Notes
-
[*]
European University Institute, Robert Schuman Centre for Advanced Studies, Via delle Fontanelle 19, 50016 San Domenico di Fiesole, Italie (courriel : martial. foucault@ iue. it) et Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
-
[**]
Laboratoire d’économie publique (laep), Université Paris I Panthéon-Sorbonne (courriel : abel@ univ-paris1. fr) et Maison des sciences économiques, 106/112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13.
-
[1]
Les variables non monétaires généralement utilisées sont l’appartenance politique, l’ancienneté, la réglementation sur les financements électoraux (Palda et Palda [1985], Crain et al. [1988], Stratmann et Aparicio-Castillo [2002], Foucault et François [2002]) et les caractéristiques politico-économiques de la circonscription d’élection (Fleck et Kilby [2002]), etc.
-
[2]
En plus de disposer d’autres avantages qui vont peser sur le niveau de sa fonction reliant les dépenses aux suffrages.
-
[3]
Les méthodes économétriques utilisées sont, premièrement, la régression linéaire par les doubles moindres carrés des dépenses de campagne. Dans ce cas, la première étape vise à expliquer la dépense du sortant, la seconde à expliquer les suffrages obtenus par le sortant tout en conservant les résultats de la première étape. Deuxièmement, il s’agit de la méthode des équations simultanées, expliquant simultanément la dépense du sortant, la dépense du challenger et les suffrages du sortant.
-
[4]
En particulier, la lecture des coefficients des deux premières régressions tient compte davantage compte de l’intervalle de confiance que la valeur réelle du coefficient.
-
[5]
Pour le détail de la réglementation française, voir l’annexe 2.
-
[6]
Les montants des dépenses des candidats, ainsi que la décomposition de leurs ressources proviennent des comptes de campagne déposés auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (ccfp, 1998).
-
[7]
Ce résultat est rendu possible par les accords de désistement à l’intérieur des coalitions électorales : le candidat sortant peut être devancé par deux candidats de la même coalition, le second se désistant au second tour en faveur du candidat en tête.
-
[8]
Le coefficient de variation des dépenses est donné par
Le coefficient de variation des suffrages est donné par . -
[9]
Une présentation statistique des variables est donnée dans l’annexe 1.
-
[10]
Il est à noter que la corrélation entre les variables du nombre de mandats locaux et de l’appartenance à un exécutif local est très faible bien que statistiquement significative (uniquement au seuil de 0.1) et négative puisque le coefficient de corrélation entre les deux variables s’élève à – 0.088.
-
[11]
La variable est construite à partir des relevés du csa (« Les élections législatives (25 mai et 1er juin 1997) Rapport sur la campagne à la radio et à la télévision », août 1997) et sur les relevés opérés par Foucault et François. Elle regroupe également les ministres et anciens ministres.
-
[12]
Les données proviennent du recensement général de l’insee de 1999 dont une exploitation par circonscription a été effectuée à la demande des députés.
-
[13]
Hétéroscédasticité qui n’a pas été détectée lors de l’examen graphique des résidus.
-
[14]
En supposant que les mco sont la méthode d’estimation la plus efficiente, la valeur du ? 2 est de – 3,83, ce qui peut s’interpréter comme une preuve importante qu’on ne peut rejeter l’hypothèse nulle selon laquelle les différences de coefficients sont systématiques.
-
[15]
Les faibles différences entre les coefficients estimés et entre leur écart type des deux estimations expliquent le fait que le test d’Hausman de différence systématique entre les estimateurs ne soit pas concluant quant à la plus grande efficience d’une méthode sur l’autre.
-
[16]
Pour une présentation exhaustive des études et des résultats empiriques, voir François [2003].
-
[17]
Pour une revue plus détaillée de la législation et de son évolution, on se reportera à J.-P. Camby [1995].
-
[18]
Les partis politiques sont directement financés par des fonds publics à travers d’autres mécanismes. De plus, les dons des personnes physiques sont dans certaines mesures déductibles de la base d’imposition de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
Introduction
1 Longtemps, les liens entre l’argent et la politique ont été occultés en France. Pour de multiples raisons, la question du financement des campagnes électorales restait caduque dans le débat public. Cette absence a conduit à penser de façon incidente que les questions financières n’avaient aucune influence sur le déroulement et le résultat des élections. La mise en lumière de certaines pratiques, ainsi que des campagnes de plus en plus onéreuses et ostentatoires, ont néanmoins remis en cause ces idées et ont provoqué le vote d’une réglementation du financement des campagnes électorales et d’un transfert du financement privé vers une prise en charge financière essentiellement publique.
2 Cette réglementation a notamment permis de connaître les sources de financement et les niveaux de dépenses de tout candidat à la députation. Ces données offrent des opportunités d’analyse empirique importante. Ainsi, en 1998, l’étude conduite par K. Palda et F. Palda [1998] a tenté d’analyser les liens existant entre suffrages obtenus et dépenses engagées dans le cas français à partir des élections législatives de 1993. Ce travail empirique concluait à un avantage positif pour les députés sortants d’environ 1,01 point de pourcentage de voix pour chaque franc supplémentaire dépensé par électeur inscrit. Ce gain marginal était toutefois largement dépassé par la productivité marginale des adversaires les mieux placés. La principale limite de ce travail est de n’avoir pas su expliquer les raisons de la présence de rendements marginaux décroissants pour la dépense du sortant et de considérer les niveaux de dépense électorale des candidats comme exogènes. Aussi, les possibilités d’analyse étaient-elles limitées par une réglementation électorale inachevée dont les effets ne pouvaient être intégrés dès 1993.
3 Rappelons que, depuis 1988 et en l’espace de sept ans, la législation française en matière de dépenses électorales a été profondément modifiée de trois manières. Premièrement, le financement par les entreprises et les associations a été interdit ; deuxièmement, un remboursement public sous certaines conditions des dépenses a été introduit ; enfin, les plafonds de dépense autorisés par circonscription ont été diminués.
