais de déclaration, soit ex ante, soit ex post, comme en attestent des travaux récents sur l’état de santé auto-évalué, qui demeure la mesure de santé la plus couramment recueillie dans les enquêtes.

25La première stratégie a été proposée par l’oms [2000]. Elle concerne la méthode d’enquête et consiste en l’introduction de « vignettes-étalons » (Murray et al. [2003]) dans des enquêtes sur la santé. Ces vignettes, présentées sous forme de scénarii, correspondent à des cas types d’état de santé pour lesquels l’enquêté est invité à évaluer la santé d’un individu fictif [4]. Cette méthode repose sur l’hypothèse selon laquelle l’échelle des réponses utilisée pour ces cas fictifs est identique à celle que l’individu utilise pour auto-évaluer son propre état de santé. Les réponses aux vignettes permettent alors de positionner les échelles relatives des individus, de corriger d’éventuelles différences dans le mode de déclaration et donc d’améliorer la comparabilité des réponses (Lardjane et Dourgnon [2007]).

26En l’absence d’inclusion de vignettes, il demeure possible de prendre en compte ces éventuels biais de déclaration ex post par des méthodes statistiques pour faire de la santé auto-évaluée un meilleur proxy de la vraie santé. Van Doorslaer et Jones [2003] ont, dans ce cadre, proposé une méthode de cardinalisation à partir d’un indice d’utilité de santé connu par ailleurs, le Health Utility Index (hui) canadien [5]. La méthode proposée, qui revient à rendre continue une variable de santé auto-évaluée initialement définie en catégories, présente deux avantages majeurs. Tout d’abord, l’utilisation d’une information de santé supplémentaire permet de renforcer l’information de santé contenue dans la variable subjective de santé. Ensuite, le modèle de régression par intervalles permet de s’appuyer sur un modèle explicatif de la santé auto-évaluée incluant un vecteur de caractéristiques individuelles, ce qui permet une meilleure prise en compte des variations individuelles dans la mesure de la santé.

27Une méthode alternative de correction des biais proposée par Perronnin et al. [2006] consiste à agréger plusieurs variables classiquement recueillies dans les enquêtes sur la santé. La mesure de la santé est alors basée sur la somme du nombre de maladies affectant l’individu, pondérées de leur degré de sévérité. La construction de cet indicateur synthétique s’appuie sur un modèle de régression à variable latente expliquant l’état de santé auto-évalué, tout en contrôlant, en plus du nombre de maladies et de leur sévérité, d’autres informations individuelles comme les caractéristiques sociales, démographiques et les comportements à risque.

28Ces méthodes visent à approcher, autant que faire se peut, la notion de « vraie santé ». Les raffinements méthodologiques participent d’une volonté de mesure plus fine des inégalités et donc de leur plus juste appréciation. Il va de soi que des données de qualité, à savoir dûment corrigées de leurs biais, fourniront une évaluation plus adéquate de l’état de santé et des besoins et seront mieux à même de sous-tendre les politiques de réduction des inégalités.

Enjeux en matière de construction de scores génériques de santé

29Il semble, en dernier ressort, important de mentionner l’apport récent de questionnaires spécifiques visant la construction de mesures génériques de santé. Si l’utilisation de ces outils reste en France encore circonscrite à la recherche clinique, notamment pour évaluer l’efficacité thérapeutique et les gains en termes de qualité de vie de nouvelles technologies de santé, d’autres systèmes de santé européens en ont fait un instrument incontournable de mesure de la santé. Plusieurs outils sont disponibles, comme l’Euroquol 5d[6], adopté par la Grande-Bretagne, le hui ou le sf-36 [7]. Ces mesures fournissent le plus souvent une valeur unique de santé [8] évaluée à partir de scores sur plusieurs dimensions, mesurés pour chaque individu appartenant à un échantillon représentatif de toute ou une partie de la population. Ces scores génériques sont obtenus à partir d’un formulaire d’enquête spécifique, les individus répondant à un certain nombre d’attributs codés de manière catégorielle et évaluant différentes dimensions de leur état de santé (invalidité, douleur, santé mentale, etc.).

