Notes
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[*]
Fonds national de la recherche scientifique et ires, Université catholique de Louvain, 3 place Montesquieu, B-1348 Louvain-La-Neuve, Belgique. Courriel : docquier@ ires. ucl. ac. be
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Iweps, Ministère de la Région wallonne, 1 place de Wallonie, B-5100 Jambes, Belgique. Courriel : O. Lohest@ iweps. wallonie. be
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[***]
Université libre de Bruxelles, et iweps, Ministère de la Région wallonne, 1 place de Wallonie, B-5100 Jambes, Belgique. Courriel : A. Marfouk@ iweps. wallonie. be
Nous remercions Anthon Eff pour la transmission des matrices de proximités culturelle et géographique. Les commentaires des referees nous ont été extrêmement précieux. Le premier auteur remercie la Banque mondiale pour son soutien financier (Contrat 7620076, UPI 269656). Les erreurs et manquements relèvent de l’unique responsabilité des auteurs. -
[1]
La divergence entre le taux de croissance observé au niveau mondial et nos estimations au niveau de la zone ocde s’explique par le fait que le stock des migrants internationaux a progressé de façon significative au niveau des pays développés. Selon les Nations unies [2002], au cours de la même période de référence le stock d’immigrés a progressé de 27,9 % pour les pays développés. En revanche, on observe une baisse de 2,6 % dans les pays en développement.
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[2]
Le lieu de naissance offre l’avantage d’être invariant dans le temps. En revanche, les individus peuvent acquérir la nationalité des pays d’accueil et de ce fait, disparaissent des statistiques d’immigration fondées sur le critère de nationalité.
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[3]
Par exemple, le pourcentage de qualifiés parmi les immigrés tunisiens en France est supposé identique au pourcentage de qualifiés parmi les immigrés tunisiens aux États-Unis. Les estimations de Docquier et Marfouk [2005] révèlent les limites de cette hypothèse. En effet, par référence à l’année 1990, 63 % des immigrés tunisiens aux États-Unis ont un niveau de qualification supérieur au secondaire, contre seulement 7 % en France.
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[4]
La Commission européenne [2003a] souligne le nombre important de visas H1-B accordés par les États-Unis aux travailleurs qualifiés originaires du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou de la France. On notera aussi (voir Commission européenne [2003b]) que près de 11 000 docteurs nés en Europe et résidant aux États-Unis n’ont pas prévu de retourner en Europe, cette tendance étant même à la hausse.
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[5]
En 1995 pour la République tchèque, 1996 pour la Corée, la Hongrie et la Pologne et 2000 pour la République slovaque.
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[6]
Cette limite d’âge de 25 ans peut être jugée élevée pour caractériser l’âge de travail des individus. La base de Barro et Lee fournit également le stock de capital humain pour les personnes âgées de 15 ans. Cette limite alternative n’a pas été retenue pour trois raisons : (i) pour éviter de comptabiliser les migrants pour motif d’étude, (ii) parce que l’âge de 15 ans ne correspond généralement pas à l’âge de travail (dans certains pays de l’ocde, la scolarité est obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans) et (iii) pour des raisons de comparabilité avec d’autres travaux, notamment les études de Carrington et Detragiache [1998, 1999] et Adams [2003].
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[7]
Les données des recensements américains montrent que les personnes naturalisées représentaient respectivement 40,5 % et 40,3 % des immigrés en 1990 et en 2000.
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[8]
En anglais, le terme choisi est foreign born.
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[9]
L’enquête Force de Travail est utilisée. Cette enquête fournit des indications moins détaillées que les recensements et registres nationaux. Elle est utilisée pour seulement 2 % de l’immigration ocde.
- [10]
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[11]
Cohen et Soto [2001] ont développé une base de données alternative qui débouche sur de meilleurs estimateurs de la relation entre croissance et capital humain. D’après les recensements récoltés dans quelques pays d’Afrique, les données de Cohen et Soto nous semblent plus éloignées des chiffres officiels que les données de Barro et Lee. Étant donné l’importance de l’Afrique dans le débat sur l’exode des cerveaux, nous avons privilégié les données de Barro et Lee.
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[12]
On notera toutefois une évolution au niveau de ces deux pays entre 1990 et 2000 qui peut s’expliquer par un plus fort recrutement de migrants qualifiés.
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[13]
L’addition des totaux par région de destination (OCDE, Afrique, Asie, Amérique latine) est légèrement inférieure au total donné dans le tableau 1 (20 834 millions en 2000). La différence correspond aux migrants venant d’Océanie (hors Australie et Nouvelle-Zélande) et aux individus n’ayant pas renseigné de pays d’origine.
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[14]
Ceci confirme les résultats de Saint-Paul [2004] qui met en évidence que les expatriés aux États-Unis de six pays européens sont à la fois plus qualifiés que les natifs du pays d’origine et du pays de destination.
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[15]
Une estimation non paramétrique des transitions locales 1990-2000 est disponible sur demande auprès des auteurs.
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[16]
Au cours de la dernière décennie, de nombreux ouvrages ont été publiés sur les estimations non paramétriques des fonctions de densité (voir Silverman [1986], Härdle [1990], Simonoff [1996]. Ici, nous utilisons le kernel gaussien avec un paramètre de lissage optimal qui minimise la moyenne du carré des erreurs (voir Silverman [1986]).
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[17]
On appelle autocorrélation spatiale le fait qu’en général deux lieux quelconques voisins ont plus tendance à se ressembler que deux lieux éloignés l’un de l’autre. Contrairement à une simple mesure de corrélation standard (qui est unidirectionnelle), l’autocorrélation spatiale est une mesure de corrélation multidirectionnelle.
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[18]
La taille de l’échantillon est répertoriée en colonne 1 pour chaque mesure de proximité.
Introduction
1Dans le processus de globalisation de l’économie mondiale, le phénomène des migrations internationales des travailleurs qualifiés suscite l’intérêt croissant des décideurs et des chercheurs. Selon les Nations unies [2002], le nombre de migrants internationaux est passé de 154 à 175 millions entre 1990 et 2000, soit une augmentation de 14 %. Toutefois, nous estimons que la migration des individus en âge de travail vers les pays de l’ocde a augmenté de 40 % (passant de 42 à 59 millions) [1]. Sur la même période, la croissance du stock de migrants qualifiés a été largement supérieure, environ 67 % (augmentation de 12 à 20 millions). Ce dernier taux de croissance est comparable à celui du commerce mondial.
2Pourtant, malgré l’émotion et les enjeux économiques sous-jacents, la mobilité des travailleurs qualifiés demeure encore aujourd’hui un thème mal documenté et controversé. La littérature théorique est partagée entre deux thèses. Partant du principe que le capital humain est à la source de multiples externalités (intra et intergénérationnelles, fiscales, etc.), la thèse traditionnelle met en évidence les conséquences néfastes de la fuite des cerveaux pour les pays d’origine (cf. Miyagiwa [1991], Haque et Kim [1995]). La « nouvelle littérature » met davantage l’accent sur l’endogénéité du capital humain ex ante (i.e. le stock de capital humain avant migration). À travers les migration-retours, les effets de réseau, les effets stimulants sur la formation (hausse du rendement de l’éducation) ou les envois de fonds, l’approche récente souligne les effets bénéfiques liés aux migrations passées et aux perspectives de migration. L’impact global sur le stock de capital humain devient ambigu. Des revues de littérature sont proposées dans Commander et al. [2004] ou Docquier et Rapoport [2004]. La question doit être tranchée sur le terrain empirique.