4 Notre travail s’inscrit dans la lignée de l’analyse économique des déterminants du vote (pour une revue de littérature, voir Lewis-Beck et Paldam [2000]), et cherche à mettre en évidence l’impact des conditions macroéconomiques (Carlsen [2000], Norpoth et al. [1991]) sur les comportements électoraux. Mais il s’en distingue par le fait qu’il insiste sur les déterminants associés aux campagnes électorales, notamment et surtout les dépenses engagées par les candidats, et par une analyse à un niveau relativement désagrégé, en l’occurrence les circonscriptions législatives.
5 Ainsi, après un rappel de la littérature concernant les fonctions de transformation des dépenses électorales en suffrages, nous envisagerons les modèles théoriques et empiriques de la fonction, et leur application au processus politique français. Une présentation du scrutin législatif de 1997 et des principales données statistiques permettra de définir les variables explicatives pertinentes retenues pour spécifier notre relation fonctionnelle. Ensuite, nous estimerons cette relation et nous déterminerons le rendement de la dépense en voix du sortant. Enfin, nous conclurons par une mise en perspective de nos résultats avec plusieurs travaux empiriques récemment conduits en France et aux États-Unis.
Dépenses électorales et résultats électoraux
6 L’analyse économique des fonctions de vote repose sur un développement important d’études théoriques et empiriques cherchant à définir la « fonction de production » de votes (Lott et Warner [1974]), ou fonction de transformation de la dépense en suffrages. Ces fonctions microéconomiques se distinguent des modèles politico-économiques à visée macroéconomique qui tentent de mettre en évidence les liens entre les fluctuations économiques et les variations politiques.
Fonctions de transformation de la dépense
7 La fonction de transformation de la dépense en suffrages peut être définie de la manière suivante :
La relation entre une grandeur monétaire et les suffrages obtenus retrace la capacité du candidat, d’une part, à trouver des financements et, d’autre part, à transformer ces contributions en suffrages. En d’autres termes, elle permet de quantifier l’intensité de la campagne électorale du candidat. L’effet de la dépense électorale sur les décisions de vote des électeurs repose sur les activités qu’elle est susceptible de financer. En effet, l’utilisation principale des dépenses de campagne correspond à la production et à la diffusion d’informations (Nelson [1976]) facilement accessibles (i.e. peu coûteuses) auprès des électeurs pour qui l’ignorance rationnelle est une stratégie dominante (Aranson [1989]). La diminution de l’incertitude d’un électeur sur les caractéristiques d’un candidat peut se traduire ceteris paribus par une augmentation de sa probabilité de voter pour ce candidat (Alvarez [1997]).
Les suffrages obtenus par chaque candidat sont également influencés par la dépense du ou des autres candidats. En effet, la dépense d’un candidat, puisqu’elle augmente ses suffrages, diminue par conséquent les suffrages des autres candidats. J.-D. Lafay utilise le concept de « déséconomies externes liées à l’activité du concurrent » ([1980], p. 15). La dépense électorale de chaque candidat a donc deux effets : un effet positif (ou effet direct) qui permet au candidat d’obtenir des suffrages, et un effet négatif (effet indirect ou croisé) qui, volontairement ou involontairement, nuit aux résultats des autres candidats. Les caractéristiques du candidat ou de la circonscription influent sur le niveau de la fonction de transformation de la dépense. Par exemple, un candidat sortant connaît, du fait de sa notoriété, une courbe de transformation de la dépense plus élevée (Mueller [1989], p. 211).
Si l’effet de la dépense des autres candidats soulève peu d’interrogations, les effets des variations marginales de la dépense électorale du candidat sur ses suffrages posent plus de problèmes. Les débats théoriques et empiriques portent ainsi sur la forme explicite de la fonction de transformation, c’est-à-dire sur le signe de la dérivée seconde de la fonction par rapport à la dépense du candidat.
Les études empiriques
9 Empiriquement, différentes formes fonctionnelles de transformation de la dépense en suffrages ont été testées : linéaire, quadratique ou logarithmique, sur différents types de scrutin et pour différents pays.
10 Ces études testent la fonction de production de vote soit pour un ensemble de candidats d’un même camp politique, soit pour l’ensemble des candidats sortants. Pour le premier groupe, l’effet marginal de la dépense sur le vote est supposé identique pour les sortants et leurs challengers. Les différences d’efficacité dans la dépense s’expliquent par des différences partisanes. Pour le second groupe, le principal résultat indique que le rendement marginal de la dépense est plus important pour les challengers que pour les sortants, dont le rendement marginal estimé est faible, nul ou négatif. Ce résultat soulève alors des interrogations concernant l’efficacité des dépenses électorales. Deux types de réponses, l’une théorique, les autres empiriques, ont été apportés.
11 La réponse théorique, fournie par Jacobson ([1978] et [1990]), explique la relative inefficacité de la dépense du sortant par le fait que ce dernier commence à dépenser avant son ou ses challengers [2]. Il se trouve alors sur la partie haute de la courbe de production de vote et sur la partie basse de la courbe de rendement marginal de la dépense, expliquant ainsi un gain marginal plus faible.
12 Les réponses empiriques ont tenté d’améliorer les estimations par l’endogénéisation des variables. Elles abandonnent l’hypothèse selon laquelle les dépenses des différents candidats sont exogènes, et elles endogénéisent les dépenses des candidats sortants (Welch [1981]). Il y a une simultanéité dans la détermination des suffrages du candidat et son niveau de dépense.
13 D’un point de vue économétrique, cela s’est traduit par l’abandon de la méthode de régression par les moindres carrés ordinaires (mco) au profit d’une instrumentalisation des variables de dépenses. Quelques études (Green et Krasno [1988], Banaian et Luksetich [1991], Kenny et McBurnett [1994], Erikson et Palfrey [1998], Gerber [1998] et O’Brien [2002]) utilisent cette méthode alternative [3]. Elles parviennent à des résultats proches, selon lesquels le rendement marginal de la dépense du candidat sortant est positif et similaire à celui de ses challengers, c’est-à-dire des résultats plus proches des prédictions théoriques.