30Du point de vue de l’analyse de l’équité, le recours à des mesures composites, qui combinent plusieurs indicateurs en une seule mesure, permet d’ordonner les individus du plus malade au plus sain. Néanmoins, ce type d’outils n’est pas exempt de biais méthodologiques. Tout comme les indicateurs autodéclarés, chacun des attributs peut être soumis à un biais de déclaration, ce qui biaise à son tour le score multi-attribut. Les biais et limites évoqués précédemment en matière de collecte de données s’appliquent aussi.

31Cette section a mis en évidence l’importance d’une bonne connaissance des outils de mesure de la santé, de leurs fondements et des enjeux, en termes d’équité, associés à leur usage dans la recherche sur les inégalités de santé. Il convient à présent d’aborder la question de l’équité dans la mesure de l’inégalité elle-même.

Équité et mesure des inégalités

32La mesure des inégalités contribue à répondre à la question de « l’équité pour qui ? ». En effet, c’est à partir de cette mesure que l’on est en capacité de juger de l’iniquité : l’égalité est jugée à la lumière de critères normatifs d’équité et partagée entre les inégalités jugées inéquitables et les inégalités dites attendues, légitimes ou acceptables.

33Le concept de l’équité rejoint la définition du bien-être individuel, qui serait trop restrictive si elle ne prenait en compte qu’un seul attribut. Les économistes soutiennent une définition du bien-être basée sur plusieurs déterminants tels que le revenu, la santé, l’éducation, etc. Sen [1973, 1982] suggère même d’autres attributs, relevant de la « capabilité individuelle », c’est-à-dire la capacité d’un individu à être ou à faire quelque chose. Ainsi l’analyse de l’équité en santé s’appuie, d’une part, sur un état de santé individuel pertinent comme nous avons pu le décrire dans la section précédente et, d’autre part, sur l’identification des déterminants de cet état de santé.

Enjeux en matière de mesure des inégalités sociales de santé

34Traditionnellement en France, les inégalités sociales de santé ont été mesurées en comparant les indicateurs de mortalité ou de morbidité de différentes catégories socioprofessionnelles. Cependant, la comparaison est peu satisfaisante dans la mesure où la population regroupée dans une catégorie socioprofessionnelle est hétérogène, l’inégalité de santé par catégories socioprofessionnelles pouvant alors aussi bien provenir d’effets culturels que d’effets matériels. Selon Wilkinson [1996], la catégorie socioprofessionnelle serait un « artefact », et ne saurait constituer un déterminant clair de l’état de santé. Elle est par ailleurs variable dans l’espace, chaque pays recourant à une agrégation qui lui est propre, et dans le temps. Enfin, le classement de la population par la catégorie socioprofessionnelle ne permet pas un ordre hiérarchique de nature continue, souvent indispensable à l’usage d’outils comme les indices de concentration.

35Pour cet ensemble de raisons, les travaux économiques sur la mesure des inégalités en santé, tout particulièrement ceux menés sur plusieurs pays, ont recours, quand les données le permettent, au revenu plutôt qu’aux catégories socioprofessionnelles. Étudier les inégalités de santé en fonction du revenu ne signifie pas nécessairement qu’on préjuge un lien de causalité entre revenu et santé, mais qu’on mesure les différences de niveau de santé moyen par groupes de revenu.

36Pour autant, une causalité directe entre revenu et santé a été démontrée en France (Dourgnon et al. [2001]). Pour les ménages pauvres, la probabilité de vivre dans des conditions précaires (logement ou travail) avec un impact délétère sur la santé, ou encore la probabilité de renoncer aux soins pour raisons financières, est supérieure à celle des individus des ménages riches (Kambia-Chopin et al. [2008]). Mais, outre cette causalité directe entre revenu et santé, d’autres mécanismes peuvent expliquer l’existence d’une disparité de l’état de santé selon la position dans la distribution des revenus. Par exemple, les individus moins éduqués sont à la fois plus pauvres et ont plus de risques d’être en mauvaise santé. Enfin, un autre mécanisme est lié au fait qu’un état de santé plus mauvais peut expliquer un moindre revenu, parce qu’il implique quelquefois de diminuer ou d’arrêter une activité professionnelle et conduit alors à un moindre salaire. Cet effet, dit effet de sélection, est documenté, sur données longitudinales américaines par Smith [1999].