3Hors, malgré de nombreux faits anecdotiques, le manque de données fiables et harmonisées sur les stocks et la structure des migrations internationales a pendant longtemps empêché la confrontation avec les théories. Dans les années 1990, Carrington et Detragiache [1998, 1999] ont développé une première base de données internationales sur les qualifications des immigrés. Cette base vise à évaluer les taux de migration vers l’ocde des travailleurs qualifiés (ayant un diplôme supérieur au secondaire) de soixante et un pays en développement pour la seule année de référence 1990. Adams [2003] a adopté une démarche similaire pour fournir le même indicateur pour un nombre restreint de pays (vingt-quatre au total) en 2000. Ces travaux reposent sur de nombreuses hypothèses héroïques : à l’exception des États-Unis, les stocks sont tirés de statistiques de l’ocde (qui ne distinguent, pour chaque pays d’accueil, que les cinq ou dix principaux pays d’origine). On relève également un important problème d’homogénéité au niveau de la définition des immigrés (pour certains pays d’accueil, les données se réfèrent à la nationalité des individus alors que, pour d’autres, c’est le lieu de naissance [2]). Enfin, la structure par qualification est entièrement extrapolée sur la base de celle observée aux États-Unis [3]. Il s’ensuit que les estimations sont très peu fiables pour les petits pays et/ou pour les pays envoyant la majorité de leurs émigrés en Europe, en Asie ou en Australie.
4En récoltant des données de recensements, de registre et d’enquête en provenance de tous les pays de l’ocde, Docquier et Marfouk [2004, 2005] ont approfondi cette méthodologie et remédient aux hypothèses irréalistes dont souffrent les estimations antérieures. De surcroît, cette recherche a permis d’élargir le cadre d’analyse en distinguant trois niveaux de qualification (diplôme inférieur au secondaire, diplôme secondaire et diplôme supérieur au secondaire) et en couvrant tous les pays du monde (191 pays en 2000 et 170 pays en 1990) et un grand nombre de territoires dépendants, en 1990 et en 2000. Cette recherche fournit une première évaluation consistante des stocks et des taux d’émigration par qualification. Ces données permettent de mieux cerner les principaux acteurs de la mobilité internationale du travail (en valeurs absolues ou en pourcentages de la population du pays d’origine) et offrent la possibilité de mener des analyses empiriques nouvelles.
5Dans cet article, nous utilisons cette base pour dresser un bilan de la position européenne dans ce domaine. Notre regard sera centré sur les quinze membres de l’Union européenne (ue 15). L’ue 15 est un acteur potentiellement important pour de multiples raisons :
- attirant près d’un tiers des immigrants adultes vivant dans les pays de l’ocde, elle occupe une place prépondérante sur l’échiquier mondial ;
- menant depuis une trentaine d’années une politique d’immigration globalement restrictive, fondée sur le regroupement familial et l’asile politique, la structure de l’immigration de l’ue 15 est réputée différentes de celle des autres grandes nations d’immigration (Australie, Canada, États-Unis, Nouvelle Zélande) ;
- ces dernières années, quelques pays européens ont progressivement introduit des mécanismes de sélection des immigrés via des listes de pénuries de qualification (France, Irlande, Royaume-Uni, etc.) ou des programmes d’immigration temporaire (green cards en Allemagne)…
- étant donné les liens historiques et coloniaux avec les pays d’Afrique, le rôle de l’ue 15 dans l’exode des cerveaux africains est susceptible d’être important ;
- à l’opposé, l’ue 15 souffre également d’une fuite de cerveaux vers les pays où les qualifications sont davantage rémunérées tels que les États-Unis, le Canada ou l’Australie [4].
6Par rapport au reste de l’ocde, nous montrons que l’ue 15 se distingue par la faible qualification moyenne de ses entrants. Néanmoins, en tant que terre d’accueil privilégiée des émigrants africains, elle joue un rôle significatif dans le débat relatif à la fuite des cerveaux. L’ue 15 attire une part importante des travailleurs qualifiés en provenance de pays fortement affectés par l’exode des travailleurs qualifiés, i.e. les pays d’Afrique où le niveau de qualification moyen des travailleurs est excessivement faible. Ce résultat est confirmé par l’estimation des densités des taux de migration vers l’ue 15 et l’Amérique du Nord : si la sélection des immigrants est, en moyenne, plus faible en Europe, elle est très importante pour un nombre restreint de pays tels que l’Angola, le Mozambique, la Somalie, le Sierra Leone, le Kenya ou l’Ouganda. Les tests exploratoires de Moran suggèrent que les disparités en termes de sélection sont davantage liées aux conditions des pays d’accueil et aux politiques d’immigration qu’à des réponses différentes des immigrés aux variables de répulsion et de distance. Enfin, en comparant les entrées et les sorties européennes, nous évaluons l’effet net de la mobilité internationale sur le stock des travailleurs qualifiés résidant dans un des pays de l’ue 15. Si les pays de l’ue 15 enregistrent une large perte nette de capital humain dans leurs échanges avec les grandes nations d’immigration (États-Unis, Canada et Australie), ils compensent quasiment ce déficit en attirant suffisamment de diplômés en provenance des pays en développement et, dans une moindre mesure, des autres pays de l’ocde, y compris ceux de l’Union européenne élargie (eu 25). Au total, l’effet net est dérisoire comparé au gain des trois principales nations d’immigration (États-Unis, Canada et Australie).
7La suite de cet article s’organise comme suit. La section 2 décrit brièvement la méthodologie de construction des données utilisées. L’impact mondial de l’immigration européenne est analysé en section 3. La section 4 décrit les principaux pays affectés par l’immigration européenne. Une analyse exploratoire des disparités entre l’ue 15 et l’Amérique du Nord est proposée en section 5. La section 6 étudie les pertes de travail qualifié et évalue l’effet net par pays et pour l’eu 15 dans son ensemble.