Les fonctions de transformation de la dépense électorale dans le cas français
14 Concernant la France, il existe une seule étude empirique concernant les effets des dépenses de campagne sur le vote (Palda et Palda [1998]) portant sur les élections législatives de 1993. Malgré des approximations économétriques [4], elle conclut à un rendement marginal de la dépense du sortant positif et inférieur de moitié au rendement des challengers. La question de l’endogénéité de la variable de dépense du sortant n’est pas évoquée rendant l’estimation fragile.
15 De plus, les effets de la dépense sont distingués selon son origine (apport personnel, contributions des entreprises, dons,…). Il apparaît curieusement que l’augmentation de la dépense des sortants financée par des apports personnels entraîne une diminution des suffrages obtenus. L’explication apportée par les deux auteurs repose sur l’idée que les électeurs sanctionnent les candidats sortants qui « cherchent à acheter leur réélection ».
16 Deux critiques peuvent être adressées à l’encontre des conclusions de l’étude. Premièrement, aucun fondement théorique n’étaye l’idée que les sources de financement ont des effets différenciés sur les suffrages. Deuxièmement, les différences de financement peuvent s’expliquer par des comportements et des choix différents concernant le mode de financement. Par exemple, le choix pour un candidat d’utiliser des apports personnels peut résulter du fait qu’il ne parvient pas à obtenir d’autres sources de contributions parce que sa probabilité anticipée d’élection est trop faible pour attirer des soutiens financiers. Cela pourrait expliquer le résultat économétrique et renforce l’idée de l’existence d’un biais d’endogénéité concernant le calcul du coefficient affecté à la variable de dépense du sortant.
17 En outre, et depuis cette étude, la réglementation concernant les dépenses électorales a été modifiée. Ainsi, depuis 1995, les plafonds de dépense (calculés par circonscription) ont été abaissés, les contributions des personnes morales privées (entreprises et associations) interdites, et les dons des particuliers limités. En contrepartie, les candidats sont remboursés sous certaines conditions d’une partie de leurs dépenses [5]. Remboursement qui ne peut dépasser la moitié du plafond de dépense. Les fonctions théoriques de transformation de la dépense se trouvent ainsi bornées, et le coût de la dépense diminué en cas de remboursement (Foucault et François [2002]).
18 Sous l’hypothèse que les candidats se conforment à la réglementation, c’est-à-dire qu’ils limitent leurs dépenses effectives sans trouver des moyens détournés pour accroître leurs dépenses, il reste à savoir si cette réglementation modifie le rendement de la dépense électorale et ainsi la nature de la concurrence politique. Évidemment, l’objectif poursuivi par les candidats reste la victoire électorale ou la maximisation des voix obtenues. Mais, en raison de la limitation des dépenses et de leur publicisation qui rend l’accès au financement plus facile, la concurrence entre les candidats ne peut plus prendre la forme d’une course à la dépense et de facto une course aux financements, et ce d’autant que les financeurs privés sont totalement exclus.
Les élections législatives de 1997
Présentation du scrutin
19 Le choix des élections législatives françaises de 1997, comme cadre d’analyse empirique, s’explique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le législateur a profondément modifié et amendé les règles encadrant les dépenses électorales depuis 1988. Les élections de 1997 sont ainsi les premières qui ont lieu avec une structure réglementaire connue, expérimentée et relativement stabilisée.
20 Ensuite, il s’agit d’élections inattendues résultant d’une dissolution non anticipée en fin de législature (1993-1998). Cela a obligé les candidats, qui n’avaient pas planifié ces élections, à une action rapide et efficace dans leur recherche de financement. En d’autres termes, les futurs candidats n’ont pas eu de stratégie patrimoniale dans la préparation d’une élection prévue.
21 Enfin, le scrutin législatif est, par circonscription géographique, majoritaire uninominal à deux tours. Seuls les candidats ayant réalisé au premier tour plus de 12,5 % des suffrages des inscrits peuvent se maintenir au second tour. Il est ainsi possible d’assister à des triangulaires ou à des quadrangulaires au second tour. La spécificité d’une élection législative est de concentrer à la fois des enjeux nationaux et locaux. En outre, il correspond au mandat électif (à l’exception du mandat présidentiel) le plus valorisé par les hommes politiques français.
Présentation de la base
22 La base de données est composée des 6 197 candidats présents au premier tour dans les 554 circonscriptions (les 555 circonscriptions de la métropole moins la première circonscription de l’Ain dont l’élection a été annulée). Pour cette élection, 503 députés sortants se représentaient, soit environ 90 % de l’Assemblée nationale sortante. Nous connaissons pour chaque candidat le pourcentage de voix obtenues, le niveau de dépenses de campagne [6] et des informations qualitatives.
23 En outre, les comptes de campagne déposés par les candidats ne distinguent pas l’affectation des dépenses entre le premier et le second tour. Il est alors supposé que le surplus de dépense, lié à une présence au second tour, est identique pour tous les candidats. Par conséquent, il est nécessaire d’exclure de l’étude les candidats sortants qui n’ont pu se maintenir au second (21 cas) ainsi que ceux élus au premier tour (7 cas). Nos tests empiriques concernent donc sur un échantillon composé de 475 observations.
24 Habituellement, les études empiriques (principalement anglo-saxonnes) s’attachent à analyser les voix du candidat sortant. Il est donc apparu opportun de garder ce choix discriminant ex ante pour des raisons évidentes de cohérence économétrique et de d’analyse comparative.
25 Toutefois, il existe un certain nombre de problèmes propres au scrutin législatif français. En effet, contrairement aux élections anglo-saxonnes, les élections législatives françaises comportent deux tours. Cela implique de faire un choix entre expliquer la victoire (2e tour) et expliquer la position du sortant par rapport à l’ensemble des adversaires (1er tour). En décidant de porter notre analyse sur le premier tour, nous avons ainsi levé les phénomènes d’alliance entre les deux tours qui masquent et réduisent l’information sur les comportements individuels des candidats. En ce sens, l’analyse ne porte pas sur l’incidence de la dépense sur la victoire électorale, même si le résultat du premier tour a une influence considérable sur la victoire finale.