37La mesure de l’équité en santé privilégie à présent l’analyse de l’inégalité en fonction du revenu, en tenant compte de l’ensemble de ses effets directs et indirects. La démarche d’analyse se doit de prendre en compte à la fois les effets démographiques et les effets d’autres facteurs, eux-mêmes corrélés avec le revenu, comme la catégorie socioprofessionnelle, l’éducation, ou l’activité, et elle vise l’estimation de la part de ces différents facteurs dans l’explication des inégalités constatées.

38Les travaux du réseau européen de recherche dénommé « ECuity » [9] ont fourni des outils méthodologiques innovants par ce choix de recours à la variable revenu dès le début des années 1990 et par l’usage de courbes de concentration. La méthodologie développée plus récemment par ce réseau (Wagstaff et al. [2003]) permet de décomposer simultanément les inégalités constatées en différents facteurs explicatifs (facteurs démographiques mais aussi éducation, activité, région de résidence, etc.) et de mesurer la contribution relative de chacun de ces facteurs à l’inégalité totale. La méthode de décomposition de l’inégalité s’appuie sur un modèle explicatif complet de la santé. Elle permet d’observer l’effet direct de chaque déterminant sur la santé et son effet indirect qui passe par sa corrélation avec le revenu. Il est alors possible d’observer le rôle particulier joué par tel ou tel paramètre explicatif auquel un jugement normatif peut être attaché. Par exemple, dans le cadre d’une mesure de l’équité horizontale en matière d’accès aux soins, plusieurs facteurs explicatifs de l’état de santé peuvent être introduits dans un vecteur de paramètres qui approche la notion de besoin individuel de santé. La contribution de ce vecteur à l’inégalité de santé totale peut ensuite être estimée. D’une manière générale, l’avantage de cette méthode est d’éclairer l’impact attendu de politiques visant la réduction des inégalités de santé en fonction du revenu, qu’elles relèvent directement du secteur de la santé ou qu’elles visent la réduction, plus en amont, des inégalités dans la distribution des revenus.

Enjeux en matière de mesure du besoin de soins

39La notion de besoin de soins fait depuis longtemps l’objet de débats animés entre économistes (Williams [1978], Wagstaff et Van Doorslaer [2000]), et elle est d’autant plus incontournable qu’elle porte en elle, ainsi que rappelé précédemment, les objectifs d’équité en matière d’accès et de recours aux soins de santé, tels qu’ils sont définis dans la plupart des systèmes de santé.

40Dans ce cadre, une répartition des soins sera jugée équitable si elle est distribuée selon le besoin de soins individuel, qui se définit à la fois à partir des caractéristiques démographiques individuelles mais aussi de l’état de santé individuel. L’objectif est d’apprécier le respect du principe d’équité horizontale, à savoir une distribution des soins en fonction des besoins individuels (Bleichrodt et Van Doorslaer [2006] ). Empiriquement, il s’agit alors de travailler à état de santé donné. En plus de l’âge et du genre, plusieurs indicateurs de morbidité sont introduits dans le modèle explicatif du recours aux soins afin de corriger la mesure d’inégalité du besoin de santé. Nous pouvons par exemple citer l’état de santé auto-évalué (Van Doorslaer et al. [2002]), les limitations d’activité (Van Doorslaer et al. [2004a] et [2004b]), les limitations dues à une maladie chronique (Van Doorslaer et al. [2004a]). Outre le fait que l’interprétation de l’inégalité due à ces indicateurs de morbidité reste source de débat [10], le choix des variables qui composent le vecteur de besoins n’est pas sans conséquence sur la mesure des inégalités considérées comme inéquitables. En effet, la mesure de l’iniquité ne peut être limitée à la simple neutralisation dans l’inégalité de santé totale des inégalités liées aux caractéristiques biologiques et il est nécessaire d’aborder de manière critique l’introduction des différents paramètres pouvant composer ce vecteur.