Mesure de la migration qualifiée
8Notre analyse repose sur une nouvelle base de données exposée de manière détaillée dans Docquier et Marfouk [2005]. Cette base (labellisée DM05) décrit la perte de main-d’œuvre qualifiée encourue par tous les pays du monde et par un grand nombre de territoires dépendants en 1990 et en 2000. Dans la mesure où les statistiques d’émigration sont inexistantes ou peu fiables, les stocks d’émigrants ne peuvent être appréhendés qu’à travers les statistiques d’immigration dans les pays d’accueil. Aussi, la base DM05 repose sur des données de recensement, de registre de population et d’enquête récoltées dans tous les pays de l’ocde. Après traitement et harmonisation, ces statistiques offrent des informations précieuses sur la structure par pays d’origine et par niveau d’éducation des immigrés. Les grandes orientations méthodologiques et leurs implications peuvent être synthétisées comme suit :
- en restreignant les pays d’accueil à la zone ocde, la base prend uniquement en compte la migration Nord-Nord, Est-Ouest et Sud-Nord. Il est évident qu’une migration qualifiée s’opère entre les pays du Sud (en direction du Golfe persique, de l’Afrique du Sud ou de l’Asie du Sud-Est). Les informations récoltées dans quelques pays du Golfe et dans d’autres pays d’accueil tels que l’Afrique du Sud ou Singapour, nous conduisent à estimer à environ 90 % la part des émigrés qualifiés résidant dans l’ocde ;
- une attention spéciale est accordée à l’homogénéité et à la comparabilité des données entre pays et entre périodes. Aussi, le nombre de pays d’accueil considérés est-il identique en 1990 et en 2000. Cela signifie que l’ex-Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne, le Mexique et la Corée sont pris en compte en 1990 alors qu’ils ne sont devenus membres de l’ocde que plus tard [5] ;
- concernant les niveaux de qualifications, trois catégories sont distinguées (diplôme inférieur au secondaire, diplôme secondaire et diplôme supérieur au secondaire). Les migrants qualifiés sont ceux appartenant à la troisième catégorie. Il va de soi que la littérature sociologique ou économique assimile parfois le concept de « cerveau » aux diplômes très élevés ou à certaines professions (chercheurs académiques, ingénieurs, médecins et autre personnel médical, spécialistes des nouvelles technologies de l’information…) ;
- les individus répertoriés dans la base DM05 sont ceux ayant atteint l’âge de 25 ans durant l’année considérée. Ce choix est guidé par deux principes. Premièrement, cela élimine les individus de moins de 25 ans qui n’ont pas terminé leur parcours scolaire. Ensuite, les stocks estimés pourront être rapportés aux statistiques de capital humain disponibles sur la même tranche d’âge (Barro et Lee [2001]) [6] ;
- le concept d’immigré est principalement lié au lieu de naissance des individus, plutôt qu’à leur nationalité. Le lieu de naissance est invariant dans le temps ; il capte mieux la décision de migrer et s’avère moins sensible aux politiques de naturalisation menées dans les pays d’accueil [7]. De préférence, on considère comme immigré un individu né à l’étranger de parents étrangers (ou de nationalité étrangère à la naissance) [8]. On notera toutefois l’absence d’homogénéité entre pays. Dans certains cas, seul le lieu de naissance est pris en compte (overseas born). Malheureusement, dans un nombre très limité de pays, les immigrés sont exclusivement définis sur base de leur nationalité.
9En 1990, le concept de nationalité doit être appliqué à 12 % des immigrés. Les informations sur le niveau d’éducation sont disponibles pour 91,2 % des immigrés. Des extrapolations sont nécessaires pour les trois pays manquants en 2000, auxquels s’ajoutent l’Italie (extrapolée sur base de la zone eu 15), la Hongrie, la Pologne et l’ex-Tchécoslovaquie (extrapolées sur base du reste de l’ocde).
10S’inspirant de Carrington et Detragiache [1998, 1999] et Adams [2003], les stocks estimés par qualification sont enfin rapportés à la population locale des pays d’origine, dans la même tranche d’âge et selon les mêmes niveaux de diplôme. Les données démographiques sont tirées du site des Nations unies [10]. La structure par qualification des résidents est tirée de De la Fuente et Domenech [2002] pour vingt-deux pays de l’ocde et Barro et Lee [2001] pour les autres pays. Sur la base des recensements collectés pour les pays pauvres (en particulier les pays d’Afrique), les données de Barro et Lee nous semblent les moins éloignées de la réalité [11]. Pour les pays non répertoriés dans la base de Barro et Lee, on applique la structure par qualification du pays voisin présentant la plus grande proximité au regard de l’indice de développement humain (composante éducation).
11Le taux d’émigration du pays i vers la région J, dans la catégorie d’éducation s (s = l, m, h) à l’année t est donné par :
L’impact mondial de l’immigration UE 15
13Étudions d’abord les caractéristiques générales de l’immigration européenne et comparons-les aux caractéristiques des autres grandes régions d’immigration.
Caractéristiques générales
14Le tableau 1 compare les données de population résidente, d’immigration totale et d’immigration qualifiée dans trois groupes de pays de l’ocde (l’Amérique du Nord, l’ue 15 et le reste de l’ocde) et dans les principaux pays (États membres de l’ue 15, les États-Unis, le Canada et l’Australie). En 2000, on constate que l’Amérique du Nord (27,2 % de la population de 25 ans et plus) attire près de la moitié des immigrés adultes et environ 64,2 % des immigrés qualifiés. Au niveau mondial, la moitié des immigrés qualifiés choisissent les États-Unis comme terre d’accueil (50,7 %), soit le double de la part des États-Unis dans la population de l’ocde (24,5 %). Les proportions de qualifiés résidant au Canada (13,4 %) et en Australie (7,5 %) sont respectivement 4,8 et 4,4 fois plus importantes que leur part dans la population de l’ocde. Quant à l’ue 15, si elle attire une fraction d’immigrés (32,6 %) légèrement inférieure à son poids démographique (35,7 %), sa part dans l’immigration qualifiée est beaucoup plus faible (20,9 %).
Structure de l’immigration dans les pays de l’ocde [1990-2000]
Structure de l’immigration dans les pays de l’ocde [1990-2000]
15Sous l’effet de la mondialisation et de l’accroissement de l’offre de qualifications, le stock d’immigrés qualifiés dans l’ocde a augmenté d’environ 67 % entre 1990 et 2000, passant de 12 à 20 millions d’individus. La répartition par région a également sensiblement évolué. On notera que le poids de l’ue 15 s’est accru de 17,4 % à 20,9 %, alors que son poids dans l’immigration totale est en légère diminution. Cette augmentation s’est effectuée au détriment de la part du reste de l’ocde et, dans une moindre mesure, du Canada. Seuls les États-Unis ont pu légèrement augmenter leur poids dans la mobilité internationale du travail qualifié.
16Parmi les pays européens, plusieurs faits remarquables sont à signaler. La place de l’immigration qualifiée est particulièrement faible en France et en Allemagne (environ la moitié de leur poids démographique), deux pays où les immigrés représentent pourtant une fraction importante de la population [12]. Au contraire, le poids du Royaume Uni est important et croissant. Environ 6,2 % des migrants qualifiés résident dans ce pays qui représente 5,4 % de la population de l’ocde. On notera que l’Irlande et le Luxembourg sont des pays relativement attractifs pour les migrants qualifiés. Il s’agit, en grande partie, d’une migration intra-européenne. Parmi les pays caractérisés par une immigration faiblement qualifiée, on note les pays du Sud de l’Europe (Grèce, Espagne, Portugal, Italie) et l’Autriche.
17Le tableau 2 offre une vision plus détaillée de la situation en 2000 par région de destination. On distingue quatre zones d’origine : les pays de l’ocde, l’ue 15, l’Afrique et l’Asie (hors Japon, Corée et Turquie, États membres de l’ocde) et l’Amérique latine (hors Mexique) [13]. Près de 40 % des migrants qualifiés au niveau mondial proviennent d’un autre pays de l’ocde (8,5 millions sur 20,4), et la moitié d’entre eux viennent de l’ue 15 (4,4 millions). Globalement, les migrants en provenance de l’ocde choisissent principalement l’Amérique du Nord comme destination (57,5 %) et sont moyennement qualifiés (35,9 % de qualifiés au total). L’ue 15 n’attire qu’un quart de ces migrants et seulement 21,7 % d’entre eux sont qualifiés.