Suffrages et dépenses
26 Nous avons ainsi distingué les 475 candidats présents au second tour (s) parmi les 503 candidats sortants des 554 circonscriptions disponibles. Ces sortants ne sont pas nécessairement les candidats les mieux placés au premier tour. Statistiquement, ils occupent au minimum le troisième rang dans les voix obtenues au premier tour [7] (6 observations), ils occupent la deuxième place dans 113 cas, et le premier rang dans 356 circonscriptions. Il est important de noter que le sortant arrivé en tête du premier tour dispose en moyenne d’une avance de 9,7 points de pourcentage de voix par rapport à son premier challenger (tableau 1).
Scrutin de 1997
Scrutin de 1997
27 Ensuite, les candidats (hormis le sortant) sont classés selon leurs suffrages obtenus. Le candidat ayant obtenu le meilleur score au premier tour (même s’il n’est pas présent au second) est considéré comme le challenger direct (c1) du sortant. Les candidats, classés deuxième et troisième en termes de voix (idem), sont considérés respectivement comme le deuxième challenger (c2) et le troisième challenger (c3).
28 Il ressort du scrutin de 1997 un net avantage en voix dès le premier pour les candidats sortants, avantage d’autant plus fort que le sortant appartient à un parti de gauche. Toutefois, cette avance ne signifie pas nécessairement une victoire au second tour. En effet, nous observons un phénomène politique récurrent pour les élections législatives françaises : la défaite systématique de la majorité sortante depuis 1978. Il y a donc un malus pour les sortants en France. Ce malus est renforcé pour les élections législatives de 1997. La majorité sortante, élue en 1993, avait obtenu la plus forte majorité de la Cinquième République. Elle présente donc un très grand nombre de sortants en 1997.
29 Le tableau 2 indique les montants monétaires engagés durant la campagne législative de 1997 pour chaque type de candidat. Il ressort que chaque voix gagnée par le sortant aura « coûté » environ 12 FF contre 11 FF pour c1 et 10 FF pour c2. En moyenne, les sortants obtiennent un score plus élevé au premier tour que l’ensemble des challengers et consacrent des sommes monétaires plus élevées. On s’aperçoit que les écarts entre les deux premiers candidats sont plus faibles qu’entre le challenger 1 et les autres challengers. Il existe une forme d’appariement où deux groupes de candidats distincts émergent : d’un côté, le sortant et son premier challenger et, de l’autre, les challengers restants. Pour autant, un simple calcul du coefficient de variation [8] des voix entre le sortant et le challenger 1 d’une part, et des dépenses d’autre part, met en évidence une différence de comportement. Alors que la position de S et c1 converge en matière de suffrages obtenus (CV = 0,03), elle diverge plus fortement en matière de dépenses (CV = – 0,06). Il semble donc probable que la réglementation ait faiblement contribué à réduire la dispersion des dépenses de campagne entre les candidats quel que soit leur statut.
Résultats et dépenses du député sortant
Résultats et dépenses du député sortant
30 Pour autant, l’importance de l’écart des voix entre le sortant et le challenger 1 (environ 6 points de pourcentage) ne se retrouve pas dans l’écart des dépenses (70 centimes par inscrit). Les niveaux de dépense doivent être comparés au plafond de dépense disponible pour chaque circonscription. Le montant du plafond de dépense est déterminé à partir d’un montant fixe de 250 000 FF pour toutes les circonscriptions et d’une part variable correspondant à 1,1 FF par électeur inscrit dans la circonscription. En moyenne, il s’élève à 5,53 FF par inscrit (tableau 3).
Plafonds de dépense aux élections législatives
Plafonds de dépense aux élections législatives
31 En rapportant le niveau de dépense des candidats au montant maximal autorisé, il est possible d’obtenir le taux de dépense défini comme le rapport en pourcentage de la dépense individuelle sur le plafond de la circonscription. En moyenne pour les candidats sortants présents au second tour (tableau 3), ce taux s’élève à 66 % contre 53, 46, et 36 % pour respectivement les premier, second et troisième challengers.
32 Autrement dit, il apparaît, d’une part, que la diminution de plafond intervenu entre 1993 et 1997 est peu contraignante pour les candidats puisqu’ils se trouvent assez largement en dessous de son montant, et d’autre part, que les questions de financement des campagnes jouent un rôle important dans la détermination du niveau de dépense. Ce dernier constat renforce la nécessité de prendre en compte dans l’estimation du rendement électoral la détermination simultanée de la dépense et son caractère endogène.
Estimation du rendement des dépenses électorales des sortants
33 Il s’agit d’évaluer empiriquement le rendement en termes de voix de la dépense des sortants aux élections législatives. Nous procéderons à une estimation par la méthode des moindres carrés ordinaires, puis nous choisirons d’instrumentaliser la dépense du sortant afin de mettre en évidence la possibilité d’un biais d’endogénéité dans le calcul du coefficient de la dépense du sortant. À l’instar des modèles anglo-saxons, nous faisons le choix méthodologique d’instrumentaliser la dépense.
34 De manière canonique, il s’agit de tester la relation fonctionnelle suivante :
Variables influençant les voix du sortant
36 En s’appuyant sur les travaux précédemment cités, on admettra que les voix du sortant (Svoix) sont soumises à l’influence de trois catégories de variables [9].
37 • Les dépenses des candidats représentent les variables quantitatives déterminantes de notre modèle puisqu’elles nous permettent d’évaluer les effets d’un franc dépensé par inscrit par le challenger 1, le challenger 2 et l’ensemble des autres candidats. Les dépenses sont exprimées en franc par électeur inscrit, ce qui permet une comparaison entre des circonscriptions dont les évolutions démographiques divergent. Ainsi, sDepI, c1DepI, c2DepI et AutDepI représentent respectivement les dépenses totales engagées par le sortant, le challenger 1, le challenger 2 et l’ensemble des autres candidats.
38 De plus, il est supposé que plus le niveau de la dépense augmente, plus son influence sur le vote final se réduira. Afin de tenir compte de la décroissance du rendement, le logarithme naturel de la dépense par inscrit est utilisé dans les régressions.