41Alors qu’une normalisation de la consommation de soins selon l’âge se justifie intuitivement par le fait que l’état de santé se détériore au cours de la vie, impliquant une augmentation de la consommation de soins de santé, la normalisation de la consommation de soins de santé selon le genre semble moins immédiate. Il est attendu que les hommes et les femmes souffrent de pathologies différentes et auront en conséquence des besoins de soins différents. Cependant, si le montant de leurs consommations de soins est inégal, est-ce pour autant une inégalité acceptable ou équitable, comme certaines analyses le supposent dès lors qu’est mise en œuvre une normalisation par genre (Van Doorslaer et Koolman [2004], Leu et Schellhorn [2006]) ? de fait, l’argument utilisé pour justifier cette normalisation est que les inégalités relevant de ces caractéristiques individuelles ne sauraient être corrigées par une intervention de l’État.

42Par ailleurs, l’utilisation d’indicateurs de l’état de santé (notamment la santé auto-évaluée) dans l’approximation de la notion de besoin de soins individuel se justifie par le fait que ces indicateurs traduiraient les attentes d’un individu à l’égard de sa propre santé. Les économistes, à la suite de philosophes comme Bergson [1920], s’appuient ici fondamentalement sur l’idée que nul ne connaît mieux ses besoins que l’individu lui-même.

43Empiriquement, un lien bien distinct est établi entre le besoin et les préférences. Même si la santé auto-évaluée, qui peut être rapprochée d’un indicateur sur les préférences individuelles, est l’une des composantes du vecteur besoin, de nombreux travaux ajoutent à ce vecteur d’autres variables de santé jugées plus objectives. Par exemple, Nolan et Nolan [2008] utilisent des variables comme « avoir accouché l’année précédente », un score de bien-être psychologique, ou encore des facteurs de risque comme l’indice de masse corporelle et le fait de fumer. De même, Morris et al. [2003] introduisent des données agrégées comme un indice géographique de défavorisation, le taux de mortalité prématurée et le taux de maladie relatif en deçà de 75 ans.

44Le choix de variables composant le vecteur de besoin de santé individuel semble s’appuyer sur des positions normatives du professionnel de santé ou du chercheur. Mais qu’en est-il vraiment du besoin que l’individu formulerait s’il y était invité ? Par exemple, certains individus sont de plus gros consommateurs de soins parce qu’ils accordent plus d’importance à leur santé. Leur besoin a donc de fortes chances d’être sous-évalué par l’observateur qui n’aura pas connaissance ou ne tiendra pas compte des préférences de l’individu pour sa santé. Tel peut aussi être le cas, comme l’avait déjà souligné Grossman [1972], pour un individu dont le manque à gagner sera d’autant plus important qu’il a un salaire élevé. S’il apparaît difficile d’envisager d’enquêter auprès des individus sur leurs préférences, afin de les inclure dans le vecteur de besoin, il peut être possible de s’interroger, face à des situations d’inégalité précises, sur l’identification de ce que l’on pourra appeler un individu « défavorisé ».

45À titre d’illustration, dans une situation comme la décrit Fleurbaey [2007], où deux individus de même revenu ont une santé inégale et que celui dont la santé est la moins bonne est aussi celui qui attache le moins d’importance à la santé, qui est finalement l’individu défavorisé ? Est-ce celui qui est le plus malade, alors même qu’il est moins affecté par sa moins bonne santé dès lors qu’il y attache moins d’importance ? Pour le savoir, il faut mesurer précisément les préférences individuelles sur chacune des deux dimensions. Fleurbaey introduit alors la notion de revenu « équivalent-santé », qu’il définit comme le revenu qui suffirait à l’individu, en remplacement de sa situation présente, si ses ennuis de santé éventuels étaient éliminés [11]. S’il semble immédiat pour un économiste qu’une réelle importance doit être accordée aux préférences individuelles (Grignon [2007]), les travaux empiriques montrent cependant que l’approximation de la notion de besoin est variable selon les études et les implications en termes d’équité des choix effectués doivent être explicitement abordées.

46L’hétérogénéité des fonctions d’utilité et donc les arbitrages individuels différents entre santé et autres biens peuvent aboutir à une inégalité des soins en fonction du revenu, à niveau de santé donné, inégalité qu’il est difficile de qualifier d’inéquitable, puisqu’elle résulte de l’expression des préférences. Une analyse rigoureuse de l’équité des soins de santé nécessiterait donc de tenir compte de l’impact de l’hétérogénéité des préférences et donc des comportements individuels sur les inégalités.