Origine et qualification des immigrés qualifiés –
Origine et qualification des immigrés qualifiés –
18En matière d’émigration européenne, il est intéressant de noter que seuls 29,9 % migrent vers un autre pays de l’ue 15, avec un niveau moyen de qualification assez faible (21,7 %). Ceci contraste avec la proportion importante d’émigrants à destination de l’Amérique du Nord qui représente près de 47,3 % de l’émigration européenne et se caractérise par un degré de qualification beaucoup plus élevé (49 % de qualifiés) [14].
19Enfin, les migrants en provenance des pays non ocde sont, en moyenne, plus qualifiés que les migrants en provenance de l’ocde (30,9 % de qualifiés d’Afrique, 51,9 % d’Asie, 36,7 % d’Amérique latine contre 30,2 % pour ceux en provenance de l’ocde). Ces chiffres globaux masquent des disparités importantes entre les pays d’origine. Pour les migrants africains, la destination privilégiée est l’Europe (environ 75 % des immigrés totaux et 46,2 % des qualifiés). Les proportions d’Asiatiques (30,7 % pour le total et 13,7 % pour les qualifiés) et de Latino-Américains (15,4 % des immigrés totaux et 9,7 % de qualifiés) allant vers l’Europe sont faibles. Par rapport à l’Amérique du Nord et au reste de l’ocde, on remarque que la qualification des immigrés européens est plus faible que la moyenne, quelle que soit leur origine. En Europe, les Asiatiques sont les plus qualifiés (29,4 % de diplômés supérieurs), contre 23,1 pour les Latinos-Américains et seulement 19 % pour les immigrés africains.
20Si l’immigré moyen est particulièrement peu qualifié en Europe, on notera toutefois un mouvement de convergence significatif dans la composition de l’immigration entre 1990 et 2000 [15]. Parallèlement à la hausse mondiale des niveaux de scolarité, la proportion d’immigrés qualifiés dans l’ocde a augmenté d’environ 5 points de pourcentage entre ces deux dates (de 29,8 à 34,6 %). Comme le suggère la figure 1, la hausse des qualifications s’est avérée beaucoup plus forte en ue 15 où la part des éduqués a augmenté de près de 7 points (de 15,3 à 22,1 %). L’Amérique du Nord et le reste de l’ocde ont connu une évolution beaucoup plus faible (environ 2 points de pourcentage). Au niveau des grandes nations d’immigration, c’est principalement au Royaume-Uni que les qualifications se sont accrues (+ 14 points). La France et le Canada ont connu une progression de 8 points, contre 3 points pour l’Allemagne et l’Australie. La hausse la plus faible est observée aux États-Unis (+ 2,4 points).
L’Europe par rapport à l’ocde [2000]
L’Europe par rapport à l’ocde [2000]
Part des immigrés qualifiés dans l’immigration de la zone [1990-2000]
Part des immigrés qualifiés dans l’immigration de la zone [1990-2000]
La distribution de l’exode vers l’Europe
21Pour comparer la position de l’ue 15 à celle des autres grandes nations d’immigration (nous comparons ici à l’Amérique du Nord sachant que l’Australie mène une politique d’immigration similaire à celle du Canada), il est intéressant de caractériser la distribution générale de la migration qualifiée vers ces deux zones. S’appuyant sur Docquier, Lohest, Marfouk [2005], le taux de migration qualifiée peut être exprimé comme le produit de deux éléments : le taux de migration moyen (proportion d’émigrés, tous niveaux de diplôme confondus) et le biais de sélection. Ce biais de sélection mesure à la fois le rapport entre le taux de migration des qualifiés et le taux de migration moyen et le rapport entre la proportion de qualifiés au sein des émigrants et la proportion de qualifiés au sein de la population native totale. En logarithmes, on a :
Pour l’année 2000, les figures 2a à 2c présentent les densités estimées de ces trois variables pour deux destinations possibles, l’ue 15 et l’Amérique du Nord. Nous utilisons les fonctions à noyaux (communément appelées kernels) [16] et éliminons les pays dont la population est inférieure à 2,5 millions d’habitants. Ce choix a pour but d’éliminer les petites îles (principalement des Caraïbes et d’Océanie) qui, bien que représentant une fraction négligeable des stocks, se caractérisent par des taux de migration extrêmement importants.
Densités estimées du taux de migration qualifiée, du taux de migration global et du biais de sélection (2000 – pays de plus de 2,5 millions d’habitants – variables en log)
Densités estimées du taux de migration qualifiée, du taux de migration global et du biais de sélection (2000 – pays de plus de 2,5 millions d’habitants – variables en log)
Ces disparités de migration qualifiée entre l’Europe et l’Amérique du Nord sont-elles dues à des écarts de taux de migration globaux ou à des différences dans le biais de sélection ?
Contrairement à la distribution du taux de migration qualifiée, la figure 2b montre que les distributions du taux de migration moyen (toutes catégories d’éducation confondues) sont très ressemblantes. Par conséquent, les disparités de fuite des cerveaux vers l’ue 15 et l’Amérique du Nord sont principalement dues à des écarts de biais de sélection.
La figure 2c révèle clairement une translation de la densité de la sélection américaine à droite de la densité européenne. À titre d’exemple, près de 22 % des pays du monde présente un biais de sélection supérieur à 20 (avec un maximum à 193 pour le Mozambique et 187 pour le Niger) à destination de l’Amérique du Nord. Ce pourcentage tombe à 6 % pour l’émigration à destination de l’ue 15.
Les pays concernés par l’exode vers l’Europe
23Si, globalement, l’immigration ue 15 est peu qualifiée, l’analyse des densités suggère que l’Europe contribue fortement à l’exode de cerveaux d’un nombre limité de pays. Terre d’accueil privilégiée des migrants en provenance de l’Afrique, l’ue 15 est susceptible d’exercer un effet important sur la fuite des cerveaux africains. Ainsi, la figure 3 met en perspective le taux d’émigration qualifiée et la contribution de l’ue 15 (part européenne dans le stock d’immigrés qualifiés) pour l’ensemble des pays du monde. Nous considérons que la contribution européenne est importante (resp. très importante) lorsque la part des émigrés qualifiés vivant en Europe est supérieure à la part de l’ue 15 dans la population de l’ocde (resp. deux fois la part). De même, un taux de migration qualifiée supérieur à 30 % peut être considéré comme très important.
Contribution ue 15 dans la fuite des cerveaux internationale
Contribution ue 15 dans la fuite des cerveaux internationale
24On constate que la contribution européenne est importante dans environ soixante-quinze cas, voire très importante dans vingt cas. Certains de ces pays connaissent un taux de fuite des cerveaux très élevé vers l’ue 15. Ainsi, l’ue 15 joue un rôle très significatif dans l’exode des cerveaux de pays tels que la Gambie, Chypre, le Cap Vert, le Sierra Leone, l’île Maurice, les Seychelles, Malte, le Ghana, la Somalie, l’Ouganda, le Kenya, etc. Plus encore, l’ue 15 est la principale destination des cerveaux en provenance du Suriname, du Mozambique, de l’Angola, de São Tome et Principe, de la république du Congo, de la Guinée-Bissau, du Togo ou des îles Comores. La contribution européenne est faible s’agissant des États les plus affectés par la fuite des cerveaux (en bas et à droite du graphique). Il s’agit toutefois principalement de petits pays ou de petites îles situées dans les Caraïbes et dans l’océan Pacifique.