39 Enfin, il est attendu que le signe de sDepI soit positif illustrant un effet direct positif de la dépense du sortant sur son score, alors que les signes de c1DepI, c2DepI et AutDepI soient négatifs, admettant ainsi un effet croisé défavorable au sortant pour chaque franc engagé par ses principaux adversaires.
40 • Les caractéristiques personnelles des candidats (Y) retracent l’ensemble des variables de contrôle de leur activité politique. Trois variables alors sont prises en compte. Premièrement, la variable Snbmand correspond au nombre de mandats locaux possédés par le candidat sortant au moment de l’élection et en dehors du mandat de député qu’il occupe déjà. Cette variable permet de savoir s’il existe en quelque sorte des économies d’envergure dans la production de mandats (locaux) favorables à l’occupation d’un mandat national. Le signe de Snbmand est attendu positif. Plus le nombre de mandats possédés est élevé, plus la probabilité d’être élu est forte.
41 Cette première variable est complétée par la variable SExeLoc, qui nous informe sur le fait que le candidat sortant appartient au moment de l’élection à un exécutif local, c’est-à-dire est maire adjoint, maire, vice-président ou président d’un conseil général ou régional [10]. Son signe attendu est également positif puisque l’accès aux responsabilités exécutives locales octroie une notoriété politique plus importante notamment au travers de la communication de ces institutions locales.
42 Une troisième variable qualitative, SPedigre, nous renseigne sur la capacité du sortant à accéder aux différents médias nationaux [11] et donc à bénéficier d’une reconnaissance publique supplémentaire dans sa circonscription. À son tour, le signe de la variable SPedigre est attendu positif. Cette variable constitue une approximation du capital politique des sortants (Coats et Dalton, [1992]).
43 • Les variables politico-économiques nous informent sur les caractéristiques de la circonscription (Z j ). Le premier ensemble de variables correspond au nombre de candidats présents dans la circonscription (Nbcand) ainsi que le carré de ce nombre (Nbcand²). La forme polynomiale de la relation entre le nombre de candidats et les voix du sortant s’explique par l’existence d’une relation non linéaire. Ainsi, il apparaît que, dans un premier temps, l’accroissement du nombre de candidatures nuit au candidat sortant par une dispersion possible des suffrages. Mais, dans un second temps, un trop grand nombre de candidats peut créer un effet de confusion parmi l’électorat, dont le candidat sortant, du fait de son surcroît de notoriété, peut bénéficier (Fauvelle-Aymar et François [2005]). Le signe théorique du coefficient de la première variable est attendu négatif et celui de la seconde positif.
44 La seconde variable caractérisant la circonscription correspond au taux de chômage lorsque le sortant est de droite (Dtxchomage). Ce taux n’étant pas disponible pour 1997, il s’agit de celui de l’année 1999 [12]. Il est donc supposé que les écarts de chômage entre les circonscriptions sont restés identiques entre les deux dates, en d’autres termes que les évolutions de 1997 à 1999 sont homogènes parmi les circonscriptions françaises. La droite étant le camp politique sortant, il apparaît logique que le chômage ait une incidence sur les suffrages du candidat sortant lorsque ce dernier appartient à la majorité sortante. Cette variable permet en outre d’intégrer une donnée caractéristique de la situation économique dans chaque circonscription. Nous retrouvons ici la relation habituelle entre performance économique (au travers du chômage) et résultats électoraux (Nannestad et Paldam [1994]). Par conséquent, le signe attendu de la variable est négatif.
Variables influençant les dépenses du sortant
45 L’estimation utilisant les doubles moindres carrés instrumentalise la dépense du candidat sortant par l’ajout de cinq variables explicatives, en plus des variables décrites ci-dessus et qui concernent les caractéristiques du candidat ou de la circonscription. Toute la difficulté réside dans le choix de ces variables supplémentaires qui doivent au minimum sur les suffrages obtenus. Parmi ces cinq nouvelles variables, trois concernent le candidat et deux la circonscription.
46 – Les variables de la circonscription sont, d’une part, le logarithme naturel du plafond de dépense autorisé dans la circonscription (LogPlafI) et l’indice Herfindhal de concentration des voix dans cette circonscription lors des élections précédentes de 1993 (IndHVx93). La première variable permet de prendre en compte l’importance de la réglementation en matière de financement. La seconde traduit l’effet de la concurrence électorale sur les comportements de dépense. Le signe attendu de ces deux variables institutionnelles est positif.
47 – Les variables concernant le candidat sortant sont le logarithme naturel de sa dépense par inscrit lors de l’élection précédente de 1993 (LogDepI93), la part (en pourcentage des dépenses) des apports personnels (SpartPer) et de la contribution du parti politique (SpartPP) dans son financement. Ces trois variables retracent les stratégies de financement retenues par les candidats.
48 Les dépenses du candidat sortant s’expliquent donc par la relation suivante :
Estimation des suffrages du sortant : mco vs . dmc
50 La régression est réalisée à partir de la méthode des mco dans le premier modèle et de la méthode dmc (2SLS) dans le second modèle. Dans ce second modèle, la variable de dépense du sortant est une variable endogène et les autres variables explicatives sont exogènes. Les résultats obtenus par la méthode mco et par la méthode dmc seront présentés en parallèle dans le tableau 4. Les résultats de l’explication de la variable de dépense du sortant du second modèle sont donnés par la suite.
51 Afin de réduire l’incidence d’une éventuelle présence d’hétéroscédasticité [13] dans la régression, les écarts types des coefficients sont calculés à partir de la méthode de White-Huber-Sandwich qui sont alors à variance minimale. Globalement, la qualité des estimations est satisfaisante, et la capacité d’explication relativement bonne (R² ajusté au-dessus de 40 %).
Estimation des suffrages du sortant (Svoix)
Estimation des suffrages du sortant (Svoix)
52 Concernant le premier modèle (mco), le coefficient de la dépense du sortant et du challenger 2 ne sont pas significatifs. En revanche, le coefficient estimé devient statistiquement différent de zéro lorsque la variable est endogénéisée. Même si le test d’Hausman de spécification ne laisse pas supposer que la seconde méthode est plus efficiente que la première [14], il est vrai que l’hypothèse de présence d’un biais d’endogénéité pesant sur l’estimateur de la dépense du candidat sortant apparaît vérifiée.