47Traditionnellement, les travaux de recherche, parce qu’ils n’ont pas, en général, accès à des mesures des préférences individuelles sur le recours aux soins, ont traité l’hétérogénéité des préférences individuelles comme résidu, dans la part d’inégalité non expliquée du modèle (Van Doorslaer et al. [2004b]).

48Huber [2008] a récemment proposé une méthode alternative, qui permet d’évaluer le degré d’inégalité dû à des comportements individuels différenciés, tant dans la probabilité de recours aux soins que dans le niveau de consommation conditionnelle à ce recours. Les résultats montrent que l’effet de l’hétérogénéité des comportements peut représenter jusqu’à la moitié de l’iniquité horizontale dans l’explication de la variance totale.

49Ainsi, la mesure d’inégalité de recours aux soins dépend étroitement de la définition du vecteur de besoin et de la prise en compte de l’hétérogénéité des préférences. Pour autant, les préférences individuelles peuvent être façonnées par les circonstances dans lesquelles les individus sont placés, circonstances qui ne sont pas choisies. S’il est certes pertinent, du point de vue de la mesure des inégalités en santé, d’aborder la place des préférences individuelles, ceci doit être fait dans le contexte plus large de l’inégalité des chances en santé.

De la mesure de l’inégalité à celle de l’inégalité des chances

50La pérennité des inégalités de santé dans les pays industrialisés, voire leur augmentation, dans un contexte de renforcement de l’État providence est un paradoxe qui n’a pas manqué d’être soulevé [12]. Se pose alors la question de savoir quelles sont les inégalités sur lesquelles doit porter l’action publique. Quand bien même un accès équitable serait garanti sur le territoire, force est de constater que tous les individus n’accordent pas une valeur égale à la santé et ne font pas les mêmes choix dans leurs décisions de santé. De plus, même si des individus bien informés faisaient librement les mêmes choix en santé, ils n’obtiendraient pas pour autant les mêmes résultats, du fait de l’existence de paramètres comme l’effort ou la chance. Il n’est donc pas envisageable de retenir pour objectif une distribution égale de la santé. Il est par contre insuffisant d’en rester au seul objectif d’accès égal aux soins. L’objectif soutenable, aujourd’hui mis en avant, est celui d’égaliser les chances en santé.

Responsabilité ou circonstances ?

51Cette politique visant la correction des inégalités des chances a été portée avec force dans le rapport 2006 de la Banque mondiale [2005]. Elle inspire aujourd’hui les travaux menés par l’oms dans le cadre de la commission dédiée à la réduction des inégalités en santé [13]. Deux principes fondamentaux sont mis en avant : l’égalité des chances et le principe de ne pas être laissé pour compte. L’égalité des chances prend une très large place et implique que ce qu’une personne accomplit durant son existence doit être, avant tout, fonction de ses capacités et de ses efforts et ne saurait être préétabli au titre de sa race, son genre, son milieu familial et social, ou de tout autre critère arbitraire.

52La déclinaison à la santé de cet objectif conduit à souligner l’importance des inégalités des chances en santé, particulièrement parce que la santé, comme l’éducation, influence la capacité des individus à bénéficier d’un contexte économique et social favorable. Ainsi, l’équité en santé est soumise à la réduction des inégalités des chances en santé, qui elle-même favorisera l’égalité des chances dans d’autres domaines.