25Ce constat est confirmé par le tableau 3 qui offre un classement des vingt-cinq pays les plus touchés par l’émigration qualifiée, en valeur absolue (stocks) et relativement à la population d’origine (taux d’émigration). Comme pour l’analyse des densités, nous éliminons les pays dont la population est inférieure à 2,5 millions. En termes absolus, les stocks d’immigrés qualifiés les plus importants en ue 15 sont issus d’autres pays de l’Union (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, France, Irlande, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Grèce) mais aussi des États-Unis, de l’Inde, de Pologne, du Maroc, de Turquie. Concernant les nations fortement touchées par l’exode de leurs cerveaux (colonne 1), on notera que l’ue 15 attire environ 67 % des migrants qualifiés en provenance de Turquie, 40 % des Américains, 33 % des Polonais, 28 % des Pakistanais, 23 % des Iraniens, 14 % des Indiens, 6 % des Chinois. Pour ces pays, l’Europe occupe une place importante sur l’échiquier mondial. En termes relatifs, les quinze pays les plus affectés par la fuite de leurs cerveaux connaissent des taux allant de 30 à 85 %. Proportionnellement à leur population locale qualifiée, les pays africains occupent une place importante dans le classement. Il n’est donc pas étonnant de constater que l’Europe joue un rôle marqué sur les pertes de capital humain de ces pays. Plus précisément, l’impact de l’ue 15 est crucial pour environ huit pays parmi les vingt les plus touchés par le phénomène de fuite des cerveaux. Alors que la part de l’ue 15 dans la population adulte de l’ocde avoisine 35 %, l’Europe explique environ 80 % de l’exode de l’Angola et du Mozambique, environ la moitié des pertes de la Somalie, du Sierra Leone, du Kenya, de l’Ouganda et de l’Irlande (intra-ue 15), environ un tiers des pertes du Ghana. Dans une moindre mesure, l’Europe joue un rôle significatif pour des pays tels le Liban, le Rwanda, le Sri Lanka ou la Croatie. Généralement, l’émigration vers l’Amérique du Nord vient renforcer le rôle de l’Europe.
Principaux pays concernés par la fuite des cerveaux (top 25 par zone de destination)
Principaux pays concernés par la fuite des cerveaux (top 25 par zone de destination)
Analyse exploratoire des différences avec l’Amérique du Nord
26L’analyse des données montre que des pays géographiquement proches peuvent exhiber des taux de migration très différents (1,8 % pour le Burkina Faso et 19,1 % pour le Ghana), alors que certains pays éloignés connaissent des taux proches (10,1 % pour l’Afghanistan, 10,7 % pour le Rwanda, 9,7 % pour la Barbade). Ces observations suggèrent que la localisation géographique n’est pas le seul facteur explicatif des disparités observées entre les pays. En plus des distances (géographiques, culturelles, etc.), la théorie économique des migrations internationales met en évidence divers déterminants des flux migratoires et de leur composition, notamment par niveau de qualification. On distingue les facteurs push (facteurs répulsifs propres aux pays d’origine), les facteurs pull (facteurs attractifs propres aux pays d’accueil), les effets de réseau, auxquels s’ajoutent les critères de politique d’immigration imposés principalement par les pays d’accueil.
27Seule une analyse économétrique rigoureuse permettrait d’appréhender le rôle de chacun de ces facteurs. Notre ambition est ici plus limitée. À l’aide de deux techniques exploratoires (une analyse de shift-share et une analyse d’autocorrélation spatiale), nous cherchons à cerner si la faible qualification des immigrés européens est davantage liée aux caractéristiques générales des pays d’origine (réactions différentes aux facteurs push ou différences dans l’offre de qualification), ou aux caractéristiques des pays d’accueil (facteurs attractifs plus importants pour les qualifiés ou politiques d’immigration plus sélectives).
Effet pays versus Sélection : une analyse shift-share
28Outre l’immigration intra-européenne, l’ue 15 se caractérise par un grand nombre d’immigrés en provenance d’Afrique, continent caractérisé par les indicateurs de capital humain, d’instabilité politique, de libertés individuelles les plus défavorables. Ces caractéristiques sont susceptibles d’expliquer en partie la faible qualification des immigrants européens. En effet, les pays à faible niveau de capital sont susceptibles d’envoyer davantage d’immigrés peu qualifiés. Pour dissocier l’effet pays et l’effet de sélection, il est intéressant (i) de comparer les proportions d’émigrés qualifiés à destination de l’ue 15 et de l’Amérique du Nord au départ de chaque pays du monde et (ii) de transposer les proportions américaines aux stocks d’immigrés européens par pays d’origine.
29Pour chaque pays source, la figure 4 compare la proportion d’émigrés qualifiés à destination de l’ocde, par ordre décroissant, de la zone Amérique du Nord et de l’ue 15. Elle montre clairement que la moindre qualification des immigrés européens est un résultat très général qui s’applique quasiment à tous les pays d’origine possibles, même les plus pauvres. Les proportions de qualifiés dans l’ue 15 sont généralement inférieures aux parts dans l’ocde, à l’exception d’une quinzaine de pays d’origine. Mis à part les États-Unis, la Slovaquie ou Malte, ces pays envoient généralement une fraction négligeable de leurs émigrés vers l’ue 15, particulièrement les pays d’Amérique latine.
Part des qualifiés dans l’émigration totale vers l’ocde, l’Amérique du Nord et l’ue 15 [2000]
Part des qualifiés dans l’émigration totale vers l’ocde, l’Amérique du Nord et l’ue 15 [2000]
30Pour l’année 2000, les données révèlent que les immigrés qualifiés représentent environ 45 % de l’immigration totale en Amérique du Nord, contre 22,1 % dans l’ue 15 (35 % pour la zone ocde dans son ensemble). En transposant, pour chaque pays d’origine, la structure par qualification nord-américaine au stock global observé en ue 15, la proportion d’immigrés qualifiés en ue 15 atteindrait 56,5 %, soit 11,5 % de plus que la proportion nord-américaine et 34,4 % de plus que la proportion observée en Europe. Notons que l’expérience inverse (transposition de la structure par qualification européenne aux stocks nord-américains) donne une proportion de 35,4 %, soit 13,3 % de plus que la proportion observée en Europe. Ces expériences « contrefactuelles » suggèrent que la faible qualification des immigrés européens est davantage liée à l’effet sélection qu’à l’origine géographique des migrants.
Sensibilité aux facteurs « push »
31Tester la sensibilité aux facteurs répulsifs nécessite un modèle économétrique explicatif des comportements migratoires. La construction d’un tel modèle soulève plusieurs difficultés. Premièrement, dans la mesure où nos variables sont exprimées au départ de stocks de migration (et non des flux), les variables explicatives doivent être récoltées sur un grand nombre de périodes. En effet, le stock d’immigrés marocains en France en 2000 est susceptible d’être lié aux conditions socio-économiques et politiques des décennies précédentes. Ensuite, dès lors qu’on s’intéresse à des régions de destination (et non aux échanges bilatéraux), les caractéristiques de ces régions d’accueil sont plus complexes à appréhender.