53 Ainsi, une variation de 1 % de la dépense par inscrit du candidat sortant induit une augmentation de ses suffrages de 0,035 point de pourcentage. Aux valeurs moyennes, l’augmentation de 1 % de la dépense (correspondant à une augmentation d’un peu moins de 4 centimes par inscrit) se traduit par une augmentation de 24 votes (pour une circonscription moyenne de 68 500 électeurs). L’effet direct de la dépense du candidat est ainsi vérifié. De plus, la relation croissante à rendement décroissant est également vérifiée : plus le candidat dépense, et moins cette dépense supplémentaire lui rapporte de suffrages ; sans pour autant que ce rendement devienne négatif.
54 Symétriquement, les dépenses des autres candidats ont une incidence négative sur les suffrages du député sortant. Les dépenses des autres candidats ont ainsi un effet indirect plus important que les premier et second challengers. Plus précisément, une augmentation de 1 % de la dépense du premier, du second et d’un des autres challengers entraîne une diminution respective de 0,03, 0,015 et 0,032 point de pourcentage des suffrages du sortant. Pour une circonscription moyenne de 68 500 électeurs, cela correspond à une perte de 20, 10 et 22 voix.
55 En outre, l’effet agrégé des dépenses est défavorable au candidat sortant puisque la somme des quatre coefficients est négative.
Variables de contrôle
56 Concernant les autres variables, le signe des coefficients estimés correspond à celui attendu à l’exception de l’effet du cumul des mandats (Snbmand), et leur valeur absolue varie peu entre les deux méthodes de régression [15]. Ainsi, le niveau du chômage dans la circonscription pèse sur les suffrages du candidat sortant lorsque ce dernier est de droite. Plus exactement, un point de pourcentage de chômage se traduit par une perte de 0,2 point de pourcentage de suffrages, soit 137 votes pour une circonscription moyenne de 68 500 électeurs. L’accroissement du nombre de candidats n’a pas un effet linéaire sur les suffrages du sortant : l’augmentation numérique de la concurrence a d’abord un effet négatif, cet effet étant de plus en plus faible et peut s’inverser dans les circonscriptions connaissant un très grand nombre de candidats.
57 Les caractéristiques du candidat ont également une influence. En effet, être ancien ministre, avoir un accès aux médias nationaux, et posséder un mandat dans un exécutif local sont autant de situations qui augmentent le nombre de suffrages.
58 En revanche, le cumul de mandats locaux n’a pas d’incidence, ce dernier résultat pouvant s’expliquer par le fait que cette stratégie est tellement répandue parmi le personnel politique français et parmi les députés sortants (François [2003]) qu’il ne permet pas de faire la différence parmi les candidats sortants.
Estimation des dépenses du sortant par la méthode dmc
59 La présentation détaillée de l’estimation des dépenses des candidats sortants (dmc) montre que les résultats obtenus pour l’estimation de la dépense du sortant (tableau 5) utilisés dans le modèle des doubles moindres carrés correspondent à ceux attendus concernant les nouvelles variables introduites (à l’exception de l’indice de concentration des voix en 1993 dont le coefficient n’est pas statistiquement significatif). La qualité de l’estimation est en outre similaire à celle portant sur les suffrages du candidat sortant.
Déterminants de la dépense du candidat sortant
Déterminants de la dépense du candidat sortant
60 On remarque que le nombre de mandats locaux n’a pas d’incidence sur le niveau de dépense et que la possession d’un mandat dans un exécutif local diminue ce niveau. Ces résultats s’expliqueraient par le fait que la notoriété locale et l’accès aux ressources des exécutifs locaux, notamment en termes de communication, diminue le besoin de dépense. Par ailleurs, plus les apports personnels ou les apports partisans représentent une part importante des ressources et moins le candidat dépense, ce qui s’explique par les relations complexes de substitution et/ou de complémentarité entre les sources de financement et par les modalités du financement public (François [2003]).
Conclusions
61 Les résultats obtenus dans cette étude peuvent être mis en perspective, d’une part, dans l’espace et, d’autre part, dans le temps.
62 En comparant nos résultats à ceux obtenus par des études récentes lors des élections américaines et instrumentalisant les dépenses, il apparaît que l’hypothèse de présence d’un biais d’endogénéité est récurrente (tableau 6). Les travaux utilisant la méthode des moindres carrés ordinaires concluent généralement à l’absence d’impact de la dépense ou à la présence d’un effet négatif, résultat identique à celui obtenu dans notre étude avec cette méthode. À l’inverse, les études qui tentent de prendre en compte la présence du biais d’endogénéité concluent toutes à l’existence d’un impact positif et significatif de la dépense du candidat sortant sur ses suffrages. Dès lors, les résultats empiriques obtenus pour les élections législatives françaises de 1997 s’inscrivent pleinement dans les conclusions des études récentes.
Mise en perspective d’études empiriques [16] récentes
Mise en perspective d’études empiriques [16] récentes
63 Du fait de différences dans les estimations économétriques (définition des variables, montants moyens, spécification des fonctions, etc.), il est difficile de comparer les résultats obtenus. L’étude de Gerber (1998) est celle dont la spécification est volontairement la plus proche de notre travail. L’effet des dépenses électorales semble alors deux fois plus important aux États-Unis qu’en France. En effet, une augmentation de 10 % de la dépense par inscrit des candidats sortants aux élections sénatoriales américaines induit une augmentation d’environ 0,6 point de pourcentage des suffrages, alors que la même augmentation aux élections législatives françaises de 1997 se traduit par une augmentation de 0,3 point de pourcentage des suffrages obtenus par le candidat sortant.