53Ces arguments s’inspirent de manière explicite des principes d’égalité équitable des chances de Rawls et de Sen, selon lesquels tous les individus doivent avoir des chances égales d’accéder aux diverses positions offertes dans la société. Néanmoins, la distinction entre inégalités inéquitables et inégalités légitimes est inhérente à la conception d’égalité des chances. Cette distinction renvoie aussi à des débats plus anciens de philosophes sur la notion de responsabilité individuelle dans le domaine de la santé (Dworkin [1981], Roemer [1998]). Y est affirmé le manque de fondement éthique d’une analyse des inégalités qui ignorerait le rôle de la responsabilité individuelle. Pour autant, comme le soulignent les résultats des travaux empiriques précédents, la formation de l’état de santé met en jeu des déterminants de nature très diverse. Certains facteurs, tels que l’hygiène de vie ou certains comportements à risque ayant une influence sur l’état de santé, relèvent de la responsabilité individuelle, alors que d’autres facteurs, regroupés sous le terme de circonstances, n’en relèvent pas. C’est le cas, par exemple, de l’origine familiale et sociale, du patrimoine génétique des individus ou encore du facteur chance tout au long de la vie. La philosophie de la responsabilité opère une distinction entre ces différents facteurs selon qu’ils relèvent de la première ou de la seconde catégorie. Elle considère que les inégalités d’état de santé résultant des premiers facteurs ne sauraient faire l’objet d’une politique de compensation dans la mesure où elles sont la conséquence de l’exercice, par les individus, de leur libre arbitre. Ceci n’implique pas pour autant qu’une responsabilisation soit systématiquement prônée pour les déterminants qui relèveraient de la responsabilité individuelle. L’intérêt de cette approche est surtout d’établir la distinction entre inégalités provenant ou pas de situations d’inégalités des chances.

54Quant aux inégalités résultant de différences de circonstances, elles ne devraient pas conférer aux individus d’avantages ou de désavantages systématiques dans la formation de l’état de santé. La philosophie de la responsabilité préconise donc la neutralisation des effets sur la santé des différences de circonstances et qualifie d’égalité des chances en santé ce procédé.

55L’objectif d’égalité des chances peut faire débat avec celui d’égalité de résultats (Cogneau et al. [2006]) puisque la primauté accordée au premier implique que le second dépendra du mérite et de la responsabilité individuels. Dans le domaine de la santé, ceci reviendrait à statuer sur le bien-fondé de la liberté individuelle dans les choix d’investissement de santé ou dans des comportements dits à risque. À titre d’illustration, les conditions de vie dans l’enfance sont en général classées comme relevant des circonstances, et les inégalités qui en résultent sont qualifiées d’« inéquitables », alors que les comportements individuels en termes de prévention et de risque, parce que relevant d’un choix individuel, sont plutôt classés comme des inégalités acceptables. Pour autant, la distinction est parfois malaisée : un individu peut fumer parce qu’il a grandi dans un foyer de fumeurs, auquel cas la notion de libre arbitre à l’égard du risque est difficile à soutenir. Il s’agit plus, dans ce cas, d’une inégalité relevant des circonstances elles-mêmes (Roemer [1998]).

56Du point de vue des travaux empiriques, comment peut se définir l’évaluation de ces inégalités des chances en santé ?

Implications pour les recherches empiriques

57L’importance croissante accordée à la notion d’inégalité des chances en santé et le changement de paradigme qu’elle préfigure, ne remettent pas pour autant en cause les travaux sur les inégalités de santé et d’accès. Mais il implique d’identifier ceux des déterminants de la santé qui peuvent être considérés comme relevant de la circonstance et ceux relevant de la responsabilité. La distinction n’est cependant pas aussi simple à mettre en œuvre dans les travaux empiriques.

58Empiriquement, les études ont mis en avant les divers facteurs explicatifs des inégalités de santé, sans pour autant établir un lien explicite entre ces facteurs et les deux notions de responsabilité et de circonstances. Implicitement pourtant, les analyses portant sur l’impact sur la santé des styles de vie (consommation de tabac, d’alcool, régimes alimentaires, exercice physique) reviennent à mesurer ce qui relève de la responsabilité individuelle ; quant aux analyses s’intéressant à l’impact de l’origine sociale et des caractéristiques de l’enfance sur la santé à l’âge adulte, elles cherchent à expliquer le lien santé et circonstances.

59Ce sont à l’origine essentiellement des travaux épidémiologiques qui ont analysé l’impact des conditions de vie durant l’enfance, voire in utero (Smith [1999], Goldberg et al. [2002] ; Marmot et Wilkinson [ 1999]), ils ont trouvé une influence de la catégorie sociale du père sur la santé et le risque de décès du descendant à l’âge adulte (Hyde et al. [2006] ; Melchior et al. [2006a] ; Melchior et al. [2006b]). Les analyses économiques de ces circonstances et de leur influence sur l’état de santé à l’âge adulte sont encore peu développées, en comparaison des nombreux travaux économiques consacrés à l’impact des circonstances sur le niveau de revenu et d’éducation. Une application de cette analyse à la santé a récemment montré qu’en plus des catégories sociales parentales, la longévité des deux parents est un facteur influençant fortement l’état de santé à l’âge adulte (Devaux et al. [2008]).