32Plus modestement, cette section vise à explorer la pertinence empirique des liens entre la configuration spatiale des taux d’émigration qualifiée et la proximité culturelle, politique ou religieuse des pays d’origine. Intuitivement, cela revient à déterminer si les similitudes que l’on observe en termes de taux de fuite des cerveaux et de biais de sélection entre deux pays sont le reflet de l’expression d’une forme particulière de proximité dans les caractéristiques des pays d’origine (caractéristiques culturelle, politique, sociale ou géographique) ou, au contraire, ne sont le fruit que d’une distribution aléatoire du phénomène. Deux pays proches en termes géographique, culturel, ethnique ou politique auront-ils, en moyenne, une plus forte similitude dans leurs comportements de migration que deux lieux éloignés ? Identifier les facteurs susceptibles d’expliquer la position relative d’un pays d’origine par rapport aux autres pays sources devrait ainsi permettre d’approcher les liens qui unissent des données similaires. Dans un tel contexte, cette analyse doit être considérée comme une première étape dans l’exploitation de la base de donnée.
33Pour évaluer ce degré de proximité entre les observations, les tests d’autocorrélation [17] développés et appliqués dans la littérature récente de l’analyse exploratoire des données spatiales (cf. Anselin [1988], Anselin et Florax [1995], Le Gallo [2002], Griffith et Layne [1999]) sont d’une aide précieuse. Les coefficients d’autocorrélation basés sur différentes variables (potentiellement) explicatives devraient nous aider dans la compréhension de la structuration géographique de la migration qualifiée à destination de l’ue 15 et de l’Amérique du Nord.
34Pour évaluer ces proximités, l’analyse s’appuie sur la statistique globale de Moran, en généralisant la notion de proximité spatiale à d’autres mesures de proximité (Eff [2004a, b]). En particulier, nous avons utilisé trois ensembles de mesures de proximité capturant les principaux facteurs répulsifs mis en évidence par la théorie des migrations internationales.
35Les matrices de proximité culturelle. Les premières matrices sont basées sur des indicateurs de diversité ethnique, linguistique et religieux développés par Alesina et al. [2002]. Formellement, ces indicateurs mesurent la probabilité que deux individus, tirés aléatoirement dans un pays, appartiennent au même groupe ethnique, religieux ou linguistique. Dans les pays pauvres, la diversité est susceptible d’engendrer des phénomènes discriminatoires poussant à la migration (cf. Collier et Gunning [1999]). Formellement, pour toute paire de pays, la distance dij mesure la valeur absolue de la différence entre l’indicateur de diversité du pays i et celui du pays j. Ensuite, cette mesure de distance est convertie en une mesure de proximité wij en utilisant la transformation suivante : wij = (1 + dij)-1.
36Les matrices de proximité politique. Différentes mesures de proximité politique sont utilisées, fondées sur des indices d’instabilité politique (nombre de conflits armés, base prio), de démocratie (base Polity IV), de libertés civiles et de droits politiques (Freedom house index). L’instabilité politique est un facteur répulsif évident. Pour l’évaluation des proximités politiques, on utilise la même méthode de calcul que pour les proximités culturelles.
37Les matrices de distance. Nous utilisons différents indicateurs de proximité linguistique, religieuse, coloniale ou géographique calculés par Eff [2004a, 2004b]. Les distances géographiques sont fondées sur la distance en kilomètres entre le centroïde du pays i et le centroïde du pays j. Les proximités géographiques sont alors données par wj = (1 + 0,001 × dij)2. La matrice de proximité religieuse repose sur la répartition de la population de chaque pays en fonction de sept courants religieux (christianisme romain, christianisme orthodoxe, etc.). La proximité religieuse est définie comme la probabilité qu’un individu tiré aléatoirement dans le pays i adhère au même courant religieux qu’un individu tiré aléatoirement dans le pays j. La matrice de proximité linguistique repose sur un principe similaire mais tient compte des distances entre les racines de chaque langage. Enfin, la matrice de proximité coloniale capture l’existence d’un passé colonial commun entre deux pays. En particulier, deux pays qui ont été dominés par un même pouvoir colonial (comme ce fut le cas pour l’Inde et le Nigeria) seront considérés comme proches au regard de cet indicateur.
38Ces matrices de proximité (ou matrices de poids) sont standardisées et rendues telles que la diagonale soit égale à zéro et que la somme des lignes soit égale à l’unité. Le tableau 4 présente la statistique globale I de Moran estimée pour la migration qualifiée et le biais de sélection, par mesure de proximité. Ces statistiques ont été calculées sur l’ensemble des pays du monde [18] et pour l’année 2000. Les valeurs des statistiques I sont complétées par la p-value associée à l’hypothèse nulle (les pays proches n’ont pas de similitudes en termes de comportements migratoires) dont l’inférence statistique est basée sur l’approche par permutation avec 10 000 permutations.
Tests d’autocorrélation pour la migration à destination de l’ue 15 et de l’Amérique du Nord
Tests d’autocorrélation pour la migration à destination de l’ue 15 et de l’Amérique du Nord
39Les résultats de la statistique de Moran relatifs aux biais de sélection révèlent que cette statistique est positivement significative pour un grand nombre de mesure de proximité différente : ceci suggère que la répartition au niveau mondial de la migration qualifiée telles que nous pouvons l’observer n’est pas aléatoire mais tend à répondre à la présence, dans les pays d’origine, de certains facteurs répulsifs de la migration. En d’autres termes, les pays possédant des biais de sélection relativement proches sont caractérisés par des indicateurs politiques, sociaux ou culturels similaires. Cette association positive est particulièrement marquée si l’on tient compte de la proximité linguistique, de la fragmentation ethnique, de la fragmentation linguistique, religieuse ou politique.
40La comparaison des statistiques globales de Moran calculées par destination (ue 15 ou Amérique du Nord) révèle une forte similarité entre ces deux zones, quelle que soit la variable de proximité retenue. Cette ressemblance dans les résultats entre les deux régions suggère que les facteurs répulsifs sous-jacents aux matrices de proximité jouent de manière équivalente en ce qui concerne le biais de sélection. Sous réserve que ce postulat soit confirmé par une analyse causale plus fine, les écarts de sélection mis en évidence à la section précédente par destination s’expliqueraient dès lors par d’autres déterminants tels que les facteurs attractifs (primes de qualification plus fortes, moindre redistribution, durée des visas, etc.) et les politiques de sélection des immigrés.