64 L’autre étude (Palda et Palda [1998]) portant sur le processus électoral français offre une opportunité de comparaison temporelle. Au-delà des problèmes de méthodologie économétrique, cette étude conclut au fait qu’une augmentation d’un franc de la dépense par inscrit du candidat sortant se traduit par une augmentation de 1,01 point de pourcentage des suffrages obtenus. Sachant qu’en 1993 la dépense moyenne par inscrit s’élevait à 4,68 FF et qu’une augmentation d’un franc correspond à un accroissement de 21 % de la dépense par inscrit, une augmentation de 1 % se traduit par un gain de vingt et une fois moins important, soit 0,05 point de suffrage, sous l’hypothèse de constance des paramètres. Malgré des méthodes d’estimation différentes et surtout une modification importante de la réglementation en matière de financement politique et électoral entre les élections législatives de 1993 et de 1997, notre résultat principal (rendement marginal estimé à 0,03 point de suffrage) reste relativement proche de l’étude de Palda et Palda.
65 En conclusion, nous pouvons avancer que les dépenses électorales en France ont une incidence significative sur les résultats des scrutins législatifs, sous réserve de prendre en compte le caractère endogène de la dépense du candidat. Ce résultat permet ainsi de montrer qu’en présence d’une réglementation stricte qui, d’une part, limite les possibilités de financement et de dépense, et, d’autre part, finance une grande part des activités électorales, les dépenses monétaires jouent un rôle non négligeable dans le déroulement et le dénouement des élections.
Statistiques descriptives des variables utilisées
La réglementation française sur les dépenses de campagne
66 La réglementation française sur le financement de la vie politique est née à la fin des années 1980 pour répondre à quatre considérations : l’explosion des dépenses de campagne, dont l’apogée est l’élection présidentielle de 1988 ; le dévoilement et la médiatisation d’un certain nombre de scandales politico-financiers ; un vide juridique de plus en plus embarrassant ; et enfin la préparation d’une auto-amnistie générale du personnel politique concernant le financement de la vie politique. La réglementation a évolué un certain temps (lois du 15 janvier 1990, du 10 mai 1990, du 19 janvier 1995, du 8 février 1995) avant de se stabiliser et de s’enrichir des premières jurisprudences [17].
67 La réglementation des dépenses de campagne électorale poursuit deux objectifs principaux en plus de la transparence des comptes. Premièrement, il s’agit de limiter les dépenses de campagne des candidats en lice. Et, deuxièmement, il s’agit d’encourager l’activité politique, et sa transparence, par un financement public.
68 Ainsi, en plus de l’interdiction de certaines dépenses, la réglementation a fixé un cadre très strict de limitation des dépenses de campagne. Pour les élections législatives, un plafond de dépense est institué. Ce plafond dépend du nombre d’électeurs inscrits dans la circonscription, et son dépassement entraîne l’annulation juridique de l’élection.
69 Concernant le volet recettes, la réglementation apparaît encore plus restrictive. En effet, seuls les dons des personnes physiques et des partis politiques sont autorisés, les dons des personnes morales, qu’elles soient publiques (établissement public, collectivité locale) ou privées (entreprises et associations) sont par conséquence interdits.
70 En contrepartie, il existe un financement public qui rembourse en partie les candidats. Le mécanisme du remboursement public des dépenses de campagne repose sur trois conditions. Tout d’abord, le candidat doit avoir obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Ensuite, le montant du remboursement se fait sur dépenses réelles et ne peut excéder la moitié du montant du plafond de dépense autorisé pour la circonscription. Enfin, la condition de source du financement stipule que seuls les apports personnels du candidat seront pris en compte pour son remboursement. Le but de cette dernière condition est d’éviter tout enrichissement personnel ou une redondance du financement public des activités politiques [18].
71 Cette limitation des dépenses et le remboursement public, en plus des interdictions de certaines activités, encadrent donc strictement tant les activités de propagande politique que les dépenses et les recettes de campagne.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- Alvarez M. [1997], Information and Election, Michigan, University of Michigan Press.
- Aranson P. [1989], « Rational ignorance in politics, economics and law », Journal des économistes et des études humaines, 1 (1), p. 25-42.
- Banaian K. et Luksetich W. [1991], « Campaign spending in congressional elections », Economic Inquiry, 29, p. 92-100.
- Camby J.-P. [1995], Le financement de la vie politique en France, Paris, Montchrestien.
- Carlsen F. [2000], « Unemployment, inflation and government popularity – are there partisan effects ? », Electoral Studies, 19, p. 141-150.
- Coates R. M. et Dalton T. R. [1992], « Entry barriers in politics and uncontested elections », Journal of Public Economics, 49, p. 75-90.
- Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques [1998], Journal Officiel de la République française, édition des Documents administratifs, Publication simplifiée des comptes de campagne, n° 18, jeudi 30 juillet 1998.
- Crain M., Leavens D. et Tollison R. [1988], « Laissez-faire in Campaign Finance », Public Choice, 56, p. 201-212.
- Erikson R. et Palfrey T. [1998], « Campaign spending and incumbency : An alternative simultaneous equations approach », Journal of Politics, 60 (2), p. 355-373.
- Fauvelle-Aymar C. et François A. [2005], « Campaign, political preference and turnout. An empirical study of the 1997 French legislative election », French Politics, 3 (1), p. 49-72.
- Fleck R. et Kilby C. [2002], « Reassessing the role of constituency in congressional voting : a fuzzy approach », Public Choice, 112, p. 31-53.
- Foucault M. et François A. [2002], « Explaining the influence of public regulation on campaign expenditures choices », Communication presented at the 2002 Annual Meeting of European Public Choice Society, Belgirate, avril.
- François A. [2003], Economie politique des ressources affectées aux campagnes électorales. Analyses théoriques et empiriques, thèse pour le doctorat de Sciences économiques, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, décembre 2003.
- Gerber A. [1998], « Estimating the effect of campaign spending on Senate election outcomes using instrumental variables », American Political Science Review, 92 (2), p. 401-411.
- Green D. et Krasno J. [1988], « Salvation for the spendthrift incumbent : Reestimating the effects of campaign spending in house elections », American Journal of Political Science, 32, p. 884-907.