60Force est de constater cependant que le lien entre responsabilité et influence des circonstances est peu étudié [14]. De plus, l’analyse de l’influence de ces facteurs sur la santé est presque toujours déconnectée de l’analyse des inégalités de santé, alors même que ces facteurs sont au cœur de leur existence, voire même la clef de leur résorption.

Conclusion

61À l’issue de cette relecture des travaux empiriques récents consacrés à la mesure des inégalités en santé, à l’aune des théories de la justice sociale et de leur déclinaison en santé, apparaissent quelques enseignements.

62La qualité des mesures de l’inégalité en santé dépend de manière forte de la capacité des chercheurs à dépasser les biais méthodologiques qui s’attachent à l’exercice. Les raffinements méthodologiques développés récemment en matière de mesure de l’état de santé et de recours aux soins permettent à présent de corriger des effets de jugements individuels sur les variables autodéclarées, pour obtenir une mesure apurée des inégalités. Ils pourraient être mobilisés de manière plus systématique. À tout le moins, il semble indispensable, en l’absence de possibilités de correction, de rendre explicite la présence de tels biais et d’offrir une mesure de leur impact sur l’envergure des inégalités ainsi mesurées, notamment par le recours à des analyses de sensibilité. De même, l’utilisation d’un vecteur de besoins de santé qui s’appuie sur un argumentaire précis de sélection des variables, d’une part et qui corrige les variables de santé introduites lorsque cela s’avère nécessaire, d’autre part, contribue, à une mesure plus précise des inégalités et doit être encouragée.

63Par ailleurs, la mesure des inégalités en santé ne saurait être menée de manière purement descriptive (ou encore positive), en ayant pour seule vocation de mettre à plat des différences entre individus dont on ne saurait dire si elles sont inéquitables, et donc susceptibles d’être réduites, voire résorbées par des politiques définies à cet effet. De fait, la plupart des études empiriques s’inscrivent dans cette perspective plus normative, en cherchant à éclairer in fine l’action publique. Mais les jugements de valeur sur lesquels ces études reposent ne sont pas toujours explicitement définis.

64Enfin, la mise en œuvre empirique du concept d’inégalités des chances en santé traduit bien l’évolution de la recherche vers une prise en compte plus explicite de la notion d’équité. À cet égard, l’étude des déterminants sociaux de la santé liés à des caractéristiques relevant des circonstances ouvre des perspectives de recherche très riches.

65Pour que la recherche serve mieux encore l’objectif de réduction des inégalités en santé, en passe de devenir une résolution de l’Union européenne [15], il apparaît fondamental d’encourager une articulation plus étroite, dans les travaux empiriques de mesure des inégalités, entre les outils mobilisés, les fondements éthiques sur lesquels ils reposent et les implications qu’ils suggèrent en termes de décision.

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  • Parizot I. et Chauvin P. [2003], « Le recours aux soins des personnes en situation précaire : une recherche auprès de consultants de centres de soins gratuits en région parisienne », Revue d’épidémiologie et de santé publique, 51 (6), p. 577-588.
  • PerronninM., Rochaix L. et Tubeuf S. [2006], « Construction d’un indicateur continu d’état de santé agrégeant risque vital et incapacité », Questions d’économie de la santé, irdes, 107.
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  • Rawls J. [1971], Théorie de la justice, Oxford University Press.
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  • Van Doorslaer E. et Koolman X. [2004], « Explaining the differences in income-related health inequalities across European countries », Health Economics, 13, p. 609- 628.
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  • WagstaffA., Van Doorslaer E. et Watanabe N. [2003], « On decomposing the causes of health sector inequalities with an application to malnutrition inequalities in Vietnam », Journal of Econometric, 112 (1), p. 207-203.
  • Williams A. [1978], « Need: An Economic Exegesis », dans Culyer A. J. et Wright K. G. (eds), Economic Aspects of Health Services, p. 32-45.
  • Wilkinson R. [1996], Unhealthy societies: the afflictions of inequality, New York, Routledge.