41Cette similarité est plus nuancée en ce qui concerne le taux de migration des qualifiés. En effet, la statistique globale de Moran varie plus fortement entre les zones. Ainsi, la distribution de la migration qualifiée apparaît comme plus « aléatoire » à destination de l’Amérique du Nord si l’on considère le degré d’association ethniqbue entre les pays d’origine mais significative pour la migration européenne. Une interprétation possible de cette différence se trouverait au niveau de la composition des pays sources. En effet, selon Alesina et al. [2002], les pays africains sont davantage affectés par la diversité ethnique ou linguistique (principalement les pays sub-sahariens) que les autres pays du monde, ce qui peut expliquer en partie nos résultats étant donné le rôle prépondérant du continent africain dans la migration qualifiée à destination de l’Europe. À l’inverse, la répartition de la migration qualifiée à destination de l’ue 15 apparaît comme davantage aléatoire si l’on tient compte de la proximité entre pays en termes de fragmentation religieuse, de régime politique ou de démocratie, ce qui n’est pas vrai pour la migration à destination de l’Amérique du Nord. On notera que les autocorrélations les plus fortes sont obtenues avec les matrices de libertés individuelles et de proximité géographique quelle que soit la destination.
Effets nets pour l’UE 15
42La base de données DM05 permet de comparer les entrées et les sorties de main-d’œuvre qualifiée dans les pays de l’ue 15. Faisant abstraction des problèmes de comparabilité des diplômes entre immigrants et natifs, des questions d’assimilation, de discrimination et de performances relatives, le tableau 5 fournit un bilan des gains nets de personnel diplômé pour chaque pays européen et pour l’ue 15 dans son ensemble.
Gain net de main-d’œuvre qualifiée dans les pays de l’ue 15 [1990-2000]
Gain net de main-d’œuvre qualifiée dans les pays de l’ue 15 [1990-2000]
(en milliers)43Alors que la libre circulation des personnes au sein de l’Union est inscrite dans le traité de Rome, la Commission [2001] souligne que la mobilité de ses citoyens est très faible par rapport aux États-Unis (et ce, malgré diverses initiatives communautaires en faveur de la mobilité des chercheurs et des personnes qualifiées). Néanmoins, les échanges européens occupent une place importante dans le bilan de chaque pays. On constate que six pays reçoivent davantage que ce qu’ils perdent. En 2000, les gains nets les plus élevés sont observés au Royaume-Uni (81 100) et en Allemagne (87 700), mais quatre autres pays bénéficient également des échanges européens (Belgique, France, Luxembourg et Suède). Les autres pays européens enregistrent un déficit net. Ce groupe inclut les quatre pays de la cohésion (Espagne, Grèce, Irlande, Portugal) ainsi que l’Italie (128 000).
44Si l’on analyse les échanges des pays européens avec les grandes nations d’immigration que sont les États-Unis le Canada et l’Australie. Tant en 1990 qu’en 2000, le bilan est catastrophique (figure 5). Seul le solde global avec les autres pays de l’ocde (hors ue 15, Canada, États-Unis et Australie) s’est amélioré significativement sur la dernière décennie, passant d’un léger déficit à un léger excédent. Par rapport aux trois nations citées ci-dessus, la perte pour l’ue 15 est évaluée à 2,4 millions de personnes en 2000. Les États-Unis contribuent pour 49 % à cette perte, le Canada pour 31 %. Les deux pays les plus touchés sont l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui voient leurs gains nets par rapport à l’ue se transformer en pertes nettes. L’exode des cerveaux européens vers ces nations s’avère un problème majeur au niveau de l’Union européenne, expliquant une partie des retards en matière d’investissements en R&D ou de performances dans les domaines scientifiques et technologiques (cf. Commission européenne [2003a et 2003b]).
Échanges bilatéraux de l’ue 15 avec le reste de l’ocde [1990-2000]
Échanges bilatéraux de l’ue 15 avec le reste de l’ocde [1990-2000]
45Si l’Europe enregistre une large perte nette de capital humain dans ses échanges avec les grandes nations d’immigration, elle compense quasiment ce déficit en attirant suffisamment de diplômés en provenance des pays en développement et, dans une moindre mesure, des autres pays de l’ocde. Une perte nette de 150 100 individus qualifiés est observée en 2000, soit 0,1 % de la population ue 15 de 25 ans et plus. Dans ce processus d’échanges extra-ue 15, les principaux gagnants sont la Suède (1,5 %), le Luxembourg (1,2 %), la France (0,6 %) ou la Belgique (0,5 %). Les perdants nets sont l’Irlande (– 3,1 %), la Grèce (– 1,1 %), le Portugal et le Royaume Uni (– 0,7 %). Notons que le solde global de l’ue 15 était plus largement négatif en 1990 : il s’élevait à environ – 1,2 million, soit – 0,5 % de la population adulte.
46L’effet net de l’ue 15 en 2000 est dérisoire par rapport aux gains observés dans les trois grandes nations d’immigration (5,4 % pour les États-Unis, 10,7 % pour le Canada et 11,3 % pour l’Australie). Il traduit toutefois un phénomène caractéristique de la mondialisation du travail qualifié. Pour des raisons technologiques ou institutionnelles, certains pays s’avèrent plus attractifs que d’autres pour le personnel hautement qualifié. Les pays moyennement attractifs tentent alors de compenser l’exode des cerveaux en attirant une main-d’œuvre qualifiée en provenance d’autres pays. Ce phénomène est caractéristique du Canada, de l’Allemagne ou du Royaume Uni qui compensent les pertes vis-à-vis des États-Unis par une immigration qualifiée souvent originaire des pays en développement. Par exemple, des professionnels sud-africains ou pakistanais sont recrutés pour remplacer l’émigration de médecins, d’infirmières ou d’informaticiens du Royaume-Uni vers les États-Unis (cf. Bhorat et al. [2002], Akbar et al. [1993]). Ces effets de cascades ne se limitent pas aux pays industrialisés. À leur tour, les pays en développement peuvent également recruter du personnel en provenance de nations moins développées. Par exemple, l’Afrique du Sud attire des travailleurs qualifiés venant du Zimbabwe, de la Zambie, du Kenya, de l’Ouganda, de la Tanzanie, etc.
47Selon ce schéma, la migration des qualifiés au niveau mondial se structure sous forme de pyramide, au sommet de laquelle se positionnent les États-Unis (seul pays membre de l’ocde qui enregistre un solde positif vis-à-vis de toutes les autres nations). Les six États du Golfe persique (Arabie Saoudite, Bahreïn, Qatar, Émirats Arabes Unis, Koweït, Oman) occupent également une place de choix. À la base de ce système hiérarchique, les nations les plus pauvres sont les grandes perdantes. Entre la base et le sommet se positionnent, à des niveaux divers, d’autres pôles d’attraction des travailleurs qualifiés, tels que le Canada, l’Australie, Singapour, la Malaisie et finalement l’Union européenne.