- Jacobson G. [1990], « The effects of campaign spending in house elections : new evidence for old arguments », American Journal of Political Science, 34, p. 334-62.
- Jacobson G. [1978], « The effect of campaign spending in congressional elections », American Political Science Review, 72, p. 469-491.
- Kenny C. et Mc Burnett M. [1992], « An individual level multi-equation model of expenditure effects in contested house elections », American Political Science Review, 88, p. 699-710.
- Lafay J-D. [1980], « L’analyse économétrique des dépenses électorales », Analyses de la sedeis , 13, p. 13-23.
- Lewis-Beck M.S. et Paldam M. [2000], « Economic voting : An introduction », Electoral Studies, 19, p. 113-121.
- Lott J. et Warner P. [1974], « The relative importance of campaign expenditures : An application of production theory », Quality and Quantity, 8, p. 99-105.
- Mueller D. C. [1989], Public Choice II, Cambridge : The Cambridge University Press.
- Nannestad P. et Paldam M. [1994], « The VP-Function : A Survey of the Literature on Vote and Popularity Functions after 25 years », Public Choice, 79, p. 213-245.
- Nelson P. [1976], « Political Information », Journal of Law and Economics, 19, p. 315-337.
- Norpoth H., Lewis-Beck M.S. et Lafay J.-D. (eds) [1991], Economics and Politics : The Calculus of Support, Ann Arbor (mi.), University of Michigan Press.
- O’Brien W. [2002], « Does Campaign Spending on Advertising Determine Market Share ? », Journal of Business and Economic Studies, 8, p. 65-86.
- Palda F. et Palda K. [1985], « Ceilings on Campaign Spending : Hypothesis and Partial Test with Canadian », Public Choice, 45, p. 313-331.
- Palda F. et Palda K. [1998], « The impact of campaign expenditures on political competition in the French legislative elections of 1993 », Public Choice, 94, p. 157-174.
- Stratmann T. et Aparicio-Castillo F. J. [2001], « Competition Policy for Elections : Do Campaign Contribution Limits Matter ? », gmu Working Paper.
- Welch W. [1981], « Money and votes : A simultaneous model », Public Choice, 36, p. 209-234.
Notes
-
[*]
European University Institute, Robert Schuman Centre for Advanced Studies, Via delle Fontanelle 19, 50016 San Domenico di Fiesole, Italie (courriel : martial. foucault@ iue. it) et Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
-
[**]
Laboratoire d’économie publique (laep), Université Paris I Panthéon-Sorbonne (courriel : abel@ univ-paris1. fr) et Maison des sciences économiques, 106/112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13.
-
[1]
Les variables non monétaires généralement utilisées sont l’appartenance politique, l’ancienneté, la réglementation sur les financements électoraux (Palda et Palda [1985], Crain et al. [1988], Stratmann et Aparicio-Castillo [2002], Foucault et François [2002]) et les caractéristiques politico-économiques de la circonscription d’élection (Fleck et Kilby [2002]), etc.
-
[2]
En plus de disposer d’autres avantages qui vont peser sur le niveau de sa fonction reliant les dépenses aux suffrages.
-
[3]
Les méthodes économétriques utilisées sont, premièrement, la régression linéaire par les doubles moindres carrés des dépenses de campagne. Dans ce cas, la première étape vise à expliquer la dépense du sortant, la seconde à expliquer les suffrages obtenus par le sortant tout en conservant les résultats de la première étape. Deuxièmement, il s’agit de la méthode des équations simultanées, expliquant simultanément la dépense du sortant, la dépense du challenger et les suffrages du sortant.
-
[4]
En particulier, la lecture des coefficients des deux premières régressions tient compte davantage compte de l’intervalle de confiance que la valeur réelle du coefficient.
-
[5]
Pour le détail de la réglementation française, voir l’annexe 2.
-
[6]
Les montants des dépenses des candidats, ainsi que la décomposition de leurs ressources proviennent des comptes de campagne déposés auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (ccfp, 1998).
-
[7]
Ce résultat est rendu possible par les accords de désistement à l’intérieur des coalitions électorales : le candidat sortant peut être devancé par deux candidats de la même coalition, le second se désistant au second tour en faveur du candidat en tête.
-
[8]
Le coefficient de variation des dépenses est donné par
Le coefficient de variation des suffrages est donné par . -
[9]
Une présentation statistique des variables est donnée dans l’annexe 1.
-
[10]
Il est à noter que la corrélation entre les variables du nombre de mandats locaux et de l’appartenance à un exécutif local est très faible bien que statistiquement significative (uniquement au seuil de 0.1) et négative puisque le coefficient de corrélation entre les deux variables s’élève à – 0.088.
-
[11]
La variable est construite à partir des relevés du csa (« Les élections législatives (25 mai et 1er juin 1997) Rapport sur la campagne à la radio et à la télévision », août 1997) et sur les relevés opérés par Foucault et François. Elle regroupe également les ministres et anciens ministres.
-
[12]
Les données proviennent du recensement général de l’insee de 1999 dont une exploitation par circonscription a été effectuée à la demande des députés.
-
[13]
Hétéroscédasticité qui n’a pas été détectée lors de l’examen graphique des résidus.
-
[14]
En supposant que les mco sont la méthode d’estimation la plus efficiente, la valeur du ? 2 est de – 3,83, ce qui peut s’interpréter comme une preuve importante qu’on ne peut rejeter l’hypothèse nulle selon laquelle les différences de coefficients sont systématiques.
-
[15]
Les faibles différences entre les coefficients estimés et entre leur écart type des deux estimations expliquent le fait que le test d’Hausman de différence systématique entre les estimateurs ne soit pas concluant quant à la plus grande efficience d’une méthode sur l’autre.
-
[16]
Pour une présentation exhaustive des études et des résultats empiriques, voir François [2003].
-
[17]
Pour une revue plus détaillée de la législation et de son évolution, on se reportera à J.-P. Camby [1995].
-
[18]
Les partis politiques sont directement financés par des fonds publics à travers d’autres mécanismes. De plus, les dons des personnes physiques sont dans certaines mesures déductibles de la base d’imposition de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.