Notes

  • [*]
    Haute Autorité de Santé, 2 avenue du Stade de France, 93218 Saint-Denis-la-Plaine Cedex (France). Courriel : l. rochaix@ has-sante. fr
  • [**]
    Academic Unit of Health Economics, University of Leeds, Charles Thackrah Building, 101, Clarendon Road, Leeds LS2 9LJ (Grande-Bretagne). Courriel : s. tubeuf@ leeds. ac. uk (auteur correspondant).
  • [1]
    Cf. Bunner-Schneider [1997] et Rochaix [2003] pour une analyse détaillée de la déclinaison de ces principes à la santé.
  • [2]
    Le plus répandu des indicateurs de santé autodéclarée est la santé évaluée. Elle consiste généralement en une échelle catégorielle ordinale en cinq points selon laquelle les individus jugent leur état de santé en plusieurs modalités (très mauvais, mauvais, moyen, bon, très bon).
  • [3]
    Pour une revue de la littérature sur le sujet, nous renvoyons à Devaux et al. [2007].
  • [4]
    Exemple de la vignette 1 du questionnaire share 2004 : Paul a un mal de tête une fois par mois qui diminue après qu’il a pris un cachet. Pendant qu ’il a mal à la tête, il peut mener ses activités quotidiennes. Question associée : « En général, au cours des trente derniers jours, quel niveau de douleurs physiques Paul a-t-il éprouvé ? Aucun, léger, moyen, grave, extrême. »
  • [5]
    Le Health Utility Index (hui) fournit une description de la santé fonctionnelle générale du sujet à partir de huit attributs : vision, audition, élocution, mobilité, dextérité, cognition, émotion, douleurs et malaise. Pour en savoir plus, nous renvoyons au portail internet du Health Utility Groupde l’université de McMaster (http:// fhs. mcmaster. ca/ hug/ ).
  • [6]
    L’eq-5d est un instrument standardisé étudiant cinq dimensions de santé (mobilité, prendre soin de soi, activités quotidiennes, douleur/gêne et angoisse/dépression). Pour en savoir plus, nous renvoyons au portail internet de l’Euroquol Group : http:// www. euroqol. org/
  • [7]
    Le sf-36 est construit à partir de trente-six questions classées en huit dimensions relatives à la santé : santé physique, limitations dues à l’état physique, douleurs physiques, santé perçue, vitalité, vie et relations avec les autres, limitations dues à l’état psychique et santé psychique. Pour en savoir plus, nous renvoyons à Leplège et al. [2001].
  • [8]
    À la différence d’autres scores qui sont uniques, le sf-36 est composé de deux scores distincts, le « score résumé physique » et le « score résumé mental ».
  • [9]
    Une présentation exhaustive des travaux et des objectifs de ce projet, financé par le programme biomed de la communauté Européenne est disponible à l’adresse suivante : hhttp:// www2. eur. nl/ ecuity/
  • [10]
    Nous renvoyons à Huber [2006] pour une discussion exhaustive des aspects synthétiques et non synthétiques de ces indicateurs de santé.
  • [11]
    L’illustration proposée par l’auteur est la suivante : considérons une personne qui a une maladie chronique légère handicapante et un revenu mensuel net de 1 400 euros. Peut-être se satisferait-elle d’un revenu de 1 100 euros si elle pouvait en échange être débarrassée de ses ennuis de santé. Le montant de 1 100 euros correspond alors à son revenu équivalent-santé.
  • [12]
    Cf. Rochaix [2003].
  • [13]
    Cf. Marmot, conférence plénière, European Health Policy Forum, Gastein, 1-4 octobre 2008.
  • [14]
    Une seule analyse récente non encore publiée propose une analyse empirique des inégalités des chances qui mesure d’un coté la contribution de la responsabilité et de l’autre celle des circonstances (Dias [2008]).
  • [15]
    Nouvelle approche stratégique en matière de santé pour l’ue [2008-2013].
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