Conclusion
48Cet article repose sur la base de données DM05 (Docquier et Marfouk [2005]) qui offre une mesure exhaustive de l’émigration de travailleurs qualifiés de tous les pays du monde en 1990 et 2000. Nous soulignons ici le rôle fondamental de l’Union européenne à quinze membres dans le débat sur la migration internationale des travailleurs qualifiés. Les constats suivants sont mis en évidence :
- l’ue 15 se distingue par la faible qualification de ses entrants : seuls 22 % ont un diplôme supérieur au secondaire, contre une moyenne de 35 % au niveau des entrants dans l’ocde. Entre 1990 et 2000, un mouvement de convergence s’est opéré, principalement sous l’impulsion du Royaume-Uni ;
- toutefois, en attirant une part prépondérante des travailleurs qualifiés en provenance des pays africains (i.e. les moins dotés en capital humain), l’ue 15 joue un rôle important dans l’exode des cerveaux de pays sévèrement touchés à l’échelle planétaire Elle explique environ 80 % de l’exode de l’Angola et du Mozambique, environ la moitié des pertes de la Somalie, du Sierra Leone, du Kenya, de l’Ouganda et de l’Irlande, environ un tiers des pertes du Ghana. Elle joue un rôle significatif pour des pays tels le Liban, le Rwanda, le Sri Lanka ou la Croatie. Ce résultat est confirmé par les estimations non paramétriques des densités de taux d’émigration. Les biais de sélection vers l’Europe sont importants pour un nombre limité de pays d’origine ;
- la comparaison des taux d’émigration vers l’ue 15 et l’Amérique du Nord révèle que les différences se situent principalement dans les biais de sélection des migrants. Les tests de Moran suggèrent que ces différences sont davantage liées aux facteurs attractifs et aux politiques d’immigration qu’à des différences de comportement face aux facteurs répulsifs ;
- l’ue 15 est également concernée par les sorties de travailleurs qualifiés vers les grandes nations d’immigration. Elle enregistre un déficit important dans ses échanges migratoires avec les États-Unis, le Canada et l’Australie. En 2000, ce déficit est quasiment compensé par l’entrée d’immigrants en provenance du reste de l’ocde et des pays en développement. L’équilibre des échanges européens contraste avec les gains importants relevés dans les autres nations d’immigration.
Bibliographie
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Notes
-
[*]
Fonds national de la recherche scientifique et ires, Université catholique de Louvain, 3 place Montesquieu, B-1348 Louvain-La-Neuve, Belgique. Courriel : docquier@ ires. ucl. ac. be
-
[**]
Iweps, Ministère de la Région wallonne, 1 place de Wallonie, B-5100 Jambes, Belgique. Courriel : O. Lohest@ iweps. wallonie. be
-
[***]
Université libre de Bruxelles, et iweps, Ministère de la Région wallonne, 1 place de Wallonie, B-5100 Jambes, Belgique. Courriel : A. Marfouk@ iweps. wallonie. be
Nous remercions Anthon Eff pour la transmission des matrices de proximités culturelle et géographique. Les commentaires des referees nous ont été extrêmement précieux. Le premier auteur remercie la Banque mondiale pour son soutien financier (Contrat 7620076, UPI 269656). Les erreurs et manquements relèvent de l’unique responsabilité des auteurs. -
[1]
La divergence entre le taux de croissance observé au niveau mondial et nos estimations au niveau de la zone ocde s’explique par le fait que le stock des migrants internationaux a progressé de façon significative au niveau des pays développés. Selon les Nations unies [2002], au cours de la même période de référence le stock d’immigrés a progressé de 27,9 % pour les pays développés. En revanche, on observe une baisse de 2,6 % dans les pays en développement.
-
[2]
Le lieu de naissance offre l’avantage d’être invariant dans le temps. En revanche, les individus peuvent acquérir la nationalité des pays d’accueil et de ce fait, disparaissent des statistiques d’immigration fondées sur le critère de nationalité.
-
[3]
Par exemple, le pourcentage de qualifiés parmi les immigrés tunisiens en France est supposé identique au pourcentage de qualifiés parmi les immigrés tunisiens aux États-Unis. Les estimations de Docquier et Marfouk [2005] révèlent les limites de cette hypothèse. En effet, par référence à l’année 1990, 63 % des immigrés tunisiens aux États-Unis ont un niveau de qualification supérieur au secondaire, contre seulement 7 % en France.
-
[4]
La Commission européenne [2003a] souligne le nombre important de visas H1-B accordés par les États-Unis aux travailleurs qualifiés originaires du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou de la France. On notera aussi (voir Commission européenne [2003b]) que près de 11 000 docteurs nés en Europe et résidant aux États-Unis n’ont pas prévu de retourner en Europe, cette tendance étant même à la hausse.
-
[5]
En 1995 pour la République tchèque, 1996 pour la Corée, la Hongrie et la Pologne et 2000 pour la République slovaque.
-
[6]
Cette limite d’âge de 25 ans peut être jugée élevée pour caractériser l’âge de travail des individus. La base de Barro et Lee fournit également le stock de capital humain pour les personnes âgées de 15 ans. Cette limite alternative n’a pas été retenue pour trois raisons : (i) pour éviter de comptabiliser les migrants pour motif d’étude, (ii) parce que l’âge de 15 ans ne correspond généralement pas à l’âge de travail (dans certains pays de l’ocde, la scolarité est obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans) et (iii) pour des raisons de comparabilité avec d’autres travaux, notamment les études de Carrington et Detragiache [1998, 1999] et Adams [2003].
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[7]
Les données des recensements américains montrent que les personnes naturalisées représentaient respectivement 40,5 % et 40,3 % des immigrés en 1990 et en 2000.
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[8]
En anglais, le terme choisi est foreign born.
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[9]
L’enquête Force de Travail est utilisée. Cette enquête fournit des indications moins détaillées que les recensements et registres nationaux. Elle est utilisée pour seulement 2 % de l’immigration ocde.
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[11]
Cohen et Soto [2001] ont développé une base de données alternative qui débouche sur de meilleurs estimateurs de la relation entre croissance et capital humain. D’après les recensements récoltés dans quelques pays d’Afrique, les données de Cohen et Soto nous semblent plus éloignées des chiffres officiels que les données de Barro et Lee. Étant donné l’importance de l’Afrique dans le débat sur l’exode des cerveaux, nous avons privilégié les données de Barro et Lee.
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[12]
On notera toutefois une évolution au niveau de ces deux pays entre 1990 et 2000 qui peut s’expliquer par un plus fort recrutement de migrants qualifiés.
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[13]
L’addition des totaux par région de destination (OCDE, Afrique, Asie, Amérique latine) est légèrement inférieure au total donné dans le tableau 1 (20 834 millions en 2000). La différence correspond aux migrants venant d’Océanie (hors Australie et Nouvelle-Zélande) et aux individus n’ayant pas renseigné de pays d’origine.
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[14]
Ceci confirme les résultats de Saint-Paul [2004] qui met en évidence que les expatriés aux États-Unis de six pays européens sont à la fois plus qualifiés que les natifs du pays d’origine et du pays de destination.
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[15]
Une estimation non paramétrique des transitions locales 1990-2000 est disponible sur demande auprès des auteurs.
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[16]
Au cours de la dernière décennie, de nombreux ouvrages ont été publiés sur les estimations non paramétriques des fonctions de densité (voir Silverman [1986], Härdle [1990], Simonoff [1996]. Ici, nous utilisons le kernel gaussien avec un paramètre de lissage optimal qui minimise la moyenne du carré des erreurs (voir Silverman [1986]).
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[17]
On appelle autocorrélation spatiale le fait qu’en général deux lieux quelconques voisins ont plus tendance à se ressembler que deux lieux éloignés l’un de l’autre. Contrairement à une simple mesure de corrélation standard (qui est unidirectionnelle), l’autocorrélation spatiale est une mesure de corrélation multidirectionnelle.
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[18]
La taille de l’échantillon est répertoriée en colonne 1 pour chaque mesure de proximité.